Dimanche 1er - Lundi 2 février 2015 71e année No 21786 2,20 € France métropolitaine www.lemonde.fr ― Fondateur : Hubert BeuveMéry L’Europe cherche la réponse à l’effet Tsipras TERRORISME ▶ Le gouvernement grec ÉCONOMIE doit s’entendre avec ses créanciers avant le 28 février. Les négociations s’annoncent glaciales ▶ François Hollande et Angela Merkel ont tenté, vendredi 30 janvier, d’ajus ter leurs positions face au programme d’Alexis Tsipras ▶ En Espagne, Podemos, LUNEL, LABORATOIRE DU DJIHAD « MADE IN FRANCE » → ▶ En France, JeanLuc qui appelait à une mani Mélenchon parie sur cette festation samedi, veut dynamique pour se relancer profiter de l’onde de choc. LIR E PAGE S 2 , 3 , 8 , 2 0 L’effet touche aussi l’Irlande E T C A HIE R É CO PAGE S 6 E T 8 LES PRIX CONTINUENT DE BAISSER EN ZONE EURO → Sur la route du poison électronique LIR E PAGE 1 0 LIR E C A HIE R É CO PAGE 3 AIDES AU LOGEMENT : UNE RÉFORME NÉCESSAIRE ▶ De la Chine à la Marne, « Le Monde » a remonté une filière de « recyclage » illégal des déchets électriques et électroniques. Deuxième volet de notre série « Ecocide » → LI R E PAG ES 12 À 14 → LIRE P. 24 ET NOS INFORMATIONS P. 9 RÉFORME TERRITORIALE LA FUSION DES RÉGIONS INQUIÈTE LA CULTURE → LIR E PAGE S 1 6 E T 1 7 TÉLÉVISIONS Dans une brûlerie artisanale de cartes mères, à Guiyu (Chine). TF1, TOUJOURS SEULE EN TÊTE SAMUEL BOLLENDORF → LIR E Justice des mineurs : la réforme attendra D SOCIÉTÉ ans la vague d’émotion suscitée par les attentats de Paris, la subtilité sé mantique était passée inaperçue, mais fait aujourd’hui polémique au Royaume Uni. La BBC, si elle a qualifié d’« attaques terroristes » les événements survenus en France, n’a jamais utilisé le mot « terrorists » pour dési gner les tueurs, préférant « gunmen » (« ti reurs ») ou « attackers » (« agresseurs »). Une controverse à ce sujet est née des propos tenus par Tarik Kafala, qui dirige la chaîne de télévi sion en arabe du groupe depuis sa création en 2008. « Nous essayons d’éviter de décrire quelqu’un comme terroriste, ou un acte comme étant terroriste, atil déclaré au quotidien The Independent. Ce que nous essayons de faire est de relater que “deux hommes ont tué 12 personnes dans une attaque contre les bureaux d’un journal satirique”. C’est assez clair, on sait ce que ça veut dire et ce que c’est. » Il poursuit : « Nous savons ce qu’est la violence politique, nous savons ce que sont des meurtres, des attentats et des fusillades, et nous les décrivons. C’est bien plus éclairant, à nos yeux, que d’utiliser un mot comme “terroriste”. » La polémique n’est pas nouvelle. La BBC est régulièrement accusée d’utiliser le mot « ter roriste » de façon sélective, y recourant par exemple à propos des nationalistes irlandais ou lors des attaques de Londres, mais préfé rant le mot « militant » quand il s’agit d’atten tats palestiniens en Israël. En réalité, la position de Tarik Kafala est con forme au code rédactionnel de la BBC, qui ne proscrit pas l’usage du mot « terroriste », mais recommande aux journalistes de tenir compte des circonstances. La BBC, stipule cette bible interne, « exige une réflexion approfondie avant que [le terme « terroriste »] soit prononcé ». En effet, poursuit le docu ment, « les jugements de valeur fréquemment induits par l’usage des mots “terroriste” ou “groupe terroriste” peuvent être une source UN DÉPUTÉ d’incohérence ou susciter chez nos auditeurs des douCONSERVATEUR tes sur notre impartialité ». FUSTIGE LE LANLes propos de Tarik Kafala sont loin d’avoir enflammé GAGE ORWELLIEN le débat public. Seul le Daily Mail (conservateur) a fait DE LA CHAÎNE réagir quelques personnali BRITANNIQUE tés. « Je trouve étrange que la BBC essaie de cacher la nature de ces gens. Ils sont totalement cinglés », estime Lord Norman Tebbit, ancien ministre de Margaret Thatcher, dont l’épouse est para lysée depuis l’attentat de Brighton perpétré par l’IRA en 1984. Un député conservateur, Co nor Burns, a fustigé le « langage orwellien type 1984 de la BBC ». De cette controverse, l’inté ressée n’a pas touché mot sur ses antennes. p philippe bernard londres (correspondant) Christiane Taubira va se trouver de nouveau en porteàfaux. La garde des sceaux envisageait de présenter au conseil des minis tres – la date devait être fixée à la mijanvier – une réforme de l’or donnance du 2 février 1945 sur la justice des mineurs. Mais Ma nuel Valls ne voit pas la nécessité de mettre en avant une réforme qui serait perçue par la droite comme un chiffon rouge. S’il prévoit de supprimer au premier semestre 2015 les tribunaux cor rectionnels pour adolescents, imposés en 2012, le texte de Mme Taubira n’a pourtant rien de révolutionnaire. Le projet de loi entend garantir « un équilibre entre l’intérêt de l’enfant mis en cause et ceux de la victime et de la société ». « Toute décision prononcée à l’égard d’un mineur, édicte til, vise prioritairement à assurer son relèvement éducatif et à prévenir la récidive. » Cette prudence n’a pas empêché son renvoi aux calendes grecques. → LIR E À BAS ! L’IGNORANCE os 29 eurages p 1 700 © Divali Communication - © Shutterstock L’HISTOIRE DU JOUR La BBC refuse d’appeler « terroristes » les assaillants de « Charlie » PAGE 1 8 Une marque dd’intelligence. PAGE 6 Algérie 180 DA, Allemagne 2,50 €, Andorre 2,40 €, Autriche 2,80 €, Belgique 2,20 €, Cameroun 1 900 F CFA, Canada 4,50 $, Côte d'Ivoire 1 900 F CFA, Danemark 30 KRD, Espagne 2,50 €, Finlande 4 €, Gabon 1 900 F CFA, Grande-Bretagne 1,90 £, Grèce 2,50 €, Guadeloupe-Martinique 2,40 €, Guyane 2,80 €, Hongrie 950 HUF, Irlande 2,50 €, Italie 2,50 €, Liban 6 500 LBP, Luxembourg 2,20 €, Malte 2,50 €, Maroc 13 DH, Pays-Bas 2,50 €, Portugal cont. 2,50 €, La Réunion 2,40 €, Sénégal 1 900 F CFA, Slovénie 2,50 €, Saint-Martin 2,80 €, Suisse 3,50 CHF, TOM Avion 450 XPF, Tunisie 2,50 DT, Turquie 9 TL, Afrique CFA autres 1 900 F CFA 2 | international 0123 DIMANCHE 1ER - LUNDI 2 FÉVRIER 2015 Jeroen Dijsselbloem, le président de l’Eurogroupe, et Alexis Tsipras, le 30 janvier, à Athènes. PETROS GIANNAKOURIS/AFP Rencontre entre François Hollande, Angela Merkel et Martin Schulz, le 30 janvier, à Strasbourg. DOMINIQUE GUTEKUNST/ « L’ALSACE » L’Europe se cherche face à Alexis Tsipras Mme Merkel veut éviter la création d’un « front social-démocrate » plus conciliant avec le gouvernement grec bruxelles - bureau européen L es négociations entre les Européens et le gouver nement d’Alexis Tsipras concernant l’énorme dette grecque ont officiellement commencé. Et elles s’annoncent d’ores et déjà explosives. Jeroen Dijsselbloem, le président de l’Eurogroupe, l’instance informelle des 19 pays de la zone euro s’est rendu à Athènes vendredi, où les premiers contacts avec le nouveau gouvernement ont été tendus. Dans la soirée, dans un restaurant de Strasbourg, le président François Hollande et la chancelière Angela Merkel ont tenté, à l’invitation de Martin Schulz, le président du Parlement européen, d’ajuster leur réponse à la nouvelle « donne » grecque. Pour les Européens, il y a urgence à former un front commun face au forcing engagé par le nouveau premier ministre grec, après sa large victoire électorale, le 300 milliards d’euros C’est le montant de la dette grecque. L’essentiel est détenu par des investisseurs publics : la BCE (27 milliards), le FMI (32 milliards), les Etats européens, par le biais de prêts bilatéraux (53 milliards), le Fonds européen de stabilité financière (FESF, 142 milliards). Et, pour 53 milliards, par des investisseurs privés, qui ont déjà accepté l’effacement de 70 % de leurs créances en 2012. Actuellement, la Grèce rembourse essentiellement ses créanciers privés, la BCE et le FMI, en raison d’un moratoire de dix ans sur les prêts du FESF. 25 janvier. Le deuxième plan d’aide à la Grèce (130 milliards d’euros, décidé en 2012), arrive en principe à échéance le 28 février. Si les premiers contacts avec les nouveaux dirigeants d’Athènes ont été jugés « constructifs » par les entourages de MM. Dijsselbloem, et Schulz, il n’en reste pas moins que les premiers actes du gouvernement de gauche radicale divergent des attentes de leurs partenaires européens. Dès sa nomination, lundi 26 janvier, M. Tsipras a rappelé sa volonté de mettre fin à l’austérité et de parvenir à un effacement d’une partie au moins de la dette colossale du pays. Puis il y a eu, ces derniers jours, l’annonce du gel des privatisations imposées par la « troïka ». Vendredi, suite à sa rencontre avec M. Dijsselbloem, le ministre grec des finances, Yanis Varoufakis, a dit que son gouvernement était d’accord pour négocier, mais pas avec la troïka des bailleurs de fonds (FMI, commission et banque centrale européenne), qualifiée de « commission branlante ». Il s’est même dit prêt à renoncer aux 7 milliards encore accessibles dans le cadre du plan d’aide. « Prendre des décisions unilatérales ou ignorer les engagements précédents n’est pas la marche à suivre », a mis en garde M. Dijsselbloem. Pour l’instant, la réponse de Mme Merkel et de M. Hollande aux demandes grecques reste d’une extrême prudence. Ils sont convenus, vendredi, de « multiplier les discussions et les échanges avec la Grèce, dans le respect des choix du peuple grec et des engagements », selon l’entourage du président : « Il n’y a pas de mesure, ni de posture à prendre. Il ne s’agit pas d’être en incompréhension et en opposition, mais de construire une relation équilibrée dans laquelle on puisse se comprendre. » Le chef de l’Etat, qui avait téléphoné à Alexis Tsipras après sa victoire pour l’en féliciter, recevra le premier ministre grec mercredi 4 février en dé- but d’après-midi. Quand à Mme Merkel, elle n’a eu aucun contact direct avec son jeune homologue et proclame qu’il n’y aura « pas d’effacement de la dette ». Réformes dictées par la « troïka » Sur le fond, la France, l’Allemagne et leurs partenaires sont sur la même ligne : les Grecs doivent d’abord boucler le deuxième plan d’aide, c’est-à-dire accepter des réformes supplémentaires dictées par la troïka, avant de passer à une autre phase, un troisième plan d’aide, « plus light », avec des inspections des créanciers moins pesantes, et, éventuellement, une « charge » de la dette allégée, grâce à un allongement de sa maturité et à un abaissement de ses taux d’intérêts. Mais pas question de parler d’effacement. « Les Grecs ne sont pas tenus juridiquement de terminer ce plan d’aide. Mais s’ils ne le font pas, ils risquent la banqueroute, ce dont personne ne veut, parce qu’elle pourrait pousser la Grèce hors de la zone euro, avec des conséquen- Pour l’instant, la réponse de Mme Merkel et de M. Hollande aux demandes grecques reste très prudente ces désastreuses », glisse une source bruxelloise. « Mais politiquement, c’est très important pour des pays comme la Finlande ou l’Allemagne, qui doivent soumettre chaque plan d’aide à leurs Parlements, de pouvoir leur dire : nous allons devoir à nouveau aider les Grecs, mais regardez, ils ont accepté de faire ce que nous exigions d’eux lors de notre plan précédent », décrypte cette source. Reste que les Européens divergent encore sur la tactique à adopter. Face à la fermeté de Mme Merkel, M. Hollande semble plus ouvert à la discussion, au moins pour des raisons politiques. Avec l’arrivée au sein du Conseil européen d’un Alexis Tsipras contestant les fondamentaux de la doctrine budgétaire chère à la chancelière et à une grande partie du continent, M. Hollande peut espérer s’y réinstaller dans une position centrale. Celle-là même qu’il avait tenté d’endosser au début de son mandat, en juin 2012, en jouant le « trait d’union » entre les pays du Sud et l’Allemagne. « Dès 2012, le président était intervenu pour stabiliser et avait œuvré pour le maintien de la Grèce dans la zone euro. Et nous avons de bonnes relations avec Athènes », assure une source diplomatique à Paris. Certains s’inquiètent déjà de la formation d’un front « social-démocrate » européen, plus accommodant avec M. Tsipras. Manfred Weber, président du parti conservateur au Parlement européen (PPE), un Allemand de la CDU, met en garde : « J’appelle les sociauxdémocrates à ne pas céder aux sirènes du populisme de Tsipras, sinon ils mettront l’Europe dans une situation très difficile. » En réalité, ce front dépasse la seule question grecque. « Paris et Berlin partagent un même grand principe, celui de la nécessaire continuité des engagements des Etats », selon une source diplomatique européenne. « Ce qui pèse sur la relation franco-allemande, ce sont les manières divergentes d’envisager les problèmes de la zone euro. Pour Paris, il faut aller plus loin dans la coordination des politiques budgétaires, et que l’Allemagne investisse davantage. Pour Berlin, l’économie européenne est pénalisée par des pays qui ont trop tardé à faire les réformes », analyse Guntram Wolff, directeur du think tank Bruegel. Mais pour ce qui est de la Grèce, leurs positions convergent, « ce sont deux créanciers très substantiels du pays », estime l’économiste. De fait, Paris a prêté 47 milliards d’euros à Athènes ces dernières années, et Berlin, près de 60 milliards. p cécile ducourtieux et david revault d’allonnes (à paris) Première semaine au pas de charge à Athènes la première semaine du gouvernement Tsipras aura été menée au pas de charge et sur tous les fronts. Fin de plusieurs privatisations, annonce d’un projet de loi à très court terme rétablissant le salaire minimum au niveau de 751 euros brut mensuels ou octroi d’un 13e mois aux retraités touchant une pension de moins de 700 euros par mois… les annonces se sont multipliées à un rythme effréné, déstabilisant les partenaires européens qui ne s’attendaient pas à une telle rapidité et à une telle détermination. Et pourtant, affirmet-on dans l’entourage de M. Tsipras, « nous ne faisons qu’appliquer ce que nous annoncions depuis plusieurs mois déjà ». Un premier bilan envoyé par le service de presse de Syriza aux journalistes montre que le gouvernement est satisfait de cette première semaine de pouvoir durant laquelle « la voix de la Grèce » se ferait enfin « entendre pour la première fois depuis le début de la crise ». La venue à Athènes de MM. Schulz et Dijsselbloem – malgré la froideur des échanges – est comprise comme un signe positif, un pied de nez même aux prévisions « alarmistes » de l’ancien gouvernement conservateur, qui prévoyait qu’après « dix minutes de négociations » la Grèce serait « poussée au “Grexit” ». Statu quo bousculé Semblant ignorer l’indignation d’une partie de son propre parti après la nomination du controversé Nikos Kotzias au poste de ministre des affaires étrangères, le gouvernement se réjouit au contraire que « les avis de la Grèce aient été entendus » lors du conseil des ministres des affaires étrangères jeudi 29 janvier à Bruxelles, sur l’Ukraine et la Russie. La position, réelle, prorusse de M. Kotzias – et donc du gou- vernement grec – rencontre d’autres intérêts européens sur cette sensible question des sanctions. Athènes l’interprète comme une première victoire à mettre à l’actif de sa détermination à vouloir rééquilibrer la place de la Grèce en Europe. Dans le pays, la presse et l’opinion publique se divisent entre ceux qui, d’un côté, applaudissent l’audace du premier ministre et de ses troupes et ceux qui, de l’autre, pensent que tant de hâte pourrait à l’inverse crisper les créanciers du pays et faire capoter, avant même qu’elles ne commencent, les vraies négociations sur une restructuration de la dette grecque. Sidération, satisfaction ou inquiétude : le nouveau gouvernement, et c’est bien la seule certitude, bouscule le statu quo. En Grèce comme en Europe. p adéa guillot (athènes, correspondance) international | 3 0123 DIMANCHE 1ER - LUNDI 2 FÉVRIER 2015 A Madrid, Podemos mobilise la rue La gauche traditionnelle est déstabilisée par le mouvement madrid - correspondance S amedi 31 janvier, la capi tale espagnole devait être témoin d’une véritable démonstration de force de Podemos. Epreuve de force avec le gouvernement conservateur du Parti populaire, certes, mais surtout défi lancé aux socialistes du Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) et aux écolos-communistes d’Izquierda Unida pour leur ravir l’espace politique à gauche. La coïncidence dans le temps avec la victoire de Syriza en Grèce est en fait un hasard : la direction de la formation radicale avait choisi cette date avant la convocation des élections grecques. Slogan de la marche : le changement. Il s’agit pour Podemos de « construire une nouvelle majorité transversale de citoyens » afin de « récupérer la démocratie » et se « libérer du sentiment de résignation » provoqué par la crise ; et lancer « aux privilégiés » qui ont « ruiné le pays » le message que « nous sommes des citoyens et non des serfs ». Objectif déclaré : « remplir la Puerta del Sol », siège des manifestations des « indignés », en 2011, déclarait récemment le numéro deux de Podemos, Iñigo Errejon. Et « donner une bonne secousse au système. Réveiller la passion » des Espagnols lors d’une année électorale qui s’annonce extrêmement chargée. « En Grèce, il n’y a pas eu d’apocalypse et le soleil se lève toujours », a déclaré Pablo Iglesias, le chef de file de Podemos, au lendemain du scrutin. Même si les éloges se sont changés en critiques quelques jours après, du fait de l’absence de femmes dans le nouveau gouvernement d’Athènes, qualifiée de « lamentable » par le responsable de la formation à Madrid, Luis Alegre. Le chef de file des socialistes, Pedro Sanchez, assure au Monde, que « l’Espagne n’est pas la Grèce, ni d’un point de vue politique ni d’un point de vue économique » et que le (PSOE) est loin de ressembler au Mouvement socialiste panhellénique (Pasok). Il souligne que « la première décision de Syriza a été de s’allier aux nationalistes » du parti souverainiste des Grecs indépendants. Epicentre de la confrontation Pas facile pour le PSOE de garder le cap dans le tsunami politique qu’a provoqué Podemos. M. Sanchez se réclame lui aussi du changement, mais d’un « changement dans la sécurité » pour « ne pas perdre ce que nous avons gagné ». Au discours de rupture de Pablo Iglesias, il oppose « un réformisme » mesuré pour « défendre les classes moyennes ». Un réformisme qui passe par l’Union européenne qui « elle seule » peut aider l’Espagne à sortir de la crise. « A un moment où la gauche de- Pablo Iglesias, le dirigeant de Podemos (au centre), sur la Puerta del Sol, à Madrid, le 16 janvier. ANDREA COMAS/REUTERS « En Grèce, il n’y a pas eu d’apocalypse, et le soleil se lève toujours » PABLO IGLESIAS chef de file de Podemos vrait être plus internationaliste que jamais, plus européenne, les phénomènes populistes offrent un modèle nationaliste », dit-il, preuve, selon lui, que Podemos et Syriza « n’ont rien compris à la mondialisation ». Pour Pedro Sanchez, Podemos « n’est pas une nouvelle social-démocratie, mais offre, au contraire, une vision ancrée dans le XXe siècle ». Madrid semble être devenu l’épicentre européen de la confrontation entre la gauche radicale et les sociaux-démocrates. Le 21 février, les socialistes européens, à la demande de leurs collègues espagnols, vont se réunir dans la capitale espagnole lors d’un sommet auquel devraient assister, d’après le PSOE, le premier ministre français, Manuel Valls, et le président du conseil italien et secrétaire du Parti démocrate, Matteo Renzi. La rencontre n’a pas encore de slogan ni de but déclaré autre que celui de créer un front commun face à l’émergence de Podemos et d’épauler la candidature de Pedro Sanchez, après la cuisante défaite du Pasok en Grèce. Mais le PSOE est loin d’être uni : chef de file des socialistes andalous et présidente de la région, Susana Diaz cache de moins en moins ses ambitions nationales et pourrait devenir une dangereuse rivale pour M. Sanchez. Quant aux écolos-communistes d’Izquierda Unida, ils semblent incapables d’apparaître comme une véritable alternative, face au désenchantement des Espagnols vis-à-vis des partis d’alternance traditionnels. Ils essayent en plus d’éviter l’implosion du parti à Madrid, miné par des dissensions internes, en partie alimentées par la candidature aux régionales d’une de leur militante, Tania Sanchez, qui n’est autre que la compagne de Pablo Iglesias. p isabelle piquer SCRUTINS DE 2015 22 MARS Elections régionales anticipées en Andalousie. 24 MAI Municipales et régionales dans 13 des 17 communautés autonomes. 27 SEPTEMBRE Régionales anticipées en Catalogne. NOVEMBRE Elections législatives. L’onde de choc grecque frappe l’Irlande, le bon élève de la « troïka » Alors qu’une Alliance antiaustérité appelle à manifester samedi à Dublin, le gouvernement est critiqué sur la question de la dette londres - correspondant L’ onde de choc provoquée par la victoire de Syriza en Grèce ne s’est pas arrêtée à Madrid, à Berlin ou à Paris. La secousse a atteint Dublin, la « bonne élève » des politiques d’austérité dans la zone euro. Comment les électeurs irlandais, appelés aux urnes dans un an, jugeraient-ils le gouvernement sortant du premier ministre, Enda Kenny, qui leur a administré une purge budgétaire sévère mais efficace, si les Grecs obtenaient, eux, un rééchelonnement, voire une remise partielle de leur dette ? « Peu de responsables politiques ont davantage à craindre de l’élection grecque qu’Enda Kenny, répond le chroniqueur politique Thomas Molloy dans l’Irish Independant, journal pourtant favorable à la politique l’austérité. La victoire d’Alexis Tsipras peut faire passer le premier ministre pour le caniche de la “troïka” à un an des élections. » A vrai dire, le succès de Syriza a déjà suscité une certaine jubilation au sein des partis irlandais d’opposition, hostiles à l’austérité, qui ne voient pas pourquoi les Irlandais ne bénéficieraient pas des largesses qui pourraient être octroyées aux Grecs. Le Sinn Fein de Gerry Adams, ancienne aile politique de l’Armée républicaine irlandaise (IRA), a salué l’« éblouissante victoire » de M. Tsipras qui rend possible, selon lui, un « changement de gauche » en Europe. La conférence européenne sur la dette revendiquée par Syriza « serait aussi d’un grand intérêt pour l’Irlande », a déclaré un porte-parole de ce parti, dont le discours antiaustérité attire 21 % des électeurs, selon les derniers sondages. Les manifestations qui sont organisées, samedi 31 janvier, contre la facturation de l’eau potable, sujet d’une intense mobilisation en Irlande depuis plusieurs mois, pourraient d’ailleurs prendre une connotation inédite de solidarité avec les Grecs. « Au lieu de se solidariser avec les autres élèves humiliés de la classe “troïka”, le gouvernement s’en est moqué », a tancé la députée Ruth Coppinger (Parti socialiste, trotskiste), figure de l’Alliance antiaustérité (AAA). « Dérive populiste » Gêné par la rhétorique vindicative du nouveau gouvernement grec, Enda Kenny (parti Fine Gael, centre droit) répète que « l’Irlande n’est pas la Grèce ». A Gerry Adams qui, au Parlement, lui demandait s’il soutiendrait la demande d’une conférence sur la dette, il a abruptement répondu par un simple « non ! ». Selon le premier ministre, le seul endroit où des discussions de ce type peuvent se tenir est le Conseil européen à Bruxelles. Avant même le vote grec, M. Kenny avait publiquement mis en garde contre « une dérive populiste » qui pourrait compromettre la reprise économique irlandaise. Son ministre des finances, Michael Noonan, a beau jeu de rappeler que son pays, contrairement à la Grèce, est presque tiré d’affaire, s’étant libéré de la tutelle de la « troïka » dès la fin 2013 et ayant retrouvé des marges de manœuvre financière. L’Irlande a d’ailleurs obtenu une restructuration partielle de sa dette, qui s’élève à 114,8 % de son PIB. L’austérité, en imposant des baisses de salaire et des coupes dans les dépenses publiques, a relancé la compétitivité. Le chômage est tombé à 10 %, le déficit budgétaire a chuté à 4 % et la croissance irlandaise (4,6 %) aura été la plus forte de l’Union euro- péenne en 2014. Le profil économique de la République irlandaise – paradis des investisseurs et exportatrice de technologie – a peu de point commun avec celui de la Grèce. Mais aujourd’hui, en pleine « grecomania », le ministre des finances irlandais préfère sans doute oublier ses propos méprisants de 2012. L’Irlande, avait-il alors lancé, n’a rien à voir avec un pays qui n’exporte qu’un seul produit, « la feta ». p philippe bernard 4 | international 0123 DIMANCHE 1ER - LUNDI 2 FÉVRIER 2015 Au Sinaï, l’Egypte en guerre contre les djihadistes L’Etat islamique recourt à des techniques de guérilla pour faire face aux contre-offensives de l’armée A Des familles de soldats tués dans le Sinaï, lors de leurs funérailles, au Caire, le 30 janvier. ASMAA WAGUIH/REUTERS Mer Méditerranée CISJ. GAZA Rafah Al-Arich ISRAËL Cheikh Zouweid Suez Le Caire SINAÏ ÉGYPTE Me rR ou ge ux chants de « l’Egypte veut une main de fer », des milliers de person nes ont accompagné dans plusieurs villes, vendredi 30 janvier au soir, les cercueils des soldats et policiers tombés dans le Sinaï. La veille, les forces de sécurité ont subi leur plus grand revers en un an et demi de lutte contre l’insurrection djihadiste dans le nord de cette péninsule désertique. A la tombée de la nuit, des attaques coordonnées, conjuguant attentats-suicides, voiture piégée et tirs de mortiers, ont été lancées contre onze cibles militaires dans les villes d’Al-Arich, Rafah et Cheikh Zouweid. Pendant plus de cinq heures, les militants armés ont harcelé leurs cibles, faisant au moins 30 morts et plusieurs dizaines de blessés, militaires en majorité. Cette attaque sans précédent a été revendiquée par la Province du Sinaï, branche égyptienne de l’Etat islamique (EI), déjà responsable de la mort de plusieurs centaines de membres des forces de sécurité. Le président égyptien Abdel Fattah Al-Sissi a écourté sa participation au sommet de l’Union africaine, en Ethiopie, pour rentrer coordonner la contre-offensive. A l’aube, vendredi, deux enfants ont été tués dans les affrontements avec le groupe djihadiste. Le raïs a à nouveau accusé les Frères musulmans des violences qui secouent le pays depuis la destitution de leur président, Mohamed Morsi, le 3 juillet 2013. La confrérie, objet d’une répression féroce, a nié toute responsabilité. L’armée a promis d’intensifier sa guerre antiterroriste, menée loin des regards, dans une région interdite à la presse. Elle a affiché sa confiance, assurant avoir porté des coups décisifs aux djihadistes du Sinaï. La sophistication de l’attaque prouve pourtant que « le groupe dispose de capacités militaires et de communication accrues et fait un recours de plus en plus fréquent à des 100 km I RAK ÉTATS- U N I S Un spécialiste des armes chimiques de l’EI tué Romney renonce à l’élection présidentielle Un « expert en armes chimiques » de l’Etat islamique (EI) a été tué dans un bombardement, a annoncé, vendredi 30 janvier, le commandement militaire américain au Moyen-Orient. Selon le Pentagone, il s’agit d’Abou Malik, qui a travaillé dans l’usine Al-Muthanna de Saddam Hussein, avant de rejoindre Al-Qaida en 2005. Sa mort remonterait au samedi 24 janvier. – (AFP.) Le républicain Mitt Romney, battu par Barack Obama en 2012, a renoncé à être candidat à la Maison Blanche en 2016, a-t-il annoncé vendredi 30 janvier. « Vous savez que j’ai voulu devenir président. Mais je ne veux pas rendre les choses plus difficiles pour qu’un autre candidat émerge avec de meilleures chances d’être élu président », a-t-il justifié. Il avait perdu les primaires de 2008. – (AFP.) tactiques de guérilla », estime Omar Ashour, de l’université d’Exeter, en Grande-Bretagne. La stratégie insurrectionnelle du groupe, fondé en 2011 par d’anciens d’Afghanistan et de Bosnie sous le nom d’Ansar Bait Al-Maqdis (« les Partisans de Jérusalem »), a évolué depuis son allégeance à l’Etat islamique, en novembre 2014. Il a adopté les méthodes de combat et de propagande de l’EI, qui lui apporte un soutien moral et logistique. Certains djihadistes égyptiens revenus de Syrie sont venus prêter Avocat, historien et écrivain répond aux questions de Philippe Dessaint (TV5MONDE), Sophie Malibeaux (RFI), Jérôme Gautheret (Le Monde). Diffusion sur les 8 chaînes de TV5MONDE, les antennes de RFI et sur Internationales.fr 0123 précision semble confirmer la présence d’anciens officiers de l’armée ayant fait défection, déjà avérée dans l’attaque de Karm AlKawadis, le 24 octobre. « Echec militaire » Le renforcement du groupe est « un échec militaire énorme pour le régime, pointe Khalil Al-Anani, de l’université John Hopkins, aux Etats-Unis. Les renseignements ont été incapables de traquer les militants pour les empêcher d’agir. L’armée ne semble pas prête pour contrer une guérilla et mener une hélène sallon Les chiites du Pakistan victimes d’une nouvelle attaque meurtrière contre une de leurs mosquées Un mois et demi après l’assaut d’une école de Peshawar qui avait tué 150 personnes, un attentat commis dans la ville de Shikarpur, au cœur du pays, aurait fait au moins 48 morts islamabad - envoyé spécial U n spectacle de désolation et de confusion. L’attentat à la bombe commis, vendredi 30 janvier, au milieu de la grande prière, contre une mosquée chiite de la ville de Shikarpur, située au cœur du Pakistan, dans le nord de la province du Sind, a jeté dans la rue des centaines de personnes venues secourir les nombreuses victimes écrasées par l’effondrement du toit de l’édifice. Des familles entières ont péri dans l’explosion qui a fait trembler le sol à plus d’un kilomètre du lieu, selon un témoin interrogé au téléphone par Le Monde. D’après lui, il régnait, plusieurs heures encore après l’attentat, une grande désorganisation en dépit de l’arrivée de nombreuses forces de l’ordre. Shikarpur a longtemps été Ce dimanche à 12h10 SERGE KLARSFELD main-forte aux centaines de combattants locaux. Le groupe a gagné de nouvelles recrues en multipliant dès l’été 2013 les attaques contre les forces de sécurité, au nom de la « défense de l’islam ». Ses relais lui ont permis d’étendre ses actions jusque sur les bords du Nil et dans les eaux méditerranéennes, où il a revendiqué une attaque spectaculaire en novembre 2014. Les attaques perpétrées jeudi semblent indiquer qu’il dispose d’informateurs capables de communiquer les moindres mouvements de l’armée. Leur guerre longue ». Le groupe mène des actions éclair et disparaît dans les zones montagneuses du nord Sinaï, laissant l’armée égyptienne, avec son arsenal de tanks, hélicoptères Apache et drones, sans cible à abattre. « L’adaptation de l’armée à cette insurrection est longue et difficile. Elle ne fait que répondre aux attaques et tue de nombreuses personnes, dont on ne sait pas si ce sont les bonnes. Elle ne nettoie pas les foyers djihadistes. Eux reviennent et réinstallent leurs barrages sur les routes », indique Zack Gold, chercheur à l’Institut national d’études stratégiques, en Israël. L’escalade offensive a toutefois permis de contenir l’expansion du groupe hors de la péninsule. « Les crimes et les violations répétées des forces égyptiennes alimentent cette violence impitoyable », pointe Ismaïl Alexandrani, expert du Sinaï. Dans le cadre des opérations « Eagle I et II », lancées depuis la révolution de 2011, l’armée a multiplié les destructions d’habitations, les bombardements meurtriers sur les civils et les arrestations. Depuis novembre, des milliers de familles de Rafah sont poussées à l’exil, sans accompagnement immédiat, par la création de la zone tampon avec la bande de Gaza. Les experts pointent l’échec de cette stratégie, héritée de la gestion sécuritaire des Bédouins du Sinaï depuis les années 2000. La marginalisation socioéconomique et la répression exercée contre les tribus après les attentats contre les complexes touristiques de Taba, Charm El-Cheikh et Nuweiba entre 2004 et 2006 ont alimenté l’insurrection. Elle s’est nourrie des griefs de la population contre les autorités pour y gagner soutiens logistiques et financiers. Pour M. Al-Anani, la seule option pour le régime est « d’inclure une stratégie politique, économique et sociale pour regagner la confiance de la population du Sinaï ». p « Nous allons continuer d’attaquer les chiites, car ils sont opposés au vrai islam » AHMED MARWAT porte-parole du Jundullah surnommé le « Vieux Paris » à cause des parfums que l’on y fabriquait avant la partition de l’Inde, en 1947, et la création du Pakistan. Vendredi soir, les bilans restaient encore imprécis, faisant état, selon les sources, de 48 à 61 morts et de dizaines de blessés. De même, les modalités de l’attaque demeuraient floues. Des témoins cités par des télévisions locales affirmant qu’un kamikaze aurait déclenché sa veste d’explosifs, d’autres relatant la présence d’un véhicule piégé. Les services de police n’ont pas confirmé ces hypothèses. Allégeance à l’Etat islamique L’attentat a rapidement été revendiqué auprès de l’Agence FrancePresse par le porte-parole d’un groupe peu connu, le Jundullah, qui graviterait autour du mouvement du Tehrik-e-Taliban Pakistan (talibans pakistanais, TTP). « Nous allons continuer d’attaquer les chiites car ils sont opposés au vrai islam », a déclaré Ahmed Marwat. Le même homme avait déclaré, en novembre, à l’agence Reuters, que son mouvement avait fait allégeance à l’Etat islamique. Les revendications sont néanmoins reçues avec une grande prudence par les services de sécurité pakistanais et occidentaux. Il arrive que des groupes radicaux Islamabad AFGHANISTAN IRAN PAKISTAN Shikarpur INDE Karachi Mer d’Oman 300 km assument l’un pour l’autre la responsabilité d’actes afin d’égarer les enquêteurs. De plus, l’éclatement, fin 2014, du TTP en de nombreuses formations a encore compliqué le décryptage du paysage insurrectionnel du pays. Certains commandants du TTP ont opté pour la voie du dialogue avec le gouvernement pakistanais, d’autres ont fait allégeance à l’Etat islamique et enfin, son leader en titre, le maulana Qazi Fazlullah, est en guerre avec les autorités. C’est ce denier qui a revendiqué l’assaut meurtrier, le 16 décembre, contre une école à Peshawar, qui a fait 150 morts, dont 132 écoliers. La nouvelle tuerie perpétrée contre la communauté chiite rappelle que cette minorité musulmane, qui représente environ 20 % de la population pakistanaise – estimée à près de 190 millions de personnes – est l’une des principales cibles des violences qui ensanglantent le pays. Parmi les nombreuses attaques visant les chiites dans tout le pays, deux attentats à la bombe, en 2013, avaient fait près de 200 morts à Quetta (capitale de la province du Baloutchistan) où vit la communauté hazara. A ce jour, les assassinats ciblés contre les chiites étaient surtout revendiqués par le TTP et un autre réseau islamiste sunnite, le Lashkar-e-Jhangvi. Les motifs avancés par les tueurs étaient souvent liés à l’islam, mais ils peuvent aussi porter sur des rivalités pour des lieux saints ou des luttes de pouvoir locaux entre clans sur fond de radicalisation islamiste. Enfin, les tensions régionales entre l’Iran chiite et l’Arabie saoudite sunnite aggravent, depuis longtemps, la situation des chiites du Pakistan, pris en otages. D’un côté, les extrémistes sunnites les accusent de faire de l’entrisme pour le compte des Iraniens, épousant un grief parfois formulé, à demi-mot, par les autorités pakistanaises, et de l’autre, la communauté chiite, notamment celle vivant au Baloutchistan (600 000 personnes), reproche à Téhéran de vouloir les infiltrer et les manipuler. p jacques follorou international | 5 0123 DIMANCHE 1ER - LUNDI 2 FÉVRIER 2015 En Ukraine, du côté de l’armée face aux prorusses Soldats et civils ukrainiens paient un lourd tribut, alors que les combats ont fait au moins 24 morts vendredi REPORTAGE mirnaïa dolina - envoyé spécial C’ est une journée tran quille pour Vova. Ce vendredi 30 janvier, la position que son unité occupe, au lieudit de Mir naïa Dolina, n’a reçu aucun obus. Les plus proches, tirés des positions séparatistes à deux kilomètres de là, sont tombés à quelques centaines de mètres. Pas de quoi le déranger dans sa lecture. A vrai dire, depuis une semaine, chaque jour paraît tranquille à Vova. Le 22 janvier, le soldat de la 24e brigade de l’armée ukrainienne a évacué la position numéro 31. En tout, il y a passé 85 jours sans être relevé. Les deux dernières semaines, les bombardements étaient incessants. Canons, mortiers, roquettes, et pour finir, les tanks. Face à cette offensive massive, les trois tanks ukrainiens de la « 31 » se sont retrouvés à court de munitions. Les hommes ont appelé le quartier général. « On ne peut pas vous livrer, venez chercher des munitions vous-mêmes », leur a-t-on répondu. Vova est encore plus amer quand il raconte la suite : « A la fin ce n’était plus tenable. Mais l’état-major a mis vingt minutes à valider l’ordre d’évacuation. Un colonel disait “oui”, un général disait “non”, et nous, on devenait fous. Pendant ces vingt minutes, deux de mes camarades sont morts. » Vova a 31 ans. Il a reçu son ordre de mobilisation début septembre. Il a abandonné sa femme, son fils et son commerce de viande et il est parti à la guerre. « Dans mon village, dans la région d’IvanoFrankivsk, huit hommes ont été appelés. Cinq se sont débrouillés pour ne pas y aller, mais moi je n’ai pas hésité. Je préfère combattre l’envahisseur russe ici et maintenant plutôt que sur le seuil de ma maison dans quelques mois. » Vova a vécu « l’enfer », dit-il, « C’est moi et ma kalachnikov contre la deuxième armée du monde » TROMS combattant du bataillon de volontaires « Donbass » mais il n’abandonnerait pour rien au monde sa nouvelle position. Mirnaïa Dolina (« la vallée paisible ») est un arrêt de bus en béton planté au milieu des champs. Les alentours ressemblent davantage au bivouac d’une troupe nomade qu’à un camp militaire. Les hommes, sales et fatigués, coupent du bois pour le chauffage et la cuisine, dorment dans des cavités creusées dans le sol. Encore quelques dizaines de mètres et c’est le front : des tranchées dans lesquels les soldats guettent en fumant des cigarettes, lance-roquettes ou mitrailleuse à la main. Aucun blindé visible, mais ils ne sont « pas loin », paraît-il. Pourtant, Mirnaïa Dolina doit tenir. Plus au sud, c’est Debaltsevo. Là, plusieurs milliers de soldats sont retranchés, subissant, aux côtés des quelques milliers de civils qui n’ont pas pu fuir, un pilonnage permanent des séparatistes. Debaltsevo est en passe d’être encerclée par les rebelles prorusses. Si Mirnaïa Dolina cède, le piège se refermera sur l’armée ukrainienne. Comme à Ilovaïsk, pendant l’été, où au moins 130 hommes sont morts après l’encerclement de la ville (400 selon des sources indépendantes). L’épisode a traumatisé l’Ukraine. A l’époque, on a même évoqué la trahison de certains officiers, qui auraient permis l’encerclement. Vova n’est pas loin de le croire, après ce qu’il a vu à la position 31. « Quand les tanks ont attaqué, ils Des combattants du bataillon « Donbass », dans la région de Debaltsevo (est de l’Ukraine), le 30 janvier. MARIA TURCHENKOVA POUR « LE MONDE » connaissaient exactement nos positions, et jusqu’à l’emplacement de nos mines », assure-t-il. Equipement sommaire « Troms », 25 ans, fait chambre commune avec Vova, au fond d’un trou de quelques mètres carrés creusé dans la terre. Trois matelas posés à même le sol sur lequel se serrent cinq hommes, un réchaud bricolé, du bois, des conserves et une chatte, Nadia. Au printemps, lorsque la guerre a débuté, l’armée, minée par vingt-cinq ans de déliquescence et de corruption, n’avait pas même les moyens d’acheminer de la nourriture à ses troupes. Il fallait compter sur la générosité des habitants et sur les innombrables organisations de citoyens créées pour approvisionner les troupes. Les voisins se cotisaient pour acheter un gilet pare-balles. Les choses se sont améliorées mais l’équipement reste sommaire, les blindés anciens, les uniformes rarement adaptés à l’hiver. Les Etats-Unis, le Canada et plusieurs pays européens ont livré du matériel, mais aucun équipement létal. L’armée ukrainienne n’était pas prête pour la re- prise des opérations militaires. Troms était de la bataille d’Ilovaïsk. Il appartient au bataillon de volontaires « Donbass », composé en majorité de combattants venus des régions orientales de l’Ukraine. Troms, métallurgiste, est originaire de Donetsk. Il se définit comme un « Russe ethnique », mais après avoir vu sa région passer sous le contrôle de la « République populaire de Donetsk », il a choisi le camp ukrainien. « Je ne veux pas que mes enfants grandissent dans cette espèce d’Etat mafieux que mettent en place les séparatistes, ou dans un Etat autoritaire comme la Russie, explique-t-il. Si nous voulons faire un jour quelque chose de ce pays, chacun doit prendre ses responsabilités. C’est moi et ma kalachnikov contre la deuxième armée du monde. » Volontaires et soldats de l’armée régulière cohabitent au front. Les volontaires sont les plus motivés, mais l’armée rechigne à leur fournir des armes lourdes. Et ce sont les soldats qui tiennent le plus souvent les positions en toute première ligne. 