XXXV / no6 15 avril vol. vol. XXXV / no6 / 15 /avril 20152015 Meilleur journal étudiant en 2014 selon Le Devoir de la presse étudiante Le noeud de la crise Rien ne va plus. C’est la crise à l’UQAM, tout le monde le dit mais personne n’y comprend rien. De l’extérieur, les journalistes qui travaillent trop vite font des raccourcis simplistes et brouillent les cartes. Quand on additionne en quelques jours les mots austérité, vote à main levée, grève, levée de cours, répression politique, sit-in et démission du recteur, difficile pour monsieur et madame tout le monde de s’y retrouver. Ce tourbillon d’informations mal agencées ne peut que projeter l’image d’un mouvement social désordonné. Les médias ont perdu de vue le contexte dans lequel tout a pris feu à l’UQAM. Même les étudiants de l’École des sciences de la gestion, qui tentent de manifester leur désaccord quant à la casse qui a eu lieu le 8 avril au soir, sont incompris de Radio-Canada. Non, ils n’appuient pas le recteur, qui a appelé la police. Ils n’appuient rien, ils demandent un lieu d’éducation sain. Tout comme les étudiants qui ont participé au sit-in. Les étudiants, professeurs et personnes de l’extérieur (qui qu’elles soient), ont protesté contre une intervention policière à l’intérieur de l’université. Ils demandent un lieu d’éducation sain. Oui, les actes de grabuge sont à condamner. On a porté atteinte à des locaux d’associations étudiantes et de services aux étudiants. Rien n’est plus ironique, mais là n’est pas le débat. Pourrons-nous dans les prochains jours en tirer de vraies discussions sur la démocratie étudiante, alors que ce qui circule sur les différents réseaux, sites Internet, et ce que les télévisions diffusent ne reflète qu’un brouillon de la réalité dont nous sommes témoins, au Montréal Campus ? Les grandes explications malheureusement nécessaires pour faire comprendre cette crise, dont la source est à la fois les menaces d’expulsions et le déroulement des levées de cours, ne viendront pas d’elles-mêmes. Puisque les médias de masse n’ont dépeint qu’un portrait grossier de la situation jusqu’à maintenant : -Militants, levez-vous, et prenez par la main le journaliste qui tentera de comprendre ce qui se passe avant qu’il ne soit aveuglé, à la vue d’une machine distributrice éclatée. -Non-militants, levez-vous et questionnez-vous sur ce qui vous attend, alors qu’aucun représentant étudiant ne siège désormais sur le conseil d’administration, rejetés pour leurs actions militantes. Nous sommes de votre côté. Visiblement, ces discussions n’auront pas lieu en présence du ministre Blais, résolu à ne traiter que de la question de la sécurité à l’UQAM. Il a d’ailleurs lâché en conférence de presse qu’il ne reconnaissait pas le droit de grève des étudiants : l’histoire de notre université, du revers de la main balayée. Rien n’est acquis, sinon que de Catherine Paquette Rédactrice en chef [email protected] La démocratie étudiante et la liberté d’association sont menacées par les évènements qui s’accumulent depuis les Fêtes à l’université, en particulier par la menace d’expulsion d’étudiants militants et par l’injonction qu’a obtenue l’UQAM. La situation a tout d’un musèlement politique, mais ce que l’on retient, c’est que des étudiants cassent tout, et que d’autres intimident leurs collègues. ESPRIT DE CLOCHER Alerte au masque Les politiciens, les policiers, les médias : tout le monde se l’arrache. Hormis son sweat-shirt noir, sa cagoule et son Maalox, il pourrait passer pour n’importe quel citoyen en pleine tempête de neige. Il effraie davantage qu’un homme armé. Il alimente l’imaginaire. Impossible de l’ignorer. Souvent honni, peu considéré et parfois admiré, l’étudiant masqué cristallise une large gamme d’émotions. Tenu responsable du climat politique acerbe des dernières semaines et du saccage à l’intérieur du pavillon J.-A.-DeSève, l’étudiant masqué a le dos large. L’université a d’ailleurs investi des montants considérables afin de démocratiser le port du masque. Avec l’installation de caméras de surveillance, depuis le printemps érable, l’UQAM s’est bien assurée de pouvoir repérer, peu importe l’angle, chaque étudiant qui oserait défier la lamentable gestion du campus. Dans la plus récente mouture de sa Politique encadrant le système de surveillance vidéo, «le Service de la prévention et de la sécurité peut permettre le visionnement en temps réel aux institutions chargées du respect de la loi, tels que le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) ou le Service de sécurité incendie de Montréal» lors d’une «urgence où l’intégrité physique des personnes ou la sécurité des lieux est menacée». Un amalgame de termes vagues, à l’interprétation libre, pour dire que les images d’une occupation filmée du pavillon J.-A.-DeSève seraient susceptibles d’être fournies aux policiers. 2 Montréal Campus fesser dans le tas avec des injonctions. MEFAITS DIVERS Méfaits accomplis Pour avoir été fiché, dirigé vers le SPVM et avoir reçu des amendes pour sa seule participation à une action du peuple, par le peuple et pour le peuple, l’étudiant masqué prend la meilleure des décisions pour lui et pour la collectivité en choisissant le port du chiffon opaque. Souvent confondu avec le black block, dont l’existence fluctue au gré des manifestations et la composition demeure inconnue, l’étudiant masqué n’aurait pas à l’être si l’UQAM ne choisissait pas systématiquement de discriminer les vecteurs de changement dans l’université. Avant l’adoption du règlement P-6 en 2012, porter un masque faisait partie des droits citoyens admis, acceptés et reconnus. Il faut être plutôt courageux pour braver les risques d’expulsion, de répression politique et les dénoncer. À la vitesse à laquelle les dissidents sont réprimés, ils pourraient compter dans leurs rangs des professeurs et des chargés de cours. Critiqués pour leur intervention, Sandrine Ricci, Marcos Ancelovici ou Michèle Nevert devront peut-être manifester une cagoule au visage sans quoi ils risqueraient de se faire évincer de l’université, un lieu où la liberté est pourtant l’une des plus sacralisées. Nous sommes de votre côté. Frédéric Comeau Chef de pupitre UQAM [email protected] Twitter : @ComeauFred Je ne conclurai pas en écrivant sur les larmes qui me viennent aux yeux en pensant aux murs jaune-orange du Campus ou à mon dernier chiffre de beignes. Promis. Et oui, je me sens comme Harry Potter lorsqu’il ferme sa carte du Maraudeur. Comparaison boiteuse, certes, mais j’aime le titre. Durant l’année, près de 45 sujets auront pris d’assaut les pages de ce journal, des problématiques peu couvertes par les grands médias qui ont laissé place au talent de multiples collaborateurs qui sont destinés à une brillante carrière. Avec une section aussi large, j’ai essayé d’être diversifié et original dans ma sélection de sujets. Avec la politique fédérale, la course automobile et le logement social, j’espère que cette dernière édition remplit toujours cette mission. Dans ma dernière chronique de 2014, j’affirmais tout bonnement que j’allais écrire sur les prochaines élections fédérales et sur le virage social de Pierre-Karl Péladeau. Ma chronique a en effet été plutôt inexistante cette session, milles excuses aux nombreux lecteurs de Méfaits Divers. En tout cas, mieux vaut tard que jamais… PKP ? Un bien faible politicien qui ne se fie qu’à sa notoriété pour l’emporter et offre un plan vers la souveraineté aussi flou que son ancienne chef. Ne soyez pas surpris de voir Québec solidaire devenir l’option de choix pour les souverainistes québécois dans les prochaines années. Harper ? De plus en plus un clone de George W. Bush. Incapable de faire une campagne sur son bilan économique, il faudra s’attendre à une campagne de peur sur le terrorisme avec un tas de raccourcis. Ça n’aide pas que son principal rival soit incapable de prouver qu’il est là où il se trouve pour une autre raison que son nom de famille. En dernier lieu, il faut que je souligne l’énorme travail réalisé par le reste de l’équipe. Avec Vieille École, Olivier Landry et Poque, j’ai rarement vu une équipe aussi diversifiée produire un résultat final d’une telle qualité. Quatorze jours après 14 jours après 14 jours. Difficile d’imaginer une meilleure équipe avec laquelle travailler toute l’année. Plus que jamais, le Montréal Campus a prouvé qu’il était vital à la vie uqamienne et avec la relève