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Thèse de Doctorat
de Sciences Ecologiques, Vétérinaires, Agronomiques et Bioingénieries
Filière : Microbiologie et Biocatalyse industrielle
Présentée à
L’Institut National des Sciences Appliquées de Toulouse
par
Mathieu MALIGOY
Analyse post-génomique des interactions
cellulaires dans des écosystèmes modèles.
Devant le jury composé de
Mme V. MONNET
Directeur de Recherche, INRA, Jouy-en-Josas
Rapporteur
M. P. BONNARME
Directeur de Recherche, INRA, Grignon
Rapporteur
M. P. RENAULT
Directeur de Recherche, INRA, Jouy-en-Josas
Examinateur
M. R. PERRIN
Responsable de Département Microbiologie,
SOREDAB, La Boissière Ecole
Examinateur
M. N. LINDLEY
Directeur de Recherche CNRS, INSA, Toulouse
Président
M. P. LOUBIERE
Directeur de Recherche INRA, INSA Toulouse
Directeur de thèse
Cette thèse a été préparée au Laboratoire d’Ingénierie des Systèmes Biologiques et des
Procédés (LISBP), UMR-CNRS 5504, UMR-INRA 792.
1
Nom : MALIGOY
Prénom : Mathieu
Titre : Analyse post-génomique des interactions cellulaires dans des écosystèmes modèles.
Projet de thèse, Spécialité : Ingénieries microbienne et enzymatique
Année : 2008
Lieu : Toulouse
N° d’ordre :
Pages : 195
Résumé :
L’objectif était de caractériser les mécanismes d’interaction entre la bactérie lactique
Lactococcus lactis et la levure Saccharomyces cerevisiae dans des écosystèmes modèles. Le
comportement macro-cinétique de L. lactis, analysé en co-culture avec la levure et en culture
pure, semble indépendant de la présence de la levure. Par contre, la levure utilise ses propres
produits de fermentation (éthanol, acétate), ainsi que le lactate produit par L. lactis, pour
prolonger sa croissance en aérobiose. Une méthode pour réduire les hybridations croisées sur
les puces à ADN de L. lactis lors de l’analyse transcriptomique des co-cultures a été
développée. Ainsi, pour la première fois, le transcriptome de L. lactis a été analysé avec des
puces à ADN dans une culture mixte. La comparaison directe des cultures pure et mixte en
phase exponentielle de croissance met en évidence de nombreux gènes du métabolisme des
pyrimidines sous-exprimés en co-culture. Ce phénomène, confirmé par RT-qPCR, semble lié
à la présence d’éthanol produit par la levure. Selon une autre stratégie, l’analyse cinétique
comparative des données de transcriptome a été soumise à différents traitements statistiques
pour déterminer la robustesse des données. Malgré des différences entre listes de gènes
sélectionnés, le profil d’expression global est similaire en cultures pure et mixte,
caractéristique de l’adaptation à la carence en glucose. Même si certains gènes de régulateurs
semblent différemment exprimés en cultures pure et mixte, L. lactis semble finalement peu
affecté par la présence de la levure.
Mots Clés :
Lactococcus lactis, Saccharomyces cerevisiae, culture mixte, interaction inter-espèce,
transcriptome
Ce travail n’aurait pas pu être réalisé sans le soutien de nombreuses personnes
que je tiens à remercier ici.
Je remercie Nic Lindley, directeur du Laboratoire d’Ingénierie des Systèmes
Biologiques et des Procédés, pour m’avoir permis de réaliser mes travaux de
thèse dans son laboratoire et pour avoir accepté de présider le jury.
J’adresse également mes remerciements à Véronique Monnet et Pascal
Bonnarme pour avoir accepté de juger mes travaux ainsi qu’à Pierre Renault et
Rémi Perrin pour leur participation au jury de thèse.
Je remercie très très très chaleureusement Pascal Loubière pour m’avoir
accueilli dans l’équipe du Génie du Métabolisme des Procaryotes, pour ses
encouragements, pour ses précieux conseils, pour la confiance et la liberté qu’il
m’a accordées, et pour son sourire permanent.
Un grand merci aussi à Muriel Cocaign-Bousquet pour son humanité, pour sa
rigueur scientifique, et pour nos réunions interminables autour des données
transcriptomiques.
Je tiens aussi à remercier les autres membres et ex-membres de l’équipe
lactique pour leur aide, pour leur bonne humeur, et pour tous les bons moments
passés ensemble. Je remercie Myriam, Clémentine, Sophie, Valérie, Julien,
Sébastien, Chonticha, Panada, Pantip, Emma, Sandy, et Mathieu.
Merci aussi à toute l’équipe de la plateforme Biopuces, tout spécialement à
Lidwine et Serguei sans lesquels une grande partie de mes travaux n’auraient
pas été possibles.
La recherche n’étant pas efficace sans caféine, je remercie toutes celles et ceux
avec qui j’ai partagé un café à la cafet’ (Dieu sait qu’ils sont nombreux !).
Merci pour vos encouragements, pour nos débats à propos de tout et n’importe
quoi et pour nos fous-rires. Merci donc à Claudia, Roberto, Céline, Suzana,
Julien, Jan, Sandra, Romain, Hélène(s), Delphine, Céline, Caroline, Nathalie(s),
Khalid, Emilie, Fabien, Clément, Mathieu(s), Olivier, Marie, Florence(s)…et à
tous les autres.
Enfin, merci à Nathalie, Gabriël et Jules, pour m’avoir permis d’aller jusqu’au
bout, pour leurs yeux bleus, pour le bonheur d’être en famille.
Sommaire
Sommaire
Introduction .......................................................................... 1
Chapitre I : Introduction bibliographique.......................... 3
I. La complexité du monde vivant........................................................................................... 3
II. Les interactions cellulaires : « le choc des cultures » ....................................................... 3
II.1 Interactions trophiques, interactions nutritionnelles, ou « cross-feeding » ............. 5
II.1.1 Définition .................................................................................................................. 5
II.1.2 Interactions trophiques dans le tractus digestif......................................................... 5
II.1.3 Interactions trophiques dans l’environnement .......................................................... 6
II.1.4 Intérêt technologique des cultures mixtes ................................................................ 7
II.2 Quorum Sensing .......................................................................................................... 11
II.2.1 Bactéries gram négatives ........................................................................................ 12
II.2.2 Bactéries gram positives ......................................................................................... 13
II.2.3 Le Quorum Sensing universel aux bactéries .......................................................... 14
II.2.4 Les levures .............................................................................................................. 14
II.2.5 Le Quorum Sensing entre procaryotes et eucaryotes ............................................. 15
II.3 Les molécules anti-microbiennes ............................................................................... 15
II.4 La cacophonie microbienne........................................................................................ 16
II.5 Quelques mots sur les biofilms ................................................................................... 17
III. Lactococcus lactis et les bactéries lactiques ................................................................... 17
III.1 Phylogénie................................................................................................................... 17
III.1.1 Lactococcus lactis subsp. lactis IL1403 ................................................................ 18
III.1.2 Lactococcus lactis subsp. lactis biovar. diacetylactis LD61 ................................. 18
III.2 Catabolisme des sucres .............................................................................................. 19
III.2.1 Transport des sucres .............................................................................................. 20
III.2.2 La glycolyse .......................................................................................................... 22
III.2.3 Destin du pyruvate ................................................................................................ 22
III.2.4 Métabolisme aérobie ............................................................................................. 25
III.3 Le métabolisme des purines, pyrimidines, nucléotides, et nucléosides chez
Lactococcus lactis. ............................................................................................................... 28
Sommaire
III.3.1 Organisation des gènes du métabolisme des purines et des pyrimidines .............. 28
III.3.2 La biosynthèse de novo ......................................................................................... 30
III.3.3 Les systèmes de transport ...................................................................................... 33
III.3.4 Les voies de sauvetage et d’interconversion ......................................................... 34
III.4 Systèmes de régulation chez Lactococcus lactis ...................................................... 36
III.4.1 Régulation biochimique ........................................................................................ 36
III.4.2 Régulation génétique ............................................................................................. 40
IV. Les levures ........................................................................................................................ 53
IV.1 Saccharomyces cerevisiae ........................................................................................... 53
IV.2 Le métabolisme central de Saccharomyces cerevisiae ............................................. 55
IV.2.1 La glycolyse .......................................................................................................... 56
IV.2.2 La fermentation alcoolique ................................................................................... 56
IV.2.3 Le métabolisme oxydatif ....................................................................................... 57
V. Les habitats communs à Lactococcus lactis et Saccharomyces cerevisiae ................... 59
VI. Les puces à ADN .............................................................................................................. 60
VI.1 Puces à ADN et populations hétérogènes ................................................................. 61
VI.1.1 Puces dédiées à la détection d’espèces ................................................................. 62
VI.1.2 Puces dédiées à l’analyse transcriptomique .......................................................... 62
VI.2 Recouvrement des données d’analyses transcriptomiques .................................... 67
Chapitre II : Matériel et méthodes .................................... 71
I. Microorganismes et conditions de culture ........................................................................ 71
I.1 Espèces et souches ......................................................................................................... 71
I.2 Milieux de culture ......................................................................................................... 71
I.3 Conservation des souches ............................................................................................. 73
I.4 Précultures..................................................................................................................... 73
I.5 Cultures discontinues en bioréacteur.......................................................................... 74
II. Techniques analytiques ..................................................................................................... 75
II.1 Mesure de la concentration en biomasse ................................................................... 75
II.1.1 Turbidimétrie .......................................................................................................... 75
II.1.2 Gravimétrie ............................................................................................................. 75
II.1.3 Comptage des colonies sur boites de pétri.............................................................. 75
II.1.4 Relation DO/masse sèche/UFC .............................................................................. 76
Sommaire
II.2 Dosage des métabolites extracellulaires .................................................................... 76
II.2.1 Dosage des substrats et produits de fermentation ................................................... 76
II.2.2 Dosage des nucléobases.......................................................................................... 77
III. Préparation des acides nucléiques et utilisation des puces à ADN.............................. 77
III.1 Extraction de l’ARN total ......................................................................................... 77
III.1.1 Préparation des ADNc ........................................................................................... 78
III.1.2 Extraction des ADN génomiques .......................................................................... 79
III.1.3 Hybridation et détection sur les puces à ADN ...................................................... 79
III.1.4 Traitement des données de puces à ADN.............................................................. 81
Chapitre III : Analyse transcriptomique de Lactococcus
lactis en coculture avec Saccharomyces cerevisiae. ........... 87
Chapitre IV : Influence du traitement statistique sur le
résultat de l’analyse transcriptomique ............................ 102
I. Introduction....................................................................................................................... 102
I.1 Nouvelle souche ........................................................................................................... 102
I.2 Nouvelles conditions de culture ................................................................................. 102
I.3 Nouvelle façon de comparer les transcriptomes ...................................................... 103
I.4 Analyse quantitative des divergences de résultats en fonction du traitement
statistique .......................................................................................................................... 104
II. Résultats ........................................................................................................................... 105
II.1 Comparaison inter-normalisation ........................................................................... 105
II.1.1 Les trois types de normalisation sont-ils adaptés ?............................................... 105
II.1.2 Recouvrement des données entre les normalisations en fonction de la stringence du
test de Student ................................................................................................................ 108
II.1.3 Recouvrement des données en fonction du seuil de coupure du ratio d’expression
........................................................................................................................................ 111
II.2 Comparaison inter-culture. ...................................................................................... 113
III. Discussion ....................................................................................................................... 118
III.1 Contexte .................................................................................................................... 118
Sommaire
III.2 Comparaison des trois méthodes de normalisation .............................................. 118
III.3 Comparaison inter-culture ..................................................................................... 119
III.4 Le choix de la normalisation ................................................................................... 120
III.5 L’interprétation biologique .................................................................................... 121
Chapitre
V
:
Comparaison
dynamique
du
profil
transcriptomique de Lactococcus lactis en culture pure et
en culture mixte avec Saccharomyces cerevisiae. ............ 101
Conclusion et perspectives ............................................... 156
I. Bilan ................................................................................................................................... 156
I.1 L’ajout d’ADN génomique pour réduire les cross-hybridations ........................... 157
I.2 Stratégie d’analyse ...................................................................................................... 158
I.3 L’interaction cellulaire ............................................................................................... 159
I.3.1 Interaction entre IL1403 et CEN.PK113-7D ......................................................... 159
I.3.2 Interaction entre LD61 et CEN.PK113-7D ............................................................ 160
II. Perspectives ...................................................................................................................... 162
II.1 Analyse transcriptomique dans des écosystèmes de plus en plus complexes ....... 162
II.2 Les autres méthodes globales ................................................................................... 164
II.2.1 Analyse Protéomique ............................................................................................ 164
II.2.2 Résonance Magnétique Nucléaire ........................................................................ 165
III. Pour conclure… ............................................................................................................. 166
Références bibliographiques ............................................ 167
Introduction
Introduction
Depuis des millénaires, les aliments fermentés font partie du menu des hommes, qui
apprécient leurs propriétés gustatives et sanitaires et leur longue durée de conservation. C’est
vraisemblablement les aliments fermentés liquides qui sont apparus en premier dans le
croissant fertile au Néolithique (environ 10 000 ans avant J.C.). La sédentarisation,
l’agriculture, l’élevage, et la poterie ont permis le développement du vin, de la bière et des
laitages. Vers 4800 avant J.C. les sumériens utilisaient les levures pour élaborer l’ancêtre de
la bière et le pain, c’est aussi l’apparition des premières faisselles. Vers 3000 avant J.C. les
égyptiens plantaient des vignes pour le vin funéraire et à la même époque les babyloniens
fabriquaient du vin de palme. On trouve des preuves écrites de la consommation de pain au
levain et de bière dans le plus ancien texte de loi connu, rédigé à Babylone sous le règne
d’Hammourabi en 2100 avant J.C. Les premiers véritables fromages et beurres sont apparus
vers 1400 avant J.C. en Inde et en Mésopotamie. Peu à peu de nombreux types de
fermentation ont vu le jour, ainsi le chou fermenté vers 300 avant J.C. en Chine, le fromage à
pâte pressée vers 100 avant J.C, la charcuterie dans l’antiquité, l’hydromel chez les celtes, le
kéfir et le saké en Asie, les yaourts etc. Malgré la maîtrise toujours plus grande des techniques
de fermentation, ce phénomène resta longtemps entouré d’un grand mystère. Seuls les Dieux
étaient capables de tels prodiges : Osiris en Egypte, Noé en Arménie, Dionysos en Grèce, et
Bacchus à Rome. Il faudra attendre longtemps avant de commencer à comprendre le rôle des
microorganismes dans tout cela.
De nos jours, malgré le développement toujours plus rapide de la Science, les
industriels continuent d’utiliser des méthodes ancestrales telles que le criblage de souches et
le test gustatif pour pérenniser, améliorer ou élaborer de nouveaux produits fermentés.
Pourquoi ? Parce qu’il reste tant à découvrir sur les espèces étudiées au cas par cas, et surtout
sur le fonctionnement des écosystèmes complexes que constituent les matrices alimentaires.
Les outils dont nous disposons ne sont pas encore assez performants pour bien décrire le
comportement des espèces dans une population hétérogène et nous devons nous employer à
sans cesse les améliorer. Lorsque nous serons à même de caractériser complètement les
microorganismes ainsi que les interactions et communications qui se mettent en place dans le
procédé de fermentation, alors nous pourrons établir des modèles qui changeront radicalement
les méthodes de création de nouveaux produits avec plus de rationalité et d’efficacité. Il en est
de même dans la lutte éternelle de la médecine contre les pathogènes en constante évolution.
La découverte de nouvelles molécules thérapeutiques pourra-t-elle un jour se faire grâce à la
1
Introduction
logique et non plus l’empirisme des techniques actuelles ? Finalement l’objectif ultime est
d’aboutir à une meilleure compréhension du fonctionnement d’une partie non négligeable de
notre environnement, afin de mieux le contrôler et de le préserver.
Malgré l’évidente hétérogénéité du monde microbien il subsiste toujours un décalage
entre les recherches effectuées en laboratoire et ce qu’il se passe dans l’industrie ou
l’environnement. Les microorganismes de laboratoire sont des modèles, souvent évolués, qui
parfois ont perdu une grande part des fonctionnalités essentielles à leur survie dans la nature
car devenues superflues dans nos tubes à essais. Ils ne sont souvent pas représentatifs de la
globalité du monde vivant microscopique. De plus les microbes vivent généralement en
communautés, c'est-à-dire qu’ils partagent les ressources d’un habitat commun, ce qui
implique
nécessairement
des
mécanismes
d’interaction,
voire
de
communication.
Paradoxalement, la plupart de l’information concernant les mécanismes d’interaction a été
obtenue grâce à l’isolement puis la mise en culture pure de microorganismes. A l’heure
actuelle réaliser des cultures mixtes afin d’étudier ces phénomènes dans des conditions plus
proches des biotopes rencontrés en dehors des laboratoires reste un défi. Par ailleurs la
technologie actuelle permet d’accéder au fonctionnement de tout un pan de la mécanistique
cellulaire à la fois. Par exemple les puces à ADN permettent de réaliser l’analyse
transcriptomique complète d’un organisme, c'est-à-dire de mesurer simultanément
l’expression de tous les gènes d’un organisme. Cette approche pourrait permettre de
compléter les connaissances sur les mécanismes d’interaction déjà décrits, voire d’en
découvrir de nouveaux. Mais l’utilisation des puces à ADN avec des populations hétérogènes
reste encore problématique à cause d’obstacles techniques plus ou moins prévisibles. Nous
nous proposons de trouver des solutions techniques et finalement de réaliser une étude des
interactions microbiennes entre une bactérie lactique et une levure dans un écosystème
modèle. Cette thèse doit être considérée comme une première étape dans un domaine ou peu
de choses ont été explorées.
2
Chapitre I : Introduction bibliographique
I. Etude bibliographique
I. La complexité du monde vivant
La diversité des microorganismes de notre planète est considérable. Les plantes et les
animaux dominent notre perception visuelle de la nature, mais les microorganismes
constituent une biomasse considérable et jouent un rôle dans la pérennité de la biosphère
terrestre (Woese et al., 1990). De nos jours on dénombre 55 grands groupes de bactéries et 13
d’archéobactéries, et c’est peu comparé à ce qui reste vraisemblablement à explorer. Par
exemple, les écosystèmes terrestres sont dotés d’une très grande variété d’espèces (Gans et
al., 2005) et peuvent contenir jusqu’à 20 divisions bactériennes (Dunbar et al., 2002). Une
surprenante diversité microbiologique a aussi été décrite dans les écosystèmes aquatiques tant
chez les procaryotes que chez les eucaryotes (Beja et al., 2002; Moon-van der Staay et al.,
2001; Sogin et al., 2006). Dans le tractus digestif d’un être humain adulte, 8 grands groupes
de bactéries ont été identifiés. Une étonnante variété de souches et d’espèces y a été
rencontrée avec plus de 7000 phylums ou espèces différentes (Backhed et al., 2005).
Dans les procédés technologiques ainsi que dans les conditions naturelles, les
phénomènes observés sont souvent la conséquence de l’activité de communautés
microbiennes complexes. Dans la plupart des processus impliquant des microorganismes,
comme par exemple l’élaboration de produits laitiers ou d’alcools fermentés, dans la
composition de levains, dans les cycles écologiques, le traitement des eaux usées, il existe des
formes de communications cellulaires intra-espèces et inter-espèces plus ou moins directes
(Guerrero and Berlanga, 2006).
II. Les interactions cellulaires : « le choc des cultures »
Depuis Pasteur, la microbiologie s’est focalisée sur l’étude de cultures pures, souvent
hors du contexte sauvage, ne tenant pas ou très peu compte de l’influence de l’environnement
naturel et des nombreux systèmes d’interaction et de communication entre espèces. Ces
approches ont été déterminantes pour jeter les bases de la microbiologie et définir l’archétype
de la cellule vivante. Elles restent d’actualité pour préciser toujours davantage les mécanismes
3
I. Etude bibliographique
qui régissent la vie des microorganismes mais certains phénomènes nous échappent encore du
fait de la complexité des écosystèmes sauvages − naturels ou industriels. La cellule est définie
comme la plus petite entité vivante sur notre planète. Les fonctions individuelles de la cellule
assurent sa survie et la transmission de son matériel génétique. Ces fonctions cellulaires
individuelles doivent être mises en parallèle avec un niveau d’organisation plus important : la
population. Une cellule seule est en effet plus fragile face à la brutalité de l’environnement
que si elle fait partie d’un groupe. La coordination du comportement de toutes les cellules
d’une même espèce peut lui donner l’avantage en cas de concurrence avec d’autres espèces.
L’activité d’une cellule prise individuellement a des effets limités sur une petite échelle,
localement autour de la cellule. Mais l’addition de tous ces effets a pour résultat des
modifications majeures sur une échelle beaucoup plus importante, au niveau de
l’environnement global et peut avoir une forte influence sur l’activité des autres
microoganismes (Rainey and Rainey, 2003).
La caractérisation de l’évolution de l’activité et des fonctions des microorganismes
dans leur environnement naturel, c'est-à-dire en interaction avec d’autres espèces, sera
certainement une clef pour comprendre le fonctionnement des écosystèmes dans leur
globalité. La théorie écologique définit le réseau d’interactions en classifiant les phénomènes
d’interaction (Boddy and Wimpenny, 1992) : (i) neutralisme - le microorganisme est
indifférent aux modifications environnementales résultant de l’activité d’autres microbes,
c’est un cas rare. (ii) commensalisme – l’interaction bénéficie à un seul partenaire et n’a pas
d’effet néfaste sur le second. (iii) mutualisme ou synergisme - l’effet est positif, les deux
espèces bénéficient réciproquement de l’interaction. (iv) antagonisme - l’effet est négatif,
l’interaction est caractérisée par un stress du microorganisme qui doit s’adapter pour contrer
l’activité d’une autre espèce. S’il n’en est pas capable il ne survie pas. (v) parasitisme ou
prédation – une espèce en manipule une seconde pour son propre bénéfice ou la détruit pour
s’en nourrir. (vi) compétition – il s’agit des interactions inhérentes à la conquête de niches
écologique. Il peut s’agir de plusieurs espèces consommant le même substrat (carbone,
oxygène…), ou de la distribution spatiale dans un écosystème (biofilm par exemple). Ces
interactions peuvent être liées à des facteurs physicochimiques (interactions trophiques), ou à
de véritables systèmes de communication intercellulaires (quorum sensing).
4
I. Etude bibliographique
II.1 Interactions trophiques, interactions nutritionnelles, ou « cross-feeding »
II.1.1 Définition
L’environnement est en constante évolution du fait de la consommation des ressources
et de la formation de produits métaboliques par les populations microbiennes. Par exemple, la
limitation en source de carbone affecte la synthèse de biomasse et le déficit en substrat
énergétique force la population à s’adapter en changeant de métabolisme. Le résultat final est
souvent une modification de composition de la population. L’action simultanée de toutes les
cellules d’une même espèce peut modifier l’environnement physicochimique et perturber le
développement des autres espèces − nous parlerons ici d’interactions trophiques. Des études
empiriques et théoriques suggèrent que la structure et la force des liens trophiques ont une
grande influence sur les caractéristiques des écosystèmes comme la diversité des espèces, ou
la stabilité et la dynamique des populations (Yoshida et al., 2007).
II.1.2 Interactions trophiques dans le tractus digestif
Il a été montré des phénomènes d’interactions trophiques dans les écosystèmes du
tractus digestif des animaux et des êtres humains dans lequel le produit d’une espèce est
utilisé, ou bien génère des conditions favorables pour la croissance d’une autre espèce. Le
résultat est souvent une modification du métabolisme énergétique du partenaire (Wolin et al.
1997). Ces phénomènes de mutualisme ou de commensalisme sont souvent axés autour du
transfert d’hydrogène, de l’utilisation de produits de fermentations comme le lactate, le
succinate, les acides gras, ou encore de résidus de polymère complexes partiellement
dégradés. Des bactéries comme Roseburia et Faecalibacterium prausnitzii ont besoin
d’acétate pour leur croissance optimale et nombre d’entre elles sont productrices d’hydrogène
(Barcenilla et al., 2000; Duncan et al., 2004). En co-culture avec des microorganismes
acétogènes, l’hydrogène est consommé pour synthétiser de l’acétate, qui est utilisé à son tour
par les producteurs de butyrate (Chassard and Bernalier-Donadille, 2006). Toujours dans le
tractus digestif, les bifidobactéries sont de grandes productrices de lactate qui peut être utilisé
par d’autres espèces ou au contraire être inhibiteur de croissance. Des co-cultures de
Bifidobacterium adolescentis capables de dégrader l’amidon avec une souche de Eubacterium
hallii incapable de dégrader l’amidon mais consommatrice de lactate produisent du butyrate
par un phénomène de cross-feeding (Belenguer et al., 2006). D’autres groupes de bactéries du
5
I. Etude bibliographique
colon utilisent la voie de l’acrylate pour convertir le lactate en propionate comme
Megasphaera elsdenii. Des études de traceurs isotopiques stables indiquent que la conversion
de lactate en butyrate et propionate peut avoir lieu dans l’écosystème microbien du tractus
digestif (Bourriaud et al., 2005; Morrison et al., 2006). Pour plus de détails voir la revue de
Flint et al. (Flint et al., 2007). Les bifidobactéries permettent de lutter contre la colonisation
des muqueuses intestinales par des bactéries pathogènes en partie grâce à des produits de
fermentation tels que le lactate ou l’acétate et de l’acidification qui en découle mais aussi de
substances anti-microbiennes (Gibson and Wang, 1994).
A ce jour, seuls deux articles très récents (2008) mentionnent l’utilisation d’une
technique d’analyse post-génomique pour étudier L. lactis au sein d’un véritable écosystème.
Les deux articles concernent l’analyse protéomique de L. lactis dans le tractus digestif de
souris. L’expression des protéines du métabolisme mixte s’est révélée être plus importante in
vivo (dans l’intestin de souris) que lors de cultures in vitro, reflétant vraisemblablement une
adaptation du métabolisme au milieu intestinal (Roy et al., 2008b). La même équipe à
comparé l’effet de l’alimentation de la souris, plus précisément l’ingestion de lactose, sur le
protéome de L. lactis. Une réorientation du métabolisme vers les voies d’utilisation du lactose
a été observée chez L. lactis dans le tractus digestif de souris nourries avec du lactose. Des
expériences de compétition entre plusieurs souches de bactéries lactiques dans le tractus
digestif de la souris ont par ailleurs montré que cette faculté d’adaptation métabolique
conférait un avantage écologique aux souches capables d’utiliser le lactose. Cette étude a
permis d’explorer à la fois les interactions bactérie/hôte et les interactions bactéries/bactéries
(Roy et al., 2008a).
II.1.3 Interactions trophiques dans l’environnement
Les interactions trophiques concernent aussi les bactéries de l’environnement. Des
études utilisant des techniques moléculaires montrent une association syntrophique d’une
archéobactérie et d’une bactérie sulfato-réductrice pour l’utilisation de méthane (Valentine,
2002). Une autre étude montre des liens trophiques entre deux bactéries thermophiles :
Thermicanus aegyptius produit du formate et du lactate et Moorella thermoacetica le
consomme en produisant de l’acétate. Cette découverte était fortuite car il s’agissait
initialement d’étudier des cultures pures qui se sont finalement avérées être des co-cultures
(Gossner et al., 1999). De la même façon fut découverte une association commensale entre
6
I. Etude bibliographique
une bactérie aérotolérante (Clostridium intestinale) et une bactérie acétogène (Sporomusa
rhizae) provenant de la rhizosphère de joncs (Juncus roemerianus). L’H2 produit par
Clostridium permet l’utilisation de sucres avec production d’acétate par Sporomusa. De plus,
Clostridium détoxifie le milieu en transformant l’O2, conférant ainsi une protection à
Sporomusa, sensible à l’O2 (Gossner et al., 2006). Des associations symbiotiques ont aussi
lieu entre des bactéries fermentaires qui génèrent de l’H2 et des bactéries méthanogènes qui le
consomment. Pour supporter les observations faites sur le terrain, des co-cultures de
laboratoire montrent qu’associer des bactéries fermentaires et méthanogènes conduit à un taux
de croissance et un rendement en biomasse supérieurs à ceux obtenus en cultures pures
(Bonch-Osmolovskaya et al., 1991 ; Muralidharan et al., 1997). La bactérie hyperthermophile Thermotoga maritima croît en fermentant divers carbohydrates et en produisant
de l’H2. Cet hydrogène est inhibiteur pour sa croissance. En co-culture avec une souche
méthanogène hydrogénotrophe comme Methanococcus jannaschii, cet effet inhibiteur est levé
et la densité cellulaire est accrue (Johnson et al., 2006 ; Muralidharan et al., 1997).
II.1.4 Intérêt technologique des cultures mixtes
Dans les procédés industriels
De nombreux procédés technologiques mettent à profit les caractéristiques des cultures
mixtes. Les avantages qu’elles procurent, comparées aux traditionnelles cultures pures sont
les suivants : pas de nécessité de stérilisation, une grande adaptabilité due à la diversité
microbienne, et la capacité d’utiliser plusieurs substrats (pour revue voir (Kleerebezem and
van Loosdrecht, 2007). Ces procédés peuvent être utilisés pour dégrader les effluents de
l’industrie pétrochimique ou des papeteries (Alatriste-Mondragon et al., 2006; Kleerebezem
et al., 2003 ; Kortekaas et al., 1998 ; Seghezzo et al., 2006; van Lier et al., 2001). La
production par fermentation de biocarburants comme le biohydrogène, le méthane ou le
bioéthanol reçoit une attention particulière de nos jours, et peut être effectuée grâce à des
cultures mixtes (Akkerman et al., 2002 ; Barbosa et al., 2001; Li et al., 2007 ; Liu et al.,
2006 ; Zoetemeyer et al., 1982a; Zoetemeyer et al., 1982b ; Gomez et al., 2006). Une autre
application des cultures mixtes est la production de polyhydroxyalkanoates servant à la
fabrication de matières plastiques biodégradables (Reis et al., 2003). Des cultures mixtes,
comportant trois partenaires, deux bactéries lactiques et une levure, ont été employées pour
améliorer la production d’acide lactique (Plessas et al., 2008). Pisman et Somova ont étudié
7
I. Etude bibliographique
des levures ayant des stratégies métaboliques différentes (Pisman and Somova, 2003) et ont
montré que Candida utilis émettait des métabolites favorisant la croissance de Candida
guilliermondii, et vice versa. La co-culture de ces deux espèces s’est avérée plus efficace dans
l’utilisation des ressources du milieu que les cultures pures et a abouti à une production de
biomasse plus de trois fois supérieure.
Le ratio de concentration entre les différentes espèces est variable d’un procédé
technologique à l’autre, et au sein un même procédé au cours du temps, notament à cause des
phénomènes de contamination. Par exemple, Passoth et al. (2007) ont révélé une
concentration éntonemment élevée en bactéries lactiques contaminantes dans un procédé de
production d’éthanol par des levures. Près de 70% de la biomasse été constituée de batéries
lactiques dans certains lot alors qu’elle était inférieure à 10% dans un d’autre lot. D’après
cette étude l’espèce productrice originale (S. cerevisae) avait été suplantée par une autre
espèce de levure (Dekkera bruxellensis), et un groupe de bactéries lactiques (Lactobacillus
vini) alors que l’équipe en charge de la production n’avait décelé aucune modification de
productivité et de rendement en éthanol. Finalement l’association entre D. bruxellensis et L.
vini, s’est avéré efficace pour produire de l’éthanol, à tel point que le groupe industriel a
décidé de ne pas tenter de rétablir la population de S. cerevisiae (Passoth et al., 2007).
Dans la fabrication des aliments fermentés
Les aliments fermentés comme le vin et les produits laitiers sont le fruit de l’activité
conjointe de plusieurs espèces de bactéries et de levures. De nombreux cas d’interactions
positives ont été recensés.
Les bactéries lactiques produisent des acides en consommant les carbohydrates et la
croissance de certains microorganismes est rapidement inhibée par cette acidification. La
présence d’espèces désacidifiantes permet souvent de prolonger l’activité de ces bactéries. Par
exemple, dans la fermentation du raisin, Pseudomonas putida en monoculture croît puis est
rapidement inhibé par l’acidification générée par la fermentation des carbohydrates. Des
cocultures avec Saccharomyces cerevisiae ont été conduites dans dus jus de raisin ainsi que
dans un milieu de laboratoire. La levure fait chuter la forte concentration en carbohydrates et
réduit l’acidification du milieu de culture par la bactérie. Cette dernière peut alors survivre
plus longtemps (Romano and Kolter, 2005). Durant la fabrication de fromages, pendant les
premiers jours d’affinage, les levures colonisent la surface du fromage et utilisent le lactate,
8
I. Etude bibliographique
conduisant à la désacidifiaction et permettant le développement de bactéries sensibles à
l’acidité (Corsetti et al., 2001). Il est connu que l’acidification de la matrice fromagère par les
bactéries lactiques rend les précurseurs, comme H2S, difficilement disponible pour les
réactions de synthèse des composés soufrés volatiles. Les propriétés désacidifiantes des
levures, consommatrices de lactate entre autre, pourraient faciliter la disponibilité du H2S
pour les espèces productrices de composés soufrés volatiles. Par ailleurs la production
simultanée de méthanethiol par les levures et les bactéries lactiques pourrait accroître la
production de polysulfides (Landaud et al., 2008; Lopez Del Castillo-Lozano et al., 2007).
Dans un écosystème fromager modèle comportant Yarrowia lipolytica, Cholet et coll. (2007)
ont constaté une remontée du pH qui ne semblait pas être liée à la consommation de lactate
(Cholet et al., 2007). Les analyses d’expression génétique par puce à ADN n’ont pas révélé
l’expression des gènes d’utilisation du lactate, par contre les gènes codant pour des
aminotranférases semblaient fortement exprimés. Il a donc été proposé que la remontée du pH
de matrice fromagère puisse être liée à la libération d’ammoniac lors du catabolisme de la Lméthionine par Y. lipolytica (Cholet et al., 2007).
Les interactions sont aussi parfois liées à des échanges de facteurs de croissances.
Dans le kéfir, aliment fermenté d’Asie, le développement de Lactobacillus kefiranofaciens
ainsi que la production de grains de kéfir sont stimulés par la présence de Saccharomyces
cerevisiae (Cheirsilp et al., 2003a; Cheirsilp et al., 2003b). Durant la vinification une grande
quantité de biomasse de levure produite meurt par autolyse, relâchant des acides aminés et des
vitamines qui peuvent stimuler la croissance d’autres espèces (Fleet, 2003). Les champignons
présents sur les raisins peuvent participer à la production de conditions favorables au
développement de bactéries acétogènes. Ces bactéries produisent alors un niveau élevé
d’acétate qui retarde la croissance des levures lors de la vinification (Drysdale et al., 1989 ;
Ludovico et al., 2001). Il a été montré que la fabrication du yaourt dépend d’interactions
positives,
aussi
appelées
proto-coopérations,
entre
Streptococcus
thermophilus
et
Lactobacillus bulgaricus (Sodini et al., 2000). La proto-coopération se traduit par
l’augmentation de la vitesse d’acidification (O'Leary V and Woychik, 1976), de la
concentration finale en biomasse (Rajagopal et al., 1990), de la production de composés
aromatiques (El-abassy et al., 1993) ou de la synthèse de polysaccharides extracellulaires
(Bouzar et al., 1997) qui conditionnent les propriétés gustatives et la texture du yaourt. Ces
interactions proviennent généralement de l’échange de facteurs de croissance entre les deux
9
I. Etude bibliographique
espèces (Sodini et al., 2000). D’une part la production de formiate et de CO2 par S.
thermophilus stimule la croissance de L. bulgaricus ((Driessen et al., 1982) sité dans (Sodini
et al., 2000)). La forte activité protéolytique de L. bulgaricus libère des acides aminés et des
peptides qui sont alors utilisés par S. thermophilus lors de la formation de yaourt (Courtin et
al., 2002 ; Courtin and Rul, 2004 ; Sodini et al., 2000 ; Rajagopal et al., 1990).
L’activité des bactéries lactiques et des levures est également responsable de la
production d’arômes et de pigments lors de la formation de fromage. Par exemple La
production des pigments de la croute du fromage est directement liée à la composition de la
flore micobienne de surface. Différentes associations de levures et de bactéries ont ainsi
conduit la des couleurs différentes (Mounier et al., 2008). La libération d’acides aminés
consécutive à la dégradation de la caséine du lait par certaines bactéries lactiques permet la
synthèse de composés aromatiques par d’autres espèces (Helinck et al., 2004; Smit et al.,
2005). Il a été montré que la formation de certains arômes dans les fromages est favorisée
lorsqu’il y a coopération entre espèces de bactéries lactiques (Ayad et al., 2001; Kieronczyk
et al., 2003). Par exemple, la dégradation de cystéine et de méthionine par les
microorganismes conduit à la synthèse de méthanetiol et H2S, précurseurs des composés
soufrés volatiles,
responsable du goût du fromage, mais également d’autres aliments
fermentés comme la bière et le vin (Landaud et al., 2008). Enfin, lors de la vinification
certaines espèces de levures peuvent hydrolyser les protéines et la pectine du jus de raisin
pour produire le substrat carboné nécessaire à la croissance d’autres espèces (Charoenchai et
al., 1997).
Parfois les interactions sont négatives, et on observe des phénomènes d’inhibition.
Lors de la fermentation du jus de raisin en vin les produits de fermentation des levures tels
que l’éthanol et les acides gras à courte chaîne ont un effet inhibiteur des sur certains
microorganismes (Bauer et al., 2000 ; Bisson et al., 1999) et la production de dioxyde de
carbone et l’élimination de l’oxygène limite la croissance des espèces aérobies (Charoenchai
et al., 1997). Certaines bactéries et levures sont utilisées pour empécher le développement de
bactéries pathogenes comme Listeria. L’inhibition de Listeria est parfois liée à la production
d’une molécule antimicrobienne (Eppert et al., 1997), et parfois résulte des modifications
environnementales générées par l’association de bactéries et levures (Maoz et al., 2003).
La frontière entre interaction microbienne et adaptation métabolique face à
l’environnement est floue et fait parfois l’objet de réflexions (Keller and Surette, 2006). Dans
10
I. Etude bibliographique
notre approche nous considèrerons qu’il y a interaction dès lors que la modification de
l’environnement modifiant le comportement d’un microbe découle de l’activité d’un autre
microbe.
II.2 Quorum Sensing
Les interactions cellulaires peuvent aussi s’effectuer par le biais de mécanismes plus
spécifiques ou l’on peut parler de véritable communication. Les bactéries sont capables de
réagir en fonction de la taille et de la composition de la communauté à laquelle elles
appartiennent (Fuqua et al., 1996). Ce système de communication, appelé quorum sensing, est
basé sur la synthèse, l’émission et la réception par les cellules de facteurs moléculaires
diffusibles, les autoinducteurs. Ces petites molécules s’accumulent jusqu’à une concentration
seuil (quorum) qui une fois atteinte engendre une cascade de signalisation aboutissant à une
réponse adaptée et coordonnée de toutes les cellules d’une même espèce. La capacité de réagir
collectivement et simultanément peut conférer au groupe l’avantage face aux autres types
microbiens en présence, ou face à l’environnement (Bassler, 2002; Camara et al., 2002;
Fuqua and Greenberg, 2002; Waters and Bassler, 2005). Le quorum sensing peut engendrer
des réponses très diversifiées.
Le premier exemple de quorum sensing provient d’une bactérie bioluminescente
(Vibrio fisheri) vivant en symbiose avec certaines espèces de poissons d’eaux profondes ou de
calmar. La quantité de lumière émise par Vibrio fisheri n’est pas corrélée avec le nombre de
bactéries mais il existe un seuil de concentration cellulaire au delà duquel la lumière est
produite. Il a été montré que la production de lumière est activée par une molécule
autoinductrice (Miller and Bassler, 2001; Nealson et al., 1970). Chez de nombreuses autres
bactéries le quorum sensing contrôle la compétence et la sporulation (Perego and Hoch, 1996;
Rudner et al., 1991), ou encore la formation de biofilms (Zhu and Mekalanos, 2003). Le
quorum sensing est également le déclencheur de l’induction de facteurs de virulence chez
l’homme ou les plantes (Bassler, 2002; Dow et al., 2003; Qin et al., 2001) . Il est par exemple
à l’origine de la virulence de Erwinia carotovora, et du genre Pseudomonas (Dong et al.,
2000; Otto et al., 2001). Il a été montré qu’il existait des transferts de plasmides entre certains
Rhizobium et Agrobacterium. Les gènes transmis sont nécessaires à la formation de nodules et
à la symbiose avec la plante hôte. Le mécanisme du transfert est sous le contrôle du quorum
sensing. Le quorum sensing influence aussi de nombreux autres aspects de l’interaction entre
11
I. Etude bibliographique
Rhizobium et les végétaux, comme par exemple la formation de nodules. De plus la plante
peut interférer avec ce quorum sensing et peut même répondre aux signaux moléculaires
produits par les bactéries (Sanchez-Contreras et al., 2007). D’autres études montrent que lors
de l’infection de plantes par Erwinia, le quorum sensing contrôle la production des enzymes
de dégradation de la paroi cellulaire ainsi que des facteurs de virulence (Barnard et al., 2007).
D’autres travaux ont porté sur le rôle du quorum sensing chez les pathogènes de l’Homme.
Les staphylocoques et entérocoques sont des pathogènes humains importants. Des études
montrent que le transfert de résistances aux antibiotiques est contrôlé par le quorum sensing
(Dunny, 2007). D’autres articles démontrent que le quorum sensing régule la synthèse de
molécules antimicrobiennes comme les antibiotiques (Derzelle et al., 2002; Takano et al.,
2001), ou les bactériocines (Brurberg et al., 1997; Eijsink et al., 1996; Hauge et al., 1998;
Huttunen et al., 1995 ; Quadri et al., 1997). Le quorum sensing contrôle la synthèse de ces
molécules au sein de l’espèce ou même parfois d’une espèce à l’autre. Par exemple
Lactococcus lactis peut induire la synthèse de plantaricine par Lactobacillus plantarum grâce
à un mécanisme d’autoinduction (quorum sensing) (Maldonado et al., 2004).
Le quorum sensing peut être le média d’une communication intra ou inter-espèce. Il
existe des mécanismes différents pour les bactéries gram-positives et gram-négatives, et
également des systèmes spécifiques aux levures et autres champignons. Toutefois il n’est pas
rare de trouver des passerelles entre le quorum sensing des bactéries gram positives et
négatives, entre bactéries et levures, ou encore parfois entre microorganismes et organismes
multicellulaires.