100 000 personnes ont été mobilisées en 2014 ; autant doivent l’être en 2015. p benoît vitkine Le Maroc et la France travaillent à leur rapprochement Mohammed VI pourrait sceller ce week-end à Paris un accord destiné à surmonter une année de brouille diplomatique avec le gouvernement français. Les deux pays veulent relancer leur coopération judiciaire, entre autres pour mieux lutter contre le terrorisme rabat - envoyée spéciale L a brouille entre la France et le Maroc va-t-elle bientôt prendre fin ? Après une année de tensions, et plusieurs semaines de ratés diplomatiques, les déclarations sont à l’apaisement. Vendredi 30 janvier, des sources marocaines indiquaient qu’un déplacement du roi Mohammed VI à Paris pourrait intervenir dès ce week-end. Une « visite privée », précisait-on toutefois. Les ministres français et maro- LES DATES 20 FÉVRIER 2014 Des policiers se présentent chez l’ambassadeur du Maroc pour convoquer le patron du renseignement marocain, poursuivi pour « complicité de torture ». 27 FÉVRIER Rabat suspend l’accord de coopération judiciaire avec Paris. 26 MARS Salaheddine Mezouar, le chef de la diplomatie, est fouillé à l’aéroport de Roissy malgré son passeport diplomatique. cain de la justice se sont longuement rencontrés jeudi et vendredi à Paris afin de préparer la reprise d’une coopération judiciaire entre les deux pays. Le traditionnel « partenariat d’exception » entre les deux pays a été mis à mal depuis plus d’un an maintenant en raison de poursuites engagées en France contre un haut responsable marocain. Le 20 février 2014, des policiers français s’étaient rendus à la résidence de l’ambassadeur du Maroc, à Neuilly, afin d’y remettre une convocation du chef du renseignement du royaume, Abdellatif Hammouchi, visé par une plainte pour complicité de torture déposée devant la justice française, qui se trouvait alors en France. Dénoncé comme inamical par Rabat, l’épisode avait provoqué la suspension de l’accord de coopération judiciaire existant entre la France et le Maroc. Plusieurs incidents diplomatiques, parmi lesquels le contrôle injustifié en mars 2014 à l’aéroport RoissyCharles-de-Gaulle du ministre des affaires étrangères, Salaheddine Mezouar, ont ensuite nourri tout au long de l’année l’agacement marocain. Jusqu’à l’annulation subite par le chef de la diplomatie marocaine de sa visite à Paris prévue le 23 janvier 2015. Après cet ultime raté, Paris avait une nouvelle fois répété l’urgence de trouver une solution. « La Les transfèrements de prisonniers sont suspendus, de même que les commissions rogatoires France est l’amie du Maroc, le Maroc est l’ami de la France. Il nous faut dépasser cet épisode basé, me semble-t-il, sur de nombreuses incompréhensions », a déclaré, mercredi à l’Assemblée nationale, le premier ministre, Manuel Valls, expliquant que la France faisait « de nombreuses propositions pour renouer rapidement des liens étroits avec les autorités marocaines ». Lutte contre le terrorisme Dans ce contexte se sont rencontrés jeudi à Paris le ministre marocain de la justice, Mustapha Ramid, et son homologue française, Christiane Taubira, avec l’objectif affiché de relancer la coopération judiciaire. Les discussions se sont poursuivies toute la journée de vendredi et ont été qualifiées de « fructueuses » par Rabat. Celles-ci se déroulent dans un climat « positif », indiquait vendredi au Monde le porte-parole du gouvernement Mustapha El Khalfi, ajoutant qu’il y a des deux côtés « la volonté de faire avancer le recadrage des relations », de « trouver une solution », « c’est l’essentiel ». Des déclarations tranchant avec celles du ministre des affaires étrangères, M. Mezouar, qui avait, en début de mois, dans un entretien au journal Jeune Afrique, douté de la volonté politique de Paris de sortir de cette crise. De l’avis de nombreux observateurs, la persistance d’une telle brouille est difficilement vivable. Les conséquences du gel de l’accord de coopération judiciaire entre les deux pays sont lourdes : depuis un an, les transfèrements de prisonniers sont suspendus, de même que les commissions rogatoires ou encore toutes les décisions relevant du droit de la famille (pensions alimentaires, enlèvements d’enfants…). Or, quelque 1,3 million de Marocains vivent en France, et entre 60 000 et 80 000 Français au Maroc. Les deux pays sont en outre confrontés aux mêmes défis de lutte contre le terrorisme et le recrutement de combattants étrangers partant rejoindre le groupe Etat islamique en Irak ou en Syrie. L’échange de renseignements entre les services est là aussi au plus bas. Reste que la question de fond demeure. Si les autorités marocaines démentent formellement demander l’immunité pour leurs hauts responsables, il est primordial pour Rabat que l’affaire Ham- mouchi ne puisse pas constituer un précédent. Or, s’agissant des crimes de torture, la France est liée par ses engagements internationaux qui obligent sa justice à poursuivre tout tortionnaire présumé, quelle que soit sa nationa- lité, dès lors qu’il se trouve sur le sol français. « L’essentiel est de respecter la justice marocaine », avance Mustapha El Khalfi, sans préciser la nature des demandes adressées à la France. p charlotte bozonnet 8,50 € CHEZ VOTRE MARCHAND DE JOURNAUX Une publication www.monde-diplomatique.fr/mdv 6 | france 0123 DIMANCHE 1ER - LUNDI 2 FÉVRIER 2015 Justice des mineurs : la réforme attendra La garde des sceaux souhaitait supprimer les tribunaux correctionnels pour adolescents au premier semestre C e devait être, après la réforme pénale, le deuxième grand projet de Christiane Taubira : la réforme de la justice des mineurs, c’est-à-dire de l’ordonnance du 2 février 1945 que le général de Gaulle avait gravée dans le marbre. Le texte a un peu vieilli, il a été modifié trente-six fois et seuls six articles datent véritablement de la Libération. Un nettoyage et une simplification, de l’avis général, s’imposaient. La chancellerie entend bien en maintenir le principe directeur, la primauté de l’éducatif, en conservant le volet répressif qui existe déjà. « La France n’est pas assez riche d’enfants pour qu’elle ait le droit de négliger tout ce qui peut en faire des êtres sains », disait le texte de 1945. « Toute décision prononcée à l’égard d’un mineur, édicte le projet de loi, vise prioritairement à assurer son relèvement éducatif et à prévenir la récidive. » Mme Taubira s’était engagée devant l’Assemblée à faire adopter la réforme, qui supprime notamment les tribunaux correctionnels pour mineurs, au « premier semestre 2015 ». Ces tribunaux, imposés en 2012, n’ont jugé que 787 adolescents de janvier 2012 à novembre 2013, beaucoup compliqué l’organisation des juridictions et n’ont pas prononcé de peines plus sévères qu’auparavant. Le texte est prêt, mais Christiane Taubira n’est pas parvenue à l’imposer au gouvernement. La date d’un passage au conseil des ministres devait être tranchée à la mi-janvier, mais le premier ministre ne voit pas la nécessité d’agiter devant l’opposition un texte qui n’a pourtant rien de révolutionnaire. Une fois encore, Mme Taubira se trouve en porte-à-faux. Elle avait prévu de fêter dignement lundi le 70e anniversaire de l’ordonnance en compagnie de Pierre Joxe, l’ancien ministre devenu humble avocat spécialiste des mineurs. Le col- Lors d’une audience, à la suite d’une mise en examen avec un mineur, à Evry, en 2002. THIERRY DUDOIT/EXPRESS-REA loque a failli être annulé, car la garde des sceaux n’a pas une ardente envie d’annoncer que son projet est renvoyé aux calendes. Le projet de loi entend garantir « un équilibre entre l’intérêt de l’enfant mis en cause et ceux de la victime et de la société ». En 2013, la France comptait 14,6 millions de mineurs – 234 000 ont été mis en cause par la police dans des affai- res pénales. Des adolescents (les moins de 13 ans ne représentent que 9 %), et des garçons à 83 %. Les chercheurs distinguent trois types de délinquance juvénile : la « délinquance initiatique », propre au goût de la transgression des adolescents. C’est aussi la période de rencontre avec les substances psychoactives : le tabac, massivement, l’alcool (91 % des 17 ans l’ont expérimenté) et le cannabis (68 %). La « délinquance pathologique » ensuite, liée à des difficultés individuelles et souvent familiales, et la « délinquance d’exclusion ». Les mineurs ancrés dans la délinquance sont surtout des jeunes de quartiers socialement et économiquement précaires, en échec scolaire et avec des relations familiales fragiles. Les jeunes d’origine Ce que l’on sait de la délinquance des adolescents L a délinquance des mineurs est par essence un sujet épidermique qui se prête volontiers aux idées reçues. C’est aussi un thème de campagne. Supprimer les tribunaux correctionnels pour mineurs, écrivait l’UMP sur son site le 22 mars 2013, c’est « fermer les yeux sur une terrible réalité : l’augmentation de 575 % des violences commises par les mineurs depuis 1990 ! », sans expliquer la méthode de calcul. La délinquance des mineurs est assez stable. Le nombre de mineurs mis en cause par la police et la gendarmerie tourne autour de 200 000 par an, selon les chiffres du ministère de la justice. Il a beaucoup progressé dans les années 1990, mais entre 2003 et 2013 il a peu évolué : + 20 % jusqu’à 2010, puis - 10 %. Il y a eu 180 000 mineurs mis en cause en 2003, 216 000 en 2010, 195 000 en 2013. Les condamnations des mineurs suivent la même courbe : 53 000 en 2010, puis 49 000 en 2013. La hausse de la délinquance des mineurs a progressé de 8 % de 2003 à 2013, contre 25 % pour les majeurs. Les mineurs délinquants ne sont pas de plus en plus jeunes. La plupart de ceux poursuivis sont des adolescents de plus de 16 ans. Près de la moitié des mineurs impliqués dans des affaires pénales ont 16 ou 17 ans, 41 % entre 13 et 15 ans, les moins de 13 ans ne représentent que 9 %. Si on se limite aux condamnations effectives, les moins de 13 ans n’en représentaient en 2013 que 3 %, un chiffre stable depuis trente ans. Les mineurs délinquants, dans leur majorité, ne sont pas violents. La majorité des infractions commises par des mineurs sont des délits non violents. Quarante pour cent des mis en cause en 2013 l’ont été pour des atteintes aux biens, sans violence (vol à l’étalage, vol de voiture…), contre 20 % pour les adultes. Cela représente envi- ron 78 600 jeunes, un chiffre en baisse de 13 % sur dix ans. Seize pour cent des mineurs mis en cause le sont pour usage de stupéfiants. Le chiffre a pratiquement doublé en dix ans (28 000 en 2013). Certes, un mineur sur cinq mis en cause en 2013 l’a été pour violences physiques volontaires (bagarres, violences, agressions sexuelles, crimes). Leur nombre a augmenté de 58 % de 2003 à 2013 : il est passé de 26 000 en 2003 à 43 000 en 2011, puis 41 500 en 2013. Les mineurs sont de plus en plus poursuivis en justice. Le « taux de réponse pénale » des procureurs est de 94 % pour les mineurs en 2013, contre 77 % en 2000 et 60 % en 1994 : la réponse judiciaire à cette délinquance est devenue quasi systématique, même pour les petits délits. Les classements sans suite des parquets ont baissé de 69 % entre 1994 et 2013. Les mineurs délinquants ne sont pas de plus en plus récidivistes. Neuf mineurs sur dix en contact avec la justice le sont pour la première fois. Ensuite, 65 % des mineurs ne reviennent pas devant la justice pendant leur minorité. « L’adolescence est une période d’expérimentation, note le ministère. L’expérience montre qu’un adolescent risque fort de recommencer jusqu’à ce qu’il soit freiné par ses parents, une victime, un enseignant, un policier… Cette intervention suffit pour la plupart. » Pour un petit noyau, une intervention plus lourde est nécessaire. De 1999 à 2012, les deux tiers des mineurs incriminés ont été impliqués dans une seule affaire pénale, mais 7 % ont connu plus de 6 affaires de délinquance et ont commis à eux seuls 36 % du total des délits des mineurs. Les risques de récidive sont d’autant plus importants que les premiers actes de délinquance sont précoces, d’où l’importance d’une prévention elle aussi précoce. p f. j. étrangère, qui cumulent les facteurs de vulnérabilité, sont ainsi surreprésentés. 65 % des mineurs qui ont eu un premier contact avec la justice se font oublier ensuite, et deux tiers des mineurs mis en cause n’étaient en 2013 impliqués que dans une seule affaire. En revanche, 7 % des mineurs poursuivis ont connu plus de six dossiers de délinquance et ont commis 36 % du total des délits. « Choix du courage » Le projet de loi reste sévère et ne donne pas d’âge minimal pour être poursuivi. Tous les mineurs « capables du discernement » sont pénalement responsables, c’est-àdire ceux qui ont « voulu et compris » leur acte et sont aptes « à comprendre le sens de la procédure pénale ». On peut même incarcérer un jeune de moins de 13 ans « à titre exceptionnel ». Le texte, qui comprend nombre de mesures techniques, prévoit un jugement en deux temps pour les mineurs : c’est la « césure ». Le juge ou le tribunal pour enfants se prononce dans les trois mois sur la culpabilité et décide des intérêts civils (les dédommagements des victimes). Il n’est pas rare qu’il faille attendre deux ans pour être jugé, et un garçon de 14 ans n’est plus le même à 16. Mais le tribunal ne se prononcera sur la peine que six mois plus tard. Pendant cette période, le travail éducatif commence. « C’est le choix du courage, pas celui de la paresse, assure la chancellerie. Il est plus simple d’enfermer le mineur, qui récidivera en sortant » – 66 % des mineurs sortant de prison L’ESSENTIEL 1 % des détenus sont mineurs. L’incarcération, qui reste une décision exceptionnelle, concernait 2 950 jeunes de moins de 18 ans en 2013. Au 31 décembre de la même année, 713 mineurs étaient détenus – chiffre stable sur dix ans. La durée moyenne sous écrou est de 3 mois, contre 10 mois pour l’ensemble des prisonniers ; elle augmente régulièrement depuis 2007. Les mineurs sont de moins en moins détenus dans des quartiers spécifiques des maisons d’arrêt (64 %), et de plus en plus dans des établissements pour mineurs. sont condamnés à nouveau à de la prison ferme dans les cinq ans. Le jeune délinquant, suivi de près par un éducateur, entreprend des mesures de réparation, il peut être suivi à domicile, placé dans une famille, un foyer ou un centre éducatif fermé comme aujourd’hui. S’il commet une nouvelle infraction, il est à nouveau jugé. La réforme devrait offrir une continuité du suivi – il n’est pas rare qu’un jeune sortant d’un centre éducatif fermé se retrouve sans éducateur et trébuche d’autant plus vite. La nouvelle loi devrait permettre aussi que l’accompagnement éducatif ne s’arrête pas d’un coup à 18 ans, décision souvent catastrophique et qui représente un gaspillage de ressources d’éducateurs. p franck johannès france | 7 0123 DIMANCHE 1ER - LUNDI 2 FÉVRIER 2015 Bruno Le Maire en route pour 2017 Le député de l’Eure réunit samedi ses soutiens au sein de l’UMP B runo Le Maire veut poursuivre sur sa lancée. Deux mois après avoir effectué une percée lors de l’élection à la présidence de l’UMP, le député de l’Eure entend surfer sur l’élan de ce scrutin, où il a recueilli près de 29 % des voix des militants. Il devait afficher l’étendue du réseau qu’il a tissé ces derniers mois en réunissant, samedi 31 janvier, à Paris, plus de 300 cadres qui se sont mobilisés lors de la campagne interne. « Il y a eu une période de baby blues tout à fait normale après l’élection. Cette réunion doit sonner le réveil », estime son ancien directeur de campagne, Jérôme Grand d’Esnon, qui veut densifier le réseau de soutiens dont dispose M. Le Maire, notamment dans le sud-est de la France. Sans le dire ouvertement, l’ancien ministre de l’agriculture de Nicolas Sarkozy prépare sa candidature à la primaire à droite pour la présidentielle de 2017. C’est son vrai objectif, même s’il affirmait pendant la campagne interne vouloir se consacrer uniquement à l’UMP, accusant M. Sarkozy de vouloir mettre la main sur l’appareil pour en faire « un marchepied » pour l’Elysée. Preuve de son ambition : le seul fidèle que M. Le Maire a tenu absolument à caser dans le nouvel organigramme de l’UMP est le député des Hauts-deSeine Thierry Solère, promu au poste hautement stratégique de président du groupe de travail sur l’organisation de la primaire, prévue à l’automne 2016. Pour autant, M. Le Maire n’a pas l’intention de se déclarer dès maintenant, contrairement à Alain Juppé, François Fillon et Xavier Bertrand. A ses yeux, l’officialisation de ses ambitions élyséennes doit être un aboutissement et non un point de départ. La bonne fenêtre de tir, selon lui ? A partir du début de l’année 2016, environ neuf mois avant la tenue de la primaire. « Je ne prendrai aucune décision avant la fin de l’année 2015 », a-t-il précisé le 25 janvier, L’HISTOIRE DU JOUR A Pékin, Manuel Valls jure fidélité à François Hollande D epuis Pékin, Manuel Valls n’a pas seulement adressé un message aux investisseurs chinois. Il a également profité du voyage pour envoyer un message très politique à la France, et plus particulièrement à la gauche française. Un message qui peut se résumer ainsi : il ne faudra pas compter sur lui pour engager un bras de fer avec François Hollande en vue de l’élection présidentielle de 2017. M. Valls l’avait déjà laissé entendre depuis de longs mois, mais il a été rarement aussi clair que ce vendredi 30 janvier. Bien sûr, le chef du gouvernement a noté que sa visite officielle en Chine était interprétée par beaucoup comme un déplacement à la voilure quasi présidentielle, et pas seulement parce qu’il a emprunté pour l’occasion l’Airbus A330 du chef de l’Etat. Présent dans la délégation, le sénateur (UMP, Vienne) JeanPierre Raffarin, interlocuteur privilégié de la Chine, l’a d’ailleurs noté, en rappelant que les hauts dignitaires du régime « investissent beaucoup sur le long terme » et qu’ils « pensent à l’avenir » lorsqu’ils dialoguent avec l’ancien ministre de « JE NE PEUX PAS l’intérieur, un « homme politique ÊTRE SUR jeune » à leurs yeux et promis à « une belle carrière ». UN AUTRE CHEMIN Mais le premier ministre a eu vent des deux sondages IFOP et CSA, paQUE HOLLANDE » rus coup sur coup jeudi et vendredi MANUEL VALLS en France et qui le donnent en premier ministre meilleure position à gauche que M. Hollande pour la présidentielle, notamment face à Marine Le Pen. Et il n’est pas question pour lui de laisser s’installer une pareille petite musique politique à vingt-huit mois de l’élection, surtout après les récents attentats, qui lui ont donné l’occasion de vanter la gestion « fusionnelle » avec le chef de l’Etat. « Légitimité » « Je ne peux pas être sur un autre chemin que François Hollande, a tenu à expliquer M. Valls aux journalistes français qui l’accompagnent en Chine. Je ne confonds jamais le rôle des uns et des autres : le président de la République a été élu au suffrage universel, c’est lui et lui seul qui dispose de cette légitimité, le premier ministre, lui, est nommé. » Impossible donc d’envisager le moindre destin personnel à court terme, à commencer par 2017, malgré sa popularité en hausse. « Les Français n’attendent pas de moi que je me prépare à telle ou telle échéance, ils attendent de moi que j’assume pleinement ma fonction », précise-t-il. Et cette fonction, c’est celle d’un premier ministre à l’image du profil type dessiné par M. Hollande : « Quand le président de la République me nomme, il veut aussi un premier ministre fort, qui existe et lui apporte quelque chose », décrypte-t-il. Son prédécesseur à Matignon, Jean-Marc Ayrault, appréciera sans doute un tel antiportrait chinois. Exit, donc, Manuel Valls pour 2017 ? Lui jure qu’il « ne baratine pas ». A ses yeux, même s’il se refuse à parler à sa place, le candidat socialiste à la prochaine présidentielle ne peut être que M. Hollande et celui-ci, jure-t-il, « retrouvera progressivement la confiance des Français parce qu’il est le président ». p bastien bonnefous (pékin, envoyé spécial) au « Grand Rendez-vous » i-Télé/ Le Monde/Europe 1. Il entend se déclarer quand son projet sera le plus avancé possible. Une stratégie des petits pas, qu’il a mise en place après l’échec de la droite à la présidentielle de 2012. Campagne permanente Depuis deux ans et demi, M. Le Maire s’efforce de se bâtir une écurie à la hauteur de ses ambitions en poursuivant une forme de campagne permanente. Deux mois après l’élection à la présidence de l’UMP, le voici qui reprend sa tournée des fédérations au rythme de deux déplacements par semaine en moyenne. Il sillonnera le pays tout au long de 2015 pour soutenir les candidats de l’UMP aux départementales et aux régionales… tout en défendant ses propres intérêts. Jeudi 29 janvier, il était dans l’Hérault. « L’objectif, c’est d’aller soutenir les candidats et en même temps, de partir à la rencontre des militants », explique son entourage. Ces plongées sur le terrain, qui lui permettent de structurer son réseau de soutiens, se déroulent toujours sur le même format : une réunion publique à 19 heures, précédée d’une rencontre avec des acteurs de la société civile, comme des professeurs ou des policiers. Lors de ces visites, il ne manque pas de se présenter comme le « candidat du renouveau ». Le slogan phare de sa campagne interne à l’UMP. Il profite aussi de l’occasion pour exposer les grandes lignes de ce qui ressemble à un futur projet présidentiel : restauration d’un Etat régalien fort et recentré sur quelques missions fondamentales (défense, police, justice, éducation) ; redéfinition de l’Etat-providence, ce qui passe par une diminution des dépenses sociales ; instauration d’une République libérale, qui rétablit l’unité de la nation tout en laissant plus de liberté aux individus… Pour se donner une stature de présidentiable, l’ancien diplomate se déplace régulièrement à l’étranger : le 23 janvier, il assistait au Forum économique mondial Une ascension dans les sondages Bruno Le Maire a connu un regain de popularité dans les sondages grâce à la dynamique engendrée par sa campagne pour la présidence de l’UMP. 47 % des Français ont jugé qu’il en sortait « renforcé », selon un sondage IFOP pour Le Figaro Magazine paru le 5 décembre 2014. Il compte 41 % de bonnes opinions dans le baromètre IFOP-Fiducial pour Paris Match et Sud Radio, publié le 27 janvier. Le député de l’Eure connaît une légère perte de vitesse, puisque sa cote de popularité baisse de trois points par rapport au mois de décembre. Dans les souhaits de candidature pour la présidentielle de 2017, il est en revanche toujours largement distancé dans son camp par Nicolas Sarkozy et Alain Juppé. 8 % des sympathisants UMP le désignent, contre 49 % pour M. Sarkozy et 34 % pour M. Juppé, selon un sondage Viavoice paru le 22 décembre 2014 dans Libération. de Davos, aux côtés des représentants de la finance mondiale ; le 20 février, il doit rencontrer à New-York le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon. Symbole de son nouveau poids politique : Nicolas Sarkozy multiplie les marques d’attention à son égard. Le président du parti a ainsi invité ce germanophile à l’accompagner lors de sa visite à Berlin, avec Angela Merkel, le 26 janvier. M. Le Maire avait aussi été le premier ténor de l’UMP reçu par M. Sarkozy, début décembre 2014, après l’élection de celui-ci à la présidence du parti. Et encore le premier à être consulté par l’ancien chef de l’Etat, le 5 janvier, lors d’un déjeuner médiatisé. Cultiver sa singularité En interne, certains y voient une stratégie de la part de M. Sarkozy – qui consisterait à faire monter les actions de M. Le Maire dans l’espoir de « vieillir » Alain Juppé, âgé de 69 ans – afin de mieux se poser comme l’homme de la situation, ni trop jeune, ni trop vieux. D’autres suspectent Bruno Le Maire de « coller » à M. Sarkozy pour prendre de la lumière, avant de se rallier in fine à l’ex-chef de l’Etat, en échange d’une nomination à Matignon. Malgré cela, M. Le Maire assure qu’il entend conserver toute latitude d’action vis-à-vis du président de l’UMP. « Ma liberté de parole ne se négocie pas. J’ai vis-à-vis de 45 000 militants, qui ont voté pour moi, une dette. Et cette dette, c’est ma liberté de parole. » Il l’a utilisée récemment en demandant un réexamen des liens diplomatiques de la France avec le Qatar – ainsi qu’avec l’Arabie saoudite et le Yémen – afin de « ne plus Depuis deux ans et demi, l’ambitieux quadra s’efforce de se bâtir une écurie à la hauteur de ses ambitions avoir pour alliés » des Etats qui soutiendraient « des filières ou des discours terroristes ». Une pierre dans le jardin de M. Sarkozy, qui entretient des relations privilégiées avec Doha. Pendant la campagne interne, M. Le Maire s’était déjà opposé à M. Sarkozy sur plusieurs sujets : le changement de nom du parti, l’abrogation de la loi Taubira sur le mariage pour tous ou la réforme de l’espace Schengen. Une manière de cultiver sa singularité dans la perspective de la primaire, dans l’espoir de se frayer un chemin dans le match annoncé entre les deux favoris. « Avec la maîtrise du parti, Nicolas Sarkozy est structurellement en place pour la primaire, Alain Juppé est positionné dans l’opinion. Mais les choses peuvent évoluer en un an et demi. Bruno Le Maire peut représenter l’alternative », observe son ami Thierry Solère. Interrogé le 25 janvier sur Europe 1 sur l’issue de la législative partielle du Doubs des 1er et 8 février, M. Le Maire a montré qu’il croyait en ses chances, en commettant un joli lapsus : « Nous allons gagner cette primaire. » p matthieu goar et alexandre lemarié A Force ouvrière, M. Mailly cimente l’unité interne sur le combat contre l’austérité Lors de son 23e congrès, qui se tient à Tours du 2 au 6 février, la confédération syndicale va débattre d’une grève générale et de son développement C’ est presque une tradition. Avant chaque événement important concernant Force ouvrière (FO), cette confédération fondée en 1948 sur l’anticommunisme, Jean-Claude Mailly accorde un entretien à L’Humanité-Dimanche. Dans l’hebdomadaire communiste du 29 janvier, avant l’ouverture du 23e congrès de FO, qui se tiendra du 2 au 6 février à Tours, le secrétaire général n’y va pas avec le dos de la cuiller : « Toute politique libérale au sens économique s’accompagne d’une forme d’autoritarisme social. » A Tours, pendant cinq jours, ce sera donc feu sur l’« autoritarisme social » ! Ce congrès, qui va réunir 2 500 délégués, est dépourvu d’enjeux de taille. M. Mailly, 61 ans, élu pour la première fois en 2004, a en effet décidé de rempiler pour un quatrième et dernier mandat de trois ans. Les deux candidats qui briguent ouvertement sa succession devront patienter jusqu’en 2018. Pascal Pavageau, ingénieur en chef des travaux publics de l’Etat, de facto numéro deux, fait figure de favori, face à Stéphane Lardy, le négociateur en chef de FO venu de l’agriculture. Tous deux sont, comme M. Mailly, des adeptes du « réformisme militant ». M. Pavageau se borne à glisser au passage qu’il n’est pas encarté au PS, comme l’ont été tous les patrons de FO, ce qui n’est pas le cas de M. Lardy. « Il est clair que Jean-Claude a choisi Pascal, note un responsable de fédération, car il le met beaucoup en vitrine. » M. Mailly est soucieux de ne pas faire revivre à FO le traumatisme de 1989, quand la bataille pour la succession d’André Bergeron avait opposé Marc Blondel, tenant du « syndicalisme de contestation » et Claude Pitous, supposé défenseur du « syndicalisme d’accompagnement ». Cet affrontement violent entre réformistes et trotskistes avait conduit FO au bord de la scission. Des années avaient été nécessaires pour panser les plaies. Plus que Marc Blondel, dont il était le disciple, à la personnalité plutôt conflictuelle, M. Mailly a su pacifier la mosaïque de sensibilités qu’il dirige et instaurer une sorte de paix des braves entre les réformistes – majoritaires à plus de 60 % au sein de la commission exécutive de 35 membres – et les trotskistes (autour de 30 %). A la tête de la fédération de la métallurgie (60 000 adhérents), Frédéric Homez loue sa bonne entente avec « Jean-Claude ». « Le réformisme, on y est très attachés, explique-t-il, mais il faut qu’il apporte un plus aux salariés. » Même musique à la Fédération générale des travailleurs de l’agriculture (FGTA), 21 000 adhérents, qui se présente en « créateur de progrès social » et revendique haut et fort son réformisme. « On signe de bons accords, assure Dejan Terglav, son secrétaire général, on avance moins vite qu’avant mais on avance. Et Jean-Claude m’a toujours dit que la contestation est plus facile que la signature. » Les trotskistes à FO sont influents dans l’éducation et la culture, l’action sociale et à la Fédéra- Les deux candidats qui briguent la succession de Jean-Claude Mailly devront patienter jusqu’en 2018 tion des employés et cadres – une mini-confédération qui regroupe onze secteurs, de la banque au commerce non alimentaire, en passant par les casinos et les clercs de notaires, comme la sécurité sociale (bastion historique des lambertistes) et Pôle emploi. « C’est une corde de rappel », a coutume de dire M. Mailly. Pour l’heure, les trotskistes font profil bas, même si leur porte-parole, Patrick Hébert, secrétaire général de l’union départementale (UD) de Loire-Atlantique, demande toujours que FO quitte la Confédération européenne des syndicats. LES CHIFFRES Développer la syndicalisation M. Mailly a trouvé le ciment de l’unité interne : le combat contre l’austérité. Dans son rapport d’activité, il dénonce « la continuité entre les majorités politiques successives (…) basées sur le suivi, subi ou volontaire, des credos du libéralisme économique alliant rigidité économique et flexibilité sociale. (…) Nous avons ici ou là obtenu des aménagements ou bloqué certaines initiatives sans obtenir, en France comme ailleurs, un retournement de la situation. (…) Il est essentiel, notamment dans une période inédite de crise du capitalisme, que nous gardions la tête haute et que nous maintenions l’intégralité de nos positions, positionnements et revendications ». Au risque d’apparaître à l’extérieur imprévisible, FO refuse les accords dictés à ses yeux par l’austérité (sécurisation de l’emploi, pacte de responsabilité) et signe ceux qui défendent le paritarisme – assurance-chômage, retraites complémentaires, formation), satisfaisant à la fois sa majorité réformiste et… la minorité. Miracle de Tours ? Les trotskistes ne seront plus seuls à réclamer une grève interprofessionnelle de 18,28 % 500 000 adhérents En 2013, FO revendique 500 000 adhérents actifs et retraités. 57 % viennent du secteur privé, 43 % de la fonction publique et du secteur public. La syndicalisation des femmes est proche de 45 %, mais elles sont peu présentes dans les instances (5 femmes sur 13 au bureau confédéral, 2 sur 35 à la commission exécutive). Aux élections de représentativité, FO obtient 18,28 %, derrière la CGT et la CFDT. Dans les trois fonctions publiques, elle est troisième (18,6 %) mais arrive en tête dans celle de l’Etat (17 %). 