prometteuse qui vient d’y faire ses premières armes, le futur s’annonce sans aucun doute prometteur. Nos bras meurtris vous tendent le flambeau, à vous toujours de le porter bien haut. Et lorsque je pense aux murs jaune-orange du V-1380… oups j’ai failli déraper. Nous sommes de votre côté. Étienne Cournoyer Chef de pupitre Société [email protected] Twitter : @E_Cournoyer 15 avril 2015 uqam Martine Delvaux Écrire, Enseigner, Dénoncer Camille Lopez Photo : Camille Lopez À l’avant-plan médiatique du scandale des portes placardées à l’UQAM et présente sur la ligne de front des dénonciations de harcèlement sexuel envers les étudiantes, Martine Delvaux est l’une des voix féministes les plus écoutées du Québec. W W W.M O NTR EALCAM PU S.CA T É L É P H O N E :514 - 9 87- 7018 L’instance décisionnelle de Montréal Campus est la société des rédacteurs (SDR). Pour en faire partie, il faut avoir collaboré à trois numéros ou être membre du personnel régulier. vol. XXXV no. 6 / 15 avril 2015 Rédactrice en chef / Catherine Paquette - Chefs de pupitre / UQAM / Frédéric Comeau - Société / Étienne Cournoyer - Culture / Colin Côté-Paulette - WEB / Catherine Lamothe - Réseaux sociaux / Catherine Drapeau stagiaires / Benoit Lortie et Carl Vaillancourt - Graphisme de la une / Gabriel Pelletier / Photo de la une / Félix Deschênes / Contrôleuse financière / Sandrine Boniface - Graphisme et montage / Fleur de Lysée design graphique et Gabriel Pelletier - Photographie et illustrations / Félix Deschênes, Camille Lopez, Catherine Lamothe, Benoit Lortie, François L. Delagrave, goodreads.com, lemetropole.com - Impression / Payette et Simms - Ont collaboré à ce numéro / Marie-Pierre Rondeau, Camille Lopez, Jasmine Legendre, Félix Deschênes, Guillaume Lepage, Samuel Lamoureux Publicité / Accès Média : 514 524-1182 [email protected] Dépot Légal : Bibliothèque nationale du Québec - Bibliothèque nationale du Canada Montréal Campus est publié par les éditions Montréal Camping Inc. C.P. 8888 succ. Centre-Ville, Montréal (QUEBEC) H3C 3P8 Téléphone : 514 987-7018 Courriel : [email protected] / Internet : montrealcampus.ca Toutes les personnes intéressées à participer à la production du journal Montréal Campus sont invitées à se présenter au local du journal (V-1380), au pavillon V, 209 rue Sainte-Catherine Est, ou encore à se manifester par téléphone au 514 987 7018 par courriel ou sur notre page Fecebook. 15 avril 2015 L’heure du midi a sonné depuis longtemps et Martine Delvaux contemple la foule éclectique du petit café français du Plateau où elle sirote une eau gazeuse. Son sourire rayonnant, son visage ouvert et ses cheveux éclatants attirent tous les regards sur elle, malgré l’achalandage. La professeure, très présente dans l’actualité l’année dernière, notamment en ce qui concerne les agressions non-dénoncées et les relations professeursétudiantes, continue d’être une ressource phare du féminisme au Québec et surtout à l’UQAM. Dès le début de sa carrière, la professeure fait le choix de n’enseigner que des travaux de femmes à ses étudiantes. «La littérature que je fais lire sont des textes de femmes. Et je l’enseigne toujours en disant aux filles que tant qu’on ne montrera pas autant de femmes que d’hommes dans les cours, je serai tenue de leur en faire lire. Sinon elles n’en liront pas», déclare-t-elle en replaçant ses lunettes. Ce choix reflète son militantisme féministe. Se manifestant de manière théorique au début de la carrière de l’enseignante, il se développe et évolue au fil de son parcours. «Je suis devenue féministe en enseignant, comme Simone de Beauvoir l’est devenue après avoir écrit Le deuxième sexe. Honnêtement, c’était un peu comme un costume que je portais au début de ma carrière. Ce féminisme profond, engagé pour lequel on me connaît maintenant est venu plus tard.» Son étudiante et collègue Valérie Lebrun ne manque pas d’éloges pour celle qui lui a demandé de collaborer dès le début de sa maîtrise. «Martine se démarque par son courage intellectuel, sa capacité à argumenter avec nuances et délicatesse, son énergie, sa justesse, son humour, et par sa passion. En elle, j’ai trouvé non seulement une lectrice attentive et généreuse, mais une alliée hors pair», déclare-t-elle. Au printemps érable, Martine Delvaux troque les livres pour la rue. «La grève étudiante a changé quelque chose. À ce moment-là, j’ai publié un roman, ce qui m’a envoyée sur les réseaux sociaux et ça a fait boule de neige. Ils sont alors devenus un lieu de militance pour moi.» Aujourd’hui, l’opinion de la féministe est régulièrement sollicitée par les institutions académiques, par les médias et par un grand nombre de gens qui la suivent sur les réseaux sociaux. L’UQAM a d’ailleurs fait appel à son expertise en lui demandant de siéger au comité de révision de la Politique 16 contre le harcèlement sexuel. Avec deux étudiantes, dont Valérie Lebrun, elle a organisé le colloque, Sexe, amour et pouvoir, une réflexion sur les relations entre les professeurs et étudiants sans se douter de la portée des événements de l’automne : le phénomène #AgressionsNonDénoncées, le scandale de Jian Gomeshi, et les portes de bureaux de certains professeurs de l’UQAM placardées d’accusations de harcèlement et d’agressions sexuelles. Le colloque tombe à point. «Au fil des années, quand on entend beaucoup de choses, on se dit qu’il y a un abcès à crever. Comme prof, je sentais le besoin d’aborder ces questions-là. Il fallait les aborder pour éviter que ça éclate, mais ça a éclaté avant que l’on puisse avoir le colloque.» Terminus Montréal Les études de Martine Delvaux l’emmènent jusqu’aux ÉtatsUnis, à l’Université du Michigan, où elle complète son doctorat en études de la littérature romantique. Elle goûte alors à l’enseignement, un domaine dans lequel elle a toujours voulu évoluer. «Je pense que je me suis tournée vers l’enseignement par pure passion. Pour moi c’était la seule voie. J’ai toujours voulu faire deux choses : écrire et enseigner.» Ses études terminées, elle obtient un poste de professeure au RoyaumeUni à l’Université de South Hampton. «C’est de là qu’est parti le Titanic, mais ça s’arrête pas mal à ça, ajoute-t-elle en riant. J’étais désespérée de quitter l’Angleterre. J’étais très jeune et j’avais très peu de temps pour écrire des livres, et faire de la recherche.» Entre en scène l’UQAM, qui offre alors à la jeune professeure un contexte beaucoup plus intéressant. À Montréal comme enseignante de théorie féministe, Martine Delvaux se sent plus à son aise. Elle adopte rapidement Montréal et s’identifie au côté gauchiste de l’université. «J’ai été embauchée en tant que professeure à l’UQAM à 27 ou 28 ans et j’ai quand même bien ramé ! Ce n’est pas facile d’être professeure si jeune. Mais j’ai pu m’installer dans ce rôle, dans cette nouvelle ville et me fabriquer», relate-t-elle les yeux pétillants. Le ton de la professeure devient nostalgique lorsqu’elle parle de l’université qui l’a adoptée. «J’ai choisi l’UQAM et elle m’a choisie en retour. Je tiens fortement à son héritage de militantisme. Il constitue toute la richesse de l’université. De voir qu’on menace des jeunes d’expulsion et qu’on essaie d’étouffer le mouvement étudiant je trouve ça vraiment triste.» Sa bouteille d’eau gazeuse vide, Martine Delvaux quitte le café. À l’extérieur, la température baisse et Montréal ne connaît plus les airs tièdes et agréables de tout à l’heure. D’un pas assuré, la professeure retourne aux nombreuses implications qui réchauffent déjà son printemps. Montréal Campus 3 uqam La momie de l’UQAM Une perle rare au rancart Marie-Pierre Rondeau La momie égyptienne de l’UQAM, artéfact de valeur historique et éducative immense, se fait extrêmement discrète. Si bien que peu d’étudiants sont au courant de l’existence de cette grande dame oubliée. momie et son sarcophage en cadeau à l’École des beauxarts de Montréal lors de son inauguration en 1927. Dès son arrivée, elle a été pla- lors de l’exposition sur la mort et l’immortalité de l’artiste arménien Sarkis. Six ans plus tard, Hetep-Bastet a été la tête d’affiche d’une Photo : François L. Delagrave, uqam.ca L’UQAM est fière de sa pièce de collection, mais n’arrive pas à débloquer le financement pour fournir l’équipement sécuritaire pour l’exposer en public.» Rares sont ceux qui ont eu la chance de voir HetepBastet. Immobile, enroulée dans ses bandelettes et couverte