Marafa 03 ans

Les Nouvelles
Directeur de publication : Victor NDOKI - Réc. n° 203/RDDJ/C19/BAPP - n° 226 du 16 avril 2015 - Prix : 400 FCFA
Garoua
Des enfants
torturés au
Hebdomadaire d’analyses et d’enquêtes DU PAYS nom d’Allah
P. 2
Marafa défie
lerouleau
compresseur
16 avril 2012 - 16 avril 2015
3 ans déjà de prison politique...
Rapprochement
Cmc/Socam
Sam Mbende et Ndedi
Eyango coincent
Ama Tutu Muna
Pp. 11 & 12
Malversations au Groupe 2M
Kamga Nenkam
reconnaît avoir
corrompu les juges
P. 3
Même si depuis trois ans, c’est Marafa
Hamidou Yaya qui croupit dans un culde-sac au Secrétariat d’Etat à la
Défense, on a bien l’impression aujourd’hui que c’est Etoudi qui est dans un
cul de basse fosse. L’affaire Marafa
a conduit le régime qui l’a orchestrée
droit dans une l’impasse.
Lire notre dossier spécial en Pp. 5-10
Minsanté
Lutte contre les incendies à Douala
Détournement Le dispositif sécuritaire
de 200 millions contre le feu en faillite
destinés au Samu
Le Service d’aide médicale manque de tout.
Pendant ce temps, une structure fictive
a reçu de l’argent qui a pris une direction inconnue. La Conac interpellée.
P. 12
Bouches d’incendie défectueuses, citernes vides,
pression d’eau faible, absence d’escabeau approprié...
Les éléments des sapeurs pompiers étalent au
quotidien toutes leurs misères, leurs frustractions
et leur impuissance face aux incendies répétés
qui ravagent Douala.
Page 4
Une publication de LEADER ENTERPRISE - RC/DLA/2001/B/026153 - N° Cont. M020100011522D - B.P. 15579 Douala - Tél.: (237) 74.77.97.97
N° 226 du 16 avril 2015
ZOOM
Maltraitance
Les Nouvelles
DU PAYS
Des enfants torturés au nom d’Allah à Garoua
A leur jeune âge, ils ne demandaient qu’à apprendre le Coran, livre sacré des musulmans et à entretenir leur foi islamique.
Ils ont plutôt été enchainés, attachés ou violés dans des écoles coraniques de la capitale du Nord Cameroun par
des guides spirituels véreux et sont aujourd’hui abandonnés avec des plaies handicapantes et des traumatismes.
e vous fiez pas à son regard
doux, ses cheveux courts et
sa chemise vert anglais taillée
sur mesure pour clamer son bon état
de santé. Du haut de son mètre quatrevingt-deux, Ousmanou Mamadou, 22
ans, est un géant aux pieds pourris !
Sur chaque pied, une plaie aiguë mal
soignée ronge les métatarses imbibés
de pus et de sang. Les ongles ont sauté
de ce qui reste des orteils coincés les
uns contre les autres. La peau séchée
par endroits fait penser à un lépreux
avant la lettre. Avant toute apparition
publique, le jeune homme prend soin
de cacher l’horreur avec de vielles
bandes blanches et du compresse.
«Lorsque quelqu’un me donne un peu
d’argent, je vais acheter le produit (la
Bétadine, Ndlr) pour faire le pansement»,dit-t-il d’une voix soufflée.«Ça
fait sept ans que je me débrouille au
quotidien avec ces pieds».
Un matin de 2008. Ousmanou est
brusquement tiré du sommeil par un
frère ainé qui le conduit de force dans
une école coranique à Souari, un coin
populeux de Garoua au Nord
Cameroun. La décision surprend l’adolescent ; mais, il ne peut s’opposer. Dès que le frère ainé est reparti,
le guide spirituel de l’école appelé marabout ligote les pieds d’Ousmanou
avec des cordes de 6h à 17 h. Aucun
proche de l’enfant n’est au courant.
Alertée plus tard, la maman
d’Ousmanou envoie en toute hâte des
enfants pour libérer son fils. Trop tard.
«Ses pieds avaient gonflé et le sang
qui y jaillissait avait sali le salon de
la maison familiale», se souvient Adja
Djenabou, marâtre d’Ousmanou. Elle
ajoute, attristée : «comme il était très
têtu, on a demandé au marabout de
le garder, le conseiller et l’aider à lire
le Coran, pas de l’attacher. Tu ne peux
pas demander qu’on fasse du mal à
ton enfant».
Ousmanou Mamadou a été opéré
à l’hôpital central de Garoua où il a
passé cinq mois. Faute de moyens financiers, il est précipitamment retourné
dans le domicile familial où, quand il
peut, il se soigne depuis lors à l’aide
de médicaments de la rue. Avant le
drame, Ousmanou fréquentait une
école primaire du quartier.
Aujourd’hui, il a le cœur et l’esprit à
ses plaies. Sa maman étouffe de peine. Elle voulait donner une éducation
religieuse à son fils. Mal Aminou, marabout et promoteur de l’école coranique, en a fait un handicapé improductif. «On ne peut rien faire car il n
y a plus d’argent pour acheter les médicaments. On peine à manger tous
les jours», dit Adja Djenabou ; avant
de conclure, impuissante :
«Maintenant, on craint le cancer».
N
«C’est un accident de
travail !»
L’entourage d’Ousmanou redou-
2
te une gangrène. Aboubakary Isiakou,
lui, est déjà fixé sur son sort.
«Quelqu’un a eu pitié de moi et m’a
conduit récemment chez un médecin.
On a demandé au docteur de prescrire un bon médicament pour soigner
mon pied ; il m’a examiné et a dit qu’on
ne peut plus rien faire. Il faut encore
couper mon pied», explique-t-il en
chassant de la main une mouche posée
sur sa plaie. Bouba, comme l’appellent sympathiquement les copains,
était attaché par le marabout tortionnaire une semaine avant l’arrivée
d’Ousmanou. Il a été libéré le même
jour que son compagnon d’infortune.
Avec son lot de dégâts. «Une partie
de son pied d’où coulaient du sang et
du pus était morte. Sa jambe gauche
a été amputée à l’hôpital central de
Garoua où Il a passé huit mois», raconte Aliyou, un frère de Bouba.
Bouba avait été confié au marabout par son géniteur avec la consigne
d’aider l’adolescent à abandonner la
consommation de l’alcool. «Le marabout a dit avoir attaché Bouba pour
que l’esprit entre bien dans son corps
et que ce qui est arrivé n’est pas de
sa faute, c’est un accident de travail !»,
dit Aliyou. Agé aujourd’hui de 25 ans,
Bouba s’appuie sur des béquilles
rouillées pour se déplacer. La seconde amputation de sa jambe gangrénée
n’est pas encore programmée. Ses
proches peinent à réunir la somme de
120.000 f CFA nécessaire pour l’opération. En attendant, il vadrouille avec
sa plaie puante à la recherche d’âmes
généreuses. Son bourreau, Mal
Aminou, a aussitôt repris ses activités
dans un quartier périphérique à la ville après un bref séjour en prison pour
maltraitance.
L’encre, un instrument
de viol
Cette sanction est une exception.
A Garoua, les écoles coraniques poussent comme des champignons et attirent des foules d’enfants originaires
du Cameroun, du Nigeria et du Tchad.
Elles sont destinées à l’apprentissage
du Coran, le livre sacré des musulmans, mais ne dépendent pour la plupart pas des structures confessionnelles ; elles échappent même au
contrôle de l’administration publique.
Certains guides spirituels appelés marabouts en profitent pour enchainer,
attacher ou violer les enfants. En toute impunité. «Nous avons approché
les marabouts et leur avons dit qu’en
tant que gardiens de la tradition, ils
devraient mettre l’accent sur la protection des enfants. Être dans une école coranique signifie-t-il être mal entretenu ou aller mendier», s’interroge Nsenga Lydie, chef service de la
protection de l’enfance à la délégation des affaires sociales du Nord.
Les pouvoirs publics hésitent à
agir. Les partenaires au développe-
Le pied d’Ousmanou : pourri !
Ousmanou et Bouba : unis par le pire
Les captifs de Mal Saidou
ment aussi. Pour un responsable de
la branche locale de l’Unicef, les
écoles coraniques sont informelles ;
elles ne peuvent par conséquent pas
bénéficier de l’attention de l’agence des Nations Unies. «Il faut plus
de clairvoyance sur les actions
menées dans ces écoles », indique
Nsenga Lydie. «Sur le plan juridique, il faut que ces marabouts aient
des autorisations de l’administration
pour pouvoir garder les enfants.
Ainsi, on saura le nombre d’enfants
qu’ils détiennent, comment ils sont
logés, nourris et sécurisés». Même
si l’aspect juridique était réglé à
l’immédiat, le fonctionnaire souligne
que les pouvoirs publics disposent de
ressources limitées pour encadrer
L’info au coeur du pays
ces enfants exposés à la pédophilie
et au trafic humain.
Le mode de recrutement dans ces
écoles est douteux. Certains enfants
sont accompagnés et suivis au quotidien par leurs parents. D’autres sont
le fruit d’un intense trafic humain entre
le Cameroun et ses voisins. Ces derniers parlent uniquement des langues
étrangères, pratiquent la mendicité et
dorment chez le marabout. En 2013,
Mal Saidou, un marabout du quartier Katarko à Garoua avait enchainé
pendant quarante-cinq jours une dizaine d’enfants mineurs de nationalités diverses accusés d’être indisciplinés. Les captifs, découverts par le
reporter, ont été libérés la veille de
la fête du Ramadan. Mais, le mara-
bout a renvoyé quelques jours plus
tard les enfants en haillons dans la
rue pour chercher à manger. Et ce n’est
pas tout.
L’encre noirâtre utilisée dans les
écoles coraniques ne sert pas qu’à écrire. Associée aux incantations, elle devient un puissant instrument de viol
des mineurs. Aliyou dévoile le mode
d’emploi : «Le marabout demande
à une fille d’aller laver les assiettes
de son épouse. Il a le temps d’apprécier la fille qu’il charme par la
suite en lui faisant boire une quantité d’encre. Ensuite, il viole la fille».
C’est ce qui est arrivé à la jeune
Hapsatou. A l’âge de 13 ans, elle a
été violée un après-midi par le marabout de l’école où elle prenait les
cours de Coran. Elle fait à présent du
commerce ambulant de dattes pour
pouvoir tourner la page sombre. Le
mal ne touche pas que les filles «Nous
souffrons du problème de viol dans
les écoles coraniques», regrette
Aliyou. Mais, comme Hapsatou, les
victimes redoutent que la dénonciation se retourne contre elles.
La peur des représailles
Bouba l’a appris à ses dépens.
Après avoir été torturé, il a trainé le
marabout au tribunal contre la volonté
de son père. Plus grave, le jeune homme a demandé la réparation du préjudice subi. Il n’en fallait pas davantage. Bouba a été vomi depuis lors par
son géniteur qui ne lui pardonnera
peut être jamais ce «crime». Et pourtant, «la loi oblige de dénoncer les
crimes et les délits et interdit de révéler l’identité des personnes qui ont dénoncé», explique Maitre Antoine
Pangue, avocat au barreau du
Cameroun et défenseur des Droits de
l’homme. En son article 4, la loi sur
le trafic et la traite des enfants punit
d’un emprisonnement de 10 à 20 ans
et d’une amende de cinquante mille à
un million de FCFA, «toute personne qui se livre, même occasionnellement, au trafic ou à la traite des enfants». Mais, cet arsenal juridique ne
convainc pas tout le monde.
Selon un rapport récent du département d’Etat américain sur la traite des êtres humains, les écoles coraniques sont des centres actifs d’abus
contre les enfants au Cameroun. Les
rapporteurs suggèrent au gouvernement de renforcer les sanctions infligées aux coupables et d’assurer la
protection des personnes abusées.
«Les victimes ne se plaignent pas parce qu’elles ont peur des représailles
de leurs bourreaux», constate Maitre
Antoine Pangue. Les voisins de Mal
Saidou, par exemple, ont préféré garder secret le sort des enfants enchainés
dans l’école coranique. Ils craignaient
que le marabout leur lance une infirmité par vengeance.
Christian LOCKA
Les Nouvelles du Pays
Les Nouvelles
DU PAYS
PREMIÈRE LIG NE
N° 226 du 16 avril 2015
Détournement de fonds au Groupe 2M
Kamga Nenkam reconnaît avoir corrompu les juges
Certains ne considèrent la justice comme telle que quand ils gagnent leur procès. Dès que les faits sont contre eux, ils n’hésitent pas
à tenter de l’apprivoiser, de l’influencer, en mettant toutes sortes de pressions sur les magistrats. C’est la posture qu’a adoptée
Jean Paul Kamga Nenkam dans le procès intenté contre lui pour détournements par le Groupe 2M.
ourant 2012, les administrateurs, constatant des irrégularités graves dans la gestion de Jean Paul Kamga Nenkam,
Directeur général du Groupe 2M,
entreprennent de mener une enquête
pour y voir clair. A l’issue de cette investigation, ils se rendent compte que l’entreprise confiée à M.
Kamga Nenkam est déficitaire et
court vers la faillite si rien n’est fait.
Poussant plus loin, ils découvrent
que le Dg entretient un compte bancaire largement plus fourni que
ceux de l’entreprise. Même en travaillant pendant 50 ans, M. Kamga
Nenkam ne parviendrait pas à économiser les sommes contenues dans
son compte. C’est ainsi que les administrateurs convoquent un conseil
d’administration à l’issue duquel le
Dg indélicat est débarqué. L’affaire
se serait limitée au licenciement de
l’ancien Dg si celui-ci, non content
d’avoir pillé la structure qu’on lui
avait confiée, n’avait entrepris de
multiplier des actions de sabotage
pour la mettre définitivement en
ruines. Ainsi en est-il de sa revendication indue du brevet de H2B2,
qu’il avait protégé en sa qualité de
Dg de 2M et avec les fonds de 2M.
Une fois déchu, M. Kamga Nenkam
décide donc de gêner son ancien
employeur jusqu’au bout. C’est en
réaction de cet entêtement aussi stupide qu’ingrat que les administrateurs décident de porter l’affaire devant les tribunaux afin que ce dernier rende compte de sa gestion. Le
juge d’instruction conclut à une insuffisance de charges contre M.
Kamga Nenkam qui jubile et croit
C
Les Nouvelles
DU
PAYS
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Victor NDOKI
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Dominik FOPOUSSI
BOUNYA LOTTIN
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Etienne PENDA
Grand Reporter
Christian LOCKA
(Cell. 696.78.12.99)
Les Nouvelles du Pays
l’affaire close. Mais 2M n’entend
pas laisser son fossoyeur impuni et
fait appel. En appel, le premier jugement a été infirmé.