24 heures – dont le principe est acté même si la réalisation s’annonce complexe. M. Terglav fera de même. L’opposition viendra des anarchistes qui tiennent trois des quatre unions départementales de Bretagne. Pour leur chef de file, Marc Hébert, « une seule voie reste aux salariés : la rue avec cessation d’activité par la grève interprofessionnelle illimitée ». Loin de ces rodomontades, le congrès va mettre l’accent sur le développement de la syndicalisation, une priorité souvent oubliée. « Là où la CGT et la CFDT sont présentes dans 45 élections, note M. Mailly, FO l’est dans 31. » Un écart important à combler. Et deux réformistes vont rejoindre le bureau confédéral : Jocelyne Marmande (FGTA) et Frédéric Souillot (métallurgie). Du sang neuf. p michel noblecourt 8 | france 0123 DIMANCHE 1ER - LUNDI 2 FÉVRIER 2015 Jean-Luc Mélenchon, le pari de l’étranger Grisé par la victoire de Syriza en Grèce, le député européen se rend à Madrid pour soutenir Podemos madrid - envoyé spécial Q uestion langues étrangères, Jean-Luc Mélenchon est plutôt porté vers l’espagnol. « Celui de la rue, que j’ai appris à Tanger quand j’étais gamin », explique-t-il. Du temps de la colonisation, la langue de Cervantès pouvait servir de pont entre Français et Marocains. Mais, curieusement, le héraut de la gauche radicale française assure pratiquer cette langue avec l’accent argentin. « L’Amérique latine, c’est un endroit où le mot révolution ne fait pas peur. Pas comme en Allemagne. » En visite à Madrid, vendredi 30 et samedi 31 janvier, le fondateur du Parti de gauche (PG) a eu l’occasion de travailler sa prononciation auprès de Pablo Iglesias, le chef de file de Podemos. Le jeune parti, créé à la suite du mouvement des « indignés » et placé en tête de la gauche dans les sondages, devait organiser samedi dans la capitale espagnole une marche qui se voulait une démonstration de force. M. Mélenchon, qui siège au Parlement européen aux côtés de M. Iglesias, était invité à venir garnir les rangs. Ces derniers jours, on aurait pourtant pu croire que l’ancien sénateur s’était mis au grec. La victoire de Syriza aux élections législatives du 25 janvier a été célébrée avec tant de ferveur par le Front de gauche que les procès en récupération n’ont pas tardé. Des accusations que Jean-Luc Mélenchon, qui explique connaître Alexis Tsipras, le nouveau premier ministre grec, depuis 2004, balaie d’un revers de la main. « Maintenant qu’ils ont gagné, je devrais me taire ? Laisser Mme Le Pen dire qu’elle les soutient ? C’est moi qui suis allé les voir, qui les ai reçus, se justifie-t-il. Avant, tout le monde l’appelait le Mélenchon grec. Maintenant qu’il a gagné, c’est fini. » Et si l’ancien candidat à la présidentielle utilise le « nous » pour parler d’eux, c’est parce que les gauches radicales européennes se soutiennent mutuellement, selon lui. « Mon score en 2012 a été un coup de booster. On se nourrit les uns du score des autres. Je pensais que ça prendrait dix ans après la crise pour nous voir gagner, comme en Amérique latine. Finalement, la Grèce est tombée en moins de six ans. C’est bon signe. » « Tourisme révolutionnaire » Podemos, Syriza… Chez Jean-Luc Mélenchon, cette propension à partir chercher des sources d’inspiration à l’étranger n’est pas neuve. Dans une interview au Monde, mercredi 28 janvier, l’historien Jacques Julliard parle de « tourisme révolutionnaire ». Quand il a créé le Parti de gauche, fin 2008, l’ex-socialiste revendiquait pour modèle les Allemands de Die Linke. Il rêvait alors de reproduire en France le succès de cette formation alliant d’anciens communistes et des sociaux-démocrates en rupture de ban avec le SPD. Le président de Die Linke, Oskar Lafontaine, un temps ministre de Gerard Schröder, comme JeanLuc Mélenchon a pu être celui de Lionel Jospin, avait même fait le déplacement à Saint-Ouen pour le congrès fondateur du PG, en 2008. « C’est tout ce qui existait de l’autre gauche à l’époque », s’excuse presque M. Mélenchon, dont le caractère latin s’accommode mieux de l’Europe du Sud. Aujourd’hui, il ne fait plus autant référence à ce mouvement que par le passé. Quand Die Linke gouverne depuis décembre 2014 un Land – la Thuringe – en coalition avec le SPD et les Verts, le tribun français, lui, ne veut plus entendre parler du Parti socialiste. La primaire de l’autre gauche bat de l’aile Julien Bayou, porte-parole d’Europe Ecologie-Les Verts (EELV), a réitéré, jeudi 29 janvier, l’idée qu’il avait émise avec Eva Joly en août 2014 d’organiser une primaire de l’autre gauche en vue de 2017. Celle-ci inclurait le Front de gauche, EELV et les frondeurs du Parti socialiste. Ce projet n’emballe pas Jean-Luc Mélenchon. « Je ne suis pas sûr que ça suscite un enthousiasme débordant. Si c’est pour avoir seulement 100 000 ou 200 000 électeurs, on est mal », estime le député européen. Le secrétaire national du Parti communiste français, Pierre Laurent, ne se montre pas plus enclin à cette idée. Jean-Luc Mélenchon, en compagnie d’Alberto Garzon, du parti Izquierda Unida, vendredi 30 janvier, à Madrid. OLMO CALVO POUR « LE MONDE » « Rompre avec le système, c’est aussi rompre avec le PS », juge-t-il. En réalité, la source d’inspiration décisive pour Jean-Luc Mélenchon est l’Amérique latine. Ce continent exerce chez lui une fascination quasi romantique. Son compagnonnage idéologique avec nombre des dirigeants latino-américains aujourd’hui en place date de 1991, quand ces derniers se sont réunis sous la bannière du Forum de Sao Paolo. Quand il se déplace en Argentine, Jean-Luc Mélenchon est reçu par la présidente du pays, Cristina Kirchner. Quand il fête la sortie de son dernier livre (L’Ere du peuple, Fayard), en octobre 2014, à Paris, des ambassadeurs sud-américains sont de la partie. Quand il publie, en 2010, un pamphlet contre la classe politique (Qu’ils s’en aillent tous, Flammarion), il s’inspire des slogans entendus en Argentine après la crise économique (« Que se vayan todos »). Et, quand il salue la mémoire de l’ancien président vénézuélien, Hugo M. Mélenchon partage avec les jeunes pousses de Podemos une fascination pour l’Amérique latine Chavez, mort en mars 2013, il n’hésite pas à le qualifier de « légende » entrée « dans l’imaginaire collectif des peuples de l’Amérique latine à l’instar de Che Guevara ». Durant l’été 2012, il avait arpenté le Venezuela aux côtés de Chavez à l’occasion de la dernière campagne présidentielle du dirigeant bolivarien. « Moi, je suis dans le vide » Cette fascination pour l’Amérique latine, Jean-Luc Mélenchon la partage avec les jeunes pousses de Podemos. C’est lors de ce voyage au Venezuela qu’il rencontre pour la première fois Iñigo Errejon, bras droit de Pablo Iglesias. Comme le parti espagnol, M. Mélenchon se réclame du « peuple », et non plus simplement de la gauche. Comme lui, il entend faire de la mobilisation citoyenne la base de tout mouvement et dit rejeter la forme traditionnelle des partis. Qu’importe que son passé de militant lambertiste lui ait laissé un goût certain pour l’ordre et les organisations. « Nous sommes les deux petits groupes qui vont le plus loin dans la construction d’outils politiques qui dépassent la latéralité droitegauche », estime Raquel Garrido, chargée de la question des institutions au PG. Pour ménager son allié communiste et ne pas insulter l’avenir, le député européen a tout de même profité de son escapade madrilène pour rencontrer Alberto Garzon, jeune représentant d’Izquierda Unida, le partenaire local du PCF, qui souffre de la concurrence de Podemos. Faire souffler en France la dynamique de ce nouveau mouvement est-il possible ? « Pablo [Iglesias] est appuyé sur une marée citoyenne que l’on n’a pas en France, reconnaît Jean-Luc Mélenchon. Moi, je suis dans le vide. L’énergie, c’est Mme Le Pen qui la capte, c’est elle qui a la dynamique. » Et le chef de file du PG de déplorer ses difficultés à rassembler son camp autour de sa personne. « Chez nous, le leadership est continuellement remis en cause, c’est la spécificité de l’autre gauche. Mme Le Pen, elle, personne ne la conteste. » Cela n’empêche pas le tribun de continuer à croire en son étoile, lui qui plaide pour une alliance entre le Front de gauche et Europe Ecologie-Les Verts en vue de la présidentielle de 2017. « Je suis disponible : s’il faut gouverner, je le ferai. Cécile Duflot a gouverné et en a gardé le goût. J’ai gouverné et j’en ai gardé le goût », assume-t-il. « Hasta la victoria siempre », qu’ils disaient. p olivier faye Marine Le Pen en tête en 2017 : des sondages à lire avec prudence Deux études créditent la présidente du FN d’environ 30 % d’intentions de vote au premier tour de la prochaine élection présidentielle L e monde politico-médiatique raffole des voyages dans le futur. Cette semaine, deux sondages, un de l’institut IFOP pour Marianne et l’autre du CSA pour RTL, ont analysé les intentions de vote des Français pour l’élection présidentielle de 2017, « si le premier tour avait lieu dimanche prochain ». Leur constat est le même : Marine Le Pen arriverait en tête du premier tour avec un score situé entre 29 % et 31 % selon l’IFOP, et entre 29 % et 33 % chez CSA. La présidente du FN n’a pas manqué de s’en féliciter – même si ces mêmes sondages la donnent perdante au second tour quel que soit l’adversaire envisagé (François Hollande, Manuel Valls, Nicolas Sarkozy et Alain Juppé). « Malgré la récente propagande médiatique, l’IFOP me crédite de 30 % à la présidentielle. Mobilisation générale pour les départementales ! », a tweeté Mme Le Pen, jeudi 29 janvier. Ces enquêtes sont de plus en plus demandées par les médias. Selon « L’intention de vote FN aurait tendance à être surévaluée en ligne » ALEXANDRE DÉZÉ maître de conférences à l’université Montpellier-I Alexandre Dézé, maître de conférences à l’université Montpellier-I et spécialiste des enquêtes d’opinion, ce sont en moyenne 2,5 sondages en rapport avec la politique qui sont publiés chaque jour en France. Leur nombre a considérablement crû au cours des dernières décennies. Pour la présidentielle de 1981, une centaine d’enquêtes sur les intentions de vote avaient été produites. Pour celle de 2012, elles furent plus de 400. Si elles révèlent un état du rapport de force politique au moment où elles sont réalisées, de telles enquêtes doivent toutefois être analysées avec précaution. Le biais principal est celui de la temporalité. A vingt-sept mois d’une présidentielle, toute prédiction est nécessairement hasardeuse. C’est parfois dans les derniers jours de la campagne que se détermine l’ordre d’arrivée du premier tour. Ce fut le cas en 2002. Dans la note qui accompagne son sondage, l’IFOP ne manque d’ailleurs pas de le préciser. « En aucun cas, précise l’institut, [ces résultats] ne constituent un élément prédictif des résultats le jour du vote ». Contacté par Le Monde, Frédéric Dabi, directeur général adjoint de l’IFOP, le reconnaît : « Ce n’est pas un sondage sur l’élection, mais une estimation des forces électorales après les événements liés à Charlie Hebdo. Il est significatif de voir François Hollande passer de 14 % à 21 % depuis notre dernier sondage de septembre. » L’autre limite de telles études tient au fait qu’il est impossible, si tôt avant l’échéance, de savoir qui sera effectivement candidat. Dans un sondage Sofres publié en août 2010, Dominique StraussKahn était ainsi crédité de 24 % d’intentions de vote au premier tour et 59 % au second. Et à l’époque, Dominique de Villepin était régulièrement testé. Aucun des deux ne fut finalement candidat. Biais technique Avec de telles études, « on teste et donc on impose dans les esprits des candidats qui ne le seront pas », estime Alexandre Dézé. Or les électeurs se déterminent en fonction de l’offre politique qui leur est proposée le jour J. « Il peut évidemment se passer beaucoup de choses », concède Frédéric Dabi. Lequel rappelle cependant qu’« entre 2010 et 2012, toutes les enquêtes ont donné Nicolas Sarkozy perdant au second tour, ce qui a été le cas ». A celui de la temporalité s’ajoute un autre biais : ces deux sondages ont été faits sur Internet. Or, selon Alexandre Dézé, cliquer sur le vote Marine Le Pen est plus simple que de le dire au téléphone. « Alors qu’elle était sous-évaluée par téléphone, l’intention de vote FN aurait tendance à être surévaluée en ligne », analyse le chercheur, qui explique que ce sont des personnes plus politisées et militantes qui participent volontairement à ce genre de sondages. Et si le « désir » de vote pour Mme Le Pen est sans doute aussi « redressé », les coefficients appliqués par les instituts sont gardés secrets. Reste que les conséquences de tels sondages sont difficiles à évaluer. Pour Alexandre Dézé, une chose est sûre : leur multiplication « crée un effet de véridiction (installation d’une vérité particulière plutôt qu’objective) et une croyance empirique s’installe. La montée de Marine Le Pen apparaît inéluctable, on construit peu à peu le film de sa prise de pouvoir. Cela s’accentue particulièrement depuis qu’elle a pris la tête du FN ; on est en pleine fantasmagorie. » p matthieu goar LE CHIFFRE 71 % Si deux récents sondages (IFOP et CSA) donnent Marine Le Pen en tête du premier tour de la présidentielle de 2017, une autre enquête, réalisée par l’institut Odoxa pour i-Télé, montre que le Front national n’est toujours pas jugé crédible pour gouverner le pays. 71 % des Français considèrent que le parti d’extrême droite n’est pas « en capacité » d’assumer les plus hautes fonctions, selon ce sondage réalisé par Internet, les 29 et 30 janvier, sur un échantillon de 1 008 personnes, selon la méthode des quotas. Seuls 28 % pensent le contraire, dont 48 % chez les sympathisants de droite et 11 % chez ceux de gauche. france | 9 0123 DIMANCHE 1ER - LUNDI 2 FÉVRIER 2015 Aides au logement : des dispositifs coûteux et pas toujours efficaces Ces allocations, qui absorbent 18 milliards d’euros, bénéficient à 6,3 millions de foyers Forte croissance des aides fiscales et des aides personnelles au logement LES AIDES PUBLIQUES AU LOGEMENT, EN MILLIARDS D’EUROS 45 40 35 30 25 20 15 L e budget consacré par l’Etat à aider les Français à se loger est impressionnant : 42 milliards d’euros, soit 2,1 % du produit intérieur brut. Cette manne finance 65 dispositifs différents, pas tous lisibles, cohérents ni efficaces. Les seules allocations logement, distribuées à près d’un foyer sur cinq, absorbent 18 milliards d’euros, LES CHIFFRES 18,3 milliards d’euros C’est le montant de l’aide au logement dont bénéficient 13 millions de personnes, dont 9 % de propriétaires, 40 % de locataires dans le parc social et 51 % dans le parc privé. Le montant moyen en 2013 de l’aide au logement était de 223 euros par mois. Un million de ménages produisent un effort supérieur à 33 % de leurs revenus pour payer leur loyer, même compte tenu de l’aide au logement. 700 000 étudiants 31 % perçoivent une aide au logement d’en moyenne 1 346 euros par an. 78 % la cumulent avec la demi-part fiscale accordée aux parents. soit quatre fois plus qu’en 1984, tandis que le nombre de bénéficiaires n’a fait que doubler sur la même période. « C’est l’une des aides les plus redistributrices, avant les minima sociaux », estiment les auteurs d’un rapport de l’inspection générale des affaires sociales, publié en 2012. S’élevant en moyenne à 223 euros par mois (chiffre 2013), elles aident massivement à payer leur loyer des locataires modestes, c’est-à-dire ceux dont le revenu est inférieur à 1 380 euros par mois, pour un couple sans enfant vivant en province. Grâce à ce coup de pouce, le taux d’effort de ces familles, soit la proportion de leurs revenus qu’elles consacrent à leur loyer, est réduit de 16 points, passant, en moyenne, de 35 % à 19 %. Atout supplémentaire, ces allocations, souvent versées en tiers payant directement au propriétaire, constituent une garantie de paiement d’une fraction du loyer dont bénéficient les bailleurs privés comme publics. « L’exemple du Royaume-Uni est intéressant, explique Laurent Ghekiere, directeur des affaires européennes pour l’Union sociale de l’habitat (USH), qui regroupe les 780 bailleurs sociaux, car devant le même problème que le nôtre, c’està-dire le renchérissement des logements qui entraîne celui des allocations, les Anglais ont en partie supprimé le « housing benefit » pour le fondre dans une aide sociale globale accordée et versée aux ménages qui en disposent à leur guise. Mais les banques, voyant disparaître cette dimension de garantie de paiement des loyers, refusent désormais d’accorder des crédits à la construction de nouveaux logements sociaux, qui s’est donc effondrée. Le système français de financement de la construction du logement social, alimenté par les livrets d’épargne et la Caisse des dépôts, a plutôt bien résisté à la crise financière. » Un sérieux inconvénient des aides au logement est de nourrir l’inflation des loyers, dont l’évolution a d’ailleurs totalement décroché de celle, beaucoup plus ténue, des revenus. « Il est bien documenté aujourd’hui, par plusieurs études, dont une récente de l’Insee, qu’en France comme ailleurs, en Angleterre, aux Etats-Unis, les aides au paiement des loyers les font grimper et sont, à au moins 60 % et jusqu’à 80 %, absorbées par les bailleurs », détaille Pierre Madec, économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques. « Encadrer les loyers » Entre 2000 et 2012, les loyers, en France, se sont renchéris d’en moyenne 36 % (40 % dans le secteur libre), les revenus de 20 % seulement. « Pour contrôler les effets inflationnistes, en particulier dans les zones tendues et chères, il faudrait soit construire massivement des logements à bas coût, soit encadrer les loyers, soit les 10 5 0 1984 1988 1992 L LE CONTEXTE « DIALOGUE » Dans un référé adressé le 3 novembre 2014 aux ministres de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur, des finances et des comptes publics, et rendu public mardi 27 janvier, la Cour des comptes estime que le ministère chargé de l’enseignement supérieur est dans « l’incapacité de connaître le niveau réel des ressources des universités ». La juridiction appelle à l’instauration d’un « véritable dialogue de gestion » entre les établissements et l’Etat, qui permettrait de déceler plus rapidement ceux en difficultés financières. Selon la Cour des comptes, la manne s’élèverait à 1,5 milliard d’euros pour l’ensemble des 80 universités des dotations aux universités n’est pas de thésauriser. Il faut que l’argent public soit investi », ajoutet-on. Hypothèse d’une injonction Fin décembre 2014, lors d’un dîner à l’Elysée avec les présidents d’université, François Hollande avait rappelé dans son discours que les fonds de roulement devaient servir à investir pour le bien des universités. Selon nos informations, l’université d’Artois (Nord-Pas de Calais) disposait de 44 millions de fonds de roulement, fin 2013, soit 149 jours de fonctionnement – les chiffres 2014 ne seront disponibles qu’à l’arrêt des comptes des universités début avril – alors que le seuil prudentiel est de 30 jours. A Lille 2, il atteignait 45 millions (105 jours), 22 millions à Paris-VIII Saint-Denis (64 jours) et 39 millions à Paris-X Nanterre, soit 85 jours. « Pour des raisons diverses, c’est vrai, notre fonds de roulement 2004 2008 Subventions d’exploitation Avantages fiscaux (avantage Robien, Scellier...) Subventions d’investissement, (aide à la construction) Avantages de taux (prêt à taux zéro, prêts locatifs pour le logement social) Avantages fiscaux (TVA réduite pour travaux) 2012 SOURCE : COMMISSARIAT GÉNÉRAL AU DÉVELOPPEMENT DURABLE, COMPTES DU LOGEMENT 2012 Un sérieux inconvénient des aides au logement est de nourrir l’inflation des loyers deux », suggère Pierre Madec. Les dépenses publiques ne ploient pas que sous le fardeau des aides au logement : la montée en puissance des avantages fiscaux aux investisseurs pèse de plus en plus lourd. Leur montant atteignait 17 milliards d’euros, en 2012, soit 40 % de la dépense publique consacrée au logement, contre 20 % en 1990. La plus grosse part va au logement social Les établissements pourraient être obligés d’utiliser davantage leurs fonds de roulement Cour des comptes, à 1,5 milliard d’euros pour l’ensemble des 80 universités. Dans l’entourage de la secrétaire d’Etat à l’enseignement supérieur et la recherche, Geneviève Fioraso, on estime que si l’on soustrait « tout l’argent qui est déjà engagé », on devrait être plus proche des 500 millions d’euros. Pour éviter une guerre des chiffres, l’Inspection générale des finances (IGF) et l’Inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche (Igaenr) ont été chargées de faire une évaluation « objective ». Leur rapport définitif est attendu dans les touts prochains jours. Toujours est-il que dans les couloirs de Bercy, ce montant d’1,5 milliard d’euros qui dormirait fait grincer des dents. En période de tension budgétaire, les présidents d’université seraient vus par les services du ministère de l’économie et des finances à la fois pour de mauvais gestionnaires, mais aussi pour des grincheux qui réclament toujours plus d’argent. « Il n’y a pas de gisement improductif et il n’est pas question de toucher à l’argent des universités qui ont des projets d’investissement, indique-t-on dans l’entourage de Geneviève Fioraso. Mais si certaines ont des réserves élevées depuis longtemps et des fonds de roulement proches de 70 jours, alors le ministère pourrait leur demander d’utiliser une petite partie pour des dépenses de fonctionnement et investissement. » « Le but 2000 Prestations sociales (APL, allocations logement) Bercy lorgne les réserves des universités es universités sont toujours dans le collimateur de Bercy. En novembre 2014, elles avaient eu la mauvaise surprise de voir le dernier versement de leurs dotations amputé de 20 % (350 millions d’euros), avant de la recevoir dans son intégralité. Ensuite, les députés avaient voté un coup de rabot de 70 millions. L’Elysée avait finalement annoncé, le rétablissement de cette somme mi-décembre. Cette fois, c’est le fonds de roulement des établissements, servant à payer leurs dépenses de fonctionnement et leurs investissements, qui est convoité. Une manne qui s’élèverait selon la 1996 (9 milliards d’euros) qui bénéficie d’une TVA à taux réduit, d’une exonération de taxe foncière pendant trente ans… Les incitations à l’investissement locatif, successivement appelées Périssol, Besson, Lienemann, Robien, Borloo, Scellier, Duflot et, aujourd’hui, Pinel – soit, excepté le député Scellier, la liste quasi-complète des ministres du logement depuis 1995 – coûtent, elles, 1,6 milliard d’euros par an, et leur effet se fait sentir sur le long terme, à six, neuf, douze ou quinze ans. Le Périssol, par exemple, instauré en 1996 et arrêté en août 1999, pèsera sur le budget de l’Etat jusqu’en 2024, le Borloo jusqu’en 2025, le Scellier jusqu’en 2027... La commission des finances de l’Assemblée nationale évaluait le coût, pour l’Etat, d’un logement en Scellier à 55 000 euros, quand un logement social revient à 10 200 euros. « Il est urgent de mieux cibler ces aides fiscales, soutient Pierre Madec, d’autant qu’elles ont, selon les villes, un effet inflationniste sur les prix et les loyers. » Le logement neuf est clairement sous perfusion fiscale depuis vingt ans et Cécile Duflot a tenté de sevrer les acteurs, mais dans une conjoncture peu favorable qui a précipité la baisse de la construction. Manuel Valls qui, depuis août 2014, a pris en main la politique du logement, rebrousse chemin en espérant relancer le bâtiment. Car le logement n’est pas qu’une dépense pour l’Etat : il rapporte même plus qu’il ne coûte, plus de 60 milliards d’euros (chiffre 2012) en taxe foncière, impôt sur les revenus fonciers, droits de mutation, TVA, qui profitent aussi aux collectivités locales. p isabelle rey-lefebvre L’HISTOIRE DU JOUR Le « médecin de la télé » face à « ces messieurs de la faculté » S était un peu trop élevé à cause de retards dans la mise en œuvre d’investissements prévus », reconnaît Jean-François Balaudé, le président de Paris-X-Nanterre. L’université a prélevé, en 2014, 8,3 millions pour des investissements immobiliers essentiellement. Et sur les deux prochaines années (2015 et 2016), ce sont 21,3 millions d’euros qui seront dépensés. « Finalement, notre fonds de roulement va fondre jusqu’à 10 millions. Notre idée est de nous stabiliser à ce niveau, ce qui représentera 21 à 25 jours de fonctionnement. Ce sera bien suffisant et raisonnable », souligne-t-il. A l’opposé, certaines universités sont plus mal loties : Clermont Ferrand n’avait fin 2013 que 4 jours de fonds de roulement (1,7 million d’euros) et Paris I-Panthéon-Sorbonne 7 jours (3,6 millions). Certes l’autonomie des universités empêche le gouvernement d’aller prélever directement dans les fonds de roulement des établissements – il l’avait fait en 2012 chez certains opérateurs culturels : Opéra de Paris, Louvre, Orsay. Il n’empêche, l’hypothèse d’une injonction du ministère de l’enseignement supérieur à utiliser leurs réserves fait hurler les présidents d’université qui dénoncent pêle-mêle une pénalisation des bons gestionnaires, une incitation à devenir déficitaires et évidemment une diminution de leurs capacités d’investissements. p alle comble, vendredi 30 janvier, à la librairie Kléber à Strasbourg. L’auteur qui vient défendre son livre est « le médecin de la télé », Michel Cymes. Son thème : les médecins des camps de la mort, sous le titre Hippocrate aux enfers (Stock, 216 p., 18,50 euros). Ce que beaucoup attendent, c’est sa confrontation avec l’université de Strasbourg. Mercredi 28 janvier, le président de l’université, Alain Beretz, et le directeur de l’institut d’anatomie, Jean-Luc Kahn, avaient mis en garde contre le caractère « léger » du chapitre 9 du livre. Les chapitres 7 et 8 sont consacrés aux expériences du médecin nazi August Hirt à Strasbourg durant la seconde guerre mondiale. Celui-ci, qui « commanda » notamment 86 déportés juifs à Auschwitz, les fit gazer dans le camp alsacien du Struthof (BasRhin), puis les fit stocker dans les cuves de l’institut d’anatomie dans la perspective d’un horrible musée des « sous-humains ». Après 1945, la faculté a-t-elle conservé des fragments de ces corps ? L’auteur, dans le chapitre 9, rapporte les propos d’un médecin qui y a POUR L’UNIVERSITÉ, travaillé, Uzi Bonstein, qui a cru y voir un jour des bocaux étiquetés « Juden ». LE LIVRE DE M. CYMES M. Cymes cite un autre médecin qui lui écrit par courriel qu’« il existe probable« LAISSE PLANER ment encore des coupes anatomiques constituées à l’époque nazie, malgré les UN DOUTE dénégations des responsables de l’instiSUR L’HONNÊTETÉ tut ». En contrepoint, il rapporte les assurances du professeur Kahn : rien n’a DE L’INSTITUTION » été conservé. Pour l’université, le livre « laisse planer un doute sur l’honnêteté intellectuelle de toute l’institution et des personnes citées ». Les restes humains ont été inhumés. Ils reposent au cimetière juif où une stèle a été dressée en leur mémoire en 2005, en même temps qu’une plaque posée sur la façade de l’institut. « Je n’ai jamais écrit qu’il restait des morceaux de corps des 86 à l’institut, affirme M. Cymes. Ces messieurs de la faculté m’accusent de l’avoir écrit : ce n’est pas dans le livre ! » Dans un face-àface pénible avec le psychiatre dont il avait oublié le nom, Georges Federmann, connu pour son engagement pour la mémoire des « 86 », l’auteur lui fait confirmer les mots de son courriel. Le malaise est palpable. La directrice du Centre européen du résistant déporté, basé au Struthof, Frédérique Neau-Dufour, suggère une commission d’enquête pour clarifier les choses. p nathalie brafman jacques fortier (strasbourg, correspondant) 10 | france 0123 DIMANCHE 1ER - LUNDI 2 FÉVRIER 2015 Lunel, laboratoire miniature du djihad « made in France » J UST I C E Bygmalion : perquisitions chez l’ex-conseiller de Sarkozy, Franck Louvrier Cinq habitants de la petite commune de l’Hérault ont été mis en examen samedi A u grand dam de ses ha bitants, la commune de Lunel, dans l’Hé rault, est devenue un objet de curiosité médiatique. Surnommée la « petite Jérusa lem » au Moyen Age, bastion pro testant combattu par la royauté au XVIIe siècle, la ville est aujourd’hui regardée comme un laboratoire miniature du djihad « made in France ». Au point qu’un article lui a été consacré dans les pages du New York Times, le 16 janvier. Depuis novembre 2013, une vingtaine de Lunellois – en comptant femmes et enfants – ont rejoint la Syrie. Six y ont perdu la vie, soit près d’un dixième du nombre de Français morts dans le pays. La section « française » de cette cellule d’acheminement a été démantelée, mardi 27 janvier, par une descente de police. A l’issue de leur garde à vue, samedi 31, les cinq jeunes hommes interpellés ont été mis en examen pour « association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste ». Adil B., 36 ans, et Ali A., 44 ans, sont récemment rentrés de Syrie. Hamza M., 26 ans, dont trois frères sont partis faire le djihad, est considéré comme le « relais » principal entre Lunel et Alep. Jawad S., 28 ans, est soupçonné d’avoir voulu monter des escroqueries pour financer son voyage et celui de ses camarades. Quant à Saad B., 26 ans, il est accusé d’avoir facilité le départ de son frère, qui en est mort. Une vingtaine de candidats au djihad dans une commune d’à peine 26 000 âmes : le cas a frappé les esprits. Il n’y a pourtant pas de spécificité lunelloise. A Lunel, comme à Strasbourg, Nice ou Toulouse, les cellules d’acheminement se construisent par capillarité. Il s’agit généralement de bandes de copains qui s’influencent mutuellement jusqu’à constituer des foyers de départs. Une dynamique horizontale susceptible de toucher dans les mêmes proportions grandes villes et petites communes. Vague de départs Les membres de la cellule de Lunel se sont pour la plupart connus au collège. Ils jouaient au basket ensemble. Quelques années plus tard, ils ont repris contact en fré- quentant la mosquée El Baraka, d’obédience tabligh, mouvement prosélyte piétiste n’appellant pas à la violence. En marge de la communauté des fidèles – la génération de leurs parents –, ils constituent un groupe de prière, au sein duquel ils se retrouvent le soir. Ils œuvrent parallèlement dans une association caritative musulmane qui vient en aide aux malades et aux familles déshéritées. Animés par cette quête humanitaire, religieuse et communautaire, les jeunes gens s’intéressent peu à peu au conflit syrien. Ils s’informent sur Internet, regardent des vidéos, s’imprègnent du devoir de défendre leurs « frères » oppressés. En novembre 2013, deux mois après que les EtatsUnis ont renoncé à intervenir contre l’armée de Bachar al-Assad, une première équipée s’envole pour la Syrie. Ces pionniers La nébuleuse Mourad Fares La cellule de Lunel fait partie de la nébuleuse de réseaux d’acheminement vers la Syrie où apparaît le nom de Mourad Fares, l’un des deux principaux recruteurs français. En septembre 2013, le parquet de Paris avait ouvert une enquête, confiée à la DGSI, sur une filière du Val-de-Marne fédérée autour d’un certain Johan J., qui était en contact avec Mourad Fares. La cellule a été démantelée en mars 2014. Mais les enquêteurs ont entre-temps découvert que des contacts avaient été établis entre les djihadistes franciliens et de jeunes Lunellois. Parmi eux, Hamza M., considéré comme le plus actif, a admis avoir été en contact avec le « sergent recruteur ». Mourad Fares a été interpellé à Istanbul en août 2014, puis mis en examen par un juge antiterroriste parisien. La mosquée de Lunel a-t-elle influencé la décision de ces jeunes de rejoindre la Syrie ? Sans doute pas directement sont soupçonnés d’avoir rejoint une « katiba » – un bataillon – affiliée au Front Al Nosra, un groupe djihadiste rallié à Al-Qaida, celle de Mourad Fares et Omar Diaby, les deux principaux recruteurs français. « Relais » Parmi eux, Abdelkarim B., trésorier de l’association, perdra la vie en décembre 2014. Son frère Saad, 26 ans, soupçonné de l’avoir aidé à partir, a été mis en examen samedi. En février, mai, puis juillet 2014 se succéderont trois nouvelles vagues de départs. La destination a changé : les Lunellois rejoignent désormais les rangs de l’Etat islamique, qui a pris le dessus militairement et médiatiquement sur Al Nosra. Selon les services de renseignement, certains font office de « passeurs » à la frontière turco- Haut de Gamme - SOLDES SOLDES IO NNELS EXCEPT 2/2015 du 7/01 au 17/0 CANAPÉS E T C O N V E RT I B L E S HAUT DE GAMME – 10 % de réduction supplémentaire sur présentation de ce coupon syrienne, d’autres de surveillants ou d’instructeurs. Les trois frères M., dont deux sont morts au combat, sont soupçonnés des pires exactions. Le quatrième de la fratrie, Hamza, qui n’est jamais parti, a lui aussi été mis en examen samedi. Il est considéré par la Direction générale de la sécurité intérieure comme le membre le plus actif de la cellule lunelloise, celui qui animait les réunions du « groupe de prière ». C’est ce jeune homme qui, par l’intermédiaire de ses frères en Syrie, est soupçonné d’avoir fait office de « relais » pour les velléitaires. La mosquée de Lunel, d’obédience tabligh, a-t-elle eu une influence sur la décision de ces jeunes gens de rejoindre la Syrie ? Sans doute pas directement. Ce mouvement missionnaire est apolitique et rejette toute violence. Mais à entendre celui qui a géré la mosquée jusqu’en 2012, sa lecture littéraliste des textes a pu contribuer à légitimer leur départ. « Ils voulaient vivre leur religion. Ils sont morts, c’est leur choix, explique Meziane Ben Abdelkader. Ils n’ont fait aucun attentat en France. Pourquoi ils partent ? Parce qu’on les empêche de pratiquer leur religion : il y a le problème du voile à l’école, des certificats pour l’Aïd, énumère-t-il. Mon fils voulait apprendre la religion. Il ne parlait jamais de combattre. » Il est mort en Syrie au mois de mai. p J EU N ESS E Huit Français sur dix favorables à un service civique obligatoire 80 % des Français se disent favorables à un service civique obligatoire pour les jeunes adultes, selon un sondage Odoxa pour iTélé et Le Parisien-Aujourd’hui en France, rendu public vendredi 30 janvier. 81 % des personnes interrogées estiment qu’un service civique obligatoire permettrait d’améliorer la cohésion nationale, 77 % qu’il renforcerait le sentiment d’appartenance à la France et à la République, et 69 % qu’il susciterait chez les jeunes l’envie d’un engagement citoyen, associatif ou politique, selon ce sondage réalisé par internet les 29 et 30 janvier. soren seelow Fauteuils & Canapés Club Des perquisitions ont visé jeudi 29 janvier l’ex-conseiller en communication de Nicolas Sarkozy, Franck Louvrier, dans l’enquête Bygmalion sur des fausses factures durant la campagne présidentielle de 2012. « Aucun élément susceptible d’intéresser l’enquête n’a été saisi, selon le procès-verbal de la perquisition », a indiqué l’entourage de M. Louvrier. Des perquisitions avaient également visé jeudi l’ancien directeur de campagne de M. Sarkozy, aujourd’hui préfet de Lozère, Guillaume Lambert, et l’ancien trésorier de cette campagne, le député UMP Philippe Briand. ANTIQUITÉS ACHAT AU DESSUS DE VOS ESTIMATIONS ET EXPERTISES « ART D’ASIE » : CHINE, JAPON ET MOYEN-ORIENT L’indémodable fauteuil CLUB, plus de 80 ans et toujours plus de succès ! Cuir mouton ciré, patiné, vieilli, suspension et ressorts. Plus de 30 modèles en exposition. 80, rue Claude-Bernard 75005 PARIS Tél. : 01.45.35.08.69 www.decoractuel.com 06.07.55.42.30 P. MORCOS Meubles & Atmosphère !#! "( & '% ( ! OUVERT LE DIMANCHE 18, rue de Châteaudun - 75009 PARIS Tél. : 01.48.78.72.57 www.meublesetatmosphere.com EXPERT CNE ✶ Porcelaines et Bronzes ✶ Cristal de Roche ✶ Corail et Ivoires Anc. ✶ Jade blanc et couleurs ✶ Cornes et Laques ✶ Peintures et Tissus anc. 