d’un linceul en jute brunâtre retenu par cinq cordes, elle dort depuis presque une éternité déjà. Il est difficile de discerner les traits de son visage, mais sa silhouette est toujours définie. Hetep-Bastet n’est plus jeune. Elle en a vu de toutes les couleurs depuis son arri- Hetep-Bastet et son sarcophage, propriétés de l’UQAM assurées pour une valeur de 200 000 $, reposent dans une chambre de préservation du Centre de collections muséales sur la rue Peel, bien à l’abri des regards. C’est ce qu’assurent la directrice et la conservatrice de la Galerie de l’UQAM, Louise Déry et Audrey Genois. «Ça prend un contexte particulier pour la sortir et il manque de fonds pour avoir Hetep-Bastet n’est plus jeune. Elle en a vu de toutes les couleurs depuis son arrivée au Québec en partance de l’Égypte» vée au Québec en partance de l’Égypte. Malgré toutes les péripéties qu’elle a surmontées, la momie est considérée dans un excellent état pour son âge. Près d’elle gît son cercueil en bois recouvert de peinture aux couleurs vives représentant fleurs, hiéroglyphes et dieux grecs. La momie égyptienne 4 Montréal Campus un musée universitaire développé», explique Louise Déry. L’UQAM est fière de sa pièce de collection, mais n’arrive pas à débloquer le financement pour fournir l’équipement sécuritaire pour l’exposer en public. Ceux qui l’ont vue affirment qu’elle «inspire la solennité» et que la rencontrer en tête-à-tête est une Hetep-Bastet a vécu 600 ans av. J.-C. et provient de Memphis au nord de l’Égypte.» expérience très intime, beaucoup plus qu’au musée, selon Audrey Genois. Une histoire haute en couleur se cache derrière ce mystérieux artéfact qui n’est pas sorti de sa voûte depuis sa tournée aux États-Unis en 2010. Parcours hors du commun Hetep-Bastet a vécu 600 ans av. J.-C. et provient de Memphis au nord de l’Égypte. «La qualité des peintures et des hiéroglyphes sur son sarcophage révèle qu’il s’agit d’une femme de la bourgeoisie égyptienne, mais pas de famille royale», précise le professeur à l’UQAM chargé du design de l’exposition Tombes éternelles – L’Égypte ancienne de l’au-delà au Musée des civilisations en 2009, Philippe Lupien. L’examen du radiologiste Pierre Robillard en 1997 révèle qu’elle avait une blessure au fémur gauche et est décédée vers l’âge de 65 ans. Ses abcès dentaires ont poussé Pierre Robillard à conclure qu’elle aimait bien la bière. Une analyse plus récente de l’anthropologue de l’Université de Western, Andrew Nelson, utilisant une nouvelle technique de numérisation, montre plutôt qu’elle serait décédée vers 40 ans. Réalisée en 2008, l’étude raconte que son alimentation haute en glucides et le sable contenu dans le pain auraient occasionné ses problèmes buccaux et qu’il ne s’agirait pas du houblon. L’âge vénérable de Hetep-Bastet demeure toutefois un exploit, puisqu’à l’époque, la longévité moyenne était de 20 ans. Passage cahoteux à l’École des Beaux-Arts Le Musée du Caire a offert la cée sous un coffre de verre en haut de l’escalier du hall principal. «C’était vraiment la mascotte de l’École des Beaux-Arts», mentionne Louise Déry avec amusement. Une quarantaine d’années paisibles ont passé avant que la momie ne soit violemment sortie de son sommeil, en pleine crise étudiante de 1968, lorsqu’un jeune, sous les effets d’une drogue nonidentifiée, s’en est pris à Hetep-Bastet qui représentait «les valeurs du passé». La momie a été projetée en bas du premier étage et a éclaté en centaines de morceaux. Hetep-Bastet, la vedette La momie est devenue la propriété de l’UQAM en 1969 lorsque l’Université du peuple a été créée avec le regroupement de l’École des BeauxArts, le Collège Ste-Marie et trois autres écoles. Un an à peine après son arrivée, la momie a été de nouveau victime de vandalisme par un étudiant qui s’en est pris au sarcophage. Les dommages ont été considérables, mais il a fallu attendre jusqu’en 1996 pour que Hetep-Bastet soit restaurée pour l’enregistrement du documentaire de Claude Laflamme, La République des arts : la malédiction d’une momie, qui porte sur les manifestations de 1968. La momie est entrée à la Galerie de l’UQAM en 2003 exposition sur l’Égypte ancienne au Musée des civilisations de Gatineau composée de quelque 200 artéfacts du Musée des beaux-arts de Boston. «La momie dont les pieds, les os et la tête étaient brisés a été restaurée pour l’occasion», explique le chargé de projet du Musée des civilisations responsable de l’exposition, Steve Lévesque. Reléguée aux oubliettes «Son dernier voyage était en Arkansas lors d’une exposition en 2010 au Arts Center puis elle est retournée à sa caisse de conservation au Centre de collections muséales», mentionne Audrey Genois. Pour sa part, Louise Déry soutient que la momie est logée en dehors de l’UQAM dans une pièce sécurisée à température contrôlée à des fins de préservation. La Galerie UQAM aimerait toutefois sortir Hetep-Bastet de sa léthargie. «On prévoit créer une exposition spéciale avec Hetep-Bastet en 2017 dans le cadre du 375e anniversaire de la Ville de Montréal, mais la forme reste à être décidée», conclut Louise Déry. D’autres projets sont aussi sur la table dont un prêt à long terme à un musée canadien ou une possible restitution au Caire qui rapatrie de temps à autre ses momies dispersées à travers la planète. Hetep-Bastet pourrait bientôt devoir rentrer chez elle. 15 avril 2015 uqam Alain Gerbier Militant insoumis Jasmine Legendre Membre du conseil d’administration de l’UQAM depuis quelques mois, Alain Gerbier titre un nouveau chapitre de sa vie mouvementée. Entre la sculpture, la rédaction et ses multiples implications, le chargé de cours a déjà fait sa marque à l’université. 15 avril 2015 les plus infimes détails sont importants. Alors qu’il déblatère son histoire débutant au Tour en France et se continuant au Canada, le chargé de cours fait tomber les dates avec précision. «J’ai toujours eu une forme de résistance à tout ce qui me paraissait injuste, souligne celui qui enseigne à l’École des médias. Je suis d’ailleurs au Canada, parce que j’ai été insoumis.» Il a aussi refusé de faire le service militaire obligatoire en temps de paix. Son collègue professeur en journalisme Jean-Hugues Roy confirme ce désir de mobilisation contre les injustices qu’il constate chez Alain Gerbier. Il raconte qu’en octobre 2000, le chargé de cours a manifesté seul à la place Émilie-Gamelin pour les droits d’auteur des journalistes pendant un mois et demi. Celui qui n’hésite pas à faire prévaloir son point de vue raconte qu’il est arrivé à l’une des réunions du SCCUQ* avec une bouée au cou pour illustrer que le syndicat était sur le point de couler. «Il y a des risques de ne pas se faire prendre au sérieux. Est-ce qu’il mesure ça ? se questionne Jean-Hugues Roy. Parfois, la force de ses mots pourrait être suffisante, sans artifices. Alain a une grande qualité : son éloquence.» Tout au long de sa carrière, Alain Gerbier a été très investi, touchant à plusieurs projets ici et là. Son leitmotiv est de rencontrer les gens dans leur milieu pour dresser un portrait juste de leur réalité. C’est ainsi qu’il s’est introduit à plusieurs endroits, il a même travaillé dans une usine, pour comprendre, toujours apprendre. C’est ce qu’il appelle le «journalisme ouvrier». Il affirme avoir voulu s’intégrer à la communauté universitaire et comprendre chaque facette de l’université où il agit comme chargé de cours. Alors qu’il travaillait déjà sur un projet de livre sur les Premières Nations, Alain Gerbier révèle qu’il bûche sur un autre projet d’écriture sur l’UQAM. «Depuis plusieurs années, je note des bouts de phrases, des conversations que j’entends», explique-til. L’objectif est le même, prendre son temps et offrir une couverture complète au lecteur. «Alain, il incarne le journaliste confrontant, des fois il va choquer les gens. Mais, on a besoin de ça. Les journalistes doivent déranger», ajoute JeanHugues Roy. À travers les dizaines de boîtes dûment identifiées qui décorent son bureau, Alain Gerbier est en train de faire le tri de sa vie. Avec ses récents problèmes de santé, il a réalisé «qu’il ne s’en va pas vers le mieux.» Il veut faire de la place pour finaliser ses derniers projets de sculpture, son échappatoire au journalisme, et d’écriture. Le temps, une notion qu’il aborde incessamment, ne doit pas lui filer sous les doigts. La résidence d’Alain Gerbier n’est pas qu’un