Convoqué à comparaître au pénal devant le Tribunal de Grande
Instance du Wouri avec sa fille, tous
deux accusés de détournement, il a
entrepris de battre le rappel des
troupes de certains dignitaires de
son entourage pour que ceux-ci volent à son secours. Car, pour Jean
Paul Kamga Nenkam, les magistrats n’ont pas bien fait leur travail.
Il y aurait un acharnement contre
lui. Pourtant, c’est bien lui qui dit
dans un mail adressé à ses soutiens :
«En vérité, il se passe que la veille,
suspectant un de ses Vices, le
Président de la Cour d’Appel lui
avait demandé que mon dossier lui
soit retourné pour diligence. Il est
donc tout à fait curieux que le lendemain, une décision soit prise en
un temps record par un autre Vice,
Beng Ngueng, qui n’était du tout
pas partie prenante auparavant.»
Ainsi donc, le président de la
Cour d’Appel n’a pas le droit de
dessaisir un collaborateur d’un
dossier sans que cela relève d’une
pratique téléguidée. Est-ce à dire
que le précédent vice-président
qui gérait le dossier était compromis par Jean Paul Kamga Nenkam ?
C’est en tout cas ce qu’il laisse
sous-entendre. Puisqu’il précise
bien que le président ayant suspecté
son vice, il lui a retiré le dossier
pour le confier à un autre. L’ancien
Dg du Groupe 2M montre par là
qu’il avait intérêt que son dossier
continue d’être traité par celui qui
Chef Desk Yaoundé
Mohamadou ADAMOU
(Cell. 699.52.51.86)
Relations publiques
Arlette Messina Mvondo
Caricature/Culture
Charles Fils ELANGUE
(Cell. 694.95.45.07)
Rédaction
Flaubert KAMGA
Henri Donatien AYANG
Sylvie FONKOU
Jean-Jacques ONANA
Alex BEMA
Huguette NANA
Reportage / Infographie
Roudolphe EYAMBE
Archives et Documentation
Jacques TIATY
Impression
ROTOJOURNAL
Distribution
Messapresse
Jean Paul Kamga Nenkam,
rattrappé par ses frasques
a été dessaisi. C’est pour cela qu’il
peut jeter le doute sur la moralité
du nouveau titulaire du dossier, et
le jeter en pâture sous prétexte qu’il
aurait traité le dossier avec une célérité suspecte. Kamga Nenkam
avait-il tout mis en œuvre pour que
la procédure s’éteigne au niveau
du juge d’instruction ? On est tenté
de le croire puisqu’il entre dans
une colère sourde dès que le président de la Cour d’Appel fait bouger les choses.
Sa relation des faits montre
pourtant que le président de la Cour
d’Appel agissait justement dans le
sens de la célérité du traitement de
ce dossier. Mis à part ceux qui y
ont intérêt, l’un des griefs majeurs
qu’on porte à la justice camerounaise, c’est la lenteur dans le traitement des dossiers. Or, reprocher
à un président de Cour d’Appel
d’accélérer les choses ne peut pas
être innocent. D’autant plus que M.
Kamga Nenkam poursuit dans son
mail : «Il est aujourd’hui clair que
mes adversaires dont la férocité est
désormais établie, ont décidé de ne
reculer devant rien pour accomplir
leur mission d’envoyer ma fille et
moi en prison puisqu’aussitôt, ils
ont entrepris les démarches au
Tribunal de Grande Instance pour
que le dossier soit confié à un certain Kamdem préparé pour la sale
besogne !» Ce justiciable ne jouet-il pas la carte de la victimisation
pour tenter de se soustraire à la justice ? En quoi interjeter appel pour
une affaire parce ce qu’on n’a pas
été satisfait en première instance
est-il une manœuvre ? De plus, M.
Kamga Nenkam dénonce un certain Kamdem qui aurait été préparé
pour le jeter en prison. Il nous revient qu’au moment de son mail,
l’affaire 2M n’était encore confiée
à personne. Serait-il alors dans le
secret des dieux pour savoir d’avance que le Président de la Cour
d’Appel confierait l’affaire à un magistrat que ses adversaires auraient
conditionné ? Comment peut-on
aussi allègrement jeter le discrédit
sur un juge sans l’avoir vu à
l’œuvre ? N’est-ce pas une tentative d’embrigader les juges et les amener à distordre la justice ?
C’est ce genre de situation qui
rend la justice si délicate à Douala,
capitale économique. Si tout magistrat rêve d’officier à Douala, c’est
pour connaître des grandes affaires.
Mais le revers n’est pas souvent enviable. Parce que quand des gros
intérêts se manifestent, la pression
devient énorme sur leurs épaules.
Des pressions qui, bien souvent, les
poussent à la faute, à jouer contre
le droit. Plus d’une fois, la chancellerie a eu à sévir contre ce genre de pratique qui n’honore ni la
justice ni le Cameroun. Mais peutêtre devrait-on désormais se pencher aussi sur le cas de celui qui
pousse les juges à la faute ! Question
de les protéger contre certaines
puissances d’argent sans foi ni loi.
Henri Donatien AYANG
Dix ans après...
Le programme EDD Cameroun
s’ouvre à la population active
Après le succès de la phase pilote avec des établissements scolaires, le projet sur l’Education au Développement Durable (EDD)
compte sensibiliser tous les citoyens sur la notion de durabilité.
e 15 avril 2015, la salle des fêtes d’Akwa à
Douala était en mode environnement. C’était à
l’occasion du lancement du programme d’action
EDD Cameroun et de la fin de la décennie sur l’éducation au développement durable. Un projet des équipes
agendas 21 scolaire qui a drainé du beau monde : les représentants du Gouverneur de la Région du Littoral, du
Bureau Régional de l’Unesco, de la Présidente de la
Commission Nationale de l’Unesco, du Délégué du
Gouvernement auprès de la Communauté Urbaine de
Douala et le corps enseignant.
Les objectifs de cette conférence locale placée sous le
thème «Bilan et perspectives de la décennie de l’éducation au développement durable dans la ville de Douala au
Cameroun» étaient clairs : promouvoir et améliorer
l’Education de base, réorienter les programmes d’éducation existants dans l’optique de développement, informer
et sensibiliser le public à la notion de durabilité et former
l’ensemble de la population active.
Selon Koona Lucien Blaise, Chef de projet des équipes
agendas 21 scolaire de Douala et coordonnateur adjoint du
réseau africain de l’éducation pour le développement durable, «la conférence marque la fin de la décennie (2005
– 2014) de l’éducation au développement durable, que
célèbre la Communauté urbaine de Douala. Au cours de
C
L’info au coeur du pays
la décennie, la Communauté urbaine avec ses partenaires
a implémenté le projet ’’plan d’actions éducatives sur les
objectifs du millénaire pour le développement’’ ».
Il s’agit de quatre établissements scolaires pilotes de
Douala : le collège Saint Michel, les lycées d’Akwa – Nord,
de Makèpè et de Logpom. La remise solennelle des agendas 21 scolaires auxdites écoles est, selon les initiateurs,
la manifestation d’une collaboration réussie entre la
Communauté urbaine de Douala et ces écoles appartenant
au ministère des Enseignements secondaires.
Il faut rappeler que cette célébration rentre dans le projet des équipes Agendas 21 du Réseau Africain pour
l’Education pour le Développement Durable appuyé par
la Communauté urbaine de Douala et l’Unesco. Ce projet
vise à «sensibiliser, informer, éduquer au développement
durable, développer des nouvelles formes de gouvernance, éduquer toutes les générations au développement durable et promouvoir et pérenniser les réseaux de concertation et d’échanges», peut-on lire sur la plaquette de présentation.
L’éducation au développement durable est donc une
affaire de tous. C’est pourquoi le Pr Esso Elame, universitaire, pense qu’il faut «repenser la didactique, la gouvernance scolaire et déconstruire les mentalités».
Aimée Fidèle DJANA TSIMI (Stagiaire)
3
PREMIÈRE LIGNE
N° 226 du 16 avril 2015
Incendie à la Communauté Urbaine de Douala
Les sapeurs pompiers étalent leurs limites
Malgré leur bonne volonté, nos soldats du feu n’ont pas pu sauver l’hôtel de ville
de Douala de la furie des flammes.
a question était sur
toutes les lèvres, devant ce qui reste de
l’hôtel de ville de Douala, au
lendemain matin de cet incendie. «Comment un incendie a-t-il pu ravager près de
la moitié de ce bâtiment situé en plein cœur de Bonanjo,
le centre administratif de
Douala ?» La réponse est
simple, les éléments de la brigade des sapeurs pompiers
de la ville de Douala n’y ont
vu que du feu, au propre comme au figuré.
A en croire le gouverneur
de la Région du Littoral, pas
moins de quatre équipes de
soldats du feu ont été mobilisés autour des flammes. Ils
sont venus de l’Asecna et du
Port autonome de Douala
pour prêter mains fortes à leurs
amis de Ngodi et de Bonaberi.
Mais ils n’ont pas pu contenir la furie des flammes. La
faute à l’inadéquation des
moyens avec l’ampleur de la
tâche. Face à un immeuble de
trois niveaux en flammes, le
corps des sapeurs pompiers
de la capitale économique
camerounaise a donné à penser que la protection civile nationale n’était pas inscrite au
rang des priorités de ceux qui
L
Bâtiment de l’Hôtel de ville, désolation après les flammes
nous gouvernent. Bouches
importants. Ils avaient une
En attendant le résultat des
d’incendie défectueuses, cibonne pression d’eau. Mais
multiples enquêtes annoncées,
ternes vides, pression d’eau
quand les citernes se vidaient
les habitants de la capitale écoinsuffisante, absence d’escail fallait aller les recharger
nomique ne savent plus à quel
beau approprié, etc… les élétrès loin. Entretemps, les
saint se vouer, face à la mements des sapeurs pompiers
flammes continuaient de se
nace que constituent les
ont étalé toutes leurs misères
propager sous le regard imrisques d’incendie. Une bonet leurs frustrations à l’ocpuissants des autres équipes»,
ne partie de l’histoire de la vilcasion de ce sinistre.
raconte Georges S. Pour Jean
le de Douala vient de dispaLes témoins présents à
G. «il est inadmissible que des
raître dans les flammes. Avant
l’Hôtel de ville de Douala
sapeurs pompiers s’attaquent
même les conclusions des endans la nuit du 07 au 08 avril
aux flammes, au deuxième niquêtes en cours, un autre inn’ont eu que leurs yeux pour
veau de l’immeuble, à partir
cendie éclate au marché
pleurer. «Si les gars de
du sol. Nos soldats du feu ont
Congo de Douala. A qui le prol’Asecna n’était pas arrivés,
affiché un manque criard d’échain tour ?
les dégâts auraient été plus
quipements.»
Ive TSOPGUE
Communauté Urbaine de Douala
Un incendie Suspect ?
En attendant les résultats des multiples enquêtes ouvertes, l’opinion publique s’interroge
sur la virulence des flammes et la destruction des services névralgiques de la Cud.
rès tôt ce matin du 08 avril 2015,
l’esplanade de l’Hôtel de ville
de Bonanjo est prise d’assaut par
des curieux qui ont vécu avec stupeur
les images qui passaient en boucle, depuis les premières heures de la matinée,
sur les chaînes de télévision privée.
Ils ont pu mesurer l’ampleur des dégâts.
L’état de la plaque signalétique (Hôtel
de ville) en dit long sur l’ampleur du
sinistre. Quelques bombonnes d’extincteurs étalés à même le sol en l’entrée du couloir qui mène vers le cabinet du Délégué du gouvernement témoignent de l’inefficacité de ces équipements de sécurité, manifestement vétustes, face à la violence des flammes.
Au milieu de la foule sous le choc, des
agents communaux déambulent en évoquant des effets personnels réduits en
cendre ou en scrutant les lendemains
qui s’annoncent difficiles.
T
4
En début d’après-midi, le gouverneur de la Région du Littoral donne un
point de presse dans ses services. Il a,
d’entrée de jeu, salué la prompte réaction des éléments du corps des sapeurspompiers. Mais Joseph Beti Assomo,
qui a personnellement assisté au désastre, a annoncé que c’est 40 % de
l’Hôtel de ville qui a cramé. Une partie des 59 ans de l’histoire de ce bâtiment de souveraineté a ainsi été détruite. A en croire le patron de la Région
du Littoral, l’on n’est pas encore fixé
sur l’origine des flammes. Le feu s’est
déclaré autour de 23 heures, dit-il. Les
flammes seraient parties du département financier. Elles auraient ensuite
attaqué le département informatique,
la direction administrative, puis la direction des ressources humaines, le service du courrier et plusieurs autres bureaux. Le Délégué du gouvernement
précise que ce sont près de 150 employés qui n’ont plus de bureaux.
Est-ce un accident naturel ? S’agitil d’un incendie criminel ? Ou alors
s’agit-il d’une volonté de dissimuler
des fichiers ou des dossiers financiers ?
Ces questions taraudent aussi bien l’esprit du gouverneur Joseph Beti Assomo
que celui d’une opinion publique qui
a du mal à comprendre la virulence des
flammes et les cibles de celles-ci. Des
cibles stratégiques qui constitueraient
l’âme de l’institution. Le gouverneur
annonce l’ouverture de plusieurs enquêtes, à la fois judiciaire, technique,
administrative et financière. Des experts de haut niveau du Minatd et du
Ministère des finances sont attendus,
ainsi que des ingénieurs informaticiens. «Il ne s’agit pas d’une affaire
banale», prévient Joseph Beti Assomo.
I.T
L’info au coeur du pays
Les Nouvelles
DU PAYS
Dr Fritz Ntone Ntone
minimise les dégâts
Face aux soupçons de distraction
de preuves compromettantes, Fritz
Ntone Ntone mise sur la fiabilité du réseau informatique de la Communauté
urbaine de Douala.
«Il n’y a pas de
service plus névralgique que le cabinet
du délégué du gouvernement et les bureaux de ses adjoints.
On peut déplorer,
certes, la perte des documents, mais pas des
informations». Au
cours du point de
presse qu’il a donné ce 07 avril 2015 dans l’un des
services encore fonctionnels, le Délégué du gouvernement auprès de la Cud s’est voulu rassurant
face à la persistance d’une thèse qui attribuerait l’origine de cet incendie à une main criminelle qui tenterait d’effacer les preuves d’une forfaiture à l’Hôtel
de ville de Douala.
En attendant que les différentes équipes d’enquêtes livrent leurs résultats, le Dr Fritz Ntone Ntone
révèle que le système informatique de la Communauté
urbaine étant en réseau, une bonne partie des informations sensibles pourraient être récupérées. Mais
le premier magistrat de la ville de Douala a surtout
insisté sur la nécessité d’assurer la continuité du service public dans l’importante institution qu’il dirige depuis plus de huit ans. «Les études minutieuses
vont être entreprises sur le bâtiment pour évaluer
le niveau des dégâts et le coût des réparations en
procédure d’urgence pour qu’à court terme le service puisse reprendre», annonce Fritz Ntone Ntone.