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Dès que vous évoquez Mahomet devant un non-musulman, celui-ci est dubitatif, à juste titre. On voit trop d’images horrifiantes à la télé commises en son nom pour être tenté d’avoir envie de le connaître. Mes compatriotes algériens ont manifesté dans les rues d’Alger pour exprimer leur indignation devant les caricatures de Charlie Hebdo et crier que les frères Kouachi sont des martyrs. Or, y a-t-il un seul verset dans le Coran qui appelle à mettre à mort celui ou celle qui insulte le Prophète ? Aucun verset ne légitime le meurtre d’un blasphémateur, d’un hérétique ou d’un apostat. Aucun ! Les musulmans ne puisent pas leur religion dans le Coran qu’ils prétendent être la parole de Dieu transmise par l’archange Gabriel au prophète Mahomet. Vous tombez à la renverse quand vous vous penchez sur ce que les musulmans appellent la « charia » [loi islamique] et que certains d’entre eux, par ignorance, souhaitent voir appliquée, et qui est en inadéquation avec le Coran. Vous découvrez, effarés, les massacres que les oulémas [théologiens] ont infligés à cette religion. Les références au Coran dans la charia sont minimes. Les oulémas s’appuient sur autre chose : le « hadith ». Il s’agit d’un propos que l’on met dans la bouche du Prophète. Les djihadistes fanfaronnent qu’ils vont conquérir le monde. Est-ce le Coran qui leur a annoncé ces victoires ? Non. Mais le hadith, oui. Le Coran fait dire ceci au Prophète : « Dis : je ne connais pas l’avenir, j’ignore ce qui sera fait de moi ou de vous… » Pourtant, les djihadistes croient que le Prophète connaissait l’avenir et qu’il leur a même annoncé qu’ils conquerraient le monde. LES HADITHS Tous les problèmes qui collent à la peau des musulmans proviennent de cette chose qu’on appelle le hadith. Le hadith n’est pas apparu par hasard sur leur route. Il y a des choses factuelles à savoir sur l’islam. D’abord, que le Prophète n’a pas désigné les califes qui lui ont succédé. Le premier traité de théologie rédigé dans l’histoire de l’islam s’appelle El Muwata, de l’imam Malik. Il ne contenait pas un seul verset du Coran. Il a été rédigé à la demande du calife – pour donner un avant-goût de ses mœurs : il enterrait vivants les opposants. Contemporain de l’imam Malik, il y a Ibn Ishaq, auteur de la première biographie de Mahomet. Ce livre a été la source de toutes les autres biographies apparues ultérieurement. Cette première biographie du Prophète a été écrite elle aussi à la demande du calife. Là, on est à peu près un siècle et demi après le Prophète. C’est au cours de cette époque que vont être écrites les premières compilations de hadiths et que va se cristalliser cette version de l’islam qui nous est parvenue aujourd’hui. C’est sous le règne des Omeyyades [dynastie de califes de 661 à 750 de notre ère] que le hadith est né et qu’il a été utilisé comme outil de propagande. Les Omeyyades ne se sont pas occupés de coucher par écrit les hadiths produits par leurs propagandistes. Ce sera l’affaire des Abbassides [dynastie de 750 à 1258 de notre ère] pour lesquels Ibn Ishaq a écrit une biographie du Prophète. Ibn Ishaq en a brossé un portrait sur mesure pour des califes sanguinaires. Le djihad dans le Coran n’a rien à voir avec celui pratiqué par les musulmans au lendemain de la mort du Prophète et tel que les héritiers des premiers califes le pratiquent aujourd’hui. Les fameuses conquêtes sont le premier grand péché commis par les musulmans. Ils ont décrété un djihad offensif, alors que cela est interdit par le Coran. Pendant les treize premières années de son LES MUSULMANS EUROPÉENS FONT UN GRAND TORT À LEUR RELIGION EN LA RÉDUISANT AU PORT DU VOILE ET À LA VIANDE HALAL POLINE HARBALI apostolat, le Prophète et les premiers convertis sont persécutés, mais le Coran les somme de patienter. Ensuite, il y a eu ce verset : « Il est permis à ceux qui sont combattus en raison de leur foi… » Il est permis, mais auparavant cela ne l’était pas. Plus tard viendra un autre verset : « Combattez sur la voie de Dieu ceux qui vous combattent, ne transgressez pas, Dieu n’aime pas les transgresseurs. » Le Coran ne demandait pas aux habitants de la péninsule Arabique d’islamiser le monde, mais de s’islamiser eux-mêmes, ce qui signifie, quand on interroge les sourates, de se pacifier et d’arrêter cette culture de guerre et de razzia qui était la leur. Le Prophète n’a combattu que ceux qui l’ont combattu. On peut lui accorder ce crédit, ne serait-ce que parce que, dans la mesure où il écrivait lui-même les sourates, il ne pouvait se permettre de contredire l’enseignement dont il était porteur. « Si ton Seigneur le voulait, tous les habitants de la Terre se convertiraient : est-ce à toi de contraindre les gens pour qu’ils deviennent croyants ? » Ce verset date de la période mecquoise où le Prophète mettait du zèle à prêcher ses concitoyens. Même ce zèle, le Coran le lui a reproché. «… Que celui qui veut croire, croie, et que celui qui veut mécroire, qu’il mécroie… » Et pourtant ! On se demande quel Coran ont lu les générations d’oulémas. Eux qui ont usé des rivières d’encre en fatwas liberticides, en excommunications et en appels au meurtre. PERSÉCUTION « Combattez-les jusqu’à ce qu’il n’y ait point de fitna dans la religion… » La fitna dans la religion, c’est la persécution des autres en raison de leurs croyances. Faire cesser la persécution religieuse est l’unique motif que le Coran assigne au djihad armé. Le Prophète de son vivant s’est tenu à un djihad strictement défensif, dans la mesure où il ne pouvait aller à l’encontre des sourates qu’il prétendait recevoir de Dieu. « J’ai été envoyé, font-ils pourtant dire au Prophète, pour combattre jusqu’à ce que les gens se convertissent. » Ce hadith est apparu à l’époque où les conquêtes faisaient rage. Les hadiths n’ont pas été écrits du vivant du Prophète. La plus grande mystification de l’islam réside dans sa définition même : quand vous demandez à un musulman ce qu’est l’islam, il s’empresse de vous répéter, sûr de lui, que sa religion est basée sur la profession de foi, la prière, la zakat, le ramadan et le pèlerinage : ils appellent cela les piliers de l’islam. Qui a arrêté cette définition ? On vous répond que c’est le Prophète. C’est totalement faux ! Il s’agit certes de prescriptions coraniques mais ce ne sont pas des fins en soi. Elles ne sont qu’un moyen d’accéder à un but supérieur, la taqwa, la crainte révérencielle de Dieu, et cette taqwa signifie, quand on l’examine à la lumière des seuls versets du Coran, l’obligation faite au musulman d’être en permanence dans une dynamique de paix avec son prochain, quel qu’il soit. Ce sont les docteurs de la loi qui ont décidé que la définition de l’islam se limitait à une profession de foi et à quatre pratiques rituelles. Or, les premières compilations de hadiths apparues en contenaient beaucoup moins que celles apparues plus tard. Ainsi, plus on s’éloignait du Prophète dans le temps, plus le volume des propos qui lui sont prêtés grossissait. LES ANCÊTRES IDÉOLOGIQUES ¶ Ali Malek, écrivain né en Algérie, a commencé à publier des nouvelles et des romans aux éditions Barzakh, à Alger. En France, il a publié deux romans aux éditions Non Lieu, « Une terre bénie de Dieu » (2006), qui évoque les années de guerre civile, et « La Mise à pied » (2014), une parabole sur l’Algérie contemporaine Ce hadith où ils font dire au Prophète qu’il a été envoyé pour combattre les autres jusqu’à leur soumission est un de ces hadiths que les djihadistes ressassent. Ces derniers n’interrogent jamais les textes qu’ils mettent en avant pour justifier leurs actions, ils s’en remettent à leurs ancêtres idéologiques. Le contenu des prêches dans les mosquées est composé jusqu’à nos jours à 80 % de hadiths. Les frères Kouachi et Coulibaly ne sont pas des martyrs. Ils sont tout au plus des victimes de ce qu’un sage musulman contemporain appelle un « mensonge sophistiqué ». Les califes ont cherché à persuader les musulmans que le califat est consubstantiel à l’islam. Cela est faux, il n’y a aucun verset dans le Coran qui oblige les musulmans à être soumis à un calife. Cinquante ans après la mort du Prophète [632 de notre ère], les musulmans en sont arrivés à bombarder La Mecque et à endommager la Kaaba. Le calife auteur de ces bombardements s’appelle Yazid. Il est le premier dans l’histoire de l’islam à être arrivé au pouvoir par voie héréditaire. Yazid a régné pendant trois ans : il a massacré la famille du Prophète dont il a fait décapiter les mâles et pris les femmes en captivité. Savez-vous que des groupes de rebelles syriens donnent à leurs contingents les noms de ce Yazid et de son père ? Comment peut-on concilier l’islam avec des califes semblables ? Cela est la conséquence du grand malentendu qu’il y a dans la tête de ces musulmans, qui ne voient dans le passé que le prestige des victoires militaires. Ce sont ces dernières qui ont recouvert de prestige des califes sanguinaires et ont fait d’eux des modèles que les ahuris du djihad veulent égaler aujourd’hui. Ben Laden n’a pas interrogé le Coran pour savoir s’il avait le droit de détourner des avions remplis de civils innocents et de les lancer contre des bâtiments peuplés de civils innocents. Oussama Ben Laden est un pur produit des compilations de hadiths. « Quand vous frappez sur la voie de Dieu, faites attention, et ne dites pas à celui qui vous dit paix : tu n’es pas un croyant… » « Quand vous frappez sur la voie de Dieu », signifie : quand vous êtes en pleine bataille – contre un ennemi qui a commencé luimême la guerre. Même dans ces cas, le verset enseigne au musulman qu’il n’a pas le droit de tuer son adversaire si celui-ci dit paix et dépose son arme. Si vous rappelez aux djihadistes les rudiments des lois coraniques, ils s’empressent de vous répondre par des hadiths et par des traditions qui remontent au Prophète et dans lesquelles on voit celui-ci tuer les prisonniers et massacrer les juifs. Ces abominations que les musulmans eux-mêmes ont imputées à leur Prophète, le Coran les récuse catégoriquement. Elles sont le fruit de la vassalité et de l’absence de scrupules des oulémas. Les musulmans européens font un grand tort à leur religion en la réduisant au port du voile et à la viande halal. Il y a dans le Coran des valeurs plus importantes que la prière, le ramadan et le pèlerinage réunis. « Dieu ordonne la justice, la bienfaisance… » Il est rare dans le Coran qu’un verset prenne un ton aussi solennel pour énoncer les priorités. Dans les compilations de hadiths, il n’y a aucun chapitre qui évoque la justice. Si on juge à l’aune du seul Coran, un pays comme la Norvège est cent fois plus musulman que l’Arabie saoudite. p 12 | enquête 0123 DIMANCHE 1ER - LUNDI 2 FÉVRIER 2015 Le poison électronique texte : gilles van kote photos : samuel bollendorff guiyu (chine), haïphong (vietnam), weert (pays-bas), zeebrugge (belgique), châlons-en-champagne (france) - envoyés spéciaux C inquantecinq secondes. C’est le temps qu’il a fallu à l’ouvrière, assise à même le sol, pour démanteler un clavier d’ordinateur, séparer composants électroniques, câbles et pièces en plastique, et les répartir dans des bacs séparés. Des montagnes de claviers, entassés dans cet atelier sombre de Guiyu, la « capitale mondiale » des déchets électroniques, attendent de subir le même sort. Chaque jour, plusieurs centaines de kilos de claviers sont traités dans cette entreprise familiale comme la ville chinoise en compterait 5 500, selon l’Association locale des recycleurs. Les ouvrières sont payées « entre 2 000 et 3 000 yuans [243 et 364 euros] par mois, cela dépend du prix du marché, et en ce moment les affaires ne sont pas très bonnes », affirme le responsable de l’atelier, qui préfère taire son nom. La conversation est interrompue par l’irruption de quatre hommes, qui nous intiment l’ordre d’aller voir ailleurs. L’un d’entre eux nous suit pour s’assurer que nous nous éloignons bien. A Giuyu, dans l’est du Guangdong, la question des déchets électroniques est un sujet sensible. L’activité ferait vivre 60 000 personnes, soit près d’un habitant sur trois. Elle en tue également. Depuis que le Basel Action Network, une organisation non gouvernementale américaine, a révélé, en 2001, les dégâts qui y ont été provoqués par le démantèlement sauvage de déchets électroniques, Guiyu est devenu un laboratoire à ciel ouvert. Les nombreuses études scientifiques ont abouti à la même conclusion : les habitants de Giuyu, leurs cultures et leurs animaux d’élevage sont empoisonnés par la présence de quantités phénoménales de métaux lourds qui se sont accumulées dans l’environnement. Une étude de 2013 a encore démontré que les sols regorgeaient de dioxines résultant de la combustion des déchets d’équipements électriques et électroniques. Guiyu est devenu synonyme d’horreur écologique. Quand un Chinois doit s’y rendre pour une raison ou pour une autre, il s’abstient de consommer les produits locaux et fait provision d’eau minérale. C’est probable- Ecocide 2|5 Du département de la Marne, en France, au village de Guiyu, en Chine, enquête sur le trafic et le « recyclage » illégal de déchets d’équipements électriques et électroniques Zeebrugge BELGIQUE Vitry-le-François FRANCE CHINE Hongkong Mong Cai Guiyu Haïphong VIETNAM Océan Indien ment là qu’auraient dû terminer leur périple les deux conteneurs provenant de la société française D3E Recyclage saisis en 2010, dont les gérants ont été condamnés en 2012 pour exportation illégale de déchets électroniques. Selon une étude publiée en juin 2014 dans la revue Environmental Science & Technology, environ un quart des déchets électroniques produits par les pays industrialisés finissent leur vie dans sept pays d’Afrique et d’Asie. La Chine, dont l’industrie nourrit un appétit inextinguible pour les matières premières recyclées, est la première destination de ces déchets. Plus de 1,5 million de tonnes seraient « traitées » chaque année, rien qu’à Guiyu. Ces déchets provenant notamment des Etats-Unis, d’Europe et du Japon arrivent en Chine dans le plus grand secret. Outre le fait que la convention de Bâle en interdit la circulation, la Chine a déclaré leur importation illégale en 2000. Mais les déchets passent toujours, que ce soit à travers la frontière vietnamienne ou par le port de Hongkong, les produits arrivant dans l’ancienne colonie À GUIYU, LES DÉCHETS FONT VIVRE 60 000 PERSONNES, SOIT PRÈS D’UN HABITANT SUR TROIS britannique pouvant gagner librement la Chine continentale. Communiquant directement avec Hongkong par le delta de la rivière de Perles, Canton et la province du Guangdong sont devenues naturellement la plaque tournante du commerce illégal de déchets d’équipements électriques et électroniques. Selon un témoignage cité dans son livre Junkyard Planet (« planète poubelle ») par le journaliste Adam Minter (Bloomsbury Press, 2013), c’est après avoir acheté un chargement de déchets à Foshan, ville jumelle de Canton, au début des années 1990, que des habitants de Guiyu, alors une simple bourgade rurale, découvrirent que le recyclage des déchets électroniques pouvait constituer une activité très lucrative. Mais les mesures prises par les autorités chinoises, à partir de 2008, pour favoriser l’émergence d’une filière officielle de gestion des déchets, ainsi que le plan anticorruption lancé en 2013 par le président Xi Jinping, ont conduit le secteur informel à basculer dans la clandestinité. Dans la tentaculaire agglomération de Canton, impossible de trouver trace de ces trafics encore florissants il y a quelques années. A Guiyu, les déchets arrivent pourtant par camions entiers. Les trafiquants ont dû innover, ouvrir de nouvelles voies. Pour éviter les contrôles portuaires, certains conteneurs en provenance d’Europe emprunteraient la ligne ferroviaire qui relie Duisbourg, en Allemagne, à Chongqing, dans le centre de la Chine. En 2014, 200 tonnes de déchets électroniques provenant de l’étranger ont été saisies par les douanes chinoises dans le port de Dalian, au nord du pays, et cinquante-quatre trafiquants arrêtés. Les conteneurs étaient arrivés par Hongkong, puis avaient transité par « un pays du nord-est de l’Asie » (sans doute la Corée du Nord), selon une source officielle, avant d’entrer en Chine. Leur destination finale ? La province du Guangdong. Il suffit de fureter parmi les monceaux de déchets électroniques en tout genre qui jonchent les rues de Guiyu pour s’apercevoir qu’ils proviennent du monde entier, mais aussi de Chine, qui en est désormais le deuxième producteur mondial, derrière les Etats-Unis. Une fois extraites, les ressources contenues dans ce gisement seront revendues aux fabricants d’équipements électroniques et de jouets de la région de Shenzhen, à une journée de route, et recyclées dans de nouveaux produits à bas prix qui inonderont la planète. Au pied de la voie du train à grande vitesse qui traverse Guiyu, deux jeunes hommes séparent des composants électroniques en les trempant dans une bassine de liquide brûlant, sans se soucier des vapeurs qu’ils peuvent inhaler. Les pratiques les plus polluantes, comme les bains d’acide qui permettent de récupérer l’or, mais ont empoisonné les rivières du coin, semblent cependant abandonnées. Aucune fumée ne s’échappe plus des centaines de conduits de cheminée qui hérissent la ville, signalant la présence d’ateliers de démantèlement où, dans un passé récent, on faisait brûler cartes-mères et circuits imprimés pour en extraire les puces électroniques et métaux rares, au mépris des substances toxiques qui enveloppaient Guiyu d’une odeur âcre. « Les bains d’acide et le brûlage des déchets électroniques sont interdits », rappelle un panneau installé à côté d’un commissariat de police. Mais certains habitants affirment que cette consigne est allègrement piétinée à Guiyu. Dans le quartier de Longmen, un écriteau signale un atelier ayant recours à ce type de pratique. Notre présence sur place est rapidement remarquée par un guetteur, et un homme en costume, descendu d’une berline allemande, nous demande fermement de quitter les lieux immédiatement. Il nous escortera jusqu’à la sortie du quartier. Un peu plus loin, un panache de fumée noire nous conduit jusqu’au bord d’un ruisseau, où un homme fait brûler des câbles pour en extraire le cuivre. « Je n’ai pas d’autre moyen de gagner ma vie et mes enfants sont en bonne santé, assure-t-il avec un grand sourire. Et puis, dans le coin, les gens continuent de brûler des circuits imprimés, mais de préférence de nuit et en extérieur. Les riverains s’en plaignent. » Les habitants de Guiyu n’ont pas fini de payer le prix de la prospérité des moins scrupuleux d’entre eux. Lo Ying-hong a 48 ans et cultive choux et melons, qu’il vend sur le marché local sans trop se poser de questions. Après avoir vu son village se transformer en un atelier de recyclage planétaire, il reconnaît enquête | 13 0123 DIMANCHE 1ER - LUNDI 2 FÉVRIER 2015 ne pas trop savoir quoi penser de ce « progrès » : « Je sais que la terre est polluée, mais je continue à cultiver, car c’est tout ce que je sais faire. » A HAÏPHONG, LES CHINOIS FONT LEUR MARCHÉ Les douaniers du port d’Haïphong ont le sens de l’accueil. Ils ont mobilisé trois responsables, en uniforme impeccable et alignés devant un buste d’Ho Chi Minh, pour répondre au journaliste de passage, sous la surveillance du directeur adjoint du département de la coopération internationale, venu spécialement d’Hanoï. Une fois l’interview et la visite du deuxième port du pays expédiés au pas de charge, ils convient leurs hôtes à partager un repas de fruits de mer arrosé de whisky importé. Mais, concernant les trafics de déchets électroniques, dont le Vietnam serait, d’après de nombreux rapports internationaux, un point de passage important, ils ne savent rien, n’ont rien vu, malgré deux scanners ultramodernes offerts par le Japon qui leur permettent de scruter les contenus d’une cinquantaine de conteneurs par jour. De l’ivoire, des coquillages, oui, mais ni téléviseurs ni ordinateurs hors d’usage. Ils omettent de mentionner des informations qui figurent pourtant sur les sites Internet de plusieurs médias officiels vietnamiens : des composants électroniques ont bien été saisis en 2013 dans la zone portuaire, notamment 336 sacs de déchets électroni- ques à bord d’un navire immatriculé à Hongkong et deux conteneurs chargés, entre autres, de composants électroniques. Selon le site du ministère de la sécurité publique, 3 000 conteneurs de déchets interdits d’importation se trouvaient encore placés sous séquestre début 2014 sur le port de Haïphong. Et si les autorités japonaises ont financé les deux scanners, c’est qu’elles savent parfaitement et depuis des années – de nombreux documents en attestent – qu’une partie des déchets produits par le pays sont exportés en toute illégalité vers l’Asie continentale. Les déchets de l’entreprise D3E saisis en 2010 en Belgique avaient justement Haïphong pour destination. Mais devaient-ils vraiment finir leur vie au Vietnam ? Probablement non. Une étude un peu ancienne, puisqu’elle date de 2008, renseigne sur le chemin qu’ils auraient dû emprunter. Les déchets électroniques importés par le port d’Haïphong repartaient alors aussitôt vers la frontière chinoise, qu’ils traversaient au niveau des villes de Mong Cai et de Dongxin, seulement séparées par la rivière Ka Long, avant d’être transportés par la route jusqu’à Canton, expliquaient les auteurs. « L’organisation du trafic entre Mong Cai et Dongxin est assez simple, témoignaient-ils. Les déchets d’équipements électriques et électroniques traversent le fleuve à bord de petits bateaux, dissimulés seulement par des bâches bleues. » Direction Mong Cai, à six heures de route d’Haïphong. Et déception. Dans les locaux des douanes, une photo encadrée montre une saisie de feux d’artifice. Pas le moindre déchet électronique en vue. Dans cette ville sans charme où un portable fabriqué en Chine et estampillé Nokia se vend 10 euros, c’est la crise. La nouvelle politique chinoise de lutte contre la corruption a ralenti les affaires. Une vingtaine de camions seulement traversent chaque jour le pont qui marque la frontière. Sur le port fluvial, ce n’est pas mieux : quelques do (le nom des pénichettes locales) patientent devant l’embarcadère. Les mains dans les poches, l’élégant Tran Hung Cuong, propriétaire de douze d’entre elles, constate les dégâts : « Il n’y a plus de marchandises à transporter, et beaucoup de collègues abandonnent le métier. L’âge d’or, c’était en 2011, il y avait alors des déchets électroniques en quantité. » Il faut retourner dans la banlieue d’Haïphong pour renouer le fil entre le Vietnam et la Chine. A Trang Minh, exactement, un de ces villages de métiers, qui se sont spécialisés, dans les années 1980, dans une activité particulière. Ici, il s’agit des déchets plastiques et électroniques. Le tri et le démantèlement y sont une activité menée en famille et sans précautions particulières, en dehors – parfois – d’un masque de protection. « Deux ou trois fois par semaine, très tôt le matin pour éviter la police de l’environnement, certains habitants du village se rendent du côté des rizières pour brûler les déchets et les fils électriques, raconte une jeune maman. Ces jours-là, on laisse les enfants à la maison et les vitres fermées, à cause de l’odeur et de la fumée. » Plusieurs études ont montré la présence de dioxines issues de la combustion dans le lait maternel des habitantes de Trang Minh et d’autres villages de métiers comparables. Des résidents d’un village proche racontent avoir dû se mobiliser, il y a quelques années, pour empêcher ceux de Trang Minh de venir brûler leurs déchets nuitamment, afin de récupérer les métaux précieux, sans se soucier d’empoisonner les rizières de leurs voisins. Au bout d’une impasse, un dépôt sauvage de téléviseurs cassés attire l’attention. A proximité, une mère de famille retire les puces de composants électroniques à l’aide d’un couteau. Notre présence l’inquiète. « Elle a peur que nous appartenions à une organisation environnementale et que les autorités viennent lui infliger une amende, explique l’interprète. Sans cette activité, elle n’aurait pas de quoi vivre. Tout le village en vit. » En face de sa maison, un hangar attenant à une maison à étage abrite une quantité importante d’ordinateurs, d’imprimantes et de circuits imprimés. « C’est la maison du Chinois », lâche un enfant. Un homme massif apparaît. Il ne parle pas le vietnamien et refuse d’être photographié. « Il vient ici depuis plusieurs années, explique la mère de famille. Il négocie et emmène la marchandise. » La présence de nombreux intermédiaires chinois est attestée par un collecteur aaa La Chine est la première destination des déchets électriques et électroniques. Dans le village de Longtang (en haut, à gauche), on désassemble des câbles électriques. A Guiyu, dans la province du Guangdong, plus de 1,5 million de tonnes de déchets seraient « traités » chaque année. 14 | enquête 0123 DIMANCHE 1ER - LUNDI 2 FÉVRIER 2015 suite de la page 13 Dans la banlieue du port de Haïphong, au Vietnam, le quartier de Trang Minh s’est spécialisé dans le tri des déchets électroniques. Ci-contre, la maison d’un intermédiaire chinois où sont stockés des déchets en attente d’être expédiés en Chine. Devant, un parterre de débris d’écrans de téléviseurs. dont la Mobylette ploie sous les déchets électroniques. « Aujourd’hui, j’en ai 80 kg, mais je peux en transporter jusqu’à 150, assure-t-il fièrement. Les Chinois achètent tout et expédient des conteneurs qui passent la frontière, au niveau de Lang Son. Chaque mois, une soixantaine de tonnes de déchets électriques et électroniques partent d’ici vers la Chine. » MARK WULMS, L’AGENT TROUBLE « Rendez-vous à la gare de Weert. Pour me reconnaître, ce sera facile : je serai habillé en soldat de l’Armée rouge. Mark. » Message déroutant, mais c’est jour de carnaval à Weert, petite ville du Limbourg néerlandais, pas loin de la frontière belge. Déguisés et armés de pintes de bière, les habitants se rassemblent devant les cafés. Les baraques à gaufres et à saucisses se préparent à une folle soirée. Mark Wulms, le faux soldat russe, ne raterait le carnaval de sa ville natale pour rien au monde. Pour l’occasion, il est même rentré de Dubaï, où il rachète des composants électroniques à des collecteurs pakistanais ou bangladais et les revend – neuf fois plus cher − à des recycleurs. Son nom a été cité dans l’affaire D3E. Son entreprise, Mobo, domiciliée au Luxembourg, se trouvait au cœur d’un trafic de déchets électroniques de l’Europe vers l’Asie. En juin 2010, Mark Wulms commissionne un sous-traitant roumain pour récupérer et conditionner des équipements électroniques usagés chez D3E, à Vitry-le-François (Marne). Rien que du classique… Deux conteneurs sont acheminés par la route vers la plateforme logistique belge Terminal Container Athus (TCA), à proximité des frontières française et luxembourgeoise. La cargaison devait ensuite gagner le port de Zeebrugge, probablement par voie ferrée, puis prendre la mer à bord d’un porte-conteneurs, à destination du port vietnamien d’Haïphong. Mais des gendarmes français et belges font le déplacement jusqu’à Athus. Ils ouvrent les conteneurs : selon leur constat, la moitié des écrans que contiennent ceux-ci ne sont pas en état de marche. Ce sont donc des déchets électroniques, que la convention de Bâle interdit d’exporter vers des pays comme le Vietnam, qui n’appartiennent pas à l’Organisation de coopération et de développement économiques. La marchandise est placée sous séquestre. « Alexandre [Frattini, le gérant de D3E] est un garçon sympathique, mais il a commis une grosse erreur : il voulait devenir millionnaire en six mois, raconte Mark Wulms, qui affirme pour sa part que seuls 15 % des équipements ne fonctionnaient pas. Je n’aurais pas dû le laisser s’occuper de charger les équipements dans les conteneurs. C’est là que les problèmes sont apparus. » Stylo en main, dans un estaminet envahi par un bruyant groupe de carnavaliers, l’intermédiaire néerlandais dessine un schéma censé démontrer que son entreprise n’enfreignait pas la législation : à gauche, les équipements d’occasion, auxquels rien n’interdit de vivre une deuxième vie en Afrique ou en Asie ; à droite, les déchets électroniques, dont l’exportation est prohibée ; au centre, les « équipements partiellement réutilisables ». Selon lui, c’est à cette dernière catégorie, aux contours flous, que Mobo s’intéressait pour le compte de clients chinois et indonésiens. Les informations concernant l’implication de Mark Wulms dans l’affaire D3E ont été transmises en 2012 par la justice française à son homologue néerlandaise. Le Néerlandais affirme ne pas avoir été inquiété et avoir mis fin aux activités de Mobo en 2012, après l’affaire D3E. « Il y a trop de suspicion dans ce business », soupire-t-il. C’est via la frontière sinovietnamienne, ici Mong Cai (en haut à gauche), qu’est acheminée une grande partie des déchets destinés à la Chine. ZEEBRUGGE, LA PASSOIRE BELGE « LES GÉRANTS DE D3E RECYCLAGE N’AVAIENT PAS CONSCIENCE DE PARTICIPER À UN TRAFIC » PHILIPPE BLANCHETIER avocat des gérants de D3E En ce jour de brouillard, au milieu du ballet des engins élévateurs et des grues, Peter Coene doit inspecter seize conteneurs sur le port de Zeebrugge, sur la mer du Nord, par où auraient dû transiter les conteneurs provenant de D3E Recyclage. Ce grand gaillard avenant contrôle les transports de déchets pour le compte du ministère de la santé belge. Un coup de sonde pour s’assurer de l’absence de gaz toxique à l’intérieur du conteneur, un vigoureux coup de pinces pour en briser les scellés : il peut vérifier si la cargaison est conforme aux documents douaniers et si des déchets dangereux ne sont pas dissimulés au fond du parallélépipède de métal. Ce sont des conteneurs de déchets plastiques, très prisés des recycleurs chinois, qu’inspecte Peter Coene ce jour-là. « On fait de notre mieux, mais nous ne sommes que cinq pour toute la région flamande et ses deux grands ports [Anvers et Zeebrugge], reconnaît le fonctionnaire. C’est peu par rapport à tout ce qui transite par ici. » Le nombre de contrôles effectués dans les ports belges par Peter Coene et ses collègues s’élève à un millier par an. Pour un trafic total d’environ onze millions de conteneurs. DANS LA MARNE, LA SOURCE DU TRAFIC Le tableau de chasse est impressionnant : cinq conseils généraux, des lycées et collèges, l’inspection du travail et la préfecture de la Marne, des hôpitaux et cliniques, l’académie et l’école de police de Reims, la direction des affaires culturelles et le service de police judiciaire de la région Champagne-Ardenne, l’Urssaf, les douanes, des gendarmeries, des dizaines d’entreprises… Tous figurent sur la liste des clients de l’entreprise D3E Recyclage, dont la liquidation judiciaire a été prononcée en août 2014. Tous ont confié, entre 2007 et 2010, leurs vieux ordinateurs à cette société basée dans la Marne, qui leur proposait de les en débarrasser gracieusement et leur remettait de (faux) bordereaux de destruction. Sans s’imaginer qu’en toute illégalité, une partie de ce matériel informatique allait quitter la France pour gagner l’Asie et y être démantelé au mépris de la pollution de l’environnement et de la santé des populations. Sans s’interroger sur le fait que D3E Recyclage ne leur réclamait aucune participation au coût du recyclage du matériel usagé… Les activités de D3E se poursuivraient peutêtre encore aujourd’hui si, un jour de 2009, la brigade de gendarmerie de Sermaize-lesBains (Marne) n’avait reçu un appel anonyme dénonçant un recours au travail illégal. Les gendarmes se rendent alors au dépôt de Vitryle-François de l’entreprise de collecte de déchets. Sidérés par la quantité de vieux ordinateurs entassés sous un hangar, ils alertent l’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique (Oclaesp). Des représentants de ce service national de police judiciaire font le déplacement et saisissent au siège de D3E Recyclage des factures émanant de la plate-forme logistique belge TCA et d’autres adressées à la société Mobo. Rien qu’en 2009 la société française avait facturé pour 180 000 euros à la société de Mark Wulms, pour se débarrasser d’ordinateurs qui ne lui avaient coûté que le prix de la collecte et du transport. Au moins trente-quatre conteneurs seraient partis de D3E Recyclage pour gagner la Belgique et, de là, très probablement, l’Asie. « Au total, cela représentait dans les 700 tonnes de déchets électriques et électroniques, soit environ 3 800 unités centrales, un millier d’imprimantes, 27 000 écrans d’ordinateur », affirme Céline Pierron, substitut du procureur de Châlons-en-Champagne, qui s’est passionnée pour cette affaire dans laquelle elle représentait le ministère public. Les gendarmes de l’Oclaesp saisissent Interpol et se rendent en juin 2010, avec leurs confrères belges, chez TCA pour y contrôler le chargement de deux conteneurs tout juste arrivés de D3E Recyclage et destinés au Vietnam. Les ennuis commencent pour Alexandre Frattini et son épouse, Catherine Petit, les gérants de D3E Recyclage. « Le simple fait d’envoyer du matériel hors d’usage en Belgique constituait une infraction », affirme Céline Pierron. Lors de l’audience, en janvier 2012, devant le tribunal correctionnel de Châlons-en-Champagne, Alexandre Frattini et Catherine Petit plaideront la négligence. « On a été dépassés par les événements, on n’a pas pu assumer les volumes », déclarera Alexandre Frattini, selon des propos rapportés par L’Union, le quotidien local. « Ils n’avaient pas conscience de participer à un trafic, insiste encore aujourd’hui leur avocat, Philippe Blanchetier. Mais ils ont été dépassés par leur succès et ont été approchés par des margoulins. » Alexandre Frattini est finalement condamné à un an de prison avec sursis et 6 000 euros d’amende, son épouse à six mois avec sursis et 3 000 euros d’amende. Tous deux se voient interdits de gérer une entreprise commerciale. « Au regard de la dimension internationale du trafic, ce n’était pas grand-chose, mais pour ce type de délit, il n’y a jamais de prison ferme », explique Céline Pierron. Après cette affaire, Alexandre Frattini, 41 ans, a vu sa maison vendue, s’est séparé de sa femme… et a fini par retrouver du travail dans le secteur des déchets électroniques. Après avoir accepté, dans un premier temps, de rencontrer Le Monde, il s’est ravisé. « Je pense avoir été assez traîné dans la boue et avoir servi de parapluie à beaucoup de recycleurs », affirme-t-il par SMS. « A l’heure actuelle, certains continuent de trafiquer sans être inquiétés », conclut-il. Des D3E Recyclage et des Alexandre Frattini, il en existe bien d’autres, attirés par un juteux commerce où les contrôles sont rares, le profit considérable et le risque faible. Dans ce secteur au cœur duquel un trafic mondial aux gigantesques ramifications trouve sa source, l’affaire D3E Recyclage reste pourtant l’une des seules à avoir été jugée à ce jour en France. p culture | 15 0123 DIMANCHE 1ER - LUNDI 2 FÉVRIER 2015 Les irrésistibles attractions de Balthus La Galerie Gagosian, à Paris, expose des toiles et des Polaroid inédits de l’artiste, dont de nombreux nus ARTS B althus est mort en 2001, à l’âge de 93 ans. Les hommages muséaux n’ont pas tardé, du Palazzo Grassi, à Venise, au Metropolitan de New York. Vient aujourd’hui le temps des œuvres inédites, demeurées dans l’atelier à sa mort ou cachées dans des collections privées. L’hiver dernier, la Gagosian Gallery a exposé pour la première fois, à son adresse new-yorkaise de Madison Avenue, des Balthus d’une nature inattendue, des Polaroid (l’exposition, qui devait être présentée au musée Folkwang d’Essen en avril 2014 a été annulée, en raison des « conséquences juridiques » éventuelles et « d’une possible fermeture de l’exposition » qu’aurait pu provoquer la publication de certaines photos). Dans les années 1990, substituant la photographie au dessin, il fait poser sa très jeune muse, Anna, que l’on voit grandir au fil de la décennie. Les premières images montrent une très jeune fille dans une robe à carreaux, enfoncée dans un fauteuil, comme Balthus en a peint dans l’entredeux-guerres. Les dernières, faites peu avant la mort de l’artiste, montrent une très jeune femme, plus qu’à demi nue, renversée sur un sofa, parmi des coussins. Un foulard est noué en turban sur ses cheveux, un autre en pagne sur son ventre et son sexe. Le photographe s’écarte ou se rapproche. Il se place à contre-jour d’une fenêtre et obtient des effets de flou et de pénombre, qui font songer évidemment à la lumière duveteuse de ses toiles. Ces Polaroid vont de pair avec les tableaux qu’il a alors en chantier et dont la composition est immuable : le modèle nu sur un canapé, les prairies et les arbres par la fenêtre, un chat et un chien à Dans les années 1990, substituant la photographie au dessin, il fait poser sa très jeune muse, Anna proximité et une mandoline dans la main droite de la jeune femme. En 1934, pour La Leçon de guitare, c’était un autre instrument