lieu de création, elle est aussi sa propre galerie d’art qui porte d’ailleurs déjà son nom «Glaviot et Molard». Le chargé de cours est un personnage singulier, selon Jean-Hugues Roy. «Quand on lit ses textes, on peut entendre la voix d’Alain dans notre tête», souligne son collègue. Il s’est certes opposé à divers projets pendant sa vie, mais toujours selon la même ligne de pensée : «Si on ne se questionne pas, les choses n’avancent pas», martèle Alain Gerbier. Photo : Félix Deschênes Alain Gerbier «s’est tapé» trois ans à la Commission des études pour comprendre le fonctionnement de l’université pour finalement accepter de siéger sur le conseil d’administration de l’UQAM. «Pour être honnête, je voulais savoir comment ça marchait !» avoue l’homme avec un petit sourire aux lèvres. L’âme militante s’insurge des maladresses et des erreurs politiques de l’instance universitaire, mais précise que ceux qui y siègent sont de bonne foi. «Je suis extrêmement heureux, car les gens qui y siègent ce sont des gens qui ont un véritable intérêt du bon fonctionnement de l’université», explique celui qui est sur le conseil d’administration avec l’ancienne journaliste Lise Bissonnette. Il a fait ses premiers pas dans l’UQAM afin de se trouver une tierce source de revenus pour mener à bien ses projets. Chargé de cours depuis environ 30 ans à l’UQAM, il ne croit pas «former les gens» à l’université, mais plutôt les guider dans leur cheminement. Le Français d’origine réside au Québec depuis 1971 et avait pour but initial de couvrir le hockey à titre de correspondant. L’ancienne usine de haute couture de la rue Cartier qui sert à la fois d’atelier et de logis à Alain Gerbier a bien changé depuis son acquisition il y a 35 ans. Dans son havre mythique, les yeux du chargé de cours s’émerveillent alors qu’il raconte l’histoire de sa propriété. Certaines portes proviennent du Sheraton Montréal, une reproduction ludique de la Chapelle Sixtine y est même peinte. «Les solives de ma cuisine sont de la première conciergerie de Montréal», poursuit celui pour qui *SCCUQ : Syndicat des chargés de cours de l’UQAM Montréal Campus 5 societe Isabelle Tremblay Sur les chapeaux de roue Carl Vaillancourt Si bien des Québécois rêvent de chausser les pneus d’une monoplace en course automobile, la route peut être longue et ardue avant d’arriver à destination. En tant que femme, Isabelle Tremblay a du contourner bien des obstacles avant même d’entamer la course. «Elle est la pionnière d’un contingent de femmes qui ont osé faire de la course automobile au Québec.» Photo : lametropole.com 6 Montréal Campus Le pouls qui s’accélère, l’excitation qui la gagne, elle attend impatiemment que les lumières rouges s’éteignent et c’est le début d’une nouvelle course. Agente immobilière depuis belle lurette, Isabelle Tremblay est une femme active, mais elle n’avait jamais ressenti autant de frénésie pour un sport qu’en course automobile. Il y a déjà cinq ans qu’Isabelle a découvert sa passion pour les courses automobiles, alors qu’elle ne faisait qu’un simple essai routier avec un de ses clients à l’autodrome de SaintEustache. Elle est la pionnière d’un contingent de femmes qui ont osé faire de la course automobile au Québec. Sportive de nature, elle est reconnue pour ses exploits sur la piste depuis le moment où elle s’est lancée dans ce sport. À sa première participation dans une course de 200 tours, elle a remporté l’épreuve face à ses 97 adversaires présents. «C’était un sentiment incroyable que j’ai vécu cette journée-là, c’était ma première victoire en compétition, je m’en souviens encore», affirme la pilote. Des rangs mineurs aux ligues majeures Après avoir remporté plusieurs courses dans la Formule 1600, division automobile au Québec, Isabelle fait le saut dans la série Nascar Canadian Tire, une des séries les plus prestigieuses de course automobile en Amérique du Nord. Son ascension s’est faite de façon fulgurante, puisque dès son entrée sur le circuit de la Nascar Canadian Tire, elle s’est retrouvée trois fois dans le top 10 la saison dernière. Lors du Grand Prix de Trois-Rivières, elle a terniné dans les 10 premières positions. «À chaque course, je visualise la victoire, je ne veux rien de moins, du moins j’aimerais bien me retrouver sur le podium au courant de la saison qui s’en vient en série Canadian Tire», affirme Isabelle Tremblay. Si bien des pilotes rêvent de prendre le volant d’un bolide en Formule 1, ce n’est pas le cas de la mère monoparentale qui demeure sur la Rive-Nord de Montréal. «Je suis consciente de la réalité et je ne vise pas vraiment la course en Formule 1, mais je ne ferme pas la porte à l’éventualité de vouloir tenter ma chance en Nascar Nationwide aux États-Unis», mentionne Isabelle Tremblay. Il y a quelques années, le portrait des pilotes automobiles se résumait en un genre, celui du masculin. Depuis l’arrivée de Danica Patrick en Nascar Nationwide 2011, il y a une augmentation du nombre de femmes qui pratiquent le sport automobile. Isabelle Tremblay a une grande estime pour celle qui est la nouvelle coqueluche du circuit aux ÉtatsUnis. «Elle est un modèle de force de caractère et elle possède une endurance physique incroyable, elle est une source d’inspiration pour une grande part de jeunes femmes qui s’intéressent à ce sport à travers le monde», croit Isabelle Tremblay. Ce n’est pas toujours évident de faire affaire avec la mentalité machiste et sexiste de certains amateurs. Isabelle Tremblay avoue avoir déjà subi des remarques similaires dans le passé, ce qui peut jouer sur l’estime des femmes dans ce milieu, mais ce ne fut pas son cas. «Du sexisme il y en aura toujours, il faut apprendre à vivre avec cela, puis je suis une peau de canard, ces propos m’aident simplement à me motiver encore plus dans la quête de mon but, celui de gagner», rétorque la principale intéressée. Ce même message, elle tente de l’enseigner aux jeunes femmes lors de conférences ou de son émission radiophonique À chacun sa course sur les ondes de CNV Radio. Elle y rencontre des personnalités publiques de tous les milieux qui s’intéressent de près ou de loin à la course automobile. Même si elle est un modèle pour les femmes, tout ce travail peut paraître épuisant par moment. «Sans contredit, elle a un talent en tant que pilote, mais je crois qu’elle en fait un peu trop à l’extérieur de la piste comme les œuvres de charité, les causes sociales et les trucs de célébrité», lance le journaliste de 360Nitro et connaissance d’Isabelle Tremblay, Denis Lecours. Sa détermination et son esprit de compétitivité pourraient faire d’elle la deuxième pilote féminine sur la série Nascar Nationwide, l’une des plus prestigieuses en Amérique du Nord. Elle devra tout d’abord faire ses marques dans les rangs mineurs et espérer qu’une écurie l’accueille pour qu’elle puisse évoluer dans la grande ligue. La course automobile n’est toutefois pas son plus grand accomplissement. «Ce qui me rend le plus fière dans la vie, c’est sans aucun doute mon garçon qui aura son bal de finissants du secondaire cette année, il vieillit bien», affirme Isabelle Tremblay. Pour plusieurs personnes, il peut être difficile de consolider la vie familiale, le travail et le sport. Pourtant, c’est ce qu’Isabelle Tremblay fait depuis plusieurs années. «Le secret de ma réussite passe par une seule chose : la discipline.» 