Mais en attendant, le délégué du gouvernement
précise que les personnels victimes du feu seront
redéployés dans les divers sites de la Cud disséminés
dans la ville. Il s’agit notamment du Cercle municipal, des bureaux d’Akwa et de la base de Youpwe.
«Nous voulons rassurer les usagers et leur annoncer que toutes les dispositions sont prises pour la
continuité du service», a-t-il martelé. Il s’est par ailleurs
réjoui de ce que des symboles comme la salle des
actes, le cabinet du délégué et la salle Tobbie Kuoh
aient été épargnés par les flammes. Une visite guidée
de l’aile du bâtiment précédemment allouée au commissariat central de Douala a permis aux hommes
de médias de faire le constat de ce que les bureaux
en réfection sont restés intacts. Le redéploiement
promis par le patron des lieux pourrait donc être imminent.
Mais les nombreux observateurs des dégâts s’interrogent toujours sur la fragilité ou l’absence des
mesures de sécurité autour du bâtiment central qui
abrite les services d’une institution qui brasse plusieurs milliards de francs par an. Avec ses 52 milliards de budget annoncés pour l’année 2015, en effet, les comptes administratifs des exercices 2013
et 2014 présentent des excédents budgétaires qui
ont atteint les 15 milliards l’année. Une sousconsommation du budget qui contraste avec les besoins d’une ville de plus en plus grandissante dont
les moindres investissements auraient pu être consacrés à la sécurisation du bâtiment (mis en service en
1956) qui abrite les souvenirs les plus poignants
de la cité capitale économique.
L’absence ou la désuétude des équipements de
sécurité incendie (extincteurs, détecteurs automatiques de flammes), et des bouches d’incendie hors
d’usage ont contribué à aggraver le sinistre. Le Dr
Fritz Ntone Ntone devrait s’en souvenir au moment
d’engager les travaux d’urgence qu’il annonce.
I.T.
Les Nouvelles du Pays
Les Nouvelles
DU PAYS
Vers la libération
de Marafa ?
Même si depuis trois ans, c’est Marafa
Hamidou Yaya qui croupit dans un cul-desac au Secrétariat d’Etat à la Défense, on
a bien l’impression aujourd’hui que c’est
Etoudi qui est dans un cul de basse fosse.
L’affaire Marafa semble conduire le régime
qui l’a orchestrée droit dans une l’impasse.
Parce que depuis son arrestation, puis
son incarcération suite à un procès marathon dont les observateurs avertis disaient qu’il n’était qu’un prétexte, on a pu
voir que de tous les prisonniers de l’opération Epervier, Marafa Hamidou Yaya est
le seul à avoir décidé de résister à la
grosse machine à broyer du régime.
L’ancien collaborateur du président Biya,
déchargé de ses engagements, est sorti
de la réserve que lui imposaient ses fonctions respectives de personnalités publiques. Après avoir tenté en vain de défendre son honneur bafoué devant une
justice aux ordres de l’Exécutif, il va se retrouver à la prison centrale de Kondengui,
puis au Sed, selon un chronogramme minutieusement préétabli.
Marafa crie au complot tandis que ses
persécuteurs le vouent aux gémonies,
fouillant les moindres coins et recoins de
sa vie publique, même privée, afin de trouver les preuves de sa culpabilité, le procès
en détournement ayant tourné en eau de
boudin, montrant ses limites et trahissant
les intentions inavouables des manœuvriers de l’ombre. Ainsi, les limiers du régime sont repartis sur le terrain chercher la
moindre trace de la compromission de
Marafa, notamment auprès des gouverneurs de régions qui étaient ses collaborateurs pendant qu’il était en charge de
l’Administration territoriale et de la
Décentralisation, en épluchant notamment
les comptes de l’organisation de l’élection
présidentielle de 2011. Chou blanc !
Pendant ce temps, Marafa résiste à la
descente aux enfers à lui a promise. Par
ses sorties épistolaires au président de la
République et à ses compatriotes, par son
livre projet de société, «Le choix de l’action». Mais surtout par des moyens de
droit, à savoir son pourvoi en cassation
contre sa condamnation. 30 mois après ce
recours, la Cour suprême est toujours
muette. Alors qu’elle aurait dû se prononcer six mois après. Le pouvoir politique a
refilé à la plus haute juridiction du pays un
vilain bébé.
L’affaire Marafa s’est donc enlisée. Ce faisant, elle a suscité la curiosité de tous les
observateurs. Les questionnements des
uns et des autres les amènent à conclure
à un emprisonnement politique. Du coup,
la communauté nationale, une certaine
opinion nationale et plusieurs organisations de la société civile réclament de plus
en plus sa libération.
Quoiqu’il en soit, l’embastillement de
Marafa Hamidou Yaya est devenu une
grosse épine dans le pied du régime.
Prisonnier, il est chaque jour un peu plus
un embarras pour le régime de Yaoundé.
Et Etoudi ne sera pas au bout de ses
peines tant qu’il gardera Marafa prisonnier. Car la mobilisation ne fait que commencer.
Etienne PENDA
Les Nouvelles du Pays
LIGNE DE MIRE
Affaire Marafa
N° 226 du 16 avril 2015
Le prétexte de l’avion pour écarter
un concurrent politique
La technique est connue sous nos cieux : quand une personnalité commence à déranger,
on lui colle un procès. Afin de le faire taire. L’affaire de l’avion présidentiel qui a permis
d’incarcérer Marafa Hamidou Yaya depuis trois ans participe de cette stratégie.
l fallait trouver quelque chose pour le mettre
au trou. L’affaire de l’avion présidentiel
a été un prétexte facile. La justice instrumentalisée et voilà Marafa Hamidou Yaya hors
d’état de nuire. Paul Biya peut être tranquille
maintenant qu’il a fait incarcérer un redoutable concurrent. Inculpé pour détournement
dans l’affaire de l’avion présidentiel, il n’a
pas fallu bien longtemps pour que l’opinion
se rende compte que «l’affaire Marafa» n’est
plus ni moins qu’un règlement de compte politique. Quand il était membre du gouvernement, il avait déjà dénoncé l’opération comme étant un instrument d’épuration politique
pour le régime d’Etoudi afin d’éliminer proprement ses adversaires. Marafa Hamidou Yaya
confiait ainsi son analyse de la lutte contre la
corruption à l’ambassadrice des Etats-Unis au
Cameroun. Le grand public le saura après les
révélations de Wikileaks. En effet, alors qu’il
était en fonction, au cours d’une de ses rencontres avec Janet Garvey, ancienne ambassadrice des Etats-Unis en poste à Yaoundé,
l’ancien Minadt a parlé du régime avec le sang
froid et le franc parler que ceux qui le connaissent lui reconnaissent.
Les révélations de Wikileaks sur les propos de Marafa sont alors un grand coup de
pied dans la termitière. Un coup de pied reçu
avec beaucoup de grimaces au sommet de l’Etat
qui n’avait plus désormais qu’une confiance
limitée à l’égard de ce collaborateur qui refuse obstinément de rallier le camp des flagorneurs qui peuplent les allées du pouvoir
de Yaoundé. Marafa était l’un des collaborateurs de Paul Biya à lui avoir déconseillé de
se représenter en 2011. Un conseil qui passe
mal auprès du président de la République qui
y voit une manière hardi de son collaborateur
de le pousser à la porte avant de prendre sa
place. Marafa se met ainsi dans une posture
détestable puisque son conseil arrive dans une
période où d’autres collaborateurs de Paul Biya
sont soupçonnés de le renverser. Il s’agissait
du fameux G11. Marafa serait à n’en point
douter un membre du G11 qui ne s’embarrasse pas de fioritures.
Dès lors, le processus de sa neutralisation
du collaborateur qui dérange est en marche.
C’est là qu’intervient l’affaire de l’avion présidentiel. Au moment des transactions, Marafa
Hamidou Yaya est Secrétaire général de la présidence de la République. Mais les faits sont
constants : il n’a participé en tant que Sgpr,
ni de près, ni de loin à l’opération de l’achat
de l’avion présidentiel. L’argent destiné à cette transaction étant parti directement des
comptes de la Snh à ceux de Gia, la société
américaine contactée pour l’opération. En tout
cas, le procès marathon orchestré contre l’ancien Sgpr ne démontrera pas son implication
dans l’affaire. Mieux, pendant le procès, les
droits de la défense sont bafoués et l’accusé
Marafa fait l’objet de plusieurs humiliations.
Ce qui contribue à montrer aux yeux des
Camerounais que l’accusé n’est rien d’autre
que la victime du système. Sa côte de popu-
I
larité prend une courbe ascendante, à un
point tel que les audiences deviennent autant d’occasions pour
beaucoup d’habitants
de Yaoundé d’aller le
soutenir au Palais.
Ce qui gêne
énormément le pouvoir qui n’avait pas
prévu une telle mobilisation. La justice, son
bras séculier entreprend alors d’accélérer la procédure. Et
conclut rapidement,
sans en apporter les
preuves, à la culpabilité de Marafa qu’elle
condamne à 25 ans
fermes et à une amende colossale. Mais
dans cette condamnation, c’est la durée de
la privation de liberté
qui est l’élément clé.
Il s’agit de mettre
Marafa
hors-jeu.
Puisque la suite
montre bien que l’ancien Sgpr n’avait rien
à y voir. En effet,
l’achat de l’avion présidentiel ayant capoté,
l’Etat du Cameroun a
immédiatement entrepris de s’attaquer à
Gia, la société que le
Cameroun avait mandatée pour conduire
l’opération. A l’issue
du procès, l’Etat
d’Oregon aux EtatsUnis où est installée
Gia condamne celle-ci
à rembourser à l’Etat
camerounais le reste
de l’argent qui n’était pas encore utilisé et de
réparer le dommage subi. Ensuite de quoi,
ayant obtenu satisfaction, l’Etat du Cameroun
s’engagera à ne pas engager des poursuites
ultérieures contre ses citoyens pour la même
affaire. C’est bien après ce verdict que Marafa
Hamidou Yaya sera inquiété et, après lui,
Atangana Mebara, son remplaçant au secrétariat de la présidence de la République. Une
incongruité judiciaire que ne peut justifier
qu’un acharnement contre des personnalités
qu’on ne maîtrise plus, contre des concurrents politiques. Un acharnement que les EtatsUnis ainsi que la France ont dénoncé en leur
temps.
Au cours d’une conférence de presse à
Yaoundé, l’avocat du Cameroun dans cette affaire, Me Akere Muna, a clairement dit que le
Cameroun avait été remboursé et même in-
L’info au coeur du pays
demnisé dans cette affaire. Comment expliquer alors que, connaissant cela, la justice camerounaise n’ait pas fait l’économie d’un procès
qui, de tout point de vue, obscurcit un peu plus
l’image du Cameroun auprès des chancelleries occidentales ? C’est que les enjeux internes sont plus importants qu’on ne le pense. Le pouvoir de Yaoundé a clairement fait le
choix d’avoir mauvaise presse que de laisser
prospérer un concurrent politique qui, plus que
la plupart des opposants, dispose d’armes plus
redoutables pour donner le change au président sortant et, éventuellement, l’évincer au
suffrage universel.
Qu’importe que Marafa Hamidou Yaya
n’ait pas vu la couleur de l’argent de l’avion
présidentiel. Pourvu qu’il soit bien au frais,
loin des affaires. Et pour longtemps.
E.P.
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LIGNE DE MIRE
N° 226 du 16 avril 2015
Les Nouvelles
Me Alice Nkom, Avocat au Barreau du Cameroun
DU PAYS
«L'accusation n'a jamais pu démontrer la culpabilité de Monsieur Marafa»
Me Alice Nkom est mieux placée que quiconque pour apprécier la manipulation de la justice dans l’affaire Marafa. Présente dans les dossiers
dès le début, elle a été maintes fois témoin des violations des droits de la défense ainsi que des traitements inhumains infligés à Marafa
Hamidou Yaya pendant les trois dernières années, depuis son arrestation jusqu’à sa condamnation à 25 ans de prison ferme. Cette spécialiste
du droit et des droits humains est, sans équivoque, sur les manquements de notre justice et de la mainmise de l’Exécutif sur le pouvoir judiciaire
qu’instrumentalise pour museler son concurrent. Elle réaffirme que Marafa Hamidou Yaya n’est plus ni moins qu’un prisonnier politique.
Voilà trois ans qu’a démarré sur
les chapeaux de roue ce qui est
devenue «L’affaire Marafa», avec
une arrestation théâtrale, un
procès marathon et une condamnation maximale. La justice camerounaise a-t-elle été équitable
tout au long de cette affaire ?
Trois ans que le Ministre d’Etat,
ancien Secrétaire Général de la
Présidence de la République de
Monsieur Paul Biya, croupit dans les
annexes de la Présidence de la
République et plus exactement dans
une cellule du Secrétariat d’Etat à la
Défense, le Sed où il a été conduit
manu militari, après avoir été extirpé
de force de la Prison centrale de
Kondengui, comme pour bien rappeler à ceux qui en doutaient encore, que
Marafa et le procès ainsi organisé à la
hâte, sont essentiellement POLITIQUES !
Sans revenir sur les graves manquements aux droits de la défense tout
au long de ce procès, je précise simplement que l’accusation n’a jamais
pu démontrer la culpabilité de
Monsieur Marafa. Bien au contraire,
elle a établi qu’il n’a bénéficié d’aucun franc. C’est un procès inéquitable.
Une honte pour notre pays, pour
l’Afrique. Au Sénégal, sans me prononcer sur le fond, la justice qui
semble avoir établi un détournement
de fonds, a condamné le fils Wade à
6 ans de prison. Marafa est condamné
pour une supposée complicité de détournement à 25 ans d’emprisonnement. Le procès Marafa a eu une très
large audience Internationale, et aux
yeux de tous en Afrique comme en
Occident, ce procès, ce verdict sont
la marque criarde d’une instrumentalisation politique de la justice.
Depuis qu’il a été condamné, au
terme d’un procès qui n’a convaincu
personne, à 25 ans de prison ferme
comme complice intellectuel, les commanditaires sont tranquilles, les prétendants au trône ont 25 ans pour installer tranquillement l’alternance, la
relève, celle que le vice Premier
Ministre, selon les révélations de
Wikileaks, voyait sans un autre Beti
après Biya- oh malheur ! Et telle une
équipe de football qui mène son adversaire de 5 bons buts à quelques minutes de la fin du match, on joue tranquillement le temps, forcément votre
allié désormais on ralentit son rythme, le rival est au frais et sous contrôle pour longtemps, pourquoi se presser, on contrôle le ballon !