à cordes pincées et la suggestion érotique était explicite. Elle ne l’est guère moins dans les œuvres finales, ce qui vérifie la permanence obsessionnelle de certaines situations fantasmatiques dans l’imaginaire de Balthus. Si la version new-yorkaise de l’exposition s’en tenait là, la version française est plus variée et d’une surprenante abondance. On y retrouve des Polaroid d’Anna en nombre plus réduit et l’un des grands nus ultimes, le plus achevé et le plus lascif. Mais on y découvre de larges ensembles de dessins et des toiles issus de collections européennes. Etudes de nus d’à peu près toutes les époques, aquarelles de paysages italiens du temps où Balthus dirigeait la Villa Médicis, dessins préparatoires pour de grands tableaux aussi connus que son Passage du Commerce-Saint-André et croquis grotesques voisinent. Valeureux essai de rangement L’accrochage s’efforce de les classer par genre, mais ce valeureux essai de rangement est perturbé par les toiles, plus diverses encore. Il y a là plusieurs portraits peu connus, dont un du traducteur Pierre Leyris, ami de lycée de Pierre Klossowski, frère de Balthus. Il date de Deux Polaroid de Balthus, sans titre, pris entre 1990-2000. ROBERT MCKEEVER 1932-1933 et témoigne de l’autorité que Derain exerce alors sur le peintre. Un autre, de grand format, est donné pour celui d’un « Monsieur Hilaire », préfet de Pontoise en 1936. Bizarre est un euphémisme, à son propos, d’autant que le supposé préfet a plus l’air d’un dandy que l’on soupçonnerait d’immoralité que d’un haut fonctionnaire vertueux. Son chien luimême a un regard troublant. C’est là le Balthus des années 1930, celui qui intéresse Pablo Picasso, qui lui achète une toile, et André Breton, qui visite son atelier. Quand on prend le temps de regarder de près un dessin de cette époque, intitulé avec candeur Enfants au Luxembourg, ou tel autre, tout aussi candidement nommé La Chasse aux papillons, on voit à quoi jouent les enfants et de quoi papillon est le nom de code. Aurait-on des doutes, une petite toile de Nu couché de 1945, presque une grisaille, les lèverait, comme elle lève le drap sur le corps aux jambes ouvertes. Dans les décennies suivantes, Balthus a joué au grand maître de la grande peinture, encouragé malheureusement en cela par ses marchands et ses thuriféraires. Ses nus sont devenus plus pudi- ques et il a démontré, dans ses paysages et ses natures mortes, une virtuosité rassurante. Les Polaroid d’Anna viennent rappeler, à rebours de cette image passablement académique, que, d’une part, Balthus, octogénaire, n’a pas hésité à s’emparer d’un moyen de création contemporain, et cela une décennie durant ; et que, d’autre part, quelques motifs anatomiques exerçaient sur lui une attraction irrésistible, que le grand âge lui-même n’affaiblit pas, qu’il exaspère même. On le savait de Picasso jadis, comme de Bernard Dufour aujourd’hui. Balthus vient désormais s’asseoir entre eux. p philippe dagen Balthus. Gagosian Gallery, 4, rue de Ponthieu, Paris, 8e. Du mardi au samedi, de 11 heures à 19 heures. Jusqu’au 28 février. BRUNO NAHON présente JUSTIN WANG ENDURANCE NEWTON Hope met à jour une réalité ignorée LE MONDE Bouleversant et nécessaire TÉLÉRAMA.FR D’une grande humanité JDD Deux frères réunis par la violence des mots Au Théâtre Ouvert, à Paris, le texte haletant de David Léon explore le meurtre psychologique qui détruit un adolescent THÉÂTRE E n 2014, La Loge, cette excellente petite salle du 11e arrondissement de Paris, programmait Un Batman dans ta tête. Ce fut la découverte d’un auteur, David Léon (né en 1976), que l’on retrouve cette année au Théâtre Ouvert avec un nouveau texte, Sauver la peau. Il y a des liens, de l’un à l’autre : la folie est le premier d’entre eux. Folie d’un adolescent qui s’imagine avoir un double dans sa tête, Batman. Folie d’un autre adolescent, diagnostiqué comme schizophrène paranoïde. A ces deux adolescents, David Léon donne le même prénom, Matthieu, et la même fin : ils vont se jeter sous un train. Chez l’un et l’autre, il explore le meurtre psychologique qui les a détruits. David Léon sait de quoi il parle. Après avoir étudié au Conservatoire national supérieur d’art dramatique de Paris, et commencé à jouer, il a laissé tomber le métier d’acteur : « Je n’arrivais pas à me projeter dans la carrière », dit-il. Comme il avait déjà une expérience de travail avec des adolescents en difficulté, dans le milieu associatif, il a décidé de se former pour devenir éducateur. Il s’occupe d’adultes psychotiques, dans un centre spécialisé du sud Folie d’un ado qui s’imagine avoir un double dans sa tête, Batman de la France. Et il écrit. En s’appuyant sur deux leviers : la prise directe avec le réel qu’il vit dans son travail, et l’autobiographie qu’il revendique, parce que, comme cela est dit dans Sauver la peau, si on ne met pas la peau sur la table quand on écrit, autant ne rien faire. Il y a un style très particulier chez David Léon. Beaucoup de points coupent les phrases et leur donnent le ton haletant que l’on peut avoir quand on est au-delà des larmes, syncopé dans son récit, malheureux de ne pouvoir pleurer. Ces larmes, le narrateur de Sauver la peau les espère, parce qu’elles viendraient prendre le pouvoir sur le malheur. Mais pas « réparer », ni « pardonner », des mots exécrables, que David Léon voudrait voir bannis des dictionnaires. Non, il ne faut pas pardonner à des parents qui n’ont laissé aucune chance à leur enfant, et l’ont transformé en un adolescent affreusement malade. Non, il ne convient pas de réparer le grand frère de cet adolescent, qui est le narrateur, homosexuel, de Sauver la peau. Comme il l’a aimé, son petit frère, son « ange » que les carcans de la famille et de l’institution ont déshumanisé ! Comme il demande simplement à être aimé, lui qui cherche une porte de sortie, après que Matthieu, son « ange », s’est jeté sous un train. Voilà ce qui sous-tend ce texte dur, que Manuel Vallade joue sous la direction d’Hélène Soulié. Quel dommage que la mise en scène accumule les emprunts (à Claude Régy en particulier) et les clichés (miroir brisé pour un homme brisé, par exemple) : ce fâcheux attirail n’aide pas Manuel Vallade qui est vraiment bien, lui. p PRIX SACD brigitte salino Sauver la peau, de David Léon. Mise en scène : Hélène Soulié. Avec Manuel Vallade. Théâtre Ouvert, 4 bis, Cité Véron, Paris 18e. Tél. : 01-42-55-74-40. Mardi, à 19 heures ; du mercredi au vendredi, à 20 heures ; samedi, à 18 heures. Jusqu’au 14 février. Les samedis 7 et 14 février, Manuel Vallade joue « Un Batman dans ta tête » (6 € à 22 €). Le texte de « Sauver la peau » est publié aux Editions Espaces 34 (51 p., 12 €). un film de BORIS LOJKINE ACTUELLEMENT AU CINÉMA 16 | culture 0123 DIMANCHE 1ER - LUNDI 2 FÉVRIER 2015 En région, la culture est en fusion La réforme territoriale, qui s’ajoute aux coupes budgétaires des collectivités locales, inquiète ENQUÊTE S auve qui peut la culture, en Auvergne. Alors que la trenteseptième édition du Festival du court-métrage de Clermont-Ferrand a ouvert ses portes, le 30 janvier, toute l’équipe a les yeux rivés sur 2016. Au 1er janvier prochain, les régions Auvergne et Rhône-Alpes auront fusionné, au terme de la réforme territoriale qui fera passer le nombre de régions métropolitaines de vingt-deux à treize. Dans la future entité rhônalpine-auvergnate, un territoire immense de 70 000 km2, il y aura deux commissions du film, deux dispositifs d’éducation à l’image, deux bureaux d’accueil des tournages… Ces missions vont-elles coexister, ou s’agira-t-il d’éliminer des « doublons » ? Une rencontre professionnelle est prévue, vendredi 6 février, à ClermontFerrand, en marge du festival. Au fil des années, la capitale auvergnate est devenue le spot mondial du court-métrage, avec plus de 160 000 entrées en salles et 3 500 professionnels accrédités en 2014. Mais l’Auvergne compte 1,35 million d’habitants, ce qui correspond à la population du Grand Lyon. Saura-t-elle exister, en 2016, face à Rhône-Alpes et ses 6 millions d’habitants ? Les acteurs culturels sont sceptiques : en période de crise, la « mutualisation » annoncée va se solder par des économies d’échelle. L’association Sauve qui peut le court-métrage, qui administre le festival de Clermont, compte vingt salariés permanents. Ceux-ci travaillent toute l’année, en plus du temps fort du festival. L’équipe a fait les comptes : dans le cas où des activités liées à l’éducation à l’image, à la commission du film ou à la diffusion des « courts » sur le territoire disparaîtraient, 23 % de la masse sala riale serait menacée. Le centre-ville de Clermont-Ferrand, pendant le Festival international du court-métrage. RAFAËL TRAPET PICTURETANK POUR « LE MONDE » Parole bienveillante Pour l’heure, les volcans sont éteints. Les élus locaux distillent une parole bienveillante. Le socialiste Jean-Jack Queyranne ne parle pas de « fusion » mais d’« union des régions ». Le président socialiste de la région Rhône-Alpes sera présent, le 5 février, au festival clermontois : « Celui-ci va parfaitement s’intégrer dans le réseau des festivals de cinéma en RhôneAlpes : Lussas pour les documentaires, Annecy pour les films d’animation, etc. Mieux, on peut imaginer que l’association Sauve qui peut le court-métrage gérera à l’avenir les aides aux films courts à l’échelle de la grande région, et non plus seulement en Auvergne », dé- clare-t-il au Monde. Au prochain Salon du livre, en mars, à Paris, l’Auvergne et Rhône-Alpes feront stand commun, ajoute-t-il. Tout est rose pendant les fiançailles. A l’unisson, la vice-présidente de la région Auvergne chargée de la culture, Nicole Rouaire, d’Europe Ecologie-Les Verts, énumère « les atouts » de la culture locale : le festival du « court », mais aussi le festival de la Chaise-Dieu et celui des arts de la rue d’Aurillac. Et souligne la renommée internationale de l’Orchestre d’Auvergne, qui était à l’affiche de la Folle Journée de Nantes et partira en tour- née au Japon fin 2015. Pour répondre aux inquiétudes, Nicole Rouaire a toutefois proposé la signature d’une convention triennale entre la région Auvergne et le festival clermontois. Celle-ci devrait être votée le 2 février, en assemblée régionale. L’élue met aussi en valeur une politique cousue main, jusque dans les plus petits villages. « L’Auvergne est divisée en quinze pays. Non sans mal, depuis 2007, nous avons demandé aux élus de ces territoires de développer un projet culturel. Ils en sont aujourd’hui satisfaits, et cette action a le mérite de mainte- A la nouvelle architecture des grandes régions qui se profile, il faut superposer la carte de la culture en souffrance, avec la liste des lieux ou festivals disparus nir les populations sur place. » Un exemple qui résonne avec les efforts actuels de Fleur Pellerin qui cherche à reconquérir « les zones blanches de la culture », ces bassins de population qui n’ont pas, ou peu, accès aux œuvres. La ministre de la culture et de la communication veut relever le défi de la cohésion sociale, devenu plus urgent depuis l’attaque contre Charlie Hebdo, le 7 janvier. Sur le terrain, la Rue de Valois tente ainsi de rattraper le temps perdu. Après avoir diminué le budget de la culture de 2012 à 2014, le gouvernement a changé de position : c’est Manuel Valls en personne qui a annoncé la sanctuarisation des crédits jusqu’en 2017, et même promis une légère hausse pour 2016. Situation délicate Enfin, une partie du budget a été dégelée pour 2015 – débloquant les crédits des deux missions « création » et « transmission des savoirs ». Car la situation de la culture est délicate. Fusion des régions ou pas, des élus locaux suppriment des manifestations culturelles ou reprennent en main des programmations. Il y a La nouvelle carte met les FRAC en vrac www.monde-diplomatique.fr FÉVRIER 2015 DOSSIER SPÉCIAL Attentats de Paris, l’onde de choc Chaque mois, avec Le Monde diplomatique, on s’arrête, on réf léchit. Chez votre marchand de journaux, 28 pages, 5,40 € S ur le papier, tout pourrait être simple. Un plus un égale deux : deux régions fusionnent et, au 1er janvier 2016, la nouvelle entité se retrouve avec deux Fonds régionaux d’art contemporain (FRAC), au lieu d’un seul auparavant. Mais vont-ils tous rester ? L’Etat et les régions, les principaux partenaires et financeurs, devront décider, au cas par cas, du sort de ces lieux dont la mission est au moins triple : développer une collection d’œuvres, les diffuser au plus près des publics et faire rayonner les artistes. La France compte 23 FRAC – 22 métropolitains, plus le FRAC Réunion – pour la plupart disposant d’un statut associatif. L’ensemble des FRAC réunit près de 26 000 œuvres, soit la deuxième collection d’art contemporain en France. Les FRAC, réunis dans le réseau Platform, viennent de fêter leurs 30 ans et comptent bien s’inscrire dans un avenir « durable ». C’est l’objet d’un texte commun adressé aux présidents de région. « Une simple logique de mutualisation administrative ne pourra pas répondre aux défis d’avenir de ces structures pilotes de la décentralisation », préviennent les directeurs et directrices de FRAC. L’enjeu est aussi de préserver ces équipements de proximité, faute de quoi la réforme aboutirait à recentraliser les lieux d’art, soit l’inverse du but recherché. Ecosystème local Car les FRAC s’inscrivent dans un écosystème regroupant les centres d’art, les artothèques, les écoles d’art, etc. Et les missions des FRAC, le statut de leur collection, etc., sont « appuyés sur le découpage actuel », lit-on dans le texte. « On n’est pas isolés, on travaille avec un large tissu social, du marchand d’art jusqu’à la classe de trente élèves qui vient visiter une exposition », résume Olivier Michelon, qui dirige les Abattoirs, le musée d’art contemporain de Toulouse, ainsi que le FRAC Midi-Pyrénées. La région va fusionner avec le Languedoc-Roussillon. « L’idée de la réforme, en France, est de créer des régions à dimension européenne. A nous de redéfinir les missions pour faire rayonner da- vantage les FRAC », ajoute-t-il en faisant référence aux Länder allemands et aux divers centres d’art, musées ou manifestations artistiques prestigieuses situés à Cologne, Kassel, Hambourg ou Francfort. De même, Claire Jacquet, directrice du FRAC Aquitaine, à Bordeaux, espère que la réforme permettra de « croiser les collections ». La région Aquitaine va en effet fusionner avec le Limousin et PoitouCharentes. « C’est l’occasion de développer des actions avec le Pays basque et d’élargir notre action à l’étranger », dit-elle. Se pose, enfin, la question de la propriété des œuvres, qui n’appartiennent pas toujours aux FRAC. Ainsi, comme le souligne Claire Jacquet, « le FRAC Limousin vient de fusionner avec l’artothèque, et c’est la région qui est propriétaire de la collection ». Préserver l’intégralité des collections et en garantir la propriété aux Fonds régionaux d’art contemporain, telle est l’autre priorité. L’année 2015 ne sera pas de trop pour tout remettre à plat. p cl. f. culture | 17 0123 DIMANCHE 1ER - LUNDI 2 FÉVRIER 2015 Daniel Buren retombe dans l’enfance de l’art L’artiste habille un musée de Strasbourg de façon lumineuse et sensuelle ARTS LES CHIFFRES 7,6 MILLIARDS Montant total investi par les collectivités territoriales pour la culture en 2010, selon les derniers chiffres du ministère. 5,6 MILLIARDS Sommes consenties par les communes et groupements de communes. 1,4 MILLIARD Montant de la participation des départements. 600 MILLIONS Sommes allouées par les régions. 2,7 MILLIARDS C e qu’il n’a pu réaliser au Grand Palais, c’est à Strasbourg qu’il l’a fait. Invité pour « Monu menta » en 2012, Daniel Buren s’était pris à rêver d’investir la ma gistrale verrière de ce chefd’œuvre de l’architecture Art nouveau en y apposant deci delà des filtres colorés qui auraient fait, au sol, arcenciel. Las, trop com plexe, trop cher : après mille es quisses, le fameux plasticien a dû renoncer à ce projet. Quand le Musée d’art moderne et contemporain de Strasbourg s’est offert à lui, Buren est bien sûr revenu à l’attaque : l’institution dispose, elle aussi, d’une immense verrière de 1 500 m2 qui laisse tomber une lumière vive sur sa nef centrale. Construit en 1998, le bâtiment n’a pas le chien 1900 du Grand Palais parisien. Mais l’effet produit reste saisissant. Si efficace que la ville a décidé de prolonger jusqu’en mars cette installation. Pour l’envisager à l’échelle de la ville, il faut d’abord s’éloigner légè rement, jusqu’à grimper en haut de l’une des tours du pont couvert qui traverse l’Ill, à quelques enca blures. On découvre alors un mu sée métamorphosé : sur l’impo sante façade d’ordinaire transpa rente, des carrés de couleurs sont venus batifoler. Emeraude, fuch G A L E R I E Budget de l’Etat pour la culture hors industries culturelles. strasbourg les difficultés économiques des collectivités, qui subissent entre autres la baisse de la dotation de l’Etat. S’y ajoutent des arbitrages politiques défavorables à la création contemporaine : des gestes qui se sont multipliés depuis que la droite a gagné les élections municipales de mars 2014. A la nouvelle architecture des grandes régions qui se profile, il faut donc superposer la carte de la culture en souffrance, avec la liste des lieux ou festivals disparus. Au Syndeac, syndicat d’employeurs du spectacle vivant, la présidente, Madeleine Louarn, avertit : « La fusion des régions ne va pas se faire en un jour. Pendant la période de transition de deux ou trois ans, il faudra veiller à ne pas défaire ce qui a été fait. » La région Haute-Normandie, appelée à fusionner avec la BasseNormandie, est dans le viseur. La disparition du festival pluridisciplinaire – et emblématique – Automne en Normandie, annoncée en novembre 2014, a consterné les acteurs culturels. « Les élus locaux ont raté une occasion. Avec la création de la grande région, Automne en Normandie aurait dû monter en puissance. C’est l’inverse qui se produit. Audelà de la fusion annoncée, des motivations budgétaires et un manque de vision politique ont abouti à ce choix », regrette JeanFrançois Driant, représentant du Syndeac en Haute-Normandie. Et dans l’Eure, la scène nationale EvreuxLouviers est mise à mal par le nouveau maire d’Evreux, l’Ump Guy Lefrand, qui a coupé dans ses subventions et veut la faire déménager. Le directeur de la scène natio nale du Volcan, au Havre, voit dans la fusion des régions une chance pour repenser la politique culturelle : « La situation actuelle, avec les diminutions de crédit, aboutit à ce paradoxe : sur tout le territoire français, on a des théâtres qui ont des plateaux vides, faute de budget pour programmer des spectacles. En face, on a une nouvelle génération d’artistes qui manque de lieux pour travailler. Il y a quelque chose à faire », ditil. Donnant-donnant Dans ce paysage en déconstruc tion, Fleur Pellerin vient d’annon cer le « Pacte pour la culture ». C’est donnantdonnant : si une ville s’engage à maintenir ses crédits pour la culture durant trois ans (jusqu’en 2017), alors l’Etat s’engagera à préserver son enveloppe sur le même territoire. Le premier pacte a été signé le 29 janvier avec… Clermont Ferrand. Prochaine date, Cambrai, le 2 février. La Rue de Valois doit encore faire avaler la potion de la réorga nisation des directions régionales des affaires culturelles (DRAC) qui représentent le ministère de la culture en région. Lors de ses vœux à la presse, le 19 janvier, Fleur Pellerin a reconnu que « s’il y a fusion de deux régions, il n’y aura plus qu’un seul directeur régional ». Et non plus deux. Mais la ministre s’est voulue rassurante, s’agissant des équipes sur le terrain. Saluant le travail des agents des DRAC, qui « passent la moitié de leur temps sur les routes, pour couvrir l’ensemble du territoire et répondre à la promesse d’apporter la culture partout », elle a pris cet engagement : la « présence physique des services » devra rester « forte » à l’avenir. Mais comme le souligne le directeur adjoint d’une grosse DRAC, ce ne sont que « des vœux ». p clarisse fabre MELI K OHAN I AN Galerie Chantal Crousel Pour cette double exposition parisienne, à la galerie Chantal Crousel et dans son annexe, La Douane, Melik Ohanian conjugue tous les temps. Le temps de l’histoire, d’abord. Il le décline à partir des couvertures déchirées du récit d’un témoin du génocide arménien de 1915. Il était promis au pilon, mais l’artiste l’a fait entièrement numériser : manière de rappeler l’infinie fragilité de cette mémoire, autant que la nécessité de la transmission. Evocation, aussi, de la première guerre mondiale, avec ces silhouettes d’ouvrières britanniques contraintes de fabriquer des obus, et dont les corps étaient entièrement jaunis et abîmés par la nitroglycérine. Le futur hypothétique est également de la partie, qu’évoquent ces cauris, coquillages utilisés lors de rituels divinatoires, sculptés ici dans le béton avant d’être disposés au sol selon le bon vouloir d’un lancer de dés. Et pour parachever ce brouillage des temps palpitent, dans une autre installation, les températures relevées dans l’Arctique à la fin du XIXe siècle, lors des premiers relevés climatologiques, transformées ici en constellation lumineuse. Ou le temps comme partition. p e. le. Melik Ohanian, galerie Chantal Crousel, 10, rue Charlot, Paris 3e. Tél. : 01-42-77-38-87. Du mardi au samedi de 11 heures à 13 heures et de 14 heures à 19 heures. Et aussi à La Douane, 11F, rue LéonJouhaux, Paris 10e. Du lundi au vendredi de 11 heures à 19 heures. Jusqu’au 6 février. Crousel.com sia ou jaune d’or, azur ou, forcé ment, rayés, ces films alternant avec des espaces vides s’amusent à faire palpiter le bâtiment. Ils transforment le musée en un im mense tableau abstrait : intrus ci nétique qui fait irruption dans le paysage de briques ancestrales constituant le centreville stras bourgeois. Les humeurs du ciel Maître de l’in situ, Buren, décidé ment ? Le malicieux sait, à chaque occasion, saisir les failles autant que le potentiel de toute architec ture. Il n’est jamais aussi bon qu’en intervenant à l’échelle de la cité, plutôt qu’en artiste domestique. Quant à l’intérieur du musée, qu’y perçoiton ? L’atmosphère change avec les humeurs du ciel. Plein soleil, c’est une farandole de couleurs sur les murs et au sol, née des filtres projetant leurs nuances partout dans l’espace. En fonction de l’heure, la vaste allée centrale qui sépare le bâtiment en deux ailes peut même virer au ka léidoscope géant. Et révéler un Bu ren plutôt ignoré : soit un artiste attentif aux effets de sensualité, qu’avait commencé à faire soup çonner en 2014 sa collaboration à l’opéra avec le chorégraphe Benja min Millepied, sur le très envelop pant Daphnis et Chloé, de Ravel. En revanche, quand le temps est chagrin, c’est plutôt feux pâles. Il est temps alors de partir explorer Les filtres transforment le musée en un immense tableau abstrait : un intrus cinétique qui fait irruption dans le paysage le second pan de l’exposition. Où Buren dévoile un autre de ses ta lents, qu’une fois encore on ne lui connaissait guère : celui de grand gamin. Réputé pour son rigo risme de théoricien, son refus des concessions, le voilà enfant, terri blement, joliment, capricieuse ment. Pour obtenir un terrain de jeu digne de ce nom, il a fait abat tre les cimaises des salles d’expo sitions temporaires. Dans le long « White Cube » ap paru par cette mise à plat, il a ba lancé son Meccano. Comme tirés d’un jeu de construction pour géant, des cubes, triangles et ronds, des arches et trouées com posent et décomposent un laby rinthe de formes. Un paysage va guement urbain tel qu’en rêverait un bambin grand comme un ar bre, et strictement divisé en deux parts. D’un côté, des couleurs, des rayures, une valse vive de pourpre, orange, rose ou citron. De l’autre, règne un blanc immaculé, re haussé parfois de rayures noires. Une simple ligne, mais des plus strictes, délimite les deux univers. Les formes sont exactement les mêmes, créant cabanes puériles et schématiques cheminées. Le principe est simple, autant que l’effet troublant. Car l’artiste a ménagé des percées dans ses volu mes géométriques, qui créent des perspectives où les deux images se surimposent, voire s’écrasent l’une sur l’autre, en champs ma gnétiques irrésistiblement attirés. Sophistication de la simplicité… L’artiste l’évoque ainsi, en rap prochant cette installation nou velle et bipolaire des papiers dé coupés de Matisse : « Les dessins et peintures d’enfant sont extrêmement complexes. Quand Matisse renoue avec ses yeux d’enfant, il renoue en même temps avec la complexité la plus savante, ni poussive, ni prétentieuse. » Matisse, aussi, parce que cette exposition tient également de la danse, dans l’éner gie qu’elle offre aux corps la traver sant. p emmanuelle lequeux Daniel Buren. Comme un jeu d’enfant, travaux in situ. Musée d’art moderne et contemporain, 1, place Hans-Jean-Arp, Strasbourg (67). Tél. 03-88-23-3131. Tous les jours sauf lundi de 10 heures à 18 heures. De 3,50 € à 7 €. Jusqu’au 8 mars. 18 | télévisions 0123 DIMANCHE 1ER - LUNDI 2 FÉVRIER 2015 TF1, toujours seule en tête La chaîne, qui fête ses 40 ans, a su conserver son leadership, sur l’information comme sur le divertissement. Sa recette : la continuité dans le changement ENQUÊTE U ne médaille a été fabri quée pour ses 40 ans. L’entreprise devait bien cette « récom pense » à son plus ancien salarié, JeanPierre Pernaut, qui, le lundi 6 janvier 1975, faisait son en trée dans les locaux d’une chaîne dont le nom venait tout juste de changer. En effet, c’est ce jour-là que TF1 (Télévision française 1) a commencé à émettre à la place de la Première chaîne de l’ORTF. Quatre décennies plus tard, TF1, privatisée en 1987, fait toujours la course en tête, loin devant ses concurrentes, avec ses 22,9 % de part d’audience en moyenne enregistrés en 2014 (contre 14,1 % pour France 2 et 10,1 % pour M6). Et comme toujours, la chaîne monopolise quasiment toutes les premières places en prime time, avec « Mentalist », « Koh-Lanta », « The Voice », le football, le « 20 heures »… « TF1, c’est le PSG, remarque Alain Weill, président de NextRadioTV, la maison mère de BFM-TV et RMC. Elle joue seule en première division, elle n’a aujourd’hui plus de concurrent. » Ce qui marche A TF1, il existe une règle sacrée : « On garde ce qui marche », rappelle Etienne Mougeotte, son directeur de 1989 à 2007. Une règle qu’il a su imprimer, avec Patrick Le Lay, le président de l’époque (1988 à 2008), dans les gènes de la chaîne : l’info, la fiction, les séries américaines, les jeux d’argent, le divertissement, les films du dimanche soir, la téléréalité. « On m’a toujours reproché d’avoir mis à l’antenne “Dallas” ou “La Roue de la fortune”, mais ce n’est pas moi, c’est Hervé Bourges [président de TF1 avant la privatisation], explique M. Le Lay, avant de lâcher en riant : après la privatisation, la messe était dite, je n’avais plus rien à faire, j’avais juste à appliquer ces méthodes et à m’inscrire dans la continuité du service public. » En regardant de près, TF1 ne paraît pas avoir beaucoup évolué, même après l’arrivée de Nonce Paolini, en 2008, à la tête du groupe. « Bien sûr que si, la chaîne a énormément changé, elle s’est ajustée à un nouveau public, note Etienne Mougeotte. Je ne dirais pas qu’ils ont inventé une nouvelle télévision mais ils ont merveilleusement adapté les principes de LES DATES 6 JANVIER 1975 La Première chaîne de l’ORTF devient TF1 (Télévision française 1) 1987 TF1 est privatisée et rachetée par Francis Bouygues 2001 Premier programme de télé-réalité, avec « Koh-Lanta » 2006 Record absolu d’audience lors de la demi-finale du Mondial de foot France-Portugal, qui réunit 22,2 millions de téléspectateurs 2008 Nonce Paolini succède au duo dirigeant Etienne MougeottePatrick Le Lay 2016 Fin du mandat de Nonce Paolini « La société n’évolue pas brutalement, les idées progressent lentement. Même chose dans nos programmes » JEAN-FRANÇOIS LANCELIER directeur général de TF1 TF1. » Des changements dont rendra compte l’émission spéciale qui, vendredi 6 février, retracera l’histoire de la chaîne et sera animée par Christophe Dechavanne et Gilles Bouleau. « Elle a su épouser l’air du temps ; il reste le nom, l’identité et son côté populaire, ouvert à tous », souligne le présentateur du « 20 heures ». Les figures comme Claire Chazal, Jean-Pierre Foucault ou Arthur sont toujours présentes. Le « 20 heures » (6,3 millions de téléspectateurs, le plus regardé d’Europe) reste, comme dit Catherine Nayl, la directrice de l’information, « le point d’ancrage dans une société qui s’accélère, un moment d’échange, de lien social, familial avec les téléspectateurs ». « Navarro » et « Julie Lescaut » ont été remplacés par « Profilage » et « Section de recherches » ; « The Voice » a pris la suite de la « Star Academy ». « Ce programme est l’adaptation moderne de “Sacrée soirée” », souligne Patrick Le Lay. « Nous sommes des continuateurs », reconnaît Nonce Paolini. « Nous nous adaptons de manière régulière et par petites touches. La société n’évolue pas brutalement et les idées progressent lentement, c’est la même chose dans notre grille », explique le très discret Jean-François Lancelier, le patron de l’antenne, déjà présent sous l’ère Le Lay-Mougeotte. « Chaque fois que nous installons de nouvelles marques, nous prenons des risques, ajoute M. Paolini. On croit que “The Voice” a toujours été là, mais nous n’en sommes qu’à la quatrième saison, c’est un changement radical avec de nouveaux codes, on a osé ce pari. » Même si ses audiences n’ont cessé de décliner ces dernières années (44,8 % en 1988, 35,3 % en 1998, 27,2 % en 2008), TF1 a su garder son leadership… « Aujourd’hui, nous sommes la chaîne qui domine encore le paysage audiovisuel, y compris et avant tout sur l’information, souligne Claire Chazal, la présentatrice des journaux du week-end depuis 1991. Ce qui est extrêmement important compte tenu des bouleversements qui se sont effectués. » L’arrivée en 2005 de la TNT puis des chaînes d’info a fait de l’audience une amante de plus en plus volatile. « Et alors ? réagit Patrick Le Lay. On garde toujours 40 % du marché de la publicité [plus précisément entre 40 % et 44 %]. Ce n’est pas l’audience des émissions qui compte mais celle des écrans de pub. » « En réalité, la compétition de l’audience se joue entre les autres chaînes. Il n’y a pas d’équivalent dans les pays occidentaux », ajoute Alain Weill. Régime minceur Les bénéfices de TF1 ont aussi chuté : 250,3 millions d’euros en 2000, 228 millions d’euros en 2007, 137 millions d’euros en 2013. Du coup, son actionnaire principal, le groupe de BTP Bouygues – qui détient 43,5 % des parts de l’entreprise –, a exigé, en 2008, un plan d’économies. Nonce Paolini a joué les cost killers, imposant un régime minceur inédit qui s’élève aujourd’hui à quelque 240 millions d’euros. Adieu la période bénie où Claude Cohen, l’ancienne directrice générale, refusait des écrans publicitaires. « Nous avons travaillé dans des conditions très confortables, rappelle Claire Chazal. En 2008, nous avons connu un changement majeur avec une gestion plus serrée : nous n’embauchons pas, nous avons appris à partir en équipe réduite, à rationaliser les tournages. » La chaîne a aussi dû se séparer d’un élément qui faisait son prestige : le sport. Jugé trop cher, il a quasiment disparu des grilles. Terminé la formule 1 ou la Ligue des champions. Et quand TF1 rachète de grands événements comme le Mondial de football, En 2012, « The Voice » a pris la suite de « Star Academy ». La même année, Gilles Bouleau a pris les rênes du « 20 heures ». C. CHEVALIN/TF1 me-t-elle. Ce départ ne s’est pas traduit par un succès, et le réajustement ne s’est pas fait tout seul, il a fallu prendre des décisions. » Notamment en choisissant Gilles Bouleau pour remplacer Laurence Ferrari au « 20 heures » en 2012. « Et c’est une réussite, se réjouit M. Paolini. Tout le monde me disait Laurent [Delahousse], moi j’ai dit Bouleau. » elle revend une partie de ses droits. Elle a toutefois conservé, pour l’image, les matchs de l’équipe de France au prix fort : environ 5 millions d’euros la rencontre amicale. « Il y avait de l’ambition dans tous les domaines, on ne reconnaît plus la griffe de TF1, se souvient Patrick Poivre d’Arvor, vedette du « 20 heures », évincé en 2008 après vingt et un ans de présentation. Pour moi, elle s’est alignée sur les autres chaînes, la prise de risque n’est plus une notion présente dans leur ADN. » Pour certains de ses concurrents, la Première n’a pas su conserver son avantage. Elle n’a pas non plus cherché à se développer à l’international, se contentant de rester un acteur franco-français. « Pendant des années, ils n’ont rien fait de leur puissance et ont concentré leurs forces à tenter d’éliminer les concurrents. On en sait quelque chose », note Nicolas de Tavernost, le patron du groupe M6. Certaines années, M6 a même été plus rentable. Selon d’autres concurrents, TF1 aurait aussi perdu son influence sur l’info : « L’opinion n’est plus faite par TF1 mais par les réseaux sociaux ou BFM-TV ». « Ils ont raté la bataille de l’info avec LCI », estiment ces derniers. « Ceux qui disent cela se trompent, répond Catherine Nayl. Ils ont été nombreux à être contre nous pour le passage en gratuit de LCI. C’est plus un hommage rendu ou la peur de voir TF1 bien se positionner sur l’information. Le public a tous les moyens à sa disposition pour ne pas venir au “20 heures” ; s’il le fait, c’est qu’il y a une raison, les téléspectateurs ne sont pas juste lobotomisés. » Quant à Nonce Paolini, il ne donne aucun crédit à ces critiques. Aujourd’hui, TF1 veut résonner en groupe. Grâce à ses trois autres chaînes gratuites de la TNT (TMC, NT1, HD1), sa part d’audience grimpe, pour flirter avec les 29 %. L’objectif désormais est de donner une identité forte à chacune. Au-delà des critiques, une des forces de TF1 est d’avoir conservé un management aussi pérenne et solide que les stars de la chaîne. L’antenne déteste les secousses et, pourtant, elle en a connu une majeure avec l’éviction de PPDA en 2008. « Une erreur », selon M. Mougeotte. Même sentiment chez Claire Chazal : « La force de TF1 est de changer en douceur, esti- « Ce n’est pas l’audience des émissions qui compte, c’est celle des écrans de publicité » PATRICK LE LAY ex-patron de TF1 De nouveaux visages ? Mais que se passera-t-il quand il faudra penser au prochain JeanPierre Pernaut ou à la future Claire Chazal ? Sans faire d’à-coups, sans bousculer et surtout sans changer ces figures familières en même temps. « Mon cas les préserve d’une certaine manière », assure Patrick Poivre d’Arvor. Nonce Paolini se veut clair : « Il est important d’avoir de fortes incarnations mais il n’y a pas non plus de raison que l’on ne trouve pas, demain, de nouveaux visages. Dans ce métier, une génération s’est malheureusement crue propriétaire des antennes et du public. Aujourd’hui, à TF1, plus personne n’est propriétaire de quoi que ce soit. » Pour montrer que le changement de présentateur n’influe pas forcément sur l’audience, Patrick Le Lay, lui, préfère raconter une anecdote. « Un jour, j’avais dit à Pernaut que s’il dépassait les 50 % de part d’audience, on ferait la bamboula. Un matin, je vois 51 % mais j’oublie de l’appeler pour le féliciter. Le lendemain, je croise Mougeotte, je lui dis : “Oh ! putain, je n’ai pas félicité Pernaut pour ses 51 %.” Et Etienne me répond : “Tu as bien fait, tu aurais eu l’air d’un con, il était malade et c’est JeanClaude Narcy qui l’a remplacé.” » Comme Jean-Pierre Pernaut le reconnaît lui-même : « Nul n’est irremplaçable ! » Il n’empêche. Le 22 février, il fêtera ses vingt-sept ans à la tête du « 13 heures ». p mustapha kessous télévisions | 19 0123 DIMANCHE 1ER - LUNDI 2 FÉVRIER 2015 « Je n’inviterai pas des gens pour faire un coup » Marc-Olivier Fogiel ressuscite le célèbre « Divan », sur France 3, assumant l’héritage d’Henri Chapier ENTRETIEN temps. Je suis à côté de l’invité, presque en arrière, comme l’était Henri Chapier. Je pense que c’est le cœur du concept. Pour le reste, tout a été relooké. Il y a du public, même s’il est à distance et dans la pénombre. « Le Divan » sera plus rythmé, car l’émission durera plus d’une heure contre vingtsix minutes pour la version Chapier. Le dispositif