15 avril 2015 societe François Saillant Le Front tout le tour de la tête Félix Deschênes La douceur et le calme de François Saillant dissimulent la hardiesse dont il fait preuve dans sa lutte pour que plus d’individus vulnérables aient un toit au-dessus de la tête. S’exprimant de manière aussi franche que posée sur les thèmes sociaux qui l’interpellent, l’homme sobrement vêtu semble habité par une véritable force tranquille. Diplômé en journalisme de l’Université Laval, l’activiste a rapidement pris ses distances des grands canaux médiatiques afin de s’impliquer dans divers groupes sociaux. Que ce soit dans le collectif avec lequel il a produit des vidéos sur les luttes populaires, au milieu des années 1970, ou au sein du mouvement marxisteléniniste pour lequel il est ensuite devenu journaliste, François Saillant a toujours gardé en ligne de mire la question du logement. Ayant lui-même vécu une situation de précarité, le coordonnateur du Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU) admet avoir été sensibilisé très tôt à la cause. Derrière sa monture argentée, son regard s’attendrit alors qu’il décrit les problèmes de logement qui remontent à son enfance. «Ma première maison, du plus loin que je me rappelle, a été démolie juste après notre déménagement, explique-t-il. Il y avait des rats un peu partout ; c’était vraiment un taudis ! Même pour un enfant, ça éveille la conscience.» François Saillant a adhéré aux rangs du FRAPRU quelques mois à peine après sa création, à l’automne 1978, ce qui en fait le plus ancien contributeur de l’organisme. «On m’aurait dit, au moment où je me suis joint au mouvement que j’y serais encore 36 ans plus tard, et je n’y 15 avril 2015 aurais pas cru», avoue-t-il. Aujourd’hui, le militant sexagénaire se dit fier d’avoir contribué aussi longtemps à la cause, n’ayant jamais plié l’échine face aux politiques restreignant l’accès au logement. Fierté qu’il déclare avec une retenue empreinte de modestie. «Je ne dirais pas que j’ai joué un rôle mineur, mais beaucoup d’autres intervenants ont joué un rôle important au sein du mouvement», insiste-t-il. En plus d’avoir contribué à la mise sur pied du Regroupement de solidarité avec les Autochtones, pendant la Crise d’Oka, François Saillant a cofondé avec Françoise David le parti Option citoyenne, des cendres duquel est né Québec solidaire en 2006. Bien qu’il se soit depuis retiré de la joute politique, le lauréat du Prix Droits et Libertés de 2002 combat toujours la négation des droits sociaux au quotidien. À son avis, cet irrespect des droits s’incarne récemment dans l’encadrement exagéré des manifestations. «Au FRAPRU, on ne donne jamais nos itinéraires et on est encore moins partants de le faire après l’adoption du règlement [P6] en 2012, explique-t-il, convaincu. D’autres organisations font la même chose que nous, et du moment où elles mettent le pied dans la rue, elles sont encerclées ; on parle d’un véritable profilage politique.» François Saillant exprime d’ailleurs haut et fort son appui aux soulèvements étudiants récents, dans lesquels il puise un certain espoir. «Ce que les étudiants sont en train de faire présentement, c’est d’assumer une responsabilité que ma génération n’a pas assumée suffisamment», avance-t-il. Un toit qui coule Malgré les réussites passées du FRAPRU, la lutte est pourtant loin d’être terminée pour les défenseurs québécois du droit au logement. La publication du budget Leitão, le 26 mars, a provoqué une véritable onde de choc auprès des organismes sociaux de tout acabit. Il prévoit entre autres la diminution de 3000 à 1500 logements sociaux financés annuellement sous le programme provincial AccèsLogis. «Ce budget fait extrêmement mal, allègue François Saillant, d’une expression consternée. Il nous ramène 15 ans en arrière du point de vue des investissements provinciaux, et on ne sait pas où ça arrêtera.» Le coordonnateur du FRAPRU souligne que les libéraux réintroduisent par le faitmême une formule des années 1990, qui consiste à louer des habitations sur le marché privé, pour y faire entrer des gens à faible revenu. «On reste dans une logique du profit qui nie le droit au logement de façon considérable, précise-t-il. Sans porter de jugement moral, il est évident que même un petit propriétaire-occupant qui veut se constituer un bas de laine n’est pas là pour faire la charité.» Le FRAPRU milite depuis plusieurs années pour extirper le maximum de logis de cette logique de marché, plaidant pour un financement plus important de l’État dans les initiatives à but non lucratif. Le militant ne se gêne pas pour critiquer l’attitude des «idéologues de droite» du gouvernement libéral, qu’il trouve choquante et révoltante. «C’est pratiquement l’Institut économique de Montréal qui est au pouvoir ! s’exclame-t-il, avec un sourire incrédule. On assiste Photo : Félix Deschênes Ardent défenseur du droit au logement, François Saillant milite depuis son adolescence pour diverses causes sociales. À l’aube d’une retraite bien méritée, le coordonnateur du FRAPRU s’entête à poursuivre le combat, contre vents et marées. à une révision en profondeur du rôle de l’État québécois, pour que ce qui existe encore de rôle social disparaisse, au profit d’un autre rôle, qui est celui de facilitateur des investissements privés.» Bien qu’il admette que sa dernière année de travail s’annonce peu réjouissante, François Saillant préfère éviter la voie du cynisme. «Ma colère est toujours plus forte que ma frustration, exprime-t-il. Le goût et la détermination de faire quelque chose sont encore présents.» Montréal Campus 7 societe Pierre-Luc Dusseault L’étudiant de la Colline Guillaume Lepage Photo : Flickr Pierre-Luc Dusseault La vague orange troublait les eaux atones de la scène fédérale en 2011, déversant dans l’opposition officielle des députés néo-démocrates en majorité inexpérimentés. Produit de cette déferlante, les Sherbrookois ont mandaté Pierre-Luc Dusseault de les représenter à Ottawa. Il avait 19 ans. 8 Montréal Campus À l’orée des élections fédérales prévues à l’automne 2015, le flegmatique politicien à la bouille sympathique ne ralentit pas la machine. Fort actif auprès de ses concitoyens, il lutte toujours contre l’indolence des conservateurs afin d’obtenir une réfection des installations aéroportuaires de Sherbrooke. Pierre-Luc Dusseault s’est découvert un goût avisé pour la politique lorsqu’il a entamé ses études collégiales au Cégep de Sherbrooke. «Je suivais beaucoup les débats à la Chambre des communes pendant ma première année», relate celui qui carburait davantage aux prises de bec des élus qu’à la matière dispensée par ses enseignants. «Quelques-uns de mes amis trouvaient ça un peu spécial qu’au lieu d’écouter le professeur en classe parfois j’étais branché sur mon ordinateur pour [suivre] la période de questions», lance-t-il à la blague, réprimant un léger rire. D’une voix placide, il soutient que c’est à ce moment qu’il a commencé à s’intéresser à la politique. Les valeurs de justice sociale et d’équité véhiculées par le regretté Jack Layton l’ont accroché. Comme plusieurs, il n’est guère resté insensible au charisme de l’ex-chef néodémocrate. «J’ai décidé de m’impliquer au NPD pour une raison bien simple : je trouvais que le message de Jack était un message d’espoir», résume-t-il. Séduit, l’étudiant originaire de Granby a multiplié ses implications au sein du Nouveau parti démocratique (NPD), animé par ce souhait de se familiariser avec les rouages des diverses instances de la formation et de «faire sa part». Diplôme en poche et toujours porté par ce goût pour la politique qui ne tarit guère, Pierre-Luc Dusseault a amorcé un baccalauréat en études politiques appliquées à l’Université de Sherbrooke. Parallèlement à la poursuite de ses cours, il a fondé le club campus néo-démocrate de l’université, où il a agi à titre de président. Il a occupé de surcroît la présidence de l’association du Nouveau parti démocratique de sa circonscription fédérale. À la lumière de ces implications, il atteste que cette décision de briguer les couleurs du NPD aux élections fédérales de 2011 n’était pas étrangère à ce choix de cursus universitaire. «C’est sûr que lorsque je me suis inscrit dans le programme de politique, c’était dans le but, d’une façon ou d’une autre, de travailler de près ou de loin en politique», explique-t-il. L’étoffe d’un député Au printemps 2011, PierreLuc Dusseault est choisi par les militants néo-démocrates de son comté pour la course à la députation de Sherbrooke. Il a ainsi vécu fébrilement ses premières élections comme candidat, mais aussi comme simple citoyen désormais en âge de voter. Au mois de mai de la même année, la vague orange secouait le Québec. Un vent de fraîcheur impétueux a soufflé sur la colline parlementaire alors que la province confiait à 55 députés le soin de défendre ses intérêts à Ottawa. Figure de proue de ce «flot politique», Pierre-Luc Dusseault a défait le bloquiste Serge Cardin en poste au Parlement depuis 1998. Âgé de seulement 19 ans, l’étudiant originaire de Granby est devenu de facto le plus jeune député de l’histoire élu à la Chambre des communes du Canada. Une fois la tempête passée, la recrue a craint faire l’objet d’une «stigmatisation» récriminante par ses collègues des autres formations politiques. «C’était la crainte que j’avais avant d’arriver à Ottawa, à savoir avec quel sérieux mes collègues des autres partis allaient