Dans ce contexte de fin de règne
essentiellement politique qui fonctionne désormais en mode élimination en vue d’une mise en place d’une
équipe de remplacement destinée à la
continuité du système et du maintien
du pouvoir en mode «statu quo» pour
éviter des lendemains de reddition de
comptes et pertes de privilèges, le
procès de Marafa peut désormais at-
6
dans ses mains la tête et le contrôle
total du Pouvoir judiciaire. Les sceptiques n’ont qu’à bien se tenir. La loi
ne prévoit aucune sanction contre une
juridiction qui ne respecte pas les délais qu’elle prévoit pour statuer, mais
il est bon qu’une Cour Suprême donne l’exemple du respect dû à la stricte application de la loi de la République,
cela rassure le justiciable et contribue
à instaurer un climat de confiance dans
le peuple au nom de qui les Tribunaux
et Cours rendent la justice.
tendre.Attendre le plus longtemps possible, l’essentiel étant que ce temps
soit utilisé au nettoyage d’éléments
incontrôlables et peu sûrs qui occupent des postes stratégiques dans les
différents secteurs des différents pouvoirs supposés être séparés dans la
Constitution.
Un tel contexte ne laisse aucune
place à l’équité, à la justice, au respect des principes, des règles, de l’éthique ou de la déontologie : il est
aveugle, sadique et essentiellement cynique, sans état d’âme surtout. Voilà
pourquoi ce procès géré, bien loin du
palais de justice, peut désormais trainer, l’essentiel ayant été accompli :
c’est un tribunal, c’est la justice de
son pays, une si belle et noble institution, qui met Marafa hors d’état de
nuire à ses rivaux politiques. Il est facile de répondre comme partout : laissez la justice faire SON travail, non ?
It makes sense…
Assurés désormais qu’en 25 ans,
Biya ne sera plus concerné par l’alternance selon une horloge biologique sur laquelle tout le monde peut
désormais aisément parier en toute
quiétude ! Dans l’affaire Marafa, la
justice de notre pays est prise en tenaille, en étau entre les angoisses
d’un Chef d’état, Paul Biya, à qui l’on
a fait croire que Marafa constituait une
menace immédiate, et les ambitions
sournoises, lâches parce qu’inavouées
de prébendiers du régime qui veulent
perpétuer le système Biya après lui.
Ils veulent congeler le pays sur les 25
prochaines années, et pour cela il faut
éliminer Marafa. Dans ce schéma, Paul
Biya est à la fois le seul responsable,
mais ce n’est pas à lui que ce crime
profite.
En résumé, dans cette affaire, il
y a un responsable, Paul Biya ; et des
coupables à qui profite le crime, ce
sont ceux qui ont monté le dossier ;
il y a une victime, Marafa, et au-delà
de lui, le Cameroun.
Après la confirmation de sa
condamnation par la Cour
d’Appel, Marafa a aussitôt introduit un recours en cassation
à la Cour Suprême. 30 mois plus
tard, l’institution suprême n’a pas
réagi alors même que la loi lui
donne six mois pour se prononcer. Comment comprendre cette
attitude de la plus haute juridiction de notre pays quand on
sait que les autres instances judiciaires n’ont mis que six mois
pour enrôler et boucler le dossier?
Le principe du double degré de
juridiction réservé à une personne
condamnée en instance au Tribunal
d’exercer le recours qui lui permet de
saisir la Cour d’appel pour voir confirmer ou infirmer la décision du premier juge, a été supprimé dans les lois
créant le Tribunal Criminel Spécial,
seule instance compétente pour juger
des détournements dont le montant est
supérieur à 50.000.000 F. Ces lois
étaient d’application immédiate, de
sorte que Marafa ayant été jugé par
le Tribunal de Grande Instance du
Mfoundi et s’agissant d’une affaire en
cours, seule la voie du pourvoi en cassation lui restait ouverte. Ses conseils,
en prévision de cette situation, avaient
pris la précaution de former deux recours, l’appel et le pourvoi en cassation. La section spécialisée de la Cour
Suprême ne peut connaitre que des
recours exercés contre les jugements
rendus par le TCS, et en aucun cas par
une quelconque Cour d’Appel. Nous
sommes au mois d’avril, la Cour
Suprême n’a pas tenu une audience
depuis le début de l’année.
L’info au coeur du pays
Vous avez suivi les changements
intervenus récemment eu niveau de
la Haute Juridiction, le Premier
Président Alexis Dipanda Mouelle, le
Procureur général près la Cour
Suprême, et plusieurs conseillers, avocats généraux, et même certains présidents de section jugés «incontrôlables» et proches des chefs de cette
Cour, ayant été purement et simplement écartés, sans forme ni ménagement.
Une OPA de l’Exécutif sur le
Judiciaire parfaitement réussie et très
claire dans ses symboles : la volonté
de remplacer le droit et la conscience
du juge par des «hautes instructions»
est très nettement perceptible dans ce
mouvement judiciaire qui cache mal
ses intentions interventionnistes
aigues. Ceux qui pensent que la
longévité de notre Premier Président
devait justifier son départ à la retraite, doivent se souvenir que l’inamovibilité est le gage de l’indépendance de la justice. Il n y a qu’à se rappeler que les hauts gestionnaires de
notre justice aujourd’hui ne sont autres
que des magistrats de même grade, de
la même ancienneté que ceux qu’ils
ont brutalement et grossièrement jetés
à la retraite de la manière la plus choquante qui soit, sans y mettre la
moindre forme, sans le moindre égard
ou respect pour les fonctions de la plus
haute importance qu’ils ont occupée.
Car ne l’oublions pas, le Premier
Président de la Cour Suprême est le
chef du Pouvoir Judiciaire, comme le
Président de la République est le Chef
du Pouvoir Exécutif. Ils se doivent mutuellement du respect et l’un est le garant
constitutionnel
de
l’INDEPENDANCE de l’autre. Avec
le dernier remaniement de la Cour
Suprême, l’Exécutif s’est installé aux
commandes de la Justice et récupéré
Dans l’affaire Marafa, la plupart
des observateurs disent que différents juges et juridictions ne sont
que les porte-parole du politique.
L’affaire Marafa est-elle une affaire politique ?
L’affaire Marafa, je l’ai dit, est une
affaire politique ; et après les débats
publics devant le Tribunal de Grande
Instance du Mfoundi présidé par le
Président Gilbert Schlick , l’opinion
publique nationale et internationale a
conclu que Marafa était un prisonnier politique, et que son arrestation,
suivie de son emprisonnement et de
sa condamnation à 25 ans de prison,
n’avait rien à voir avec un quelconque
détournement d’argent public lié à l’acquisition de l’avion BBJET commandé et fabriqué chez Boeing, et dont
les suites judiciaires ont été réglées
définitivement par les juridictions
américaines par un accord signé par
le Bâtonnier Akere Muna, avocat du
Président de la République dûment
mandaté par ce dernier à cette fin. La
bataille de l’opinion à laquelle tenait
beaucoup le Ministre d’Etat Marafa,
aristocrate au sens noble du terme, et
homme d’honneur et de grande dignité,
lui qui, ayant eu le choix de partir au
moment de son arrestation a choisi de
rester au Cameroun pour laver son honneur, est aujourd’hui un citoyen à la
conscience apaisée, comme hier un
certain Mandela.
Quelles que soient les condamnations passées et à venir absolument,
tout le monde sait que celles-ci n’ont
rien à voir avec le détournement des
deniers publics destinés à la fabrication et l’acquisition de l’avion présidentiel. Il faudra désormais que ses
geôliers gèrent séparément la violation de ses droits fondamentaux à travers ce procès impossible, et sa liberté hors du prétoire où il n’aurait
jamais dû se trouver. Il faudra trouver le terrain approprié pour jouer désormais le jeu politique, comme il
faut trouver un stade pour un match
de football, ou un ring pour celui de
boxe. A chaque jeu son terrain, ses
règles, ses licenciés, ses arbitres, ses
coaches ! Apparemment en face, ils
n’ont rien prévu d’autre que le bras
séculier de la justice pour régler des
problèmes qui ne relèvent pas d’elle, ceci explique le ralentissement
que l’on observe aujourd’hui dans la
Les Nouvelles du Pays
Les Nouvelles
DU PAYS
conduite de sa procédure.
Comment reprendre le match en dehors de la justice
dont on maîtrise tout, absolument tout, d’une main ferme
et dictatoriale, sans libérer Marafa, sans être sûr qu’il a les
mains et pieds liés et qu’il est totalement inopérant et inoffensif. Pour eux, c’est un casse-tête dans lequel ils se débattent parfois avec une violence inouïe, mais toujours avec
une étonnante maladresse. Tenez, ils ont mené toutes sortes
de démarches pour que le co-inculpé dans l’affaire de
l’avion, rembourse la totalité de l’argent que la Snh, sur
ordre donné par le Président de la République à travers le
Ministre de l’Economie et des Finances, a viré dans le
compte de la société américaine GIA – elle en a accusé
réception et l’avion a été fabriqué – Le Ministre Marafa
a refusé qu’un quelconque paiement pouvant être considéré
comme représentant sa quote part dans le montant prétendument détourné soit payé à l’Etat dont il ne se reconnait débiteur de rien du tout – Yves Michel Fotso a
remboursé sa part de rançon et n’est toujours pas sorti à
ce jour, l’Etat n’étant pas prêt à voir Marafa libre sous aucun prétexte !!!
Les adversaires de Marafa et Fotso veulent le beurre
et l’argent du beurre, l’argent et la prison, la mise hors d’état de nuire pendant cette période de fin de règne et la volonté vitale de conserver le pouvoir après une issue fatale pour le Président Biya.
Ceux qui connaissent bien le dossier disent que
Marafa subit depuis son arrestation, et surtout pendant sa détention, des traitements dégradants, allant
de l’humiliation aux actes de torture. Qu’en savezvous ? Pourquoi le Cameroun se laisse-t-il encore reprendre sur les droits humains alors qu’il fait des
avancées sur d’autres domaines ?
Les violations des droits de Marafa sont légions et de
tous ordres. Je dois reconnaitre qu’il n’est pas le seul, j‘en
dirai autant de Yves Michel Fotso, deux cas que je connais
bien pour être leur conseil ! Je leur rends fréquemment visite, mais je n’ai pas le droit d’y apporter le moindre bout
de papier, le moindre dossier. J’ai été arrêtée plusieurs
fois, entendue sur procès-verbal parce que je tenais le livre
«Le choix de l’action» écrit pendant sa détention par Marafa
leur prisonnier, livre que je venais d’acheter dans un kiosque
à Yaoundé ! On m’a arraché la photocopie d’un article intitulé «Lettre ouverte du ministre Owona Grégoire à son
camarade du Rdpc», Membre du Bureau Politique, tirée
du journal «Cameroon Tribune», classée dans le dossier
que j’ai ouvert dans mon cabinet au nom de Marafa dont
je suis toujours l’avocat, confisquée et placée sous scellé
après m’avoir entendue sur procès-verbal.
Nous sommes dans un pays, où nous partageons d’une
manière bien particulière la devise «Paix – Travail – Patrie»,
où quotidiennement, un auxiliaire de Monsieur le Procureur
de la République, le gendarme, peut, fusil en main, empêcher un auxiliaire de justice, l’avocat, de faire son travail.
Malheur à celui, naïf comme moi, qui pense que le droit
au travail est un droit fondamental sujet à la protection des
officiers de police judiciaire que sont les gendarmes, il
peut s’exposer à des surprises particulièrement désagréables
et même plus !!!! J’ai beau expliquer que c’est en ma qualité d’avocat que je rends visite à Marafa ou Fotso, rien
n’y fait, je n’ai aucun droit ni privilège de respect et de
protection de ma profession.
Quand on sait le violent et tragique sort qui a été réservé à l’infortunée Secrétaire de Marafa, dont on attend
justement mais en vain, que les officiers de police judiciaire nous désignent l’auteur, en vue d’un jugement, il y
a de quoi se poser des questions et craindre pour les limites
que les acteurs du dossier Marafa refusent de se donner
dans cette logique d’anéantissement aveugle destiné à éliminer Marafa du pouvoir, peu importe l’immensité et la
qualité des dégâts collatéraux et leurs conséquences.
Nous craignons aussi beaucoup pour son droit à la
santé et nous demandons parfois si ses bourreaux ne seront pas tentés d’utiliser l’arme médicale locale pour en
finir. Son dossier médical est connu bien avant son incarcération et l’absence de soin peut conduire à l’aggravation de son état de santé. Les autorités savent bien que
Marafa doit bénéficier d’un suivi médical qui doit se poursuivre dans un établissement hospitalier d’un certain niveau inconnu au pays.
Si on continue à considérer que ce droit est devenu une
faveur laissée à la discrétion des détenteurs du droit de vie
et de mort sur les citoyens camerounais libres ou en détention, et qu’il arrive à Marafa le sort qui a été celui de
l’Ambassadeur Medouga, ou du Ministre Engoulou et bien
d’autres connus ou inconnus, que retiendra l’histoire ?
Mais je les entends dire, comme la Créature et avec
une insupportable arrogance : «J’ASSUME…»
Interview réalisée par Alex BEMA
Les Nouvelles du Pays
LIGNE DE MIRE
N° 226 du 16 avril 2015
Affaire Marafa Hamidou Yaya
La justice camerounaise peut-elle se
regarder dans un miroir sans rougir ?
Déjà trois ans que
le ministre d’Etat Marafa
Hamidou Yaya, haut
commis de l’Etat et –
très proche – ex collaborateur de Paul Biya
pendant 17 ans, croupit
au sous-sol de la «prison» secondaire du Sed
à Yaoundé au prétexte
d’une accusation non
seulement jamais formellement établie au
cours de l’instruction et
encore moins pendant
le procès, mais à tout le
moins absurde. Une accusation d’autant plus
absurde que la Cour
Suprême qui, selon la
loi, a six mois pour examiner son pourvoi introduit au lendemain de sa
condamnation, éprouve
toute la peine du monde
à le faire … depuis deux
ans et demie !
onvoqué devant un juge
d’instruction le 16 avril
2012 et incarcéré le
même jour à la prison centrale
de Kondengui à Yaoundé,
Marafa Hamidou Yaya moisit
donc, à ce jour, en prison depuis
exactement trois ans. Après sa
spectaculaire inculpation suivie
d’une incarcération-spectacle le
même jour, les choses sont allées
très vite. A la vitesse supersonique même : En l’espace de cinq
mois – ce qu’on n’avait jamais
vu au Cameroun - et qu’on n’a
plus enregistré depuis lors –
s’est tenu un procès-marathon
qui a abouti à un peu glorieux
verdict de 25 années d’emprisonnement ferme pour… «délit
d’amitié» !
Car comment qualifier autrement le «crime» de «complicité intellectuelle de détournement de deniers publics» attribué par le président Gilbert
Schlick à un accusé au départ
inculpé de «détournement présumé de deniers publics en coaction», mais qui, au final – faute
de l’ombre de la moindre preuve – a été condamné à un quart
de siècle de réclusion, alors
même - ô surprise ! - que les
témoins de l’accusation n’ont
cessé d’affirmer à tour de rôle
le long des débats que le ministre
d’Etat n’a jamais donné la
moindre instruction, ni seulement
C
Marafa Hamidou Yaya, ovationné lors d’une sortie d’audience
été informé du décaissement de
la somme de 31 millions de dollars.
