Conférence 6 : R. Char ou le sens d’une force solaire Tout est pulsion de vie, donc de résistance, dans un monde en guerre. Mais la vie est noueuse comme un pied de vigne, et la comprendre exige qu’on la suive dans le texte à lire et à dé-lire. Texte 1 « Dépendance de l’adieu » A ton tour d’entrer en éruption Tablier du forgeron ciel charnel de ma sombre enfance Tandis que vous glissez sur la pente du ventre Pour mieux vous perdre dans la gerbe Yeux vous êtes les éclaireurs médiums du néant Grandeur en sommeil sur la plaie ouverte Peau il a fallu fouiller votre riche sous-sol Sans briser ton corps immigrant ô pesanteur ô favorite Sociables communicants Nous sommes entrés dans l’écart Limon secouru nuit guérie Apprenti de la combustion Sans palpiter l’oubli nouveau baisé (Fileront quelque hautes berges de sang fossile Pour dominer nos jeunes mœurs) Patiente et tendre équilibrée Biens des peuples silencieux Poussière tu m’émeus aux larmes. (Dehors la nuit est gouvernée) Texte 2 « Biens égaux » Je suis épris de ce morceau tendre de campagne, de son accoudoir de solitude au bord duquel les orages viennent se dénouer avec docilité, au mât duquel un visage perdu, par instant s’éclaire et me regagne […] Moi qui jouis du privilège de sentir tout ensemble accablement et confiance, défection et courage, je n’ai retenu personne sinon l’angle fusant d’une Rencontre. Sur une route de lavande et de vin, nous avons marché côte à côte dans un cadre enfantin de poussière à gosier de ronces, l’un se sachant aimé de l’autre. Ce n’est pas un homme à tête de fable que plus tard tu baisais derrière les brumes de ton lit constant. Te voici nue et entre toutes la meilleure seulement aujourd’hui où tu franchis la sortie d’un hymne raboteux […] (Le poème pulvérisé) Texte 3 « Le météore du 13 août » A la seconde où tu m’apparus, mon cœur eut tout le ciel pour l’éclairer. Il fut midi à mon poème. Je sus que l’angoisse dormait. (Le poème pulvérisé) Texte 4 Aucun oiseau n’a le cœur de chanter dans un buisson de questions. (Recherche de la base et du sommet) Texte 5 « Maintien de la reine » Il faut trembler pour grandir Aujourd’hui mon peuple domine les murailles Que le soleil m’a choisies pour berceau Je destine je guide le couple enlacé du mot cœur S’il découvrait que la terre s’est éteinte Je le rassurerais en reine. (Dehors la nuit est gouvernée) Texte 6 « Dans la marche » […] Nous ne pouvons vivre que dans l’entrouvert, exactement sur la ligne hermétique de partage de l’ombre et de la lumière. Mais nous sommes irrésistiblement jetés en avant. Toute notre personne prête aide et vertige à cette poussée. […] La seule signature au bas de la vie blanche, c’est la poésie qui la dessine. Et toujours entre notre cœur éclaté et la cascade apparue. (Quitter) Texte 7 Faire un poème, c’est prendre possession d’un au-delà nuptial qui se trouve bien dans cette vie, très rattaché à elle, et cependant à proximité des urnes de la mort. (Quitter) Texte 8 Chacun vit jusqu’au soir qui complète l’amour. Sous l’autorité harmonieuse d’un prodige commun à tous, la destinée particulière s’accomplit jusqu’à la solitude, jusqu’à l’oracle. (Seuls demeurent) Texte 9 En poésie c’est seulement à partir de la communication et de la libre disposition de la totalité des choses entre elles à travers nous que nous nous trouvons engagés et définis, à même d’obtenir notre forme originale et nos propriétés probatoires. (Seuls demeurent) Texte 10 La présence du désir comme celle du dieu ignore le philosophe. En revanche le philosophe châtie. (Feuillets d’Hypnos) Bibliographie sélective complémentaire R. Char, Oeuvres complètes, Paris, Pléiade, 1995. M.-Cl. Char (ed.), Char. Dans l’atelier du poète, Paris, Gallimard Quarto, 1996. Ch. Dupouy, René Char, Paris, Belfond, 1987. P. Veyne, René Char en ses poèmes, Paris, Gallimard Tel,1990.
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