II.2.1 Bactéries gram négatives
Chez les bactéries gram négatives (comme Vibrio) un gène, généralement appelé luxI,
induit la synthèse d’une homosérine lactone (HSL) aussi appelée autoinducteur 1 (AI-1). Cet
AI-1 traverse la membrane plasmique et interagit avec le récepteur cytoplasmique LuxR
(figure1). Une cascade de signal se met alors en route dans la cellule pour engendrer la
réponse cellulaire (Fuqua and Greenberg, 2002; Keller and Surette, 2006; Miller and Bassler,
2001; Nealson et al., 1970). Ce mécanisme a été décrit chez de nombreuses espèces de
bactéries gram négatives, parmi lesquelles Vibrio (Nealson et al., 1970), Escherishia coli
(Winson et al., 1998), Pseudomonas (Dong et al., 2005), Sinorhizobium (Llamas et al., 2004),
ou encore Aeromonas (Swift et al., 1997).
12
I. Etude bibliographique
Figure 1: Mécanisme du Quorum sensing chez les bactéries Gram negatives. L’autoinducteur-1
synthétisé par LuxI est diffusé librement à travers la membrane plasmique. AI-1 interagit avec le
récepteur LuxR qui active ou inhibe la transcription de gènes cibles.
II.2.2 Bactéries gram positives
Chez les bactéries gram positives, les autoinducteurs sont des oligopeptides. Ces
molécules sont détectées par un système à deux composants plus ou moins spécifique (figure
2) et le signal est ensuite relayé à l’intérieur de la cellule jusqu’aux gènes cibles (Gray, 1997;
Keller and Surette, 2006). Ce phénomène a été trouvé chez de nombreuses espèces de
bactéries gram positives, parmi lesquelles S.aureus (de Vos et al., 1997; Kleerebezem et al.,
1997; Lyon et al., 2002), B. subtilis (de Vos et al., 1997; Kleerebezem et al., 1997;
Lombardia et al., 2006), S. pneumoniae (de Vos et al., 1997; Kleerebezem et al., 1997), ou
encore des bactéries couramment rencontrées dans l’industrie laitière du genre Clostridium,
Lactococcus, Lactobacillus (de Vos et al., 1997).
Ces oligopeptides sont très spécifiques et peuvent parfois permettre de distinguer le
signal entre deux souches d’une même espèce. Cette forte spécificité a été particulièrement
marquée chez S. aureus dont les souches sont classées en fonction de leur signal
oligopeptidique (Ji et al., 1997; Lyon et al., 2002).
13
I. Etude bibliographique
Figure 2 : Mécanisme du Quorum sensing chez les bactéries Gram positives. Des oligonucléotides
sont synthétisés et exportés par un transporteur ABC (ATP Binding Cassette). L’oligopeptide
(autoinducteur) active un système à deux composantes qui régule les gènes cibles.
II.2.3 Le Quorum Sensing universel aux bactéries
On a longtemps considéré que le quorum sensing était spécifique à chaque espèce, mais
il s’est avéré que ce phénomène peut aussi être inter-espèce. Vibrio harveyi fut le premier
microorganisme pour lequel a été découverte une double signalisation intercellulaire capable
de franchir la barrière des espèces. V. harveyi produit une HSL (AI-1) comme les bactéries
Gram négatives mais aussi un deuxième autoinducteur, AI-2, qui semble être destiné à la
communication inter-espèce. AI-2 est une furanone dont la production dépend du gène luxS.
Ce gène est présent dans le génome de nombreuses espèces bactériennes Gram positives et
négatives. LuxS et AI-2 sont très probablement les vecteurs d’un langage microbien universel
(Schauder and Bassler, 2001; Sun et al., 2004; Surette et al., 1999; Vendeville et al., 2005;
Xavier and Bassler, 2003). Citons comme exemple la communication par des HSL entre deux
pathogènes, Pseudomonas aeruginosa et Burkholderia cepacia (Lewenza et al., 2002 ;
Riedel, 2001).
II.2.4 Les levures
Dans le cas des levures il existe des preuves que le bicarbonate (Ohkuni et al., 1998),
l’acétaldéhyde (Richard et al., 1996), et l’ammoniac (Palkova et al., 1997; Palkova and
14
I. Etude bibliographique
Vachova, 2003) peuvent servir de signaux moléculaires intercellulaires. Un système de
communication apparenté au quorum sensing a été mis en évidence chez les champignons et
les levures. Chez Candida albicans, le farnésol est excrété continuellement pendant la
croissance en quantité proportionnelle à la densité cellulaire comme toute molécule de
quorum sensing. Il inhibe notamment la transition levure/hyphe de Candida Albicans et sa
capacité à former des biofilms (Hornby et al., 2001; Ramage et al., 2002). Une seconde
molécule de quorum sensing a été découverte. Cette molécule promeut la transition
levure/hyphe à partir d’un seuil de concentration ici encore proportionnel à la densité
cellulaire. Cette molécule a été purifiée et identifée, il s’agit du tyrosol (Chen et al., 2004).
Pour revue voir (Hogan, 2006; Nickerson et al., 2006; Sprague and Winans, 2006).
II.2.5 Le Quorum Sensing entre procaryotes et eucaryotes
Le quorum sensing peut aussi être le centre d’interactions entre eucaryotes et
procaryotes. Par exemple les molécules de quorum sensing produites par Pseudomonas
aeruginosa et Xanthomonas campestris répriment le développement des hyphes chez Candida
albicans (Hogan et al., 2004; Wang et al., 2004). Le chimiotactisme des diatomées vis à vis
des signaux HSL produit par les bactéries est un autre exemple (Joint et al., 2002). Le quorum
sensing est parfois détourné par une autre espèce à des fins de manipulation. Ainsi certaines
algues comme Delisea pulchra sont capables de synthétiser des molécules proches des HSL et
inhibent la formation de biofilms bactériens (Bauer and Robinson, 2002; Givskov et al., 1996;
Manefield et al., 1999).
II.3 Les molécules anti-microbiennes
D’autres molécules synthétisées par les microorganismes sont des facteurs
d’interaction cellulaire au sens où elles entravent la croissance de certaines espèces de
microorganismes. Elles existent sous diverses formes : bactériocines, antibiotiques, ou encore
pesticides.
Voici quelques exemples ; La paenimyxine, biopesticide synthétisé par Paenibacillus,
modifie la structure des communautés bactériennes du sol. Cet effet n’est que transitoire
puisqu’il n’a pu être observé de modifications significatives après 7, 14 et 28 jours en
comparaison avec le témoin sans traitement. Ceci illustre à la fois la temporalité des
interactions microbiennes et l’extraordinaire plasticité et adaptabilité des communautés
15
I. Etude bibliographique
bactériennes du sol (Selim et al., 2007). Les bifidobactéries peuvent inhiber la croissance
d’autres espèces par la production de produits de fermentation (voir interactions trophiques
plus haut) mais aussi par la synthèse de molécules antimicrobiennes pouvant affecter un large
spectre de microorganismes comprenant les genres Salmonella, Listeria, Campylobacter,
Shigella et Vibrio (Gibson and Wang, 1994). Graham et Fleet (2003) ont pu démontrer que
lors de la vinification, certaines levures pouvaient synthétiser des enzymes de dégradation des
parois bactériennes (Fleet, 2003). Certaines levures parmi lesquelles Metschnikowia,
Candida, Pichia, Cryptococcus, Saccharomyces, et Zygosaccharomyces ont une forte activité
antifongique ou antibactérienne (Suzzi et al., 1995). Ces molécules sont des peptides, des
protéines ou des glycoprotéines comme les toxines « killer », et des enzymes qui détruisent la
paroi d’autres microorganismes (Fleet, 2003).
Le rôle des antibiotiques pour contrôler la population bactérienne en tuant les cellules
nous apparaît familier mais il semble que les antibiotiques puissent agir comme des molécules
signaux. D’après certaines études il semblerait que la majorité des composés organiques de
faible poids moléculaire secrétés par les microorganismes peuvent jouer un rôle dans la
communication intercellulaire. Ainsi de nombreux antibiotiques, même à faible concentration,
peuvent moduler l’expression de gènes. Certains auteurs postulent que leur activité première
est la signalisation intercellulaire plutôt que l’inhibition de croissance. Le but est de maintenir
la communauté microbienne dans l’environnement tout en conservant les interactions de ces
populations avec les microorganismes environnants (Joint et al., 2007 ; Yim et al., 2007).
II.4 La cacophonie microbienne
Les communautés microbiennes sont souvent complexes et la cellule perçoit des
signaux de diverses sources et de diverses natures simultanément. La réponse de la cellule est
le résultat de l’intégration de tous ces signaux. Il est parfois difficile de démêler
l’enchevêtrement de ces systèmes d’interaction et de communication. Par exemple, la cavité
buccale humaine est un écosystème dans lequel se côtoient de nombreuses espèces
microbiennes. L’étude des interactions entre deux espèces de cet écosystème a fait apparaître
un « réseau » relativement simple, mais laisse également entrevoir la multiplicité des
interactions (cross-feeding et quorum sensing) qui doivent avoir lieu avec des populations
comportant un nombre élevé d’espèces, baignant dans un environnement en constante
évolution. Ainsi la colonisation de la plaque dentaire par Veillonella atypica requiert la
16
I. Etude bibliographique
présence de Streptococcus gordonii. En effet S. gordonii fermente les sucres et produit de
l’acide lactique, source de carbone privilégiée de V. atypica (interaction trophique). Il a été
montré que V. atypica produit une substance chimique soluble qui induit l’expression de
l’amylase chez S. gordonii (quorum sensing), accroissant indirectement la vitesse de
dégradation des sucres complexes en acide lactique (Egland et al., 2004). Il n’y a
apparemment
aucun bénéfice pour S. gordonii, c’est un cas manifeste de manipulation
chimique.
II.5 Quelques mots sur les biofilms
Il n’aurait pas été concevable de terminer ce chapitre sur les interactions microbiennes
sans mentionner l’existence de biofilms, même s’ils sont un peu en dehors du cadre de cette
thèse. Les biofilms sont des communautés microbiennes fixées sur un support solide dont la
cohésion est assurée par une matrice de polymères produits par les microorganismes. De telles
structures comportent parfois plusieurs espèces et peuvent adopter des distributions spatiales
spécifiques pour former une sorte de pseudo tissu primitif, précurseurs des tissus des
eucaryotes multicellulaires. Les interactions cellulaires définissent, en même temps qu’elles
en découlent, la structure spatiale et fonctionnelle du biofilm (Branda et al., 2005; Costerton,
2004; Guerrero et al., 2002; Kives et al., 2005).
III. Lactococcus lactis et les bactéries lactiques
III.1 Phylogénie
Les bactéries lactiques sont des bactéries gram positives, non sporulantes, qui
fermentent les hydrates de carbone et certains alcools en acide lactique. Ces bactéries à faible
pourcentage en GC constituent un embranchement du phylum des clostridies. La morphologie
des cellules varie selon l’espèce: coques, coccobacilles ou bâtonnets. Les bifidobactéries ont
longtemps fait partie de ce groupe mais de nos jours elles sont rattachées à un autre taxon
(Schleifer, 1987 ; Vandamme et al., 1996).
17
I. Etude bibliographique
Le genre Lactococcus comprend les espèces garvieae, lactis, piscium, plantarum et
raffinolactis. L’espèce lactis est subdivisée en trois sous-espèces nommées cremoris,
hordniae et lactis (Holzapfel et al., 2001; Stiles and Holzapfel, 1997). Les lactocoques sont
des bactéries lactiques en forme de coques, regroupées ou non en chaînettes, aérotolérantes, et
mésophiles. Leur température optimale de croissance avoisine les 30°C (Adamberg et al.,
2003). L’environnement naturel de Lactococcus lactis, généralement le lait ou les végétaux,
est souvent très riche en constituants nutritifs de sorte que l’absence de pression de sélection a
vraisemblablement conduit l’espèce ancestrale de Lactococcus lactis à perdre peu à peu de
nombreuses voies métaboliques. Par conséquent cette espèce présente de nombreuses
auxotrophies et de fortes exigences nutritionnelles, notamment en ce qui concerne les acides
aminés et les vitamines. Les besoins de L. lactis en acides aminés, vitamines, et ions
métalliques sont bien caractérisés (Boyaval, 1989 ; Cocaign-Bousquet et al., 1995 ;
Desmazeaud, 1983 ; Jensen and Hammer, 1993 ; Pandey et al., 1994Cocaign-Bousquet et al.,
1995 ; Jensen and Hammer, 1993). Bien que non indispensable à sa croissance, l’apport en
nucléotides exogènes favorise son développement. L. lactis peut utiliser de nombreux
carbohydrates comme source de carbone : glucose, lactose, galactose etc.
III.1.1 Lactococcus lactis subsp. lactis IL1403
Lactococcus lactis subsp. lactis IL1403 descend phylogénétiquement de la souche
IL594 isolée du lait et curée de tous ses plasmides (Chopin et al., 1984). Son génome est
constitué d’un chromosome circulaire de 2365,589 kb avec 35,4% de GC dont le séquençage
complet a été achevé en 2001 (Bolotin et al., 2001). Il porte 2310 cadres ouverts de lecture
(Open Reading Frames, ORFs ) identifiés. Ces gènes ont été annotés et classés selon leur
fonction biologique : 64% d’entre eux présentent une homologie de séquence avec des gènes
connus chez d’autres espèces, 20% ne présentent pas d’homologie et ont une fonction
inconnue, et 16% sont considérés comme spécifiques de L. lactis. Cette souche sert souvent
de modèle d’étude des lactocoques en particulier et des bactéries lactiques en général.
III.1.2 Lactococcus lactis subsp. lactis biovar. diacetylactis LD61
La souche Lactococcus lactis ssp. lactis biovar. diacetylactis LD61 est une souche
utilisée dans l’industrie laitière (SOREDAB) pour la fabrication de fromages. La structure
chromosomique de LD61 est relativement proche de celle d’IL1403 mais elle contient aussi
18
I. Etude bibliographique
des plasmides portant les gènes d’utilisation du lactose, et des gènes codant pour des
protéases qui lui permettent de se développer dans le lait. Comme tous les biovar
diacetylactis, LD61 contient des gènes nécessaires à la production de diacétyle, une molécule
aromatique conférant le goût du beurre.
III.2 Catabolisme des sucres
HÉTÉROFERMENTAIRE
Glucose
HOMOFERMENTAIRE
BIFIDE
Acétate
ACK
Glucose
ATP
GLK
ADP
Glucose-6-P
ATP
NAD
ATP
GLK
ADP
Acétyl-P
CO 2
ADP
Glucose-6-P
NADH+H
6-P-gluconate
NAD
NADH+H
Erythrose-4-P
Fructose-6-P
PC
Ribulose-5-P
ATP
ADP
Fructose-1,6-diP
Xylulose-5-P
XPC P
i
FBA
Sedoheptulose-7-P
Glycéraldéhyde-3-P
Pi
NAD
Dihydroxyacétone-P
Acétyl-P
Acétate
NADH+H
Ribose-5-P
1,3-diP-glycérate
Acétyl-CoA
NAD
ADP
NADH+H
ATP
Xylulose-5-P
3-P-glycérate
Acétaldéhyde
XPC
NADH+H
NAD
Ribulose-5-P
Acétyl-P
ADP
2-P-glycérate
Ethanol
AK
ATP
Acétate
P-énolpyruvate
ADP
PK
ATP
Pyruvate
NADH+H
LDH
NAD
Lactate
Figure 3: Voies homofermentaire, hétérofermentaire et bifide de la dégradation du glucose. Les
principales enzymes sont marquées en italique. GLK : glucokinase, FBA : fructose-1,6-bisphosphate
aldolase, PC : fructose-6-phosphate phosphocétolase, XPC : xylulose-5-phosphate phosphocétolase,
PK : pyruvate kinase, LDH : lactate déshydrogénase, ACK : acétate kinase.
19
I. Etude bibliographique
Chez les bactéries lactiques il existe deux grandes voies du catabolisme des
sucres (figure 3). Il s’agit de la voie homofermentaire ou voie d’Embden-Meyerhoff-Parnas et
de la voie hétérofermentaire ou voie des pentoses-phosphate. Une troisième voie, la voie
bifide, concerne principalement les bifidobactéries proches des bactéries lactiques mais ne
faisant plus partie de ce groupe.
La voie bifide conduit, à partir d’une mole de glucose, à la formation d’une mole de
lactate et 1,5 moles d’acétate. Le bilan énergétique est supérieur aux voies homofermentaires
et hétérofermentaire, décrites ci-dessous, avec 2,5 moles d’ATP produites par mole de
glucose consommée.
La voie hétérofermentaire concerne essentiellement Leuconostoc et certains
lactobacilles. Cette voie conduit à la formation de lactate, d’acétate, d’éthanol et de CO2. Le
bilan énergétique est d’une mole d’ATP produite par mole de glucose consommée.
La voie homofermentaire est rencontrée chez les lactocoques, les pédiocoques, et les
lactobacilles. Cette voie conduit à la formation d’un produit de fermentation majoritaire, le
lactate.
III.2.1 Transport des sucres
La membrane plasmique, constituée d’une double couche phospholipidique, est une
barrière hydrophobe sélective définissant les limites du contenu cellulaire. La membrane
plasmique laisse passer les composés apolaires par simple diffusion alors qu’elle est
imperméable aux composés polaires hydratés tels que les sucres. L’entrée de sucre dans la
cellule doit donc se faire par des systèmes de transport transmembranaires. Il existe deux
systèmes de transport des sucres chez L. lactis : le système PTS (PEP dependent Transport
System) qui couple le transport et la phosphorylation du glucide, et le système perméase
énergie-dépendant qui facilite l’entrée des sucres sous forme libre (Mitchell et al., 1982;
Postma et al., 1993; Ye and Saier, 1996).
III.2.1.1 Perméases
Le système perméase est un système de transport actif qui utilise la force proton motrice
pour faire entrer les sucres dans la cellule (figure 4). La force proton motrice résulte d’un
gradient de concentration transmembranaire de protons qui génère un potentiel
20
I. Etude bibliographique
électrochimique transmembranaire. Ce potentiel électrochimique peut être dû à l’activité de
l’ATPase, une enzyme transmembranaire qui couple l’hydrolyse de l’ATP avec la sortie de
protons. Chez les lactocoques le symporteur qui couple l’efflux de lactate et de protons génère
également de la force proton motrice (Konings et al., 1997; ten Brink et al., 1985). Cette force
est utilisée par le système perméase pour faire entrer conjointement protons et sucres dans la
cellule. Le sucre y est immédiatement phosphorylé par une kinase ATP dépendante pour être
ensuite pris en charge par les enzymes du catabolisme.
L’affinité des perméases pour le glucose est plus faible que celle du PTS (Cvitkovitch et
al., 1995a; Cvitkovitch et al., 1995b). Cependant l’étude de mutants du système PTS a montré
que les perméases étaient capables de compenser un système PTS déficient pour permettre la
croissance sur glucose (Garrigues et al., 1997 ; Thompson and Chassy, 1985; Thompson et
al., 1985).
INTERIEUR
EXTERIEUR
ATPase
ADP
+
nH
H+
+
-
+
-
ATP
H+
ATP
Perméase
sucre
sucre
ADP
sucre-P
Figure 4 : Système perméase de transport de sucre
III.2.1.2 Système PTS
Le système PTS (phosphoenolpyruvate dependent Transport System) est un groupe de
translocation qui associe l’entrée d’hydrate de carbone avec sa phosphorylation (figure
5)(Postma et al., 1993). Le groupement phosphoryl du phosphoenolpyruvate (PEP) est
transféré successivement sur l’enzyme EI puis sur HPR (sur le résidu His-15). HPR
phosphorylée phosphoryle à son tour une enzyme EII. Chaque perméase EII est constituée de
trois (IIA, B, C) ou quatre (IIA, B, C, D) domaines ou protéines selon le système (Reizer and
21
I. Etude bibliographique
Saier, 1997) et est spécifique d’un sucre (Meadow et al., 1990; Postma et al., 1993). Le
complexe EII transfère ensuite son groupement phosphoryl sur le sucre lors de son entrée
dans la cellule. Les gènes ptnAB, ptnC et ptnD codent pour le système PTS responsable de
l’import de glucose (Bolotin et al., 2001).
sucre-P
P
sucre
EII-C / -D
EXTERIEUR
EII-B
HPr(his-P)
EI
PEP
P
HPr(his)
EII-A
EI-P
pyruvate
INTERIEUR
Figure 5: Système PTS (d’après Postma et al., 1993)
III.2.2 La glycolyse
La voie centrale du catabolisme des sucres est la glycolyse. Le glucose entre dans la
cellule grâce au système PTS ou aux perméases. Il est immédiatement phosphorylé (soit par le
système PTS, soit par la glucokinase) en glucose-6-P (G6P) et rejoint la glycolyse où une
succession de réactions conduisent jusqu’à la formation de pyruvate (figure 3). Le bilan
énergétique de la glycolyse est de 2 moles d’ATP et 2 moles de NADH produites par mole de
glucose consommée.
III.2.3 Destin du pyruvate
Le pyruvate, situé au carrefour de nombreuses voies métaboliques, doit être oxydé afin
de rétablir la balance de pouvoir réducteur (NADH/NAD+). Chez L. lactis, le glucose
emprunte toujours la voie homo-fermentaire, et le pyruvate est transformé pour conduire soit
au métabolisme homolactique, soit à un métabolisme mixte (Cocaign-Bousquet et al., 1996).
22
I. Etude bibliographique
Glucose
NAD +
NADH
CO 2
NADH
acétolactate
Pyruvate
Lactate
acétoïne
NAD+
2,3-butanediol
CoA + NAD +
CoA
O2
Formiate
CO2 + NADH
CO 2
NADH
NAD+
Acétyl-CoA
NADH
diacétyle
CoA
NAD +
Acétaldéhyde
Acétyl-P
NADH
ATP
NAD +
Ethanol
Acétate
Figure 6: Métabolisme du pyruvate chez L. lactis.
III.2.3.1 Fermentation homolactique
Le métabolisme est dit homolactique lorsque le lactate représente plus de 90 % des
produits de fermentation. A la sortie de la glycolyse, la lactate-déshydrogénase (LDH)
convertit le pyruvate en lactate et régénère 2 moles de NAD+ par mole de glucose (figure 6).
L’activité de la LDH permet ainsi de rééquilibrer le bilan d’oxydoréduction (Neves et al.,
2005). Le rendement théorique limite (Yglucose,lactate) est de 2 molelactate/moleglucose. Dans la
pratique, chez L. lactis, on observe un rendement final (Rglucose,lactate) autour de 1,8
molelactate/moleglucose, soit 90% du glucose converti en lactate. En effet une partie du carbone
peut-être convertie en d’autres produits de fermentation ou être utilisée pour construire la
biomasse (Even et al., 2001).
Le gène ldh codant pour la LDH est essentiel à la voie de fermentation homolactique
(Griffin et al., 1992). Deux autres gènes présents sur le chromosome de IL1403, ldhB et ldhX
présentent de fortes homologies avec ldh, mais leur fonction est inconnue (Bolotin et al.,
2001).
23
I. Etude bibliographique
III.2.3.2 Fermentation mixte
Certaines conditions de fermentation, comme la croissance sur galactose (Thomas et al.,
1980), la limitation en carbohydrate (Thomas et al., 1979), ou l’aérobiose (Anders et al.,
1970 ; Condon et al., 1987) induisent le basculement du métabolisme vers les voies
fermentaires mixtes (figure 6). Dans ce cas, le flux de conversion de pyruvate en lactate est
plus faible à cause de la diminution de l’activité de la LDH, étroitement liée à l’état
d’oxydoréduction de la cellule. Le pyruvate est alors disponible pour la synthèse d’autres
produits de fermentation, et peut être pris en charge par la pyruvate formiate lyase (PFL) ou la
pyruvate déshydrogénase (PDH), toutes deux catalysant la transformation du pyruvate en
acétyl-CoA avec production respective de formiate (anaérobiose) et de CO2 (aérobiose)
(Cocaign-Bousquet et al., 1996; Garrigues et al., 1997; Koebmann et al., 2002; Neves et al.,
2005; Solem et al., 2003). Ensuite l’acétyl-CoA peut être converti en acétaldéhyde puis
éthanol par l’alcool déshydrogénase (ADHE), ou en acétyl-phosphate puis acétate par la
phosphotransacétylase (PTA) et l’acétate kinase (ACK). La voie de l’éthanol produit 2 moles
de NAD+ alors que la voie de l’acétate produit 1 mole d’ATP. L’équilibre d’oxydoréduction
(régénération de NAD+) détermine la stœchiométrie des produits de la fermentation mixte
(Garrigues et al., 1997; Neves et al., 2005; Papagianni et al., 2007). Le bilan énergétique de la
fermentation mixte est amélioré par rapport à la voie homolactique puisque la synthèse
d’acétate permet de produire un ATP supplémentaire.
Synthèse d’arômes
Certaines souches de L. lactis peuvent produire des arômes à partir du pyruvate et
ainsi participer aux propriétés organoleptiques des aliments fermentés. Certains arômes sont
issus de la protéolyse des protéines du lait ou du métabolisme de certains acides aminés (Smit
et al., 2005) alors que d’autres dérivent du catabolisme des sources de carbone (de Vos and
Hugenholtz, 2004). Par exemple, Lactococcus lactis ssp lactis biovar diacetylactis est capable
de synthétiser du diacétyle, de l’acétolactate, ou de l’acétoïne à partir du pyruvate (figure 6)
(Neves et al., 2005). Dans ce cas l’acétolactate synthase, codée par als ou ilvBN, permet de
former une mole d’acétolactate à partir de deux moles de pyruvate. L’acétolactate peut ensuite
être décarboxylé chimiquement en diacétyle en présence d’oxygène, ou enzymatiquement en
acétoïne par l’acétolactate décarboxylase codée par le gène aldB (Goupil-Feuillerat et al.,
24
I. Etude bibliographique
2000) Le diacétyle peut ensuite être réduit en acétoïne, à son tour réduite en 2,3-butanediol.
Ces deux réactions successives sont catalysées par la diacétyle-acétoïne réductase (gène butA)
et génèrent une mole de NAD+ pour chacune d’entre elles (Swindell et al., 1996).
III.2.4 Métabolisme aérobie
III.2.4.1 Métabolisme aérobie classique
L. lactis est dite micro-aérophile et dans certaines conditions cette bactérie peut tolérer
et même utiliser l’O2 (Condon et al., 1987 ; Duwat et al., 2001). La présence d’oxygène induit
l’activité NADH oxydase qui ré-oxyde NADH en NAD+ et par conséquent fait baisser le ratio
NADH/NAD+ (Bassit et al., 1993; Jensen et al., 2001; Snoep et al., 1992). Chez L. lactis, 3
gènes codent pour la NADH oxydase (noxC, noxD et noxE) (Bolotin et al., 2001). Lorsque le
ratio NADH/NAD+ est faible, l’activité de la LDH diminue alors que l’activité de la PDH
augmente (Jensen et al., 2001; Snoep et al., 1992; Snoep et al., 1993). Par ailleurs la présence
d’oxygène inactive la PFL (Abbe et al., 1982; Melchiorsen et al., 2000; Starrenburg and
Hugenholtz, 1991 ; Takahashi et al., 1982 ). Dans ces conditions, en fonction de la quantité
d’oxygène et de l’équilibre d’oxydoréduction, le métabolisme bascule de la fermentation
homolactique vers la fermentation mixte avec production de lactate, d’acétate, et de CO2
(Garrigues et al., 1997; Neves et al., 2005; Papagianni et al., 2007).
La présence d’oxygène influe aussi sur la synthèse d’arômes chez L. lactis biovar
diacetylactis. La diminution de l’activité de la LDH et de la PFL en parallèle de
l’augmentation de l’activité de la PDH favorisent, en plus de la voie de fermentation mixte, la
synthèse d’acétolactate (Bassit et al., 1993; Snoep et al., 1992; Starrenburg and Hugenholtz,
1991). Or, nous l’avons vu, cette molécule instable en présence d’oxygène peut être convertie
en diacétyle ou en acétoine. La production de diacétyle et d’acétoine peut donc être stimulée
en aérobiose. La stœchiométrie entre ces deux composés et les produits de fermentation mixte
dépend à la fois de la quantité d’oxygène, du ratio NADH/NAD+, de l’activité de la PDH, et
de l’activité de l’acétolactate synthase.
25
I. Etude bibliographique
III.2.4.2 Stress oxydatif
La présence d’oxygène contribue au basculement du métabolisme vers la fermentation
mixte, conditionne la stoechiométrie des produits de fermentation, et influe sur la synthèse
des composés aromatiques (voir plus haut). Mais l’oxygène est aussi un agent toxique
impliqué dans le vieillissement et la mortalité cellulaire (Berlett and Stadtman, 1997; Orr and
Sohal, 1994). Le stress oxydatif peut causer plusieurs sortes de dommage à la cellule
bactérienne: ruptures de voies métaboliques, mutations spontanées et effets bactériostatiques
et bactéricides (Berlett and Stadtman, 1997; Fridovich, 1998). Certaines réactions du
métabolisme réduisent partiellement l’O2 menant à la formation d'espèces réactives (ROS),
comme le radical superoxyde (O2-), le radical hydroxyle (OH-) et l'eau oxygénée (H2O2). En
premier lieu, l’activité NADH oxydase oxyde le NADH en NAD+, en réduisant O2 en H2O2
(NADH oxydase de type I) ou H2O (NADH oxydase de type II). Ces ROS ont un potentiel
d'oxydation élevé et sont responsables de la toxicité en altérant les protéines, les lipides et les
acides nucléiques (Farr and Kogoma, 1991; Fridovich, 1998; Storz and Imlay, 1999).
L. lactis possède une superoxyde-dismutase (Sod) unique qui réduit les radicaux O2- en
H2O2, diminuant ainsi la toxicité (Condon et al., 1987 ; Fridovich, 1989; Sanders et al., 1995).
SodA est un système efficace de résistance au stress oxydatif puisque son inactivation par
mutation induit la diminution du taux de croissance uniquement en aérobiose (Sanders et al.,
1995). De plus, le gène sodA est faiblement exprimé en anaérobiose alors qu’il est activé en
aérobiose. En cas de faible activité de la Sod, l’accumulation de glutathione intracellulaire
pourrait être un mécanisme alternatif pour détoxifier la cellule en éliminant les radicaux O2(Fahey et al., 1978 ; Meister, 1988). En effet, la forte concentration en glutathione active la
glutathione réductase GshR, responsable de la réduction de H2O2 (Li et al., 2003).
Lactococcus est dépourvue de catalase mais H2O2 peut être réduit par la NADH
péroxydase conduisant à la formation d’H2O (Miyoshi et al., 2003). Cependant, l’activité de
la NADH péroxidase est faible chez L. lactis et la détoxification du H2O2 cellulaire par cette
enzyme est inefficace. Lorsque le flux glycolytique est fort, chez L. lactis ATCC19435
(déficiente en NADH peroxidase et en superoxyde dismutase), le pyruvate réagit avec H2O2
pour former de l’eau et de l’acétate (van Niel et al., 2002), fournissant ainsi la cellule avec un
mécanisme alternatif de protection contre l’H2O2.
26
I. Etude bibliographique
Un autre mécanisme de résistance au stress oxydatif est lié à l'activité de RecA, une
protéine de réparation de l’ADN. Duwat et coll. (1995) ont construit une souche L. lactis
mutante de recA, et ont observé une forte sensibilité à l'aération, se traduisant par la
diminution du taux de croissance et de la viabilité. Ils ont proposé que l’oxygène serait
responsable de la toxicité et détériorerait l'ADN, et que RecA jouerait un rôle essentiel dans la
réparation de l’ADN. Le gène recA de L. lactis est co-transcrit avec un autre gène de
réparation de l’ADN codant pour une formamidopyrimidine DNA glycosylase (fpg) (Duwat
et al., 1995a; Duwat et al., 1995b; Duwat et al., 1995c).
III.2.4.3 La respiration
Les lactocoques peuvent mettre en route un métabolisme respiratoire sous certaines
conditions environnementales. L’apport d’hème, une molécule de porphyrine contenant du fer
qui permet de fixer l’oxygène, est indispensable pour le fonctionnement de la chaîne
respiratoire de Lactococcus lactis, même si l’aération est potentiellement suffisante (Duwat et
al., 1999; Duwat et al., 2001; Gaudu et al., 2002; Sijpesteijn, 1970). En effet, les systèmes
d’import de porphyrine et de fer sont présents chez Lactococcus lactis mais une partie
seulement de la voie de biosynthèse d’hème est active (Duwat et al., 2001). A l’exception de
la voie de synthèse d’hème, tous les éléments de la chaine respiratoire sont présents chez L.
lactis : des NADH déshydrogénases (codées par les gènes noxA et noxB), des enzymes de
synthèse de ménaquinone (codées par menFDXBEC et preA-menA), et de cytochrome
oxydases (codées par les gènes cydABCD). L’activité de tous ces éléments a pu être
démontrée durant la phase exponentielle et la phase stationnaire de croissance en présence
d’hème et d’oxygène. Pendant la respiration, la chaine respiratoire suffit à générer la force
proton motrice et permet de s’affranchir de l’activité du complexe F1F0-ATPase (Brooijmans
et al., 2007). Par conséquent le complexe F1F0-ATPase qui est indispensable pour la
croissance en condition de fermentation (Koebmann et al., 2000) ne l’est plus en conditions
de respiration (Blank et al., 2001).
La respiration, en réduisant le niveau d'oxydation intracellulaire, améliore la survie
cellulaire et le rendement en biomasse en comparaison de la croissance fermentaire en
condition statique ou en condition d'aération (Bolotin et al., 2001; Duwat et al., 2001). Par
ailleurs, le lactate s’accumule moins au profit de la production de CO2, et le pH reste élevé
27
I. Etude bibliographique
(Gaudu et al., 2002). La respiration conduit donc aussi à éviter le stress acide (Rezaiki et al.,
2004). Dans des conditions aérées en présence d’hème, la diminution de la production de
lactate peut aussi s’accompagner de l’augmentation de la production d’acétate, d’acétoine et
de diacétyle (Duwat et al., 2001).
III.3 Le métabolisme des purines, pyrimidines, nucléotides, et
nucléosides chez Lactococcus lactis.
Le métabolisme des nucléotides joue un rôle fondamental dans la vie cellulaire. La
plupart des nucléotides sont des sources d'énergie nécessaires à de nombreuses réactions.
L’ATP est la source d’énergie la plus couramment rencontrée mais le GTP est aussi très
important et est employé dans la synthèse de protéines et dans d’autres réactions. L’UTP
permet l’activation du glucose et du galactose. Le CTP est une source d'énergie requise dans
le métabolisme des lipides. L'AMP fait partie de la structure de quelques coenzymes comme
le NAD et le Coenzyme A. Par dessus tout, les nucléotides sont les molécules essentielles
servant à construire les acides nucléiques (ADN et ARN).
Les besoins en nucléotides de la cellule peuvent être assouvis par deux moyens : la
synthèse de novo des nucléotides à partir des sources de carbone et d’azote disponibles, ou
l’exploitation des nucléotides, nucléosides et nucléobases de l’environnement grâce à un
système de sauvetage et d’interconversion. Lactococcus lactis met en œuvre et régule ces
deux mécanismes en fonction des conditions environnementales comme la majorité des
procaryotes, toutefois elle présente un certain nombre de caractères qui lui sont spécifiques
(pour revue voir (Kilstrup et al., 2005)).
III.3.1 Organisation des gènes du métabolisme des purines et des
pyrimidines
L’organisation des gènes impliqués dans le métabolisme des purines, pyrimidines,
nucléotides et nucléosides a été largement étudiée chez de nombreuses espèces bactériennes :
Escherichia coli, Salmonella typhimurium (Neuhard et Nygaard sités par (Kilstrup et al.,
1998)), Lactobacillus plantarum (Elagoz et al., 1996), Enterococcus faecalis (Li et al., 1995),
28
I. Etude bibliographique
Bacillus subtilis (Quinn et al., 1991; Zalkin and Dixon, 1992), Bacillus caldolyticus (Ghim
and Neuhard, 1994). Chez les bactéries à gram positif les gènes sont généralement organisés
en larges opérons : l’opéron pur, comportant les gènes nécessaires à la biosynthèse des
purines, et l’opéron pyr composé des gènes de biosynthèse des pyrimidines. Chez
Lactococcus lactis ces gènes sont distribués en petits opérons et gènes monocystroniques
éparpillés sur le chromosome (figure 7). Les principaux gènes du métabolisme des purines de
Lactococcus lactis sont répartis ainsi : hpt, guaB, add, apt, deoD, guaC-xpt-pbuX, folC, guaA,
purCSQLF (Peltonen and Mantsala, 1999), purMN, hprT-purH, purDEK (Nilsson and
Kilstrup, 1998), trxB2 (Bolotin et al., 1999), purB, purA, et purR (Kilstrup and Martinussen,
1998). Pour le métabolisme des pyrimidines on observe la repartition suivante : nrdD, pyrG
(Jorgensen et al., 2004; Wadskov-Hansen et al., 2001), udp, deoD, trxB1, nrdEF, pyrEC
(Bolotin et al., 1999), pdp -deoC- cdd (Martinussen et al., 1994 ; Martinussen et al., 1995),
carB (Martinussen and Hammer, 1998), pyrKDbF (Andersen et al., 1996) (pyrKDbF de la
souche MG1363 correspond à pyrZ-pydB-pyrF chez IL1403), pyrDa (Andersen et al., 1994)
(pyrDa de la souche MG1363 correspond à pydA chez IL1403), pyrRPB-carA (Martinussen et
al., 2001), udk (Martinussen et al., 1994), cmk, upp (Martinussen and Hammer, 1994), et
pyrH (Wadskov-Hansen et al., 2000).
ORI
purR
ORI
hpt
purA
pyrH
guaB
nrdD
add
purB
Chromosome
L. lactis
upp
cmk
udk
apt
trxB2
pyrG
Chromosome
L. lactis
pyrRPB-carA
pydA
purDEK
hprT-purH
purMN
purCSQLF
udp
deoD
deoD
trxB1
pyrF-pydB-pyrZ
guaA
guaC-xpt-pbuX
carB
folC
pdp -deoCcdd
pyrEC
nrdE nrdF
Figure 7 : A gauche : répartition des gènes impliqués dans le métabolisme des purines sur le
chromosome de Lactococcus lactis IL1403. A droite : répartition des gènes impliqués dans le
métabolisme des pyrimidines sur le chromosome de Lactococcus lactis IL1403.
29
I. Etude bibliographique
III.3.2 La biosynthèse de novo
La synthèse de novo consiste en la production des nucléobases à partir des éléments
disponibles dans le milieu environnant. Ainsi une machinerie enzymatique permet de
transformer les sources de carbone et d’azote pour former les molécules servant à la
construction des acides nucléiques. Deux voies existent : la synthèse de novo des purines et la
synthèse de novo des pyrimidines.
III.3.2.1 Biosynthèse de novo des purines
La synthèse de novo des purines résulte de la succession de 10 réactions enzymatiques
conduisant, à partir du PRPP (5-phosphoribosyl-pyrophosphate) et de la L-glutamine, à la
formation de l’IMP (figure 8). Dix gènes codent pour les enzymes catalysant ces dix
réactions : purB, purC, purD, purE, purF, purH, purK, purL, purM, purN. La première
réaction de la biosynthèse de novo des purines, catalysée par PurF, consiste en l’assemblage
du pyrophosphate provenant du PRPP avec le groupement amine de la glutamine, formant le
ribosyl-amine-5-P. Ensuite les enzymes PurD et PurN convertissent le ribosylamine-5-P
successivement en GAR et FGAR. La transformation du FGAR en FGAM requiert PurL,
mais aussi, chez B. subtilis et probablement chez L. lactis, les deux sous-unités PurQ et PurS.
PurQ porterait un domaine glutamine amidotransférase alors que PurS servirait de lien entre
PurQ et PurL. Ensuite l’enzyme codée par purM convertit le FGAM en AIR. La voie
métabolique peut continuer vers l’IMP par la transformation de l’AIR en 5’P-ribosyl-4carboxy-5-aminoimidazole par l’activité de PurE et PurK, ou être déviée vers le métabolisme
de la thiamine. PurC et PurB catalysent ensuite la production d’AICAR. Enfin les deux
dernières réactions qui conduisent à la synthèse de l’IMP sont catalysées par l’enzyme PurH.
Finalement la voie métabolique se divise en deux après l’IMP pour aboutir à la production
d’AMP et de GMP (Zalkin and Dixon, 1992).
30
I. Etude bibliographique
L-glutamine
PRPP
(purF)
Ribosylamine
-5-P
(purD)
GAR
(purN)
1-(5’P-ribosyl)-Nformylglycinamide
Voie des
Pentoses
Phosphates
(purL)
FGAM
(purM)
Métabolisme de la
Thiamine
AIR
(purE ; purK)
5’P-ribosyl-4-carboxy-5aminoimidazole
(purC)
5’P-ribosyl-4-(Nsuccinocarboxamide)5-aminoimidazole
(purB)
AICAR
(purH)
1-(5’P-ribosyl)-5-formamido4-imidazole carboxamide
(purH)
IMP
Figure 8 : voie de synthèse de novo des purines. Entre parenthèse sont indiqués les gènes impliqués
dans la réaction. Abréviations : PRPP, 5-phosphoribosyl-1-diphosphate ; GAR, 5'-phosphoribosylglycinamide ; FGAM, 2-formamido-N1-5'-phosphoribosyl-acetamidine ; AIR, aminoimidazole
ribotide ; AICAR, 5-aminoimidazole-4-carboxamide ribotide ; IMP, inosine monophosphate.
31
I. Etude bibliographique
III.3.2.2 Biosynthèse de novo des pyrimidines
Métabolisme du glutamate
L-glutamine
(carA ; carB)
carbamoyl-P
Cycle de l’urée
Aspartate
(pyrB)
Pi
N-carbamoyl-L-aspartate
(pyrC)
dihydroorotate
(pydB = pyrDb)
orotate
Voie des Pentoses
Phosphates
PRPP
(pyrE)
Orotidine-5-P
(pyrF)
UMP
Figure 9 : Voie de synthèse de novo des pyrimidines. Entre parenthèses sont indiqués les noms des
gènes impliqués dans la réaction. Abréviations : PRPP, 5-phosphoribosyl-1-diphosphate ; UMP,
uridine monophosphate
La synthèse de novo des pyrimidines permet de produire de l’UMP grâce à 6 réactions
enzymatiques à partir du PRPP et de la L-glutamine (figure 9). L’UMP sert ensuite de
précurseur pour la formation de l’UTP, CTP, dTTP etc. (Martinussen et al., 2001). La
première étape de la synthèse de novo des pyrimidines est la formation de carbamoyl-P. Les
gènes carA et carB codent respectivement pour la petite et la grande sous unité de la
carbamoyl-P-synthase (CPSase) qui catalyse cette réaction. La deuxième réaction est la
transformation du carbamoyl-P en carbamoyl-aspartate par l’aspartate-transcarboxylase
(PyrB) (Martinussen et al., 2001). Ensuite le carbamoyl-aspartate est transformé en dihydroorotate par l’enzyme produit du gène pyrC (Bolotin et al., 1999). Puis la dihydroorotate-
32
I. Etude bibliographique
synthase (pydB) catalyse la réaction qui produit l’orotate. La protéine codée par le gène pyrZ
serait impliquée dans le transfert d’électrons avec pydB (Andersen et al., 1996). Une
particularité de l’espèce Lactococcus lactis est qu’elle possède deux dihydroorotate-synthase,
codées par les gènes pyrDa (ou pydA) et pyrDb (ou pydB) alors que tous les autres
procaryotes étudiés à ce jour n’en possèdent qu’une seule. Il a été montré que Lactococcus
lactis peut n’avoir qu’une seule de ces deux enzymes sans perdre sa prototrophie pour les
pyrimidines. Le plus surprenant est de constater que le gène pyrDa présente 70% d’homologie
avec le gène de dihydroorotate-synthase de Saccharomyces cerevisiae et semble beaucoup
plus éloigné de son homologue chez Bacillus subtilis, alors que pyrDb présente seulement
24% de similarité avec son homologue chez Saccharomyces cerevisiae mais 64% avec
Bacillus subtilis. PyrDa serait adapté à un métabolisme anaérobie, et PyrDb serait l’enzyme
commune à tous les procaryotes (Andersen et al., 1994). La réaction suivante est catalysée par
l’enzyme PyrE qui synthétise l’orotidine-5-P à partir du PRPP et de l’orotate (Bolotin et al.,
1999). Enfin pyrF code pour une OMP-décarboxylase qui convertit l’orotidine en UMP,
produit final de la synthèse de novo des pyrimidines (Andersen et al., 1996).