Au cours de ce procès – qui
est indubitablement entré dans
la légende et qui livrera bien ses
vrais dessous un beau jour – la
justice camerounaise s’est comportée exactement comme un canard sans tête, ne cessant de battre
des ailes et de courir. Par un de
ces retournements de sens – dont
le Cameroun a le secret depuis
l’avènement du Renouveau –
qui a estomaqué les plus grands
spécialistes internationaux du
Droit, la justice camerounaise a
gardé de bout en bout du traitement de cette procédure une attitude de froideur tenace et d’arrogance butée qui n’a eu cure, à
aucun moment, du «qu’en dirat-on» et encore moins du «qu’en
pensera-t-on».
Acrobaties judiciaires
A l’examen rétrospectif des
débats et de leurs stupéfiantes
péripéties, le grand public a eu
le loisir de réaliser sans effort
que dans cette procédure menée
tambour battant et au pas de course – pour des raisons évidentes
– les acteurs de la justice de notre
pays – et c’est le cas de le dire
– se sont maintenus loin, très
loin, de cette pseudo indépendance qui ne demeure que présumée, et surtout du simple bon
sens. En dépit du principe qui
interdit de commenter une décision de justice, comment ne
pas relever le caractère vertigineux de la décision condamnant
Marafa Hamidou Yaya à 25 ans
d’emprisonnement ferme sans
que la moindre preuve matérielle
ait été établie ou brandie, sans
même qu’un seul des multiples
témoins de l’accusation - et pas
L’info au coeur du pays
même le ministre des finances
de l’époque – Michel Meva’a
M’Eboutou – qui a affirmé devant la barre avoir unilatéralement pris la décision d’ordonner le décaissement des fameux
31 millions de dollars - n’ait indexé ou confondu l’accusé
Marafa Hamidou Yaya ?
Faudrait-il alors se contenter de ce que l’on appelle «l’intime conviction du juge», alors
que rien, mais absolument rien,
ne permet d’asseoir une aussi grave décision ?
Comment ne pas avoir la
chair de poule – relativement à
cette hypothétique «conviction» du juge – alors que, les
débats avaient largement révélé
que le prétexte même de l’ouverture et de la conduite de cette procédure de «détournement
de deniers publics» n’a pu relever que de la prestidigitation
ou de la haute voltige pour la
simple, unique et fascinante
raison que l’Etat du Cameroun
avait été dédommagé par GIA
international, cette société qui
avait obtenu et détenu les 31 millions de dollars dix ans plus tôt au terme d’une procédure de
règlement amiable - devant un
tribunal américain ?
Comment même comprendre que la Cour Suprême
n’ait eu ni le temps – et encore
moins le courage, ou même la
simple honnêteté - d’examiner
le pourvoi de Marafa Hamidou
Yaya alors que six mois après le
verdict lui ayant infligé 25 ans
de taule pour la distraction des
31 millions de dollars, Me Akéré
Muna, avocat de l’Etat du
Cameroun avait révélé en public
– et devant la presse nationale
et internationale rassemblée à
l’Hôtel Hilton de Yaoundé –
qu’il avait bel et bien représenté
l’Etat du Cameroun devant le
juge des faillites de l’Etat de
l’Oregon aux Etats-Unis, et que
le Cameroun avait conséquemment été dédommagé au travers d’un avion d’une valeur de
16 millions de dollars et d’une
consistante somme en espèces
pour solde de tous comptes des
31 millions de dollars virés par
la SNH sur instructions du ministre Meva’a M’Eboutou ?
Impossible donc, au vu de
tout cela, de ne pas être interdit
de déduire que la décision finale de 25 ans d’emprisonnement
infligée par le Tribunal de grande instance du Mfoundi à un accusé qui n’a ni obtenu, ni détenu la somme querellée n’a pu
être légitimée qu’au prix d’acrobaties qui sont à l’éthique ce
qu’est la margarine au beurre.
On a beau retourner le cas
Marafa Hamidou Yaya dans tous
les sens, on ne peut ne pas manquer d’être suffoqué par le caractère froid, déterminé et implacable de la machine judiciaire camerounaise qui, sous le
couvert d’une procédure juridiquement floue n’a guère eu froid
aux yeux de prononcer une lourde condamnation à la base d’une
accusation non seulement improbable, mais en réalité juridiquement incorrecte.
Ce qui fait penser à cet inoubliable slogan d’une célèbre
marque de soda américaine qui
avait fait le tour du monde il y
a quelques années : «ça a la couleur de l’alcool, l’odeur de l’alcool, le goût de l’alcool, mais ce
n’est pas de l’alcool».
Remplacez le mot alcool par
Justice, et vous aurez le … goût
de l’affaire Marafa !
Camille NELLE
7
LIG NE D E MIRE
N° 226 du 16 avril 2015
Obsession
Les Nouvelles
DU PAYS
Condamner et maintenir absolument
Marafa Hamidou Yaya en prison
Au terme des audiences surchauffées de l’affaire « Bbjet
2 » relatives au pseudo «détournement» en coaction de
31 millions de dollars destinés à l’achat d’un avion présidentiel, le Tribunal de
Grande Instance du Mfoundi
avait frappé avec une brutalité aveugle, les yeux fermés
et les deux index enfoncés
dans les oreilles : 25 ans
d’emprisonnement ferme infligés à cet ancien très
proche collaborateur de Paul
Biya qui n’avait ni obtenu, ni
détenu ce gros magot.
Pourtant dès le lendemain de
cet épouvantable verdict,
ceux qui avaient instruit l’arrestation et ordonné la lourde
condamnation de l’ex-Minatd
ont pris la mesure – pour ne
pas dire la démesure - du
caractère volatile et peu crédible de cette sanction. Il fallait donc trouver d’autres
chefs d’accusations par tous
les moyens pour définitivement clouer le ministre d’Etat
au trou. On aura ainsi monté
de toutes pièces une pléthore de minables enquêtes ou
de fantasques procédures.
Malheureusement toutes ces
tentatives se sont muées en
de lamentables et dérisoires
«flops».
e verdict de l’affaire Bbjet 2
prononcé, et le traditionnel
coup de marteau sèchement
frappé sur la table par le juge Gilbert
Schlick, la salle d’audience du Tribunal
de Grande Instance du Mfound a commencé à se vider à 4h du matin du
23 septembre 2012.
Ce qui est certain est que tous ceux
qui sortaient, fatigués et éreintés de
cette salle d’audience au petit matin,
alors qu’il y étaient entrés la veille en
milieu de matinée, ont ressassé dans
leurs esprits une foule de questions
dans le sens de comprendre l’inculpation ainsi que la condamnation de
Marafa Hamidou Yaya à l’aune des
différents débats ayant meublé les audiences de ce procès qui s’était déroulé à la vitesse Grand V.
Car, en revoyant rétrospectivement
dans leurs têtes le déroulement des débats, ils avaient eu du mal à comprendre ce verdict, ne reposant, visiblement, sur aucune certitude.
Conséquence, c’est tous et chacun qui
se sont posé et se posent encore, trois
ans après, des questions simples, mais
ô combien pertinentes : «Marafa
Hamidou Yaya avait-il pris l’initiative de commander cet avion ?»
Réponse : NON. Et cela avait été mille et une fois répété au cours des au-
L
8
diences successives par les témoins
de l’accusation. La décision d’acheter, et même le choix arrêté sur le
modèle Bbjet 2 avaient relevé du
Chef de l’Etat en personne, avant d’être
traité en premier lieu par Cyrille
Etoundi – le prédécesseur d’Yves
Michel Fotso à la Camair - avec le
soutien constant de l’Etat-major particulier du Président de la République.
Deuxième question qui avait tout
autant obtenu une réponse incontestable le long des auditions : Marafa
Hamidou Yaya avait-il ordonné,
instruit - ou même seulement
suggéré – de faire virer 31 millions
de dollars en espèces par la SNH au
bénéfice de la CBC et GIA international ? NON. D’ailleurs l’unique
ordonnateur de cette opération – le ministre des finances de l’époque, Michel
Meva’a M’Eboutou – comparaissant
en qualité de témoin de l’accusation,
avait fermement déclaré que c’est de
son propre chef qu’il avait personnellement décidé de procéder à un règlement en espèces, et ce, pour la bonne raison qu’il lui avait semblé hors
de question d’acquérir un avion présidentiel par le biais d’un crédit documentaire. Surabondamment, le témoin Meva’a M’Eboutou avait en
outre précisé qu’il n’en avait même
pas informé le Secrétaire Général de
la Présidence, Marafa Hamidou Yaya.
Autre lancinante question :
Marafa Hamidou Yaya avait-il pris
l’initiative de commander un
deuxième avion présidentiel autre
que celui initialement prévu ?NON,
et c’est encore le ministre Meva’a
M’Eboutou qui a révélé et soutenu que
cette option avait été notifiée, en son
temps, au constructeur Boeing par
Jean Marie Atangana Mebara, successeur de Marafa Hamidou Yaya au
Secrétariat Général à la Présidence de
la République, au moment où celuici était ministre de l’Administration
Territoriale et de la Décentralisation.
Question suivante : Marafa
Hamidou Yaya avait-il été associé
ou même seulement informé de l’accord amiable conclu entre l’Etat camerounais et la société GIA international au terme duquel le
Cameroun avait été indemnisé sur
les 29 millions de dollars perçus par
la société américaine, avec comme
principal support l’engagement ferme pris entre les deux parties de renoncer à toutes poursuites ultérieures ? Une fois de plus la réponse est NON. Et ce qui est fort étonnant est que dans le settleman agreement paraphé par le représentant de
l’Etat du Cameroun, la société GIA
international et le juge du tribunal des
faillites de l’Etat de l’Oregon, il était
clairement stipulé que jamais l’une ou
l’autre partie ne poursuivra l’autre et
encore moins les employés de l’une
ou l’autre partie.
Il est donc patent que l’Etat du
Cameroun a carrément violé cet ac-
Marafa Hamidou Yaya, le rouleau compresseur en marche
cord signé devant une instance judiciaire américaine en trainant ses
propres commis et responsables devant la justice, bien qu’ayant recouvré une partie de la somme débloquée
sur ordre du ministre Meva’a
M’Eboutou.
Il est tout autant difficile de comprendre cette option de la tenue d’une
procédure judiciaire de détournement qui, de toute évidence, ne peut
relever que de la construction mentale. En dépit de cette criarde absence
de preuves matérielles, le Tribunal a
néanmoins réussi l’acrobatique exploit
de «reconnaitre» Marafa Hamidou
Yaya coupable de «complicité intellectuelle» d’un détournement qui ne
peut en être un dans la mesure où il
est connu – et cela a été affirmé en public par le propre avocat de l’Etat ayant
conduit ce dossier – que dix ans plus
tôt l’Etat du Cameroun avait conclu
un arrangement amiable avec la société qui avait perçu l’argent querellé.
Voila la considération centrale qui justifie autant de questions.
Des questions en tout cas légitimes
à la simple analyse rétrospective de
cette procédure de détournement de
deniers publics qui ressemble à s’y
méprendre à une fiction aussi viciée
dans sa construction que vicieuse dans
son retournement final.
La suite
Au lendemain du 22 septembre
2012 – date de la condamnation de
Marafa Hamidou Yaya – la presse nationale et internationale avait exprimé
à suffisance son scepticisme, de même
que l’opinion nationale, dans sa large majorité, a eu du mal à gober la
lourde condamnation judiciaire manquant indubitablement de crédibilité.
Mais avant cela, le grand public
avait eu droit – en guise d’avant goût
– quelques mois plus tôt, à une première tentative, orchestrée par l’Etat,
de mettre le haut commis Marafa
Hamidou Yaya en indélicatesse avec
la justice à travers une procédure de
diffamation qui est entrée dans le registre du bêtisier judiciaire camerounais, tant elle a été grotesque, mais
L’info au coeur du pays
néanmoins révélatrice de la volonté
forcenée, bête et même méchante du
système judiciaire de notre pays que
l’on a vu à la manœuvre.
En Effet, avant de comparaitre devant le TGI du Mfoundi, Marafa
Hamidou Yaya avait été trainé devant
le Tribunal de Première Instance de
Yaoundé pour répondre de l’accusation du délit de diffamation.
Diffamation, avait-on appris, contre
Ni John Fru Ndi le leader du Social
Democratic Front. Il s’agissait bien
d’une vieille procédure datant de 2008,
qui avait effectivement été actionnée
par le Chairman à la suite des fameuses
émeutes du 28 février 2008. Dans la
foulée de ces émeutes qui ont laissé
de profondes séquelles dans notre
pays, Marafa Hamidou Yaya, se fondant sur des informations lui ayant été
transmises par ses Sous-préfets, avait
publiquement affirmé lors d’une conférence de presse que Ni John Fru Ndi
avait été aperçu dans son véhicule flanqué d’un dangereux repris de justice
évadé de la prison de New Bell.
Réfutant cette allégation, John Fru
Ndi avait, dans un premier temps exigé
des excuses du ministre. Faute de
celles-ci, le leader du SDF avait saisi
le tribunal de première instance de
Bamenda. Jusqu’en 2010, cette procédure avait connu des péripéties diverses
et se noya sans bruit à la suite de la décision de la Cour Suprême de dessaisir le tribunal de première instance de
Bamenda. Encore qu’entre temps, le
chairman avait laissé tomber l’affaire.
Et c’est contre toute attente que trois
mois après son incarcération à la prison de Kondengui – et pendant qu’il
attendait d’être jugé pour l’affaire du
détournement de fonds présumé que
Marafa Hamidou Yaya se vit servir une
notification d’huissier à comparaitre devant le TPI de Yaoundé pour répondre
de la diffamation faite contre John Fru
Ndi en 2008 !
Le Ministère Public était allé exhumer une affaire vieille de quatre ans.
Personne n’avait été dupe, et encore
moins John Fru Ndi - dont il faut saluer ici la dignité et la correction – qui
refusa de s’associer à une si basse mas-
carade en se désistant publiquement.
Gros Jean comme devant, le Ministère
public, pas le moins du monde démonté, mais décidé à aller le plus loin
possible dans l’absurde, se chargea de
susciter une deuxième affaire de diffamation. Mais cette fois intentée par
un certain Bessong Georges, un assassin condamné à vie pour avoir assassiné un français à Douala en 2000.
C’est son nom que le ministre Marafa
avait cité comme ayant été en compagnie de John Fru Ndi. On voyait
ainsi pour la première fois dans les
annales judiciaires camerounaises, un
tueur connu condamné à vie pour assassinat trainer un ministre devant le
tribunal de première instance de
Yaoundé – soutenu par le Ministère
public ! C’était gros, et même grotesque. Heureusement, au-delà de son
caractère burlesque et extravagant, cette procédure mourut rapidement de sa
belle mort du fait de l’extinction de
l’action publique pour cause de prescription. Mais le grand public a pu mesurer jusqu’à quel point le système judiciaire camerounais peut user d’expédients pour noyer à tout prix une de
ses victimes désignées.