me prendre», confesse-t-il d’une voix impassible. Le 24 avril, le chef nouvellement élu Thomas Mulcair a nommé Pierre-Luc Dusseault à la présidence du Comité permanent de l’accès à l’information, de la protection des renseignements personnels et de l’éthique (ETHI). Le député estime que cette marque de déférence que lui a témoignée son chef a sans doute contribué à «asseoir sa réputation» auprès de ses collègues. «Ça m’a permis de travailler avec les députés de tous les partis puis de gagner une certaine confiance, un certain respect», indique-t-il. Abstraction faite de ses craintes initiales désormais dissipées, le député fédéral dresse un bilan positif de ces quatre dernières années passées à servir et défendre les intérêts des citoyens et citoyennes de sa ville d’adoption. «Je suis satisfait, mais ce sera à la population de Sherbrooke de décider à l’automne si eux aussi sont satisfaits», tranche-t-il. Pierre-Luc Dusseault a aujourd’hui 23 ans et une expérience appréciable au sein de l’appareil étatique canadien. Celui qui n’envisage pas la défaite aux prochaines élections rappelle les petites victoires que son équipe parvient à accomplir au quotidien. «Je pourrais vous dire qu’à tous les jours ou presque, on réussit à régler des dossiers de citoyens à mon bureau de circonscription, énonce-t-il. Je suis satisfait de mon bilan, j’ai fait de mon mieux.» 15 avril 2015 culture Geneviève Amyot Je te lirai encore demain Samuel Lamoureux Une génération complète de poètes québécois souligne le quinzième anniversaire de la mort de Geneviève Amyot ce printemps. Cette poète de Lévis toujours lue et célébrée semble prête pour l’immortalité. Extrait inédit du journal de Geneviève Amyot 22 novembre 1958 La neige tombe blanche immaculée Elle glisse paisiblement dénuée Et muette comme aux jours les plus solennels Elle descend doucement déployant ses ailes C’est si doux de la voir partout se poser Refermant tous les cœurs blessés Ensoleillant les sombres pensées Séchant les larmes des opprimés Sa tendre blancheur apporte de l’espoir Aux âmes qui errent dans les ténèbres du soir Et de son blanc manteau couvrant la terre Elle cache du monde les terribles misères Car afin de purifier les iniquités Elle apporte la paix à l’humanité La neige voltige, semant ça et là le bonheur L’amour et la douce paix du cœur Son éditeur croit qu’une place lui revient, quelque part entre Anne Hébert et Réjean Ducharme, pour sa voix tremblante, mais forte, morcelée, bien qu’assurée. Oui, le souffle de Geneviève Amyot est toujours présent dans la poésie contemporaine, soutient le directeur des Éditions du Noroît, Paul Bélanger, et il pourrait être bien plus fort. «Elle a renouvelé le langage poétique dès son premier titre avec La mort était extravagante publié en 1975, énonce l’éditeur ayant publié les œuvres de la poète. Elle est toutefois méconnue, parce que presque sauvage.» Celui-ci explique que la poète de Lévis vivait complètement retirée, à l’abri de la ville, 15 avril 2015 inspirée principalement par sa famille et le fleuve. «Elle vivait recluse, mais la force de sa voix traversait les espaces, encore aujourd’hui beaucoup de poètes, Kim Doré aux poètes de brousse par exemple, se réclament de Geneviève Amyot», souligne le chargé de cours au Département d’études littéraires de l’UQAM. Elle fait partie des rares écrivains québécois, selon lui, à avoir écrit un véritable chef-d’œuvre avec son recueil encore lu et étudié : Je t’écrirai encore demain, paru en 1995. Née à Saint-Augustin-deDesmaures près de Québec en 1945 dans un milieu très rural, rien n’indiquait au départ que la jeune fille allait se consacrer à l’écriture. Comme le souligne son fils Olivier Amyot, la maison familiale ne possédait à l’époque aucun livre. «Mon grand-père trouvait que la lecture était un passe-temps inutile, tout le monde travaillait au champ. Dans ces circonstances, la passion de ma mère pour l’écriture semble innée», croit-il. Quatorzième enfant de la famille, Geneviève Amyot n’allait entrer en contact avec quelques livres qu’à la petite école, et c’est une passion qui n’allait pas s’essouffler. «J’ai retrouvé son journal intime dernièrement, son premier poème est écrit à l’âge de 13 ans, elle est déjà tellement lyrique», ajoute Olivier. Celui-ci a décidé d’ouvrir le journal de sa mère progressivement après son décès. Il a alors découvert une œuvre monumentale, puisque Geneviève Amyot écrivait tous les jours. Le recueil est toujours inédit. Olivier Amyot a permis au Montréal Campus de publier le premier poème de sa mère sur le thème de la neige le 22 novembre 1958 (voir encadré). Une immense correspondance L’écrivain et médecin Jean Désy est une des rares personnes à avoir entretenu une longue correspondance avec Geneviève Amyot. Au cours des années, cette relation s’est enrichie jusqu’à ce qu’elle compte 1500 pages, du contenu qu’il a cherché à partager pour faire entendre la voix de la poète. «Non Photo : goodreads.com La neige vient laver les crimes des Hommes La neige si pure voudrait que l’humanité soit bonne La neige qui charme les poètes Vient apporter à la terre une pudeur parfaite seulement sa parole existe encore, soutient le professeur de littérature à l’Université Laval, mais certains de ses textes comme Petites fins du mondes parus en 1988 font partie des fondements de notre littérature.» Sur les thèmes qui ont passionné l’écrivaine au cours des années, Jean Désy croit que son amour se divisait difficilement entre le fleuve, ses enfants et la poésie. «Il y avait quelque chose d’insoluble en elle, entre le fait d’être mère et le fait d’écrire», souligne-t-il. C’est cette même dualité qu’a vécue Olivier dans la maison familiale à Saint-Joseph-deBeauce. Il a grandi en voyant sa mère écrire d’une manière nécessaire et irrévocable, explique-t-il. «Geneviève avait un grand bureau de chêne où elle effectuait son travail. J’avais le droit d’y aller à condition que je ne fasse pas de bruit, rappelle-t-il. Elle a toujours semblé lutter contre la banalité et l’insensible de manière très introspective.» L’écrivaine a continué à exercer sa passion jusqu’à ce qu’elle entame un combat ultime contre une maladie dégénérative, qui aura pris 10 ans à la vaincre. Cette nécessaire volonté d’écrire est confirmée par son dernier poème, provenant aussi du journal trouvé par son fils. Celui-ci a été écrit d’une main tremblante, sur son même bureau de chêne, curieusement encore sur le thème de la neige : Elle est ici sous nos pas, sous le soleil/ Nos yeux vont brûler/ Nos yeux ne sont pas fait pour pareille lumineuse blancheur/ Nous n’atteindrons jamais la neige. Olivier Amyot n’est pas devenu poète, il est plutôt menuisier. La poésie est trop abstraite pour lui, bien qu’il se retrouve dans la sensibilité de sa mère. «Elle m’a légué cette ultrasensibilité, ce sentiment que je suis toujours étranger au cours du monde, recherchant sans cesse ma place, sans jamais la trouver», affirme-t-il. Ce printemps était aussi bien spécial pour la communauté littéraire de Québec puisque l’organisation du Mois de la Poésie, série d’évènements destinés à promouvoir les démarches poétiques, a décidé de rendre hommage à Geneviève Amyot par le lancement d’un prix international de poésie lui étant dédié. Ce prix sera remis chaque année à de jeunes écrivains sautant dans l’arène de la poésie. Une très belle façon, pour la porteparole du Mois de la Poésie, Isabelle Forest, de saluer la relève avec l’œuvre à la fois lumineuse et rigoureuse de la poète qui continuera fort probablement d’être étudiée ici et ailleurs. Montréal Campus 9 culture Michel Vézina Éternel infatigable Catherine Lamothe Photo : Catherine Lamothe Jonglant pour le moment avec les titres d’écrivain et d’éditeur, Michel Vézina est loin de mener une petite vie rangée. Audacieux et fou de littérature, ce personnage peu commun n’a pas peur de bousculer les mentalités pour créer un univers littéraire à son image. L’après-midi printanier est déjà bien entamé lorsque l’auteur s’engouffre dans un minuscule café, entre deux des rendez-vous qui composent sa journée chargée. L’écrivain qui a tantôt travaillé dans un cirque, puis dans un théâtre ambulant, avant de porter le chapeau de chroniqueur et finalement d’éditeur, ne semble jamais à court de projets. Michel Vézina s’impose d’emblée comme un auteur rigoureux, critique et mordant ; mais au fond de lui repose