III.3.3 Les systèmes de transport
L’ajout d’adénine, guanine, ou hypoxanthine facilite la croissance de mutants
auxotrophes pour les purines (Nilsson and Lauridsen, 1992). Chez L. lactis subsp. lactis
IL1403 il existe une uracile-perméase, codée par le gène pyrP (Martinussen et al., 2001), et
un transporteur de purine codé par le gène pbuX (Bolotin et al., 2001). Des homologies de
séquence avec Bacillus subtilis laissent penser que les gènes yriD et pbuO sont impliqués
dans le transport de guanine et d’hypoxanthine comme leurs homologues de B. subtilis. Par
ailleurs un transporteur d’adénine existe vraisemblablement mais n’a pas encore été identifié.
On notera également que certaines souches de L. lactis ont un transporteur d’orotate, codé par
le gène oroP (Kilstrup et al., 2005).
Chez L. lactis subsp. cremoris MG1363, il existe également deux transporteurs de
nucléosides, l’un permettant l’import de l’uridine (pyrimidine), et l’autre l’import
d’adénosine, d’inosine et de guanosine (purines) ainsi que de cytidine (pyrimidines). L’import
des purines et de cytidine est réalisé grâce à un transporteur ABC codé par les gènes nupABC.
Chez IL1403 les gènes nupABC correspondraient aux gènes yngEFG mais leur fonction n’a
33
I. Etude bibliographique
pas été démontrée. Il semblerait qu’un troisième transporteur, responsable de l’import de
thymidine et non identifié à ce jour, soit aussi présent sur le chromosome de MG1363
(Kilstrup et al., 2005).
III.3.4 Les voies de sauvetage et d’interconversion
Synthèse de novo
des pyrimidines
Synthèse de novo
des purines
ex
in
GTP
ATP
CTP
(pyrG)
UTP
(pyrH)
CDP
(guaC)
(purB) (purA)
AMP
IMP
XMP
(guaB)
(hprT)
(apt)
(hpt)
(hprT)
(hpt)
A
A
Hx
G
X
(deoD)
(add)
AR
(xpt)
(hpt)
X
Hx
GMP
(guaA)
(deoD)
IR
(hprT)
(apt)
(hpt)
G
UDP
(cmk)
CMP
(cmk)
UMP
(udk)
(udk)
(upp)
(deoD)
GR
CR
(cdd)
UR
(pdp)
U
IL1403
IL1403
U
AR
IR
GR
MG1363
MG1363
CR
UR
Figure 10: Systèmes de transport et principales voies de sauvetage et d’interconversion des purines et
pyrimidines. CR: cytidine; UR: uridine ; U: uracile ; AR : Adénosine ; IR : inosine ; GR : guanosine ;
Hx : hypoxanthine ; A : Adénine : G : guanine. Entre parenthèses figurent les noms des gènes
impliqués dans les réactions. Le numéro des souches dans lesquelles ont été détectés les transporteurs
est indiqué : IL1403 pour Lactococcus lactis subsp. lactis ; MG1363 pour Lactococcus lactis subsp.
cremoris.
La synthèse de novo des purines et pyrimidines permet à la cellule de construire les
molécules nécessaires à l’élaboration des chaînes d’acides nucléiques. Ceci mobilise de
l’énergie et des substrats au détriment d’autres fonctions de la cellule. Afin d’éviter ce
détournement la cellule peut utiliser les molécules préexistantes. C’est ce que l’on appelle les
voies de sauvetage et d’interconversion des nucléotides et nucléosides qui dépendent des
besoins de la cellule en nucléotides.
34
I. Etude bibliographique
L. lactis peut utiliser de nombreuses sources de purines exogènes que sont l’adénosine,
la guanosine, l’inosine, l’adénine, l’hypoxanthine, la xanthine, et la guanine. Après son entrée
dans la cellule l’adénosine peut être convertie en inosine par l’adénosine-désaminase, codée
par le gène add ou déphosphorylée en adénine par la nucléoside-phosphorylase codée par le
gène deoD (Kilstrup et al., 2005)(figure 10). De même l’inosine est convertie soit en
adénosine par l’adénosine-désaminase (add), soit déphosphorylée en hypoxanthine par la
nucléoside-phosphorylase DeoD. La guanosine est également déphosphorylée pour former la
guanine grâce à DeoD. Ensuite, le sauvetage des purines s’effectue grâce à la conversion des
ribonucléosides monophosphates par les phosphoribosyltransferases. Le chromosome de L.
lactis IL1403 comporte 4 gènes de purine-phosphoribosyltransferase: hpt et hprT codant pour
deux hypoxanthine-guanine-phosphoribosyltransferase, xpt codant pour une xanthinephosphoribosyltransferase, et apt codant pour une adenine-phosphoribosyltransferase (Nilsson
and Lauridsen, 1992).
Toutes les pyrimidines sont métabolisables par Lactococcus lactis à l’exception de la
cytosine. La cellule importe des précurseurs pour ensuite les convertir en cytosine
intracellulaire ou activer la synthèse de novo. La cytidine importée dans la cellule peut être
désaminée par une cytidine-désaminase (gène cdd) pour former l’uridine ou être convertie en
CMP par par l’uridine kinase codée par udk (Kilstrup et al., 2005). L’uridine peut également
être prise en charge par l’uridine kinase (udk) pour former l’UMP, ou être convertie en
uracyle par Pdp (Kilstrup et al., 2005). L’enzyme de la voie de sauvetage de l’uracile
(pyrimidine) est l’uracile-phosphoribosyltransferase (UPRTase), codée par le gène upp, qui
conduit à la synthèse d’UMP à partir de l’uracyle (Martinussen and Hammer, 1994). Le CMP
et l’UMP sont convertis en CDP et UDP par l’enzyme codée par cmk. La seule enzyme de
Lactococcus lactis à catalyser la réaction de production de l’UTP est PyrH (UMP-kinase). Le
gène pyrH est un gène essentiel et fait partie avec frr1 (ribosomal recycling factor 1) d’un
cluster très conservé parmi les procaryotes (Wadskov-Hansen et al., 2000). Le gène pyrG
code pour une CTP synthase qui catalyse la conversion d’UTP en CTP (Wadskov-Hansen et
al., 2001). La protéine PyrG contrôle directement la concentration intracellulaire en CTP
(Jorgensen et al., 2004).
35
I. Etude bibliographique
III.4 Systèmes de régulation chez Lactococcus lactis
Les systèmes de régulation peuvent être basés sur des mécanismes biochimiques, qui
modifient directement l’activité enzymatique, conduisant à la diminution ou à l’augmentation
de la vitesse de certaines réactions. D’autres processus régulateurs se déroulent au niveau de
l’expression génétique ou de la traduction des ARN messager en protéines, conduisant à
l’induction ou la répression de la transcription et/ou de la traduction selon les cas. La
modification de l’expression et/ou de l’activité des enzymes modifie les vitesses de
transformation des différents intermédiaires métaboliques et conduit parfois à la réorientation
des flux métaboliques.
III.4.1 Régulation biochimique
Lactococcus lactis peut adapter son métabolisme pour répondre aux contraintes
environnementales. La régulation biochimique s’effectue à plusieurs niveaux : au niveau de
l’entrée du substrat, au niveau des enzymes de la glycolyse, et au niveau des enzymes de
transformation du pyruvate.
III.4.1.1 Régulation des systèmes de transport des sucres
Chez L. lactis, la régulation du transport des sucres permet de favoriser l’utilisation du
glucose aux dépens des autres sources de carbone. Cette régulation est liée à des phénomènes
de compétition au niveau des transporteurs, d’exclusion et d’expulsion. Ces mécanismes
influent sur la vitesse de transport des sucres et contrôlent indirectement le flux métabolique
intracellulaire (Papagianni et al., 2007).
La différence d’affinité d’un transporteur vis-à-vis des sucres peut favoriser l’import
d’un sucre par rapport à l’autre. Par exemple un système PTS prend en charge en priorité le
sucre pour lequel la protéine EII a le plus d’affinité. Il y a donc compétition entre les sucres
vis-à-vis du même transporteur. Il existe aussi des différences d’affinité entre les protéines EII
des systèmes PTS vis-à-vis de la protéine HPr-P. De ce fait, certaines EII son favorisées pour
recevoir le groupement phosphoryle de la protéine HPr-P. Cette compétition conduit à
36
I. Etude bibliographique
privilégier un système de transport et favorise l’import d’un sucre par rapport aux autres
(Poolman, 2002).
L’exclusion est l’inhibition allostérique d’un transporteur de type PTS ou d’une
perméase, et a pour effet d’inhiber l’import de certains substrats. Ce phénomène implique la
phosphorylation de la protéine HPr-P du système PTS sur un résidu ser-46 au lieu de his-15.
Cette phosphorylation est catalysée par la protéine kinase/phosphatase ATP-dépendante
HPrK/P, qui est activée par le fructose-biphosphate (FBP) et inhibée par le Pi (Deutscher and
Saier, 1983; Saier and Crasnier, 1996). Donc la modulation de la concentration en FBP,
contrôlée par l’import de sucre et le flux catabolique, contrôle la formation de HPr(Ser)-P
(Reizer et al., 1983). Par exemple, une forte concentration en glucose entraine l’augmentation
des concentrations intracellulaires de FBP et d’ATP et la diminution de la disponibilité en Pi.
L’activité de HPr-kinase est alors stimulée et la protéine HPr, phosphorylée en ser-46, bloque
l’import d’autres sucres (et/ou d’inducteurs de gènes cataboliques) en agissant au niveau des
transporteurs et bloque aussi leur phosphorylation puisqu’un seul des deux sites de la protéine
HPr peut-être phosphorylé à la fois (Poolman, 2002; Saier and Crasnier, 1996; Thompson and
Torchia, 1984).
Lorsqu’un sucre est importé dans la cellule alors qu’il n’est pas le sucre préférentiel, il
peut être déphosphorylé puis expulsé de la cellule. Ce phénomène s’appelle l’expulsion
(Reizer et al., 1983). La phosphorylation en ser-46 de HPr serait impliquée dans l’activation
d’une sucre-phosphate phosphorylase chez L. lactis (Wittekind et al., 1989; Ye et al., 1994),
mais son rôle direct dans l’expulsion n’a pas pu être confirmé in vivo chez Lb. casei
(Dossonnet et al., 2000), Lb. brevis (Djordjevic et al., 2001) et L. lactis (Monedero et al.,
2001). HPr-(ser)P n’est pas indispensable à l’expulsion et jouerait donc un rôle indirect dans
cette régulation.
III.4.1.2 Le shift homolactique/mixte
L. lactis montre généralement un métabolisme homolactique mais sous certaines
conditions, comme dans le cas d’une limitation en glucose ou d’une croissance sur galactose
(Even et al., 2001; Thomas et al., 1979; Thomas et al., 1980), maltose (Snoep et al., 1992), ou
pentoses (Kandler, 1983), ou en présence d’oxygène (Papagianni et al., 2007), le métabolisme
37
I. Etude bibliographique
bascule vers la fermentation mixte. La régulation du shift homolactique/mixte est complexe et
intervient à plusieurs niveaux. Ainsi l’analyse du transcriptome de L. lactis a montré que le
niveau d’expression de l’ensemble des gènes de la glycolyse et des voies de fermentation
mixtes influe sur la réorientation des flux métaboliques. Les gènes de la glycolyse sont plus
exprimés lors de la croissance sur glucose que sur galactose alors que la plupart des gènes des
voies de fermentation mixtes a un niveau d’expression plus fort sur galactose que sur glucose
(Even et al., 2001). En adéquation avec cette observation, la comparaison du protéome de
Lactococcus cultivé sur glucose et sur d’autres sources de carbone (lactose, maltose) a
démontré que le métabolisme homolactique de Lactococcus était lié à une forte concentration
en enzymes glycolytiques, alors que l’accumulation d’autre produits de fermentation que la
lactate s’accompagne de l’augmentation de la concentration de certaines enzymes des voies
de fermentation mixte (Guillot et al., 2003; Palmfeldt et al., 2004).
Figure 11 : Vue d’ensemble simplifiée de la glycolyse et de sa régulation par le FBP et les trioses
phosphates dihydroxyacétone phosphate (DHAP) et glycéraldehyde-3-phosphate (GAP). La régulation
positive de la LDH par le FBP est indiqué par le signe +, et la régulation négative de la PFL par les
trioses phosphate est indiquée par le signe de division. TPI, triose phosphate isomérase; Acetyl-CoA,
acétyl coenzyme A. (figure extraite de (Solem et al., 2007)).
38
I. Etude bibliographique
Le principal modèle de régulation du shift homolactique/mixte est étroitement lié au
flux glycolytique, au rapport NADH/NAD+ et à la concentration en FBP.
Certains auteurs ont mentionné le rôle du FBP dans le contrôle du métabolisme
lorsque le flux glycolytique est faible. Le faible flux glycolytique résultant d’une carence en
sucre induit un abaissement du niveau de FBP (Thomas et al., 1979), et la concentration en
triose-phosphates (DHAP, GAP) chez L. lactis est diminuée pendant la croissance sur des
sucres dont l’assimilation est lente (Thomas et al., 1980). Comme le FBP est un activateur
allostérique de la LDH (Wolin, 1964), et que les triose-phosphates sont des inhibiteurs
allostériques de la PFL (Takahashi et al., 1982), si le flux catabolique est faible, l’activité de
la LDH est réduite alors que celle de la PFL est augmentée. En conséquence, le pyruvate peut
être convertit, en plus du lactate, en acétyl-coA et le métabolisme peut basculer vers la
fermentation mixte (Crow and Pritchard, 1977; Solem et al., 2007; Thomas et al.,
1979)(figure 11).
D’autres auteurs ont montré l’implication du ratio NADH/NAD+ dans le shift
homolactique/mixte. Un fort flux glycolytique induit un ratio NADH/NAD+ élevé et une
limitation au niveau de la GAPDH. L’accumulation de FBP et DHAP et GAP qui en résulte
conduit à l’accroissement de l’activité de la LDH. L’activité de la GAPDH est alors juste
suffisante pour assurer le flux vers le pyruvate. De plus la concentration élevée en DHAP et
GAP inhibe la PFL et le ratio faible de NADH/NAD+ ne permet pas d’augmenter l’activité de
la PDH. En conséquence la plupart du pyruvate est converti en lactate par la LDH et le
métabolisme est homolactique (Garrigues et al., 1997; Papagianni et al., 2007). En revanche
un flux glycolytique faible induit la diminution du ratio NADH/NAD+ conduisant à
l’affaiblissement de l’activité de la LDH et rendant disponible le pyruvate pour d’autres
enzymes. Le faible ratio NADH/NAD+ s’accompagne aussi de la levée d’inhibition de la
GAPDH. En conséquence la concentration en trioses-phosphates (DHAP et GAP), inhibiteurs
de la PFL, est réduite. Le pyruvate peut alors emprunter les voies de fermentation mixte,
conduisant à l’accumulation, en plus du lactate, d’éthanol, d’acétate, de formiate (en
anaérobiose) ou de CO2 (en aérobiose)(Even et al., 2001; Solem et al., 2007)(figures 6 et 11).
Une étude montre que ces deux facteurs (niveau de FBP et ratio NADH/NAD+) sont
importants, mais que leur implication dans le contrôle de l’orientation du métabolisme varie
selon les souches (van Niel et al., 2004).
39
I. Etude bibliographique
La modulation de l’activité de la GAPDH chez L. lactis (Even et al., 1999) a permis
de montrer que cette enzyme exerçait un fort contrôle sur le flux catabolique et jouait
vraisemblablement un rôle important dans le basculement homolactique/mixte. Cependant
Solem et coll. (2003) ont montré que la modulation de l’activité de la GAPDH par mutation
dans la souche MG1363 ne permettait pas de modifier le flux glycolytique. L’expérience n’a
pas été menée dans les mêmes conditions de culture, ni avec les mêmes souches, ce qui
pourrait expliquer la divergence entre les études.
L’opéron las, codant pour la PFK, la pyruvate kinase (PYK) et la LDH (Llanos et al., 1993),
régule le flux glycolytique et indirectement le destin du pyruvate. Des études de mutants ont
confirmé que la LDH a un effet négatif fort sur le flux des voies de fermentation mixte
(Andersen et al., 2001). Au contraire PYK exerce un contrôle positif fort sur la production de
formiate et d'acétate (Koebmann et al., 2005). Le contrôle positif par PYK et le contrôle
négatif par LDH s’annulent, aboutissant à de très petits effets sur l’orientation du métabolisme
si la mutation affecte l’expression de l’opéron las en entier.
L’environnement gazeux joue un rôle crucial dans l’orientation du métabolisme vers la
fermentation mixte. De plus, lorsque le métabolisme est mixte, la quantité d’oxygène
influence la stœchiométrie des produits de la fermentation. En anaérobiose, avec un flux
glycolytique faible, le pyruvate est pris en charge, en plus de la LDH, par la PFL et le
métabolisme s’oriente vers les voies de fermentation mixtes avec production de lactate,
formiate, acétate et éthanol. En aérobiose, l’oxygène modifie le rapport NADH/NAD+,
induisant l’activation des NADH oxydases et de la PDH, la diminution de l’activité de la
LDH, et l’inactivation de la PFL. Le métabolisme mixte conduit donc à l’accumulation de
lactate, acétate, et CO2 (voir « Métabolisme aérobie »).
III.4.2 Régulation génétique
138 régulateurs potentiels ont été recensés dans le génome de L. lactis IL1403. Ces
régulateurs ont été classés en 10 familles (Bolotin et al., 2001; Guedon et al., 2002) selon leur
fonction, ou leur mode d’action : régulation générale, système à deux composantes, les
familles lacI, lysR, araC, deoR, marR, et bglG, et les « GTP binding proteins ». Les
mécanismes de régulation génétique chez L. lactis ont été largement décrits dans la revue de
Guédon et coll. (2002). Les paragraphes qui suivent constituent une mise à jour de cette revue
40
I. Etude bibliographique
et ne constituent
donc pas une description exhaustive. L’attention est portée sur les
régulateurs qui ont fait l’objet de travaux récents (depuis 2002), sur les régulateurs globaux
(CcpA, CodY), et sur ceux qui pourraient être potentiellement impliqués dans une interaction
inter-espèce même s’il est difficile de connaître à priori l’implication d’un régulateur dans une
interaction microbienne.
III.4.2.1 Facteurs sigma
Les facteurs sigma contrôlent l’expression génique en interagissant avec l’ARN
polymérase pour lui permettre de reconnaitre la région promotrice, de s’y fixer, et d’initier la
transcription. Seul trois facteurs sigma ont été identifiés chez L. lactis. RpoD est un facteur
sigma végétatif qui reconnait la séquence promotrice de nombreux gènes de L. lactis et active
la transcription des gènes de ménage pendant la phase exponentielle de croissance (GoupilFeuillerat et al., 2000). ComX est un facteur sigma alternatif qui régule les gènes tardifs de la
compétence en se fixant à l’ADN au niveau d’une séquence appelée cin-box. La compétence
est un système de transfert de matériel génétique d’une espèce à une autre. Cependant la
compétence naturelle chez L. lactis n’a pas encore été démontrée (Wydau et al., 2006). Enfin
SigX est vraisemblablement un autre facteur sigma alternatif, mais sa fonction reste inconnue
chez L. lactis.
III.4.2.2 CcpA
La répression catabolique est observée chez L. lactis lorsque la source de carbone est
assimilée rapidement, comme le glucose par exemple. Il s’agit de l’inhibition de la
transcription de gènes d’utilisation des autres sources de carbone. Ce contrôle est exercé par
la protéine CcpA. Chez L. lactis CcpA est aussi responsable de l’activation des gènes
impliqués dans la glycolyse, notamment l’opéron las (Luesink et al., 1998). CcpA se fixe aux
sites cre (cisacting catabolite responsive elements) en amont des promoteurs des gènes régulés
(Henkin, 1996). L’action de CcpA est stimulée par l’interaction avec la protéine HPr
lorsqu’elle est phosphorylée en ser46 (voir régulation du système PTS) en présence de FBP
(Cocaign-Bousquet et al., 2002; Saier and Crasnier, 1996; Schumacher et al., 2004). Donc,
une forte concentration en glucose, qui induit un haut niveau de FBP et la phosphorylation de
41
I. Etude bibliographique
HPr en ser46, provoque l’activation de CcpA. Un tétramère de CcpA associé à HPr-ser46-P
se fixe alors aux sites cre de l’ADN, activant la transcription des gènes de la glycolyse, et
inhibant la transcription des gènes requis pour l’assimilation d’autres sources de carbone
(Schumacher et al., 2004).
Comme le montre l’analyse transcriptomique de la souche MG1363, le régulon de
CcpA comporte de nombreux gènes (Zomer et al., 2007). Parmi eux se trouvent des gènes du
métabolisme du carbone et de la glycolyse mais aussi du métabolisme des nucléotides, de
l’import d’azote, et des gènes de modulation du pH intracellulaire. Sa délétion conduit à la
modification d’expression de 13% des gènes du génome de L. lactis. Par exemple CcpA
régule les gènes responsables de l’utilisation de certaines sources de carbone comme les
riboses, le mannitol, le gluconate, les β-glucosides (Guedon et al., 2001), le galactose
(Luesink et al., 1998) et le fructose (Barriere et al., 2005). CcpA est aussi impliqué dans la
régulation du métabolisme aérobie et dans le basculement entre les voies métaboliques. En
effet il contrôle l’expression de noxE codant pour la NADH oxidase et activerait la
transcription de fhuR, régulateur de l’import d’hème, essentiel à la respiration chez L. lactis
(Gaudu et al., 2003). La présence de séquences cre dans la région promotrice de pepP et pepQ
suggère que ces deux gènes du système protéolytique sont contrôlés par CcpA (Guedon et al.,
2001; Zomer et al., 2007). Enfin, il faut aussi noter que CcpA s’autorégule chez L. lactis
(Zomer et al., 2007).
III.4.2.3 Régulation des voies d’assimilation des autres sources de carbone
La possibilité d’utiliser plusieurs sources de carbone est un moyen de s’adapter aux
modifications environnementales. Des analyses transcriptomiques ont en effet montré que la
carence carbone provoque la diminution générale de l’expression des gènes d’utilisation du
glucose et induit au contraire les gènes d’utilisation des autres sources de carbone en levant
l’inhibition de certains régulateurs génétiques (Ganesan et al., 2007; Redon et al., 2005a).
Dans le cas d’interaction trophiques entre microorganismes, il peut arriver qu’une espèce
consomme les produits d’une autre espèce. En plus de CcpA, responsable de la régulation
globale du catabolisme, il existe de nombreux régulateurs spécifiques classés en différentes
familles (LacI, LysR, AraC, GntR, DeoR, BglG) et contrôlant l’expression des gènes
d’utilisation de substrats carbonés.
42
I. Etude bibliographique
Ainsi LacR, dont le gène est porté généralement par un plasmide, contrôle l’expression
des gènes d’utilisation du lactose (lacABCDFEGX) (Siezen et al., 2005). Les gènes
d’assimilation du xylose (xylRAB) sont contrôlés par XylR (Erlandson et al., 2000; Guedon et
al., 2002). BglR est un anti-terminateur de transcription impliqué dans l’assimilation des βglucosides. L’étude de mutants de bglR et ccpA a montré que le transport de cellobiose est
effectué par un système PTS cellobiose/lactose dépendant de CcpA alors que l’import des
autres β-glucosides, comme la salicine, serait contrôlé par BglR (Kowalczyk et al., 2008). Les
gènes d’assimilation du maltose seraient sous le contrôle de l’activateur MalR (Andersson and
Radstrom, 2002). Le catabolisme du fructose et sa régulation chez L. lactis a fait l’objet d’une
étude basée sur la comparaison des transcriptomes de mutants comparés à une souche
sauvage. FruR est le répresseur de l’opéron fructose. Son mode d’action est très proche de
celui de LacR. FruR se fixe à une séquence consensus de l’ADN (TGAWWGWTTT)4 et son
activité est modulée par le fructose-1-phosphate (Barriere et al., 2005). L. lactis peut
également métaboliser le malate et le citrate grâce aux opérons mle et cit. Un régulateur deoR
situé en amont de l’opéron cit a été trouvé mais son implication dans la régulation de cit n’a
pas été prouvée (Guedon et al., 2002). L’opéron mle quant à lui serait activé par MleR, un
régulateur de la famille LysR, lorsque le malate est présent dans le milieu de culture (Renault
et al., 1989). Enfin rbsR, kdgR, gntR, rgrA et rliB codent pour des régulateurs potentiels de
gènes impliqués respectivement dans le catabolisme du ribose, du mannonate, du gluconate et
de deux sucres inconnus, mais ils restent peu étudiés (Guedon et al., 2002).
III.4.2.4 CodY
Le régulateur CodY contrôle le métabolisme de l’azote et régule l’expression de
centaines de gènes chez L. lactis. Ce régulateur de transcription se fixerait à l’ADN au niveau
d’une séquence consensus formant une structure palindromique appelée codY-box
(AATTTTCNGAAAATT) pour moduler la transcription (Guedon et al., 2005). De nombreux
promoteurs de gène régulés par CodY contiennent la CodY-box. Cependant, chez L. lactis 30
% des promoteurs cibles de CodY ont des motifs CodY-box qui présentent tous au moins trois
mésappariements avec à la séquence consensus. Ceci montre probablement que CodY peut
aussi reconnaître des conformations particulières de l’ADN comme suggéré chez B. subtilis
par Serror et Sonenshein (Serror and Sonenshein, 1996), ou que CodY contrôle indirectement
43
I. Etude bibliographique
leur niveau d'expression. CodY est fortement actif en présence d’isoleucine, à tel point que la
croissance de L. lactis est inhibée par une forte concentration en isoleucine dans le milieu de
culture (Chambellon and Yvon, 2003; Goupil-Feuillerat et al., 2000; Guedon et al., 2005;
Lapujade et al., 1998).
CodY contrôle complètement le métabolisme de l’azote chez L. lactis en contrôlant le
système protéolytique et le métabolisme des acides aminés. CodY réprime les gènes du
système protéolytique dont pepN, pepC, opp-pepO1 et probablement prtPM, pepX et pepDA2
(den Hengst et al., 2005). CodY contrôle aussi les gènes impliqués dans la biosynthèse et le
transport des BCAA, glutamate, glutamine, histidine, sérine, thréonine, lysine et asparagine,
dans la protéolyse et dans les voies d’assimilation de peptides (Chambellon and Yvon, 2003;
den Hengst et al., 2006; Guedon et al., 2001) CodY contrôle aussi indirectement la
biosynthèse de cystéine et de glycine, qui utilise la sérine comme précurseur, et la biosynthèse
de la proline et de l’arginine, qui utilise le glutamate comme précurseur. Par ailleurs, CodY
réprime le métabolisme du glycogène et les voies d’assimilation du glycérol qui pourraient
fournir à la cellule le carbone nécessaire à la biosynthèse d'acides aminés en carence de sucre.
Finalement CodY contrôle toutes les voies d’assimilation de l’azote en modulant la synthèse
de novo des acides aminés ainsi que l’import de sources nutritionnelles secondaires (Guedon
et al., 2005).
Une analyse protéomique a révélé que la respiration conduit à l’augmentation du taux
d’enzymes protéolytiques (PepO1, PepC). Cette induction ne semble pas liée à la régulation
par CodY, laissant supposer l’existence d’autres régulateurs du système protéolytique (Vido
et al., 2004).
III.4.2.5 Systèmes à deux composants
Les systèmes à deux composants (Two components Systems, TCS) sont impliqués dans
la détection des modifications des conditions environnementales et dans le déclenchement de
la réponse cellulaire. Les TCS, au nombre de 8 chez L. lactis IL1403, sont constitués d’une
histidine kinase (HK) membranaire responsable de la perception d’un signal spécifique et
d’un régulateur de réponse cytoplasmique assurant la transduction du signal en se liant à
l’ADN (Appleby et al., 1996). Lors de son interaction avec un signal environnemental, HK
s’autophosphoryle, puis le phosphate est transféré sur le régulateur de réponse. Le régulateur
44
I. Etude bibliographique
de réponse est alors activé et se fixe à l’ADN pour déclencher une réponse adaptée. Les gènes
codant pour chaque TCS fonctionnent par paires (kin/llr) à l'exception de llrH qui est un
régulateur de réponse orphelin sans HK dans son voisinage.
KinA/LlrA serait impliqué dans la régulation du métabolisme de l’arginine et la réponse
au stress acide. KinC/LlrC semble être un système global de résistance au stress puisque son
inactivation par mutation conduit à une sensibilité accrue au stress acide, et que la protéine
LlrC a été décrite comme une « cold shock protein » (stress thermique) (Wouters et al., 2001).
KinD/LlrD est impliqué dans la réponse au stress osmotique, KinF/LlrF dans la réponse au
stress oxydatif et KinE/LlrE semble réguler l’activité phosphatase dans la cellule. Les gènes
kinG/llrG appartiennent à un cluster avec tyrA-aroA-aroK-pheA, indiquant que KinG/LlrG
pourrait être impliqué dans le métabolisme des acides aminés branchés. Enfin, le gène llrH est
suivi par octA et yrfD qui codent une ornithine carbamoyl-transférase et un antiporteur d'acide
aminé, laissant penser que LlrH jouerait un rôle dans la régulation du métabolisme de
l’arginine. Aucun rôle n’a pu être défini pour KinB/LlrB (O'Connell-Motherway et al., 2000).
Dans d’autres souches de L. lactis que IL1403, des TCS supplémentaires peuvent être
portés par des éléments génétiques mobiles comme le système nisR/nisK qui contrôle
l’expression de l’opéron nisine (Kuipers et al., 1995), lcoR/lcoS impliqué dans la résistance au
cuivre (Khunajakr et al., 1999), ou CesSR impliqué dans la réponse aux stress altérant
l’enveloppe cellulaire (Martinez et al., 2007; Veiga et al., 2007).
III.4.2.6 Régulation du métabolisme des purines et pyrimidines
La description de la régulation du métabolisme des purines et pyrimidines est très
développée en comparaison des autres systèmes de régulation dans l’optique de mieux
appréhender les travaux décrits dans (Maligoy et al., 2008).
Les voies de synthèse de novo et les voies de sauvetage et d’interconversion des purines
et pyrimidines sont étroitement mêlées et régulées par l’activité de transporteurs et de
régulateurs transcriptionnels. Ces mécanismes de régulation sont généralement liés aux
concentrations extra et intracellulaires en nucléotides et nucléosides. Il a été observé que la
modification des concentrations intracellulaires en nucléotides a un effet sur la régulation de
nombreuses réactions enzymatiques (Martinussen et al., 2003).
45
I. Etude bibliographique
a.La régulation du métabolisme des purines
Figure 12 : Modèle de la régulation PurR chez L. lactis. (A) Le contrôle du niveau de PRPP et la
régulation génétique de la voie de biosynthèse de l’IMP. D’après le modèle du contrôle du niveau de
PRPP de B. subtilis, la concentration en PRPP peut être diminuée par la phosphoribosylation des
nucléobases en NMP (représentés ici par l’adénine), et par l’inhibition de la PRPP synthase par l’ADP.
En condition de haut niveau de PRPP PurR active la transcription des gènes de la voie de biosynthèse
de l’IMP, ainsi que glyA et fhs impliqués dans l’incorporation des C1 du formiate et de la sérine pour
former le THF (tétrahydrofolate). Les unités C1 du formyl-THF et méthanyl-THF sont incorporés en
bases puriques par les transformylases PurN et PurH. (B) Modèle de l’induction par PRPP de
l’activation de la transcription par PurR. PurR se fixe à la PurBoxe sur l’AND quelle que soit la
condition. La liaison de PRPP change la conformation de PurR qui reconnaît et positionne l’ARN
polymerase correctement, permettant d’initier la transcription.
(figure extraite de (Kilstrup et al., 2005)).
La régulation transcriptionnelle de la plupart des molécules du métabolisme des
purines dépend d’une seule molécule régulatrice : PurR. Une séquence consensus appelée «
purBox » est présente en amont du promoteur de nombreux opérons, notamment ceux de la
voie de synthèse de novo des purines. Cette séquence permettrait la fixation de l’activateur
transcriptionnel PurR, puis de l’ARN-polymérase (figure 12). Il s’agit d’un système de
régulation classique avec activateur de transcription et facteur sigma 70. Une purBox se
trouve en amont du gène purR, indiquant qu’il y a autorégulation. La protéine PurR de L.
lactis présente 51% d’homologie en termes d’acides aminés avec PurR de Bacillus subtilis, et
46
I. Etude bibliographique
près de 80% d’homologie globale. Mais PurR est indispensable à l’activation de la voie de
synthèse de novo des purines chez L. lactis, indiquant qu’il s’agit d’un activateur, alors que
chez Bacillus subtilis PurR est un répresseur. La purBox de Bacillus est imparfaite de sorte
que PurR se décroche en présence de PRPP laissant la place pour le complexe de
transcription. En revanche la purBox de Lactococcus lactis est parfaite, ce qui signifie que
PurR ne se détache pas. Ceci explique la différence de mécanisme de régulation malgré
l’implication de la même molécule PurR chez les deux espèces (Kilstrup et al., 1998; Kilstrup
and Martinussen, 1998; Martinussen et al., 2003). De nombreux gènes font partie du régulon
PurR, appartennant principalement à la voie de synthèse de novo des purines (Kilstrup et al.,
1998; Nilsson and Kilstrup, 1998; Peltonen and Mantsala, 1999).
Le PRPP confère à PurR sa forme active. En absence de PRPP, PurR est inactive, et il
n’y a pas d’activation de la transcription. Or la concentration intracellulaire en PRPP est
directement liée à la concentration en purines. Ainsi Beyer et coll. (2003) ont montré par une
analyse protéomique que la régulation par PurR est directement corrélée avec la disponibilité
en purine exogène (Beyer et al., 2003). Par exemple l’expression de l’opéron purDEK est
fortement altérée par la présence de purines et PurR serait impliquée dans ce mécanisme
(Nilsson and Kilstrup, 1998). De même l’opéron purCQSLF qui est précédé par une purBox
en amont (2 séquences purBox en réalité) est régulé en réponse à l’ajout de purines exogènes
(Peltonen and Mantsala, 1999).
b.La régulation du métabolisme des pyrimidines
La régulation du métabolisme des pyrimidines dépend d’une molécule régulatrice
PyrR et d’une séquence de type terminateur. La protéine régulatrice PyrR de L. lactis présente
de fortes homologies avec celle de Bacillus subtilis et il est probable que la régulation se fasse
par les mêmes mécanismes (Martinussen et al., 2001). Les terminateurs sont des structures
secondaires des acides nucléiques qui peuvent empêcher la transcription. Il existe un
terminateur ainsi qu’une séquence consensus appelée « pyrBox » en amont du promoteur de
nombreux opérons, notamment ceux de la synthèse de novo des pyrimidines. La protéine
PyrR facilite la formation du terminateur en se fixant à la pyrBoX (figure 13), inhibant ainsi
la transcription (Martinussen and Hammer, 1998). La régulation par PyrR est liée à la
disponibilité en pyrimidines. Ainsi l’expression du gène carB est régulée par la concentration
47
I. Etude bibliographique
en uracile par le biais de PyrR. Il existe une structure de type terminateur ainsi qu’une
séquence consensus appelée « pyrBox » en amont du promoteur de carB (Martinussen and
Hammer, 1998). De même l’expression des opérons pyrRPB-carA, pyrKDbF, pyrEC, et
pyrDb est inhibée en présence d’uracile (Andersen et al., 1996; Martinussen et al., 2001).
Figure 13 : Modèle de la régulation par PyrR. Les promoteurs des gènes de biosynthèse de
pyrimidine initie constitutivement la transcription, et la structure (I) se forme. La protéine PyrR est
sensible au niveau d’UMP intra-cellulaire: lorsque les pyrimidines sont abondantes, la concentration
en UMP est élevée, facilitant la formation du complexe PyrR–UMP. Ce complexe peut se lier à une
séquence spécifique de l’anti-terminateur (structure I), provoquant sa stabilisation. En conséquence, la
formation de l’anti-terminateur (II) est empêché, favorisant la formation du terminateur (III). L’ARN
polymérase termine prématurément la transcription. A un faible niveau d’UMP, PyrR ne peut pas se
fixer à l’anti-terminateur et la structure anti-terminatrice énergétiquement plus favorabe se forme. Le
terminateur ne peut pas se former et la transcription se poursuit. (figure extraite de (Kilstrup et al.,
2005)).
48
I. Etude bibliographique
Le gène pyrG n’est pas assujetti à la même régulation que les autres gènes du
métabolisme des pyrimidines. Il est régulé spécifiquement par la concentration intra cellulaire
en cytidine (figure 14). En effet la présence de CTP inhibe l’expression de pyrG chez L. lactis
comme chez de nombreuses autres bactéries. Une séquence « terminateur » a été détectée
dans le « leader » de l’ARNm de pyrG mais il semble que le mécanisme de régulation ne soit
pas lié à PyrR. Une enzyme encore inconnue serait sensible à la concentration en CTP, et
interviendrait dans la formation ou la déstructuration du terminateur, modulant ainsi le niveau
d’expression de pyrG (Jorgensen et al., 2003).
Figure 14 : Modèle de la régulation par de pyrG. (A) LA transcription est initiée avec la séquence 50GGGC. (B) Lorsuqe la concentration en CTP est élevée, la transcription se poursuit et la structure
terminatrice impliquant des paires de bases se forme. (C) Structure secondaire du leader de pyrG dans
avec la configuration terminateur. (D) Lorsque le CTP est limitant l’ARN polymérase s’arrête
immédiatement devant le résidu C à la position quatre dans la séquence 50-GGGC. A cause de
dérapages de la transcription, des résidus G supplémentaires sont incorporés à l’extrémité 50 de
l’ARN. Cette succession de G forme des paires avec le côté gauche de la tige du terminateur,
empêchant ainsi la formation du terminateur. La transcription se poursuit avec pour résultat
l’expression de pyrG. (E) Structure secondaire du leader de pyrG dans la configuration antiterminateur. (figure extraite de (Kilstrup et al., 2005)).
49
I. Etude bibliographique
Le carbonate est un substrat de la carbamoyl-P-synthase (CarAB) et semble aussi
influencer le métabolisme des pyrimidines. Il a été montré que Lactobacillus plantarum était
incapable de croître en présence d’uracile sans ajout d’une forte concentration de CO2. Ceci
montre que la concentration de carbamoyl-P pourrait être régulée par le bicarbonate
intracellulaire. Par ailleurs le carbamoyl-P est un précurseur de pyrimidines mais aussi
d’arginine. La carbamoyl-P-synthase serait régulée également par l’arginine, du moins chez
Lactobacillus plantarum (Nicoloff et al., 2000).
III.4.2.7 Biosynthèse et dégradation des acides aminés
L. lactis a besoin d’acides aminés exogènes pour une croissance optimale mais elle peut
synthétiser des acides aminés s’ils sont absents du milieu de culture. En effet son génome
contient tous les gènes de synthèse de novo des acides aminés (Bolotin et al., 2001).
L’expression d’un certain nombre d’entre eux varie en fonction de la concentration en acide
aminé dans le milieu de culture. Ainsi il a été montré que la régulation de la transcription des
opérons trp, leu-ilv-ald, his et metC-cysK, permet de répondre à un déficit en acide aminé, et
est le plus souvent contrôlée au niveau de l’initiation et de l’élongation. La transcription des
opérons his et leu-ilv-ald est réprimée 10 à 30 fois en présence d’histidine et d’isoleucine dans
le milieu de culture, suggérant l'existence d'un répresseur (Delorme et al., 1992, 1999; Godon
et al., 1992; Godon et al., 1993). Mais l’examen des régulateurs, annotés principalement par
homologie de séquence protéiques en comparaison avec des bases de données, n'a pas permis
d’identifier précisément le gène répresseur.
L’expression de l’opéron metC-cysK impliqué dans le métabolisme de la méthionine et
de la cystéine, est elle aussi modifiée en réponse à la concentration en acide aminé. En effet la
transcription de cet opéron est réduite si la concentration en cystéine, méthionine, ou
glutathione est élevée dans le milieu de culture. Le régulateur cmbR, appelé fhuR chez L.
lactis IL1403, a été identifié par une approche de mutagénèse aléatoire et semble activer la
transcription de metC-cysK en présence d'acétyl-sérine. Par ailleurs, cmbR contrôle aussi la
transcription de l’opéron fhuCBGDR dont il est le dernier gène et qui code pour un
transporteur ABC de ferrichrome mais le rôle physiologique de cette régulation conjointe
n’est pas clair (Fernandez et al., 2002).
50
I. Etude bibliographique
Le contrôle du métabolisme de l’arginine de L. lactis serait assuré par deux protéines
présentant de fortes homologies, ArgR et AhrC. ArgR serait impliqué dans l'anabolisme de
l’arginine alors qu’AhrC serait impliqué dans son catabolisme (Larsen et al., 2004; Larsen et
al., 2005). Le signal de reconnaissance de ces régulateurs sur l'ADN est un palindrome appelé
ARG-box (Makarova et al., 2001). Il faut noter que le métabolisme de l’arginine peut aussi
être contrôlé directement ou indirectement par les systèmes à deux composants KinA/LlrA et
LlrH (voir plus haut).
La glutamine synthase est une enzyme responsable de l'assimilation de l'ammonium
pour fournir la glutamine à la cellule. La glutamine sert de source d'azote pour la synthèse
d'autres acides aminés, de bases et de vitamines. Chez L. lactis, l’opéron glnRA est
responsable de la synthèse de glutamine : GlnA est la glutamine synthétase et GlnR un
répresseur de transcription qui se fixe à une séquence spécifique de l’ADN appelée GlnR-box.