Mais quelques mois après sa
condamnation, on avait vu le Contrôle
Supérieur de l’Etat s’activer à passer
toute la gestion de Marafa Hamidou
Yaya au Minatd pendant dix ans,
poussant même le zèle à dépêcher des
inspecteurs dans les différentes régions
du pays pour vérifier si l’argent qui
avait été confié au Minatd – destiné
aux sous préfets pour l’appui de l’élection présidentielle de 2011- avait
effectivement été utilisé comme prescrit. Les inspecteurs sont rentrés bredouilles et confus.
Voilà donc comment la machine
judiciaire camerounaise, incapable
d’établir une accusation probante
contre un haut commis de l’Etat - du
reste connu jusqu’à son arrestation pour
sa rigueur, et dont il fallait absolument
déconstruire l’image et la personnalité – se trouve aujourd’hui coincé dans
son propre engrenage. Cela fait trois
ans que Marafa Hamidou Yaya est en
prison, et deux ans et demie que la
Cour Suprême s’obstine à ne pas examiner le pourvoi introduit pour son
dossier dont il est juste question de
savoir si les éléments constitutifs du
détournement – ou même de la «complicité intellectuelle» de détournement - de deniers publics ayant fait
l’objet d’un arrangement devant la justice américaine dix ans auparavant,
sont constitués. Cela fait deux ans et
demi que la Cour suprême camerounaise traine les pieds - alors que la loi
ne lui octroie qu’un délai de six mois
– pour pouvoir offrir aux camerounais le gage de sa crédibilité. Ce qui
n’est qu’une exigence minimale pour
redonner des couleurs à son image qui,
il faut dire la vérité, demeure passablement brouillée.
C.N
Les Nouvelles du Pays
Les Nouvelles
DU PAYS
LIGNE DE MIRE
N° 226 du 16 avril 2015
Cabale
Comment on veut présenter Marafa Hamidou Yaya
comme un proscrit de la société
A en croire les allégations
savamment véhiculées par
certains canaux de communication plus ou moins
enrôlés pour les besoins
d’on ne sait quelle cause,
Marafa Hamidou Yaya ne
serait rien de moins qu’un
individu extrêmement dangereux pour le Cameroun.
Est-ce pour cela que la machine judiciaire camerounaise l’a sommairement expédié en prison pour 25 ans
au motif d’un délit qui n’existe même pas dans son code
pénal ? Mais comme si cela
ne suffisait pas, il faut
qu’aux yeux des
Camerounais il ne soit
perçu que comme un impitoyable va-t-en guerre dont
les deux seules ambitions
seraient de faire un coup
d’état, de tuer Paul Biya et
de s’emparer du pouvoir.
Au moment où, après sa sortie
du gouvernement en décembre
2011, Marafa Hamidou Yaya avait
entrepris une tournée dans les régions septentrionales du pays dans
le but affirmé de féliciter les populations de cette partie du pays pour
leur vote massif en faveur du candidat Paul Biya lors de l’élection
présidentielle, une certaine presse spécialisée dans les invectives
contre les hommes du sérail s’en
était violemment pris à sa personne de façon répétitive, qualifiant
sa tournée de «démonstration de force» (contre Paul Biya), avant de
l’accuser sans ambages d’être «à la
tête d’une armée de 8000 coupeurs
de route» et même de «pactiser avec
Boko Haram».
De gravissimes accusations à
l’encontre de l’un des hommes en
lesquels Paul Biya avait confiance, cela n’avait pas manqué d’émouvoir observateurs politiques et
spécialistes de politique en Afrique
qui voyaient là un mauvais vent
commencer à souffler contre l’un
des hommes considérés comme les
plus puissants du régime. Peu de
personnes, à ce moment-là, auraient
imaginé que ce n’était là que le début d’une stratégie de mutilation de
son image dans la logique de présenter l’ex-proche collaborateur de
Paul Biya comme un sinistre quidam qui se préparerait à mettre le
Cameroun à feu et à sang.
Cette campagne a duré exactement quatre mois avant que le
Les Nouvelles du Pays
Me Harissou / Aboubakar Sidiki, quand l’amitié avec Marafa devient un crime
juge Magnaguemabe ne le jette en
prison sans autre forme de procès.
Il a, par la suite été cavalièrement
condamné pour un détournement
improbable de deniers publics.
Mais la machine à cracher du venin ne s’est pas pour autant arrêtée.
Rien ne sera plus ménagé pour lui
tailler un costard de véritable proscrit qui ne penserait qu’à tout brûler ici, rien que pour la conquête
du pouvoir….
Ternir l’image de Marafa
L’un des plus hystériques pics
de la déconstruction de l’image de
Marafa Hamidou Yaya sera la fameuse cabale médiatique embouchée par le journal en ligne
«Médiapart» avec un article à la
gomme écrit à la va-vite par une
certaine Mademoiselle Pigeaut qui
n’ a pas fait moins que de présenter Marafa Hamidou Yaya – sur la
base de recoupements absolument
scabreux- comme le chef de file ,
et même le gourou d’une pseudo
rébellion organisée dans la région
de l’Extrême nord du Cameroun
dans la prétendue logique de déstabiliser le Cameroun.
Cette pigiste complètement
ignorante des réalités de la sousrégion avait eu, on l’a compris par
la suite, de formidables illusions
d’optique. Des mirages qui lui
avaient fait dire que ce n’est pas
Boko Haram qui enlève les touristes
au Cameroun et tue les populations.
Pour cette apprentie journaliste, ce
n’était
pas
les
hommes
d’Aboubakar Shekau, mais plutôt
les hommes de Marafa Hamidou
Yaya pourtant croupissant en prison. Cette thèse complètement tirée
par les cheveux avait même fait
les choux gras d’une presse locale
paresseuse et alimenté de stridents
débats dans les télévisions et même
les chaumières. Il aura fallu que les
incursions des islamistes s’intensifient au point de vouloir transformer les villages frontaliers du
Cameroun en self-services pour
miliciens de Boko Haram pour que
la thèse Pigeaut soit jetée à la poubelle.
Jusque-là, l’épouvantail Marafa
continuait à faire peur. La preuve,
tout a été fait pour créer une loufoque affaire d’atteinte à la sécurité intérieure de l’Etat pour les besoins de laquelle les services de renseignements camerounais ont tout
simplement arrêté et gardé au secret, Me Abdoulaye Harissou, notaire à Maroua, présenté aussitôt par
une presse motivée comme «le notaire de Marafa» dont l’activité serait d’organiser la déstabilisation du
Cameroun en partenariat avec les
rebelles de la Seleka. Une histoire
à donner envie de grimper aux
murs, mais pour laquelle jusqu’à ce
jour on n’a trouvé aucune preuve
ni contre Me Harissou, ni même la
plus infime collusion avec Marafa
Hamidou Yaya. Malgré cela, le notaire croupit en prison et le temps
a manifestement suspendu son vol
L’info au coeur du pays
pour ce qui le concerne ; car son
dossier semble avoir été oublié
dans un tiroir.
Pourtant, devant les juges d’instruction du Tribunal militaire de
Yaoundé, Me Harissou a fait éclater toutes les preuves non seulement
de son innocence pour la grave accusation de terrorisme, mais en
plus il a établi qu’il n’a jamais téléphoné à quiconque en Centrafrique
au moment où on l’accuse de l’avoir
fait, et davantage que tout le long
de la période où on l’accuse d’avoir
procédé à ces échanges téléphoniques, il se trouvait hors du
Cameroun.
Présenter Me Harissou
comme bras séculier
de la rébellion
Pire, au moment de sa spectaculaire arrestation à Maroua, il était
reproché au notaire d’avoir eu des
conversations avec des complices
n’étant autres que des préfets, souspréfets, et députés originaires du
septentrion. Les journaux qui se faisaient fort de relater cette affaire
avaient parlé d’une prétendue lettre
qui confondait tous ces comploteurs.
Un an après l’arrestation et la mise
au secret de ce notaire, on n’a toujours pas encore mis la main sur un
sous-préfet, un préfet ou un député
du septentrion.
A la réalité, les cerveaux malades qui ont décidé de procéder à
l’arrestation du notaire Harissou
avaient tout fait pour convaincre les
sécurocrates du régime que les ressortissants du Nord du Cameroun
seraient en train de murir une formidable conspiration. Une accusation extrêmement grave qui pourrait aboutir à des préjugés capables
de détruire la cohésion nationale.
Mis il faut dire que ceux qui tiennent absolument à ne donner de
Marafa Hamidou Yaya que l’image d’un proscrit ont multiplié les
mensonges les plus saugrenus et les
plus absurdes. Après l’avoir présenté
comme l’homme que préparaient les
Français pour bouter Paul Biya du
pouvoir, on n’a pas non plus hésité
à le présenter comme le
Camerounais soutenu par le Tchad
pour
atteindre
cet
objectif. Aujourd’hui, c’est ce
même Tchad qui est venu à la rescousse du Cameroun contre Boko
Haram, ce qui anéantit toutes les
élucubrations inventées et entretenues par des irresponsables qui, certainement dans le but de célébrer
indéfiniment Paul Biya comme un
Bouddha vivant, font tout pour le
persuader de ce que Marafa
Hamidou Yaya serait l’antéchrist en
personne. Malheureusement jusqu’à ce jour, aucun élément matériel n’est encore venu corroborer
cette thèse farfelue.
A ce jour, la manipulation permanente pour persuader l’opinion
que Marafa Hamidou Yaya ne serait que Belzébuth en personne, a
fait chou blanc.
Camille NELLE
9
Les Nouvelles
LIGNE DE MIRE
N° 226 du 16 avril 2015
DU PAYS
Affaire Marafa
Trois ans de résistance au rouleau compresseur
Tout de suite après sa mise sous l’éteignoir, Marafa Hamidou Yaya s’est mis à lutter contre l’oubli et l’anéantissement.
De manière inattendue et imprévisible.
usqu’ici, les prisonniers politiques
et assimilés avaient stoïquement
accepté et subi leur peine, fût-elle
injuste. Mis à part Titus Edzoa qui, au
bout d’une longue période de pénitence forcée, avait fini par commettre
un ouvrage, tous, ou presque, ont décidé de souffrir le martyr. Le régime
avait trouvé les arrestations spectaculaires et humiliantes et les procès
expéditifs une parade pour liquider politiquement ses adversaires. Ainsi en
a-t-il été de Marafa Hamidou Yaya,
éjecté du gouvernement, poursuivi et
précipitamment condamné dans l’affaire de l’avion présidentiel dite
«Affaire Bbjet2».
Avec cette condamnation, les
stratèges du président Paul Biya, se
frottent les mains et sabrent du champagne. Ils viennent de faire du bon
boulot ! Et leur patron ne sera plus
agacé par un collaborateur qui lui assène ses quatre vérités à la première occasion. Manque de pot, le temps d’avaler les premières gorgées de leur nectar, Marafa Hamidou Yaya qu’on
croyait anéanti et réduit au silence, la
ramène. Sous la forme d’une lettre ouverte au Chef de l’Etat. Il faut préciser que même en étant en prison, Marafa
Hamidou Yaya gardait encore sa carte du Rdpc. C’est donc la première
fois qu’un militant du Rdpc, fût-il déchu, apostrophe le président du parti
et Chef de l’Etat. Jusqu’ici, les adresses
publiques au Chef de l’Etat étaient restées l’apanage des leaders d’opposition et d’opinion. Bien sûr, ceux qui
connaissent Marafa Hamidou Yaya savent qu’il ne s’est jamais retenu
d’adresser une lettre au Chef de l’Etat
quand la situation l’exigeait. Ainsi en
est-il d’une lettre de mars 2008 alors
qu’il était ministre de l’Administration
territoriale dans laquelle il dénonçait
la campagne de déstabilisation contre
sa personne orchestrée par Amadou
Ali, alors ministre de la Défense.
Cette première lettre ouverte du
prisonnier Marafa au Chef de l’Etat
est donc un véritable coup de tonnerre dans le landerneau. Dans l’entourage de Paul Biya, on se hâte, on se
précipite, on panique même. Le président lui-même ne décolère plus. On
traque dans l’entourage du prisonnier
Marafa ceux qui ont sorti la lettre de
la prison. Un temps, on soupçonne
même qu’il a engagé les services d’un
scribe pour lui rédiger sa lettre. On
décide alors d’un traitement plus rugueux, d’une surveillance plus stricte de l’emmerdeur de dormir en paix.
Marafa Hamidou Yaya est même extrait de la prison centrale de Kondengui
où se trouvent ses co-accusés et
d’autres victimes de l’opération
Epervier pour les cellules souterraines
du Secrétariat d’Etat à la Défense où
rien ne lui est plus toléré. Il lui est interdit toute visite, y compris celle de
ses avocats conseils. Marafa comprend
tout de suite que s’il ne prend pas le
taureau par les cornes, on n’entendra
plus parler de lui qu’au passé. Il refuse de se nourrir et menace de faire
un scandale si ses conditions de détention ne sont pas améliorées. C’est
J
10
ainsi que le rouleau compresseur ralentit sa marche.
Ce qui laisse le temps à l’ancien
Sgpr de bien peaufiner sa stratégie. Il
publie à intervalles réguliers sept
autres lettres ouvertes à ses compatriotes et/ou au Chef de l’Etat, en montant chaque fois d’un cran, dévoilant
ses ambitions pour le Cameroun. Non
sans mettre à nu les limites du Chef
de l’Etat à continuer à diriger le
Cameroun. C’est lui le premier à parler de manière tout à fait audible de
l’après-Biya. Le débat était dans l’opinion depuis au moins 2011, mais était
devenu une rengaine, un exutoire pour
tous les aigris de la République et les
opposants frustrés. Il aborde la question en exhibant son projet de société,
«la société de confiance» qu’il appelle
de tous ses vœux, qu’il tient à construire. Mieux, il se comporte en homme
libre et ambitieux, bien qu’écroué.
Yaoundé perd le sommeil, multiplie
de vigilance et de coups tortus, mais
n’en mène pas large, car, résolument,
Marafa prend du volume au fil du
temps. Il a désormais la main et le régime de Yaoundé est à la traîne.