scénique a été beau coup travaillé, il y aura un énorme écran. On alimentera les entre tiens avec plus d’éléments, comme des images. M arcOlivier Fogiel re lance « Le Divan », l’émission mythi que qu’Henri Cha pier anima de 1987 à 1994. Mardi 3 février, il recevra Fabrice Luchini dans un décor futuriste. France 3 a commandé vingt numéros à l’animateur qui avait quitté le pe tit écran depuis trois ans. Vous revenez à la télévision. Cela vous manquait-il ? Je ne ressentais aucune impa tience ou aucun manque. Mon quotidien à RTL me nourrit large ment. France 3 est venue me voir à plusieurs reprises, me donnant carte blanche. J’ai décliné pas mal de propositions. C’est le projet luimême qui m’intéressait. Je continue à explorer des domai nes auxquels je n’avais pas tou ché auparavant. Disposer d’un temps long, je trouve que c’est complémentaire avec ce que je fais actuellement à la radio et ce que j’ai animé par le passé. J’aurais tort de ne pas y aller. Je re découvre le plaisir de préparer une émission avec des personnes avec lesquelles j’ai déjà travaillé. Habitué des prime times, vous occupez la troisième partie de soirée. Avez-vous été échaudé par votre retour, en 2011, sur M6, avec « Face à l’actu », qui ne s’est pas bien passé ? Cette déconvenue a été anecdoti que, elle n’a duré que quelques se maines. C’était le mauvais projet au mauvais endroit. Cela ne m’a pas marqué. Je n’oublie pas mes vingt ans d’antenne et de produc tion à très haute dose qui ont fonc tionné. Je ne retourne pas devant les caméras à reculons, bien au contraire. Dans mon parcours profession nel et personnel, j’ai eu la chance d’avoir plusieurs vies. J’ai voulu une rupture nette en 2008, car j’avais besoin de découvrir d’autres choses pour ne pas m’en fermer dans la routine. J’étais dans une forme de surpuissance. Je n’avais plus l’impression d’ap prendre. Je craignais de ne plus faire de télévision pour de bonnes Allez-vous revenir à des interviews musclées qui étaient votre marque de fabrique ? Je serai plus dans l’accompagne ment, dans une forme de dou ceur, afin de faire sortir la parole. Mais, s’il le faut, je ne m’interdis pas d’aller chercher les réponses de façon plus directe. La tonalité ressemblera davantage à mes en tretiens d’aujourd’hui sur RTL qu’à ce que je faisais il y a quelques années. Avec le temps, j’ai déve loppé plus de cordes à mon arc. L’idée est de toutes les utiliser. Fabrice Luchini, le premier « patient » à s’allonger devant Marc-Olivier Fogiel. DOMINIQUE JACOVIDES / BESSTIMAGE raisons, mais seulement pour le confort financier qu’elle apporte. J’ai pris la décision de fermer ma société de production qui em ployait près d’une centaine de per sonnes. J’ai fait un virage à 180 de grés. Je me suis accompli dans cette nouvelle vie. Avez-vous trouvé le monde de la télévision changé depuis que vous l’avez quitté ? L’offre de programmes est deve nue très importante avec la multi plicité des chaînes. La télévision est surtout beaucoup plus com mentée, les audiences analysées. « Je voulais une interview longue, non liée à l’actualité. Ce qui m’importe n’est pas l’audience, mais ce qu’on aura dit » Heureusement pour moi, avec l’expérience et ce que j’ai construit dans ma vie privée, je suis immu nisé contre tout ça et je ne le crains pas. Ce contexte n’a pas influencé la façon dont j’ai conçu l’émission. Je ne vais pas chercher l’audience, ce qui m’importe c’est ce qu’on aura dit dans ce programme. Pourquoi refaire « Le Divan » ? Je voulais une émission qui ne soit pas liée à l’actualité, une in terview longue. Au départ, j’ai imaginé qu’on pourrait faire comme si l’invité était mort et qu’on faisait redéfiler sa vie. Et JoeyStarr, gourou des cultures urbaines L’ex-chanteur de NTM veut donner leur chance aux skateurs, rappeurs et autres breakeurs amateurs. Il est aujourd’hui le seul atout de « Talent Street », le télé-crochet de France Ô I l a choisi un tout petit troquet sans prétention, situé dans le quartier parisien de Saint GermaindesPrés, pour recevoir quelques journalistes. Accoudé au comptoir, dans un brouhaha de début d’apéro, JoeyStarr parle de bout – de toute façon, il n’y a pas de chaises – pour expliquer son rôle de juré sans concession dans « Talent Street », sur France Ô. Diffusée à partir du 3 février à 20 h 45, pour neuf semaines, cette nouvelle émission a pour ambi tion de trouver les meilleurs ska teurs, danseurs, rappeurs, brea keurs, riders et autres artistes is sus des cultures urbaines. Outre le leader emblématique du groupe NTM, les prétendants se ront également notés par la dan seuse Mia Frye et le triple cham pion du monde de freestyle BMX Matthias Dandois (lire Le Monde du 22 décembre 2014). Des talents pâlots Pourtant, le résultat n’est pas à la hauteur de la promesse : le niveau est décevant, les talents présentés n’ont rien de sensationnel. « Il faut rappeler que les candidats ne « Je me dis que ma présence fera “déghettoïser” ce que j’aime. C’est pour cela que j’ai accepté de participer à l’émission » sont pas professionnels, explique l’acteur. Et puis beaucoup ne sortent pas du bois car ce genre d’émission n’attire pas le plus grand monde. » Alors tant pis si ce concours manque cruellement de rythme et de spectacle. « Je trouve l’émission plus télégénique que ce que j’ai pu voir lors des enregistrements, moi, je ne suis pas déçu », ajoutetil. L’essentiel pour « Joey » est de promouvoir les cultures urbai nes, qui ne sont pas représentées à la télévision. « Elles sont considérées comme des sous-cultures, et pourtant elles sont partout, il suffit juste de sortir de chez soi, ditil. Je peux comprendre qu’on soit déçu par le niveau de l’émission, mais il faut bien commencer, il faut être indulgent. » Alors pro mis, s’il doit y avoir une deuxième saison, l’artiste garan tit une plus grande exigence et un meilleur casting, « des conditions sine qua non pour que j’accepte », lâchetil. « Une vraie ferveur » Il faut bien le reconnaître : la pré sence de Didier Morville (son vrai nom) sauve le show. Mieux, elle l’assure. Drôle, percutant sans être condescendant, le rappeur ne lâche pas les prétendants, prou vant ainsi que les cultures urbai nes ne s’improvisent pas. « Je suis venu défendre un truc dans cette émission, j’argumente face aux candidats, ça permet à ceux qui sont derrière leur télé de comprendre qu’il y a du sérieux dans ce qu’on fait, ainsi qu’une vraie lecture », soulignetil, avant de pes ter contre les jeunes nouveaux rappeurs, qu’il qualifie de « petits merdeux », dont les chansons ne parlent que de « shit » et autres ca ricatures. « Malheureusement, le rap est entretenu comme ça, ils le ghettoïsent, alors qu’il existe une vraie ferveur », assuretil. C’est aussi ce qui explique, selon lui, pourquoi les grandes chaînes ne proposent pas d’émissions sur les cultures urbaines. Seule France Ô, l’antenne « diversité » de France Télévisions, peut se le permettre. « Je me dis que ma présence fera “déghettoïser” ce que j’aime, espère JoeyStarr, c’est pour cela aussi que j’ai accepté de participer à l’émission. » France Ô mise beaucoup sur « Talent Street » pour faire décol ler ses audiences, moribondes ces derniers temps. Il y a quelques jours, la chaîne du service public avait même réussi la prouesse de réaliser 0 % de part d’audience. Le 26 décembre 2014, elle avait pro posé, pour Noël, un « Talent Street Kids » réservé aux enfants de 8 ans à 16 ans, qui avait rassem blé un peu moins de 79 000 télés pectateurs. p mustapha kessous Talent Street, tous les mardis (à partir du 3 février), à 20 h 45 sur France Ô puis j’ai trouvé que c’était du gad get. J’avais surtout envie de faire un bon entretien. Je me suis sou venu d’Henri Chapier, d’autant que j’ai failli acheter le fameux di van jaune lors d’une vente aux en chères au profit de Reporters sans frontières. J’ai alors décidé d’assu mer la filiation avec cette émis sion mythique. Y aura-t-il des changements ? On a tout gardé, et tout changé à la fois. On a toujours la nostalgie d’émissions, mais quand on les re voit, on s’aperçoit que certains éléments n’ont pas résisté au Qui recevrez-vous ? Anne Hidalgo, JeanLuc Mélen chon, l’avocat Eric DupondMo retti, le chanteur Mika, Thierry Ardisson… Ce qui m’intéresse, ce sont des personnalités riches. Je n’inviterai pas des gens pour faire un coup, mais plutôt des hommes et des femmes généreux, qui prennent le temps de raconter des histoires. Je ne vais pas faire le buzz. Le seul invité qui pourrait le laisser croire, c’est Thierry Ardisson, avec qui j’ai été fâché. Cette émission a-t-elle vocation à durer ? C’est une collection de vingt nu méros. Je ne ferai pas de primes spéciaux comme on me l’a sug géré. On verra si cela m’ouvre l’ap pétit pour autre chose. Je ne me projette pas. Je n’ai jamais été aussi heureux que depuis que je ne suis plus dans la contrainte. p propos recueillis par joël morio Le Divan, sur France 3, à 23 h 05. 8,5 millions de téléspectateurs ont regardé, lundi 26 janvier, L’Emprise, diffusé sur TF1, en prime time. Tiré du récit autobiographique d’Alexandra Lange, ce téléfilm sur le calvaire d’une femme qui vécut des années sous le joug d’un mari violent a ainsi réalisé 33 % de part de marché. Ce score exceptionnel pour une fiction française est un satisfecit pour TF1 et ses « unitaires de prestige », dans lesquels se classait déjà Ce soir je vais tuer l’assassin de mon fils, diffusé le 31 mars 2014, qui avait déjà réuni 8,1 millions de téléspectateurs. Signalons que L’Emprise a aussi généré 75 000 tweets en France et dans le monde. Un record. Trek, vers l’aventure « Repoussez vos limites », voilà le mot d’ordre de Trek, la nouvelle chaîne du groupe AB consacrée à l’outdoor et au sport extrême. Le 2 février, elle viendra remplacer Escales, consacrée au voyage. Ski, escalade, surf… chaque jour aura sa thématique. Trek se lance un défi : ne pas être qu’une chaîne de sport. Elle accordera donc aussi une place à de la télé-réalité, à des jeux et à un magazine d’information. « L’important, c’est avant tout le frisson. Trek s’intéresse autant à la dimension sportive qu’à l’aventure humaine, explique Richard Maroko, directeur général des programmes du groupe AB. Le dépassement de soi, c’est ça qui impressionne. » A découvrir sur les réseaux payants du câble, du satellite et des box ADSL. TFou Max : des dessins animés en illimité Babar, Maya l’Abeille et Tintin ont traversé les générations jusqu’aux digital natives. Le 5 février, TF1 lancera TFou Max, une plate-forme de vidéos en ligne réservée aux 3-12 ans. Elle sera accessible sur ordinateur, tablette et smartphone, sur abonnement direct, pour 2,99 € par mois à son lancement, ou via la box d’Orange ou de Bouygues. Pour son coup d’envoi, le catalogue de TFou Max proposera plus de 2 000 films, programmes ludiques et séries animées, dont certaines exclusivités comme les Barbapapa. 20 | télévisions 0123 DIMANCHE 1ER - LUNDI 2 FÉVRIER 2015 SÉLECTION DE LA SEMAINE Films Les Anges du péché de Robert Bresson FRANCE – 1943 – 90 MIN Une jeune novice remarque, lors d’une visite en prison, Thérèse, une fille farouche et révoltée, et se croit désignée pour sauver son âme. Scandale du mal, vanité du bien, corruption de l’institution : l’épure bressonienne trouve ici ses fondements. JEUDI 5 – CINÉ+ CLASSIQUE – 20 H 45 Camille Claudel de Bruno Nuytten. Avec Isabelle Adjani, Gérard Depardieu, Laurent Grévill FRANCE – 1988 – 170 MIN Des années 1880 aux années 1910, la vie passionnée et tragique de Camille Claudel, assistante et maîtresse de Rodin, échappant à l’emprise de celui-ci pour réaliser sa propre création et sombrant dans la folie. Un film voulu, conçu et interprété avec flamme par Isabelle Adjani, détentrice des droits de la biographie écrite par la petite fille de Claudel. Vincent Josse a inauguré un format original pour cette station qui a soufflé en 2014 ses 50 bougies. JULIEN DANIEL/M.Y.O.P. Les petits pas de côté de Vincent Josse VENDREDI 6 – CINÉ+ CLUB – 20 H 45 Depuis son arrivée sur la Matinale, France Musique a doublé l’audience de la tranche horaire FRANCE – 2014 – 90 MIN RADIO S i les longs couloirs de Radio France sont déserts, ça grouille dans le studio de France Musique alors que le jour ne s’est pas encore levé. Après avoir changé plusieurs fois de formule et de présentateur, la Matinale de France Musique a trouvé son tempo. Depuis l’arrivée de Vincent Josse, en septembre 2014, son audience a doublé, malgré un format qui, au départ, a dérouté les mélomanes. On parle beaucoup, et pas forcément de musique, entre 8 heures et 10 heures, sur cette antenne qui a fêté en sourdine ses 50 ans en 2014. Flash info, dossier du jour, journal puis conversation à bâtons rompus avec un invité, la première heure de la Matinale de France Musique ressemble au premier abord à celle des autres. En apparence seulement. Certes, les titres sont, ce matin-là, peu différents de ceux des radios concurrentes : discours sur l’état de l’Union de Barak Obama, chaos au Yémen et mesures antiterrorisme. En revanche, le dossier du jour – la situation des petites salles d’art et essai –, auquel la radio consacre près de vingt minutes, est, lui, très décalé par rapport à l’actualité dramatique des semaines passées. « Nos auditeurs sont des amateurs de culture, cette matinale s’adresse à eux. Il n’y en a aucune autre de ce type. Elle est donc complémentaire des offres au sein du groupe et même La deuxième demi-heure est consacrée à l’interview d’un cinéaste, comédien ou musicien. Seuls les politiques n’ont pas droit de cité d’ailleurs », explique Marie-Pierre de Surville, nommée directrice de France Musique en juin 2014 et initiatrice de cette nouvelle tranche d’info. Mini récital La deuxième demi-heure est consacrée à l’interview d’un invité. Mais là non plus, pas question de se limiter au monde de la musique. Cinéastes, comédiens, auteurs ont défilé depuis la rentrée au micro de Vincent Josse, transfuge de France Inter et chroniqueur du « Masque et la Plume ». Seuls les politiques omniprésents sur les autres antennes au même moment n’ont pas droit de cité. Fleur Pellerin, ministre de la culture, et Benoît Julliard, adjoint de la mairie de Paris chargé des affaires culturelles, ont certes été invités, « mais pour parler de sa pratique musicale pour la première et du financement de la Philharmo- nie pour le second », précise Vincent Josse. L’entretien se fait sur le ton de la confidence. « Les gens se racontent, je suis heureux que les artistes aient du temps pour parler », se félicite-t-il. Cette conversation se poursuit pendant la deuxième heure de la matinale dans un cadre totalement inattendu. Pendant le flash de 9 heures, l’invité descend plusieurs étages pour entrer dans la pénombre de l’immense studio 107 et retrouver des musiciens ou des chanteurs prêts pour un minirécital. « On a l’impression, quand il pénètre là, qu’il a ouvert une porte sur un trésor qui se cachait derrière », raconte avec gourmandise Vincent Josse. Le pari de faire venir des interprètes dès potron-minet est réussi. « C’était dur au début, mais après une semaine de programmation, le bouche-à-oreille s’est révélé très positif. Car nous sommes bienveillants, et nous avons envie de les mettre en valeur », s’enthousiasme Nicolas Lafitte, producteur associé de Vincent Josse, chargé de la programmation des sessions live. Depuis la rentrée, Didier Lockwood, Nemanja Radulovic, Alexandre Tharaud, William Christie, Sarah et Deborah Nemtanu pour la musique classique ; David Enhco, Guillaume Perret, Baptiste Trotignon pour le jazz ; Liz McComb, Olivier Py, Benjamin Clementine pour la chanson… ont fréquenté le studio 107. Même Camélia Jordana, participante en 2009 de « Nouvelle star », le télé-crochet de D8, est venue présenter son dernier album, dans le cadre de Session UNIK, projet lancé par la Discothèque de Radio France qui consiste à graver sur vinyle un titre d’un artiste se produisant dans les studios de la radio. L e 11 juin 2013, la radiotélévision na tionale grecque (ERT) était brutale ment fermée par le gouvernement conservateur de l’époque. Du jour au len demain, 2 700 employés se retrouvaient au chômage. Un mouvement d’indignation mondial a, dans un premier temps, répondu à cette annonce. Aux premiers rangs de la contestation : le parti de la gauche radicale Syriza, qui s’est très vite engagé à rétablir les moyens de production d’ERT – cinq chaînes de télévision, vingt-sept antennes de radio, deux orchestres, etc. – s’il accédait au pouvoir. Après plusieurs semaines d’occupation du siège social d’ERT dans le quartier d’Aghia Paraskevi, à Athènes, les salariés étaient évacués par les forces de l’ordre et le grand vaisseau amiral récupéré par l’Etat. S’était alors installé le personnel d’une nouvelle télévision publique DT, qui prit le nom de Nerit. Cette antenne, à la programmation poussive et au statut juridique bancal, emploie maintenant quelque 400 personnes – souvent des anciens d’ERT – rémunérées par le ministère des finances. Dans des locaux situés juste en face, une cinquantaine de journalistes et techniciens de la chaîne continuent de produire sur Internet de l’information sous l’appellation d’ERT Open. Des négociations engagées Maintenant que Syriza est arrivé au pouvoir, qu’en est-il de ses promesses sur une réouverture totale ? Dans son programme exposé en septembre 2014, Alexis Tsipras promettait de rouvrir ERT, en réintégrant le personnel volontaire ou disponible. « Environ 600 personnes sont parties en retraite ou ont été embauchées ailleurs », précise Aglae Kyritsi, ex-présentatrice du journal d’ERT, députée de Syriza. « Des négociations ont été engagées entre le ministre d’Etat Nikos Pappas, le porte-parole du gouvernement, Gabriel Sakellaridis, et le syndicat des employés d’ERT », affirme l’élue. Le nom du jeune Gabriel Sakellaridis, élu lui aussi sur les listes de Syriza le 25 janvier, est d’ailleurs avancé comme étant celui qui devrait mener ce délicat projet à terme. Car le dossier est épineux. Si l’on rouvre ERT, que deviennent Nerit et ses employés ? Que fait-on de la loi 4 173/2013, qui organise depuis juillet 2013 la radiotélévision publique en Grèce ? « Le gouvernement travaille à l’élaboration d’un texte qui remplacera la loi, mais, pour le faire bien, cela prendra quelques mois, reconnaît Aglae Kyritsi. Nous examinons les ressorts juridiques permettant de réintégrer mi-février les locaux d’Aghia Paraskevi car, symboliquement, c’est im- Le temps d’une année scolaire, Julie Bertuccelli a suivi une classe d’accueil dans. un collège parisien. Une classe et vingtquatre histoires de déracinement, d’exil, d’échanges et d’apprentissages pour un film lumineux sur le vivre-ensemble et la diversité. MARDI 3 – CANAL+ – 22 H 40 Le Barrage de la Renaissance d’Anne-Laure Cahen Pharaonique ! Tel est projet de la Renaissance, dévoilé en 2011 et débuté en 2013 en Ethiopie. Ce barrage, construit sur le Nil Bleu, permettra au pays de devenir le plus important producteur d’électricité du continent. Non sans bouleversements en cours et à venir pour la société éthiopienne, comme l’analyse le film d’Anne-Laure Cahen. MARDI 3 – TV5 MONDE – 23 H 15 Séries In the Flesh créée par Dominic Mitchell. Avec Luke Newberry, Harriet Cains, Emily Bevans G.-B. – 2014 – SAISON 1, 3 × 55 MIN Intéressante série britannique, « In the Flesh » distille avec parcimonie quelques brèves scènes dites « d’horreur », car son propos est ailleurs. Si des zombies au passé très violent, mais en voie de réhabilitation, en sont les héros, c’est pour mieux interroger chaque spectateur sur sa capacité à accepter la diversité humaine. JEUDI 5 – JIMMY – 20 H 45 Alexis Tsipras s’est engagé à rouvrir la radio-télévision ERT, fermée en 2013. Un dossier épineux ÉTRANGER La Cour de Babel de Julie Bertuccelli FRANCE – 2013 – 55 MIN La création artistique au sens large « Bien sûr, notre mission, c’est de diffuser et de produire de la musique classique. Pour autant, il ne faut pas se fermer au reste, car toutes les influences musicales sont importantes dans la création. Un groupe de rap qui s’approprierait la culture classique, ça nous intéresserait », se justifie MariePierre de Surville. Désormais, Vincent Josse rêve d’accueillir du public pour assister à l’émission. Un souhait difficile à mettre en place, mais qui pourrait se réaliser. Déjà, les auditeurs sont de plus en plus nombreux à écouter cette matinale hybride qui culmine à 338 000 auditeurs soit 94 000 de plus depuis la rentrée. « Avant, le pic d’écoute se situait vers 11 heures et la matinale n’était pas un booster d’audience, ce n’est plus le cas, se félicite Marie-Pierre de Surville. France Musique réalise une audience cumulée de 1,6 % contre 1,3 % précédemment, c’est un signe encourageant. Toutes les émissions montent, ça crée une dynamique collective. » Son espoir : « Aller vers les deux points d’audience qui montrent que notre travail de service public touche les gens. » p joël morio Les promesses de Syriza pour l’audiovisuel public grec athènes – correspondance Documentaires The Americans créée par Joe Weisberg. Avec Keri Russell, Matthew Rhys portant. Un gouvernement de gauche a le devoir éthique d’honorer ses promesses », explique la jeune femme. Dans l’entourage de M. Tsipras, on se montre encore assez discret sur la question. L’objectif, nous dit-on, serait certes de rétablir ERT, mais sans revenir aux errements du clientélisme, de la corruption et surtout de la censure étatique qui ont caractérisé l’audiovisuel public depuis sa formation. Réintégration du personnel, oui, précise-t-on, mais suivie immédiatement d’une évaluation des compétences, des besoins et des procédures d’embauche pour assainir les services. Syriza a beaucoup promis sur ERT. Mais les caisses de l’Etat ne sont pas élastiques et le gouvernement a posé en priorité la lutte contre la pauvreté. Il faudra un peu de patience aux anciens d’ERT pour avoir des éclaircissements sur leur avenir. p adéa guillot E.-U. – 2014 – SAISON 3, 13 × 45 MIN C’est le retour de Phillip et Elizabeth Jennings, le couple d’espions soviétiques installés aux Etats-Unis sous couverture. Au cours de cette troisième saison, tout en continuant leur travail d’infiltration, ils vont commencer à se déchirer à propos de leur fille… MARDI 3 – CANAL+ SÉRIES – 21 H 40 Spectacle Einstein on the Beach opéra de Philip Glass, mis en scène par Robert Wilson, enregistré au Théâtre du Châtelet Tableau après tableau, c’est bien dans un voyage hypnotique que nous conduisent Bob Wilson et Philip Glass, qui ont repris en 2014, dans une version modifiée, l’opéra-ballet qu’ils avaient créé en 1976. VENDREDI 6 – FRANCE 2 – 0 H 20 télévisions | 21 0123 DIMANCHE 1ER - LUNDI 2 FÉVRIER 2015 Un monde sans père et sans loi SÉLECTION DU LUNDI « La nuit nous appartient », de James Gray, pose la problématique de la recherche d’identité ARTE LUNDI 2 - 20 H 50 FILM A près Little Odessa (1994) et The Yards (2000), James Gray signait en 2007, avec ce troisième long-métrage, une nouvelle œuvre éblouissante autour du genre policier. On en connaît désormais les principales obsessions : la filiation désagrégée, la fatalité de la vengeance, le conflit entre la loi de la famille et celle de la cité. L’œuvre de Gray revitalise ainsi les affinités profondes entre film noir et tragédie grecque, en y glissant subtilement au passage, sous les auspices conflictuels du rêve américain, de la mafia russe et du destin juif, la problématique de la recherche d’identité. Dans le New York des années 1980, Bobby (Joaquin Phoenix) gère, en compagnie de sa petite amie Amada (Eva Mendes, synthèse idéale de la grâce et du sex-appeal féminins), une prospère boîte de nuit pour le compte d’une famille russe. Tout irait pour le mieux si deux forces irrémédiablement opposées ne fourbissaient leurs armes pour croiser, sous le signe du sang et de la fatalité, le nirvana hédoniste et cocaïné du beau Bobby. Ces forces sont représentées par une police en perte de prestige et l’identité américaine, rapportant l’un et l’autre à la filiation entre l’Ancien et le Nouveau Monde. L’exigence morale et l’incorrection politique de la réponse qu’esquisse James Gray sont remarquables. Elles nous suggèrent qu’un monde sans père et sans loi ne saurait être viable, qu’aucune fon dation nouvelle ne nous dispense d’en assumer le joug et d’en payer le prix. Elles nous disent que la fi délité à la famille ne saurait s’opposer à la loyauté envers la cité dans un monde devenu sans foi ni loi, et que, partant, le modèle de La nuit nous appartient se trouve davantage du côté de L’Enfer de la corruption (1948) d’Abraham Polonsky, aux réminiscences bibliques, qui met aux prises deux frères de part et d’autre de la loi, que de celui du Parrain, de Francis Ford Coppola. Depuis l’éblouissante tenue des acteurs jusqu’à la manière de ménager l’esprit et la chair, la pensée et l’action, ce film – dont le dernier mot, sanctionnant le rituel d’intronisation de la police de New York, est « amen » – nous rappelle que James Gray est l’un des plus grands cinéastes américains de notre temps. p par une mafia russe de plus en plus agressive et affranchie. C’est sur le territoire de Bobby, pour ne pas dire dans sa propre chair, que ces deux forces vont se rencontrer, sous la forme d’un conflit familial. Car Bobby est, d’un côté, le fils et le frère naturels de deux figures de la brigade criminelle, Burt (Robert Duvall) et Joseph Grusinsky (Mark Wahlberg), et, de l’autre, le fils adoptif de son employeur, un paisible patriarche russe, en même temps que l’otage du ne veu de ce dernier, Vadim, un trafi quant de drogue impitoyable. Deux filiations opposées L’histoire, dont on se gardera de dire un mot de plus, n’est rien d’autre que celle du choix que va devoir faire Bobby entre ces deux filiations. Celle dont il a honte et qu’il tient secrète pour mieux s’émanciper du carcan de son intégrité, et celle qui lui ouvre les portes d’un rêve américain qui est en train de tourner, sous les paillettes du disco, de la drogue et de l’argent facile, au cauchemar de la gangrène morale. Bobby, qui a renoncé à son patronyme européen pour le naturaliser en Robert Green, incarne ainsi ce dilemme jusque dans son nom et le film pose à travers lui la question du genre dans lequel il s’inscrit en même temps que de CÉ R É M ON IE jacques mandelbaum La nuit nous appartient, de James Gray. Avec Eva Mendes, Joaquin Phoenix (EU, 2007, 110 min). Eva Mendes et Joaquin Phoenix . WILDBUNCH Les 22es Victoires de la musique classique Présentée par Louis Laforge et Frédéric Lodéon, cette édition qui se tient dans l’auditorium du Nouveau Siècle lillois avec l’Orchestre national de Lille, dirigé par Jean-Claude Casadesus, mettra notamment à l’honneur le ténor allemand Jonas Kaufmann. La soirée sera diffusée également sur France Musique. FRANCE 3 – 20 H 50 F IL M S Les Saphirs de Wayne Blair. Avec Chris O’Dowd, Deborah Mailman, Jessica Mauboy AUSTRALIE – 2012 – 95 MIN Quatre jeunes filles d’origine aborigène forment en 1968 un groupe de soul music, et décrochent une tournée au Vietnam, dans les fourgons de l’armée américaine qui va les aider à s’émanciper de leur condition. Leur succès est tel qu’elles inspireront une pièce de théâtre à succès, mais aussi un film plutôt sympathique, aux personnages bien campés et à la bande musicale euphorisante. FRANCE Ô – 20 H 45 Le cheval de toutes les batailles Un documentaire original retrace l’épopée des cavaliers et de leurs montures HISTOIRE LUNDI 2 – 20 H 40 DOCUMENTAIRE E nviron 1,8 million de chevaux ont été réquisitionnés et envoyés au front entre 1914 et 1918 par l’armée française. Sept cent soixante mille d’entre eux périront, souvent dans des conditions effroyables. Ce documentaire original, appuyé par des archives militaires inédites et des témoignages d’historiens spécialistes, comme la jeune Américaine Gene Tempest, de l’université de Yale, a le mérite de faire découvrir un as- pect méconnu du premier conflit mondial. Et de rappeler que, même dans cette guerre mo derne, au milieu des obus et des chars, le cheval a joué un rôle fondamental. Omniprésent dans la société française d’avant-guerre, le cheval garde à cette époque dans l’armée une image prestigieuse. Même la raclée reçue par la cavalerie française en 1870 face à la mitraille prussienne n’a pas écorné cette réputation. Mais devant les nouvelles réalités du combat, et notamment les mitrailleuses allemandes qui tirent cinq cents coups à la minute, les rêves de charges héroïques vont disparaître dès la fin de l’année 1914. Etrangement, comme nous l’apprend ce film, 1918 sera une année importante pour la cavalerie au combat, avec notamment une charge aussi décisive que sanglante de mille deux cents cavaliers canadiens sabre au clair aux alentours de Moreuil, en Picardie. gatelle de 178 chevaux. Car, outre les lourdes pièces d’artillerie, il faut en même temps amener munitions et vivres en première ligne. Alors que les Britanniques disposent de véritables hôpitaux pour chevaux et de 18 000 vétérinaires pour 40 000 bêtes, les Français manquent, jusqu’en 1917, de moyens et d’infrastructures pour s’occuper correctement de leurs montures. Et feront venir d’Argentine et des Etats-Unis des dizaines de milliers de chevaux. Victimes de multiples traumatismes (bruits inhabituels, odeurs de mort) et de nombreux pièges Victimes de traumatismes Indispensable pour transporter hommes, vivres et matériel, le cheval va être au cœur du conflit. Pour le remorquage d’une simple batterie de quatre canons de 75, l’armée française mobilise la ba- 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 I II III IV V VI VII VIII IX X SOLUTION DE LA GRILLE N° 15 - 026 HORIZONTALEMENT I. Calomniateur. II. Onéreuses. Na. III. Ut. Repas. IV. Ridicule. Rus. V. Trempée. Me. VI. Iole. Scruter. VII. Suant. Hésite. VIII. Alitaient. An. IX. Nie. Roui. Ria. X. Essuieraient. VERTICALEMENT 1. Courtisane. 2. Antiroulis. 3. Le. Délaies. 4. Orpiment. 5. Me. CP. Tari. 6. Nuques. Ioe. 7. Is. Lécheur. 8. Aéré. Renia. 9. Tsé. Must. 10. Preti. Rê. 11. Unau. Etain. 12. Rassérénât. I. Faits d’hiver. II. En principe, elle vous met à l’abri des coups. III. Préparera pour passer à table. Me is entendre comme un duc. IV. Le plus gros dit pouce. Cabane en sapin chez Vladimir. V. Démoli en plein centre. Partie en fumée après avoir fait beaucoup de mal. Met in aux mauvais coups. VI. L’argent du céréalier. Rapportons en détails. VII. Attirent la protection divine sur les champs. Points en opposition. VIII. Belle sur la Garonne. Le scandium. Fait la liaison. IX. Rejetées en bloc. Manifestation d’enthousiasme. X. Part dans toutes les directions Recruté par un agent de footballeurs véreux au Sénégal, le jeune Mytri croit à sa chance. Mais, abandonné et sans le sou une fois en France, il est placé dans un foyer, en province. Sa rencontre avec un ancien joueur professionnel infléchit le cours tragique de son destin. Entre fiction et documentaire, Samuel Collardey filme, avec une grande justesse, une success story réaliste et intelligente. CINÉ + CLUB – 20 H 45 0123 est édité par la Société éditrice du « Monde » SA Durée de la société : 99 ans à compter du 15 décembre 2000. Capital social : 94.610.348,70 ¤. Actionnaire principal : Le Monde Libre (SCS). Rédaction 80, boulevard Auguste-Blanqui, 75707 Paris Cedex 13 Tél. : 01-57-28-20-00 Abonnements par téléphone : de France 32-89 (0,34 ¤ TTC/min) ; de l’étranger : (33) 1-76-26-32-89 ; par courrier électronique : [email protected]. Tarif 1 an : France métropolitaine : 399 ¤ Courrier des lecteurs blog : http://mediateur.blog.lemonde.fr/ ; Par courrier électronique : [email protected] Médiateur : [email protected] Internet : site d’information : www.lemonde.fr ; Finances : http://finance.lemonde.fr ; Emploi : www.talents.fr/ Immobilier : http://immo.lemonde.fr Documentation : http ://archives.lemonde.fr Collection : Le Monde sur CD-ROM : CEDROM-SNI 01-44-82-66-40 Le Monde sur microfilms : 03-88-04-28-60 VERTICALEMENT 1. Ne laisse pas beaucoup de place. 2. Travail sur tout le système. 3. Revient jour après jour. Venu de la mer entre Grèce et Turquie. 4. Dispositions intérieures. Diane y attendait le bel Henri. 5. Se rendraient. Possessif. 6. Doublé, il devient sénile. Rapprochais solidement. 7. Roi de cœur. Général venu de Belle-Ile-en-Mer. 8. Alimente l’Afrique. Indispensable à la synthèse des protéines. Découvert à contresens. 9. Protection rapprochée. Se lancera. 10. Trafalgar lui fut fatal. Indispensable pour durer. 11. Dépasse les bornes. L’argon. 