Récemment il a été montré que cette glnR-box est présente en amont des opérons amtB-glnK,
glnRA, et glnPQ et que GlnR réprime l’expression de ces opérons en fonction de la
disponibilité des sources d’azote (Larsen et al., 2006). L’opéron amtB-glnK est aussi réprimé
dans un mutant ∆glnR de la souche MG1363, lorsque la concentration en NH3 est élevée,
contrairement à glnRA, et glnPQ. Il semble donc que amtB-glnK soit aussi régulé par un
deuxième répresseur, vraisemblablement CodY (voir plus haut). D’autre part l’activité de la
glutamine synthétase (GlnA) peut aussi être contrôlée par la protéine PII/PII-UMP codée par
glnB pour répondre aux besoins en azote de la cellule. Le gène glnB serait régulé par le
système à deux composants KinA/llrA. Comme souvent, le métabolisme de L. lactis dépend
de systèmes de régulation croisés, et la participation de chaque régulateur dans la réponse à
l’environnement peut être difficile à appréhender. La régulation de nombreux autres gènes du
métabolisme des acides aminés reste peu connue.
III.4.2.8 Stress acide, thermique, osmotique, oxydatif
L. lactis doit faire face à de nombreux stress dans les procédés naturels ou industriels et
doit mettre en place des mécanismes de résistance adaptés. Des analyses transcriptomiques et
protéomiques ont révélé que la résistance au stress acide (Budin-Verneuil et al., 2005; BudinVerneuil et al., 2007; Raynaud et al., 2005; Vido et al., 2005; Xie et al., 2004), thermique
(Xie et al., 2004), osmotique (Xie et al., 2004), et oxydatif (Vido et al., 2005) implique en
51
I. Etude bibliographique
général un grand nombre de gènes et/ou protéines. Il y a parfois de grandes divergences entre
les articles, suggérant la superposition de systèmes de régulation conduisant à tel ou tel
phénotype en réponse au stress, en fonction d’autres paramètres (souches, conditions de
culture…). Cependant certains régulateurs spécifiques et leur régulon ont pu être caractérisés
précisément, parfois grâce à des techniques d’analyse globale (Akyol, 2007; Magnani et al.,
2008).
Par exemple des régulateurs spécifiques sont impliqués dans la réponse au stress
osmotique (BusR, GadR), ionique (PhoU, CopR, ZitR, FlpA, FlpB) et oxydatif (Fur). Par
ailleurs la régulation de l’import et du métabolisme des métaux est souvent liée au stress
oxydatif. Cela paraît logique, en particulier pour l’hème qui joue un rôle important dans le
métabolisme oxydatif de L. lactis (Guedon et al., 2002; Sanders et al., 1998). Enfin, le
métabolisme du citrate semble régulé par CitI en réponse au stress acide mais le mécanisme
moléculaire reste inconnu (Martin et al., 2004).
La description de ces systèmes de régulation ne sera pas plus développée car les
conditions dans lesquelles nous nous proposons d’étudier les interactions microbiennes
n’autorisent pas de tels stress. En effet il s’agit de cultures dans un système fermé (Batch)
dans lequel les paramètres physicochimiques (pH, température, environnement gazeux) sont
maintenus constants, et donc les stress acide, thermique, osmotique, et oxydatif ne peuvent
pas avoir lieu.
III.4.2.9 Résistance aux molécules anti-microbiennes
Les interactions cellulaires peuvent être liées à la production de molécules
antimicrobiennes (antibiotiques, bactériocines etc.). Un moyen pour les bactéries de résister à
ces drogues est d’expulser la molécule grâce à un système de transport. Peu de régulateurs
impliqués dans ces phénomènes de résistance ont été étudiés.
Chez L. lactis, LmrCD est un transporteur ABC qui permet d’expulser de multiples
molécules (multidrug transporter). LmrR coderait pour un régulateur de transcription qui se
fixerait à la région promotrice de l’opéron lmrCD et modulerait son expression en
interagissant avec une molécule antimicrobienne. Quand les cellules sont exposées à des
composés toxiques, ces composés peuvent se lier à LmrR. LmrR change probablement de
conformation et son interaction avec la région promotrice de lmrCD est affaiblie, permettant à
52
I. Etude bibliographique
la polymérase d'ARN d'amorcer la transcription. Cela aboutit à la levée de répression des
gènes lmrCD et induit l'expression d'un transporteur qui expulse les molécules toxiques de la
cellule. Ainsi une forte activation des gènes lmrC et lmrD est observée dans quatre souches
résistantes lorsqu’elles sont exposées à des molécules antimicrobiennes (Lubelski et al.,
2006).
IV. Les levures
Les levures sont des champignons unicellulaires utilisés dans les procédés de
fermentation agroalimentaires tels que la fabrication de produits laitiers (fromages, kéfir…),
de la bière, du vin, des spiritueux (rhum, whisky, gin, vodka…), et du pain. Ce sont des
microorganismes que l’on retrouve également dans de nombreux écosystèmes naturels.
Certaines levures sont des pathogènes opportunistes, elles appartiennent généralement au
genre Candida. La levure la plus utilisée en industrie, la plus étudiée en laboratoire, et sans
doute la plus connue est Saccharomyces, aussi appelée levure de bière ou levure du
boulanger. Les levures occupent une multitude d’habitats qui peuvent être liés ou non aux
activités humaines. De nombreux isolats naturels ont été recueillis dans des vignes où S.
cerevisiae est présente sur les grains de raisin. On trouve également des levures à la surface
d’autres fruits servant à la production d’alcools fermentés. Il existe aussi des preuves que les
insectes et les oiseaux sont des agents importants de dissémination des levures (Mortimer and
Polsinelli, 1999). Des levures appartenant à l’espèce Saccharomyces ont pu être isolées
d’échantillons provenant de biotopes aussi nombreux que variés comme par exemple le lit du
Danube (Slavikova and Vadkertiova, 1997) ou la rhizosphère des chênes américains
(Sniegowski et al., 2002).
IV.1 Saccharomyces cerevisiae
Saccharomyces cerevisiae est un champignon levuriforme (unicellulaire) appartenant
au genre des ascomycètes. Cette levure se développe préférentiellement en aérobiose, mais
peut également croître en anaérobiose, sous certaines conditions, notamment l’adjonction
53
I. Etude bibliographique
d’ergostérol au milieu de culture (Moller et al., 2001; Visser et al., 1990). La croissance de
Saccharomyces est favorisé en milieu acide - son optimum de pH se situe entre 4,5 et 6,5 mais elle tolère parfaitement des valeurs de pH comprises entre 2,5 et 8,0. Saccharomyces
cerevisiae est une espèce mésophile avec un optimum de température entre 25 et 30°C (Rose
and Harrisson, 1971) qui peut s’adapter et croître dans un large spectre de température.
Toutefois elle est généralement incapable de se développer à des températures supérieures à
40°C.
La levure a été le premier organisme eucaryote dont le génome a été entièrement
séquencé (Dujon, 1996; Goffeau et al., 1996). La plupart des séquences décodées proviennent
de la souche Saccharomyces cerevisiae S288c. Saccharomyces cerevisiae contient 16
chromosomes sur lesquels sont répartis 5885 gènes potentiels codant pour des protéines ainsi
que 140 gènes environ codant pour des ARN ribosomaux. Une grande part a été étudiée et
annotée. Il existe des gènes continus comme chez les bactéries, et des gènes discontinus
(introns et exons) comme chez les eucaryotes supérieurs. Par ailleurs, chaque mitochondrie
renferme son propre matériel génétique réparti en plusieurs molécules d'ADN circulaires qui
codent pour des enzymes de la chaîne respiratoire.
Des variations génétiques et phénotypiques existent entre les différentes souches de S.
cerevisiae. Cette hétérogénéité réside dans la production d’éthanol, d’acétate, de sulfites et
d’autres produits métaboliques (Cavalieri et al., 1998), dans les caractères morphologiques
des colonies (Casalone et al., 2005) ou encore dans la capacité à métaboliser certains sucres
tels que le sucrose, le maltose ou le galactose (Cavalieri et al., 1998 ; Landry et al., 2006).
Malgré le fait que la plupart de l’information dont nous disposons sur le génome de
Saccharomyces provient de S288c, cette souche n’a généralement pas un fond génétique idéal
pour étudier certains aspects biologiques. En effet, la souche S288c présente de nombreux
inconvénients tels qu’une capacité de sporulation limitée (Deutschbauer and Davis, 2005),
l'inaptitude à métaboliser le maltose (Charron et al., 1986) ou encore à initier une croissance
filamenteuse en carence en azote (Gagiano et al., 2002). Pour toutes ces raisons, et bien
d’autres encore, de nombreuses équipes de recherche utilisent des souches avec un fond
génétique plus ou moins éloigné de S288c pour réaliser des études physiologiques, génétiques
ou génomiques (Huang et al., 2005; Primig et al., 2000; van Dijken et al., 2000; Xu et al.,
2004). Il faut ajouter que l’ADN mitochondrial n’a pas été pris en compte dans le séquençage
du génome et qu’il constitue une source d’hétérogénéité supplémentaire. Un article décrit les
54
I. Etude bibliographique
variations génétiques entre les principales souches de laboratoire et S288c et a aboutit à la
création d’une base de données qui permet de prendre en compte ces variations lors du design
de sondes ou lors d’analyses transcriptomiques, notamment avec les puces à ADN
(Schacherer et al., 2007).
La famille CEN-PK est communément considérée comme la plus approchante de la
levure modèle idéale (van Dijken et al., 2000) car elle présente un phénotype dit « sauvage ».
Cette souche est capable de synthétiser la plupart des lipides, acides aminés, nucléotides,
cofacteurs et vitamines nécessaires à sa croissance à partir des ressources de son
environnement. Elle peut utiliser de nombreuses sources de carbone telles que le glucose, le
maltose, le galactose, l’éthanol, l’acétate. Il s’agit d’un microorganisme qui peut s’adapter
facilement à des conditions de culture variées. La souche CEN.PK113-7D (ou CEN.PK905),
qui a servi pour les travaux décrits dans cette thèse, est prototrophe, MAT a, MAL2-8c, c'està-dire que l’expression des gènes mal est indépendante de la répression glucose et de la
présence de maltose, et SUC2, c'est-à-dire qu’elle peut métaboliser le saccharose.
IV.2 Le métabolisme central de Saccharomyces cerevisiae
Glucose
Ex
Perméase
ATP
In
Glucose-6-P
Fructose-6-P
ATP
Pi
Fructose-1,6-diP
Dihydroxyacétone-P
NADH
NAD +
NAD +
NADH
Glycéraldéhyde-3-P
FADH 2
NAD +
NADH
H2 O
3,P-glycérate
Glycérol-3-P
Fumarate
FAD+
GDP
+Pi
ATP
ATP
2,P-glycérate
Glycérol
Malate
ATP
NADH
NAD +
+CoASH
Acétyl-CoA
NADH
Oxaloacétate
CO 2
Acétaldéhyde
NADH
+CO2
ATP
+CO2
Pyruvate
NAD +
Succinyl-coA
NAD +
Phosphoénol-pyruvate
Ethanol
GTP
+CoASH
Succinate
Glyoxylate
α-cétoglutatrate
NAD +
+CoA
NADH
+CO2
NADP+
NADH
+CO2
NADPH
Acétate
ATP + CoA
Citrate
+H2O
Isocitrate
NAD +
Acétyl-CoA
Acétyl-CoA
CoASH
Figure 15 : Représentation shématique du métabolisme central de Saccharomyces cerevisiae.
55
I. Etude bibliographique
IV.2.1 La glycolyse
Le glucose est le substrat carboné préférentiel de la levure. En effet, comme chez
Lactococcus lactis, le glucose exerce une répression catabolique inhibant les enzymes
d’utilisation des autres sources de carbone. La voie principale du catabolisme de la levure est
la glycolyse (figure 15). Le glucose entre dans la cellule par diffusion facilité grâce à des
perméases, phosphorylé par une glucokinase, puis suit la voie de la glycolyse pour finalement
former le pyruvate selon des mécanismes similaires à ceux de Lactococcus lactis : des
réactions successives de transformation à partir du glucose-6-P s’accompagnent d’une
libération d'énergie sous la forme de 2 moles d'ATP et 2 moles de NADH par mole glucose
consommé. Le produit final de la glycolyse est le pyruvate qui doit ensuite être transformé
pour régénérer le pouvoir réducteur (NAD+).
IV.2.2 La fermentation alcoolique
Lorsque la concentration en oxygène est très faible (microaérobiose) voire nulle
(anaérobiose) le métabolisme de la levure est exclusivement fermentaire (Bjorkqvist et al.,
1997; Visser et al., 1990). En effet, en absence d’O2 la levure doit trouver un accepteur
d’électron de substitution afin de régénérer le NAD+. En général le produit final en
anaérobiose est l’éthanol. A la sortie de la glycolyse, le pyruvate est scindé en acétaldéhyde et
CO2 par la pyruvate décarboxylase. Puis la conversion de l’acétaldéhyde en éthanol permet de
rétablir la balance des pouvoirs réducteurs. Le bilan énergétique de la fermentation alcoolique
est le suivant :
1 C6H12O6 + 2 Pi → 2 CO2 + 2 C2H6O + 2 ATP
Le rendement théorique limite de production d’éthanol (Yglucose,éthanol) est de 0,51
géthanol/gglucose. Dans la pratique, on peut atteindre au maximum 95% de ce rendement
théorique, soit environ 0,48 géthanol/gglucose. En effet une partie de la consommation du glucose
sert à la production de biomasse, et une autre partie est transformée en produits de
fermentation secondaires, en particulier du glycérol.
56
I. Etude bibliographique
IV.2.3 Le métabolisme oxydatif
En présence d’oxygène, le pyruvate est oxydé en CO2 et H2O grâce au cycle de Krebs,
et le NADH est réoxydé en NAD+ avec la production d’ATP par phosphorylation oxydative.
L’énergie libérée sert à la multiplication cellulaire et à la conversion des glucides simples en
matériel de réserve (glycogène et tréhalose) (Rose and Harrisson, 1971). Malgré la présence
d’oxygène, Saccharomyces cerevisiae ne métabolise généralement qu’une faible part du
carbone par la respiration alors qu’une grande majorité du carbone (80%) est déviée vers la
fermentation alcoolique. En effet même si l’aération est suffisante pour maintenir la chaîne
respiratoire en activité, l’effet Crabtree réoriente une grande part du catabolisme vers la
production d’éthanol (Crabtree, 1929). Ce phénomène peut être observé en cas de fortes
concentrations en glucose et peut s’expliquer par l’absence de contrôle au niveau de son
entrée dans la cellule (perméases). La cellule doit faire face à un afflux important de glucose
et les enzymes de transformation du pyruvate (pyruvate déshydrogénase, acétaldéhyde
déshydrogénase, et acétyl-CoA synthase) sont rapidement saturées. Finalement l’effet
Crabtree se manifeste par l’inhibition de la respiration et la production d’éthanol par le
métabolisme fermentaire (Ben Chaabane, 2006 ; Mouret, 2006).
IV.2.3.1 Croissance sur éthanol
Saccharomyces cerevisiae peut se développer avec de l’éthanol comme substrat carboné
grâce au métabolisme oxydatif. Lorsque le glucose fait défaut, l’éthanol peut être reconverti
en acétaldéhyde par l’alcool déshydrogénase (ADH). L’acétaldéhyde peut alors être
transformé en acétate grâce à l’acétaldéhyde déshydrogénase (ACH). Ces deux étapes
entraînent la formation d’une mole de NADH et d’une mole de NADPH par mole d’éthanol.
Ensuite l’acétyl-CoA synthase transforme l’acétate en acétyl-CoA. En fait, l’acétyl-CoA
glucogénique provenant de la transformation du pyruvate est remplacé peu à peu par l’acétylCoA gluconéogénique produit à partir de l’éthanol (de Jong-Gubbels et al., 1995). L’acétylCoA peut alors rejoindre le cycle de Krebs ou le cycle du glyoxylate. Ces deux cycles ont des
localisations différentes dans la cellule. Les enzymes du cycle de Krebs sont localisées dans
les mitochondries alors que celles du cycle du glyoxylate sont localisées dans le cytosol (den
Hollander et al., 1981). D’après la littérature, le franchissement de la membrane
57
I. Etude bibliographique
mitochondriale se fait uniquement grâce à la carnitine acétyl transférase. La voie de synthèse
de la carnitine étant inactive chez S. cerevisiae, l’apport de carnitine exogène est donc
indispensable à l’entrée de l’acétyl-CoA dans la mitochondrie (pour revue voir Mouret, 2006).
Cependant cette hypothèse est actuellement controversée et l’acétyle-coA semble pouvoir
entrer dans la mitochondrie par un autre système permettant l’assimilation de l’éthanol et
d’acétate.
Les enzymes du cycle du glyoxylate sont réprimées par le glucose mais sont
particulièrement actives lorsque la concentration en glucose est nulle. Cette voie constitue une
déviation de l’étape de décarboxylation du cycle de Krebs et conduit à l’accumulation de
précurseurs gluconéogéniques à partir de substrats à 2 carbones (acétate, éthanol…)
(Gonzalez, 1977). En d’autres termes, il faut des réactions anaplérotiques qui fournissent les
intermédiaires métaboliques de remplacement au cycle de Krebs lorsqu’ils sont redirigés vers
la gluconéogénèse. Chez la levure, ce rôle est assuré par le cycle du glyoxylate (de JongGubbels et al., 1995; den Hollander et al., 1981).
IV.2.3.2 Croissance sur lactate
Il est aussi connu que les levures sont capables d’utiliser le lactate comme source de
carbone. Le gène cyb2 de Saccharomyces cerevisiae code pour la cytochrome c
oxydoréductase plus connue sous le nom de cytochrome b2 (Cyb2p). Cette molécule est
localisée dans l’espace inter membranaire des mitochondries où elle oxyde le lactate en
pyruvate et réduit directement le cytochrome c (figure 16) (Brooks, 2002; Grad et al., 2005).
La capacité des levures à métaboliser l’acide lactique a été mise à profit pour accroître la
production de nisine par L. lactis dans une co-culture. L’acide lactique étant inhibiteur de
croissance pour les bactéries lactiques, sa consommation par la levure prolonge le procédé en
levant l’inhibition (Liu et al., 2006; Shimizu et al., 1999). De la même façon la production de
grains de kéfir a pu être améliorée. Cheirsilp et coll. ont réalisé des co-cultures de
Lactobacillus kefiranofaciens avec une souche de Saccharomyces cerevisiae apte à assimiler
l’acide lactique, levant ainsi l’inhibition de croissance sur le lactobacille : la production de
grains de kéfir fut augmentée (Cheirsilp et al., 2003a). D’autres auteurs mentionnent la
capacité de S. cerevisiae à croître en métabolisant le lactate notamment dans les procédés de
fermentations en lait ou lors de la vinification (Fleet, 1992; Gadaga et al., 2001). Il faut
58
I. Etude bibliographique
toutefois garder à l’esprit que de fortes concentrations en lactate peuvent nuire à la croissance
cellulaire des levures (Champagne et al., 1990).
Figure 16 : Oxydation du lactate et du NADH par Cyb2p. Les complexes I, III, et IV se trouvent dans
la membrane intern des mitochondries (IM), et ils translocalisent les protons dans l’espace
intermembranaire. LDH, lactate déshydrogénase cytosolique endogène; Q, ubiquinone; cyt c,
cytochrome c. (figure extraite de (Grad et al., 2005))
V. Les
habitats
communs
à
Lactococcus
l ac t i s
et
Saccharomyces cerevisiae
Lactococcus lactis et Saccharomyces cerevisiae partagent souvent le même biotope
dans des procédés de fermentation agroalimentaires ou dans l’environnement depuis des
siècles. Il existe même des preuves de coévolution avec des mécanismes de transfert
horizontal de gène d’une espèce à l’autre (Gojkovic et al., 2004). L’élaboration du kéfir,
boisson lactée alcoolisée originaire d’Asie, requiert la présence de levures et de bactéries
lactiques (Abraham and De Antoni, 1999; Angulo et al., 1993; Garrote et al., 2001; Marquina
et al., 2002; Simova et al., 2002). On retrouve aussi levures et lactocoques dans des breuvages
traditionnels d’Afrique tels que le burukutu (Faparusi et al., 1973), le lait fermenté alcoolisé
59
I. Etude bibliographique
du Zimbabwe (Gadaga et al., 2001), ou encore le nyarmie, produit laitier fermenté du Ghana
(Obodai and Dodd, 2006). Des analyses de la composition de levains de boulangerie du
Portugal (Rocha and Malcata, 1999) ou d’Italie (Corsetti et al., 2001) ont, elles aussi, révélé la
présence simultanée de ces deux types de microorganismes. Les végétaux constituent souvent
un biotope commun pour ces deux microorganismes, particulièrement les céréales dans leur
état naturel ou fermenté. Par exemple on trouve S. cerevisiae et L. lactis parmi de nombreuses
autres espèces microbiennes dans des préparations de grains de lupin (Yamani et al., 1998).
Un autre article caractérise la fermentation de céréales et montre que des bactéries lactiques,
dont Lactococcus, et des levures, dont Saccharomyces, participent ensemble au procédé de
fermentation (Nout, 1992). Les deux espèces font aussi parfois partie de la flore intestinale
des mammifères (Marquina et al., 2002).
Des associations entre Lactococcus lactis et Saccharomyces cerevisiae ont souvent été
décrites et laissent supposer l’existence de mécanismes d’interaction entre ces deux
microorganismes. En effet il est très vraisemblable que les contraintes imposées par l’habitat
aient conduit l’évolution à mettre en place des stratégies d’interactions positives ou négatives,
voire de communication. Cependant peu d’informations sont disponibles dans la littérature
scientifique, de rares articles décrivent des liens de causalité entre le comportement de
Lactococcus et la présence de Saccharomyces. La plupart concernent la réutilisation du lactate
par la levure (voir plus haut). Nous voyons là l’utilité de pousser plus avant les investigations
dans le domaine des interactions intercellulaires concernant ces deux espèces.
VI. Les puces à ADN
L’étude des communautés microbiennes soulève la question de leur composition, de
leur structure, de leur stabilité, de l’activité et de la fonction de chacun des microorganismes
qui la compose. Des outils sont à notre disposition pour répondre au mieux à chacune de ces
interrogations.
La physiologie cellulaire est le résultat d’un enchevêtrement complexe de réactions
biochimiques. Cette activité biochimique sert à la survie du microorganisme, et doit par
conséquent être en constante évolution face aux contraintes imposées par l’instabilité
environnementale. Les effecteurs de la réponse aux modifications du milieu extracellulaire
sont les enzymes traduits des ARN messagers, eux-mêmes transcrits à partir du génome. La
60
I. Etude bibliographique
compréhension de la vie requiert de connecter et d’ordonner tous ces mécanismes caractérisés
individuellement. Ces éléments doivent être assemblés en un puzzle unique de plusieurs
niveaux : génome, transcriptome, protéome, métabolome. L’état du transcriptome – ensemble
des ARN d’une cellule à un instant donné – dépend des conditions physiologiques, de la
fonction et du niveau d’expression de chaque gène, ainsi que de la stabilité des ARN (Redon
et al., 2005b).
La puce à ADN est un outil performant de détection d’acides nucléiques. Le principe
des puces à ADN est le suivant : des milliers de sondes ADN ayant pour cible des gènes ou
des produits de gènes d’intérêt sont fixées sur un support solide miniaturisé, des acides
nucléiques marqués y sont hybridés, puis le signal de chaque sonde est quantifié et enregistré
par un détecteur (scanner). Il s’agit d’une version miniaturisée du northern blot qui présente
l’avantage de pouvoir porter plusieurs centaines ou milliers de sondes (Southern et al., 1999).
Il existe de nombreuses façons de préparer l’échantillon mais le schéma est toujours le même.
La première étape est l’extraction suivie de la purification des acides nucléiques, ce peut être
de l’ADN ou de l’ARN. Dans certains cas il faut procéder à une amplification de ces
fragments afin d’en augmenter la concentration. Ensuite vient le temps du marquage de
l’ADN ou de l’ARN. De nos jours l’ARN est généralement converti en ADN complémentaire
(ADNc) par une rétro-transcription. Les marqueurs peuvent être radioactifs ou fluorescents
(Shalon et al., 1996).
Au départ les puces à ADN ont été développées pour l’analyse transcriptomique des
cellules d’Arabidopsis (Schena et al., 1995). Elles ont ensuite montré leur utilité dans des
domaines variés pour détecter de nombreux types d’acides nucléiques dans le but d’étudier
l’expression génétique, de détecter des fonctions d’intérêt ou de mettre en évidence la
présence de certaines espèces dans des écosystèmes complexes.
VI.1 Puces à ADN et populations hétérogènes
En 1997, Guschin et coll. ont pour la première fois fait usage de puces à ADN en
biologie environnementale pour décrire la composition de communautés microbiennes. Leur
puce était constituée de 9 sondes ayant pour cible des ARNr 16S de bactéries nitrifiantes
(Guschin et al., 1997). Depuis, le champ d’application de cette technologie n’a cessé de
s’étendre notamment pour l’étude des écosystèmes. Pour des détails sur l’application des
61
I. Etude bibliographique
puces à ADN en écologie microbienne voir les articles de Ye et al. (2001), Dorigo et al.
(2005) et Wagner et al. (2007).
De nos jours, les puces à ADN ont deux applications principales en écologie
microbienne : la détection d’espèces grâce aux phylo-chips (phylogenetic oligonucleotide
arrays) et aux CGA (community genome arrays) et la mise en évidence de fonctions
métaboliques d’intérêt dans des communautés microbiennes grâce aux FGA (functional gene
arrays) (Wagner et al., 2007).
VI.1.1 Puces dédiées à la détection d’espèces
Deux types de puces peuvent servir à la détection d’espèces microbiennes. Les CGA
(community genome arrays) sont conçues sur la base de tout l’ADN génomique isolé de
cultures pures. Ces puces sont efficaces et relativement spécifiques mais sont limitées à la
détection d’espèces cultivables. Les phylo-chips (phylogenetic oligonucleotide arrays) ciblent
des fragments de gènes codant des ARNr amplifiés par PCR ou directement des gènes
d’ARNr extraits de la population microbienne. Leur utilisation permet, au moins en théorie,
de détecter n’importe quel microorganisme pour peu que les sondes soient conçues dans cette
optique (Guschin et al., 1997). Ainsi la diversité des communautés microbiennes a pu être
évaluée grâce à des puces à ADN à partir d’échantillons de l’environnement (Castiglioni et
al., 2004; Small et al., 2001). Certaines de ces puces sont constituées de plus de 30 000
sondes et sont à même d’assurer la détection de nombreux microorganismes (Wilson et al.,
2002).
VI.1.2 Puces dédiées à l’analyse transcriptomique
VI.1.2.1 Functionnal gene array
Les « FGA » (functional gene arrays) détectent certains gènes ou familles de gènes qui
codent des enzymes clés de certaines voies métaboliques (Dennis et al., 2003; Schadt et al.,
2005 ; Taroncher-Oldenburg et al., 2003). Naturellement l’analyse est alors réduite à des
fonctions très précises de certains microorganismes comme par exemple les bactéries oxydant
le méthane (Bodrossy et al., 2003; Stralis-Pavese et al., 2004). D’autres articles décrivent des
62
I. Etude bibliographique
puces dédiées à la détection de quelques gènes du cycle de l’azote dans l’environnement – les
sondes ciblent les gènes nirS et nirK codant pour des nitrite réductases, amoA codant une NH3
mono-oxygénase, et pmoA codant pour une méthane mono-oxygénase (Tiquia et al., 2004;
Wu et al., 2001). Taroncher-Oldenburg et al. (2003) ont également appliqué cette technologie
pour l’étude de la diversité fonctionnelle des gènes du cycle de l’azote de l’environnement.
Un article récent décrit la conception, le développement et l’application d’une FGA portant
des sondes ciblant 1961 gènes métaboliques. Cette puce contient des oligonucléotides de 50
pb complémentaires de gènes bactériens impliqués dans la décomposition de la matière
organique, la fixation du carbone, la résistance aux métaux, ainsi que dans les cycles de
l’azote, du soufre, et du phosphore (Zhang et al., 2007). D’autres articles décrivent des
méthodologies d’utilisation de PhyloChips ou de FGA pour l’étude fonctionnelle des
communautés microbiennes (Adamczyk et al., 2003; Dennis et al., 2003; Rhee et al., 2004).
Une méthode consiste par exemple à exposer les microorganismes à un substrat carboné
marqué et à mesurer le taux d’incorporation du marqueur dans les ARN ribosomaux
(Adamczyk et al., 2003; Wagner et al., 2006).
Ces études sont réalisées avec des communautés microbiennes très complexes,
comportant de nombreuses espèces, et fournissent des informations utiles pour la description
de la structure de la population et de diverses activités fonctionnelles. Cependant ces études
sont restreintes à la détection d’espèces, ou d’un nombre réduit de gènes, et jamais à la
quantification du niveau de transcrit de la totalité d’un génome. De plus les méthodes
employées ne permettent pas de définir clairement le rôle de chaque espèce dans la
communauté. L’activité observée provient-elle d’une espèce unique ou de plusieurs espèces
simultanément ?
VI.1.2.2 Puces pan-génomique
Il existe des puces à ADN pan-génomiques comportant des milliers de sondes ciblant la
totalité des gènes d’une espèce. Ainsi permettent-elles de caractériser l’évolution du niveau de
transcrits de chaque gène en fonction des changements de conditions expérimentales et
d’apporter une vision globale de l’activité de la cellule au niveau du transcriptome (de Saizieu
et al., 1998; DeRisi et al., 1997; Lockhart et al., 1996). Ces puces sont utilisées en routine
dans les laboratoires avec des cultures pures en utilisant diverses méthodologies. Par exemple
63
I. Etude bibliographique
elle peuvent être employées pour caractériser des mutations : les transcrits d’un mutant et
ceux d’une souche sauvage, cultivés dans les mêmes conditions sont hybridés sur la puce
(Oshima et al., 2002 ; Wernisch et al., 2002). D’autres études sont réalisées avec une seule
souche, pour laquelle les conditions de culture ont été modifiées, l’objectif étant de visualiser
les modifications transcriptomiques en fonction des conditions environnementales (Even et
al., 2001; Stanley et al., 2003). Mais l’utilisation de puces pan-génomiques en véritables
cultures mixtes est encore très réduite à causes d’obstacles méthodologiques, en particulier au
niveau de la spécificité d’hybridation. Les articles mentionnant de telles études sont
extrêmement rares. L’étude du transcriptome de Thermotoga maritima en coculture avec
Methanococcus jannaschii (Johnson et al., 2006) a pu être réalisée parce que les auteurs ont
eu la chance de ne pas détecter de cross-hybridations. Ils l’expliquent par le fait que les deux
espèces présentent moins de 80% d’homologie au niveau de leurs nucléotides et se réfèrent à
l’article de Wu et coll. (Wu et al., 2001). Cependant Wu et coll. n’ont pas écrit que les crosshybridations sont impossibles en dessous de 80% d’homologie mais qu’il est possible d’en
diminuer l’intensité (voir plus bas). De plus les deux études sont basées sur l’utilisation de
puces différentes. Par ailleurs Johnson et coll. indiquent que la concentration en
Methanococcus jannaschii était très faible dans l’échantillon en comparaison de celle de
Thermotoga maritima, et cela a indiscutablement eu une incidence sur le taux de crosshybridations.
VI.1.2.3 Difficultés d’utilisation des puces à ADN en culture mixte
Les obstacles à l’utilisation de puces à ADN avec des communautés microbiennes ont
été recensés par Wagner et ses collaborateurs dans un article récent (Wagner et al., 2007).
Notre cas est un peu particulier par rapport à cette étude car il ne s’agit pas d’utiliser des FGA
ou des Phylochips, mais des puces pan-génomiques. L’objectif est de mesurer spécifiquement
les abondances de transcrits de tout le génome d’une espèce issue d’une co-culture. Toutefois
certaines des difficultés d’utilisation relevées par Wagner et coll. sont transposables à notre
cas, notamment en ce qui concerne la spécificité d’hybridation. La spécificité d’association
sonde/cible dépend essentiellement du degré de divergence des séquences, toutefois il est
possible de jouer sur certains paramètres afin d’accroître la spécificité pour limiter les crosshybridations. Nous classerons les facteurs qui influent sur la spécificité en trois catégories : la
64
I. Etude bibliographique
phylogénie des espèces de la population, la conception des sondes ADN, et les conditions
d’hybridations.
La phylogénie des différentes espèces qui composent la population est le cœur du
problème. La proximité phylogénétique se traduit nécessairement par une plus grande
similarité des génomes et par conséquent par des ARN ayant une plus forte homologie avec
les sondes de la puce. Il est concevable que les ADNc d’une espèce proche s’hybrident sur la
puce d’autant plus facilement que s’il s’agit d’une espèce voisine. Plus l’espèce est proche de
l’espèce pour laquelle la puce est dédiée et plus la spécificité sera faible. Par ailleurs cela peut
être utile dans certains cas au vu de l’utilisation de certaines puces pour l’étude de souches ou
d’espèces différentes de celle employée lors du design des sondes. Mais la spécificité du
signal lors de l’utilisation d’une puce pour l’étude de populations hétérogènes est
difficilement évaluable, particulièrement lorsque la composition en microorganismes de
l’échantillon n’est pas bien connue, comme par exemple pour les échantillons issus de
l’environnement. Il s’avère donc nécessaire de trouver une méthode permettant de limiter les
effets de la proximité phylogénétique.
Le design des sondes ADN est aussi très important car il définit le type et la taille de
chaque sonde, et influe donc sur la spécificité d’hybridation. Les fragments PCR ont une
grande taille, de l’ordre de 500 pb, alors que les oligonucléotides ont une taille plus modeste
de l’ordre de quelques dizaines de paires de bases. Les sondes oligonucléotidiques semblent
minimiser d’avantage les cross-hybridations que les fragments PCR (Wodicka et al., 1997).
Des études indiquent qu’un mismatch d’un seul nucléotide peut être distingué par hybridation
sur une puce à sondes oligonucléotidiques (pour revue voir (Ramsay, 1998)). Cependant,
comme une petite portion du gène est utilisée pour la détection, l’intensité du signal est
généralement plus faible et par conséquent la sensibilité est réduite (Wu et al., 2001). La
conception des sondes est généralement effectuée en regard de tout le génome de l’espèce
considérée afin que chaque spot soit spécifique d’un gène et d’un seul. Mais en cas
d’utilisation de telles puces pour des populations de plusieurs espèces, la spécificité n’est plus
garantie. Idéalement, il conviendrait de réaliser un design en prenant en compte le génome de
toutes les espèces qui composent la population. Ceci n’a à ma connaissance jamais été réalisé
pour tout un génome, vraisemblablement à cause de la nécessité de refaire un design à chaque
nouvelle population étudiée et que ce design est souvent impossible si l’on s’intéresse à des
écosystèmes aux espèces mal définies voire inconnues.
65
I. Etude bibliographique
Enfin, la spécificité de la puce dépend aussi de la stringence d’hybridation qui peut être
accrue par le biais de l’optimisation de paramètres physicochimiques. L’élévation de la
température est généralement efficace mais atteint rapidement ses limites à partir d’un certain
degré d’homologie de séquence. Wu et al. montrent en effet que la modification de la
température n’a pas d’influence sur la spécificité d’hybridation sur leur puce au delà de 80%
d’homologie (Wu et al., 2001). Ils montrent également qu’une température supérieure à 60°C
présente l’inconvénient de conduire à une diminution importante du signal général de la puce.
De même la modification de la concentration en sels peut influer sur l’hybridation. Wu et ses
collaborateurs on par exemple testé l’effet de différentes conditions de lavage sur
l’hybridation en faisant varier la concentration en SSC de 0.01× à 0.1×. L’intensité de signal
s’accroît avec l’augmentation de la concentration en sels et l’effet de la stringence du lavage
sur l’intensité du signal semble être dépendante de la séquence. Des différences significatives
ont été observées pour différentes concentrations en sels pour des fragments qui étaient autour
de 70% d’homologie avec l’ADN cible. En revanche si l’homologie est supérieure à 80%, la
différence est très faible voire inexistante (Wu et al., 2001). Il semble donc qu’à partir d’un
certain pourcentage d’homologie entre la sonde et la cible, l’augmentation de la stringence par
la modification de la température ou de la concentration en sel soit inefficace pour réduire
significativement les cross-hybridations.
Une solution consiste à cultiver les cellules dans un appareil spécial, comme par
exemple un double bioréacteur à membranes, qui permet de séparer les biomasses tout en
mélangeant le milieu de culture grâce à un système de filtration. Ce système présente
toutefois l’inconvénient de restreindre la culture à des conditions de laboratoire. De plus le
filtre est susceptible de retenir certaines molécules qui pourraient servir de vecteur de
l’interaction. Cette difficulté peut toutefois être amoindrie en effectuant des études
préliminaires pour déterminer le type de molécules retenu par la membrane au cours du
temps.
Une autre méthode consiste à réaliser des extractions différentielles. C'est-à-dire des
extractions qui permettent de favoriser l’extraction des acides nucléiques d’une espèce par
rapport aux autres. Mais cela peut s’avérer très difficile, voire impossible dans certains cas du
fait de la complexité de la population, ou de la proximité phylogénétique des différents
microbes. De plus ce type d’extraction est généralement long, et il est connu que les ARN
66
I. Etude bibliographique
peuvent avoir une stabilité faible (Redon et al., 2005b). Un temps d’extraction trop long peut
par conséquent induire un biais dans l’analyse transcriptomique.
Les obstacles à l’utilisation de puces à ADN pan-genomiques en culture mixte sont
nombreux et difficilement contournables. Au fil de ces pages nous discuterons de la mise en
œuvre d’une nouvelle méthodologie qui, je l’espère, en apportant une vision sous un autre
angle, permettra de mieux comprendre les interactions microbiennes.
VI.2 Recouvrement des données d’analyses transcriptomiques
Les outils et les stratégies d’analyse transcriptomique basée sur la technologie des
puces à ADN sont divers et variés. Les méthodes ne sont pas standardisées et diffèrent
souvent d’un laboratoire à l’autre. En conséquence la fiabilité et la reproductibilité des
données de puce à ADN sont souvent sujettes à caution et leur utilisation n’a pas trouvé de
consensus. Les facteurs affectant la reproductibilité des analyses transcriptomiques par
biopuce sont nombreux : plateforme technologique utilisée, reproductibilité de l’extraction et
de marquage de l’échantillon d’ARN, conditions d’hybridation, expérimentateur, traitement
statistique etc. Des articles décrivent la comparaison des données de puces à ADN avec pour
objectif d’isoler et d’estimer l’influence de certains de ces facteurs sur le taux de
recouvrement des données.
De nombreuses études ont été publiées sur la reproductibilité des données provenant
de divers types de puces commerciales et artisanales avec des résultats mitigés. Certaines
indiquent une faible concordance des résultats entre différents types de puce (Frantz, 2005;
Ioannidis, 2005; Jarvinen et al., 2004; Jurata et al., 2004; Kothapalli et al., 2002; Kuo et al.,
2002; Li et al., 2002; Marshall, 2004; Park et al., 2004; Tan et al., 2003) alors que d’autres
montrent au contraire une bonne concordance de résultats (Bammler et al., 2005; Barnes et
al., 2005; Dobbin et al., 2005; Irizarry et al., 2005; Larkin et al., 2005). Par ailleurs, Jarvinen
et coll. ont montré que les puces commerciales présentent un meilleur recouvrement de
données que les puces « artisanales » (Jarvinen et al., 2004). La plupart de ces travaux ont été
réalisés à partir des mêmes échantillons ARN.
Lorsque l’échantillon d’ARN n’est pas le même, c’est-à-dire lorsqu’il est issu d’extractions
indépendantes, le recouvrement des données est généralement diminué. Wang et coll. ont
ainsi montré que l’utilisation d’échantillons d’ARN différents était l’un des facteurs
67
I. Etude bibliographique
principaux de la perte de recouvrement (Wang et al., 2005). D’autres auteurs ont mentionné
des différences significatives de résultats lors d’hybridations d’acides nucléiques provenant de
clones de souris, pourtant extraits dans les même conditions (Pritchard et al., 2001). Il semble
également que l’étape de marquage des ADNc soit également un facteur de variabilité
important (Ach et al., 2007). Des études se sont aussi intéressées à l’effet de
l’expérimentateur sur le recouvrement des données. Wang et coll. ont montré que le
recouvrement des données de microarrays dépend moins du type de puce utilisé que de
l’équipe qui l’utilise (Wang et al., 2005). Il semble toutefois possible de réaliser une analyse
transcriptomique complète issue de travaux indépendants de plusieurs laboratoires, à
condition que les modes opératoires techniques et statistiques soient standardisés (Dobbin et
al., 2005). Finalement, une approche efficace de comparaison inter-plateforme implique des
puces de technologies similaires, des échantillons préparés avec des méthodes identiques, et
des traitements statistiques standardisés (Severgnini et al., 2006).
Il existe de nombreuses façons de comparer les résultats issus de plusieurs analyses en
« microarray » (Kestler et al., 2005) et certains auteurs suggèrent que le choix du traitement
statistique des données ainsi que le mode de comparaison entre les résultats est fondamental
pour estimer la reproductibilité des données de biopuces (Bosotti et al., 2007). L’une des plus
simples, des plus efficaces, et des plus employée de nos jours est d’examiner le recouvrement
des listes de gènes grâce au diagramme de Venn. Cette méthode peut être utilisée pour valider
les résultats d’expériences similaires réalisées dans différentes conditions (Kestler et al.,
2005; Pirooznia et al., 2007; Shippy et al., 2004; Tan et al., 2003), ou pour comparer les
résultats issus de la même expérience mais dont les données ont subi des traitements
statistiques différents (Barbacioru et al., 2006; Jaffrezic et al., 2007).