Il contribue en homme d’Etat à la
vie de la nation, donnant son avis avec
lucidité sur l’actualité du pays. Par
exemple, un mois après l’enlèvement
de plus de 200 lycéennes au Nigeria,
il signe un article dans le journal
français «Le Monde» pour prendre position et mobiliser la Communauté nationale et internationale contre les criminels de Boko Haram, auteurs de ces
crimes odieux et de bien d’autres, aussi bien sur le sol nigérian que sur celui du Cameroun : «Aussi, je lance un
appel à tous mes compatriotes, à tous
les chefs traditionnels, à toutes les
populations de l’Afrique en miniature qu’est le Cameroun, et qui par-
tage une frontière de 2000 kilomètres
avec le Nigeria. Mobilisons-nous
contre ces criminels et leur projet de
terre brûlée, coopérons avec les pouvoirs publics, cessons de vivre dans
la peur et la résignation. Ne nous rendons pas complices par inaction, car
nous nous rendrions victimes. Ne nous
laissons pas déposséder de notre
passé et de notre avenir par des terroristes. Moi le Camerounais, qui suis
fier que la grande mosquée de
Yaoundé se trouve sur l’avenue JeanPaul-II, je lance aussi un appel aux
autorités religieuses et aux lamidos,
les chefs des communautés musulmanes d’Afrique de l’Ouest.
Dénoncez cette instrumentalisation
de la religion à des fins de mort et
de violence sans but. Dites que Boko
Haram est l’ennemi de l’islam comme des chrétiens. Prêchez que la religion véritable promeut l’harmonie.»
Marafa Hamidou Yaya
La position de Marafa est de loin
la plus mémorable des hommes politiques du Cameroun, si l’on excepte la prise de parole officielle du Chef
de l’Etat à différentes occasions sur
le sujet. Le renforcement de la garde autour de lui et le durcissement
des conditions de sa détention n’ont
pas empêché l’ancien Minadt de passer à une autre étape de sa production éditoriale. La publication de «Le
choix de l’action» est un pas décisif
dans la gestion d’une carrière qui
semble commencer maintenant seulement. Il n’est pas exagéré de comparer «Le choix de l’action» à
«L’audace de l’espoir» qui lance la
campagne qui conduira Barack
Obama à la Maison Blanche aux EtatsUnis. La seule différence étant que
l’un avait toute sa liberté, l’autre pas.
Provisoirement ?
Alex BEMA
Le leader incontesté du Septentrion
Même privé de liberté, Marafa continue à avoir de l’influence dans le Grand nord. Les jeux de chaises
musicales du pouvoir n’y change rien. Marafa tient encore le Grand nord et Etoudi a les insomnies.
ronie du sort, Paul Biya tient son pouvoir
d’Ahmadou Ahidjo, un homme du Nord et 33
ans plus tard, alors qu’on parle de plus en plus
de la fin de son règne, c’est un homme du Nord qui
lui donne les insomnies. Marafa Hamidou Yaya est
aujourd’hui sans conteste la personnalité politique
la plus populaire dans la partie septentrionale du
Cameroun. Pas seulement parce que dans sa peur
panique, Etoudi en a fait un prisonnier politique et
donc un martyr, mais aussi et surtout parce que depuis l’avènement du Renouveau en 1982, il n’a jamais existé une personnalité aussi puissante dans
cette partie du pays.
Etoudi s’en mord les doigts aujourd’hui parce
qu’en incarcérant Marafa Hamidou Yaya dans les
conditions que l’on sait, il a diminué de manière
significative son influence dans le septentrion. Une
faute stratégique quand on sait d’où Paul Biya revient après sa cassure avec son parrain et ancien
président Ahmadou Ahidjo. L’eau est dans le gaz
dès août 83 quand Paul Biya annonce que les forces
de sécurité ont déjoué un complot visant à le renverser. Les choses se gâtent définitivement après
le 6 avril 84. Il y a eu une tentative maîtrisée de
renversement du nouveau régime. Les renseignements généraux et les services spéciaux pointent
du doigt les principaux dignitaires de la province
du Nord de l’époque, province d’origine d’Ahmadou
Ahidjo. Par mesure de répression, Paul Biya engage une chasse aux sorcières. Et tous les piliers
du régime d’Ahidjo tombent. Parmi ceux-ci,
Ousmane Mey de l’actuel Extrême Nord, Moussa
Yaya Sarkifada de l’actuel Nord et Sadou Daoudou
de l’actuel Adamaoua. La crise entre Ahidjo et Biya
menace de désagréger le septentrion. En tout cas,
Biya perd pratiquement le Nord puisque presque
tous les fidèles de l’ancien président sont soit incarcérés, soit écartés du pouvoir. Les rescapés luttent pour l’oubli. Ainsi de Bello Bouba qui fuit vers
le Nigeria avant de revenir dans les oripeaux d’opposant. Ainsi d’Issa Tchiroma, prisonnier putschiste gracié en 90, ensuite opposant opportuniste et enfin collabo, ou de Dakolé Daïssala, la voix
rocailleuse de l’Extrême Nord, lui aussi prisonnier
I
gracié et opposant de fortune.
C’est l’heure de la recomposition. Beaucoup
jouent sur la corde de la discorde entre l’ancien et
l’actuel président de la République et tentent de faire mousser leur cote. Pris en otage par les ahidjoïstes, Paul Biya entreprend de créer de toute pièce des contrepoids. Ainsi naissent les Amadou Ali
ou Cavayé Yéguié dans l’Extrême Nord. D’ailleurs
l’éclatement de l’ancienne province du Nord en trois
provinces (l’Extrême Nord, le Nord et l’Adamaoua)
participe de cette stratégie anti-ahidjohiste. Ayant
éclaté le Nord, Paul Biya joue désormais la carte de
l’Extrême Nord, la région la plus peuplée du
Cameroun.Ainsi pourra-t-il contourner le Nord frondeur et rebelle. Malheureusement, ses nouveaux chevaux sont de pacotille. Ils n’ont pas droit au chapitre à Garoua la ville du premier président du
Cameroun que Paul Biya a humilié, jugé, condamné
à mort et poussé à l’exil. C’est un antécédent que
le chef de l’Etat ne parvient pas à vider. La nomination de Sadou Hayatou, fils de Garoua, de bonne naissance, au poste de Premier ministre atténue
à peine le différend.
Mais l’arrivée de Marafa aux affaires est une
belle réponse à Garoua, alors tenu par l’Undp de
Bello Bouba, Issa Tchiroma ouAhmadou Moustapha
des ahidjoïstes prostitués. Tout aristocrate qu’il est,
il est proche des gens et le reste en dépit de son ascension fulgurante. Il retourne à Garoua et met les
militants du parti au travail. Le Rdpc prend racine
dans le Nord et reprend vie, notamment en arrachant des sièges de députés à l’Undp. Tout cela est
à mettre au crédit de Marafa.
Sa chute entraîne inéluctablement un vide qu’il
faut combler. Mais comment le combler ? Il faut
surtout préserver les acquis. Mais quand le Rdpc
fait le point, il n’y a personne à Garoua susceptible
de remettre le parti sur pied. Surtout que depuis sa
prison, Marafa, par ses activités éditoriales, mène
la vie dure au régime de Yaoundé et gagne en popularité, les gens percevant l’image d’un fils du pays
sacrifié à l’autel de la real politique.
Ils ne cachent pas leur rejet du parti au pouvoir
et la situation n’est pas différente de celle de 1984,
L’info au coeur du pays
après le putsch manqué du 6 avril ? Sauf que cette
fois, ce n’est pas Garoua qui est honni et persécuté,
mais c’est Garoua qui tourne le dos au parti régnant
et manifeste sans fioriture son courroux. De nouveau, les stratèges du Renouveau doivent faire feu
de tout bois. Au risque de provoquer une grogne
difficile à maîtriser ailleurs dans le pays, ils font
relâcher, en grande pompe, Haman Adama de la
même région que l’ancien Sgpr, condamnée pour
détournement dans son ministère, celui de l’Education
de base. Elle a miraculeusement remboursé les
sommes supposées détournées et a été libérée à une
vitesse supersonique alors que Yves Michel Fotso,
par exemple, continue de croupir en prison après
avoir remboursé le corps du délit dans l’affaire Bbjet2.
Au regard des résultats de cette prouesse stratégique des conseillers du président Paul Biya, Haman
Adama pèse comme une plume d’oiseau. Ils se ravisent et sortent, tel un prestidigitateur, un lapin de
son chapeau,AminatouAhidjo, la benjamine de l’ancien président. Lui donne-t-on l’élixir du bonheur ?
Toujours est-il que la jeune dame lâche le clan familial, dont sa mère qui n’a jamais décoléré du sort
réservé à son époux et qui a une dent dure contre
Paul Biya qu’elle dit avoir pouponné, pour rallier
le camp ennemi. Chez les Peuhls, pour atteindre un
tel niveau de trahison, il faut avoir rageusement décapé son âme. Au prix de quoi ? Peu importe, elle
a été appelée au secours du régime de Yaoundé pour
sauver Garoua, c’est-à-dire le Nord de l’emprise de
Marafa Hamidou Yaya. Au bout d’un discours inaudible parce que perçu comme de la traîtrise, et de
quelques meetings financés à grands frais par le contribuable, Aminatou Ahidjo va disparaître de la circulation. A-t-elle fini par comprendre l’entourloupe où on l’a entraînée ou a-t-elle compris qu’elle
s’engageait dans un combat terriblement inégal ?
Toujours est-il que Mademoiselle a débarrassé le
plancher sans même attendre que Marafa soit vraiment anéanti.
Trois ans après son emprisonnement, Marafa
n’a rien perdu de sa popularité dans le Nord. Malgré
les efforts du pouvoir. Il en faut un peu plus.
A.B.
Les Nouvelles du Pays
Les Nouvelles
AU Q UOTIDIEN
DU PAYS
Gestion du Droit d’auteur
N° 226 du 16 avril 2015
Ama Tutu Muna lâche Romeo Dika
L’ex candidat au poste de Pca de la Socam souhaite, vraisemblablement , que la refondation de la gestion du droit
d’auteur se fasse à l’abri de ceux qu’il qualifie d’ivrognes, de calomniateurs, de jaloux et de fauteurs de trouble au profil
bokoharamique. La position de la Ministre des arts et de la culture est aux antipodes de la stigmatisation et de l’exclusion.
La contradiction a été relevée à Douala, à l’occasion de la remise des guitares à 170 artistes musiciens.
a Ministre des Arts et de la
Culture a presque désavoué
Romeo Dika. C’est du moins
l’avis de nombreux observateur présents, ce vendredi 03 avril, à l’esplanade de la délégation régionale des
Arts et de la Culture du Littoral. La
grande famille des artistes musiciens
s’y était retrouvée pour recevoir un
don de 170 guitares offertes par le
Syndicat camerounais des musiciens
(Sycamu), en partenariat avec la fédération internationale des musiciens
(Fim) et le Ministère des Arts et de la
Culture.
Pour l’auteur de «Le mari de ma
femme», le milieu des artistes musicien est infesté de «vendeurs d’illusions, de manipulateurs, se conduisant
à travers des actes bokoharamiques
pour déstabiliser la paix sociale».
Roméo Dika, qui se considère comme le fils spirituel de Joseph Charles
Doumba et le fils tout court de Paul
Biya, affirme avoir contribué à l’implantation de la politique culturelle du
Président de la République. A ce titre,
le challenger de Ndedi Eyango à la
dernière élection à la présidence du
conseil d’administration de la Socam
pense que la réconciliation prônée par
la Déclaration de Douala (lue par Esso
Essomba), et le plaidoyer pour la création d’une nouvelle société de gestion
des droits d’auteurs de l’art musical
(soutenu par Salle John et Joe Mboule)
ne sauraient intégrer des confrères à
la faiblesse intellectuelle établie, ou
ceux qui ont «choisi de faire du bruit
au lieu d’agir».
«Rien ne se fera dans l’ivresse, la
calomnie, la jalousie, le non respect
de l’autorité de l’Etat», a lancé le militant du Rdpc. De l’avis donc de
Roméo Dika, qui annonce au passage avoir été blanchi par le producteur
et ami, Moussa Haïssam, des accusations de détournement de plus de 40
millions de francs à la Socam, la déclaration de Douala doit se faire sur
des bases de paix, de concorde, du
respect des valeurs intrinsèques des
uns et de la capacité à manager des
autres. Bref, il opte pour le choix des
hommes et des femmes qui ont fait
comme lui le «choix de la collaboration responsable avec le gouvernement». Le moins qu’on puisse dire est
que Roméo Dika était convaincu de
ses idées. Il en était même très attaché au point de susciter de l’émotion.
Les yeux larmoyants, il saisira même
l’occasion pour pardonner, malgré tout,
à tous ceux qui l’ont calomnié ou diffamé.
Mais madame la ministre n’y a vu
que de la stigmatisation et de l’exclusion. «J’aurais souhaité que Sam
Mbende, Papillon, Ndedi Eyango, Petit
Pays soient ici aujourd’hui», tranchera-t-elle nettement avec les propos de Roméo Dika. «Je vous envoie
L
Les Nouvelles du Pays
Ama Tutu Muna / Roméo Dika, divorce consommé ?
en mission pour aller les chercher.
Qu’ils viennent et qu’ensemble nous
pussions construire votre maison. Vos
droits d’auteur vous appartiennent,
c’est à vous de décider de la manière par laquelle ils vont être gérés. C’est
à vous de décider de ce que vous souhaitez faire de votre maison», lance-
ra-t-elle aux artistes avant d’indiquer
qu’aucune nouvelle société de gestion
des droits d’auteur ne sera mise sur
pied dans le contexte actuel miné par
les querelles et les divisions. «Il faut
que tout le monde revienne dans une
seule maison. Je ne donnerai pas
d’agrément à un groupe d’artistes.
Demandez à tous ceux qui aiment les
artistes de se mettre ensemble. Il s’agit
d’associer et de préserver vos droits.
Allez dire à Sam Mbende que les portes
de mon bureau lui sont ouvertes comme d’habitude…», martèlera Ama
Tutu Muna. La Ministre ira plus loin
en signifiant son souhait de voir de
Conciliabule
nouveaux visages prendre les rênes
de la gestion des droits d’auteurs au
Cameroun. A ce propos, elle demandera aux aînés comme Salle John et
les autres de devenir des conseillers
pour la nouvelle génération. Un véritable camouflet pour les protagonistes
qui tiennent les devants de la scène
aujourd’hui.
Pour montrer sa volonté de tourner la page des intrigues, Madame la
ministre remettra personnellement une
guitare au très bouillant Joe la
Conscience qui, quelques minutes
avant, a fortement perturbé la cérémonie en indiquant bruyamment que
«la Cour suprême du Cameroun a rétabli la CMC dans ses droits » et que
la ministre devait respecter les décisions de justice.
Pour son courage et sa témérité,
Joe la Conscience décrochera, séance tenante, en plus d’une guitare, une
invitation à une rencontre avec la ministre dans ses bureaux à Yaoundé.
Certainement pour débattre des questions liées au retour de la sérénité dans
le monde des artistes musiciens camerounais.