12. Mordît à belles dents. Entre Aube et Yonne. FRANCE – 2013 – 102 MIN La reproduction de tout article est interdite sans l’accord de l’administration. Commission paritaire des publications et agences de presse n° 0717 C 81975 ISSN 0395-2037 Edition 2015 RI E 2 Cheval de guerre, une histoire française, de Serge Tigneres (France, 2014, 52 min). Comme un lion de Samuel Collardey. Avec Marc Barbé, Mytri Attal, Anne Coesens HORS -SÉ 1 alain constant SUDOKU N°15-027 HORIZONTALEMENT GRILLE N° 15 - 027 PAR PHILIPPE DUPUIS qui s’ajoutent aux dégâts causés par des armes d’une efficacité terrifiante comme les lance-flammes ou les gaz asphyxiants, les chevaux, comme les hommes, vont connaître l’enfer. « Pendant tout le conflit, le cheval a été très présent dans les lettres envoyées du front par les soldats », révèle un historien. Hommes et bêtes unis dans l’horreur d’un conflit sans précédent. p LE BILAN DU MONDE mie ent_écono ironnem que_env géopoliti + L’atlas de 198 pays Présidente : Corinne Mrejen PRINTED IN FRANCE 80, bd Auguste-Blanqui, 75707 PARIS CEDEX 13 Tél : 01-57-28-39-00 Fax : 01-57-28-39-26 + L’atlas de 198 pays A découvrir en kiosque dès maintenant En partenariat avec Imprimerie du « Monde » 12, rue Maurice-Gunsbourg, 94852 Ivry cedex Toulouse (Occitane Imprimerie) Montpellier (« Midi Libre ») 22 | styles 0123 DIMANCHE 1ER - LUNDI 2 FÉVRIER 2015 Pas de printemps pour le GPL Ce carburant « écologique » deux fois moins cher que l’essence pourrait profiter de la hausse des prix du diesel. Mais il reste à la traîne… AUTOMOBILE I l ne suffit pas de jouir d’une réputation – justifiée – de carburant écologique et d’être proposé à moitié prix de l’essence pour faire florès. Le GPL (gaz de pétrole liquéfié) en fait la dure expérience. L’alourdissement de quatre centimes d’euro par litre imposé au diesel devrait pourtant ouvrir des perspectives de rebond à ce combustible, mélange de butane et de propane, qui émet peu de CO2, encore moins de NOx (oxydes d’azote) et aucune particule. Ces spécificités ont longtemps incité les gouvernements à faire du GPL une alternative au gazole pour les gros rouleurs, intéressés par son prix réduit (environ 0,86 euro par litre actuellement). Même si cet avantage est en partie effacé par une surconsommation de 20 % à 40 %, liée, notamment, à la moindre densité du GPL. Pourtant, personne ne s’attend à un redémarrage sur les chapeaux de roue. Logé, fiscalement parlant, à la même enseigne que les motorisations 100 % essence de moins en moins gourmandes, ce carburant qui n’est distribué, en moyenne, que dans une station-service sur sept, ne devrait connaître qu’un modeste regain en 2015. Au Comité français du butane et du propane (CFBT), on se contente de relever « des signes positifs ». En 2009, les pouvoirs publics avaient octroyé une prime spécifique à l’achat de 2 000 euros, qui avait fait brusquement décoller les immatriculations de modèles GPL (toujours commercialisés en « bicarburation », ce qui leur impose de disposer également d’un réservoir pour l’essence). De 2 600 par an en 2008, celles-ci avaient bondi à 25 000 l’année suivante, En 2014, les ventes de véhicules alimentés au GPL n’ont pas excédé 2 232 unités puis à 75 500 en 2010. Un chiffre qui ne représentait qu’une goutte d’eau parmi les 2 millions d’immatriculations annuelles, mais pouvait laisser entrevoir une conversion, même partielle, des Français au GPL à l’instar des automobilistes néerlandais, italiens ou polonais. Incitation coûteuse Victime de son succès, cette incitation s’est révélée beaucoup plus coûteuse que prévu pour les finances publiques, et fut brutalement supprimée fin 2010. Depuis, le parc roulant de véhicules alimentés au GPL (estimé à 257 000 unités en France sur un total de 7 millions en Europe) n’a guère évolué. En 2014, les ventes n’ont pas excédé 2 232 unités, malgré les ristournes de 50 %, voire la gratuité, octroyées par certaines régions sur le certificat d’immatriculation (ex-carte grise). Autre faveur : les véhicules fonctionnant au GPL ne sont pas concernés en cas de circulation alternée lors des pics de pollution. Quant aux réservoirs à gaz modernes, équipés d’une soupape, ils sont parfaitement sûrs et ne sont plus interdits dans les parkings. A côté des rares marques (Fiat, Opel, Renault) qui continuent de proposer dans leur gamme quelques modèles en bicarburation, le leader de ce micromarché est Dacia, qui pèse à lui seul plus des trois quarts des ventes. La filiale low cost de Renault, qui avait fait un malheur en 2008-2010 avec sa berline Sandero « GPLisée », a équipé la quasi-totalité de ses modèles et vient juste de renouveler l’offre sur son best-seller, le faux 4 × 4 nommé Duster. Le constructeur roumain a décidé de proposer une version GPL – sans supplément de prix – sur son entrée de gamme, avec un moteur essence quatre-cylindres 1,6 litre, pas vraiment à la pointe de la technologie mais bon marché, dont l’adaptation à la bicarburation est désormais directement réalisée à l’usine. Sur un parcours intégralement urbain, la consommation frisait les 10 litres aux 100 km, ce qui, pour un moteur fonctionnant au gaz, est assez raisonnable. L’économie d’usage permet de relativiser le malus, passé de 500 à 900 euros depuis le 1er janvier, imposé à l’achat du Duster GPL (146 g de CO2 au km), disponible à partir de 11 990 euros. Dommage que cette motorisation soit bruyante et le modèle franchement dépouillé en équipements (pas d’ordinateur de bord, ni d’indicateur de la température extérieure ou de réglage électrique des rétroviseurs). Ce véhicule devrait convenir aux gros rouleurs à petit budget qui considèrent que le diesel est trop cher. A court terme, la gamme Dacia ainsi que la Renault Clio recevront une adaptation plus moderne du petit trois-cylindres essence de Renault. Les obstacles mis à la diffusion du GPL, carburant peu polluant mais privé d’une taxation réellement incitative, renvoient au profond déséquilibre qui caractérise les fiscalités française et européenne, obnubilées par la réduction des émissions de CO2. Une priorité louable mais qui relègue au second plan – le lobbying des marques allemandes n’y est pas pour rien – la prise en compte des particules fines, mais aussi des très nuisibles émissions de NOX. p jean-michel normand Retrouvez notre actualité automobile sur Lemonde.fr/m-voiture AURORE PETIT Suzuki Celerio, sérieuse et pas chère L’entreprise japonaise sort une petite citadine convaincante P our un motard français, Suzuki est une marque très présente dans le paysage. Pour un automobiliste, c’est beaucoup moins le cas. Troisième constructeur de motos et dixième constructeur automobile mondial, la firme japonaise ne brille guère sur le marché européen, où elle est reléguée à la 21e place. Bien que proposant une gamme assez cohérente, allant de la citadine au petit 4 x 4 baroudeur, Suzuki arrive surtout à séduire grâce à sa mignonne citadine Swift, qui représente la moitié de ses ventes. Cette année, le constructeur compte franchir un nouveau cap en lançant deux nouveaux modèles. Le nouveau Vitara et la petite Celerio. Cette dernière, fabriquée dans une nouvelle usine située en Thaïlande, remplace à elle seule deux modèles : la toute petite Alto et la Splash, un peu plus spacieuse. Dans un marché où la concurrence est féroce (Renault Twingo, Citroën C1, Peugeot 108, Kia Picanto, Toyota Aygo, Fiat Panda…) et où les trois principaux critères sont, paraît-il, le prix, le prix et le prix, cette petite Celerio (3,60 mètres de long, 1,60 de large, 1,54 de haut) peut-elle espérer une carrière honorable ? Nouvelle puce des villes Avec ses lignes extérieures sans charme particulier, cette nouvelle puce des villes ne joue pas vraiment la partition de l’originalité stylistique. En revanche, une fois que l’on est installé au volant, le sérieux des assemblages et la sobriété d’ensemble font bonne impression. Pour un véhicule de cette taille, l’habitabilité est très correcte et la capacité de chargement du coffre (254 litres, le plus vaste du segment) sera sans doute un argument majeur pour séduire la clientèle. Doté d’un nouveau moteur essence trois cylindres (1.0 VVT) de 68 chevaux peu gourmand mais néanmoins assez vaillant pour emmener sans peine ce véhicule léger (805 kg), la Celerio se montre souple à basse vitesse et agréable en conduite urbaine grâce notamment à son faible diamètre de braquage (9,4 mètres). A vitesse plus rapide, la tenue de route reste bonne, tout comme l’insonorisation, ce qui est assez Intérieur de la nouvelle Suzuki Celerio. DR rare pour ce type de modèle. En matière de confort, les suspensions gagneraient à filtrer un peu mieux les irrégularités des revêtements mais la nouvelle boîte manuelle à cinq rapports se révèle agréable à manier. Dans quelques mois, une boîte automatique à cinq rapports sera disponible, ce qui, sur ce genre de véhicule, semble indispensable. Si le premier niveau d’équipement (baptisé Avantage) propose l’ABS et l’ESP, il faut opter pour le deuxième (Privilège) pour avoir droit à l’air conditionné, au Bluetooth et aux vitres électriques. Un modèle facturé officiellement 10 490 euros. Ce tarif est en phase avec ce que propose la concurrence mais, comme la vie est dure et le marché difficile, Suzuki a décidé d’offrir jusqu’à fin mars des promotions qui permettront d’acheter la Celerio en finition Privilège à environ 9 000 euros. A ce tarif-là, vu les équipements proposés, il s’agit d’une bonne affaire, même si cette sobre citadine ne révolutionne pas le segment. p alain constant carnet | 23 0123 DIMANCHE 1ER - LUNDI 2 FÉVRIER 2015 Ng Ectpgv Xqu itcpfu fixfipgogpvu Pckuucpegu. dcrv‒ogu. hkcp›cknngu. octkcigu. cppkxgtucktgu fg pckuucpeg. cppkxgtucktgu fg octkcig Cxku fg ffieflu. tgogtekgogpvu. oguugu. eqpfqnficpegu. jqoocigu. cppkxgtucktgu fg ffieflu. uqwxgpktu Eqnnqswgu. eqphfitgpegu. ufiokpcktgu. vcdngu/tqpfgu. rqtvgu/qwxgtvgu. hqtwou. lqwtpfigu fÔfivwfgu. eqpitflu. rtqlgevkqpu/ffidcvu. pqokpcvkqpu. cuugodnfigu ifipfitcngu Uqwvgpcpegu fg ofioqktg. vjflugu. JFT. fkuvkpevkqpu. hfinkekvcvkqpu Gzrqukvkqpu. xgtpkuucigu. ukipcvwtgu. ffifkecegu. ngevwtgu. eqoowpkecvkqpu fkxgtugu Rqwt vqwvg kphqtocvkqp < 23 79 4: 4: 4: 23 79 4: 43 58 ectpgvBorwdnkekvg0ht AU CARNET DU «MONDE» Décès Toute la famille Adamowicz a la tristesse de faire part du décès de M. Alain ADAMOWICZ, survenu le 28 janvier 2015. Un dernière hommage lui sera rendu le mercredi 4 février, à 16 h 30, au crématorium de Rouen (SeineMaritime), rue du Mesnil Grémichon. M Brigitte Amarenco, sa mère, M. Pierre Amarenco, son père, me Philippe, Paul, Charles, ses frères, Mme France Amarenco, Mme Annie Guennou, ses grands-mères, Nikita Questel, sa compagne, ont la douleur de faire part du décès de Nicolas AMARENCO, survenu le 23 janvier 2015, à l’âge de vingt-huit ans. La cérémonie des obsèques aura lieu le mercredi 4 février, à 15 h 30, au crématorium du cimetière du PèreLachaise, Paris 20e. Ni leurs ni couronnes, les dons seront adressés à l’association de la recherche « Vaincre la Mucoviscidose ». Jacques et Nicole Bazin, son frère et sa belle-sœur, Ariane Bazin et Alain Voineau, Claire Bazin et Marcus Gurgel, Pierre Bazin et la famille Meerschneck-Chapman, Alexandre Bazin, Jean-Baptiste Bazin, ses enfants, leurs conjoints et familles, Gabriel Gurgel, son petit-ils, Flor Olivares, son amie, mère de cœur de Alexandre et de Jean-Baptiste, Manolo Merino, son grand ami, Les familles Rochot, Bazin, Bouhey, Chollet, Moriaux et Kremp-Desvignes, Ses proches, de nombreuses clientes, ont la grande tristesse de faire part du décès du docteur Claude BAZIN, chirurgien, gynécologue-obstétricien honoraire des Hôpitaux, ancien chef de service de la maternité de l’hôpital Delafontaine, ancien maître de conférence de la Faculté de médecine de Bobigny (Seine-Saint-Denis), Paris XIII, militant pour le droit à l’avortement, militant du planning familial, survenu le 25 janvier 2015, à Paris, dans sa quatre-vingt-septième année. Son ils, Nicolas BAZIN, († 1988), disparu trop jeune, nous est en mémoire. Les obsèques auront lieu le mardi 3 février, à 15 h 30, en la salle de la Coupole du crématorium du cimetière du PèreLachaise, Paris 20e. Nous avons la douleur d’annoncer le décès, survenu le 22 janvier 2015, dans sa soixante-dix-septième année, de Joëlle BIROS, née Le MOIGNE. De la part de Jean-Pierre Biros, son mari, Jean-François Biros et Catherine Biros, ses enfants, Toute leur famille, Tous les autres membres de la famille, à laquelle nous associons particulièrement Germaine Biros, Thérèse Paulic et Annie Le Gall, son amie d’enfance, pour leur sympathie amicale et constante, au cours de toutes ces années. Nous remercions aussi Marguerite Liberato, qui l’a entourée de toute son affection. Femme de conviction laïque et à l’écoute de tous, Joëlle a consacré sa longue carrière de professeur de sciences à la formation de ses élèves, au lycée Lakanal, à Sceaux. Femme généreuse et discrète, peu épargnée par les blessures de la vie, dévouée à sa famille pendant plus de cinquante-cinq ans, elle fut pour nous l’expression incarnée de la sollicitude, de la tendresse et de la douceur. Le chagrin qui nous assaille demande qu’on s’imprègne seulement de silence et d’une pensée bienveillante pour accompagner sa mémoire. La cérémonie funéraire s’est déroulée dans l’intimité, le jeudi 29 janvier, au crématorium du cimetière du PèreLachaise, Paris 20e. Jean-Pierre Biros, 30, rue Gay-Lussac, 75005 Paris. Son épouse, Ses enfants, Ses petits-enfants, Son arrière-petit-ils, ont la profonde tristesse de faire part du décès de M. Paul BUTEL, agrégé d’Histoire, docteur ès Lettres, professeur émerite d’Histoire moderne, à l’université Bordeaux Montaigne, chevalier de l’ordre national du Mérite, Le professeur Léon Le Minor, son époux, Claude et Françoise Le Minor, Nicole et Arnaud Ficholle, Anne-Marie et Jean-Louis Bresson, Geneviève et Pascal Guéniot, Gwennaëlle Le Minor, ses enfants, Ses petits-enfants Et ses arrière-petits-enfants, Mme Anne Tisseau-Soulier, son épouse Et toute la famille, ont la tristesse de faire part du décès de La cérémonie religieuse sera célébrée le mercredi 4 février, à 14 heures, en l’Église réformée des Batignolles, 44, boulevard des Batignolles, Paris 17e, suivie de l’inhumation au cimetière Saint-Vincent, 6, rue Lucien-Gaulard, Paris 18e. Simonne LE MINOR, née ROBERT, docteur en Pharmacie, chef de Laboratoire honoraire à l’Institut Pasteur, survenu le 28 janvier 2015. La cérémonie religieuse sera célébrée le 3 février, à 14 h 30, en l’église Saint-François, 44, rue Molitor, Paris 16e et sera suivie de l’inhumation dans l’intimité familiale. Pas de fleurs mais des dons au profit de l’Institut Pasteur de Paris, 25-28, rue du Docteur Roux, 75015 Paris. www.pasteur.fr [email protected] Dominique, Catherine, Brigitte et Elizabeth Mathis, ses enfants, Sophie, Louise, Laurence, Juliette, Lolita, Alison, Jean-Jacques et Léon, ses petits-enfants, Anouk et Yuri, ses arrière-petits-enfants, Jean Georges et Jeannine Michel, son frère et sa sœur Les familles Gérard et Plaige, ont la douleur de faire part du décès de Mme Jacqueline MATHIS, née JACQUINET, survenu à Nice, le 24 janvier 2015, entourée de l’affection des siens. La cérémonie religieuse sera célébrée le mardi 3 février, à 10 heures, en l’église Saint-Joseph, à Nice (rue Beaumont). Famille Mathis, 245, promenade des Anglais, 06200 Nice. Claudine Mulard, Evelyne et Christine, Les familles Noblet, Maillet, Mulard, survenu le 28 janvier 2015, à l’âge de quatre-vingt-trois ans. emportée par la maladie d’Alzheimer, à l’âge de quatre-vingt-neuf ans. Une cérémonie religieuse sera célèbrée en l’église de Gradignan, le mardi 3 février, à 14 h 45. Les obsèques religieuses auront lieu le mercredi 4 février 2015, à 14 h 30, en l’église Notre-Dame-d’Auteuil, Paris 16e, suivies de l’inhumation dans le caveau familial, au cimetière d’Auteuil, et d’un jeté de leurs. Mme Roselyne Butel, 138, route de Léognan, 33170 Gradignan. [email protected] Françoise Georges, sa femme, Maurice et Clarisse, Etienne et Sylvie, Catherine et Jean-Laurent, ses enfants, Madeleine, Vincent, Edith, Barbara, Sarah, Marion, ses petits-enfants, ont la tristesse de faire part du décès de Jean-Mary GEORGES, professeur émérite de l’Ecole Centrale de Lyon, fondateur du laboratoire de Tribologie et Dynamique des Systèmes UMR CNRS 55 13, membre honoraire de l’Institut universitaire de France, Tribology Gold Medal of ITC, survenu le 28 janvier 2015, à l’âge de soixante-quinze ans. La cérémonie a eu lieu ce samedi 31 janvier, à 10 h 30, en l’église de Charly (Rhône). Ni leurs ni couronnes. Des dons peuvent être adressés à l’hôpital neurologique Pierre-Wertheimer de Bron. « Voir d’un œil, sentir de l’autre. » Paul Klee. Norma Basso Herrera, son épouse, Ses enfant Et ses petits-enfants, ont la douleur d’annoncer le décès de Hugo HERRERA, acteur, metteur en scène, dramaturge et poète, survenu le 26 janvier 2015, à Cordoba (Argentine). 46-48, rue Victor Hugo, 93500 Pantin. ont la tristesse de faire part du décès de M. Jean-Jacques SOULIER, survenu le jeudi 29 janvier 2015, à l’âge de soixante-dix-huit ans. Nous nous retrouverons à partir de 17 heures, à la brasserie Les Fontaines. Et toujours dans la mémoire de son époux qu’elle a tant aimé et qui l’a tant aimée, Jean MULARD, 21 août 1909-15 octobre 2001. [email protected] Danièle Piau, son épouse, Yannick Piau, Corinne Piau, ses illes, Cyril, Florian, Tristan, Romane, ses petits-enfants, ont la tristesse de faire part du décès de leur mari, père, grand-père, ami, aimant et bienveillant, Jean-Pierre PIAU, socio-économiste, cofondateur des centres commerciaux, utopiste réaliste, chevalier de la Légion d’honneur, survenu le 26 janvier 2015, à l’âge de quatre-vingt-trois ans. Ni leurs ni couronnes. Ain de respecter son engagement dans l’accompagnement de son épouse malade, vous pourrez faire un don pour la recherche sur la maladie d’Alzheimer. Celles et ceux qui souhaitent saluer sa mémoire et lui rendre hommage, sont invités à se retrouver, le mardi 3 février, à 10 h 30, en la salle de la Coupole du crématorium du cimetière du PèreLachaise, Paris 20e. L’inhumation aura lieu le 4 février, à 16 h 45, à Veulettes-sur-Mer. [email protected] 14, avenue du Président Wilson, 94340 Joinville-le-Pont. François RISTORI sera inhumé le 2 février 2015, à 15 h 30, au cimetière de la Celle-Saint-Cloud (Yvelines). Table-ronde Transformation, versus, conservation dans le cadre de l’exposition « Un bâtiment, combien de vies ? La transformation comme acte de création », mercredi 4 février 2015, de 15 heures à 19 heures. 2, rue Victor-Daix, 92200 Neuilly-sur-Seine. Remerciements Yannick CURT, journaliste, est décédé le 3 décembre 2014. L’hiver est glacial et pénible sans toi, mais nos amis, proches, confrères, voisins sont là. Qu’ils soient remerciés du fond du cœur pour leur présence, leurs leurs, leurs mots et leur soutien dans cette épreuve. Burcu Ambre Tosunoglu, son épouse, Joseph et Angèle Curt, ses parents Et leurs familles. Sophie, Nathalie, ses illes, très touchées des témoignages de sympathie lors du décès de M. Maxime RALLET, pilote, lieutenant-colonel de l’armée de l’Air, psychosociologue, ancien maître de conférences à l’école Polytechnique et à l’ENA, directeur d’enseignement à l’Institut Auguste Comte, président d’Euro-Forhum, vous prient de trouver ici leurs sincères remerciements et rappellent à votre souvenir leur mère, Jacqueline 15 heures, Franz Graf, architecte, historien, professeur associé à l’EPFL (Lausanne), Dominique Lyon, architecte urbaniste (Paris), Richard Scofier, architecte, critique d’architecture, enseignant à l’Énsa de Versailles, Bernard Tschumi, architecte (New York, Paris). 16 heures, Joseph Abram, enseignant à l’Énsa de Nancy, chercheur au Laboratoire d’histoire de l’architecture contemporaine, Jordi Badia, architecte (Barcelone), Marc Barani, architecte (Nice), Patrick Rubin, architecte (Paris), enseignant à l’École d’architecture de la ville et des territoires de Marne-la-Vallée. 17 heures, Christian Cléret, directeur général de Poste Immo, Pierre-Antoine Gatier, architecte en chef des monuments historiques, président d’Icomos France, enseignant à l’Énsa de Paris-Belleville, Bernard Mounier, directeur général délégué de Bouygues Bâtiment Ile-de-France, Dominique Perrault, architecte (Paris), Jean-Michel Rachet, chef de cabinet du secrétaire général de la Cour de justice de l’Union européenne à Luxembourg. « La question de la représentation du divin dans les religions » jeudi 5 février 2015, à 20 h 30, Le Christianisme, Isabelle Saint Martin, jeudi 12 mars, à 20 h 30, L’Islam, Silvia Naef, jeudi 19 mars, à 20 h 30, Le Bouddhisme, Amina Taha-Hussein Okada, jeudi 26 mars, à 20 h 30, Le Judaïsme, Dominique Jarrassé. Espace Landowski, 28, avenue André Morizet, 92100 Boulogne-Billancourt www.forumuniversitaire.com Nuits du Savoir lundi 2 février 2015, à 20 heures. Philosophie : « L’unanimité est-elle un critère de vérité ? » Collège des Bernardins, 20, rue de Poissy, Paris 5e. Programme complet et réservations : www.weezevent.com/nuitsdusavoir2015 Tél. : 01 42 17 10 70 ou [email protected] Table-ronde modérée par Francis Rambert, commissaire de l’exposition, directeur de l’Institut français d’architecture. Entrée libre, inscription obligatoire citechaillot.fr et leur frère, ont la douleur de faire part du décès de leur très regrettée, Paulette MULARD, Tables-rondes Franck. Anniversaires de décès Cité de l’architecture & du patrimoine, Auditorium, 7, avenue Albert de Mun, Paris 16e. Il y a dix ans, Jean-Claude RAYNAL nous quittait. Souvenons-nous de lui. Le 2 février 1993, François REICHENBACH nous quittait. Tous ceux qui l’ont connu, aimé et apprécié auront une pensée affectueuse pour lui en ce jour anniversaire. Bernard Meusnier [email protected] Colloque « L’art Numérique et la Recherche » Table-ronde le vendredi 6 février 2015, à 20 heures. Maison populaire, 9 bis, rue Dombasle, à Montreuil. Entrée libre. Plus d’informations sur maisonpop.fr Communications diverses Espace Culturel et Universitaire juif d’Europe : mercredi 3 février 2015, à 19 h 30, Rencontre - « Le judaïsme français en 2015 : Entre inquiétudes et interrogations ? », avec Roger Cukierman, président du Crif. www.centrecomparis.com 119, rue La Fayette, Paris 10e. Mme Claude Vivier Le Got, présidente du Groupe EAC, remercie tous les professionnels intervenus lors des tablesrondes 2015 organisées par les étudiants des programmes MBA, en médiation culturelle et marché de l’art. Si comme eux vous souhaitez travailler dans l’art, la culture et le luxe, venez nous rencontrer sur le salon des formations artistiques, au Parc des expositions, Porte de Versailles, stand A106, du 31 janvier au 1er février 2015. 33, rue la Boétie, 75008 Paris. Tél. : 01 47 70 23 83. [email protected] 11, place Croix Paquet, 69001 Lyon. Tél. : 04 78 29 09 89. [email protected] www.groupeeac.com www.ingemmologie.com Le Comité Français pour l’Afrique du Sud, avec le soutien du CNRS Institut écologie et environnement et la participation du professeur Yves Coppens, Leçon inaugurale de l’École de Chaillot Conférence publique « Enjeux et Perspectives », « L’Afrique du Sud, berceau de l’humanité », « Pas de création sans mémoire » prononcée par Philippe Prost, architecte, le samedi 7 février 2015, à 14 h 30, le samedi 7 février 2015, de 10 heures à 13 heures, Palais du Luxembourg, salle Monnerville, 15 ter, rue de Vaugirard, Paris 6e. mardi 3 février 2015, de 10 heures à 12 h 30. avec Corinne Lepage, ancienne ministre de l’Environnement et députée européenne, Entrée libre, inscription citechaillot.fr « Politiques et société : le divorce est-il inéluctable ? ». Cité de l’architecture & du patrimoine, Auditorium, 7, avenue Albert de Mun, Paris 16e (métro Iéna ou Trocadéro). Entrée Libre. Grand Temple de la Grande Loge de France, 8, rue Puteaux, Paris 17e. Programme en ligne www.comitefas.com Réservation obligatoire avant le 5 février [email protected] Conférence 39e Café de la Médiation mercredi 4 février 2015, de 18 heures à 19 h 30 IFOMENE Institut Catholique de Paris, 21, rue d’Assas, Paris 6e, « Dispute Resolution », Lela P. Love, professor of Law, member of the Bar, NY. Entrée libre www.icp.fr/IFOMENE " " # " # " "# #" %. + *0.+ "# # # " ""+ /$ %- "# " *&# $%" % " # " " *$% + %/% "# " " . *%$$* * ** $$"%$. *$. '*#$- * " * .* "# "#% ** %.*-% + " $ *%$ 0"/ .#$$ "# " ## $$- %"# " $ * +-%' 0 ($-*$- %$") %#+ * (*$) * $ " $* (%$%# ) .*" $% %$- (."-.*) "# $" " ." $ *%%.*- (*%!-+) $$- *- ( /*+ - %$+ /$#$-+ *-$* -+) " * +- $ ++%" "# " "# * + '-%%*%. " %"+ #$1 * 1 "# +" " $ * " # # -* $ %"0 " " * +- $ #$ ** * '*+ $- +- $ *$ % / '*+ $- 24 | 0123 0123 DIMANCHE 1ER - LUNDI 2 FÉVRIER 2015 L’AIR DU MONDE | CHRONIQUE par sylvie kauffmann Terreur sur la high-tech C’ est un clash de titans et il se règle au plus haut niveau, dans le bureau Ovale, sous les boiseries dorées de l’Elysée, ou à la « une » du Financial Times. Depuis un peu plus de dix-huit mois, les géants américains de l’Internet sont en conflit ouvert avec les gouvernements des démocraties occidentales. L’affrontement est historique ; il porte sur rien de moins que le contrôle du Web et la sécurité des citoyens. Les attentats de janvier à Paris et la forte pression exercée par les autorités françaises pour une collaboration publicprivé dans la lutte contre le terrorisme viennent de le relancer. Le conflit a éclaté avec l’affaire Edward Snowden ; lorsque, en juin 2013, l’ex-employé de la CIA a fui les Etats-Unis en révélant l’ampleur de la surveillance électronique menée sur l’ensemble de la planète par l’Agence nationale de sécurité américaine (NSA) , le choc a été rude pour la Silicon Valley. Google, Facebook et les quelques autres géants du Net – tous américains − ont eu beau protester contre le siphonnage des données privées de leurs usagers à leur insu par les tentaculaires services de renseignement américains, le doute s’est insinué dans l’esprit des utilisateurs : était-ce vraiment à leur insu ? Soudain, des millions de personnes ont pris conscience de la valeur de leurs données, ces fameuses « data » collectées de façon indolore dans notre vie numérique quotidienne. Où vont-elles ? Quel usage en est fait ? Pour combien de temps ? A qui appartiennent-elles ? Pour se protéger, et pour rassurer leurs clients, ces groupes ont renforcé la sécurité de leurs systèmes de protection des données personnelles, par un cryptage accru des données ou en fabriquant des smartphones impossibles à pénétrer. C’était la première étape du conflit. Coup de massue La deuxième a été la contre-offensive de l’Europe ; Berlin et Bruxelles en tête. Furieux d’avoir été espionnés par leurs amis américains, les Allemands ont pris pour cible les géants du Net, érigeant la protection des données privées en valeur suprême, et menaçant de les stocker sur leur propre territoire. Tandis que le projet de directive européenne sur la protection des données, contre lequel les lobbies américains avaient férocement mené bataille, reprenait des couleurs, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) assénait, en mai 2014, un coup de massue à Google en condamnant l’entreprise à appliquer une forme de « droit à l’oubli » sur le Web. Nous sommes aujourd’hui dans la troisième étape, celle d’une autre contre-offensive, émanant cette fois des services de sécurité des Etats. A Washington, la Maison Blanche a demandé aux dirigeants des grands groupes de la Silicon Valley de rencontrer les responsables des agences de renseignement pour discuter de formes de coopération acceptables. Jusqu’ici, l’industrie de la high-tech résiste. A Londres, c’est le nouveau patron du GCHQ , l’agence d’espionnage électronique britannique, Robert Hannigan, qui a accusé, dans une LES GÉANTS DU WEB SE TROUVENT À PRÉSENT SOMMÉS DE S’AUTORÉGULER L’AFFRONTEMENT EST HISTORIQUE ; IL NE PORTE SUR RIEN DE MOINS QUE LE CONTRÔLE DU NET ET LA SÉCURITÉ DES CITOYENS tribune publiée le 4 novembre 2014 par le Financial Times, les entreprises américaines d’être devenues « les réseaux privilégiés » des terroristes. Eux aussi, affirme le responsable britannique, bénéficient de la protection accrue des données , et « trouvent ces services aussi révolutionnaires que le commun des mortels » : en renforçant le cryptage, les géants du Web empêchent certes les services de sécurité d’accéder aux données des honnêtes gens, mais aussi à celles des criminels et des groupes terroristes. Le message est clair : cessez d’être « en déni » et laissez-nous pénétrer vos systèmes par une « porte de derrière » dérobée, à laquelle les groupes terroristes n’auraient, eux, pas accès. Déjà très secoués par l’affaire Snowden, certains PDG de ces groupes sont vent debout contre les requêtes de Londres et Washington; ils expliquent en privé que cette « porte de derrière » serait en réalité une porte ouverte à une intrusion illimitée des pouvoirs publics, et une menace pour les libertés individuelles. Mais les tueries de janvier ont donné une autre dimension aux demandes de contrôle de l’Internet. L’utilisation par les groupes djihadistes des multiples facilités offertes par la Toile et les réseaux sociaux pour communiquer, recruter et financer leurs activités est désormais prouvée. Aujourd’hui, ce sont le président Hollande et le gouvernement français qui font appel à la « responsabilité » des acteurs du Net, prévoient de légiférer et demandent aux entreprises de « jouer un rôle de concertation, d’observation et de vigilance », comme l’a dit le ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, le 20 janvier. Voire de faire eux-même la police, de manière préemptive, sur les réseaux sociaux. C’est un tournant, qui place les entreprises du Net dans une position inédite. Elles qui ont toujours été allergiques au carcan des règlementations et ont largement prospéré en les contournant se trouvent à présent sommées de s’autoréguler. Paradoxalement, les citoyens se tournent aujourd’hui pour leur sécurité vers ces mêmes Etats qui ont allègrement violé leur vie privée. La crise de confiance des citoyens envers leurs institutions n’épargne plus l’industrie de la high-tech: le débat a beaucoup agité, cette année, les acteurs de la Silicon Valley invités au Forum économique de Davos, du 21 au 24 janvier. Face à eux, Tim BernersLee, inventeur du World Wide Web (www), a souhaité que l’on cesse d’osciller entre « plus ou moins de pouvoirs pour la police » : la solution, pour lui, serait de créer un cadre légal dans lequel les agences de renseignement autorisées par les entreprises à accéder à certaines de leurs données devraient rendre des comptes. Une sorte de contrôle démocratique de l’utilisation des données personnelles. Ce serait, déjà, un progrès. p [email protected] Tirage du Monde daté samedi 31 janvier : 312 912 exemplaires AIDES AU LOGEMENT, UNE RÉFORME NÉCESSAIRE P our un gouvernement qui a besoin de dégager, d’ici à 2017, 50 milliards d’euros d’économies, aucun gisement n’est à ignorer, à condition de bien mesurer l’intérêt économique, sans sous-estimer le risque social. Ainsi en est-il de la politique du logement, qui a représenté un coût de 46 milliards d’euros en 2014 (2 % du PIB), avec une efficacité bien insuffisante, à l’heure où les mises en chantier sont tombées sous la barre symbolique de 300 000 par an. Un rapport, élaboré par trois corps de l’Inspection générale des finances, l’Inspection générale des affaires sociales et du Commissariat général au développement durable, et rendu public par Les Echos, vendredi 30 janvier, réclame un aggiornamento de cette politique. En clair, il faudrait tailler dans les aides au logement, qui représentent un budget colossal – 18,3 milliards d’euros en 2014, soit quatre fois plus qu’en 1984 – pour aider un foyer sur cinq à se loger. Les économies suggérées s’élèveraient à environ 4 milliards par an mais nécessiteraient un vrai courage politique. Sylvia Pinel, la ministre du logement, a exprimé ses réserves vis-à-vis d’un « document de travail qui n’exprime pas la position du gouvernement mais vient contribuer à sa réflexion ». Moins timoré, Christian Eckert, le secrétaire d’Etat au budget, y voit un gisement à explorer « pas seulement pour faire des économies » mais « pour être aussi plus efficients ». Effets d’aubaine La première cible du rapport concerne les aides personnelles au logement (APL) qui, créées en 1977, avaient pour but de soutenir les ménages modestes, qu’ils soient propriétaires (seulement 9 % des bénéficiaires) ou locataires, dans le privé (51 %) comme dans le logement social (40 %). C’est l’individualisation de ces aides – tenant compte des ressources et des charges, conservant un montant minimal à régler par le locataire et aussi un taux d’effort maximal à ne pas dépasser –, équitable sur le papier, qui a fait dériver leur coût, sous l’effet de la hausse continue des loyers privés comme sociaux. S’il doit veiller à ne pas fragiliser ceux qui parmi les locataires sont les plus paupérisés, le gouvernement dispose de marges de manœuvre. Il peut corriger certains effets d’aubaine, par exemple dans les communes où les loyers sont faibles. Une piste ouverte par le rapport préconise de rendre inéligibles aux aides personnelles les personnes occupant des logements dépassant un certain niveau de loyer et de superficie ou encore visant des ménages ayant un certain niveau de patrimoine. Mais la priorité serait de mettre en cause les modalités de l’allocation versée à quelque 700 000 étudiants : non seulement elle ne tient pas compte des ressources de leurs parents mais ceux-ci peuvent, en outre, continuer de rattacher leur enfant au foyer fiscal. La suppression de l’un de ces deux avantages – qui nourrissent l’inflation des loyers des chambres d’étudiants – permettrait d’économiser, dès la deuxième année de sa mise en œuvre, 400 millions d’euros par an. La simple évocation d’une réflexion sur les aides personnelles aux étudiants provoque automatiquement la grogne de leurs syndicats. C’est ce qui a souvent conduit des gouvernements, de droite comme de gauche, à reculer, par crainte de voir les jeunes descendre dans la rue. Mais, quand il s’agit de marier équité fiscale et efficience économique, il arrive un moment où le gouvernement doit assumer ses responsabilités. Quitte à prendre des risques. p Zone euro : la désinflation s’installe, la déflation menace La croissance américaine est bien là, mais elle se tasse ▶ Les prix, dans les ▶ La chute des cours du ▶ Selon les économistes, ▶ Des signaux positifs, dix-neuf pays utilisant la monnaie unique, ont baissé de 0,6 % en janvier, après avoir reculé de 0,2 % en décembre 2014 pétrole explique cette baisse des prix. Mais, hors énergie, la faible progression des prix suscite des inquiétudes la zone euro est aujourd’hui en situation de désinflation, pas encore en déflation. Mais cette menace existe mais fragiles (inflexion du chômage, pouvoir d’achat), montrent que le pire n’est pas certain → LIR E PAGE 3 A « Chinawood », la Chine fait son cinéma ▶ Dans les studios Hengdian, au sud de Shanghaï, 178 films ont été tournés en 2014 ▶ Hollywood montre patte blanche pour pénétrer les salles obscures chinoises → LIR E PAGE 2 L’ économie américaine a enregistré une croissance de 2,4 % en 2014. Après un deuxième et un troisième trimestre très dynamiques, l’activité a toutefois progressé moins vite sur les trois derniers mois de l’année. Ce tassement tient pour une part à la hausse du dollar et au ralentissement de l’économie mondiale. Pour autant, même si le taux de croissance annuel est plus faible qu’avant la crise, Beth Ann Bovino, économiste en chef chez Standard & Poor’s, estime, dans un entretien au Monde, que l’économie américaine est sur des rails solides. « Le rebond est véritablement en cours », assure-t-elle. La bonne nouvelle en fin d’année est venue de la consommation des ménages américains, qui, portée par la baisse du prix du pétrole, n’avait plus été aussi forte depuis neuf ans. « C’est durable, en particulier si les prix du pétrole restent bas », pronostique Beth Ann Bovino. Cet environnement devrait conduire la Réserve fédérale américaine (Banque centrale, Fed) à remonter ses taux – donc renchérir le crédit – en juin, considère l’économiste. « La situation de l’emploi s’est améliorée en 2014, et cela va continuer en 2015 », estime-t-elle, admettant néanmoins que l’inflation reste basse. Une situation transitoire, assure-t-elle. p → LIR E PAGE 4 2,4 % Tournage aux studios Hengdian, dans la province du Zhejiang. NIR ELIAS/REUTERS SOCIAL QUAND LE TRANSPORT ROUTIER FRANÇAIS CONTRIBUE AU DUMPING SOCIAL QU’IL DÉNONCE → LIR E PAGE 5 UNION EUROPÉENNE LE COCHON FRANÇAIS A VOULU CONTOURNER L’EMBARGO DE LA RUSSIE → LIR E PAGE 3 J OR | 1 278 $ L’ONCE j PÉTROLE | 51,78 $ LE BARIL J EURO-DOLLAR | 1,1285 J TAUX AMÉRICAIN À 10 ANS | 1,64 % J TAUX FRANÇAIS À 10 ANS | 0,54 % VALEURS AU 31/01 - 7 HEURES C'EST LA CROISSANCE DU PIB AMÉRICAIN EN 2014 PERTES & PROFITS | BÉNÉTEAU Un documentaire choc sur l'avenir de nos démocraties Toutes voiles dehors L es marins sont réputés teigneux et persévérants. Pas besoin de remonter à Gilliatt, qui, dans Les Travailleurs de la mer, déployait une énergie d’autant plus impressionnante et hugolienne qu’elle était désespérée. Le cas d’une entreprise porte moins à l’exubérance littéraire, mais quand, après avoir sorti la tête de l’eau, elle parvient à faire revenir le vent dans ses voiles, on peut saluer l’exploit de ceux qui n’ont jamais voulu baisser les bras. Le groupe Bénéteau va bien, merci pour lui. Mais ce n’était pas gagné. La tempête de 2008 et l’effondrement du marché de la plaisance ont fait bien du mal au fabricant vendéen de voiliers et de bateaux à moteur. Après être parvenu à remettre ses comptes tout juste à flot pour son exercice clos le 31 août 2013, puis avoir renoué avec la croissance de son chiffre d’affaires pour l’exercice suivant, voilà que le navire repart toutes voiles dehors. Lors de sa présentation annuelle aux analystes financiers, jeudi 29 janvier, Bruno Cathelinais, président du directoire, a hissé ses plus belles couleurs. Il a annoncé que les ventes de Bénéteau devraient frôler le milliard d’euros, à 979 millions d’euros, dans ses comptes au 31 août 2015. Un bond de 27 %, notamment grâce à l’acquisition de l’américain Rec Boat Holdings en juillet 2014. A périmètre et taux de changes constants, le rythme de croisière sera tout de même cette année de 10 %. Excusez du peu. De quoi faire valser les chiffres du tableau de bord du capitaine. S’il tient son cap, M. Catheli- nais prévient que le résultat opérationnel courant du groupe devrait atteindre 37 millions d’euros, contre 11,7 millions au 31 août 2014 et 1,3 million un an auparavant. Le bénéfice net passerait, lui, à 20 millions d’euros, après 9,7 millions et 0,7 million. Réactivité Pour mieux repartir, le groupe a adapté sa voilure à la météo. En misant sur les Etats-Unis dès 2010, d’abord sur le marché des voiliers puis sur celui des bateaux à moteur, il profite aujourd’hui des forts vents d’ouest. C’est le marché américain qui connaît le plus fort rebond. Et, grâce au rachat de Rec Boat Holdings, qui construit et commercialise plusieurs marques de bateaux à moteur, Bénéteau dispose désormais d’une base de fabrication outre-Atlantique. De quoi pouvoir répondre avec davantage de réactivité à un marché qui renoue avec une croissance à deux chiffres. L’Europe et la France – son port d’attache étant Saint-GillesCroix-de-Vie (Vendée) – sortent de la grisaille, mais devraient se contenter cette année d’un petit vent. En gagnant en surface dans ses gammes de produits et en élargissant les plans d’eau sur lesquels il navigue, Bénéteau capte pleinement les vents de la reprise. Surtout, le numéro un mondial des voiliers de plaisance se met en situation de mieux tenir face à un prochain coup de tabac. p jean-baptiste jacquin Cahier du « Monde » No 21786 daté Dimanche 1er - Lundi 2 février 2015 - Ne peut être vendu séparément L'évasion fiscale n'est pas forcément illégale mais toujours immorale AU CINÉMA LE 4 FÉVRIER LE PRIX À PAYER Un documentaire de HAROLD CROOKS