Il est surprenant de constater que l’effet de différentes normalisations et de différents tests
statistiques sur le résultat final d’une analyse par puce à AND, c'est-à-dire dans quelle mesure
la normalisation ou le traitement statistique mènent à des divergences entre listes de gènes
sélectionnés, soit un sujet si peu abordé dans la littérature scientifique. Il n’y a pas de
consensus qui préconise une méthode de normalisation par rapport aux autres, des revues ont
simplement été publiées sur le sujet (Fujita et al., 2006; Jeffery et al., 2006). Le consortium
EADGENE a réalisé des travaux très complets sur la comparaison de l’efficacité de divers
traitements statistiques sur des données de puces à ADN simulées et réelles (de Koning et al.,
2007). Des données simulées fournies à plusieurs équipes de recherche permettaient de
68
I. Etude bibliographique
connaitre à priori les gènes présentant une variation d’expression, et ainsi de comparer
quantitativement les différentes méthodes. La plupart des méthodes statistiques ont donné des
résultats satisfaisant, proches de ce qui était attendu à priori malgré un bruit de fond supérieur
à ce qui est normalement mesuré dans des expériences réelles. Un consensus semble avoir été
trouvé concernant la normalisation, et la plupart des équipes ont corrigé le biais de marquage
en choisissant une normalisation de type LOWESS. Par ailleurs la soustraction du bruit de
fond est apparue inutile à toutes les équipes sauf une. Evidement ce consensus reste valable
uniquement pour le jeu de donnée utilisé dans l’étude, d’autant que l’extrapolation de données
simulées à la réalité est toujours délicate. Par exemple les données simulées présentaient une
variance constante, ce qui n’est généralement pas le cas avec des données réelles (Watson et
al., 2007). Par ailleurs des données brutes issues de véritables expériences en « microarrays »
ont été fournies aux différentes équipes d’EADGENE. Le choix des méthodes de
normalisation et des traitements statistiques a mené à des divergences de résultats, les listes de
gènes avec une expression différentielle significative n’étaient pas tout à fait identiques et
dépendaient de l’approche utilisée. Cependant l’interprétation biologique et les conclusions
tirées des analyses étaient les mêmes (Jaffrezic et al., 2007). Un autre article décrit la
comparaison des performances de 5 méthodes de normalisation (quantile (Bolstad et al.,
2003)), médiane (Hartemink et al., 2001), scale (Yang et al., 2002), VSN (Huber et al., 2002)
et cyclic LOES (Yang et al., 2002) appliquées aux données de puces à ADN commerciales
(Applied Biosystems Expression Array System). Les résultats montrent une forte concordance
entre ces normalisations que ce soit au niveau du signal, de la détection, de la variation, ou du
ratio d’expression mesurés. Naturellement plus la stringence du test statistique est diminuée,
en élevant le seuil de coupure de la p-value lors du test de Student par exemple, et plus la
détection et le recouvrement des expressions différentielles sont bons, et en parallèle le
pourcentage de faux positifs est élevé (Barbacioru et al., 2006; Shi et al., 2006). En d’autres
termes le recouvrement des listes de gènes dont la variation d’expression est déclarée
significative varie en fonction de la stringence des tests statistiques. En effet la comparaison
de données issues d’expériences différentes, en l’occurrence provenant de l’hybridation sur
différents types de puces à ADN, indique que chacune des analyses donne une vision partielle
des processus biologiques concernés (Pedotti et al., 2008). Et dans les travaux qui seront
développés plus loin dans cette thèse, ou un seul type de puce à ADN a été utilisé,
l’estimation du recouvrement des données issues d’expériences différentes d’une part, et du
69
I. Etude bibliographique
recouvrement des données issues de la même expérience d’autre part, varie en fonction de la
normalisation et des paramètres des tests statistiques. Par ailleurs malgré les divergences de
données, l’interprétation biologique reste la même (Maligoy et al., 2008b).
70
Chapitre II : Matériel et méthodes
II. Matériel et méthodes
I. Microorganismes et conditions de culture
I.1 Espèces et souches
Deux souches de lactocoques ont été utilisées au cours de ces travaux : la souche
Lactococcus lactis subsp. lactis IL1403 curée de ses plasmides et dont le génome a été
entièrement séquencé en 2001 (Bolotin et al., numéro d’accession GenBank AE005176), et la
souche industrielle Lactococcus lactis subsp. lactis biovar. diacetylactis LD61.
La levure employée est Saccharomyces cerevisiae CEN.PK113-7D. Le génome de la souche
S288C a été séquencé en 1996 (Goffeau et al., 1996) et sert de référence pour l’ensemble des
souches de S. cerevisiae.
Deux autres souches de bactéries ont également été utilisées : Lactobacillus plantarum
WCFS1 et Corynebacterium glutamicum ATCC13032 dont les génomes ont été séquencés en
2003 (Kalinowski et al., 2003; Kleerebezem et al., 2003).
I.2 Milieux de culture
Deux milieux de culture semi-synthétiques ont été utilisés pour les travaux de l’article
(Maligoy et al. 2008a) (Tableau 1 et 2) : un milieu à base d’extrait de levure (Yeast Extract
Medium, YEM) et le milieu Luria-Bertini (LB) constitué de triptone (10g/l), extrait de levure
(5g/l), et NaCl (10g/l). La stérilisation s’effectue par autoclavage (120°C, 20minutes). Une
solution de glucose concentrée (20X) est préparée et stérilisée par autoclave à part puis
ajoutée au reste de la solution. L’ergostérol qui permet la croissance de S. cerevisiae en
anaérobiose, est instable à forte température. Il a donc été préparé à part et stérilisé par
filtration lors de son ajout au milieu de culture grâce à une seringue munie d’un filtre
Sartorius® 0,2 µm.
Le milieu de culture chimiquement défini utilisé est dérivé du milieu MCD (Poolman
and Konings, 1988). Ce nouveau milieu est de même composition que le MCD excepté qu’il
est dépourvu d’adénine, de guanine, d’uracile, et de xanthine (Tableau 2). Ce milieu contient
l’ensemble des nutriments nécessaires à la croissance de L. lactis (sucre, acides aminés,
71
II. Matériel et méthodes
vitamines, sels minéraux). Un pH de 6,6 est obtenu grâce au tampon K-phosphate dont la
concentration est augmentée 3 fois dans le cas de cultures en fioles car le pH ne peut y être
régulé. La stérilisation s’effectue par filtration grâce à des seringues munies de filtres
(Sartorius® 0,2 µm) pour les faibles volumes, ou grâce à une cartouche de filtration
Sartorius® reliée à une pompe.
Tableau 1 : Composition du milieu de culture YEM.
Composés
Glucose
KH2PO4
concentration (g/l)
20
9
K2HPO4
7,5
MgCl2, 6H2O
Yeast Extract
Ergostérol
0,2
10
6.10-3
Tableau 2 : Composition du milieu de culture MCD. (1) concentration utilisée en fermenteur pHrégulé (entre parenthèses) ou en fiole à pH libre (sans parenthèses). (2) chacun de ces acides aminés
doit être dissout séparément du reste des composés.
Composés
Glucose
Acétate de sodium
Citrate d'ammonium
KH2PO4
K2HPO4
Alanine
Arginine
Asparagine
Cystéine2
Glutamine
Glycine
Histidine
Isoleucine
Leucine
Lysine-HCl
Méthionine
Phénylalanine2
Proline
Sérine
Thréonine
Tryptophane
Tyrosine2
Valine
concentration (g/l)
10
1
0,6
9 (3)1
7,5 (2,5)1
Composés
MgCl2, 6 H2O
FeSO4, 4 H2O
CaCl2, 2 H2O
ZnSO4, 7 H2O
COCl2, 6 H2O
Ac. P -aminobenzoïque
Biotine
Cyano-cobalamine
Ac. Folique
Inosine
Ac. Nicotinique
Ac. Orotique
Pantothénate de calcium
Pyridoxamine
Pyridoxine
Riboflavine
Thiamine
Ac. D,L-6,8-thioctique
Déoxy-thymidine
Adénine
Guanine
Uracile
Xanthine
0,24
0,12
0,34
0,17
0,51
0,17
0,11
0,2
0,47
0,35
0,12
0,28
0,68
0,34
0,23
0,05
0,29
0,33
72
concentration (g/l)
0,2
0,011
0,05
0,005
0,0025
0,01
0,01
0,001
0,001
0,005
0,001
0,005
0,001
0,005
0,002
0,001
0,001
0,0025
0,005
0,01
0,01
0,01
0,01
II. Matériel et méthodes
I.3 Conservation des souches
Lactococcus lactis IL1403 et LD61, Lactobacillus plantarum WCFS1, et
Saccharomyces cerevisiae CEN.PK113-7D ont été cultivées en milieu YEM et
Corynebacterium glutamicum ATCC13032 en milieu LB glucose. Des cellules récoltées en
phase exponentielle de croissance ont été stockées à -20 °C dans des cryotubes dans le même
milieu avec 20 % (V/V) de glycérol. Par ailleurs des colonies de Saccharomyces cerevisiae
ont aussi été conservées à 4°C sur boîte de pétri contenant du milieu YEM supplémenté en
agarose (20%).
I.4 Précultures
Les précultures de Lactococcus lactis (IL1403 ou LD61), ainsi que celles de
Lactobacillus plantarum WCFS1 ont été réalisées dans des fioles stériles serties avec un
bouchon de butyle imperméable à l’oxygène, préalablement dégazées à l’azote et autoclavées
(121 °C, 20 min). Les précultures de Saccharomyces cerevisiae CEN.PK113-7D ont été
réalisées dans des erlenmeyers cotonnés.
Les précultures ont été faites dans le milieu approprié : YEM pour l’étude de
spécificité des puces à ADN en culture mixte ainsi que pour la caractérisation de la réponse de
Lactococcus lactis IL1403 face à Saccharomyces cerevisiae CEN.PK113-7D (Maligoy et al.,
2008) ; MCD et MCDSB filtrés stérilement avec des filtres Sartorius 0,22 µm pour la partie
consacrée au comportement transcriptomique de L. lactis LD61 cultivé avec S. cerevisiae.
Lors des précultures le milieu MCDSB a toujours été employé avec une concentration de
tampon K-phosphate accrue de façon à limiter l’acidification du milieu (Tableau 2).
Les précultures de Corynebacterium glutamicum ATCC13032 ont été réalisées dans des
erlenmeyers cotonnés contenant du milieu LB glucose et stérilisés par autoclavage (121 °C,
20 min).
Pour la préculture initiale de bactéries (Lactococci, Lactobacillus, Corynebacterium),
une fiole fut ensemencée à 1,5 % V/V à partir du stock glycérolé et incubée à 30 °C sous
agitation. Pour la préculture initiale de levures (Saccharomyces), un erlenmeyer est
ensemencé à partir d’un clone sur boite de pétri et incubée à 30 °C sous agitation. Une
73
II. Matériel et méthodes
nouvelle fiole ou un nouvel erlenmeyer est ensuite ensemencé avec les cellules en phase
exponentielle de croissance ainsi obtenues. Cette opération est répétée de façon à avoir un
volume nécessaire jusqu’à inoculation de la culture en fermenteur. Les niveaux d’inoculation
et les durées des précultures successives sont ajustés pour que les cellules soient en phase
exponentielle de croissance lors des inoculations ultérieures.
Les cellules issues de la dernière préculture sont directement inoculées dans le
bioréacteur à un volume ajusté afin d’obtenir la concentration initiale de biomasse désirée.
I.5 Cultures discontinues en bioréacteur
Les cultures décrites dans l’article (Maligoy et al., 2008a) ont été réalisées en
bioréacteurs de 2L (Sétric, génie industriel Toulouse) dans du milieu YEM. Un module Sétric
permet de réguler les différents paramètres environnementaux. L’agitation fut fixée à 250 rpm
et la température maintenue constante à 30 °C par une résistance chauffante et un circuit de
refroidissement par circulation d’eau. Le pH fut régulé à 6,6 par ajout automatique de KOH
10 N. Une surpression d’azote de 20 mbar a été maintenue au cours de la culture.
Pour le même article des cultures Corynebacterium glutamicum ATCC13032 ont été
réalisées avec le même appareil, la même température, et le même système de régulation du
pH. Cependant, à cause des exigences particulières de Corynebacterium, la culture a été
réalisée en milieu LB avec une aération maintenue par l’injection d’air comprimé dans le
milieu.
Dans le deuxième article (Maligoy et al., 2008b) les cultures ont été conduites en
MCD dans les mêmes fermenteurs. L’agitation et la température furent maintenues à 850 rpm
et à 30 °C. Le pH fut régulé à 6,6 par ajout automatique de KOH 10 N avant la carence en
glucose (accumulation de lactate et d’acétate dans le milieu). Ensuite, durant la phase de
croissance oxydative de la levure (consommation du lactate et d’acétate), la régulation du pH
(6,6) fut faite par ajout automatique d’acide ortho-phosphorique. L’aération a été réalisée
grâce à l’injection d’air comprimé dans le milieu au cours du procédé.
74
II. Matériel et méthodes
II. Techniques analytiques
II.1 Mesure de la concentration en biomasse
II.1.1 Turbidimétrie
La densité optique (DO) a été mesurée à 580 nm à l’aide d’un spectrophotomètre
(Hitachi U1100). Lorsque nécessaire, les échantillons furent dilués dans de l’eau pour rester
dans la gamme de linéarité de l’appareil (DO < 0,6).
II.1.2 Gravimétrie
La biomasse contenue dans un volume connu d’échantillon a été déterminée par pesée
après filtration sur une membrane de porosité 0,45 µm, lavage des filtres et séchage à l’étuve
sous vide (200 mbar, 60°C) pendant 24 heures. La masse sèche a été déterminée par
différence entre les masses du filtre avant et après filtration de l’échantillon.
II.1.3 Comptage des colonies sur boites de pétri
Des étalements sur boite de pétri contenant du YEM (Tableau 1) supplémenté en
agarose 20% ont été réalisés au cours des cultures en fermenteur. Chaque prélèvement de
culture a été dilué de dix en dix dans de l’eau physiologique stérile (NaCl 9 g.l-1) dans des
tubes eppendorfs stériles, puis 100 µl ont été déposés et étalés avec des billes de verre
stérilisées par autoclavage (121 °C, 20 min) sous une hôte à flux laminaire. La dilution
adéquate fut choisie de telle sorte que l’on puisse compter entre 30 et 300 colonies sur chaque
boite. Par sécurité, un encadrement de cette dilution fut réalisé avec les dilutions supérieures
et inférieures. Le comptage fut effectué
après une incubation de 48h00 à 30°C. La
morphologie des colonies a permi de différentier les espèces : colonies blanches, translucides
et petites pour Lactococcus ; colonies banches, opaques, légèrement duveteuses, et grosses
pour Saccharomyces.
75
II. Matériel et méthodes
II.1.4 Relation DO/masse sèche/UFC
L’hétérogénéité des cultures mixtes rend difficile l’estimation de la biomasse de chaque
espèce séparément. Pour résoudre ce problème une corrélation DO/masse sèche/UFC (Unité
Formant une Colonie) a été établie pour chaque souche dans les deux milieux de culture :
0,30 g.l-1/uDO580/7.109 cfu.ml-1 pour la souche de L. lactis IL1403 en YEM
0,24 g.l-1/uDO580/5.107 cfu.ml-1 pour la souche de S. cerevisiae CEN.PK113-7D en YEM
0,30 g.l-1/uDO580/5.109 cfu.ml-1 pour la souche de L. lactis LD61 en MCDSB
0,25 g.l-1/uDO580/8.107 cfu.ml-1 pour la souche de S. cerevisiae CEN.PK113-7D en MCDSB
II.2 Dosage des métabolites extracellulaires
II.2.1 Dosage des substrats et produits de fermentation
Des prélèvements de culture sont effectués toutes les 30 minutes au cours du procédé de
fermentation, centrifugés 3 minutes à 10000 rpm et le surnageant est conservé à –20°C. Au
moment de l’analyse en chromatographie les échantillons sont décongelés sur glace. Pour les
échantillons de culture en milieu YEM, les protéines sont précipitées avec une solution
d’hydroxyde de baryum 0,3 M et de sulfate de Zinc 0,3 M et le surnageant est transféré dans
des vials. Pour les échantillons de culture en milieu MCDSB les échantillons sont filtrés à la
seringue avec des filtres Minisart 0,2 µm (Sartorius®). Les concentrations en glucose, lactate,
formiate, acétate, éthanol et glycérol sont mesurées en chromatographie en phase liquide à
haute pression (HPLC). Le système d’HPLC (Hewlett Packard series 1050) est équipé d’un
passeur automatique (Waters 717 Autosampler), d’une précolonne (Biorad Microguard) et
d’une colonne de type H+ (Biorad HPX87H) qui effectue une séparation par échange d’ions
et exclusion. L’analyse des échantillons est réalisée à 48 °C et un débit d’éluant (H2SO4 5
mM) de 0,5 ml.min-1. La détection est assurée par un spectrophotomètre UV (Perkin Elmer
LC90Bio) à 210 nm pour le lactate, l’acétate et le formiate et par un réfractomètre (Hewlett
Packard series 1047A) pour le glucose et l’éthanol, tous deux branchés en série. Les
76
II. Matériel et méthodes
concentrations de ces composés dans les surnageants de culture sont déterminées grâce au
dosage de solutions étalons.
II.2.2 Dosage des nucléobases
La concentration en bases azotées dans le surnageant de culture a été mesurée en HPLC
par la méthode décrite par Loret et al. (2007).
III. Préparation des acides nucléiques et utilisation des
puces à ADN
III.1 Extraction de l’ARN total
Des échantillons de culture sont prélevés, congelés dans l’azote liquide (5 aliquots de
culture sont systématiquement recueillis), et conservés à -20 °C jusqu’au cassage des cellules.
Tous les outils employés lors du cassage sont préalablement nettoyés avec une solution
RNase Away® et stockés dans l’azote liquide jusqu’à leur utilisation. Les cellules sont
décongelées à 4 °C et un volume correspondant à 6 mg de masse sèche est centrifugé (4800
rpm, 5 min, 4 °C). Le culot est repris dans 100 µl d’eau autoclavée (121 °C, 20 min) et
transféré dans un tube eppendorf stérile à fond rond que l’on plonge immédiatement dans
l’azote liquide. Le glaçon est déposé dans un récipient contenant une bille en téflon grâce à
une spatule. Le récipient est placé dans le MikroDismembrator® programmé pour effectuer 1
cycle de 2 minutes à 2600 rpm. La poudre obtenue est transférée encore gelée dans un tube
falcon® de 15ml stérile contenant 4ml de tampon RLT (Tampon de lyse RNeasy Qiagen
Midikit®). La purification se réalise avec le kit d’extraction RNeasy Qiagen Midikit® en
suivant les instructions du fournisseur. Ce protocole comporte une étape de précipitation
d’éventuels débris cellulaires, puis l’application de l’échantillon sur colonne de silice suivi
d’étapes de lavage avant l’élution réalisée avec 250 µl d’H2O autoclavée (121 °C, 20 min).
Un traitement à la DNase I (Qiagen) est inclus lors de la procédure d’extraction pour éliminer
l’ADN génomique, car nous avons observé que la présence d’ADNg affecte la qualité des
77
II. Matériel et méthodes
hybridations ultérieures en causant des hybridations non spécifiques. Des aliquots de 50 µl
sont entreposés à –20°C.
L’ARN total obtenu est quantifié par mesure de l’absorbance à 260 nm (DO260) après
dilution adéquate de l’ARN dans de l’eau pour rester dans la gamme de linéarité du
spectrophotomètre (Hewlett Packard 8453, DO < 0,6). La concentration d’ARN (µg.µl-1) est
obtenue grâce à la relation suivante : [ARN] = DO260 × 0,04 × facteur de dilution. La pureté
de l’ARN est vérifiée par mesure de l’absorbance à 280 nm (1,8 < DO260/DO280 < 2)..
La qualité de l’ARN est vérifiée par deux méthodes. La première consiste à faire migrer
l’extrait par électrophorèse dans un gel en conditions dénaturantes. Un volume d’ARN
équivalent à 2 µg est incubé pendant 15 min à 65 °C avec 5 µl de solution dénaturante
(MESA 1,3 X, 21 % (V/V) formaldéhyde 37 %, 64 % (V/V) formamide, BET 0,17 mg.ml-1)
puis rapidement refroidi dans la glace. L’échantillon est déposé avec 1,5 µl de tampon de
charge (tampon Na-phosphate (10 mM, pH 7), bleu de bromophénol 2 g.l-1) sur un gel
d’agarose (1 % P/V) contenant 3,3 % (V/V) de formaldéhyde 37 % et 10 % (V/V) de MESA
10X. La migration est réalisée à 4 °C dans un tampon MESA 1X pendant 30 min à 100 V. Les
bandes d’acide nucléique sont révélée sous ultra-violet. La deuxième consiste à utiliser le
système d’électrophorèse miniaturisé du Bioanalyzer Agilent® comme décrit par le
fournisseur.
III.1.1 Préparation des ADNc
L’utilisation de support de type lame de verre a orienté le choix de la méthode de
marquage vers une rétro-transcription en présence de dCTP liés à des marqueurs fluorescents
: cyanine-3 (Cy3) ou cyanine-5 (Cy5). Une quantité constante d’ARN total est marquée par
un procédé direct utilisant le kit Labelstar® (Qiagen). 30 µg d’ARN total sont dénaturés et
mélangés à du tampon RT-buffer (Qiagen), une solution de dNTP (0,5 mM final de dATP,
dTTP, dCTP; 0,08 mM final de dCTP), 5 µl d’amorces aléatoires hexamères (Invitrogen), du
dCTP marqué au Cy3 ou Cy5 (0,02 mM final), 20 U de RNase inhibitor (Qiagen), et une
rétro-transcriptase Labelstar® (Qiagen). Ce mélange est incubé 2 heures à 37°C puis la
réaction est stoppée par l’adjonction de la solution LS (Qiagen). L’ADNc est purifié dans une
colonne MinElute® (Qiagen) avec un volume d’élution final de 10 µL (tampon EB Qiagen).
78
II. Matériel et méthodes
Les ADNc-Cy3 ou Cy5 sont conservés à –20°C à l’obscurité jusqu’à l’hybridation sur les
puces à ADN.
III.1.2 Extraction des ADN génomiques
Les procédés d’extraction d’ADN génomique de Saccharomyces cerevisiae,
Corynebacterium glutamicum, et Lactobacillus plantarum sont décrits dans l’article (Maligoy
et al., 2008a).
III.1.3 Hybridation et détection sur les puces à ADN
III.1.3.1 Lames de verre
L’un des objectifs de cette thèse était de développer une méthodologie applicable dans
de nombreuses circonstances avec de multiples espèces microbiennes. Par conséquent la
simplicité et l’universalité ont déterminé le choix d’un support de type lame de verre. Ce type
de puce à ADN est en effet le plus répandu et supplante peu à peu les autres modèles
(membranes de nylon). Il permet la comparaison simultanée de deux conditions avec un
marquage fluorescent moins contraignant que le marquage radioactif. Il permet en outre une
économie de sondes ADN lors de la fabrication de la puce car le volume de dépôt sur lame de
verre est réduit par rapport à celui des membranes de nylon.
Les sondes ADN sont un lot de PCR cibles conçu par la société Eurogentec
(financement Génopôle Toulouse Midi-Pyrénées en 2001). 2053 PCRs spécifiques des ORFs
de L. lactis sont disponibles, ce qui représente 89 % des séquences codantes identifiées dans
le génome (Bolotin et al., 2001). Elles présentent une taille moyenne de 535 bp et des
concentrations variant de 40 à 180 µg.ml-1. Les ORFs manquants représentent des gènes de
petite taille (< 100 bp), des gènes dupliqués dont un seul représentant a été conservé ou des
gènes pour lesquels l’amplification par PCR a échoué (73 ORFs).
Les sondes PCRs sont spottées en duplicata sur des lames de verre UltraGAPS®
(Corning) par la Plateforme Biopuces (Génopole Toulouse). Il est important de mentionner
que certains dépôts sont dépourvus de sondes ADN et ne sont composés que d’eau et de
79
II. Matériel et méthodes
DMSO : les spots ainsi formés seront appelés « vides ». Les lames de verre sont ensuite
conservées à température ambiante dans un dessicateur.
III.1.3.2 Hybridation
Les hybridations ont été réalisées en chambre automatique Discovery® (Ventana).
L’appareil est programmé pour effectuer une préhybridation suivie d’une hybridation. Les
seules interventions de l’utilisateur sont les dépôts de la solution de préhybridation et de
l’ADNc ainsi que le lavage des puces à la fin du processus. Les lames de verre sont
préhybridées avec environ 2 ml de solution (BSA 1%, SSC 2X, SDS 0,2X) déposés à la
micropipette. Après 1h20 de préhybridation à la température programmée, la solution
d’hybridation est déposée à la micropipette et l’hybridation s’opère ensuite automatiquement
pendant une durée et à une température programmées.
Le test de spécificité des puces à ADN a nécessité l’évaluation de l’effet de la
température. Pour cela des hybridations ont été réalisées pendant 8h00 à 42°C ou 47°C, et
5h00 à 50°C. Le temps d’hybridation est réduit à 5h00 car nous avons constaté l’évaporation
du liquide à la surface de la puce au delà, entraînant des problèmes de lavage et une mauvaise
qualité des signaux mesurés par la suite.
La solution d’hybridation contient 9 µg d’ADNc-Cy3 et 9 µg d’ADNc-Cy5 avec du
tampon Versarray Chiphyb® (200 µl q.s.p.). De l’ADN génomique non marqué et
partiellement digéré a aussi été ajouté sur certaines puces à 50°C pour améliorer la spécificité
d’hybridation. C’est le cas de toutes les puces ayant servi à l’étude du transcriptome (y
compris pour les hybridation en culture pure afin d’uniformiser les expériences) : 14µl
d’ADNg (environ 300 µg) sont dénaturés 10 minutes à 90°C puis stockés à 4°C puis mis en
présence des 9 µg de cDNA-cy3 et des 9 µg de cDNA cy5 pendant 10 min à Température
ambiante à l’obscurité. Le tout est déposé sur la puce avec 200 µl q.s.p. de Versarray
Chiphyb®.
Le lavage de la puce s’effectue par une agitation vigoureuse dans un falcon 50ml à
l’abri de la lumière dans du SSC 2X (Ribowash®) par deux fois, puis du SSC 0,1X (Sigma®
SSC buffer). La lame de verre est ensuite séchée par quelques secondes de centrifugation (700
rpm, 5 min).
80
II. Matériel et méthodes
III.1.3.3 Mesure de la fluorescence
La fluorescence sur les puces est mesurée à l’aide d’un scanner GenePix 4000A®
(Axon Instrument) avec deux longueurs d’onde d’excitation (540nm et 632nm) et une
résolution de 50 µm. Les images sont analysées à l’aide du logiciel GenePix®.
III.1.4 Traitement des données de puces à ADN
Le logiciel GenePix® (Axon) permet d’accéder à l’intensité de fluorescence de tous les
spots mesurée par le scanner. Les valeurs brutes des signaux, associées aux noms de gènes
correspondants, sont rendues accessibles sur le domaine utilisateur personnel du site internet
de la plateforme biopuce de toulouse (https://biopuce.insa-toulouse.fr). Les signaux sont
ensuite traités en ligne grâce au logiciel BioPlot (développé par Serguei Sokol). La
normalisation est la première étape de l’analyse et consiste à réajuster les intensités mesurées
à chaque longueur d’onde l’une par rapport à l’autre. Ensuite la comparaison du transcriptome
d’une condition test par rapport à une condition de référence est basée sur le calcul du rapport
(R) d’intensités de fluorescence verte (IY) sur rouge (IX) : R = IY / IX. Enfin différents tests
statistiques et filtres de données permettent de déterminer le degré de significativité des
variations mesurée.
III.1.4.1 Transformation logarithmique
La distribution des rapports d’intensité (R) n’est généralement pas une distribution
normale (gaussienne) avec les puces à deux couleurs. En outre il y a généralement
hétéroscédasticité (les variances dépendent d’un facteur), ce qui pose des problèmes quant à
l’application de certaines opérations et certains tests statistiques. On utilise alors les log(R)
dont la distribution se rapproche de la loi normale (distribution log normale) et qui rétablit
l’homoscédasticité.
81
II. Matériel et méthodes
III.1.4.2 Test de significativité de l’intensité de fluorescence de chaque spot
La significativité du signal de chaque spot est déterminée grâce à un seuil d’intensité
significative basée sur l’intensité de spots « vides ». Ce test est effectué avant la normalisation
pour chacune des puces indépendamment les unes des autres. Un seuil de coupure (SI) est
établi pour chaque longueur d’onde comme étant la moyenne du signal des spots vides
(log(IXvides)) plus trois écarts types (σ) :
SI = log(IXvides) + 3.σ
Les intensités supérieures à SI sont considérées comme significatives (erreur<1%). Les spots
présentant une intensité de signal non significative sont considérés comme des spots dont
l’hybridation est en deçà du seuil de détection. Ils sont en quelque sorte apparentés à des spots
« vides ». Ce test à été utilisé au préalable de la normalisation All Significant Spots Mean
(voir plus bas) à l’aide du logiciel Microsoft Excel®.
III.1.4.3 Test de spécificité d’hybridation
La spécificité d’hybridation des ADNc avec les sondes ADN de la puce est cruciale
pour un usage approprié de cet outil en culture mixte. Les effets de deux paramètres que sont
la température d’hybridation et le dépôt d’ADN génomique de l’espèce partenaire de
Lactococcus lactis sont évalués séparément.
Des prélèvements de cultures pure de Lactococcus lactis IL1403, de Saccharomyces
cerevisiae CEN.PK113-7D, de Lactobacillus plantarum WCFS1, et de Corynebacterium
glutamicum ATCC13032 sont réalisés en phase exponentielle de croissance, 3h00 après
inoculation des bioréacteurs afin d’obtenir des lots d’ARN provenant de chaque souche. Des
biopuces IL1403 sont ensuite hybridées avec les ADNc-Cy5 de IL1403 et les ADNc-Cy3
d’une autre souche. Trois répétitions ont été réalisées. Il convient ensuite de déterminer si le
signal mesuré par le scanner pour chaque spot est significatif ou non, c’est à dire si
l’hybridation est spécifique ou non. Pour cela, un seuil d’intensité minimal est calculé en se
basant sur l’intensité de fluorescence des spots vides. Ce calcul est réalisé pour chacune des
puces indépendamment les unes des autres. La normalisation n’est pas encore réalisée car elle
n’a aucun sens dans le cas où l’on espère mesurer un signal fort avec l’ADNc de L. lactis et a
82
II. Matériel et méthodes
contrario faible avec l’ADNc de l’autre espèce. Un seuil de coupure (SI) est établi pour
chaque longueur d’onde comme étant la moyenne du signal des spots vides (log(IXvides)) plus
trois écarts types (σ) :
SI = log(IXvides) + 3.σ
Les intensités supérieures à SI sont considérées comme significatives (erreur < 1%). Les spots
présentant un signal significatif avec l’ADNc de l’espèce partenaire de L. lactis sont
considérés comme cross-hybridant, c’est à dire que la sonde ADN de la biopuce n’est pas
suffisamment spécifique de L. lactis (hybridations croisées). Les spots cross-hybridant avec
l’ADNc de S. cerevisiae sont définitivement exclus des analyses de transcriptome de L. lactis
en culture mixte. Les calculs ont été réalisés à l’aide du logiciel Microsoft Excel®.
III.1.4.4 La Normalisation
Les puces à ADN utilisées sont « bicolores », c'est-à-dire que des ADN
complémentaires portant des marqueurs fluorescents (cy3 et cy5) y sont hybridés
simultanément. Il existe des biais systématiques et des biais aléatoire induisant une différence
importante d’intensité entre la fluorescence mesurée dans les deux longueurs d’ondes par le
scanner. Les biais sont liés principalement à la reproductibilité de l’extraction et de la rétrotranscription des ARN, à la quantité d’ADNc déposé sur la puce. Plus important encore, le
cy3 et le cy5 ne réagissent pas de la même manière à l’excitation du laser du scanner car ils
n’ont pas le même coefficient d’extinction molaire, à quantité égale le cy5 émet généralement
un signal plus fort que le cy3. La normalisation a pour but de rétablir l’équilibre entre les
intensités globales des deux couleurs et de fournir une répartition symétrique des log(R)
autour de 0 La normalisation corrige les intensités d’expression par un facteur de
normalisation K, tel que pour chaque gène on obtienne une valeur normalisée dans le rouge
(NX) et dans le vert (NY) :
NX = log(IX) – KX
et
NY = log(IY) – KY
On calcule ensuite pour chaque gène le logarithme du ratio normalisé :
log(R) = NX – NY
Un moyen simple de vérifier l’efficacité de la normalisation est de s’assurer que les
log(R) de tous les gènes de la puce sont distribués selon une loi normale centrée sur 0. Trois
83
II. Matériel et méthodes
types de normalisations, dont les algorithmes sont utilisable en ligne sur le logiciel BioPlot (S.
Sokol, 2004-2007, http://biopuce.insa-toulouse.fr/), sont particulièrement utilisées en analyse
transcriptomiques : la normalisation par la moyenne d’intensité de tous les spots (All Spots
Mean = ASM) ou sa variante qui consiste à normaliser par la moyenne d’intensité des spots
significatifs (All Significant Spots Mean = ASSM), la normalisation LOWESS (LOcally
WEighted Scatterplot Smoothing), et la normalisation par la méthode des Quantiles. Le choix
de la normalisation est essentiel car il influe sur les tests statistiques ultérieurs (Test de
student, False Discovery Rate, etc.) et conditionne les résultats finaux.
Avec la normalisation par la moyenne d’intensité de tous les spots (All Spots Mean =
ASM) le facteur de normalisation K est la moyenne des logarithmes d’intensité (log(I)) de
l’ensemble des spots de la puce dans chaque longueur d’onde. La normalisation par la
moyenne d’intensité de tous les spots présentant une intensité significative (All Significant
Spots Mean = ASSM) est une variante de la précédente : le facteur de normalisation K est la
moyenne des logarithmes d’intensité (log(I)) des spots dont l’intensité mesurée est estimée
significative grâce à un test statistique (S. Sokol, 2004-2007, http://biopuce.insa-toulouse.fr/).
Si l’on veut tenir compte des biais de normalisation dépendant de l’intensité du signal de
fluorescence sans filtrer les données au préalable, il est possible d’employer la normalisation
LOWESS (LOcally WEighted Scatterplot Smoothing). Dans ce cas le facteur de
normalisation K est estimé à l’aide d’une régression linéaire locale. Pour simplifier il s’agit
d’un système de « fenêtre glissante » qui permet de calculer une courbe de normalisation
ajustée à la forme du nuage. La fonction LOWESS est contrôlée par un paramètre f (0<f≤1)
qui spécifie la proportion de spots définissant le voisinage (« fenêtre ») pour ajuster la droite
des moindres carrés pondérés. Généralement f est fixé à 0,4 (Clevel and Devlin, 1988 ; Yang
et al., 2002).
Une autre façon de normaliser les données en tenant compte du biais lié au marqueur est
d’utiliser la normalisation par Quantile (Bolstad et al., 2003). La normalisation par Quantile
consiste à classer la liste des spots de chaque puce par ordre d’intensité croissante, puis à
forcer toutes les listes à adopter la même distribution.
84
II. Matériel et méthodes
III.1.4.5 Le test de student
L’un des tests statistiques les plus utilisés pour l’analyse de données de puces à ADN
est le test de student. Il s’agit d’un test paramétrique comparatif qui permet de déterminer le
degré de significativité de la différence entre deux moyennes (on parle aussi de test de
conformité). Son nom vient de la loi de Student utilisée pour déterminer l'écart critique. Le
test de Student ne peut être utilisé qu'à deux conditions: les distributions des moyennes
doivent être normales, c'est-à-dire décrire une courbe de Gauss, et leurs variances doivent être
homogènes (homoscédasticité). La transformation logarithmique permet habituellement
d’obtenir une distribution normale des valeurs mesurées au scanner et de rétablir
l’homoscédasticité. La normalisation permet de centrer la distribution des log(R) autour de 0
(voir plus haut). Il s’agit ici d’évaluer la significativité de l’écart de log(R) par rapport à 0.
Une valeur statistique t (t-value) est calculée pour chaque gène:
t = |log(R)| / √(σ2/n-1)
avec log(R) = NX - NY (logarithme de ratio normalisé), σ l’écart type, et n le nombre de
répétitions. Plus la variation d’expression est significative et plus la t-value est éloignée de 0.
La t-value est comparée à la loi de student pour obtenir la valeur de probabilité p (p-value). La
p-value est la probabilité pour que t ne soit pas significativement différent de 0. Il suffit alors
de fixer une valeur critique α (en général α=0,05) et de comparer la p-value à α. Si la p-value
est inférieure à α, la variation est considérée significative (avec une erreur estimée à 5%).
Après la normalisation des données, le test de Student a été appliqué à l’aide du logiciel
BioPlot (S. Sokol, 2004-2007, http://biopuce.insa-toulouse.fr/).
III.1.4.6 Le filtre par le ratio (R)
Afin d’affiner d’avantage les résultats il est possible d’utiliser un filtre de donnée
supplémentaire en utilisant des seuils de coupure du ratio d’expression (R).
Les puces à ADN nous donnent une image déformée des variations réelles d’abondance
en ARN. De nombreux biais techniques faussent l’analyse et il faut distinguer les variations
de fluorescence mesurées sur la puce à ADN et les variations de concentration en ARN réelles
dans la cellule vivante. Nous l’avons vu, la normalisation permet de supprimer le biais de
85
II. Matériel et méthodes
fluorescence, et le test de student permet d’évaluer la significativité des variations observées.
Mais ces variations sont-elles le reflet de l’activité transcriptomique réelle dans la cellule? Et,
si c’est le cas, à partir de quelle amplitude une variation de concentration en ARN entraîne-telle une véritable réponse biologique ? Il est très difficile de répondre à ces questions. C’est
pourquoi il existe un filtre de données par un seuil de coupure du ratio d’expression : des
seuils arbitraires de ratio inférieur et supérieur à 1 sont fixés. Les variations comprises entre
ces deux valeurs ne sont pas prises en compte, même en cas de succès au test de student.
Ainsi sont éliminés d'emblée les gènes dont la variation mesurée est significative mais dont la
variation de concentration en ARN n’est pas suffisamment importante pour entraîner une
réponse biologique. Le seuil de coupure du ratio d’expression a été appliqué à l’aide du
logiciel BioPlot (S. Sokol, 2004-2007, http://biopuce.insa-toulouse.fr/).
86
Chapitre III : Analyse transcriptomique de Lactococcus
lactis en coculture avec Saccharomyces cerevisiae.
III. Analyse transcriptomique de L. lactis en coculture avec S. cerevisiae
Les interactions microbiennes dans les procédés de fermentation sont des phénomènes
fréquents et présentent de grands intérêts technologiques, notamment en industrie agroalimentaire (voir Bibliographie). Nous avons cherché à découvrir et comprendre de nouveaux
modes d’interactions entre deux espèces fréquemment rencontrées dans les mêmes
écosystèmes. Pour cela Lactococcus lactis et Saccharomyces cerevisiae ont été cultivées
ensemble dans des bioréacteurs. L’analyse des interactions cellulaires a été faite au niveau des
paramètres cinétiques de croissance et de certains métabolites extracellulaires, ainsi qu’au
niveau transcriptomique, reflet de l’expression génique.
Les puces à ADN donnent accès à la différence d’expression de chaque gène dans une
condition test par rapport à une condition de référence : c’est ce que l’on appelle le ratio
d’expression
(R).
Cependant
leur
utilisation
pour
l’étude
transcriptomique
de
microorganismes provenant de populations mixtes se heurte à de nombreux obstacles
techniques (voir Bibliographie). La principale difficulté pour utiliser les puces à ADN avec
des cultures mixtes provient des cross-hybridations des acides nucléiques de levure avec les
sondes conçue pour s’hybrider avec les ADNc de L. lactis IL1403. L’ampleur de ces crosshybridations, mesurée et reportée dans l’article qui suit (Maligoy et al., 2008a), est
significative et nuit gravement à l’interprétation.
La solution que nous avons élaborée pour détecter et réduire le nombre de spots crosshybridant ne sera pas développée ici puisqu’elle est décrite en détail dans l’article qui suit
(Maligoy et al., 2008a). Brièvement, la méthode consiste à ajouter de l’ADN génomique non
marqué de levure dans la solution d’hybridation, de la même manière qu’avec certains
protocoles d’utilisation de puces à ADN dans lesquels l’ajout d’ADN de sperme de saumon
sert à saturer les sites d’hybridation non-spécifiques. Un seuil de significativité d’intensité de
fluorescence, calculé à partir des intensités de spots vides ― constitué uniquement de tampon
(DMSO) sans sonde ADN ― a permis de mettre en évidence les spots présentant une crosshybridation et de les retirer des analyses ultérieures. L’ajout d’ADN génomique à permis de
réduire très sensiblement le signal provenant des cross-hybridations de la levure, rendant
possible l’utilisation de puces à ADN avec des co-cultures de Lactococcus lactis et
Saccharomyces cerevisiae. Le problème de la cross-hybridation surmonté, des mises au point
supplémentaires se sont avérées nécessaires au moment du traitement des données,
notamment concernant la normalisation.
87
III. Analyse transcriptomique de L. lactis en coculture avec S. cerevisiae
En biologie, l’hypothèse généralement admise est que la majorité des gènes a une
expression stable et que les gènes sur-exprimés et sous-exprimés sont répartis de façon
symétrique de part et d’autre. Cependant de nombreux biais techniques viennent fausser
l’analyse. Lors de l’hybridation sur « microarrays », les quantités d’ADNc de l’échantillon de
référence et de l’échantillon test sont censées être identiques mais dans la pratique elles ne le
sont pas tout à fait. Ceci est d’autant plus vrai avec les ADNc provenant de cultures mixtes où
la biomasse de chaque espèce est évaluée avec une marge d’erreur importante. A cela
viennent s’ajouter les biais de reproductibilité des extractions, des rétro-transcriptions et de
l’incorporation des marqueurs fluorescents cy3 et cy5. Enfin, le cy3 et le cy5 ne réagissent
pas de la même manière à l’excitation du laser du scanner car ils n’ont pas le même
coefficient d’extinction molaire (à quantité égale le cy5 émet un signal plus fort que le cy3).
La normalisation permet de réajuster les intensités globales des deux couleurs et de fournir
une répartition normale des ratios (voir Matériels et Méthodes pour plus de détail sur la
transformation logarithmique).
70
70
b
60
60
50
50
Nombre de gènes
Nombre de gènes
a
40
30
20
40
30
20
10
10
0
-1.5
-1
-0.5
0
0
0.5
1
-1.5
log(R)
-1
-0.5
0
0.5
1
log(R)
Figure 17 : répartition du nombre de gènes en fonctions du logarithme des ratios (log(R)) avec les
données brutes, non normalisées. A : hybridation des ADNc de culture pure de L. lactis IL1403 en
YEM (prélèvements A et C). B : hybridation des ADNc de co-culture de L. lactis IL1403 et S.
cerevisiae CEN.PK113-7D en YEM (prélèvements B et B’).
A titre d’exemple regardons la répartition de ratios (R) parmi l’ensemble des gènes
avec les valeurs brutes (non normalisées) issues d’hybridations sur des puces IL1403 dont il
est question dans l’article (Maligoy et al., 2008a) (figure 17). Pour que le test de student
puisse être utilisé, l’histogramme doit avoir l’allure d’une courbe de gauss centrée autour de 0
88
III. Analyse transcriptomique de L. lactis en coculture avec S. cerevisiae
(loi normale), c'est-à-dire une répartition symétrique des variations génétiques négatives
(sous-expression) et positives (sur-expression). Mais les histogrammes des données brutes ne
sont pas centrés sur 0 (figure 17). De plus l’allure de courbe avec deux « bosses » (non
gaussienne) indique clairement qu’il y a deux populations distinctes de spots qui ne donnent
pas le même type de réponse.