Ive TSOPGUE
Sam Mbende et Ndedi Eyango saisissent
la perche d’Ama Tutu Muna
Ils ont répondu favorablement à l’appel du ministre des arts et de la culture pour ramener
la paix dans la maison des artistes musiciens. Les deux leaders ont même déjà formulé
les propositions qu’ils vont émettre à la plateforme de concertation.
près la sortie d’Ama Tutu
Muna du vendredi 03 avril
2015 à Douala, les réactions
de Sam Mbende et de Ndedi Eyango
étaient très attendues. Ce d’autant
plus que les deux artistes sont depuis 2008 au centre des querelles qui
perturbent la collecte et la distribution du droit d’auteur du domaine
musical au Cameroun. L’un est le
Pca de la Cmc dont les résolutions
de l’assemblée générale du 10 mai
2008 ont été annulées et l’agrément
retiré par la Mincult. L’autre est le
Pca de la Socam dont l’élection du
02 novembre 2013 a été invalidée
par la tutelle.
Ama Tutu Muna avait cependant émis le vœu de voir ces deux
leaders se joindre à une large concertation pour juguler la crise qui divise la grande famille des artistes musiciens. Les deux Pca n’ont pas tardé
à se manifester. Les deux hommes
se sont exprimés au cours d’une
A
conférence conjointe organisée ce 13
avril 2015 à Douala.
D’entrée de jeu, ils ont fait le
constat de ce que «l’interventionnisme du Ministère des arts et de la
culture et ses décisions querellés n’ont
occasionné, à ce jour, que des préjudices irréparables tant aux dirigeants, aux membres de la Cmc et
de la Socam qu’à leurs personnels,
en ce que leurs droits sont demeurés
irrémédiablement compromis». Les
deux Pca ont ensuite annoncé la signature d’un protocole d’accord
entre leurs deux structures «pour le
rétablissement de la normalité dans
la gestion collective du droit d’auteur et des droits voisins du droit d’auteur du domaine musical ».C’est dans
cet optique qu’ils ont choisi de répondre favorablement à l’appel du
la Mincult. Il s’agit, indiquent Sam
Mbende et Ndedi Eyango, d’une démarche patriotique fondée sur leur
engagement à servir le droit d’auL’info au coeur du pays
teur et leur «attachement aux normes
de la paix, de la solidarité, de l’éthique et de l’équité» qui devrait aboutir «au choix de l’émergence d’un
seul organisme de gestion collective de droit d’auteur et des droits voisins du droit d’auteur du domaine
musical fort, en conformité avec les
dispositions réglementaires et législatives en matière de droit d’auteur
au Cameroun».
Les Pca de la Cmc et de la Socam
s’inscrivent donc en faux contre toute idée de création d’une nouvelle
société de gestion du droit d’auteur
soutenue par un groupe d’artistes qui
entendent faire perdurer l’imposture. Ils sont donc favorables à la mise
sur pied d’une plateforme de concertation devant aboutir à un large
consensus. De l’avis des deux leaders, cette concertation pourrait par
exemple se pencher sur «le choix
d’une société au final, laquelle serait l’une ou l’autre structure (Cmc
ou Socam, ndlr) ; la modification des
statuts et règlements de la société
choisie ; un conseil d’administration
consensuel sans exclusive.» Et au finish, on devrait déboucher sur «l’organisation d’une assemblée générale
extraordinaire de refondation qui approuvera ou rejettera les propositions
sus-évoquées.»
Mais, Sam Mbende et Ndedi
Eyango sont conscients de l’existence
des goulots d’étranglements. C’est
pourquoi ils mettent en garde les
artistes épris de paix et de justice
contre les risques de désinformation. «Nous en appelons donc à la
vigilance encore plus accrue de tous
les artistes musiciens face aux manipulations grossières, aux intoxications mensongères, aux machinations grotesques et à une politisation outrancière du droit d’auteur.»,
clament-ils. Roméo Dika va certainement se sentir piqué.
I.T
11
Les Nouvelles
AU Q UOTID IEN
N° 226 du 16 avril 2015
DU PAYS
Rapprochement Cmc/Socam
Que cherche Ama Tutu Muna ?
La Minarc dit vouloir mettre un terme aux divisions dans la maison des artistes musiciens. Mais quel crédit doit-on
accorder à un membre du gouvernement qui a brillé par ses actes de défiance à l’égard du pouvoir judiciaire.
n la savait plutôt braquée
contre Sam Mbende et Ndedi
Eyango. La Minarc a poussé
plus loin son animosité contre ces
deux artistes de renom du paysage
musical camerounais au point de donner l’impression de renier l’autorité
du pouvoir judiciaire. Mais le 03
avril dernier, Ama Tutu Muna a surpris plus d’un observateur présent à
l’esplanade de la délégation régionale du ministère des arts et de la
culture du Littoral. La Minarc a fait
la sourde oreille face aux appels à
l’octroie d’agrément à une nouvelle société de gestion collective des
droits d’auteurs de l’art musical au
Cameroun. Les artistes musiciens qui
ont formulé cet appel étaient manifestement acquis à la cause de
Roméo Dika. Ce dernier est
considéré, à tort ou à raison, dans
le milieu, comme le protégé de la
Ministre.
Coup de tonnerre ! Ama Tutu
Muna veut désormais voir Sam
Mbende et Ndedi Eyango. Elle croit
savoir que la maison des artistes ne
O
Photo de famille après la distribution des guitares
aux artistes
en annonçant l’ouverture de larges
peut se construire en l’absence de
consultations pour la refondation de
ces deux ténors. Qu’est ce qui a donc
la gestion du droit d’auteur de l’art
pu se passer dans l’esprit de Madame
musical, la Minarc pourrait redorer
la ministre ? S’est–elle finalement
le blason d’un département ministélassée de six années d’une intermiriel qui aura échoué dans ses misnable guéguerre qu’elle a elle-même
sions régaliennes de promotion du
occasionnée ? Ou alors a-t-elle reçu
patrimoine culturel national.
instruction de sa hiérarchie de mettre
Mais jusqu’où devrait-on croire
fin à la récréation ? Quoiqu’il en soit,
Déclaration
en la sincérité de la ministre ? En
acceptant la main tendue du Minarc,
Sam Mbende et Ndedi Eyango n’ont
pas manqué de souligner que
«d’autres acteurs s’emploient à faire passer dans l’opinion que la
Ministre des arts et de la culture, au
détour des statuts d’une société de
droit d’auteur mise sur pied par le
Comité de normalisation des organismes de gestion collective du droit
d’auteur, prépare ainsi le lit de la création d’une nouvelle société de droit
d’auteur». Si les appréhensions de
ceux qui se considèrent encore comme Pca de la Cmc et de la Socam
sont fondées, on serait tenté de croire que Madame la ministre aurait imaginé un stratagème qui consisterait
à rouler Sam Mbende et Ndedi
Eyango dans la farine en les conviant
à une rencontre dont les résolutions
ont été définies à l’avance. Dans ce
cas de figure, les présences de Sam
Mbende et Ndedi Eyango devraient
crédibiliser une concertation qui viserait à adouber la Minarc ainsi que
les nouveaux hommes qu’elle s’ap-
prêterait à désigner à la tête de la
nouvelle société de gestion du droit
d’auteur.
Même en refusant la main tendue de la Minarc, les Pca de la Cmc
et de la Socam ne sont pas à l’abri
du piège. Dans ce deuxième cas de
figure, Ils pourraient logiquement
«servir de boucs émissaires à certains pour justifier les problèmes de
fond à l’origine du blocage actuel…»
Sam Mbende et Ndedi Eyango
sont donc à la croisée des chemins.
Ils ont certes déjà choisi de se présenter à la table des négociations. A
l’issue de leur rapprochement, ils ont
convenu que l’une de leurs deux entreprises devrait être choisie pour gérer le droit d’auteur. Cette idée pourrait fortement troubler les plans de
la Ministre. A condition que la communauté des artistes ait suffisamment
de cran pour indiquer au Minarc que
son droit de regard, en tant que tutelle, ne saurait se muer en droit
d’ingérence.
I.T
Minsanté : détournement de 200 millions Fcfa destinés au Samu !
L
e
Service
d’aide
médicale
d’urgence(Samu) créé en 2004 par une
circulaire ministérielle pour améliorer la
prise en charge des urgences pré-hospitalières
au Cameroun court toujours après son autonomie financière. Selon cette circulaire, chaque hôpital de référence de la ville abritant une unité
du Samu devait lui verser 500.000 FCFA/mois ;
la barre des hôpitaux de district (Hd) était fixée
à 100.000 FCFA/mois pendant que les centres
médicaux d’arrondissement (Cma) devaient
contribuer mensuellement au fonctionnement du
Samu à hauteur de 50.000 FCFA.
Mais, cet engagement n’a duré que le temps
de l’euphorie. Les hôpitaux publics qui devaient,
à travers cet acte de générosité, assurer le gros
du financement du Samu ont massivement répondu aux abonnés absents dès les premiers mois ;
sous prétexte qu’ils sont eux aussi confrontés à
des difficultés financières. Ce qui n’est d’ailleurs
pas faux.
Seulement, face à la débandade inattendue
des établissements publics de soins de santé, il
ne restait plus que le service aux usagers retenu
par la circulaire ministérielle comme seconde
source de financement. Le Samu s’est donc tourné
vers la rue en intensifiant le transport des accidentés de la voie publique et le transfèrement
des patients vers les hôpitaux à 15.000 FCFA en
dehors du périmètre urbain et 10.000 FCFA dans
le périmètre urbain. Là aussi, des écueils se pointent.
Les services jugés onéreux par des usagers
intéressent finalement peu de monde. Ils sont
même qualifiés d’élitistes. Par conséquent, le
Samu affaibli financièrement peine à respecter
ses engagements vis-à-vis notamment des personnels d’astreinte et donc à satisfaire la poignée de personnes qui sollicite ses services.
Consciente du rôle du Samu dans la sécurité du patient, l’Association «Action pour
l’Humanisation des Hôpitaux» (Acthu) tire la
12
sonnette d’alarme en 2009 en interpellant les
pouvoirs publics sur la précarité financière de
l’ «hôpital hors les murs» camerounais. Parmi
ses huit propositions d’urgence contenues dans
un communiqué de presse, Acthu demande entre
autres aux pouvoirs publics de doter le Samu
d’une personnalité juridique et morale autonome et de lui octroyer des crédits de fonctionnement et d’investissement.
Ce cri de détresse a reçu un écho favorable
auprès de l’Etat qui a aussitôt commencé à appuyer financièrement le Samu. C’est ainsi qu’en
2010, Samu-Douala et Samu-Yaoundé reçoivent,
pour chaque structure, un transfert de capital de
50 millions de FCFA dans le cadre du budget
d’investissement public (Bip). Mais, le rêve entretemps devenu réalité se transforme vite en
cauchemar. Les structures bénéficiaires ne reçoivent pas les fonds décaissés par les pouvoirs publics.
En 2011, l’Etat revoit les subventions à la
baisse. Il accorde cette fois-là 25 millions de FCFA
à Samu-Douala, 25 millions de FCFA à SamuYaoundé et 25 millions de FCFA à SamuGaroua. Comme l’année précédente, les bénéficiaires attendent de toucher la manne de l’Etat,
en vain. Plus grave, Samu-Garoua est, à ce jour,
une structure fictive. Certains responsables de
l’hôpital central de Garoua qui doit loger le Samu
disent n’avoir jamais entendu parler de ce service ou d’une quelconque dotation de l’Etat à
ce sujet.
En 2012, les subventions sont accordées avec
des détails en moins. Cette année, le Budget
d’investissement public octroie 50 millions de
FCFA au Samu sans préciser les structures cibles
comme dans les années antérieures. Ce qui ne
change rien au fond puisque les différents services du Samu attendent toujours leur part pour
accroitre leurs performances.
Au total, ce sont quelques 225 millions de
FCFA destinés aux caisses des structures béné-
ficiaires du Samu qui ont été détournés. Autant
on peut se féliciter du geste des pouvoirs publics
vis-à-vis d’un service à l’agonie, autant on doit
condamner le laxisme des services de contrôle
de l’Etat. Il revient au Ministère de l’économie,
de la planification et de l’aménagement du territoire d’enregistrer les besoins des départements
ministériels, de planifier le financement des projets en fonction des priorités et de la disponibilité des fonds et d’assurer le suivi de l’exécution
desdits projets.
Une vérification rigoureuse aurait permis non
seulement de constater que les sommes décaissées
pendant trois ans ne sont jamais arrivées à bon
port et donc d’arrêter à temps ce détournement
de fonds ; mais surtout de se rendre compte que
par exemple, Samu-Garoua qui a bénéficié de
25 millions de FCFA en 2011 est une structure
fictive étant donné que jusqu’ici, seules les villes
de Douala et Yaoundé abritent officiellement des
services du Samu.
En exerçant leur droit de regard, les services
compétents auraient remarqué que les demandes
de financement avaient des objectifs autres que
le soutien financier du Samu comme le laissait
croire le Ministère de la Santé publique. Mais,
ce Ministère est coutumier des détournements
des fonds destinés à des projets de santé.
En 2005, les pouvoirs publics à travers le
Bip accordent la somme de 35 millions de FCfa
et le matériel médical d’une valeur de 11 millions de FCfa pour la construction et l’équipement du centre de santé intégré de Banya I à
Yabassi dans le département du Nkam. L’argent
détourné, est partagé entre certains individus sans
scrupule et le matériel médical destiné au projet est abandonné dans une pièce de l’hôpital de
district de la localité.
Quatre ans plus tard, les pouvoirs publics,
décaissent à nouveau 15 millions de FCfa pour
«le parachèvement de la construction» de ce centre
de santé qui, curieusement, n’existe nulle part.
L’info au coeur du pays
Sous la pression d’Acthu, ce centre a été finalement construit en 2011.
Dans la farce des subventions de l’Etat, les
différents responsables des démembrements du
Samu sont apparemment les seuls dindons.
Depuis 2010, ils font état de leurs besoins au
Ministère de la santé publique. Mais, à leur grande surprise, le Minsanté indifférent à ces mémoires de dépenses continue d’entretenir le flou
sur la gestion des financements du Bip octroyés
au Samu.
Pourtant, le Samu a cruellement besoin de
cet argent voire plus pour sortir de l’agonie où
il se trouve ! N’ayant pas de personnel, le Samu
doit payer les primes de garde et d’astreinte aux
personnels des hôpitaux qu’il utilise au quotidien, assurer leur formation sur les gestes de premiers secours, sensibiliser les populations sur
ses activités. En plus, il faut des locaux, des outils de communication modernes, des médicaments de premiers secours et du matériel roulant.
Acthu interpelle la Commission Nationale
Anti-Corruption (Conac), le Contrôle Supérieur
de l’Etat (Consupe) et d’autres structures chargées
de veiller à l’assainissement des finances publiques afin que toute la lumière soit faite sur les
subventions accordées au Samu par l’Etat de 2010
à 2013.
Ce sera justice faite.
Fait à Douala, le 15 Avril 2015
Pour le Bureau Exécutif d’ACTHU
Locka Eitel
Le Fondateur
Contact : 696781299
Email: [email protected]
www.acthu.jimdo.com
Facebook : action pour
humanisation des hôpitaux
Les Nouvelles du Pays