avant tout un homme passionné, amoureux des mots. Élevé entre une mère qui dévorait des romans et un père qui lisait religieusement les journaux, Michel Vézina a appris à lire à une vitesse folle, dès l’âge de quatre ans. «Ça a été une révélation de comprendre que des taches sur du papier pouvaient me 10 Montréal Campus faire voir des images dans ma tête et éventuellement me faire vivre des émotions», se souvient-il avec sérieux. Rapidement, la littérature est devenue une passion plus grande que nature. L’écriture s’est imposée un peu plus tard, tout naturellement. «Vers 17 ans, j’ai commencé à me dire qu’il y avait des histoires que je ne trouvais nulle part dans les livres. Ces histoires étaient en moi, il fallait que je les sorte. Alors, j’ai commencé à écrire.» Depuis, Michel Vézina a travaillé sur toutes sortes de projets aussi insolites que variés, tous chapeautés par cet incessant désir d’écrire. Encore aujourd’hui, l’homme de 55 ans est debout dès l’aurore et écrit religieusement tous les jours, de cinq à neuf heures du matin. Il ne croit pas à l’inspiration et rejette vivement ceux qui avancent qu’il faut écrire lorsque le temps et les idées sont au rendez-vous. «Je pense qu’on devient écrivain lorsqu’on a conscience de la discipline que ça impose, lance-t-il, catégorique. Tout le monde a des histoires à raconter, et moi aussi, mais depuis près de 40 ans maintenant, je bûche, je suis acharné, je mets mes tripes sur la table pour trouver mes styles d’écriture et la meilleure manière de raconter les choses.» Dans la même veine, Michel Vézina juge sévèrement ce qui se fait actuellement dans le milieu littéraire. «On est rendus à une époque où presque tout ce qui nous est présenté comme forme d’art et de littérature se ressemble, déploret-il. Faire des livres n’a aucune importance pour moi. Ce qui m’intéresse, c’est la façon dont les livres peuvent changer le monde, peuvent nous transformer et nous permettre d’imaginer autrement.» Vivre dans un camion Habité par ce désir de valoriser une littérature de qualité, Michel Vézina sillonnera pour la première fois cet été les routes de différentes régions du Québec à bord d’une librairie mobile nommée Le Buvard. Elle passera par les Cantons de l’Est, où il a un pied à terre depuis 22 ans. Le camion regorgera de bouquins soigneusement choisis par l’écrivain. «Il y a un volet très personnel à ce projet, admet-il. Toute l’année, je passe 12 heures par jour devant un ordinateur, à écrire ou à lire dans une solitude absolue. Pourtant, je suis quelqu’un qui a toujours aimé être entouré de monde. Avec la librairie, je me crée un lieu public, à mon image, festif et littéraire où je vais pouvoir travailler.» Fondamentalement nomade, Michel Vézina pourra aussi profiter de sa librairie mobile pour être toujours en déplacement. Il aura aussi une version de sa libraire en France, où il sillonnera plusieurs villages chaque année. S’il n’a aucune attente quant à la rentabilité de son projet, Michel Vézina s’enflamme lorsqu’il évoque le scepticisme de certains devant la popularité de sa librairie mobile. «C’est faux de penser qu’un projet littéraire pointu n’intéressera pas les gens. C’est totalement condescendant, s’emporte-t-il. C’est sûr que ça ne plaira pas à tout le monde, et ce n‘est pas le but non plus, mais je pense que c’est à la portée de n’importe qui. Il suffit de tendre la main et de ne pas prendre les gens pour des imbéciles.» D’ici à ce que le camion ne soit prêt à arpenter les villages et les festivals de la province, Michel Vézina ne chôme pas. «J’espère que ce sera mon dernier projet. Je me vois bien vivre dans un camion le reste de mes jours avec des livres à vendre et des textes à écrire et à éditer», révèle-t-il en déposant sa tasse de café. D’un point de vue plus personnel, sa seule préoccupation à long terme demeure l’amour. «J’ai une blonde magnifique avec laquelle je suis très heureux, dévoile-t-il en souriant. Tout ce que je veux, c’est rester aussi amoureux d’elle et vivre le plus longtemps possible.» Dehors, le soleil de fin de journée s’éteint lentement. L’écrivain enfile son manteau, prêt à reprendre le tourbillon de son après-midi bien rempli. Difficile de croire qu’il saura un jour s’arrêter vraiment ; d’ici-là, Michel Vézina continue de rouler sa bosse avec sa passion, un livre à la fois. 15 avril 2015 culture Julien Sagot Du sous-sol à la scène Benoît Lortie Photo : Benoît Lortie Prendre des risques et foncer vers l’inconnu sont des impératifs pour le multi-instrumentiste Julien Sagot. L’ancien percussionniste de Karkwa est un véritable passionné qui voit la musique comme sa seule option. Assis près de la fenêtre du café Kahwa, un lieu qu’il aime fréquenter, l’artiste âgé de 36 ans né à Paris, Julien Sagot vit au Québec depuis l’âge de huit ans. Il se définit comme un être qui s’applique volontiers à ne pas faire comme tout le monde. Son deuxième effort solo, Valse 333, lancé en octobre, a été sélectionné dans la catégorie album de l’année aux Juno Awards. Une œuvre dont il est fier et qui selon lui, sort des sentiers battus. L’atmosphère flottante, poétique, évoquant une touche de musique du monde caractérise l’album que Julien Sagot décrit comme un mixage d’organique et d’électro. En explorant sans freins et en osant sortir de sa zone de confort, l’artiste nourrit ses compositions. «Si je n’avais pas de responsabilités familiales, peutêtre que je resterais dans le studio du matin au soir, alors je manquerais probablement de vitamine D», lance le père de deux enfants. Pour élaborer Valse 333, il s’est enfermé au sous-sol chez ses «vieux» 15 avril 2015 tout un été de temps avec l’arrangeur travaillant pour le cinéma Antoine BinetteMercier. Ensemble, les créateurs ont pris le temps d’expérimenter et d’explorer pour enfin enregistrer 12 morceaux. «Je commence à être beaucoup plus autonome avec les façons de mixer et de faire la prise de son. Avec Karkwa, on avait de plus gros moyens et on allait dans des studios traditionnels, détaille l’artiste. Même si c’est vrai que ça marche très bien, cette façon de faire correspond à une époque qui commence à être révolue.» Penser à son public cible durant la période de création n’était pas jusqu’ici un élément intégré à sa démarche artistique. À force de présenter des spectacles, le compositeur s’est rendu compte qu’il s’isole parfois et que les rencontres avec le public pourraient l’influencer davantage à l’avenir. La confrontation à la scène des pièces de l’album façonne sa performance qui se transforme au gré des représentations. «J’aime tout foutre en l’air pour reconstruire le spectacle. Un show, c’est le fun quand ça bouge, quand t’écoutes pas l’album et que t’explores des choses nouvelles chaque fois», indique l’artiste. Pour lui, la scène est aussi un laboratoire qui définira ses prochaines compositions. Julien Sagot a d’ailleurs une bonne idée de la direction qu’il veut prendre avec son prochain disque, qu’il voudrait plus «flyé», plus grinçant. «Je prévois m’entourer de la jeunesse, c’est là qu’il y a de la confrontation et des échanges d’idées», confie le musicien. Il espère faire plus souvent des spectacles dans de petites salles et retourner sur les planches des bars, justement pour aller à la rencontre des gens. L’argent est au bas de l’échelle Comme plusieurs musiciens, Julien Sagot pourrait pratiquer des métiers connexes, parallèlement à sa carrière solo, tel que compositeur de trames sonores. Cependant, le cinéma lui laisse une impression amère d’un milieu qui, à son avis, cherche souvent à maquiller et à faire sensation avec des chansons populaires, plutôt que de miser sur de loin la soif de popularité ou l’envie de faire de l’argent chez le chanteur. «Je n’ai pas un gros train de vie, je «J’aime tout foutre en l’air pour reconstruire le spectacle» — Julien Sagot un concept dédié plus élaboré. «Par exemple, la pièce “28 jours” de Karkwa devait être utilisée dans sa version instrumentale pour le film Incendies de Denis Villeneuve mais finalement une chanson de Radiohead l’a remplacée», fait savoir l’ex-membre de Karkwa. La formation a tout de même composé la chanson originale du film québécois La peur de l’eau en 2011, une pièce intitulée “La vague perdue.” Même s’il ne court pas les projets, Julien Sagot accueille avec ouverture les propositions. Prendre son temps et avoir de la liberté dans la création, en plus de ne