En effectuant la normalisation par la moyenne d’intensité de tous les spots (All Spots
Mean ou ASM : voir Matériels et Méthodes) et en traçant l’histogramme de distribution des
ratios (R), la médiane de la courbe est plus proche de 0 qu’avec les données brutes mais n’y
est pas tout à fait. Reste également la deuxième « bosse » qui correspond en réalité aux spots
vides et aux spots dont l’hybridation est si faible qu’ils peuvent être apparentés à des spots
vides. Ces spots perturbent le calcul de normalisation ASM et doivent être écartés.
Dans ce but un filtrage des données a été élaboré et appliqué avant de procéder à la
normalisation ASM. Pour cela, des seuils d’intensité de fluorescence minimale rouge (SX) et
verte (SY) ont été déterminés avant normalisation. Le choix du mode de calcul du seuil de
coupure est arbitraire. Cependant le seuil de coupure devait permettre d’éliminer le maximum
de spots sans ADN (vides et « missings ») puisqu’ils sont censés avoir un niveau
d’hybridation très faible. Le choix s’est finalement porté sur des seuils de coupure calculés en
faisant la moyenne des logarithmes des intensités des spots vides (Ivide) plus trois écarts types
(σ) :
SX = log(IXvide) + 3.σ
SY = log(IYvide) + 3.σ
L’addition de trois écart-types conduit à un niveau de confiance supérieur à 99%. Par
ce moyen nous avons mis à profit les spots vides de la puce pour calculer un seuil de
significativité et éliminer les spots non significatifs ainsi que les spots vides avant la
normalisation. Les spots pour lesquels l’intensité de fluorescence est simultanément inférieure
aux deux seuils (IX<SX et IY<SY) ont été désignés comme similaires aux spots vides et par
conséquent incorrects. Le tri des données ayant été effectué, nous avons pu procéder à la
normalisation par la moyenne d’intensité des spots présentant un signal significatif (All
Significant Spots Mean : voir Matériel et Méthode). L’histogramme représentant la répartition
des log(R) a une allure de courbe de gauss centrée sur 0 (figure 18) indiquant que la
89
III. Analyse transcriptomique de L. lactis en coculture avec S. cerevisiae
normalisation est correcte. Ensuite le test de student et divers filtres ont été appliqués et
finalement l’analyse du transcriptome a été faite comme décrit dans l’article (Maligoy et al.,
2008a).
Freq
Freq
b
70
70
60
60
Nombre de gènes
Nombre de gènes
a
50
40
30
20
50
40
30
20
10
10
0
-1.50
-1.00
-0.50
0.00
0
0.50
1.00
-1.50
log(R)
-1.00
-0.50
0.00
0.50
1.00
log(R)
Figure 18 : répartition du nombre de gènes en fonctions du logarithme des ratios (log(R)) avec les données
normalisées par ASSM. Seuls les gènes avec une intensité de fluorescence supérieure au seuil de significativité
sont représentés. a : hybridation des ADNc de culture pure de L. lactis IL1403 en YEM (prélèvements A et C).
b : hybridation des ADNc de co-culture de L. lactis IL1403 et S. cerevisiae CEN.PK113-7D en YEM
(prélèvements B et B’).
Le plan d’expérience choisi pour l’analyse transcriptomique proprement dite consiste
en la comparaison directe du transcriptome de L. lactis en culture mixte avec S. cerevisae par
rapport à la culture pure (figure 19). Pour cette première étude nous souhaitions éviter les
variations d’expression relatives au ralentissement ou à l’arrêt de croissance pour concentrer
les recherches sur l’interaction proprement dite. D’autre part l’évaluation technique
concernant l’ajout d’ADN génomique nécessitait de simplifier le système au maximum pour
éliminer les artefacts. Par conséquent les travaux ont été focalisés sur la phase exponentielle
de croissance qui génère théoriquement peu de variations d’expression génique. Ce plan
d’expérience ne permet pas de faire l’analyse dynamique des variations d’expression génique,
mais il a l’avantage de donner un accès direct aux variations de niveau de transcrits
spécifiques de la présence de l’espèce partenaire de L. lactis, ici la levure. Pour les extractions
d’ARN des prélèvements ont été effectués en phase exponentielle de croissance en culture
pure (A, B, et C ; figure 19) et en culture mixte (B’ ; figure 19). La comparaison du
transcriptome en culture mixte par rapport à la culture pure a été réalisée en hybridant les
90
III. Analyse transcriptomique de L. lactis en coculture avec S. cerevisiae
ADNc provenant des prélèvements B en culture pure et B’ en culture mixte correspondant au
même temps de culture (2,5 heure). D’autre part, pour se focaliser sur les variations
spécifiques de la mixité de la population et éliminer les variations provenant d’un décalage
temporel entre les deux cultures, les prélèvements devaient être effectués au même moment
exactement. Pour tenter de minimiser un éventuel décalage entre les temps de prélèvement B
et B’, des prélèvements encadrant le moment choisi pour l’analyse (2h30, B et B’) ont été
effectués en culture pure (2h00, A et 3h00, C). Les variations mesurées entre A et C devaient
être soustraite à l’analyse des variations mesurée entre B et B’. En d’autres termes, les
variations d’expression génique provenant de l’avancement naturel de la croissance de L.
lactis ont été soustraites des analyses de l’interaction microbienne. L’interprétation biologique
est détaillée dans l’article qui suit (Maligoy et al., 2008a).
A
T0
B
Phase
exponentielle
C
de croissance
Culture pure
B’
T0
Phase
exponentielle
de croissance
Culture mixte
Figure 19: représentation schématique de l’avancement de la culture. Les prélèvements pour les
extractions d’ARN ont été effectués à 2h00, 2h30, et 3h00 en culture pure (A, B et C), et à 2h30 en
culture mixte (B’). Les doubles flèches représentent les analyses comparatives effectuées par
hybridation sur puce à ADN.
91
III. Analyse transcriptomique de L. lactis en coculture avec S. cerevisiae
92
III. Analyse transcriptomique de L. lactis en coculture avec S. cerevisiae
93
III. Analyse transcriptomique de L. lactis en coculture avec S. cerevisiae
94
III. Analyse transcriptomique de L. lactis en coculture avec S. cerevisiae
95
III. Analyse transcriptomique de L. lactis en coculture avec S. cerevisiae
96
III. Analyse transcriptomique de L. lactis en coculture avec S. cerevisiae
97
III. Analyse transcriptomique de L. lactis en coculture avec S. cerevisiae
98
III. Analyse transcriptomique de L. lactis en coculture avec S. cerevisiae
99
III. Analyse transcriptomique de L. lactis en coculture avec S. cerevisiae
100
III. Analyse transcriptomique de L. lactis en coculture avec S. cerevisiae
101
Chapitre IV : Influence du traitement statistique sur le
résultat de l’analyse transcriptomique
IV. Influence du traitement statistique sur le résultat de l’analyse transcriptomique
I. Introduction
Dans l’article précédent (Maligoy et al., 2008a) nous avons surmonté un certain
nombre d’obstacles liés à l’utilisation de puces à ADN en culture mixte (cross-hybridation,
traitement des données, etc.) et nous avons eu la chance de détecter une interaction entre L.
lactis et S. cerevisiae. Cependant les conditions de cultures n’étaient pas optimales pour
favoriser l’observation d’interactions microbiennes. C’est donc naturellement que la
modification de certains paramètres techniques s’est imposée lors de la mise au point des
stratégies d’analyses ultérieures.
I.1 Nouvelle souche
Lactococcus lactis IL1403 est la souche séquencée qui a servi de référence pour
l’élaboration des sondes de la puce à ADN, mais c’est aussi une souche de laboratoire qui a
perdu une grande part de ses potentialités sauvages : incapacité à croître sur lactose, absence
de plasmides. Les chances d’observer un mécanisme d’interaction spécifique avec IL1403
étaient donc faibles, et l’utilisation d’une souche présentant un véritable phénotype sauvage
aurait permis d’augmenter les chances de détecter un mécanisme d’interaction. Les
expériences suivantes ont donc été menées avec L. lactis subsp. diacetylactis LD61 provenant
de l’industrie laitière. Cette souche, qui contient des plasmides et tous les gènes nécessaires
pour se développer et s’adapter dans le lait, est fréquemment en contact avec d’autres espèces
lors de la fabrication de produits laitiers, notamment avec des levures.
I.2 Nouvelles conditions de culture
Le milieu de culture employé précédemment (Maligoy et al., 2008a) était un milieu
riche à base d’extrait de levure, impliquant des difficultés de dosage, et une connaissance nonexhaustive de sa composition. Pour connaître avec certitude le rôle éventuel de chaque
composé dans l’interaction un milieu de culture synthétique, comme celui employé dans les
102
IV. Influence du traitement statistique sur le résultat de l’analyse transcriptomique
expériences suivantes, était nécessaire. D’autre part l’aération continue permettait de
caractériser le comportement transcriptomique de L. lactis en aérobiose jusqu’alors jamais
étudié.
I.3 Nouvelle façon de comparer les transcriptomes
Dans l’article précédent (Maligoy et al., 2008a), la nécessité de simplifier l’analyse
pour la mise au point de la méthode a conduit à se focaliser sur la phase exponentielle de
croissance. Or, les chances d’observer des interactions microbiennes sont plus grandes
lorsque les microorganismes sont en état de stress, avec une forte concentration en biomasse
et la limitation des ressources. Par conséquent, les expériences ultérieures ont consistées à
chercher des interactions non plus en phase exponentielle de croissance mais à des moments
où la cellule n’est plus dans des conditions favorables, lors de l’arrêt de croissance et pendant
la phase stationnaire.
La précédente expérience a consisté à réaliser une comparaison directe entre la culture
pure et la culture mixte. Mais, nous l’avons vu, les variations spécifiques de l’interaction
devait être séparées des variations résultant du décalage temporel entre les prélèvements. Des
puces supplémentaires ont donc due être utilisées pour détecter les variations entre deux
prélèvements en phase exponentielle de croissance, encadrant le moment de l’analyse de
l’interaction (Maligoy et al., 2008a). Finalement cette approche est coûteuse en nombre de
puces et ne donne pas un aperçu dynamique du transcriptome. Au contraire la nouvelle
approche, décrite plus bas, permet d’économiser des puces et de réaliser une analyse
dynamique des variations d’expression génique.
Des cultures pures de L. lactis LD61 et de S. cerevisiae CEN.PK113-7D ont été
conduites en bioréacteur en parallèle de co-cultures. Pour les analyses transcriptomiques de
LD61: un prélèvement en phase exponentielle de croissance (A et A’) de chaque culture sert
de condition de référence (figure 20); un prélèvement à l’épuisement du glucose (B et
B’) ainsi qu’un prélèvement en début de phase stationnaire (C et C’) servent de conditions
tests (figure 20). Pour chaque type de culture, c'est-à-dire la culture pure de LD61 et la coculture, les hybridations sur les puces ont été réalisées ainsi : A avec B et A’ avec B’ d’une
part, A avec C et A’ avec C’ d’autre part ; A ou A’ servant de référence dans les deux cas
103
IV. Influence du traitement statistique sur le résultat de l’analyse transcriptomique
(figure 20). Les comparaisons doivent apporter des informations dynamiques sur la
modification d’expression génique à la fois durant l’avancement de chaque procédé
indépendamment l’un de l’autre, et aussi dans la co-culture par rapport à la culture pure. Le
différentiel d’expression entre culture pure et co-culture a pour but d’aboutir à la détection
éventuelle d’interactions entre les deux espèces au niveau du transcriptome.
A
T0
B
phase exponentielle de croissance
C
phase stationnaire
Culture pure
A’
T0
B’
phase exponentielle de croissance
C’
phase stationnaire
Culture mixte
Figure 20 : représentation schématique de l’avancement de la culture. Les prélèvements pour les
extractions d’ARN sont indiqués par les lettres A, B et C pour la culture pure, et A’, B’ et C’ pour la
co-culture. Les doubles flèches représentent les analyses comparatives effectuées par hybridation sur
puce à ADN.
I.4 Analyse quantitative des divergences de résultats en fonction
du traitement statistique
Les conditions d’hybridation de nos puces à ADN pour leur utilisation en culture
mixte ont été définies dans les travaux décrits dans l’article précédent (Maligoy et al.,
2008a). Leur originalité nous a conduit à nous poser des questions quant à la robustesse des
données obtenues, et à l’influence des traitements statistiques sur les résultats. Des études
104
IV. Influence du traitement statistique sur le résultat de l’analyse transcriptomique
mentionnent la comparaison des résultats d’un même jeu de données de biopuces ayant subi
différents traitements statistiques. Des divergences ont été décelées entre les différentes
méthodes, sans toutefois altérer l’essentiel des interprétations biologiques (voir bibliographie
et (Jaffrezic et al., 2007)). Les paragraphes qui suivent concernent les divergences
quantitatives dans les résultats de nos données traitées avec les trois méthodes de
normalisation les plus utilisées en analyse transcriptomique : ASSM qui consiste à normaliser
par la moyenne de tous les spots significatifs, LOWESS qui consiste à normaliser en faisant
des régressions linéaires locales successives pour s’affranchir du biais de marquage, et la
méthode des Quantiles qui consiste à uniformiser le signal des spots classés par ordre
d’intensité croissante et qui permet elle aussi de corriger le biais de marquage (voir matériel et
méthode). Nous avons également fait varier d’autres paramètres comme le seuil de p-value du
test de Student ou le seuil de coupure du ratio d’expression. L’influence de trois traitements
statistiques sur l’interprétation biologique proprement dite quant à elle sera détaillée plus loin,
dans l’article (Maligoy et al., 2008b).
II. Résultats
II.1 Comparaison inter-normalisation
II.1.1 Les trois types de normalisation sont-ils adaptés ?
Un même jeu de données a été normalisé par trois méthodes (Maligoy et al., 2008a):
ASSM, LOWESS, et méthode des Quantiles. En traçant les histogrammes de distribution des
ratios il est possible de vérifier l’efficacité de chaque normalisation. Pour chaque jeu de
données, avec chaque méthode de normalisation se dessine une courbe de gauss centrée sur 0.
Les trois méthodes de normalisation semblent donc adaptées à nos données (figures 21, 22 et
23). Il semble cependant que la normalisation ASSM donne de moins bons résultats car
l’allure gaussienne n’est pas toujours très nette, notamment pour l’hybridation C/A (figure
21b).
105
IV. Influence du traitement statistique sur le résultat de l’analyse transcriptomique
70
70
b
60
60
50
50
Nombre de gènes
Nombre de gènes
a
40
30
20
40
30
20
10
-1.50
-1.00
-0.50
0
0.00
10
0.50
1.00
-1.50
-1.00
log(R)
60
50
50
Nombre de gènes
Nombre de gènes
60
30
20
-0.50
0
0.00
1.00
0.50
1.00
40
30
20
10
-1.00
0.50
70
d
40
-1.50
0
0.00
log(R)
70
c
-0.50
10
0.50
1.00
log(R)
-1.50
-1.00
-0.50
0
0.00
log(R)
Figure 21: répartition du nombre de gènes en fonction du logarithme des ratios avec les données
normalisées par ASSM. a : hybridation des ADNc de culture pure de L. lactis LD61 (B vs A). b :
hybridation des ADNc de culture pure de L. lactis LD61 (C vs A). c : hybridation des ADNc de coculture de L. lactis LD61 et S. cerevisiae CEN.PK113-7D (B’ vs A’). d : hybridation des ADNc de coculture de L. lactis LD61 et S. cerevisiae CEN.PK113-7D (C’ vs A’).
106
IV. Influence du traitement statistique sur le résultat de l’analyse transcriptomique
70
70
b
60
60
50
50
Nombre de gènes
Nombre de gènes
a
40
30
20
40
30
20
10
-1.50
-1.00
-0.50
0
0.00
10
0.50
1.00
-1.50
-1.00
-0.50
log(R)
60
50
50
Nombre de gènes
Nombre de gènes
60
30
20
-0.50
0
0.00
0.5
1
40
30
20
10
-1.00
1.00
70
d
40
-1.50
0.50
log(R)
70
c
0
0.00
10
0
0.50
1.00
log(R)
-1.5
-1
-0.5
0
log(R)
Figure 22 : répartition du nombre de gènes en fonction du logarithme des ratios avec les données
normalisées par LOWESS. a : hybridation des ADNc de culture pure de L. lactis LD61 (B vs A). b :
hybridation des ADNc de culture pure de L. lactis LD61 (C vs A). c : hybridation des ADNc de coculture de L. lactis LD61 et S. cerevisiae CEN.PK113-7D (B’ vs A’). d : hybridation des ADNc de coculture de L. lactis LD61 et S. cerevisiae CEN.PK113-7D (C’ vs A’).
107
IV. Influence du traitement statistique sur le résultat de l’analyse transcriptomique
70
70
b
60
60
50
50
Nombre de gènes
Nombre de gènes
a
40
30
20
40
30
20
10
10
0
-1.5
-1
-0.5
0
0
0.5
1
-1.5
-1
-0.5
log(R)
70
60
60
50
50
40
30
20
-0.5
0
0.5
1
30
20
10
0
-1
1
40
10
-1.5
0.5
70
d
Nombre de gènes
Nombre de gènes
c
0
log(R)
0
0
0.5
1
-1.5
log(R)
-1
-0.5
log(R)
Figure 23: répartition du nombre de gènes en fonction du logarithme des ratios avec les données
normalisées par Quantile. a : hybridation des ADNc de culture pure de L. lactis LD61 (B vs A). b :
hybridation des ADNc de culture pure de L. lactis LD61 (C vs A). c : hybridation des ADNc de coculture de L. lactis LD61 et S. cerevisiae CEN.PK113-7D (B’ vs A’). d : hybridation des ADNc de coculture de L. lactis LD61 et S. cerevisiae CEN.PK113-7D (C’ vs A’).
II.1.2 Recouvrement des données entre les normalisations en fonction
de la stringence du test de Student
Le pourcentage de recouvrement des listes de gènes retenus par le test de Student avec
les trois normalisations a été obtenu en traçant des diagrammes de Venn (figures 24 et 25).
Chaque cercle représente un ensemble de gènes retenus par le test de Student avec un type de
normalisation. Les cercles se recoupent là où les ensembles sont communs : les gènes inclus
dans deux cercles appartiennent à deux ensembles simultanément, les gènes à l’intersection
des trois cercles sont retenus par le test de Student quel que soit le type de normalisation. Le
108
IV. Influence du traitement statistique sur le résultat de l’analyse transcriptomique
pourcentage de recouvrement des données est calculé par rapport à la totalité des gènes. Par
souci de lisibilité le diamètre des cercles est proportionnel au nombre de gènes qui composent
l’ensemble. Nous avons fait varier le seuil de p-value (α) afin d’évaluer son impact sur le
recouvrement des données en fonction de la normalisation.
Naturellement en augmentant ou en abaissant le seuil de p-value lors du test de Student
le nombre de variations considérées significatives varie en conséquence : le nombre d’ARNm
dont l’abondance varie significativement décroît avec la diminution du seuil de p-value. Pour
chaque seuil de p-value le nombre de variations considérées significatives est du même ordre
de grandeur entre ASSM et quantile, légèrement inférieur avec LOWESS (figures 24 et 25).
Par ailleurs, pour un même jeu de données traité avec les trois types de normalisation, le
pourcentage de recouvrement est d’autant plus grand que le seuil p-value est élevé.
Les données issues de l’hybridation de C vs A en culture pure traitées selon les trois
normalisations avec un seuil p-value fixé à 0,05 montrent 45% (6%+19%+3% +17%) de
gènes sur-exprimés et 64% (32%+27%+5%) de sous-exprimés communs à au moins deux
listes. 19% des gènes sur-exprimés et 32% des sous-exprimés sont communs aux trois
normalisations simultanément (figure 24). Des résultats similaires sont obtenus avec les puces
hybridées avec des ADNC d’échantillons de culture mixte : 59% (11%+1%+24%+23%) et
42% (20%+2%+11%+9%) de gènes sous-exprimés et sur-exprimés respectivement sont
communs à deux listes au moins ; 24% et 20% de gènes sous-exprimés et sur-exprimés
respectivement sont considérés significatifs quelle que soit la normalisation (figure 25).
Les hybridations de B vs A en culture pure et de B’ vs A’ en co-culture conduisent à un
faible nombre de variations significatives. Par exemple, pour un seuil de p-value fixé à 0,05,
une centaine de gènes tout au plus varient en comparaison des quelques 300 gènes des
hybridations C vs A et C’ vs A’.
Le nombre de gènes dont le ratio d’expression est significatif simultanément avec les
trois normalisations diminue lorsque le seuil de p-value diminue. Par exemple pour les gènes
sur-exprimés dans l’hybridation C vs A en culture pure le pourcentage de recouvrement entre
les trois normalisations est de 7%, 19%, 36%, et 50% avec α fixé à 0,02, 0,05, 0,10, et 0,20
respectivement (figure 24), et pour les gènes sous-exprimés dans la même expérience le
recouvrement est de 12%, 32%, 45%, et 57% pour α fixé à 0,02, 0,05, 0,10, et 0,20
respectivement (figure 24). Il en va de même pour C’ vs A’ en culture mixte (figure 25). Il
109
IV. Influence du traitement statistique sur le résultat de l’analyse transcriptomique
semble donc que le pourcentage de recouvrement entre les trois normalisations baisse avec
l’augmentation de la selectivité du test de Student.
80
14%
51
12%
45
15%
23
14%
74
44%
18
11%
4
20 2%
12%
6
4%
23
14%
125
29%
79
27%
96
32%
15
5%
47
16%
p-value<0,05
+
17
4%
12
4%
25
4%
13
10%
8
11
6%
9 9%
7% 1
1%
96
36%
45
17%
16
6%
51
19%
39
31%
35
13%
26
4%
13
2%
p-value<0,10
p-value<0,2
182
27%
159
35%
46
36%
11
2%
332
57%
97
17%
18
4%
18
4%
p-value<0,02
6
1%
190
45%
19
4%
14
5%
7
3%
163
36%
74
16%
14
3%
19
3%
343
50%
104
15%
15
2%
8
2%
19
4%
6
1%
11
1.6%
Figure 24 : diagrammes de Venn. Les données d’hybridation des ADNc de C vs A en culture pure de
L. lactis LD61 ont été normalisées par ASSM (rouge), LOWESS (vert), et Quantile (Bleu) puis
soumises au test de Student en faisant varier le seuil de p-value de 0,02 à 0,2. Les cercles représentent
les ensembles de gènes dont le niveau de transcrit à varié significativement. En haut les gènes sousexprimés (-), en bas les gènes sur-exprimés (+). Le nombre de gènes est indiqué dans chaque ensemble
ou sous-ensemble ainsi que le pourcentage qu’ils représentent par rapport à la totalité des gènes
sélectionnés par l’ensemble des méthodes.
110
IV. Influence du traitement statistique sur le résultat de l’analyse transcriptomique
77
13%
46
14%
1
1%
27
15%
9
22
5% 12%
47 25
25% 22%
55
30%
p-value<0,02
35
11%
78
24%
60
14%
14
4%
188
43%
34
15%
p-value<0,10
+
29
5%
28
5%
19
4%
37
8%
p-value<0,05
59
10%
68
16%
75
23%
70
22%
306
52%
90
15%
p-value<0,20
19
3%
93
36%
35
33%
13
12% 13
12%
17
5
16%
5%
17
5%
51
20%
27
11%
23
22%
13
5%
6
2%
41
16
%
40
11%
91
26%
126
36%
24
9%
42
12%
24
7%
9
3%
145
25%
35
6%
287
50%
62
11%
28
5%
2
1%
Figure 25 : diagrammes de Venn. Les données d’hybridation des ADNc de C’ vs A’ en co-culture de
L. lactis LD61 et S. cerevisiae CEN.PK113-7D ont été normalisées par ASSM (rouge), LOWESS
(vert), et Quantile (Bleu) puis soumises au test de Student en faisant varier le seuil de p-value de 0,02
à 0,2. Les cercles représentent les ensembles de gènes dont le niveau de transcrit a varié
significativement. En haut les gènes sous-exprimés (-), en bas les gènes sur-exprimés (+). Le nombre
de gènes est indiqué dans chaque ensemble ou sous-ensemble ainsi que le pourcentage qu’ils
représentent par rapport à la totalité.
II.1.3 Recouvrement des données en fonction du seuil de coupure du
ratio d’expression
Observons les diagrammes de Venn qui comparent les ensembles de gènes dont
l’expression varie significativement dans les hybridations C vs A et C’ vs A’ (figure 26). Le
test de Student (α=0,05) sélectionne pour chaque normalisation un certain nombre de
variations significatives négatives (gènes sous-exprimés) et positives (gènes sur-exprimés).
Pour l’hybridation C/A les normalisations ASSM, LOWESS, et Quantile conduisent
respectivement à 223, 126, et 237 gènes sous-exprimés, et 208, 88, et 138 gènes sur-exprimés.
111
IV. Influence du traitement statistique sur le résultat de l’analyse transcriptomique
Pour l’hybridation C’/A’ les normalisations ASSM, LOWESS, et Quantile conduisent
respectivement à 160, 168, et 258 gènes sous-exprimés, et 177, 122, et 115 gènes surexprimés.
a
45
15%
b
33
15%
79
27%
76
34%
3
1%
96
32%
47
16%
12
4%
15
5%
R<1
51
19%
35
13%
R>1
16
6%
14
5%
7
3%
75
23%
27
20%
2
1%
2 2
1% 1%
51
20%
27
11%
13
5%
R>2
R>1
37
20%
43
23%
5
3%
25
13%
R<0,5
93
36%
11
8%
14
4%
R<1
55
40%
38
28%
25
13%
52
28%
70
22%
R<0,5
96
36%
45
17%
7
3%
2
1%
1
1%
78
24%
35
11%
71
31%
37
16%
46
14%
6
2%
24
9%
52
53%
41
16
%
17
17%
5
5%
4
12
4%
8 12%
8%
R>2
Figure 26 : Les données ont été normalisées par ASSM (rouge), LOWESS (vert), et Quantile (Bleu).
a : C vs A en culture pure de L. lactis LD61 ; b : C’ vs A’ en culture mixte l. lactis LD61 et S.
cerevisiae CEN.PK113-7D. A gauche les gènes sont filtrés par le test de Student uniquement (α=0,05).
A droite les gènes sont filtrés par le test de Student (α=0,05), et les seuils de ratio (0,5 et 2). En haut
les gènes sous-exprimés, en bas les gènes sur-exprimés. Le nombre de gènes est indiqué dans chaque
ensemble ou sous-ensemble ainsi que le pourcentage qu’ils représentent par rapport à la totalité.
Lorsqu’un seuil de coupure du ratio d’expression (ici R<0,5 et R>2) est appliqué en
plus du test de Student, le nombre de gènes sélectionnés est plus faible dans tous les cas.
Ainsi pour l’hybridation C/A les normalisations ASSM, LOWESS, et Quantile conduisent
respectivement à 180, 80, et 191 gènes sous-exprimés, et 106, 17, et 76 gènes sur-exprimés.
Pour l’hybridation C’/A’ les normalisations ASSM, LOWESS, et Quantile conduisent
respectivement à 114, 82, et 157 gènes sous-exprimés, et 74, 21, et 42 gènes sur-exprimés.
Avec les données de la culture pure (C/A) le pourcentage de recouvrement entre les résultats
issus des 3 modes de normalisation, c'est-à-dire le nombre de gènes sélectionnés par les trois
méthodes simultanément, diminue lorsque l’on applique le seuil de coupure du ratio. Ainsi
pour la culture pure (C/A) le pourcentage de recouvrement passe de 32% à 31% pour les sous-
112
IV. Influence du traitement statistique sur le résultat de l’analyse transcriptomique
exprimés, et de 19% à 8% pour les sur-exprimés, et pour la culture mixte (C’/A’) il passe de
24% à 28% pour les sous-exprimés et de 20% à 5% pour les sur-exprimés.
II.2 Comparaison inter-culture.
Les
éventuels
mécanismes
d’interaction
microbienne
doivent
se
trouver
spécifiquement dans la culture mixte et pas dans la culture pure. Par conséquent la recherche
des variations d’expression génique liées à l’interaction doit se faire en comparant les données
provenant des deux cultures, c’est à dire que les variations simultanément détectées dans les
deux cas ne sont pas liées à l’interaction mais plutôt à la progression naturelle de la croissance
de L. lactis. Pour déterminer dans quelle mesure le traitement statistique influe sur le
recouvrement des données, les résultats des hybridations relatives aux co-cultures (C’/A’) ont
été comparés avec ceux des cultures pures (C/A) à l’aide de diagrammes de Venn (figures 27,
28 et 29). Lorsque le seuil de p-value diminue, le test est plus sélectif, le nombre de gènes
sélectionnés diminue dans les deux cultures, et le pourcentage de recouvrement diminue
également (figures 27, 28 et 29).
Dans les analyses classiques de puces à ADN, le seuil de p-value est généralement fixé
à 0,05. Détaillons davantage les résultats obtenus avec un seuil de p-value fixé à 0 ,05.
Avec la normalisation ASSM, 223 et 160 gènes sont sous-exprimés en culture pure et en
culture mixte respectivement contre 208 et 177 sur-exprimés. 29% des gènes sous-exprimés et
12% des sur-exprimés sont identiques entre les données de culture pure et de culture mixte
(figure 27).
Avec la normalisation LOWESS, 126 et 168 gènes sont sous-exprimés en culture pure
et en culture mixte respectivement contre 92 et 122 sur-exprimés. Le pourcentage de
recouvrement entre les deux conditions de culture est de 20% pour les variations d’expression
négatives et 4% pour les variations positives (figure 28).
Avec la normalisation par la méthode des quantiles 239 et 258 gènes sont sousexprimés en culture pure et en culture mixte respectivement contre 151 et 115 sur-exprimés.
Le pourcentage de recouvrement entre les deux conditions de culture est de 35% pour les
variations d’expression négatives et 5% pour les variations positives (figure 29).
113
IV. Influence du traitement statistique sur le résultat de l’analyse transcriptomique
Lorsqu’un seuil de coupure du ratio d’expression est appliqué en plus du test de
Student le nombre de gènes sélectionnés diminue dans tous les ensembles mais le pourcentage
de recouvrement entre culture pure et culture mixte reste équivalent (figures 30). Il faut noter
que le pourcentage de recouvrement est passé de 4% à 0% pour les gènes sur-exprimés avec
la normalisation LOWESS. Cependant cette diminution est faible puisqu’il s’agit de la perte
de seulement 9 gènes (figure 30).
Culture pure
+
Culture mixte
52 13 45
47% 12% 41%
136
46%
151
33%
146
24%
87
29%
221
48%
374
60%
Culture pure
69 7 54
53% 5% 41%
p-value<0,02
73
25%
166
48%
p-value<0,05
91
20%
288
51%
p-value<0,10
99
16%
Culture mixte
324
39%
42 135
12% 39%
127
22%
324
39%
149
26%
189
23%
p-value<0,20
Figure 27 : Les gènes avec une variation d’expression significative en co-culture (C’/A’) sont
comparés avec les données de la culture pure de L. lactis LD61 (C/A). Les données ont été
normalisées par ASSM, et soumises au test de Student en faisant varier α de 0,02 à 0,2. Dans la
colonne de gauche les gènes sous-exprimés (-), dans la colonne de droite les gènes sur-exprimés (+).
Le nombre de gènes est indiqué dans chaque ensemble ou sous-ensemble ainsi que le pourcentage
qu’ils représentent par rapport à l’ensemble des gènes sélectionnés dans les deux cultures
simultanément.
114
IV. Influence du traitement statistique sur le résultat de l’analyse transcriptomique
-Culture mixte
Culture pure
40 13
81
30% 10% 60%
78
32%
122
31%
175
31%
p-value<0,02
48
120
20% 49%
109
27%
219
38%
Culture pure
p-value<0,05
166
42%
p-value<0,10
175
31%
p-value<0,20
+
Culture mixte
27 2 39
40% 3% 67%
83
40%
161
44%
237
39%
9
4%
113
55%
43
12%
151
25%
164
45%
218
36%
Figure 28 : Les gènes avec une variation d’expression significative en co-culture (C’/A’) sont
comparés avec les données de la culture pure de L. lactis LD61 (C/A). Les données ont été
normalisées par LOWESS, et soumises au test de Student en faisant varier α de 0,02 à 0,2. Dans la
colonne de gauche les gènes sous-exprimés (-), dans la colonne de droite les gènes sur-exprimés (+).
Le nombre de gènes est indiqué dans chaque ensemble ou sous-ensemble ainsi que le pourcentage
qu’ils représentent par rapport à l’ensemble des gènes sélectionnés dans les deux cultures
simultanément.
115
IV. Influence du traitement statistique sur le résultat de l’analyse transcriptomique
+
Culture pure
87
40%
111
30%
135
27%
147
23%
Culture mixte
48 85
22% 39%
128
35%
216
44%
321
51%
Culture pure
p-value<0,02
p-value<0,05
130
35%
141
29%
162
28%
p-value<0,10
p-value<0, 20
Culture mixte
58 4 44
55% 4% 41%
138
54%
204
50%
286
43%
13
5%
60
15%
178
27%
102
41%
141
35%
201
30%
Figure 29 : Les gènes avec une variation d’expression significative en co-culture (C’/A’) sont
comparés avec les données de la culture pure de L. lactis LD61 (C/A). Les données ont été
normalisées par Quantile, et soumises au test de Student en faisant varier α de 0,02 à 0,2. Dans la
colonne de gauche les gènes sous-exprimés (-), dans la colonne de droite les gènes sur-exprimés (+).
Le nombre de gènes est indiqué dans chaque ensemble ou sous-ensemble ainsi que le pourcentage
qu’ils représentent par rapport à l’ensemble des gènes sélectionnés dans les deux cultures
simultanément.
116
IV. Influence du traitement statistique sur le résultat de l’analyse transcriptomique
Culture
Culture
Culture
Culture
pure
mixte
pure
mixte
136
46%
Culture
R<1
pure
166
48%
105
48%
87
73
29% 25%
Culture
Culture
mixte
pure
75
39
34% 18%
R<0,5
Culture
mixte
92
55%
42 135
12% 39%
R>1
14
8%
60
36%
R>2
Culture
Culture
Culture
Culture
pure
mixte
pure
mixte
78
32%
48
120
20% 49%
52
39%
R<1
28
54
21% 40%
R<0,5
Culture
Culture
Culture
Culture
pure
mixte
pure
mixte
83
40%
9
4%
22
50%
113
55%
R>1
21
50%
R>2
Culture
Culture
Culture
Culture
pure
mixte
pure
mixte
111
30%
128
35%
99
39%
130
35%
R<1
93
36%
64
25%
R<0,5
Culture
Culture
Culture
Culture
pure
mixte
pure
mixte
138
54%
13
5%
80
66%
102
41%
R>1
7
35
6% 28%
R>2
Figure 30 : Les données ont été normalisées par ASSM (rouge), LOWESS (vert), et Quantile (Bleu).
Les données de l’hybridation de C/A en culture pure de L. lactis LD61 sont comparées avec les
données de l’hybridation de C’/A’ en culture mixte L. lactis LD61 et S. cerevisiae CEN.PK113-7D. A
gauche les gènes sont filtrés par le test de Student uniquement (α=0,05). A droite les gènes sont filtrés
par le test de Student (α=0,05), et les seuils de ratio (0,5 et 2). Le nombre de gènes est indiqué dans
chaque ensemble ou sous-ensemble ainsi que le pourcentage qu’ils représentent par rapport à la
totalité.
117
IV. Influence du traitement statistique sur le résultat de l’analyse transcriptomique
III. Discussion
III.1 Contexte
Des co-cultures de Lactococcus lactis avec Saccharomyces cerevisiae ont été réalisées
dans le but d’étudier les interactions entre ces deux microorganismes grâce à la comparaison
du transcriptome de Lactococcus lactis en co-culture par rapport aux cultures pures. Au
préalable, nous avons voulu voir l’effet du traitement statistique sur le résultat de l’analyse, en
d’autres termes il s’agissait d’évaluer la robustesse des données.
III.2 Comparaison des trois méthodes de normalisation
La robustesse des données a été évaluée grâce à la comparaison des résultats issus de
données ayant été normalisées par trois méthodes (ASSM, LOWESS et Quantile). Le
recouvrement des données entre les différentes normalisations, en fonction du seuil de p-value
du test de Student et du seuil de ratio d’expression a été estimé afin d’évaluer
quantitativement l’influence du traitement statistique sur le résultat final.
Les trois types de normalisation semblent être efficaces pour établir une distribution
normale des ratios, permettant ainsi de poursuivre les analyses. Cependant la normalisation
ASSM semble moins efficace que les autres. Il est intéressant de constater que l’écart des
log(R) par rapport à 0 est moins grand dans les analyses comparatives des échantillons B vs A
et B’ vs A’ que dans C vs A et C’ vs A’. Ceci constitue un premier indice montrant que
l’amplitude de la variation d’expression par rapport à la phase exponentielle (A ou A’)
s’accentue avec le prolongement de la phase stationnaire de croissance.
Naturellement le nombre de gènes sélectionnés, c’est-à-dire pour lesquels l’abondance
de transcrit varie significativement, diminue avec l’élévation du seuil de p-value, car le test de
Student devient plus sélectif. Le recouvrement des données entre les trois normalisations
diminue également en parallèle de la diminution du nombre de gènes. Nous pouvons imaginer
118
IV. Influence du traitement statistique sur le résultat de l’analyse transcriptomique
que nous regardons les données au travers d’un tube. En changeant la méthode de calcul de
normalisation le tube change de place. En faisant varier le seuil p-value le diamètre du tube
grandit ou diminue. Il est donc logique de considérer que lorsque le tube se rétrécit, le taux de
recouvrement entre les tubes décroît.
Cependant il est important de garder à l’esprit que le test de Student ne nous donne
aucune indication sur les gènes qui ne sont pas sélectionnés, c'est-à-dire qu’il est impossible
de dire s’ils sont sur-exprimés, sous-exprimés ou stables. Le test de Student nous révèle une
partie de la réalité avec une erreur α. Plus α est faible et plus la fiabilité est grande, mais en
contrepartie plus d’information est perdue. Le compromis le plus employé de nos jours en
analyse de données d’hybridation sur puce à ADN est un seuil de coupure fixé à 5% (α =
0,05). Ce seuil donne des résultats avec une confiance de 95%.Le mode de calcul de
normalisation affecte le résultat en modifiant les listes des gènes qui ont une variation
d’expression significative puisque le recouvrement entre les trois types de normalisation est
inférieur à 100%. Mais le nombre de gènes sélectionnés reste équivalent avec les trois
normalisations si le même test statitique est utilisé (même valeur du seuil de p-value et même
valeur du seuil de ratio).
III.3 Comparaison inter-culture
L’objectif ultime de l’analyse était de détecter des interactions ente L. lactis et S.
cerevisiae au niveau de l’expression génique. Pour ce faire, les résultats des hybridations sur
puce à ADN avec les co-cultures devaient être comparés avec ceux provenant des cultures
pures. Les gènes communs aux deux conditions, c'est-à-dire dont le niveau d’expression varie
significativement simultanément en culture pure et en culture mixte ne sont pas
spécifiquement impliqués dans l’interaction cellulaire. Les gènes dont l’expression varie
uniquement dans la co-culture sont vraisemblablement spécifiquement impliqués dans
l’interaction. Les gènes dont l’expression varie significativement uniquement en culture pure
sont soit des gènes qui s’expriment seulement en culture pure et dont l’expression est éteinte
en co-culture, soit des gènes dont l’expression est équivalente dans les deux types de cultures
mais que le test statistique n’a retenu que dans la culture pure. En augmentant la stringence,
119
IV. Influence du traitement statistique sur le résultat de l’analyse transcriptomique
par la diminution de α ou l’application du seuil de coupure de R par exemple, la fiabilité des
résultats est accrue mais moins d’information est retenue.
Dans les hybridations C/A et C’/A’, quel que soit le seuil de p-value, le nombre de
gènes sur-exprimés est toujours inférieur au nombre de gènes sous-exprimés. Ceci est
vraisemblablement lié au ralentissement de croissance qui entraîne la diminution de la
concentration de nombreux ARN messagers chez L. lactis (Redon et al., 2005a). Cette
hypothèse sera validée dans l’article qui suit ce chapitre (Maligoy et al., 2008b). D’autre part
le recouvrement des gènes sur-exprimés est lui aussi toujours inférieur au recouvrement des
gènes sous-exprimés. Ceci s’explique soit par un phénomène biologique qui conduirait à une
divergence principalement pour les gènes sur-exprimés, soit par le fait que plus les ensembles
sont petits et plus le recouvrement est faible, comme c’est le cas lorsqu’on abaisse le seuil de
p-value pour rendre le test plus sélectif.
Le recouvrement des gènes sélectionnés entre culture pure et culture mixte augmente
lorsque le seuil de p-value est plus faible, c’est-à-dire lorsque le test de Student devient plus
sélectif. Ceci confirme le fait que le test de Student ne révèle qu’une partie de la réalité à
chaque fois (avec une erreur α) et indique que la distribution des p-values est
vraisemblablement indépendante du ratio.
Le pourcentage de recouvrement entre culture pure et culture mixte est du même ordre
de grandeur avec les trois normalisations, semblant indiquer une certaine robustesse du jeu de
données. A ce stade il est toutefois difficile de prévoir si les interprétations biologiques tirées
de l’analyse seraient similaires avec les trois normalisations.
III.4 Le choix de la normalisation
La normalisation globale par la moyenne de tous les spots (ASSM) présente l’avantage
d’être un calcul facile à appréhender (voir bibliographie). L’adaptation de cette méthode de
calcul avec les puces à ADN dont nous disposons donne de bons résultats en termes de
recouvrement des données avec les deux autres méthodes de normalisation. Cependant la
distribution des ratios est parfois médiocre, l’analyse est compliquée par la nécessité
d’éliminer les spots de faible intensité et la définition d’un seuil de fluorescence significative
conduit à perdre de l’information.
120
IV. Influence du traitement statistique sur le résultat de l’analyse transcriptomique
La normalisation LOWESS (voir bibliographie) fut à l’origine développée pour
corriger le biais d’intensité qui modifie la distribution des ratios. Si les difficultés que nous
avons rencontrées proviennent bien d’une mauvaise distribution des ratios, ce n’était pas
vraiment lié à un biais d’intensité mais plutôt à la présence de spots vides et de spots nonhybridés qui constituaient un groupe indépendant du reste de la puce, pouvant perturber la
normalisation. La normalisation LOWESS est une succession de régressions linéaires locales
qui peut permettre de rétablir une distribution normale des ratios avec nos données. C’est ce
que nous avons obtenu. Toutefois, localement, il est difficile de prévoir l’influence des spots
vides sur les spots de faible intensité lorsqu’ils sont normalisés.
