comment accélérer la transition ? - Congrès Interdisciplinaire du

agir
développement durable
2e Congrès interdisciplinaire
Comment accélérer
la transition ?
Les 20  et 21 mai, le monde académique belge et international se réunit à
Louvain-la-Neuve pour plancher, avec la société civile et plusieurs
personnalités de renom (Rob Hopkins, Martin Khor, Jeffrey Sachs entre autres),
sur la transition écologique. Un congrès transdisciplinaire qui débouchera sur
des réflexions et des pistes d’action.
M
D.R.
arek Hudon, professeur à la Solvay Brussels School of Economics and Management
– ULB, coorganise ce 2e Congrès interdisciplinaire du développement durable qui se tient les
20 et 21 mai prochains à Louvain-la-Neuve. Il nous
explique comment la science peut appuyer ce processus de transition.
Deux ans après une première expérience, vous coprésidez, avec Jean-Pascal van Ypersele, un deuxième congrès
interdisciplinaire consacré à la transition. Pourquoi ?
– Le congrès que nous avions organisé en 2013 avait rencontré un énorme succès. La totalité des 500 places disponibles
avait été réservée en seulement 9 jours, signe évident de
l’intérêt des universitaires, mais aussi des autres acteurs
de la société pour ce genre de dynamique. Cette fois, nous
avons prévu plus de places, l’Aula Magna de Louvain-laNeuve pouvant recevoir 1 200 personnes. Nous espérons y
accueillir un large éventail de personnes issues d’horizons
divers pour alimenter notre réflexion sur la transition, dont
l’urgence n’est malheureusement plus à démontrer.
Quelle est la spécificité de cet événement ?
– C’est un congrès qui se veut à la fois scientifique et interdisciplinaire. Une soixantaine de documents de recherche
vont nourrir l’ensemble de nos rencontres. Ces contributions
seront commentées par des chercheurs venus d’autres horizons que leurs auteurs : un physicien commentera un texte
d’un sociologue, un économiste celui d’un philosophe, etc.
C’est également un congrès transdisciplinaire. Les acteurs sociaux, les associations, les pouvoirs publics et les entreprises sont
aussi invités à échanger autour des recherches académiques. En
partenariat avec le Réseau Transition Wallonie-Bruxelles, nous
avons prévu des moments d’échanges entre les académiques
et ces différents acteurs. C’est essentiel si nous voulons appréhender au mieux la complexité des problématiques et éta-
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blir des ponts entre tous les acteurs de la transition.
Au final, il s’agit à la fois de faire progresser le savoir
scientifique, mais également d’encourager les décideurs politiques à amorcer la transition et à pousser
plus loin les multiples initiatives déjà en cours.
Il s’agit aussi, par ces échanges d’expériences, de
faire naître de nouvelles idées et de créer du lien
entre des acteurs qui, bien souvent, ne se côtoient
guère au quotidien.
Selon vous, comment pourrait-on précisément « accélérer la
transition » ?
– Le concept de transition doit tout d’abord quitter la sphère
des grandes idées pour mieux s’ancrer dans la vie locale et
dans le quotidien des citoyens. Des milliers d’initiatives de
transition existent déjà aujourd’hui. Elles doivent se rencontrer, se renforcer, faire parler d’elles et pousser les gens à aller
plus loin encore.
La transition, c’est voir comment des communautés peuvent
sortir de leur dépendance aux énergies fossiles et se tourner
vers des biens produits dans leur environnement immédiat.
C’est aussi renoncer à l’accumulation de biens matériels. Mais
ce renoncement, il faut évidemment le remplacer par quelque
chose : la convivialité, le partage de savoirs, la consommation
de biens culturels immatériels… Autant d’initiatives à développer au niveau local. C’est le cas par exemple des villes en
transition qui constituent de véritables expériences de proximité. Nous entendrons Rob Hopkins à ce sujet. Et nous réfléchirons aussi sur les moyens de mettre davantage en réseau
ces différentes expériences.
On s’intéressera également aux nouveaux modèles économiques comme l’économie circulaire, qui cherche à recycler
et à réutiliser au maximum les ressources. C’est aussi un moteur de changement important. Nous entendrons notamment
Gunter Pauli, un entrepreneur belge spécialisé dans ce domaine.
imagine 109 - mai / juin 2015
D.R.