pas avoir la pression d’un patron, sont des critères qui surpassent m’occupe, j’ai du fun, je continue à faire ce que j’aime. J’ai une vie d’étudiant en fait, c’est de ça que je m’aperçois, mais sans les privilèges», indique-il en riant. L’air calme et mystérieux de l’artiste traduit un caractère bohème et décontracté qui transparaît de façon éloquente dans sa personnalité, une intégrité que la scène lui permet de révéler. Loin de ce compositeur la crainte de n’être pas compris, s’amusant régulièrement à donner des concerts en français devant un public de Toronto. «J’ai un show que je trouve intéressant et dynamique qui s’adresse à tout le monde. Des spectacles, j’aimerais en faire beaucoup plus, si ça pouvait être multiplié par 10 je serais vraiment content», s’exclame-t-il. Malgré un tempérament solitaire, la sensation de se retrouver devant de grandes foules est une nécessité qui l’enchante et ne l’intimide jamais. Afin de se réchauffer dans les mois qui viennent, le poète compte donner des spectacles intimes au Divan orange et à l’Escogriffe avant son passage dans plusieurs festivals. L’Europe sera sa destination de l’automne alors qu’il y lancera son album. Aller à la rencontre de l’autre est un leitmotiv que Sagot veut propager. «Il faut participer, s’exclame l’homme tout illuminé, parce qu’on vit ensemble dans le moment présent. La vie est magnifique et fuck you l’austérité. C’est ensemble qu’on peut changer les choses, il faut sortir et se rencontrer.» Son souhait est d’inspirer les autres à prendre des risques, à oser se commettre plus souvent dans le monde. Avec sa musique, Julien Sagot espère en faire la démonstration. Montréal Campus 11 Photo : Hamza Mejri, Salon de Peinture. culture 40 fois la robe Marissa Groguhe Un thème universel (la robe), exploré sous un angle unique, permettant au public de voyager à travers les époques et les civilisations : c’est ce qui nous était réservé à l’exposition photo The Dress, présentée par Hamza Mejri, le 3 avril. C’est à un 5 à 7 au septième étage de l’hôtel ALT à Montréal que les mordus de mode, de photographie et d’art, désireux de voir l’exposition de l’artiste, se sont rassemblés pour assister à cet évènement. Accrochées aux quatre murs de la pièce, 40 photographies en noir et blanc, mettant en vedette des individus posant tous devant un décor similaire. Sous chacun des tableaux, un titre permettant souvent d’indiquer la provenance de la tenue, mais parfois aussi de justifier la réflexion derrière l’image. Par exemple, la photo de deux jeunes femmes, une noire, une asiatique, portant une robe identique et se tenant par la main, qu’Hamza Mejri décrit comme une ouverture vers la réflexion sur la diversité culturelle. Le vêtement nous est donc présenté sous toutes ses formes, porté aussi bien par des femmes que des hommes, de toutes races et dans des robes de tous genres. Malgré un thème commun, en faisant le tour de la pièce, c’est la disparité entre chaque image qui retentit le plus. De la classique et épurée style Chanel à la tunique tunisienne traditionnelle, la robe est traitée par Mejri comme un témoin du temps et des cultures du monde et parfois aussi comme une illustration de ses réflexions sur la société. Parmi les personnes associées au long travail de création qu’a suscitée la réalisation de cette exposition, il y a plusieurs créateurs de compagnies de mode (québécoises pour la plupart), entre autres Gazelles Montréal, Miss Cocotte et White Label. Le photographe explique qu’un de ses buts était de promouvoir les stylistes montréalais et c’est une réussite. De plus, pour porter ses créations, Mejri n’a pas voulu faire appel à des dizaines de mannequins, ce qui rehausse le caractère unique de l’exposition. Selon lui, «c’est trop classique que la mode soit portée par des modèles. Là, ce sont des gens de la société québécoise. Ce sont des chanteurs, des acteurs, des animateurs télé ou aussi des designers qui portent leurs propres design». Il est intéressant que les tableaux aient à la fois la portée usuelle de la photographie de mode, mais que l’on cherche aussi à sortir de cette norme, puisque la robe est dans certaines photos un accessoire aidant à imager une réflexion ou une émotion. Malgré tout, cela crée une sorte de déconnexion entre les tableaux où la robe est le sujet principal et ceux où il y a plus à interpréter. Un manque d’uniformité. D’un tableau à l’autre, le but n’est pas le même et on se demande pourquoi ils ne sont pas tous porteurs de messages ou alors tous exposés comme de simples photos de mode témoignant des époques et des civilisations. Somme toute, ce détail n’enlève pas grand chose à la qualité des images, à la portée émotionnelle de certaines d’entre elles et finalement au talent évident d’Hamza Mejri, qui a réussi à monter une exposition intrigante composée de 40 tableaux à la fois uniques et similaires. The Dress (La robe), une exposition présentée par Hamza Mejri. Photographies disponibles sur salondepeintures.com. EN COULISSE Trop simple Depuis plus de 30 an s Toute la technologie à votre service Tous les services au même endroit Dre Joëlle Marcil Chirurgien Dentiste Dre Elizabeth Peeling Chirurgien Dentiste Dr Alain Cyr Chirurgien Dentiste URGENCE 514.524.6848 1823, rue Sherbrooke Est, Montréal (Québec) www.CentreDentaireDeHauteTechnologie.com Orthodontie invisible - Invisalign Membres de l’A.S.E.Q. Métro Papineau Métro Sherbrooke 45 coin Sherbrooke 24 est coin Papineau PAP_ULaval_MontréalCampus_10,3x3,6_NB_HR.pdf Ligne verte Ligne orange C M Y CM MY CY CMY K 1 2015-03-03 Je n’en peux plus. J’en ai marre que tout soit toujours simplifié. Le discours de Martin Coiteux, le président du Conseil du trésor, lors de son passage à Tout le monde en parle le 12 avril était d’une scandaleuse simplicité. Les finances du Québec ne vont pas bien, on n’a donc pas le choix de «mieux répartir les dépenses», sinon ce sont les jeunes qui paieront plus tard la facture de cette dette, etc. En bon Séraphin des programmes sociaux, monsieur Coiteux venait nous rappeler que lorsqu’on a des dettes, on réduit ses dépenses, comme si diriger l’économie d’un État équivalait à gérer son portefeuille personnel. Il me semble que la première option est beaucoup plus complexe que la seconde. Sans parler de la fameuse classe moyenne, encore présentée comme une enfant unique, même si on devrait parler en réalité des classes moyennes et non d’une seule en raison des écarts de revenus composant cette catégorie médiane. Ah, j’allais oublier les 11:09 fameuses baisses d’impôt, qui font tant de bien aux contribuables, même si leurs services publics en souffrent. Le filet social, dans toute société, j’aimerais le rappeler, est essentiel pour les gens qui ont moins de chance. Je fais référence ici à ceux qui sont malades, ceux qui n’ont pas eu la chance d’étudier et tous ceux qui ne sont pas en mesure de travailler pour une raison quelconque. Ce n’est pas tout, j’en ai assez de la rhétorique anti-médiatique ultra-vulgarisée. Selon elle, tous les médias de masse déforment les propos de leurs interlocuteurs puisque tous leurs journalistes courent après de l’information sensationnaliste. Voyons, c’est comme si je me basais sur une vidéo de promotion virale de Guy Nantel pour jauger le présent mouvement étudiant et que j’en concluais que personne dans celui-ci ne sait pour quelle raison il ou elle milite. Bien que la problématique de la brutalité médiatique existe, le mouvement de contestation actuel gagnerait à dialoguer avec les médias pour que sa lutte, aussi légitime soit-elle, soit comprise du grand public. Sans parler du discours concernant le droit à l’éducation. Comme si le blocage de l’UQAM durant une seule journée, le 2 avril, justifiait d’accuser les étudiants uqamiens militants d’effectuer la levée de cours des facultés qui ne sont pas en grève. Prétexte parfait pour la répression du rectorat de l’UQAM et du gouvernement. Il serait grand temps que tout le monde se parle, sans faire de raccourcis, pour en arriver à la première étape de toute résolution de conflit : la compréhension de l’autre. Nous sommes de votre côté. Colin Côté-Paulette Chef de pupitre Culture [email protected] Twitter : @colinctpaulette À L’ÉTÉ 2015, PAS DE VACANCES POUR LES PASSIONNÉS! 50 écoles d’été / 1 300 cours réguliers / 150 cours à distance ulaval.ca/ete
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