D’après ses auteurs la normalisation par la méthode des Quantiles montrerait de
meilleures performances que d’autres types de normalisation en termes de biais d’analyse et
de variance (voir bibliographie et (Bolstad et al., 2003)). Elle minimise aussi les biais de
saturation et de bruit de fond mais les spots d’intensité trop faibles adoptent la distribution des
autres spots et par conséquent des valeurs non significatives peuvent parfois s’élever au
dessus du bruit de fond.
Il n’existe pas à ce jour d’information qui justifie l’utilisation de l’une ou l’autre des
méthodes. La normalisation ASSM semble être la moins adaptée pour rétablir la distribution
normale des ratios d’expression avec nos données. La normalisation LOWESS et par Quantile
donnent toutes les deux une distribution des ratios correcte mais la normalisation par Quantile
permet de sélectionner systématiquement plus de gènes. La méthode de normalisation utilisée
en priorité dans l’article qui suit sera donc la normalisation par Quantile (Maligoy et al.,
2008b).
III.5 L’interprétation biologique
Le traitement statistique n’est finalement qu’un outil d’investigation mais
l’information biologique constitue le principal objectif d’une analyse de données de puce à
ADN. Il faut donc s’assurer qu’en changeant le traitement statistique, les données sont
suffisamment robustes pour conduire aux mêmes déductions. Dans l’article qui suit, une
analyse transcriptomique est réalisée avec trois méthodes de normalisation simultanément, et
121
IV. Influence du traitement statistique sur le résultat de l’analyse transcriptomique
nous montrons que les interprétations biologiques sont similaires malgré les divergences
quantitatives (Maligoy et al., 2008b).
122
Chapitre V : Comparaison dynamique du profil
transcriptomique de Lactococcus lactis en culture pure et
en culture mixte avec Saccharomyces cerevisiae.
V. Comparaison dynamique du profil transcriptomique de L. lactis en culture pure et culture mixte avec S. cerevisiae
Comparative dynamic transcriptome profile of Lactococcus lactis in pure culture and in
mixed culture with Saccharomyces cerevisiae.
Mathieu
MALIGOY,
Serguei
SOKOL,
Muriel
COCAIGN-BOUSQUET,
Pascal
LOUBIERE*
Université de Toulouse; INSA,UPS,INP; LISBP, 135 Avenue de Rangueil, F-31077
Toulouse, France
INRA, UMR792 Ingénierie des Systèmes Biologiques et des Procédés, F-31400 Toulouse,
France
CNRS, UMR5504, F-31400 Toulouse, France
*correspondent foot-note:
e-mail: [email protected]
INSA – LISBP, 135 Avenue de Rangueil,
31077 Toulouse cedex 4, France.
Tel: (33) 561 559 465
Fax: (33) 561 559 400
Authors e-mail adresses :
[email protected]
[email protected]
[email protected]
RUNNING TITLE: The mixed culture of L. lactis and S. cerevisiae
KEY WORDS: Lactococcus lactis, Saccharomyces cerevisiae, mixed culture, transcriptome,
interspecies interaction.
123
V. Comparaison dynamique du profil transcriptomique de L. lactis en culture pure et culture mixte avec S. cerevisiae
Comparative dynamic transcriptome profile of Lactococcus lactis in pure culture and in
mixed culture with Saccharomyces cerevisiae.
Mathieu
MALIGOY,
Serguei
SOKOL,
Muriel
COCAIGN-BOUSQUET,
Pascal
LOUBIERE*
Université de Toulouse; INSA,UPS,INP; LISBP, 135 Avenue de Rangueil, F-31077
Toulouse, France
INRA, UMR792 Ingénierie des Systèmes Biologiques et des Procédés, F-31400 Toulouse,
France
CNRS, UMR5504, F-31400 Toulouse, France
ABSTRACT
Background: Since Lactococcus lactis and Saccharomyces cerevisiae often share the same
fermented food environments, the interaction mechanisms they can develop were observed
through global macro-kinetic analysis and transcriptome determination of L. lactis, in both
pure and mixed culture. Well-controlled growth conditions were used to accurately determine
the metabolic behaviour in both cultures. Moreover, contrarily to food processes, similar
biomass concentrations of both species were cultivated together in the mixed culture in order
to emphasize the possible effects of the yeast on L. lactis. Results: Thanks to the previous
development of a method enabling transcriptome analyses in mixed culture [7], the L. lactis
micro-arrays were used to analyse the dynamic profile of gene expression, from exponential
to stationary phase, in pure and mixed culture. These transcriptome data were treated with
different normalization methods to estimate their robustness. Despite some differences in the
gene list selected, the global L. lactis gene expression profile was similar in both pure and
mixed cultures, as evidenced by Wilcoxon test. The main dynamic transcriptome evolution
was the effect of glucose starvation observed in both culture. Conclusions: The method
previously described for the direct transcriptome comparison of pure and mixed culture was
used to compare global dynamic gene expression profiles. This comparative dynamic
transcriptome analysis of L. lactis grown in pure or in mixed culture with S. cerevisiae
demonstrated that L. lactis was weakly affected by the presence of the yeast.
BACKGROUND
124
V. Comparaison dynamique du profil transcriptomique de L. lactis en culture pure et culture mixte avec S. cerevisiae
More and more co-culture systems containing two microorganisms are developed for
the production of useful substances with an enhanced productivity compared with the pure
culture [1]. The advantage of these systems can involve many different factors related to the
various types of interaction mechanisms between cells living in the same habitat. Lactic acid
bacteria (LAB) and yeast often share the same environment in traditional fermentation
processes and in agro-food industries. The ability of yeasts to metabolize lactate has been
used in mixed cultures to diminish lactate concentration, thus decreasing the acid stress and
extending the growth of LAB. This strategy was particularly used for nisin production using
Lactococcus lactis [2, 3]. Apart from the positive effect of a reduction in the amount of lactic
acid by S. cerevisiae, a positive effect of yeast on the kefiran production and growth of
Lactobacillus kefiranofaciens in a mixed culture was observed [4]. It was demonstrated that
the main factor involved in the increased capsular kefiran production in the mixed culture was
physical contact between L. kefiranofaciens and the cell wall of S. cerevisiae, though the
mechanism remains unknown [5]. Another possible interaction is the sensitivity of LAB to
CO2 [6] or ethanol excreted as main products by the yeast [7], but also to other factors
required to support bacterial growth [8]. Finally, there are also reasonable clues of coevolution such as probable horizontal gene transfer between L. lactis and S. cerevisiae [9].
Up to now the complete genetic expression profile of microorganisms involved in
microbial interactions has been rarely investigated. This is mainly due to technical difficulties
related to the use of microarrays with mixed microbial populations. Very recently, a
methodological improvement of DNA biochip utilization was proposed in order to allow the
use of microarrays for transcriptome analysis of L. lactis in a mixed culture with S. cerevisiae
[7]. This approach enabled the global behavior of L. lactis when grown with S. cerevisiae to
be analyzed. The main result brought to light using transcriptomic analysis and confirmed
with RT-qPCR, was the inhibition of several genes of pyrimidine biosynthesis pathway by
ethanol produced by the yeast, while this effect had no consequences on the kinetics of both
species. However the analysis was done in a yeast extract containing medium where the
concentrations of nutrients were not controlled, and focused on regulation of gene expression
in exponential growth-phase only. In this work, we expected to extract more information by
studying transcriptome in all growth phases, not only in the exponential growth phase, but in
the transition between growth and stationary phase, and after several hours in the stationary
125
V. Comparaison dynamique du profil transcriptomique de L. lactis en culture pure et culture mixte avec S. cerevisiae
phase. Moreover, nutritional and environmental parameters, as well as temperature and pH,
were controlled during the cultures in order to avoid misinterpretation. Both species were
cultivated in the same reactor to enable possible contact cell-to-cell interactions to occur.
Furthermore, since the transcriptomic analysis was focused on L. lactis response to the yeast,
a 1/1 biomass concentration ratio was used in order to emphasize the possible effects of S.
cerevisiae on L. lactis compared to the normal use of these species in food bioprocesses
where yeasts are several order of magnitude less than LAB.
METHODS
Organisms and growth conditions
The microorganisms used throughout this work were Lactococcus lactis ssp. lactis
biovar. diacetylactis LD61, and Saccharomyces cerevisiae CEN.PK113-7D. They were grown
in modified chemically defined medium (CDM) [10] containing glucose (10 g.l-1), without
adenine, guanine, uracile, and xanthine, in aerobic conditions, in a 2-liters bioreactor (Setric
Génie Industriel, Toulouse, France) under continuous aeration at agitation speed of 800 rpm.
The temperature in the bioreactor was maintained at 30 °C, and the pH was maintained at 6.6
with automatic addition of KOH (10 N) and orthophosphoric acid depending on growth
phase. Each species was grown separately in pre-culture on the same medium. For the
inoculation, pre-culture cells were harvested during the exponential growth phase and
concentrated in order to obtain an initial OD580 of 0.02 and 0.1 in the bioreactor for L. lactis
and S. cerevisiae respectively.
Fermentation analysis
Bacterial growth was estimated by spectrophotometric measurement at 580 nm and
plate count on the medium used in bioreactors supplemented with agarose (20 g.l-1) (1 OD
unit was equivalent to 0.30 and 0.25 g of dry matter per liter, and to 5.109 and 8.107 cfu per
liter for L. lactis and S. cerevisiae respectively). Differences in colony morphologies enabled
the two species to be counted separately in mixed cultures. Culture samples were filtered prior
to measuring substrate (glucose) and product (lactate, formate, acetate, and ethanol)
concentrations by high-pressure liquid chromatography [11].
126
V. Comparaison dynamique du profil transcriptomique de L. lactis en culture pure et culture mixte avec S. cerevisiae
Biochips of Lactococcus lactis
L. lactis IL1403 specific PCR products (mean length 535 bp) were provided by
Eurogentec and spotted in duplicate on glass slides by the Biochips Platform (Toulouse
Génopole, France). 2003 ORFs of the 2310 identified on the genome were effectively
available.
RNA extraction
Frozen cell pellets corresponding to 6 mg dry weight were dropped into a pre-cooled 5
ml Teflon vessel. For the co-culture, the 6 mg of cell dry weight containing L. lactis and S.
cerevisiae was estimated from the plate count. A 7 mm bead made of tungsten carbide was
added. The flask was then shaken at 2600 rpm for 2 minutes into a Mikro-Dismembrator
(Braun, Melsungen). Powder was re-suspended into 4 ml of RLT buffer (Qiagen) supplied
with beta-mercaptoethanol. Following steps of RNA extraction were done according to
Qiagen RNeasy protocol including DNase I treatment. RNA quality and quantification were
analyzed using a Bioanalyser Agilent 2100 (Agilent technologies) [7].
Reverse-transcription and labeling
RNA coming from pure or mixed cultures was reverse-transcribed and labeled with a
cyanine dye (Cy3 or Cy5) in a direct process using Labelstar array kits (Qiagen). RNA (30
µg) was denatured and then combined with RT-buffer, dNTP mix (0.5 mM final for dATP,
dTTP, dCTP; 0.08 mM final for dCTP), random hexamer primers 5 µl (invitrogen), Cy3 or
Cy5-labeled dCTP (0.02 mM final), RNase inhibitor 20 units (Qiagen) and labelstar reverse
transcriptase (Qiagen). The mix was incubated 2 hours at 37 °C. The reaction was stopped by
adding LS solution (Qiagen) and cDNA was purified using MinElute columns (Qiagen). 10 µl
were collected for each reaction. Transcriptome analyses for the pure culture and the coculture were performed separately and compared after analyses. The samples A, B, and C
were taken respectively during exponential growth phase after 4 hours of culture (reference
sample), at the time of the glucose starvation, and during the stationary phase 4 hours after the
glucose starvation. The sample A of both types of culture served as the reference conditions.
Hybridization of labeled cDNA and scanning the glass slides
Experiments were carried out at the Biochips platform of Toulouse with an automatic
hybridization chamber (Discovery from Ventana Medical System, Inc) as described
previously [7].
127
V. Comparaison dynamique du profil transcriptomique de L. lactis en culture pure et culture mixte avec S. cerevisiae
Statistical design and analysis
Two independent cultures were used as biological replicates for each condition. Two
samples from each culture were used for independent mRNA extractions thus giving four
repetitions for each condition. These four repeated mRNA samples were labeled according to
dye-switch scheme also known as balanced block design [12]. Data were processed in the
following way. Raw spot intensities were corrected by background signal measured locally
around each spot and log-transformed. Then Quantile normalization [13] was applied.
Normalized spot log-ratios were used to calculate mean of gene replicates on each slide thus
giving four repeated log-ratios for each gene. The four repetitions were used in one-sample
Student's test at significance level 0.05. To reduce the number of false positives in Student's
test, the data were filtered beforehand by ratio with cutoff value 1.3. Beside Student's test
conducted on every individual gene, a global Wilcoxon test was applied to each functional
category defined in [14] at 0.05 level. The Wilcoxon test is different from enrichment tests
often used in transcriptome analyzes [15] in that the whole set of genes from a given category
is tested in the Wilcoxon test and not just the set of over- or under-expressed genes like it is
the case of hypergeometric, exact Fisher or other similar tests. Thus, the Wilcoxon test is
independent of results of individual tests conducted gene by gene and provides a conclusion
about global tendency of a given group to over- or under-expression. All data treatments were
done using BioPlot software developed at Biochips Platform of Toulouse http://biopuce.insatoulouse.fr/.
RESULTS
Metabolic analysis
In order to study the interactions between L. lactis and S. cerevisiae, the macroscopic
data from three types of culture were compared: the pure cultures of L. lactis LD61 and S.
cerevisiae CEN.PK113-7D, and the co-culture with both species sharing the same medium.
In pure culture, L. lactis LD61 exhibited an exponential growth phase with a
homolactic metabolism, producing lactate and traces amount of acetate, until the exhaustion
of glucose at 8 hours of culture (Figure 1).
In the same conditions, the growth of S. cerevisiae CEN.PK113-7D was divided in
two phases. The first one consisted in the consumption of glucose in 10.5 hours with the
128
V. Comparaison dynamique du profil transcriptomique de L. lactis en culture pure et culture mixte avec S. cerevisiae
production of ethanol via respiro-fermentative metabolism. Then a shift to respiratory
metabolism occurred and ethanol was consumed with the production of acetate until about 17
hours. After ethanol exhaustion, the production of biomass continued at the expense of acetate
until about 20 hours of culture (Figure 1).
The initial biomass concentrations in the co-culture were chosen to reach balanced
concentrations of lactococci and yeast in the early stationary growth phase. As in the pure
culture of yeast, two major steps were observed during the process. In the first one, the
biomass of both species accumulated at the expense of glucose, which was exhausted at 7
hours of culture. The metabolites formed were intermediate concentrations of lactic acid and
ethanol, and trace amounts of acetate (Figure 1). At the time of glucose exhaustion, while L.
lactis had reached the stationary growth phase, the yeast continued to build up its biomass by
the consumption of other carbon sources (Figure 1). As in pure culture, ethanol was used as a
carbon source until its exhaustion, at about 15 hours of culture. Lactic acid was also used as a
carbon source since glucose exhaustion and its concentration decreased between 7 to 35
hours. Acetate and yeast biomass were produced during this long phase while L. lactis
remained in stationary phase.
During the glucose consumption phase, the maximal specific growth rate of L. lactis
was identical in pure and mixed cultures (Table 1). Furthermore, the maximum specific rate
of lactic acid production was similar in both culture conditions. The exponential growth phase
was slightly shorter in the mixed culture than in pure cultures, since the growth rate started to
decrease at about 5.5 and 6.5 hours respectively. The maximal specific growth rate of S.
cerevisiae as well as the maximal specific production rate of ethanol was similar in pure and
mixed cultures, respectively 0.41 h-1, and around 19.5 mmol.g-1.h-1. As for L. lactis, the
exponential growth phase of S. cerevisiae was shorter in mixed culture (~ 6 hours) than in
pure culture (~ 9 hours).
L. lactis consumed the glucose at a higher maximal specific rate than the yeast, but the
biomass yield was comparable, 4.95 and 4.99 g.Cmol-1 for L. lactis and S. cerevisiae
respectively (Table 1). The yeast biomass yield on non-fermentable carbon sources, e.g.
ethanol, lactate, and acetate, was at least 5 fold higher than during the glucose consumption
phase.
129
V. Comparaison dynamique du profil transcriptomique de L. lactis en culture pure et culture mixte avec S. cerevisiae
Transcriptome analysis with Quantile normalization
The main objective of this study was to compare L. lactis LD61 behaviour during pure
culture and mixed culture with S. cerevisiae CEN.PK113-7D. Transcriptomic analysis were
performed separately for each type of culture in order to establish the kinetic behaviour. The
samples A, B and C were taken respectively in exponential growth phase (reference sample at
4 hours of culture), at the time of glucose exhaustion, and 4 hours late. Genes were classified
according to their biological functions [14]. The data were normalized using the Quantile
method, selected according to the student test and considering expression ratio (ER)
threshold. The functional analysis was performed using the Wilcoxon test to determine the
global expression change of each functional category.
Pure culture
In the L. lactis pure culture, according to Wilcoxon test, most of the functional
categories were globally under-expressed in B and C versus A (Table 2). This was true for
“biosynthesis of cofactors, prosthetic groups, and carriers”, “cell envelope”, particularly for
the subcategory concerning the genes of “murein sacculus and peptidoglycan metabolism”,
“replication”, “transcription”, “translation”, and “purines, pyrimidines, nucleosides and
nucleotides”. The categories related to “transport and binding proteins” seemed also globally
under-expressed, but only in C versus A. In the “transport and binding proteins” category, the
subcategory related to “amino acids, peptides and amines transporters” was repressed
according to the Wilcoxon test in C versus A. At the opposite, the genes belonging to “other
categories” were globally over-expressed in B and C versus A. This was mainly due to the
activation of a large number of phages and prophages (pi and ps) genes.
According to Student test, the expression level was significantly modified for 111 and
389 genes in B and C versus A respectively. For example, numerous genes from the purine
and from the pyrimidine de novo synthesis showed a significant decrease of transcript level.
While purC, purH and purl were under-expressed in B versus A, the genes purB, purC, purD,
purE, purH, purK, purL, purM, carA, carB, pyrB, pyrC, and pyrE were all under-expressed in
C versus A, together with several genes coding enzyme catalyzing reactions of the salvage
and inter-conversion pathways (see complete results on GEO database for more details). In
the subcategory related to transporters of “carbohydrates, organic alcohols and acids”, the
genes glpF1, coding a glycerol uptake facilitator, rbsC, part of the ribose transport operon
130
V. Comparaison dynamique du profil transcriptomique de L. lactis en culture pure et culture mixte avec S. cerevisiae
[16], and msmK coding a multiple sugar ABC transporter were very significantly overexpressed in B versus A with ER of 4.56, 3.68 and 7.2 respectively. In C versus A, rbsB and
rbsD [16], part of the ribose transport operon, as well as ypcH (ER 2.00) coding a sugar ABC
transporter permease protein were also over-expressed; on the contrary rgpC (ER 0.48)
coding a polysaccharide ABC transporter permease protein [17] was under-expressed. One
should mentioned that genes coding enzymes involved in the utilization of other carbon
sources than glucose but belonging to other functional categories were also activated: rsbK
involved in the utilization of ribose [16] in B and C versus A; mtlD involved in mannitol
utilization [18], or bglA coding a 6-phospho-beta-glucosidase, in C versus A. In the “cellular
processes” category, while cell division genes, notably fts genes, were repressed in B and C
versus A, transformation genes (comGA, comGB [19]) were shown to be activated in C versus
A.
Among the regulatory genes differently expressed during the pure culture (Table 5),
purR responsible for the control of the expression of all genes of the purine de novo
biosynthesis [20] was under-expressed in B versus A, ccpA coding a well known regulator
involved in carbon starvation [21], gadR controlling osmoregulation [22], glnR regulating the
nitrogen metabolism [23], citR related to the citrate metabolism [24], and codY involved in
nitrogen starvation [25, 26], were under-expressed in C versus A. On the other hand, some
regulators showed a higher transcript level in the stationary phase compared to the reference
condition: rbsR involved in the control of ribose utilization [27], and rcfB involved in acid
adaptation [28] in B versus A; adaA a probable transcription activator of the adaAB operon
[29] involved in DNA repair mechanism, birA2 a probable repressor of the biotin operon, and
yohC known to be induced in carbon starvation in Salmonella [30], in C versus A.
Mixed culture
In the co-culture, according to Wilcoxon test, the functional categories related to
“purines, pyrimidines, nucleosides and nucleotides”, “transcription”, “translation” and the
“unknown genes” were globally under-expressed in B and C versus A (Table 2). The
“biosynthesis of cofactors, prosthetic groups, and carriers”, “cell envelope”, “fatty acid and
phospholipids metabolism”, and “transport and binding proteins” categories seemed also
globally under-expressed, but only in C versus A. In the “transport and binding proteins”
category, the subcategory related to “amino acids, peptides and amines transporters” was
131
V. Comparaison dynamique du profil transcriptomique de L. lactis en culture pure et culture mixte avec S. cerevisiae
repressed according to the Wilcoxon test in C versus A but not in B versus A. At the opposite,
the genes belonging to “other categories” were globally over-expressed in C versus A. This
was mainly due to the activation of a large number of phages and prophages (pi and ps) genes.
According to Student test, the expression level was significantly modified for 69 and
357 genes in B and C versus A respectively. As in pure culture, the genes purB, purC, purD,
purE, purH, purK, purL, purM, carA, carB, pyrB, pyrC, and pyrE from the purine and from
the pyrimidine de novo synthesis and several genes coding enzyme catalyzing reactions of the
salvage and inter-conversion pathways were under-expressed in C versus A, while purC,
purF, purH, purN and pyrG were under-expressed in B versus A. The expression of several
genes coding enzyme catalyzing reactions of the salvage and inter-conversion pathways was
also modified in B and C compared to A (see complete results on GEO database for more
details). In the “transport and binding protein” category, a large part of the genes related to the
subcategory “amino acids, peptides and amines transporters” with significant transcript level
variation encoded transporters of oligopeptide (opp and opt genes [31]) or spermidine and
putrescine (pot genes). In the “energy metabolism” category, genes involved in the synthesis
of ATP via the proton motive force (atpB, atpD, atpH [32]) and in citrate metabolism (cit
genes [33]) were under-expressed in C versus A. On the contrary, bglA (ER 2.30) coding a 6phospho-beta-glucosidase, xylX (ER 2.26), uxuA (ER 1.75), and malQ (ER 1.61) involved in
xylose, glucuronate and maltose utilization respectively [34, 35] were over-expressed in C
versus A. Among the regulatory genes differently expressed during the co-culture (Table 5),
purR involved in the purine metabolism [20], ccpA involved in catabolite repression [21],
gadR [22], kdgR [36] probably involved in galacturonic acid utilization and gntR involved in
gluconate utilization [37] were under-expressed in C versus A, while mtlR for the utilization
of mannitol [18], or codZ, a homologue of codY, were activated in C versus A.
Transcriptome analysis with two other normalization methods
The same raw data of mRNA abundance ratio as presented above were normalized
with two additional methods, the All Significant Spots Mean (ASSM), when the mean logintensity from all significant spots is used as normalization coefficient [7], and the LOWESS
[38]. The agreement between the results of these analysis expressed as the number of
significantly variable genes in the various sampling conditions was determined with Venn
diagrams (Figure 2). All the genes varied in the same way, e.g. up or down, with the different
132
V. Comparaison dynamique du profil transcriptomique de L. lactis en culture pure et culture mixte avec S. cerevisiae
normalization methods. The LOWESS and the ASSM normalizations did not result in the
same number of genes considered as positive, e.g. over- or under-expressed, with the
statistical tests (student test, ratio threshold). The gene list obtained with ASSM normalization
showed 33% to 63% of similarity with the gene list obtained with the Quantile normalization.
The LOWESS normalization gave 71% to 84% agreement with the Quantile normalization.
In order to compare the biological conclusions drawn at the functional category level
with the Quantile normalization with the two other normalization methods, the Wilcoxon test
was used. Compared to the Quantile method (Table 2), the vast majority of the functional
categories presented the same pattern according to the Wilcoxon test with both normalizations
(Table 3 and Table 4). The categories related to “unknown function”, to “translation”, and to
“purine, pyrimidine, nucleosides and nucleotides” seemed less transcribed in all conditions,
whatever the sampling time, the culture mode or the normalization method used. The group of
genes related to transporters seemed to be under-expressed in C versus A in pure and mixed
culture, with both normalizations, and also in B versus A in the mixed culture using ASSM
normalization, while only 7 genes were concerned. The subcategory concerning “phage
related functions and prophages” seemed to be over-expressed according to the Wilcoxon test
in almost every condition. The main differences between the three normalization methods
concerned the “energy metabolism” category since it seemed to be up-regulated in C versus A
in mixed culture using LOWESS, but down-regulated in C versus A in pure culture and in B
versus A in mixed culture using ASSM. The other differences were observed in groups were
the number of genes with significant expression ratio according to the Student test was low
(<13).
While 43 regulator genes were shown to vary significantly at least in one condition,
e.g. B or C versus A in pure or in mixed culture, using the Quantile normalization, 29 and 44
genes were selected using LOWESS or ASSM normalizations respectively (Table 5).
Compared with the Quantile method, 13 new genes were seen to be differently expressed with
ASSM, 2 (lacR and rarA) with LOWESS, and only 1 (yphL) with both method.
133
V. Comparaison dynamique du profil transcriptomique de L. lactis en culture pure et culture mixte avec S. cerevisiae
DISCUSSION
The aim of this work was to study the interactions between L. lactis and S. cerevisiae
by comparing in pure and mixed culture the macrokinetic behavior regarding some metabolic
features and the modification of the transcriptome of L. lactis. Gene expression profiles were
studied thanks to an innovative method able to reduce the cross-hybridization signal on the
DNA biochip [7].
The growth period in each culture started with an exponential growth phase, in which
it is considered that the environmental conditions allow the cells to grow at constant and
maximum rate. During that time the macroscopic data observed were in agreement with the
literature, and particularly the specific growth rates of the two species and their catabolic rates
[39]. Specific kinetic parameters were the same during this phase in the mixed culture and in
the pure cultures, indicating that no major interactions occurred in the co-culture.
Nevertheless some differences were observed: the glucose starvation occurred sooner in the
co-culture than in the pure cultures due to simultaneous consumption by the two
microorganisms, and all along the process, substrate and product concentrations between both
types of cultures were not the same.
During the glucose starvation, L. lactis entered in the stationary phase while the yeast
was able to grow again using other carbon sources most certainly after a shift from the
fermentation growth to the respiratory growth often encountered in Saccharomyces [40]. This
second growth phase was slightly different in pure and mixed culture: ethanol and acetate
were successively consumed to form biomass in the pure culture, while lactate produced by L.
lactis and ethanol were consumed together in the mixed culture to give biomass and acetate.
Probably acetate would have been consumed after lactate exhaustion in this culture. The
biomass yield in g of biomass per Cmole was at least 5 fold higher on the non fermentable
carbon sources than during the growth on glucose. This is not surprising since the respiratory
growth phase lead to higher biomass yield than the fermentation growth phase in yeasts due to
the better energetic yield of respiration. As a summary, while L. lactis is able to catabolize
only glucose, S. cerevisiae exhibited a complex pattern of substrate consumption since it
consumed successively glucose, then lactate and ethanol at the same time, and then acetate.
The transcriptomic analysis, though becoming more and more common, is still not a
trivial activity, a fortiori for a kinetic analysis in a mixed culture. While statistical analysis
134
V. Comparaison dynamique du profil transcriptomique de L. lactis en culture pure et culture mixte avec S. cerevisiae
using Student test to determine the significance of the results is now generally done, the
choice of the normalization method and the application of threshold ratio filter are still
relevant questions. Indeed, several treatment procedures for microarray data analysis have
emerged during the last decade but no consensus has yet been established. Modification of the
results of microarray analyses may come from the normalization method used and from the
stringency of the statistical test. In fact, the lower the stringency and the better are the
detection and the recovery of genes between microarray experiments, but the higher the false
positive rate [41-43]. Therefore, the biological information that could be retrieved from the
experiment may be dependent on the method used, i.e. is the same biological information
obtained ? To asses this point we investigated the recovery between the final results with three
normalization procedures. Globally a good agreement was obtained between the results of the
three normalizations, indicating the robustness of the data (Figure 2). Nevertheless, the
normalization by ASSM seemed to be less in agreement with the others. The Quantile and the
LOWESS normalizations presented a better agreement probably because these two methods
adjust normalization coefficients to spot intensity while ASSM uses the same correction for
all spots leaving untouched non linear distortions.
Most of the functional categories showed the same expression pattern between the
three normalization procedures and naturally led to the same biological conclusions thus
confirming that the Wilcoxon test is more robust with respect to normalization choice
compared to individual gene by gene tests. Nevertheless, some differences were observed in
categories larger than biological clusters, i.e. genes with no direct biological connections but
classified in the same group. For example, the category related to the “regulatory functions”
contains genes involved in the regulation of multiple pathways, hence not necessarily
expressed in the same way. Those groups must be taken apart and analyzed gene per gene
according to Student test.
In our experiments, using the Quantile normalization and student test as statistical
treatment, and applying a threshold ratio value, the number of significant transcript variations
was low at the time of growth arrest, and higher late in stationary phase, in pure as well as in
mixed culture. In similar conditions, Redon et al. [44] identified 704 genes which
significantly varied during glucose starvation in L. lactis IL1403. Moreover, most of the gene
expression variations were observed before glucose exhaustion, during the decelerating
135
V. Comparaison dynamique du profil transcriptomique de L. lactis en culture pure et culture mixte avec S. cerevisiae
growth phase. Similarly, the expression of 702 genes was shown to vary in L. lactis LD61
faced to acidification and temperature downshift [45]. Many factors can affect the
concordance between the results of DNA biochip experiments. The variation introduced by
RNA sample differences can provoke the diminution of data agreement [46]. The different
platforms used, e.g. two color microarrays instead of macroarrays with radioactive cDNA,
and the original hybridization procedure, e.g. in addition to labeled cDNA from L. lactis the
hybridization solution contained labeled cDNA and unlabeled genomic DNA of the yeast [7],
was with no doubt another factor of disagreement. Furthermore it could explain that only
about 70 to 110 genes were shown to vary significantly at the time of growth arrest, and
around 360 to 390 genes four hours late, and that the FDR were high in some cases. This may
indicate either a bias of the hybridization procedure in some cases, or an inadequacy of
normalization procedure with data. Nevertheless, the Quantile normalization gave satisfactory
FDR (<0.10) in C versus A in both type of culture and the three different normalizations
globally led to the same result. Moreover our interpretation could be comforted with literature
despite the lower number of gene with significant ER, particularly regarding the adaptation to
the glucose starvation and the entry in stationary growth phase [44, 45].
The rationale of the present work was to compare the kinetic profile of gene
expression in the pure and in the mixed culture, to identify the similarities, but above all, the
differences supposed to be specific for the interaction. At first sight, the concordance between
the gene lists showing significant variations in pure and mixed culture was quite low. Indeed,
using Quantile normalization, about 20% of the variable genes were the same in the pure and
in the mixed culture when comparing B to A. About 60% of the genes with significant
variation of expression were simultaneously detected in pure and mixed culture when
comparing C to A. All the genes in common varied in the same way, e.g., under or overexpressed. For example, in C versus A analysis in the “translation” category, the common
genes with significant variation accounted for 76% of the genes in the pure culture and 79%
in the mixed culture. Another example showed that 63% of the genes with significant ER in
the subcategory related to transport of “amino acids, peptides and amines” were common in C
versus A in the pure and in the mixed culture, notably oppA (ER 0.10 and 0.13), oppC (ER
0.15 and 0.18), oppD (ER 0.32 and 0.28), oppF (ER 0.16 and 0.14), optF (ER 0.19 and 0.44),
potA (ER 0.45 and 0.27), and potD (ER 0.13 and 0.16). For some genes, a significant
136
V. Comparaison dynamique du profil transcriptomique de L. lactis en culture pure et culture mixte avec S. cerevisiae
variation of the level of transcript was observed in B versus A in the pure culture and in C
versus A in the mixed culture, as illustrated by the gene ydgC coding for an amino acid
permease (ER=0.55 and 0.60 respectively), or at the opposite in B versus A in the mixed
culture and C versus A in the pure culture like for the gene optA (ER of 0.57 and 0.18
respectively). This kind of observation should only reflect a time lag between the sampling in
the two types of culture and the stringency of our kinetic analysis. Also it should indicate that
similar patterns occurred in the two cultures, even if all the genes were not selected in each
condition. While the genes considered to be differently expressed according to Student test in
B versus A or C versus A in both culture were not strictly identical, one can consider that the
same biological processes were modified in B and in C versus A and even emphasized with
the time of cultivation (Table 2). A similar conclusion could be drawn with the Wilcoxon test,
since some categories were globally over-expressed in B versus A in the pure culture, and in
C versus A in the mixed culture, e.g. for example for the “carbohydrate transporters”
subcategory. Since our work, consisting in the comparison of close experimental conditions
but not identical, was based on independent biological replicates, this may have been a factor
diminishing the recovery between gene lists. Beside, it has been mentioned that the
microarray data issued from independent experiments may lead to a partial vision of the
biological processes concerned [47].
From a biological point of view, several variations observed in each culture could be
explained as a direct consequence of the glucose starvation and/or the entry into the stationary
phase. The level of transcript of ccpA coding the carbon catabolite repression protein was
lower in almost every condition compared to the exponential growth phase (Table 5). Various
functions are known to be either repressed or activated by CcpA, mostly in the “carbohydrate
transport and metabolism” functional category [21]. Indeed, an over-expression of several
genes coding carbohydrate transporters and enzymes involved in the utilization of sources of
carbon than glucose, e.g. glycerol, ribose, and multiple sugars (msm genes), were observed in
both culture. Others were only detected in the mixed culture such as genes related to the
metabolism of xylose, mannonate and maltose, or only in the pure culture such as genes from
mannitol and phospho-beta-glucoside utilization. These data indicated a progressive removal
of catabolite repression while glucose was exhausted.
137
V. Comparaison dynamique du profil transcriptomique de L. lactis en culture pure et culture mixte avec S. cerevisiae
In parallel, it is well known that the level of most mRNAs is generally lower in
stationary phase than in exponential growth phase [48]. Our data were in agreement with this
statement since the mRNA level related to cell envelope and fatty acid metabolism, DNA
replication, transcription (RNA polymerase), translation (ribosomal genes) and to several
amino acids transporters, notably opt and pot genes, decreased while entering in the stationary
phase. Other data linked to the entry in stationary phase and in agreement with literature were
the over-expression of multidrug resistance transporters, or the strong activation of numerous
phages and prophages genes.
The strongest similarities between pure and mixed cultures and even one of the most
obvious kinetic variation concerned genes related to the purine and pyrimidine metabolism.
The gene coding the regulator PurR seemed to be less transcribed during the stationary phase
both in pure and in mixed cultures (Table 5), as well as almost its entire regulon, i.e. genes for
purine de novo biosynthesis. In addition, the pyrimidine de novo synthesis and the nucleotides
and nucleosides inter-conversion and salvage pathways exhibited a similar pattern since
almost every gene related to this metabolism showed a lower transcript level in the stationary
phase compared to the reference. Our results indicated a progressive repression of the purine
and pyrimidine biosynthesis genes with the stationary phase of growth. The culture conditions
made those modifications predictable since adenine, guanine, uracile and xanthine were not
added to the medium. Thus L. lactis necessarily produced purine and pyrimidine via the de
novo synthesis pathways, and genes related to this metabolism were most likely actively
transcribed in exponential growth phase. Upon reaching the stationary phase, the transcription
of those genes became useless and decreased as did genes of several other aspects of
metabolism. It has been demonstrated that PurR is an activator of the purine biosynthesis gene
expression in L. lactis MG1363 [20]. Hence the concomitant under-expression of both the
activator PurR and the genes of the purine operon seemed to be logical. On the other hand,
Zomer et al. [21] observed a derepression of purine biosynthesis in L. lactis MG1363CcpA
during the transition phase from exponential to stationary phase. Moreover, the presence of
cre sites in the promoter regions and in some purine biosynthesis genes suggested a probable
direct regulation of these genes by CcpA, suggesting interactive crosstalk between carbon and
nitrogen metabolism. From these data, we could expect that a decrease in CcpA mRNA
abundance, as observed in stationary phase both in pure and in mixed culture, led to an over-
138
V. Comparaison dynamique du profil transcriptomique de L. lactis en culture pure et culture mixte avec S. cerevisiae
expression of the purine biosynthesis genes, while the opposite was observed. We could
propose then that in our conditions, the purine biosynthesis genes were under the control of
PurR but probably not of CcpA. In regard to the pyrimidine biosynthesis genes, the pyrR
regulator has been identified as an attenuator of the pyrRPB-carA operon [49]. While in the
stationary phase of our pure and mixed cultures, pyrB and carA were shown to be underexpressed, pyrR was not selected as a significantly differently expressed gene, so no evidence
for a mode of regulation of these genes could be proposed. This apparent absence of
correlation for differential expression could simply reflect the activity of another regulator
targeting the same metabolic pathways, or the decoupling, in the time courses examined,
between the accumulation of mRNA of regulators and their protein activity.
Interesting information may be extracted from the “regulatory functions” category. In
our experiment many regulator genes were over or under-expressed in some conditions (Table
5). Since the three normalization methods gave a somewhat different list of variable regulator
genes, a focus was put on the genes which showed significant expression level variation at
least in one culture condition with the three methods, which was the case for sixteen genes
(Table 5). Nine of them appeared to be under-expressed with the three methods either in pure
or in mixed culture or both depending on the method. Since these expression variations were
observed both in pure and in mixed culture, one can consider that these genes were affected
by the stationary phase and not dependant on the interaction between microbial species. The
most obvious was the inactivation of ccpA coding the carbon catabolite control protein A only
in the stationary phase in agreement with literature [21], with the consequences on several
genes under its control as described above. The down regulation of PurR and its regulon in
both cultures is also explainable by the growth slowing-down (see above). Among the
regulator genes harboring this evolution profile, were glnR coding the GlnR regulator which
regulates some genes related to nitrogen starvation [23], gadR the activator controlling
sodium chloride induction of the gadCB operon [22], yeeG, typA, rmaG, llrD and llrF. These
two last genes are part of two-component systems, but they counterparts kinD and kinF were
never selected in our conditions. These two systems seem to be involved in salt or osmotic
stress responses and in oxidative stress responses respectively. It has been shown that in L.
lactis subsp. cremoris MG1363, these two systems were induced in mid-log phase or at the
end of exponential phase [50], while they were repressed during the stationary phase in our
139
V. Comparaison dynamique du profil transcriptomique de L. lactis en culture pure et culture mixte avec S. cerevisiae
experiments. Maybe the kinetics of the different cultures and the references used for
transcriptomic analysis could explain this difference.
Some of the regulator genes showed a significant expression variation with the three
normalization methods but only in pure culture. That was the case for the regulatory gene
codY known to be involved in amino acid metabolism and in the nitrogen starvation. The
expected effect of the inactivation of codY would have been the activation of several opp, opt,
and pep genes related to nitrogen source uptake and peptide degradation since their sequence
holds the codY box [26]. But most of the opp, opt and pep genes were repressed at the
beginning of the stationary phase in the pure culture. The same was obtained in the mixed
culture while the under-expression of codY was not detected. It should be mentioned,
however, that in C vs A in mixed culture, codY has an ER of 0.52, but with a p-value of 0.26,
and then it was logically discarded from the list of selected genes with significant expression
ratio. Furthermore very few genes from the amino acid metabolism showed an expression
variation in agreement with CodY regulation. The rmeA gene is hypothetically also involved
in peptide metabolism regulation, and it was strongly activated only in the pure culture. The
regulating network related to the entry in stationary phase and nitrogen starvation could be
intricate and cross regulations, notably between CodY, PurR, CcpA, GlnR and RmeA, may
have occurred. The other regulator genes varying only in pure culture were birA2, yohC and
yxcB. The gene yohC is part of an operon including pbpG, involved in the response to carbon
starvation in Salmonella [30]. Finally, though not observed with LOWESS normalization, one
can mention that the strong over-expression with ratio between 5 and 6 in B versus A of rbsR,
part of the ribose utilization operon, should also be coupled to glucose starvation. For all these
genes, it could be considered that the presence of the yeast suppressed the expression
variation, despite the fact that for most of them this variation seemed to be linked with carbon
starvation and/or entry in stationary phase, processes which occurred in both culture. It is also
possible that the variation of expression was the same in both type of culture, but detected
only in one condition by the statistical treatment.
The main potential interaction mechanism can probably be identified when a variation
of mRNA level was detected with the three normalization methods only in the mixed culture.
This was the case for the strong activation of mtlR, part of the mannitol operon, and mannitol
transcriptional anti-terminator [18]. It is expected that its activation occurs during carbon
140
V. Comparaison dynamique du profil transcriptomique de L. lactis en culture pure et culture mixte avec S. cerevisiae
starvation and in the presence of mannitol. But in our experiments, no mannitol was added to
the medium nor produced by the yeast. The other regulator differently expressed only in
mixed culture was kinC, part of the two-component system kinC/llrC. It should be noted that
llrC was also seen to be under-expressed using Quantile or ASSM normalization, but not with
LOWESS. This TCS might be involved in a global stress response in lactococci since the
mutants were acid-sensitive, and since LlrC was identified as a cold-induced protein [51]. One
can postulate that this TCS was under-expressed in stationary phase in our experiments due to
the presence of the yeast. It is interesting to note that in our previous work this TCS system
was not under-expressed in the direct comparison between a mixed-culture where ethanol was
produced and a pure culture, indicating that, among the products of the yeast metabolism,
ethanol was probably not the signal sensed by kinC/llrC [7].
Such interpretations should be drawn with caution since it could also be considered
that the expression variation occurring really in cells was the same in both type of culture but
that the statistical test did not consider it significant in one of the tested conditions. The main
problem concerning the comparison between independent microarray experiments is that
microarray may not be suitable to detect subtle expression variations [47]. Actually, the
statistical test leading to an unknown number of false negatives, e.g. real variations not
considered significant, give intrinsically only a partial vision of the real biological phenomena
for each experiment. So it might be difficult to know what variations are specific to one
experiment compared to another. Only the strong differences concerning a large cluster of
genes might be detected with such an experimental design. Besides, it allows the full
understanding of time dependent phenotype in each condition and the comparison between
both conditions with a minimum number of biochips to be made.
In a previous work, we investigated cellular interactions by a direct comparison
between a pure and a mixed culture during exponential growth phase, i.e. hybridization of
samples from both type of culture on the same slide [7]. This experimental design gives a
direct access to the variations specific of the mixed-culture, but its weaknesses are that it
requests a perfect timing in the sampling for RNA extraction to avoid artifacts due to time lag,
and that it is difficult to have access to the dynamic pattern of transcriptome throughout the
cultures. The choice of the method is free to each user and may be adapted to specific
situations.