Gunter Pauli, industriel belge, pionnier
dans l’économie circulaire
D.R.
Martin Khor, économiste malaisien,
figure du mouvement altermondialiste
D.R.
Rob Hopkins, géographe, initiateur du
mouvement des villes en transition,
enseignant en permaculture
Jeffrey Sachs, économiste à l’Université
Columbia (New York)
Laurence Tubiana, présidente de
l’Institut du développement durable,
ambassadrice de France chargée
des négociations sur le changement
climatique
Vous parlez de « partage »
et de « biens immatériels ».
Pensez-vous que les inégalités, qui vont croissant depuis 20 ans,
accélèrent les changements climatiques ?
– Les inégalités n’arrangent en tout cas rien. C’est ce que
montrent directement ou indirectement les travaux de Thomas
Piketty ou de Richard Wilkinson. L’accroissement des inégalités suscite des envies, engendre des frustrations parmi ceux
qui n’ont pas accès aux richesses. Voir certains mener leur vie
de façon incroyablement dispendieuse pousse d’autres à vouloir les imiter et alimente un système basé sur la quantité de
biens de consommation détenus plutôt que sur la qualité des
échanges. Je crois en effet que la transition passera par une
réduction des inégalités. — Propos recueillis par Jean-François Pollet
En pratique
Programme et inscriptions :
congrestransitiondurable.org
[email protected]
imagine 109 - mai / juin 2015
Jean-Pascal van Ypersele, vous êtes climatologue (Earth and Life Institut – UCL)
et coprésident de ce congrès. Qu’est-ce
qui différencie cet événement du congrès
de 2013 ?
– Lors de la 1re édition, nous avions
dressé un constat : il nous faut transformer au plus vite notre
manière d’habiter la Terre. Cette fois, nous irons un pas plus
loin, car il est effectivement grand temps d’aller vers une
occupation plus propre et plus juste. Nous ne sommes que les
« locataires » de notre petite planète. Et le temps presse dans
bien des domaines. Il y a six ans, une étude sur les limites planétaires dirigée
par Johan Rockström de l’Institut de l’environnement de
Stockholm (Suède) montrait, graphique à l’appui, les neuf frontières écologiques à ne pas dépasser si l’humanité veut pouvoir
se développer dans un écosystème sûr. Trois d’entre elles
étaient déjà dépassées : la concentration atmosphérique de C0²
(les changements climatiques), l’érosion de la biodiversité et la
perturbation des cycles de l’azote contenu dans les sols.
En deux ans, la situation a-t-elle évolué ?
– Oui. La mise à jour publiée en janvier dernier montre que la situation s’est encore dégradée pour ces trois frontières-là, et que deux
autres limites planétaires ont été franchies, concernant les cycles
de phosphore et le déboisement. C’est dire qu’il y a urgence.
D’où la nécessité d’accélérer la transition ?
– En effet. Il y a de nombreuses communautés où la transition est
déjà expérimentée. Et de plus en plus d’entreprises commencent
aussi à prendre au sérieux le développement durable tout en générant un profit, ce qui les motive à continuer. Malheureusement,
tout cela se produit à une échelle encore insuffisante.
Désormais, la question est : comment convaincre les politiques
et les citoyens d’accélérer ce processus de transition ? Je suis
convaincu qu’il ne suffit plus de montrer le mur vers lequel l’humanité se dirige si elle ne se reprend pas en main sérieusement.
Il est essentiel aussi de faire connaître toutes ces initiatives
concrètes, tous ces petits îlots de « transition positive ».
Montrer combien elles s’inscrivent dans un contexte socioéconomique favorable. Mais il nous faut également analyser
les obstacles auxquels nous sommes confrontés pour mettre en
œuvre ce mouvement de transition plus global. Plus il y aura
d’acteurs (gouvernements, entreprises, associations, citoyens…)
qui se rendront compte qu’il est possible de mettre en œuvre des
solutions gagnantes pour tous et qui permettent un développement à long terme prenant en compte les aspects économiques,
sociaux et environnementaux, plus vite on pourra concrétiser
cette transition écologique. — Propos recueillis par J.-F.P.
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J. Delorme
Jean-Pascal van Ypersele :
« Le temps presse
dans bien
des domaines »
D.R.
D.R.
Les grands orateurs