141
V. Comparaison dynamique du profil transcriptomique de L. lactis en culture pure et culture mixte avec S. cerevisiae
The main result obtained previously was the under-expression of most of pyr genes in
mixed culture due to ethanol produced by the yeast [7]. In this current work, the medium was
devoid of adenine, guanine, uracile and xanthine in order to avoid changing conditions during
the culture advancement. Whatever the culture, e.g. pure or mixed, L. lactis had to synthesize
these bases to be able to grow. Later in the culture, when the growth stopped, as for many
metabolic functions, synthesis of bases was reduced in the same order of magnitude in both
cultures. Most of the metabolic changes expected to occur during the stationary phase were
brought to light in both cultures. The important ethanol effect seen in the previous work was
then either hidden due to the experimental design in the present work, or did not occur during
the entry into stationary phase. Moreover the culture medium used was not the same.
Finally the amplitude of the transcriptome variation was similar in the mixed culture
and in the pure culture, i.e. nearly the same number of genes for the same sampling time in
both cultures. Even if individual gene lists did not fit perfectly well between both types of
culture, the Wilcoxon test and the functional analysis led to the conclusion that the phenotype
of L. lactis was strongly similar with or without S. cerevisiae. However, some regulator genes
were seen to be expressed differently in both cultures, either with an apparent positive or
negative effect in the presence of the yeast. This observation opens the way to the analysis of
the potential role of these regulators in relation to the microbial interaction.
CONCLUSION
The complete dynamic growth profile of L. lactis in pure culture or in mixed culture
with S. cerevisiae was analysed in this study. Thanks to the previous development of a
method enabling transcriptome analyses in mixed culture [7], the L. lactis micro-arrays were
used to analyse the dynamic profile of gene expression, from exponential to stationary phase,
in pure and mixed culture. These transcriptome data were treated with different normalization
methods to estimate their robustness. Despite some differences in the gene list selected, the
global L. lactis gene expression profile was similar in both pure and mixed culture, as
evidenced by the Wilcoxon test. The main dynamic transcriptome evolution was the effect of
glucose starvation observed in both cultures. This comparative dynamic transcriptome
analysis of L. lactis grown in pure or in mixed culture with S. cerevisiae demonstrated that L.
lactis was only weakly affected by the presence of the yeast.
142
V. Comparaison dynamique du profil transcriptomique de L. lactis en culture pure et culture mixte avec S. cerevisiae
From a biotechnological point of view, our mixed cultures were made in conditions
where the amount of S. cerevisiae compared to L. lactis was largely higher than generally
encountered in the food and feed industries, emphasizing possible interaction effects of S.
cerevisiae on L. lactis. In conclusion, it could be considered that L. lactis in fermented foods
where yeast is present in relative low numbers should not be significantly affected by the coculture conditions.
AUTHORS’ CONTRIBUTIONS
MM carried out the experiments presented in this manuscript, the data analysis and their
interpretation and drafted the manuscript. SS participated in data normalization and in
statistical analysis. MCB participated in the design of the experiments, in transcriptome
analysis, and helped to draft the manuscript. PL conceived of the study, and participated in its
design and coordination and helped to draft the manuscript. All authors have read and
approved the final manuscript.
ACKNOWLEDGEMENTS
This work was carried out with the financial support of the « ANR- Agence Nationale de la
Recherche - The French National Research Agency » under the « Programme National de
Recherche en Alimentation et nutrition humaine », project « ANR-05-PNRA-2E.11,
Genoferment».
143
V. Comparaison dynamique du profil transcriptomique de L. lactis en culture pure et culture mixte avec S. cerevisiae
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146
V. Comparaison dynamique du profil transcriptomique de L. lactis en culture pure et culture mixte avec S. cerevisiae
44.
45.
46.
47.
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49.
50.
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Brown, A. Brunner, R. Canales, X.M. Cao, T.A. Cebula, J.J. Chen, J. Cheng, T.M.
Chu, E. Chudin, J. Corson, J.C. Corton, L.J. Croner, C. Davies, T.S. Davison, G.
Delenstarr, X. Deng, D. Dorris, A.C. Eklund, X.H. Fan, H. Fang, S. Fulmer-Smentek,
J.C. Fuscoe, K. Gallagher, W. Ge, L. Guo, X. Guo, J. Hager, P.K. Haje, J. Han, T.
Han, H.C. Harbottle, S.C. Harris, E. Hatchwell, C.A. Hauser, S. Hester, H. Hong, P.
Hurban, S.A. Jackson, H. Ji, C.R. Knight, W.P. Kuo, J.E. LeClerc, S. Levy, Q.Z. Li,
C. Liu, Y. Liu, M.J. Lombardi, Y. Ma, S.R. Magnuson, B. Maqsodi, T. McDaniel, N.
Mei, O. Myklebost, B. Ning, N. Novoradovskaya, M.S. Orr, T.W. Osborn, A. Papallo,
T.A. Patterson, R.G. Perkins, E.H. Peters, R. Peterson, K.L. Philips, P.S. Pine, L.
Pusztai, F. Qian, H. Ren, M. Rosen, B.A. Rosenzweig, R.R. Samaha, M. Schena, G.P.
Schroth, S. Shchegrova, D.D. Smith, F. Staedtler, Z. Su, H. Sun, Z. Szallasi, Z. Tezak,
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147
V. Comparaison dynamique du profil transcriptomique de L. lactis en culture pure et culture mixte avec S. cerevisiae
FIGURE LEGENDS
Figure 1 : Evolution of biomass (g.liter-1), substrates and product concentrations (mM) during
the pure culture of L. lactis LD61 (A), the pure culture of S. cerevisiae CEN.PK113-7D (B),
and the mixed culture (C).
Figure 2 : Comparison of the number of L. lactis genes showing significant variation of
expression according to Student test (pvalue<0.05) with three data normalization methods.
148
V. Comparaison dynamique du profil transcriptomique de L. lactis en culture pure et culture mixte avec S. cerevisiae
Table 1: Kinetic parameters calculated from pure cultures and a mixed culture of both
species.
µ LD61 (h-1)
0.75 ± 0.00
Value
S. cerevisiae
CEN.PK113-7D
pure culture
-
µ CEN.PK113-7D (h-1)
-
0.41 ± 0.01
0.41 ± 0.06
qglucose (mmol.g-1.h-1)
23.62 ± 1.57
15.72 ± 0.19
-
νlactate (mmol.g-1.h-1)
44.83 ± 3.44
-
46.85 ± 2.05
νethanol (mmol.g-1.h-1)
-
20.44 ± 2.64
18.54 ± 0.05
Yglucose,LD61 (g.Cmol-1)
4.95 ± 0.29
-
-
Yglucose,CEN.PK113-7D (g.Cmol-1)
-
4.99 ± 1.11
-
Yglucose,lactate (Cmol.Cmol-1)
0.90 ± 0.01
-
-
Yglucose,ethanol (Cmol.Cmol-1)
-
0.47 ± 0.026
-
-
27.77 ± 1.94
31.83 ± 0.00
Parameter* and unit
L. lactis LD61
pure culture
-1
Ys, CEN.PK113-7D (g.Cmol )
mixed culture
0.75 ± 0.01
*µ LD61 specific growth rate of L. lactis LD61; µ CEN.PK113-7D specific growth rate of S.
cerevisiae CEN.PK113-7D; qglucose specific glucose consumption rate; νlactate specific lactate
production rate; νethanol specific ethanol production rate; Yglucose,LD61 yield of L. lactis LD61
biomass on glucose; Yglucose,CEN.PK113-7D yield of S. cerevisiae CEN.PK113-7D biomass on
glucose; Yglucose,lactate yield of lactate on glucose; Yglucose,ethanol yield of ethanol on glucose;
Ys,CEN.PK113-7D yield of S. cerevisiae CEN.PK113-7D biomass on non-fermentable substrates.
149
V. Comparaison dynamique du profil transcriptomique de L. lactis en culture pure et culture mixte avec S. cerevisiae
Table 2 : Analysis of L. lactis gene expression in each functional category with data
normalized with the Quantile method.
Pure culture
Functional categories
B/A
Student Wilcoxonb
a
Mixed culture
C/A
Student Wilcoxonb
a
B/A
Student Wilcoxonb
a
C/A
Student Wilcoxonb
a
AMINO ACID
BIOSYNTHESIS
0
-
14
-
0
-
6
-
BIOSYNTHESIS OF
COFACTORS, PROSTHETIC
GROUPS, AND CARRIERS
4
down
9
down
2
-
5
down
CELL ENVELOPE
7
down
15
down
2
-
16
down
CELLULAR PROCESSES
1
-
11
-
1
-
6
-
CENTRAL INTERMEDIARY
METABOLISM
1
-
1
-
0
-
1
-
ENERGY METABOLISM
11
-
39
-
9
-
37
-
FATTY ACID AND
PHOSPHOLIPID
METABOLISM
3
-
7
-
1
-
8
down
OTHER CATEGORIES
10
up
32
up
1
-
18
up
PURINES, PYRIMIDINES,
NUCLEOSIDES AND
NUCLEOTIDES
7
down
30
down
11
down
23
down
REGULATORY FUNCTIONS
7
down
25
-
4
-
21
-
REPLICATION
4
down
13
down
2
-
12
-
TRANSCRIPTION
0
down
8
down
0
down
8
down
TRANSLATION
7
down
38
down
3
down
44
down
TRANSPORT AND BINDING
PROTEINS
15
-
43
down
9
-
40
down
UNKNOWN
34
down
104
down
24
down
112
down
The False Discovery Rate estimated (for p-value<0.05) for B/A and C/A of the pure culture, and B/A
and C/A of the mixed culture were 0.403, 0.076, 0.363, and 0.082 respectively.
a
number of genes showing significant expression ratio according to Student test (p-value<0.05).
b
result of the Wilcoxon test (p-wilcoxon<0.05) for each whole functional category: “up” and “down”
indicate the global tendency of the whole category in B or C compared to A.
150
V. Comparaison dynamique du profil transcriptomique de L. lactis en culture pure et culture mixte avec S. cerevisiae
Table 3 : Analysis of L. lactis gene expression in each functional category with data
normalized with the LOWESS method.
Pure culture
Functional categories
B/A
Student
Wilcoxonb
a
Mixed culture
C/A
B/A
C/A
b
a
b
a
Student Wilcoxon Student Wilcoxon Student Wilcoxonb
a
AMINO ACID
BIOSYNTHESIS
1
down
3
-
1
-
3
-
BIOSYNTHESIS OF
COFACTORS, PROSTHETIC
GROUPS, AND CARRIERS
1
down
7
down
2
-
5
down
CELL ENVELOPE
7
down
5
down
1
-
10
-
CELLULAR PROCESSES
0
-
10
-
1
-
3
-
CENTRAL INTERMEDIARY
METABOLISM
1
-
1
-
0
-
1
-
ENERGY METABOLISM
5
-
16
-
11
-
26
up
FATTY ACID AND
PHOSPHOLIPID
METABOLISM
1
down
1
-
1
-
6
-
OTHER CATEGORIES
7
up
20
up
5
-
20
-
PURINES, PYRIMIDINES,
NUCLEOSIDES AND
NUCLEOTIDES
5
down
16
down
8
down
14
down
REGULATORY
FUNCTIONS
5
down
15
down
2
-
12
-
REPLICATION
2
down
6
down
6
-
7
-
TRANSCRIPTION
1
down
4
down
0
down
3
down
TRANSLATION
7
down
27
down
6
down
35
down
TRANSPORT AND
BINDING PROTEINS
6
-
21
down
7
-
32
down
UNKNOWN
18
down
57
down
24
down
89
down
The False Discovery Rate estimated (for p-value<0.05) for B/A and C/A of the pure culture, and B/A
and C/A of the mixed culture were 0.322, 0.318, 0.272, and 0.214 respectively.
a
number of genes showing significant expression ratio according to Student test (p-value<0.05).
b
result of the Wilcoxon test (p-wilcoxon<0.05) for each whole functional category: “up” and “down”
indicate the global tendency of the whole category in B or C compared to A.
151
V. Comparaison dynamique du profil transcriptomique de L. lactis en culture pure et culture mixte avec S. cerevisiae
Table 4 : Analysis of L. lactis gene expression in each functional category with data
normalized by all significant spots mean (ASSM).
Pure culture
Functional category
B/A
Student Wilcoxonb
a
Mixed culture
C/A
Student Wilcoxonb
a
B/A
Student Wilcoxonb
a
C/A
Student Wilcoxonb
a
AMINO ACID
BIOSYNTHESIS
1
down
13
down
0
-
6
-
BIOSYNTHESIS OF
COFACTORS, PROSTHETIC
GROUPS, AND CARRIERS
1
down
7
down
1
down
6
down
CELL ENVELOPE
7
down
14
down
2
-
10
down
CELLULAR PROCESSES
0
-
10
-
0
-
2
-
CENTRAL INTERMEDIARY
METABOLISM
1
-
3
-
0
-
2
-
ENERGY METABOLISM
5
-
31
down
3
down
27
-
FATTY ACID AND
PHOSPHOLIPID
METABOLISM
1
down
9
down
0
-
4
down
OTHER CATEGORIES
7
up
46
up
2
up
16
up
PURINES, PYRIMIDINES,
NUCLEOSIDES AND
NUCLEOTIDES
5
down
27
down
6
down
15
down
REGULATORY FUNCTIONS
5
down
33
-
0
-
15
-
REPLICATION
2
down
18
down
2
down
7
down
TRANSCRIPTION
1
down
7
down
0
down
4
down
TRANSLATION
7
down
36
down
2
down
29
down
TRANSPORT AND BINDING
PROTEINS
6
-
45
down
7
down
36
down
UNKNOWN
18
down
128
down
20
down
89
down
The False Discovery Rate estimated (for p-value<0.05) for B/A and C/A of the pure culture,
and B/A and C/A of the mixed culture were 0.663, 0.024, 0.554, and 0.242 respectively.
a
number of genes showing significant expression ratio according to Student test (pvalue<0.05).
b
result of the Wilcoxon test (p-wilcoxon<0.05) for each whole functional category: “up” and
“down” indicate the global tendency of the whole category in B or C compared to A.
152
V. Comparaison dynamique du profil transcriptomique de L. lactis en culture pure et culture mixte avec S. cerevisiae
Table 5 : Significantly modified expression ratios of L. lactis regulator genes, in pure and
mixed culture. Data were normalized by three normalization methods.
Quantile
Pure culture
Mixed culture
B/A C/A B/A C/A
LOWESS
Pure culture
Mixed culture
B/A C/A B/A C/A
All significant spots mean
Pure culture
Mixed culture
B/A C/A B/A C/A
Subcategory
name
Gene
name
AraC-family
regulators
adaA
xylR
citR
lacR
rdrA
argR
-
2.07
0.41
-
-
-
-
0.54
-
0.56
-
-
-
2.60
2.58
0.33
1.76
-
birA2
-
3.27
-
-
-
2.92
-
-
1.50
3.05
-
3.18
-
codY
codZ
gadR
glnB
glnR
gntR
purR
rarA
rcfB
rmeA
rmeC
yabA
ycfA
ydcG
yecE
yeeG
yjfE
ykhI
yljC
ymiA
yohC
ypgC
yrbI
ysfD
ysfG
yugA
ywiI
yxcB
kdgR
rgrB
thdF
typA
ylqL
yphL
ysxL
yyaL
ccpA
rbsR
rliDB
mtlR
rlrA
rlrC
rlrD
rmaD
rmaG
zitR
kinC
kinG
llrC
llrD
llrE
llrF
0.55
2.66
1.60
0.48
0.74
5.12
0.36
-
0.33
0.50
0.23
1.61
1.55
0.52
0.34
2.02
2.09
0.27
1.50
2.21
1.89
0.62
0.22
0.34
1.43
1.98
0.19
0.27
0.53
0.46
0.71
0.75
0.65
0.68
1.37
0.33
0.64
0.67
0.74
1.43
0.48
0.36
2.69
0.50
0.24
0.65
0.59
0.61
2.51
2.57
0.23
0.44
0.74
0.50
0.59
0.63
1.43
0.54
0.38
-
0.40
0.28
1.37
1.72
0.62
1.70
0.74
0.38
0.64
0.38
0.41
0.35
0.57
0.77
-
0.46
0.72
0.44
0.45
0.56
1.68
0.35
0.74
0.60
0.75
0.73
6.06
-
0.30
0.45
1.46
0.23
1.86
1.67
1.45
0.47
0.29
2.10
2.14
2.67
0.71
1.81
2.98
1.96
0.55
0.15
0.64
0.65
0.35
1.63
1.19
1.58
0.58
0.29
0.25
0.50
-
1.71
1.39
1.84
0.26
1.53
0.30
1.67
1.73
2.56
2.56
4.08
0.48
0.29
-
DeoR-family
regulators
General
GntR-family
regulators
GTP-binding
proteins
Lac-Ifamily
regulators
LysR-family
regulators
MarR-family
regulators
Twocomponent
systems
153
1.94
0.41
0.55
0.74
-
V. Comparaison dynamique du profil transcriptomique de L. lactis en culture pure et culture mixte avec S. cerevisiae
Figure 1:
A
10
100
80
1
Lactate (mM)
Glucose (mM)
60
40
0.01
20
B
0
0.001
L. lactis LD61 (g/l)
0.1
10
100
80
1
Acetate (mM)
0.1
40
0.01
20
C
Ethanol (mM)
0
0.001
10
100
80
1
60
0.1
40
0.01
20
0
0.001
0
10
20
time (hour)
154
30
S. cerevisiae CENPK-905 (g/l)
60
V. Comparaison dynamique du profil transcriptomique de L. lactis en culture pure et culture mixte avec S. cerevisiae
Figure 2 :
155
Conclusion et perspectives
Conclusion et perspectives
I. Bilan
Les bactéries lactiques sont présentes dans de nombreux écosystèmes, naturels ou
artificiels, et côtoient de fait de nombreux autres types microbiens, procaryotes ou eucaryotes.
La proximité d’autres espèces est souvent génératrice de stress puisque les activités
métaboliques des différents microorganismes génèrent la modification de l'environnement.
Les bactéries lactiques mettent alors en place des mécanismes de réponses plus ou moins
spécifiques, par exemple en adaptant leur métabolisme ou en produisant dans certains cas des
molécules antimicrobiennes (bactériocines).
Les données bibliographiques montrent clairement que les interactions cellulaires ont
une grande influence sur le déroulement des procédés de l’industrie agroalimentaire, et sur la
qualité du produit fermenté. Ainsi la présence d’autres espèces génère souvent la modification
de la physiologie des cellules qui s’accompagne en général de la modulation de l’expression
génétique. L’analyse moléculaire, en particulier l’analyse globale, est un moyen d’accéder à
ces variations d’expression et pourrait fournir des informations sur le rôle de chaque espèce
de l’écosystème tout au long du procédé. Pourtant, à l’heure actuelle, l’étude des écosystèmes
reste essentiellement centrée sur la description de la composition en microorganismes ou bien
se focalise sur quelques fonctions d’intérêt, et sont rarement confortées par l’analyse
moléculaire. Si certains mécanismes moléculaires ont été décrits grâce à l’étude de cultures
pures, l’étude de ces mécanismes au sein d’un véritable écosystème, hors du contexte du
laboratoire, se heurte encore à de nombreux obstacles techniques.
L’objectif principal de nos travaux était d’apporter des solutions à cette problématique
d'analyse du comportement microbien en cultures mixtes. Pour cela des écosystèmes binaires,
comportant L. lactis et S. cerevisiae, ont été étudiés en couplant les données macro-cinétiques
en bioréacteur avec l’analyse du transcriptome de L. lactis par puce à ADN. Une mise au
point d’une méthode d’utilisation des puces à ADN en culture mixte a d’abord été nécessaire
et nous avons proposé une solution efficace qui semble pouvoir être étendue à d’autres
écosystèmes. Puis deux stratégies d’analyse ont été élaborées et appliquées à de véritables
cultures mixtes. Enfin l’analyse du transcriptome et des données de fermentation ont révélé
156
Conclusion et perspectives
que l’interaction entre L. lactis et S. cerevisiae se traduit dans un cas par la modification de
l’expression génique de L. lactis, dans l’autre par une interaction nutritionnelle.
I.1 L’ajout d’ADN génomique pour réduire les cross-hybridations
Les puces à ADN sont utilisées pour la détection de variations transcriptomiques à
grande échelle. Cependant cette technologie exhaustive comporte certaines limitations
techniques dans le cadre de l'analyse de populations microbiennes hétérogènes. Nos travaux
ont montré que la principale difficulté de l’utilisation des puces à ADN de L. lactis en culture
mixte vient des cross-hybridations des acides nucléiques de l’espèce partenaire (ici S.
cerevisiae) dont le signal, en s’additionant au signal spécifique de L. lactis, fausse l’analyse.
Nous avons proposé une solution permettant de réduire les cross-hybridations, au moins dans
notre écosystème modèle, qui consiste à ajouter de l’ADN génomique non marqué du
partenaire de L. lactis lors de l’hybridation sur la puce à ADN. L’ADN génomique diminue
sensiblement le signal de fluorescence provenant des ADNc marqués cross-hybridant. Cette
approche a été validée dans le cadre de cultures mixtes L. lactis / levure puis a été étendu à
d'autres espèces phylogénétiquement plus proches de L. lactis que ne l'est la levure. La
méthode d’ajout d’ADN génomique pour faire diminuer le signal de cross-hybridation semble
pouvoir être extrapolée à d’autres espèces, avec des limitations dépendant de l’éloignement
phylogénétique entre espèces. En d’autres termes, plus les génomes sont différents, plus la
méthode est efficace.
L’idée initiale provient du protocole d’hybridation manuelle des puces à ADN qui
consiste à ajouter de l’ADN de sperme de saumon pour saturer les sites non spécifiques de la
puce, pour améliorer la fiabilité et la reproductibilité des données. Même si les hybridations
manuelles deviennent obsolètes, les protocoles d’utilisation des chambres d’hybridation
automatiques conservent en général une étape qui consiste à ajouter une solution contenant un
composé permettant de saturer les sites non spécifiques de la puce, avec de la BSA par
exemple (Ventana Discovery®). Cette étape semble donc cruciale pour accroitre la spécificité
de l’hybridation. Dans notre méthode, l’ajout d’ADN génomique de l’espèce partenaire joue
probablement le même rôle, mais l’effet est amplifié parce que l’ADN génomique de l’espèce
partenaire masque spécifiquement les sites concernés par les cross-hybridations,
157
Conclusion et perspectives
contrairement à l’ADN de sperme de saumon ou à la BSA. Un autre mode d’action peut être
envisagé qui aurait lieu avant même l’hybridation sur la puce. L’ADN génomique et l’ADNc
du partenaire sont complémentaires, de sorte que des appariements peuvent se faire dans la
solution d’hybridation pour former des hybrides ADNg/ADNc double brins. L’ADNc étant
alors moins disponible pour s’hybrider sur la puce, le signal des cross-hybridations
diminuerait en conséquence. Ces deux explications ne sont pas contradictoires et il serait
intéressant de les valider et de déterminer la contribution de chacune dans la diminution du
signal de cross-hybridation. Des hybridations avec une gamme de concentration d’ADN
génomique croissante permettraient de montrer s’il s’agit véritablement d’un phénomène de
compétition, et de définir les limites de la méthode en terme quantitatif. Pour dissocier les
deux hypothèses, il faudrait réaliser des hybridations en changeant la préparation de la
solution d’hybridation, c’est-à-dire tantôt en préparant la solution d’hybridation en y incluant
l’ADNg, tantôt en préparant la solution d’hybridation sans ADNg qui serait ajouté au tout
dernier moment lors du dépôt sur la puce.
I.2 Stratégie d’analyse
Nous avons défini deux stratégies pour comparer le transcriptome de L. lactis en
culture mixte par rapport à la culture pure, basés sur des échantillonnages différents. Chacune
des méthodes permet de dissocier les variations d’expression géniques liées spécifiquement à
l’interaction cellulaire de celles liées à d’autres phénomènes biologiques (avancement de la
culture, adaptation aux différentes phases de croissance…). La première approche consistait à
faire une hybridation à partir d’un échantillon de culture mixte et d’un échantillon de culture
pure sur la même puce. Elle présente l’avantage de donner un accès direct aux variations
d’expression génique liées à l’interaction mais reste sujette aux artefacts provenant du
décalage temporel qui peut exister entre l’avancement des cultures au moment du
prélèvement. La seconde approche consistait à faire l’analyse cinétique des variations du
niveau de transcrit indépendamment dans chaque type de culture, et ensuite de comparer les
deux profils. Cette deuxième approche permet d’accéder à la dynamique du transcriptome au
cours des cultures mais la comparaison entre culture mixte et culture pure doit se faire de
façon globale, par catégories fonctionnelles, la comparaison gène à gène étant peu fiable.
158
Conclusion et perspectives
Finalement les deux stratégies comportent leur point faible et à l’avenir le choix de la
méthode utilisée devra correspondre aux objectifs fixés. Dans le cadre d’une étude de
variations fines d’expression génique, concernant quelques gènes, la première méthode devra
être privilégiée. Au contraire, pour l’étude de mécanismes impliquant de larges groupes de
gènes, la seconde méthode sera plus adaptée.
I.3 L’interaction cellulaire
I.3.1 Interaction entre IL1403 et CEN.PK113-7D
Le premier écosystème modèle que nous avons étudié est une co-culture de L. lactis
IL1403 et S. cerevisiae CEN.PK113-7D dans un bioréacteur (Maligoy et al., 2008a). Nous
avons découvert une interaction entre les deux espèces dont l’effecteur est l’éthanol produit
par la levure qui induit la sous-expression globale des gènes de la voie de biosynthèse de novo
des pyrimidines de L. lactis. Mais malgré la variation d’expression génétique, le phénotype
apparent (vitesses spécifiques et rendements mesurés) de L. lactis est resté inchangé en
culture mixte par rapport à la culture pure. La fonction des gènes pyr est relativement bien
connue mais jusqu’à présent aucun lien n’avait été établi avec l’éthanol. Les déterminants
moléculaires de cette régulation demeurent inconnus. Nous avons d’ores et déjà montré par
RT-qPCR que certaines modifications transcriptomiques pouvaient être reproduites en culture
pure de L. lactis, grâce l’injection d’éthanol dans le milieu, indépendamment de la présence
de la levure. Il reste à décortiquer les mécanismes moléculaires qui modifient l’expression
génique en réponse à l’éthanol.
L’étude au niveau métabolique et transcriptomique de mutants de gènes pyr
complèterait ces résultats et apporterait des éléments pour comprendre comment l’éthanol
peut induire la modification du niveau de transcrits des gènes pyr. Une approche classique de
gain/perte de fonction, par inactivation et surexpression du gène candidat confirmera ou non
l’implication de chaque gène dans l'interaction. Après confirmation de l'implication réelle de
gènes candidats, leur étude pourrait passer par la caractérisation fine de leur régulation face au
stimulus "présence d'un partenaire dans l'écosystème" et des régions impliquées dans cette
159
Conclusion et perspectives
régulation. Cela peut, par exemple, passer par l'utilisation de gènes rapporteurs, en portage
plasmidique ou chromosomique.
I.3.2 Interaction entre LD61 et CEN.PK113-7D
Le deuxième écosystème modèle que nous avons étudié était une co-culture de L. lactis
subsp. lactis biovar. diacetylactis LD61 et S. cerevisiae CEN.PK113-7D. Nous avons montré
que l’accumulation du lactate produit par la bactérie influence le métabolisme de la levure
puisqu’il sert de source de carbone à la levure lors de la phase de croissance oxydative
(Maligoy et al., 2008b). En effet la levure possède les enzymes spécifiques nécessaires pour
assimiler le lactate en aérobiose lors de la carence en glucose. Il s’agit ici d’une interaction
qui implique des mécanismes de réponse spécifiques de la part de la levure, engendrant un
phénotype différent en culture mixte par rapport à la culture pure (l’assimilation du lactate
induit des paramètres cinétiques différents en phase de croissance oxydative). Pour compléter
ces observations il serait intéressant d’établir un parallèle entre le transcriptome de L. lactis et
le transcriptome de la levure. Pour cela, il faudrait regarder s’il y a des cross-hybridation entre
les ADNc de L. lactis et les sondes de la puce de S. cerevisiae et le cas échéant il faudrait
tester l’efficacité de l’ajout d’ADN génomique en réduire l’ampleur. Si la méthode permet de
réduire significativement les cross-hybridations, alors les approches que nous avons
employées pour L. lactis pourront être utilisées pour caractériser le transcriptome de S.
cerevisiae. Sinon, il faudra recourir à d’autres stratégies, comme par exemple l’utilisation du
double bioréacteur à membrane (Manjarrez et al., 2000). Ce dispositif permet de cultiver des
cellules d’espèces différentes dans un milieu de culture commun tout en séparant les
biomasses. Avec cet appareil ne se pose plus la question de la spécificité d’hybridation de
puces à ADN puisque les biomasses peuvent être récupérées individuellement avant
l’extraction d’ARN. La compartimentation de la culture en utilisant un double bioréacteur à
membrane présente aussi l’avantage d’éliminer la composante « contact cellulaire » de
l’interaction. Dans le cadre d’une interaction préalablement détectée en bioréacteur standard,
comme celles détectées dans nos travaux, le double BRM permettrait de déterminer si le
contact cellulaire est un facteur de l’interaction, ou au moins de savoir si c’est une des
composantes de l'interaction. Dans le cas où le facteur de l’interaction serait une molécule
160
Conclusion et perspectives
diffusible, la capacité de détection sera dépendante de la taille des pores de la membrane
filtrante et de son colmatage progressif.
Nos écosystèmes modèles sont des co-cultures réalisées en bioréacteur. Le bioréacteur
permet de maîtriser les conditions de culture pour cibler spécifiquement les variations
géniques liées à l’interaction cellulaire et pour limiter les autres sources de variation (stress
acide, thermique ou oxydatif). En outre l’utilisation du bioréacteur nous a assuré une bonne
reproductibilité des expériences, augmentant la probabilité que les variations phénotypiques
ou transcriptomiques observées entre culture mixte et culture pure soient la résultante d’une
interaction microbienne et non la conséquence de variations de cultures, indépendamment de
la présence de l’espèce partenaire. Une fois les conditions de culture déterminées, la recherche
d’interaction a été effectuée directement au niveau des paramètres cinétiques de croissance, et
au niveau du transcriptome.
Mais malgré le contrôle que l’on peut exercer sur le déroulement des cultures, établir la
part de responsabilité de chaque paramètre dans l’interaction est parfois difficile. Par
exemple, dans notre deuxième écosystème modèle, chez L. lactis nous n’avons pas pu
dissocier les variations génétiques provenant du ralentissement de la croissance (carence
glucose, diminution du taux de croissance…) des variations liées spécifiquement à la présence
de la levure. Une culture mixte en chémostat, avec un taux de dilution constant permettrait de
dissocier l’effet du ralentissement de la croissance de l’effet de l’interaction inter-espèce.
Même si l’équilibre est difficile à atteindre, des cultures mixtes ont déjà été réalisées en
chémostat par certaines équipes, notamment avec des bactéries et des levures (Basson, 2000 ;
McSweeney et al., 1993). En outre le maintient de l’équilibre permettrait de prolonger les
phénomènes liés à l’interaction qui sont d’ordinaire observables sur un laps de temps assez
court, et ainsi de rendre l’analyse plus aisée.
L. lactis et S. cerevisiae sont tous deux membres de la flore fromagère, mais ne se
développent pas en même temps au cours de la fabrication du fromage. L. lactis se développe
en début de procédé, où l’activité des levures est quasi nulle. Au contraire les levures se
développent plus tardivement lors de la maturation, dans un milieu dont les propriétés
physicochimiques (pH, texture, et surtout présence de lactate) dépendent de l’activité des
bactéries qui s’y sont développées avant elle. Il est donc logique de supposer que L. Lactis ne
161
Conclusion et perspectives
soit pas très adaptée pour répondre aux métabolites synthétisés par la levure, puisqu’ils sont
absents lors de son développement. En revanche il semble logique que la levure soit adaptée,
si ce n’est à la présence de bactéries lactiques elles-mêmes, au moins à ses produits de
fermentation, en particulier le lactate.
II. Perspectives
II.1 Analyse transcriptomique dans des écosystèmes de plus en
plus complexes
Les interactions cellulaires sont relativement peu explorées avec des souches
industrielles, et quasiment jamais étudiées dans leur contexte habituel, c'est-à-dire dans les
procédés technologiques agroalimentaires. Nos travaux constituent une première étape et
répondent à certaines questions méthodologiques et biologiques. La poursuite des recherches
doit se faire dans l’optique de se rapprocher peu à peu des conditions industrielles.
Dans une partie de nos travaux est utilisée la souche industrielle L. lactis subsp. lactis biovar.
diacetylactis LD61 qui possède toutes les fonctions nécessaires à son utilisation dans un
procédé de fermentation agroalimentaire, y compris en présence d’autres espèces. De fait
cette souche possède certainement des systèmes de réponse face aux autres microorganismes.
Les co-cultures ont été réalisées dans conditions permettant de dissocier les sources de
variation génétiques pour les rendre plus facile à comprendre (voir plus haut). Cependant de
telles conditions de cultures sont éloignées des conditions de fermentation industrielles,
notamment de l’industrie laitière (composition du milieu, régulation pH, température,
aération…). La poursuite des travaux s’orientera donc logiquement vers des cultures réalisées
dans des conditions mimant les procédés de l’industrie agroalimentaire, en utilisant par
exemple des matrices alimentaires modèles.
D’autre part les cultures mixtes que nous avons utilisées comportent seulement deux
espèces. Pour se rapprocher des conditions industrielles il faudra augmenter progressivement
le nombre d’espèces. L’augmentation du nombre d’espèce conduit à une probabilité plus
grande d’obtenir des séquences homologues entre espèces et donc des cross-hybridations.
162
Conclusion et perspectives
Pour mesurer le transcriptome microorganismes dans un écosystème comportant plusieurs
partenaires, il sera nécessaire de limiter les cross-hybridations sur les puces à ADN, par
exemple en ajoutant de l’ADN génomique des différentes espèces. Cette approche permettra
d’une part d’évaluer les limites de cette méthode et d’autre part d’observer des réseaux
d’interaction de plus en plus étendus. A long terme, la multiplication des expériences laisse
entrevoir la possibilité de pouvoir modéliser et prédire l’efficacité de cette méthode lors de la
mise au point de nouveaux plans d’expériences, dans la limite de ce qu’autorise la proximité
phylogénétique.
Une autre solution consiste à compartimenter la culture grâce au double BRM. Ceci
permettrait de simplifier la caractérisation des différentes composantes de l’écosystème. De
plus, cet appareillage simplifie l’utilisation des puces à ADN en culture mixte puisque les
ARN peuvent être extraits de chaque espèce indépendamment.
Une autre façon de mesurer le transcriptome dans des cultures de plus en plus
complexes, est d’utiliser des puces spécifiquement dessinées pour l'étude d'une espèce dans
un écosystème complexe. La puce que nous avons employée durant ce travail a été dessinée
sans tenir compte des génomes d'autres espèces, donc sans introduire un critère de spécificité
des séquences utilisées. Ceci explique largement les cross-hybridations rencontrées durant ce
travail. Pour l'étude de L. lactis en présence de différents partenaires, il est évident que l’ajout
d’ADN génomique ne sera pas toujours suffisant pour diminuer les cross-hybridations. Et ce
d'autant que les espèces partenaires seront phylogénétiquement proches de L. lactis. Le design
de nouvelles puces à ADN utilisables dans de nombreuses conditions avec des écosystèmes
comportant un grand nombre d’espèces est une alternative intéressante. Une telle puce espèce
spécifique privilégiera la technologie à oligonucléotides plutôt que la technologie fragments
PCR de la puce actuelle. Les conditions appliquées à une puce à oligonucléotides peuvent être
plus stringeantes, limitant d'autant les phénomènes de cross-hybridations Enfin les génomes
pris en compte lors du design des sondes doivent refléter la composition de l’écosystème que
l’on souhaite étudier. Ce type de puce est actuellement en cours d’élaboration.
Le nombre de génome considéré est un facteur limitant : plus le nombre de génomes
considérés sera grand, plus rares seront les séquences spécifiques de chacun d’entre eux.
Ajoutons que l’accroissement de la proximité phylogénétique s’accompagne d’une
augmentation de l’homologie entre les génomes. Il sera donc plus difficile de trouver des
163
Conclusion et perspectives
séquences spécifiques entre des espèces proches. Il est même très probable que certains gènes
ne présentent pas de séquence spécifique à un seul génome (gènes très conservés d’une espèce
à l’autre).
II.2 Les autres méthodes globales
II.2.1 Analyse Protéomique
L’analyse protéomique réalisée conjointement avec l’analyse du transcriptome
permettrait de comprendre les interconnexions entre le réseau protéique et la régulation de
l’expression génétique lors de l’interaction microbienne. Par exemple, les variations
d’expression génétique que nous avons détectées chez L. lactis en présence de la levure ne se
sont pas traduites par une modification physiologique visible. Il serait intéressant de mesurer
les variations de concentration des protéines, en particulier celles de la voie de synthèse de
novo des pyrimidines, pour voir si elles sont en corrélation avec les variations
transcriptionnelles.
La protéomique donne des résultats qui ne sont pas toujours en adéquation avec les
variations transcriptomiques. En effet la succession d’étapes conduisant à partir de
l’expression d’un gène, à une activité protéique induit nécessairement un décalage temporel.
La transcription, la traduction, la maturation (modification post-traductionnelle), et finalement
l’activité protéique elle-même ne sont pas forcément en corrélation directe. De plus, des
systèmes de régulation traductionnelle et post-traductionnelle s’additionnent souvent aux
régulations génétiques. Se pose aussi la question de savoir comment identifier l’origine de
chaque protéines mesurées en culture mixte. Pour les protéines intracellulaires, comment
déterminer de quelle espèce elles proviennent ? La première solution sera de l’identifier au
spectromètre de masse et de la comparer avec le génome (s’il est séquencé). La deuxième
solution sera de compartimenter la culture avec le double BRM pour pouvoir extraire les
protéines de chaque espèce indépendamment l’une de l’autre. Pour les protéines
extracellulaires la comparaison des données d’une culture mixte avec les données d’une
culture pure sera probablement la meilleure solution. Il faut ajouter que la protéomique n’est
pas aussi exhaustive que la transcriptomique. Classiquement, quelques centaines de protéines
164
Conclusion et perspectives
sont identifiables par une approche protéomique 2D, majoritairement les protéines
cytoplasmiques. Il faut ajouter que l'identification des protéines membranaires pose encore
certains problèmes techniques.
II.2.2 Résonance Magnétique Nucléaire
La RMN (Résonance Magnétique Nucléaire) permet d'analyser des molécules en
mélange, sans a priori sur la composition de l'échantillon. Cette approche apporte à la fois des
informations qualitatives et quantitatives. Le principe est de mesurer la réponse des noyaux
atomiques des molécules placées dans un champ magnétique intense lorsqu’elles sont
soumises à une excitation radiofréquence résonante. La réponse est conditionnée par la nature
du noyau ainsi que son environnement moléculaire (fonction chimique, proximité des autres
atomes, ...). Une molécule donnée aura un spectre (1H,
13
C, etc ...) caractéristique. Par
conséquent, elle pourra être identifiée sans ambiguïté. En ce qui nous concerne les molécules
recherchées étant organiques, la mesure de spectres RMN
1
H, et
13
C semblent être la plus
indiquée.
La métabolomique est une méthode d’exploration globale visant à analyser le plus
exhaustivement possible les différents métabolites présents dans un milieu (cellule, milieu
extracellulaire, biofluides...). Plusieurs stratégies sont envisageables pour étudier les
interactions microbiennes par une approche métabolomique utilisant la RMN. Dans le cas où
un phénotype d’interaction a clairement été observé, la RMN permettrait de valider le rôle de
molécules suposées jouer un rôle dans l’interaction. Dans le cas d’une prospective où aucune
hypothèse n’a était envisagée, la RMN permet de détecter les candidats et de les identifier.
Dans nos travaux la chromatographie a donné accès aux concentrations des principaux
métabolites extracellulaires, mais ce n’est pas une méthode exhaustive et certaines molécules
impliquées dans une interaction nous ont peut-être échappé. L’analyse comparative des
métabolites du milieu extracellulaire en culture mixte par rapport à des cultures pures
permettrait de cibler les molécules spécifiques de la culture mixte, et donc potentiellement
impliquées dans l’interaction. Au contraire dans le cas où un phénotype particulier, provenant
d’une interaction, a été détecté dans plusieurs situations, par exemple dans des conditions de
cultures différentes, avec des souches différentes, face à des espèces différentes, c’est dans les
165
Conclusion et perspectives
similitudes que l’on pourrait découvrir les facteurs de l’interaction. Une fois détectée, la
molécule peut être identifiée par comparaison des spectres avec des bases de données. Dans le
cas de spectres inconnus, une stratégie de détermination structurale par RMN basée sur
l'analyse de spectres bidimensionnels pourra être mise en place. Mais les milieux de culture
sont des milieux aqueux et contiennent de nombreuses molécules présentes dans des
proportions très différentes. Par exemple, dans un spectre 1H, le signal de l’eau est très fort et
conduit à des difficultés d’analyse car il peut masquer les signaux d'intérêt. Différentes
méthodes permettent de contourner cet obstacle, notamment la lyophilisation et l’utilisation
d’un solvant deutéré. Certaines molécules très abondantes, comme les produits de
fermentation, peuvent également générer des spectres gênant l’analyse. D’autre part la grande
diversité d’espèces moléculaires dans l’échantillon, comme c’est généralement le cas avec le
milieu extracellulaire d’une culture, conduit souvent à la superposition des spectres et à de
grandes difficultés d’identification. Il est possible de minimiser ces phénomènes en
fractionnant l’échantillon, ou en recourant à des analyses en RMN 2D.
Les données qualitatives et quantitatives apportées par l’analyse en RMN devront être
intégrées à un contexte plus large, en les croisant par exemple avec les connaissances de la
physiologie du microorganisme, et les données d’analyse du transcriptome et du protéome.
III. Pour conclure…
Nous avons mis au point une méthode pour utiliser les puces à ADN de L. lactis en
culture mixte qui nous a permis de montrer que des modifications d’expression génique et/ou
physiologique se produisaient en co-culture avec S. cerevisiae. Les effecteurs semblent avoir
été identifiés, au moins en partie, mais les mécanismes précis de l’interaction,
particulièrement ceux liés à l’éthanol restent inconnus. L’étape suivante est donc de
comprendre précisément ces mécanismes en utilisant d’autres outils d’analyse. Notre modèle
microbien est un peu éloigné des systèmes naturels ou industriels mais il a le mérite de fournir
des réponses dans un domaine jusqu’alors peu exploré, au moins du point de vue du
lactocoque. Les informations retirées de nos travaux pourront servir de base pour continuer
les recherches dans le domaine de l’analyse des interactions microbiennes en écologie ou en
industrie.
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