www.arpselection.com www.lecinemaquejaime.com 2 | plein cadre 0123 DIMANCHE 1ER - LUNDI 2 FÉVRIER 2015 Les studios Hengdian ne facturent pas la location des lieux mais uniquement des services annexes, tels que l’utilisation de costumes, l’électricité ou les services d’accessoiristes. ZHANG PEIJIAN/ IMAGINECHINA/AFP Silence, on tourne à Chinawood ! dongyang, envoyé spécial U ne vieille auto noire avance dans une rue évoquant le sud de la Chine de la première moitié du XXe siècle avec, collées aux murs des maisons traditionnelles, d’anciennes affiches de publicité pour des cigarettes chinoises. Les figurants s’agitent. Un couple marche jusqu’au niveau de la vieille traction, la caméra suit leur discussion. Moteur. Action. Il faut faire silence et ne pas entrer dans le champ, chuchote un agent de sécurité. Un grutier s’impatiente, sa présence est requise pour mettre en place un autre plateau de tournage, mais son engin ne pourra pas circuler tant que l’équipe n’en aura pas terminé avec cette scène. A deux pas, c’est un autre film que l’on tourne, des figurants attendent le signal pour faire une descente sur une place de Canton, habillés en miliciens du Kuomintang, faux fusils à l’épaule, prêts à en découdre avec les troupes communistes. Jian Wanhua, lui, a passé le plus clair de sa journée à fumer des cigarettes, à attendre dans le froid hivernal. Voilà deux mois qu’il tente sa chance en tant que figurant aux studios Hengdian (situés dans la ville de Dongyang, dans la province du Zhejiang, au sud de Shanghaï), souvent surnommés « Chinawood ». Il gagnait bien mieux sa vie comme vendeur d’électroménager à Shanghaï, où il empochait jusqu’à 850 euros par mois. Ici, il ne gagne que l’équivalent de 170 euros, pour des journées de huit heures en extérieur, à jouer le passant, parfois même le mendiant. Et il dépense 40 euros pour louer une chambre sans chauffage ni cuisine et avec toilettes communes. On l’appelle le matin si l’on pense avoir besoin de lui. Il a déjà été sollicité sur une dizaine de tournages. S’il mesurait plus de 1 mètre 75, Jian Wanhua, 31 ans, pourrait espérer 10 euros la journée, car c’est un physique que l’on remarque, mais avec ses airs de rural du Guizhou, sa province d’origine, il ne touche que 6 euros. Rien de cela ne l’affecte. S’il n’était pas content, il reprendrait le bus pour Shanghaï, y reprendrait un emploi plus ordinaire. Il a un rêve, c’est de réussir à l’écran. « Si l’on n’ambitionne pas de devenir une star de cinéma, on ne vient pas à Hengdian », confie le jeune homme. Des célébrités, il en a vu passer quelques-unes depuis son arrivée au début de l’hiver. Dans les plus grands studios de Chine, on ne chôme pas. Rien qu’en 2014, 178 équipes de tournage se sont relayées sur les plateaux de Hengdian. C’est que les revenus du box-office chinois ont progressé d’encore 36 % en 2014, La ville de Dongyang, dans l’est de la Chine, accueille l’immense studio de cinéma Hengdian. « Hero » et « Tigre et Dragon », notamment, y ont été réalisés pour atteindre 29,9 milliards de yuans, soit 4,2 milliards d’euros. La République populaire est déjà dotée de 23 000 salles obscures mais elle demeure peu équipée en comparaison des 40 000 salles que comptent les Etats-Unis pour une population quatre fois inférieure. L’industrie locale est en pleine expansion. Le géant de l’immobilier Wanda, qui s’est offert les salles nord-américaines AMC en 2012, a présenté l’année suivante un projet de Hollywood chinois concurrent, dans la ville côtière de Qingdao (nord-est), déboursant une fortune pour faire venir Leonardo Di Caprio, Nicole Kidman et autres VIP à la cérémonie de lancement du chantier. NOUVELLE CONCURRENCE Le patron de ce groupe, en quête de diversification à l’heure du ralentissement du marché immobilier chinois, a également déboursé 20 millions de dollars (17,6 millions d’euros) pour que le nom de Wanda soit associé au nouveau musée de l’Académie américaine des Oscars. Signe de l’intérêt suscité, l’introduction à la Bourse de Shenzhen, jeudi 22 janvier, de la filiale cinéma de Wanda a permis de lever 182 millions d’euros. La première journée de cotation a été marquée par un bond de 44 % de la valeur du titre. Les gérants des studios Hengdian ne craignent pas cette concurrence, ils espèrent DANS LES STUDIOS HENGDIAN, ON NE CHÔME PAS. RIEN QU’EN 2014, 178 ÉQUIPES DE TOURNAGE SE SONT RELAYÉES SUR LES PLATEAUX qu’il y aura assez de place pour chacun, car le nombre de films tournés est en pleine croissance. Wanda semble à leurs yeux miser davantage sur les studios en intérieur, tandis que Hengdian est connu pour ses répliques en extérieur. Les équipes sont suffisamment satisfaites pour revenir, et Zeng Yulin, le porte-parole des studios, veut y voir un signe du professionnalisme des équipes locales. « Nous avons notre soft power », dit-il. Le coût est un autre argument non négligeable. Les studios Hengdian ne facturent pas aux producteurs la location des lieux mais uniquement des services annexes, tels que l’utilisation de costumes, l’électricité ou les services d’accessoiristes, et engrangent de fortes recettes en parallèle sur les entrées de touristes, qui représentent 80 % du chiffre d’affaires. Des shows sont organisés en parallèle des tournages pour en montrer encore davantage aux visiteurs. L’un met en scène des policiers de Hongkong poursuivant des trafiquants de drogue. « C’est le modèle économique le plus efficace », fait valoir Zeng Yulin. Leur venue est facilitée par le train à grande vitesse. Une station a ouvert à une heure de route de là et un aéroport est actuellement en construction. L’histoire de Hengdian est celle de ces hommes d’affaires chinois convaincus que rien n’est impossible et qui finissent milliardaires. En 1996, le réalisateur Xie Jin souhaitait tour- ner un film sur la guerre de l’opium, à l’issue de laquelle la Chine perdit Hongkong. Œuvre soutenue en haut lieu, jusque par le président Jiang Zemin, car elle sortirait à temps pour la rétrocession, l’année suivante, de la colonie britannique à la République populaire. Problème : les producteurs ne trouvèrent aucun studio où les décors seraient prêts à temps. C’est alors qu’intervient l’ambitieux homme d’affaires Xu Wenrong, qui avait réussi à l’époque à se développer dans quantité de secteurs, de l’électronique aux terres rares en passant par la pharmaceutique. S’appuyant sur l’industrieuse main-d’œuvre de la province du Zhejiang, il a lancé, dès le Nouvel An chinois 1996, la construction d’une reproduction d’un quartier du Canton de 1840. Le tournage du film sur la guerre de l’opium a ainsi pu débuter le 8 août, et être terminé le 8 décembre de cette même année. Les demandes de productions suivantes ont convaincu Xu Wenrong de bâtir aussi une gigantesque réplique de la Cité interdite de Pékin, des copies d’anciens palais impériaux et des modèles à taille réelle de villages inspirés des quatre coins de la Chine. C’est ici que nombre de succès chinois ont vu le jour. Zhang Yimou y tourna Hero avec Jet Li, de même que Ang Lee y réalisa Tigre et Dragon. Hengdian est parfois victime de son succès. On y tourne des séries télé et il accueille des productions venues d’ailleurs en Asie. Même le vrai Hollywood fait appel aux studios, à mesure que grimpe son intérêt pour le marché chinois. « Il nous arrive de devoir ordonner à des équipes d’accélérer si elles prennent du retard sur un tournage car d’autres attendent derrière », dit Zeng Yulin, avant de désigner du doigt un autre plateau de tournage en pleine effervescence : « Allons à Hongkong ! » p harold thibault Les productions américaines ne sont pas les bienvenues c’est le combat d’Hollywood : entrer sur le marché chinois. Il faut pour cela convaincre Pékin d’augmenter le nombre de films étrangers autorisés à la diffusion dans les salles obscures de l’empire du Milieu, une restriction qui vise à protéger l’industrie cinématographique locale et à limiter l’influence culturelle du grand rival américain. En 2012, Washington a obtenu de la Chine qu’elle laisse entrer trente-quatre productions étrangères par an, contre vingt auparavant. L’accord court sur cinq ans, ce qui signifie que la République populaire pourrait s’ouvrir davantage autour de 2017. Les observa- teurs américains arguent que cette progression est limitée au regard des quatorze salles qui ouvrent chaque jour en Chine. « Il y a des semaines pendant lesquelles aucun film attractif ne sort », dit Jon T. Green, ex-directeur général de Warner Bros en Chine. Quotas Mais Pékin constate que sur trois des plus grands succès historiques du boxoffice chinois, deux sont américains, Transformers 4 : Age of Extinction et Avatar. Un seul est de facture locale, la comédie Lost in Thailand. Paradoxalement, ces quotas favorisent les bloc- kbusters les plus rémunérateurs. « Les studios promeuvent ce qui va rapporter le plus car ils optimisent leurs chances », constate M. Green. En décembre 2014, les autorités chinoises n’ont pas laissé sortir de films étrangers, car la balance penchait trop du côté des productions étrangères sur les mois précédents. Finalement 55 % du box-office sera chinois sur l’année écoulée. « Il y a un fort lobbying de l’industrie locale pour protéger ses films », constate Ying Zhu, professeur de cinéma chinois à la City University de New York. Pour la Chine, l’impatience des producteurs américains est une occasion d’influer sur le contenu des œuvres. La Peikang, le nouveau patron de la compagnie de distribution étatique, China Film Group, a explicité cette stratégie : « Choisir et créer l’histoire ensemble. » Il entend exploiter ce levier pour promouvoir la culture chinoise à l’étranger. L’avènement d’un nouveau genre de « superhéros » se profile donc. Déjà, le producteur Bruno Wu travaille avec Avi Arad, de Marvel Comics, sur Rise of the Terracotta, dans lequel la fameuse armée de terre cuite enterrée de Xi’an passera à l’action. p h. t. économie & entreprise | 3 0123 DIMANCHE 1ER - LUNDI 2 FÉVRIER 2015 Les prix continuent de baisser en zone euro La désinflation atteint 0,6 % en janvier. Cette baisse tient essentiellement au recul du cours du pétrole L es prix ont diminué de 0,6 % en janvier dans la zone euro, après une baisse de 0,2 % en décembre, a annoncé, vendredi 30 janvier, l’office européen de statistiques Eurostat dans une première estimation. La nouvelle a été mal accueillie à la Bourse de Londres, qui évoluait en baisse dans la matinée, préoccupée par la fragilité économique des 19 pays de l’Union européenne ayant l’euro pour monnaie. Dans cette région où, comme l’observe Isabelle Job-Bazille, directrice des études économiques du Crédit agricole, « les pressions déflationnistes existent depuis la crise financière de 2008 », il est assez logique qu’une deuxième baisse consécutive des prix ait relancé les spéculations sur les risques de déflation. Logique, oui. Mais pas toujours fondé. Car l’inflation négative de janvier est principalement due à la chute des prix du pétrole (– 8,9 %, après – 6,3 % en décembre). Hors énergie, les prix ne baissent pas ou baissent très peu. Or, la réduction de la facture pétrolière est une bonne nouvelle pour les pays de la zone euro, majoritairement importateurs d’or noir. Elle va soutenir la demande en Europe, observe Benoît Heitz de la Société générale, et pourrait permettre à la consommation de redémarrer. « L’inflation négative de janvier n’a rien d’un mécanisme déflationniste au sens où la déflation est une chute de la demande provoquée par une chute des prix qui s’installe et aggravée par une montée des taux d’intérêt réels », confirme Patrick Artus, économiste en chef de Natixis. Dans les statistiques d’Eurostat, Le ralentissement des prix démontre la très grande faiblesse de l’économie en union monétaire c’est moins le recul général des prix que l’évolution de l’inflation sous-jacente, c’est-à-dire hors énergie, alimentation, boissons alcoolisées et tabac, qui est inquiétante. Car cette inflation sous-jacente, même si elle demeure en territoire positif, n’a cessé de ralentir depuis le mois d’août 2014 : en janvier, elle a encore baissé de 0,1 point, à + 0,6 %. Un ralentissement continu depuis août 2014 TAUX DE VARIATION ANNUEL MOYEN DE L’INFLATION, EN 2014, DANS LA ZONE EURO, EN % TAUX D’INFLATION ANNUEL DANS LA ZONE EURO, EN % (GLISSEMENT MENSUEL) 0,4 De – 1,4 à – 1 De – 1 à 0 De 0 à 0,5 Baisse surprise des taux en Russie La banque centrale de Russie a annoncé, vendredi 30 janvier, une baisse surprise son taux directeur, de 17 % à 15 %. Elle est revenue partiellement sur la hausse décidée mi-décembre 2014 pour contrer la chute du rouble. Certaines voix dans les milieux économiques réclamaient une baisse rapide du taux, dont le niveau rendait l’endettement intenable pour les ménages et les entreprises. La banque de Russie a dit vouloir « prévenir une chute importante de l’activité dans un contexte de facteurs extérieurs négatifs », faisant référence aux sanctions occidentales liées à la crise ukrainienne ainsi qu’à la baisse du prix du pétrole. Elle prévoit un recul de 3,2 % du produit intérieur brut au premier semestre, après une croissance évaluée à + 0,6 % en 2014. « Une baisse de deux points permettra de relancer le crédit pour le secteur réel », a assuré l’institution monétaire. Plus de 1 à 1,5 0,4 0,3 0,3 Déc. Janv. 2014 2015 Août 2014 Sept. 2014 Oct. 2014 Nov. 2014 FINLANDE − 0,2 SUÈDE ROYAUMEUNI LETTONIE LITUANIE PAYS-BAS TAUX DE CROISSANCE TRIMESTRIEL DU PIB DANS LA ZONE EURO, EN % BELG. ALLEMAGNE 0,3 ESTONIE DANEMARK IRLANDE − 0,6 LUX. « Une mauvaise surprise » « C’est une mauvaise surprise », analyse l’économiste de Natixis. Le ralentissement ne peut venir que d’une baisse des marges des entreprises qui ne peuvent pas augmenter leurs prix pour faire face à la hausse de leurs coûts salariaux. Ce n’est bon ni pour l’investissement ni pour l’emploi. » Dans un tel environnement, il ne faut guère compter sur une reprise des investissements qui viendrait prendre le relais du contre-choc pétrolier et en prolonger les effets positifs sur l’activité. Le ralentissement des prix hors énergie et alimentation est une des manifestations de la très grande faiblesse de l’économie en zone euro. Elle légitime aprèscoup l’intervention de la Banque centrale européenne (BCE) qui, De 0,5 à 1 POLOGNE RÉP. TCHÈQUE FRANCE SLOVAQUIE AUTRICHE 0,2 0,2 HONGRIE SLOVÉNIE ROUMANIE PORTUGAL CROATIE ESPAGNE ITALIE BULGARIE 0,1 GRÈCE T4 2013 T1 2014 T2 2014 T3 2014 MALTE SOURCE : EUROSTAT sous la présidence de Mario Draghi, s’est convertie au « quantitative easing » (QE, assouplissement quantitatif) et a annoncé, jeudi 22 janvier, qu’elle allait injecter au moins 1 100 milliards d’euros dans l’économie de l’Union monétaire pour faire remonter les prix et booster la croissance. La BCE surveille de très près l’évolution des anticipations de prix. Or, les dernières enquêtes de la Commission européenne montrent que celles-ci fléchissent dans l’industrie et dans les services, tandis que les enquêtes mensuelles de conjoncture restent médiocres. « La zone euro n’est pas en déflation, elle est exactement dans la situation de “low-flation”, de prix et de croissances faibles, évoquée par Christine Lagarde, la directrice générale du Fonds monétaire inter- national, en octobre 2014 », analyse Denis Ferrand, directeur général de COE-Rexecode. Dans une telle situation, le moindre choc macroéconomique pesant sur l’activité, par exemple une remontée trop rapide des taux d’intérêt américains, suffirait à faire tomber la zone euro de Charybde en Scylla, de la désinflation – ou ralentissement des prix – à la déflation, cette baisse auto-entretenue des prix et des salaires qui fait chuter la demande. Anticipations ravageuses « La crise financière de 2008 était de nature déflationniste, rappelle Isabelle Job-Bazille, directrice des études économiques du Crédit agricole. Elle s’est accompagnée d’une baisse du prix des actifs, de la nécessité du désendettement, de la La Banque centrale européenne surveille de très près l’évolution des anticipations de prix contraction du crédit. Tout cela s’auto-alimentait. Les politiques d’austérité, profondément déflationnistes, ont ensuite comprimé la demande intérieure dans une zone euro très intégrée. » Pour cette économiste, le dernier maillon de la chaîne déflationniste relève de la psychologie des agents économiques et de CHYPRE leurs éventuelles anticipations de la baisse des prix, des anticipations auto-réalisatrices et qui seraient potentiellement ravageuses pour la croissance. La déflation menace donc, mais ce n’est pas nécessairement le scénario le plus probable. La courbe du chômage vient de s’inverser en zone euro. Les salaires paraissent stabilisés. Le pouvoir d’achat des ménages et les résultats des entreprises se redressent. D’après les dernières enquêtes de la BCE, les banques européennes font état d’un redémarrage du crédit dans les entreprises. Autant d’éléments positifs, même s’ils sont encore fragiles, qui s’ajoutent à l’impact favorable de la dépréciation de l’euro (– 10 %) sur l’activité et sur les prix. Le pire n’est donc pas certain. p claire guélaud Le cochon sème la discorde entre les pays européens La Pologne et la Commission européenne reprochent à certains Etats, dont la France, d’avoir tenté de lever l’embargo russe sur le porc L’ affaire est symptomatique des tensions que la détérioration des relations avec la Russie peut engendrer entre Européens. Le gouvernement polonais et la Commission européenne se sont récemment émus des contacts bilatéraux qui ont eu lieu à Berlin, mi-janvier, en marge d’une foire consacrée au domaine agricole (la « Green Week Berlin »), entre Moscou et six pays européens : la France, l’Italie, le Danemark, les Pays-Bas, l’Allemagne et la Hongrie. Ils reprochent à ces pays d’avoir rompu la solidarité européenne pour tenter de lever l’embargo décrété par les Russes sur la viande de porc, afin de soulager leurs filières nationales. Le ministre français de l’agriculture, Stéphane Le Foll a rencontré son homologue polonais Marek Sawicki, vendredi 30 janvier à Paris, pour s’expliquer sur la démarche française et tenter de dédramatiser la situation. Le ministère français avait publié, le 19 janvier L’embargo résulte de la détection de foyers de peste africaine en Europe à l’issue de la rencontre berlinoise, un communiqué triomphant saluant « l’accord de principe obtenu sur la reprise des exportations françaises de porcs vivants, d’abats et de graisse de porc vers la Russie ». Bruxelles pris de vitesse L’embargo russe a été décrété en février 2014, avant le début des affrontements militaires dans l’est de l’Ukraine. Il porte sur la viande de porc (vivants, morts, abats, graisse de porc), suite à la détection de foyers de peste africaine en Europe. Il vaut pour toute l’Union, alors que des foyers de la peste africaine porcine n’ont été détectés qu’en Lituanie, en Lettonie et en Pologne. Il ne s’agit pas d’un embargo politique, contrairement à celui qui, en août 2014, a frappé fruits, légumes et produits laitiers occidentaux ou à celui qui, en octobre 2014, a porté sur les abats et la graisse de bœuf. Le ministère français de l’agriculture, qui n’a pas hésité à dire que « la reprise des exportations pourra être effective dans les prochaines semaines », voulait donner un signal fort à la filière. Une opération de communication avant le rendez-vous du Salon de l’agriculture à Paris, en février. En France, comme dans d’autres pays européens, l’embargo met sous pression des filières déjà fragilisées. La fermeture de l’abattoir finistérien de Gad et, plus récemment, le dépôt de bilan de l’abattoir normand d’AIM ont mis en lumière ces difficultés. Or, le marché russe est estimé, par Paris, à 100 millions d’euros pour les porcs français. Mais en Russie, pays très dépen- dant de l’Europe, les prix de certaines denrées alimentaires ont flambé. Ces derniers jours, Bruxelles avait entamé le dialogue avec Moscou pour voir si l’embargo de février 2014 pouvait être reconsidéré. La Commission se serait laissée prendre de vitesse par quelques capitales. Les Polonais, qui craignent d’être pénalisés après la déclaration d’un foyer de peste porcine sur leur sol, accusent ces dernières d’avoir voulu « jouer perso », sans laisser Bruxelles négocier au nom de tous. « Nous avons réussi, au prix de nombreux sacrifices, à décider à vingt-huit des sanctions contre la Russie. C’est dommage qu’aujourd’hui certains tombent dans le piège des Russes qui exploitent nos faiblesses pour nous diviser », affirme une source polonaise à Bruxelles. Le commissaire européen chargé de l’alimentation et de la protection des consommateurs, Vytenis Andriukaitis, a tenu aussi des propos sans ambiguïté, lundi 26 janvier, lors d’un sommet à 840 MILLIONS C’est, en euros le montant des exportations de produits agricoles polonais vers la Russie affecté par l’ensemble des embargos. La Pologne est le deuxième pays de l’Union européenne le plus touché derrière la Lituanie (922 millions) et l’Allemagne (594 millions). La France est au neuvième rang avec une perte de 233 millions d’euros. Ces chiffres sont théoriques, car ils ne tiennent pas compte d’éventuelles nouvelles exportations ou des possibilités de stockage. Bruxelles des ministres européens de l’agriculture : « Les modalités techniques qui ont été discutées [entre Bruxelles et Moscou] s’appliqueront pour tous les Etats membres, de manière égale, et aucune question spécifique n’a été discutée pour aucun Etat membre en particulier. Les accords bilatéraux ont été explicitement exclus. » Et d’ajouter : « Je suis conscient des efforts constants, côté russe, pour créer des divisions entre Etats. (…) La Commission insiste fermement (…) sur la nécessité de parler d’une seule voix. » « Les discussions avaient lieu à un niveau technique, et la Commission était parfaitement au courant. De toute façon, il faudra son feu vert pour que l’embargo soit levé », se défend une source française. « Les Russes ont pu cibler les Polonais parce qu’ils sont sur une ligne dure à leur égard », suggèrent plusieurs sources européennes. p cécile ducourtieux (bruxelles, bureau européen) et laurence girard 4 | économie & entreprise 0123 DIMANCHE 1ER - LUNDI 2 FÉVRIER 2015 Aux Etats-Unis, « le rebond est vraiment en cours » La croissance est toutefois plus lente qu’avant la crise, note Beth Ann Bovino, économiste à Standard & Poor’s ENTRETIEN new york - correspondant A près deux trimestres très dynamiques, la croissance américaine a déçu sur les trois derniers mois de 2014. Le produit intérieur brut (PIB) a progressé à un rythme annualisé de 2,6 % (soit une croissance réelle de 0,65 %) entre octobre et décembre, selon les statistiques publiées, vendredi 30 janvier. Malgré ce ralentissement, Beth Ann Bovino, économiste en chef chez Standard & Poor’s, estime que l’économie américaine reste sur des rails solides. La croissance avait été spectaculaire au deuxième (+ 4,6 %) et au troisième trimestre (+ 5 %). Comment expliquezvous le ralentissement en fin d’année ? Après deux trimestres aussi solides, il fallait s’attendre à un repli. L’explication vient en partie du déficit commercial, qui est vraisemblablement dû à la hausse du dollar et au ralentissement de l’économie mondiale. Mais ce chiffre n’est qu’une première estimation, qui pourrait être révisée. Les stocks des entreprises ont également été plus importants que ce que les marchés anticipaient. VARIATION TRIMESTRIELLE DU PIB AMÉRICAIN EN 2014, EN % 5 4,6 2,6 T1 T2 T3 T4 − 2,1 SOURCE : BEA « La croissance des dépenses des ménages n’a jamais été aussi rapide depuis neuf ans » On pourrait donc assister à une réduction des achats au cours du premier trimestre de 2015, ce qui pourrait peser à son tour sur le taux de croissance. L’économie américaine a progressé de 2,4 % sur l’année 2014. Cela reste modeste comparé aux taux des années 1990 (3,4 % en moyenne). Faut-il s’en inquiéter ? D’une façon générale, la plupart des indicateurs restent solides. Les tendances qui sont à l’œuvre montrent que le rebond de l’économie américaine après la grande récession est véritablement en cours. Il est vrai que le taux de croissance est plus lent qu’avant la crise. Mais il faut garder à l’esprit que 2014 a été plombé par un hiver particulièrement rigoureux au premier trimestre, au cours duquel la croissance a chuté de 2,1 %. En 2015, l’économie américaine devrait finalement dépasser la barre des 3 %, pour atteindre 3,3 % sur l’ensemble de l’année. fie que les gens disposent de 1 200 dollars (1 063 euros) de pouvoir d’achat supplémentaire. La bonne nouvelle en fin d’année est venue de la bonne tenue de la consommation. Pensez-vous que c’est durable ? La croissance des dépenses des ménages n’a jamais été aussi rapide depuis neuf ans. Nous pensons que c’est durable, en particulier si les prix du pétrole restent bas. Les gens sont susceptibles de profiter de la baisse du prix de l’essence pour dépenser leur argent dans les magasins. Un ménage américain consomme en moyenne 1 200 gallons (4 500 litres) d’essence par an. Si la baisse d’un dollar du prix du gallon se maintient sur l’année, cela signi- Le chômage a beaucoup reculé en 2014, pour s’établir à 5,6 %, mais les salaires augmentent peu. Comment expliquez-vous ce paradoxe qui, s’il se prolongeait, pourrait peser sur la consommation ? La situation de l’emploi s’est améliorée en 2014 et cela va continuer en 2015. Nous estimons que le rythme des créations d’emplois va tourner autour de 200 000 par mois. C’est vrai que, dans le même temps, les salaires ont fait du surplace. Ce que nous observons au cours de cette phase de reprise, c’est que les employeurs sont encore en position de force pour re- La bonne tenue de la consommation américaine devrait être durable si les prix du pétrole restent bas. S. PLATT/GETTY IMAGES/AFP cruter la main-d’œuvre dont ils ont besoin. Mais nous voyons des signes d’amélioration et nous espérons que les salaires vont commencer à augmenter dès cette année. Par exemple, le chômage de courte durée, qui est un meilleur indicateur que le taux global de sans-emploi, n’a jamais été aussi bas depuis sept ans. De plus en plus d’observateurs doutent que la Réserve fédérale (Fed) relève ses taux en juin comme on l’avait anticipé dans un premier temps. Quel est votre scénario ? Nous tablons toujours sur un relèvement des taux en juin. Notre analyse se base sur la vigueur du marché du travail, de la consommation et l’amélioration poten- Croissance en panne et déficit pour le Brésil L’Etat brésilien affiche un déficit budgétaire primaire (hors charge de la dette), une situation inédite depuis 2002. La première économie latino-américaine est à l’arrêt L a magie brésilienne n’opère plus. La septième économie mondiale a terminé l’année 2014 sur un déficit budgétaire primaire (hors charge de la dette) de 0,63 % du produit intérieur brut (PIB). Une première depuis 2002, a précisé la banque centrale du pays, vendredi 30 janvier, dans un communiqué. Cette détérioration des finances publiques est la conséquence directe du ralentissement économique intervenu à partir de 2011 et dont le Brésil peine à sortir. Elle devrait conforter la présidente Dilma Rousseff, réélue le 26 octobre 2014, dans sa volonté de redresser les comptes publics avant de relancer la croissance. La même stratégie avait été suivie en son temps par son prédécesseur, Lula, issu aussi de la gauche. Une équipe d’économistes orthodoxes, à l’image du ministre des finances Joaquim Levy, a été constituée. A peine nommé, M. Levy s’est engagé à porter le solde budgétaire primaire annuel à 1,2 % en 2015 et à plus de 2 % en 2016. Il entendait rassurer les investisseurs sur sa politique macroéconomique et éviter une dégradation de la note souveraine du Brésil. Pour freiner les dépenses publiques, le ministre a réduit certains des avantages des fonctionnaires retraités et de leurs ayants droit. Il a durci les conditions d’indemnisation du chômage, supprimé les subventions aux entreprises d’électricité, réduit les subventions implicites accordées aux sociétés empruntant à la Banque de développement (BNDES), et annoncé des hausses de taxes. A l’issue de la première réunion officielle de son gouvernement, le 27 janvier, Mme Rousseff – dont le second mandat a débuté le 1er janvier – a défendu l’austérité : « Les ajustements sont nécessaires pour maintenir le cap, tout en préservant les priorités sociales et économiques, a-t-elle fait valoir. Des comptes publics en ordre sont nécessaires pour le contrôle de l’inflation, la croissance et la garantie durable de l’emploi et des revenus. » Les marchés ont salué à leur manière ce changement de cap. Pressions inflationnistes « Le real, qui s’était beaucoup déprécié mais reste surévalué, est un peu remonté ces dernières semaines », analyse Jean-Louis Martin (Crédit agricole). Mais le doute persiste sur la capacité du Brésil à sortir de la stagnation en 2015. Dans l’enquête hebdomadaire Focus, réalisée par la banque centrale auprès d’une centaine d’institutions financières, la prévision Qu’elles paraissent loin, les années 1990 et 2000, qui permirent au pays de réduire les inégalités de croissance du PIB a été révisée à la baisse, lundi 26 janvier, de 0,38 % à 0,13 %, et celle d’inflation revue en hausse, de 6,67 % à 6,99 %, loin de l’objectif officiel de 4,5 % par an (avec une bande de fluctuation de 2 points). Le 21 janvier, pour la troisième fois depuis octobre 2014, la banque centrale a relevé son taux directeur, le Selic, à 12,25 % – et donc le coût du crédit – en indiquant qu’il s’agit de freiner l’envolée des prix. Une quatrième hausse de même importance est attendue en février. Les pressions inflationnistes restent toutefois fortes, la banque centrale prévoyant une augmentation de 9,3 % des prix administrés en 2015. Réussir, dans ces conditions, à ramener l’inflation annuelle de 6,41 % en 2014 à 4,5 % en 2015 serait un exploit. Or des prix élevés pèsent sur le pouvoir d’achat des ménages et leur consommation, donc sur la croissance. Arme antiinflation, la hausse du Selic peut aussi fragiliser la timide reprise de l’investissement intervenue au troisième trimestre 2014 après quatre trimestres consécutifs de repli. Ce qui nuirait à la reprise. Qu’elles paraissent loin les années 1990 (+ 1,9 % de croissance par an en moyenne) et les années 2000 (+ 3,4 %), qui permirent au Brésil d’augmenter de 60 % son PIB par habitant (12 200 dollars en 2013), de réduire les inégalités et de développer une classe moyenne de quelque 100 millions de personnes ! Aujourd’hui, les économistes pointent tous les mêmes maux : faiblesse de l’investissement productif, perte de compétitivité de l’industrie, infrastructures en piteux état, lourdeur de la bureaucratie, climat des affaires terni par des scandales de corruption, au premier rang desquels celui de Petrobras. Des réformes structurelles s’imposent, mais elles devront se faire dans un environnement international pas franchement porteur, entre le ralentissement chinois, la fin du super-cycle des matières premières et la méforme du commerce mondial. p claire guélaud tielle dans l’immobilier. Certes la Fed doit faire face à des vents contraires. L’inflation est effectivement basse et c’est un indicateur qu’elle surveille de près. Mais elle dit aussi que cette situation est transitoire. C’est une vision que nous partageons. Le Japon est en récession, la croissance chinoise ralentit, l’économie européenne stagne. Les Etats-Unis peuvent-ils rester la seule région épargnée par le marasme ? La situation en Asie et en Europe va jouer un rôle sur le commerce extérieur et ralentir la croissance aux Etats-Unis, mais en même temps la baisse des prix du pétrole et la hausse des salaires pourraient compenser ces effets négatifs. Au moment où nous parlons, cela ne devrait toutefois pas changer les plans de la Fed en matière de remontée des taux. Quelles pourraient être les conséquences de la politique monétaire de la Banque centrale européenne (BCE) sur l’économie américaine et les décisions de la Fed ? Au-delà des conséquences sur le dollar, la Fed peut voir ce mouvement de la BCE comme quelque chose de positif, qui va apporter plus de stabilité et de soutien à la reprise en Europe. C’est une raison supplémentaire pour que la Fed maintienne son cap pour remonter les taux dès juin. p propos recueillis par stéphane lauer 2 MILLIARDS C’est en euros le montant du contrat remporté auprès de la RATP, du Syndicat des transports d’Ile-de-France (STIF) et de la Société du Grand Paris (SGP), vendredi 30 janvier, par Alstom Transport afin de fabriquer quelque 217 rames d’un « métro sur pneu de dernière génération ». L’industriel français va renouveler les rames automatiques des lignes 1, 4, 6 et 11, et fournira les premiers métros du futur réseau du Grand Paris Express, qui doit être déployé à partir de 2019. Ce marché est étalé sur quinze ans. « La majorité des douze sites d’Alstom Transport en France participeront à ce projet », précise le groupe. CON J ON CT U R E I N F RAST R U CT U R ES L’Espagne renoue avec la croissance Moody’s inquiète pour le secteur autoroutier La croissance espagnole s’est établie à + 1,4 % en 2014, selon une estimation publiée vendredi 30 janvier par l’Institut national de la statistique, avec un produit intérieur brut en hausse de 0,7 % au quatrième trimestre. Madrid table sur une croissance de 2 % en 2015. – (AFP.) L’agence de notation Moody’s a indiqué, vendredi 30 janvier, que la décision du gouvernement français de suspendre la hausse des tarifs autoroutiers, prévue le 1er février avait « un impact négatif sur les créances du secteur ». – (Reuters.) EN ER GI E Le prix du baril rebondit à New York Le prix du pétrole, en chute libre depuis l’été 2014, a rebondi, vendredi 30 janvier, à New York. Le cours du baril de WTI (West Texas Intermediate) pour livraison en mars a gagné 3,71 dollars, à 48,24 dollars. Il s’agit de sa plus forte hausse quotidienne pour un contrat de référence depuis le 8 mars 2012. – (AFP.) R ECT I F I C AT I F Dans l’entretien de Patrick Pouyanné, publié dans Le Monde daté 31 janvier, il fallait lire que le nouveau directeur général de Total annonce « la fermeture d’un certain nombre de ses filiales dans les paradis fiscaux », et non « la fermeture de toutes ses filiales dans les pays dits “non coopératifs” ». Par ailleurs Total a payé 11 milliards d’euros (et non 11 milliards de dollars) d’impôts dans le monde en 2013. économie & entreprise | 5 0123 DIMANCHE 1ER - LUNDI 2 FÉVRIER 2015 Le « devoir de vigilance » des entreprises attendra Le gouvernement a retardé l’inscription dans la loi du principe de responsabilité pénale du donneur d’ordre L’ inscription dans la loi du « devoir de vigilance » des multinationales à l’égard de leurs filiales et de leurs sous-traitants a été renvoyée à plus tard lors de l’examen, jeudi 29 janvier, de la proposition de loi déposée par Europe Ecologie-Les Verts. Pour le secrétaire d’Etat chargé du commerce extérieur, Matthias Fekl, qui représentait le gouvernement lors des débats parlementaires, ce report, au plus tard à fin mars, doit permettre de consolider juridiquement le texte proposé. « Le gouvernement partage les objectifs de cette proposition de loi, a-t-il expliqué, mais certaines questions juridiques et techniques devraient être précisées. » « Il s’agissait d’inscrire dans la loi une responsabilité pénale du donneur d’ordre, une obligation de moyens dont doit se doter la société pour contrôler sa chaîne de production et de fournitures, et de permettre d’ouvrir des droits à réparation pour les victimes de drames ou de catastrophes », fait valoir Danielle Auroi (EELV, Puy-deDôme), rapporteure de la proposition de loi. Avec un objectif : pour une entreprise qui ne peut justifier avoir pris les mesures nécessaires de prévention ou prouver qu’elle ne pouvait pas être informée de ces dommages potentiels, le juge pourra appliquer des sanctions civiles ou pénales. « Charge de la preuve » Pour certains, comme les ONG, qui ont été associées aux débats et à la préparation de la proposition de loi, regroupées notamment au sein du Forum citoyen pour la responsabilité sociale des entreprises (RSE), le gouvernement a cédé au lobby patronal. Cette « charge de la preuve » et la mise en place de sanctions déplaisaient fortement au patronat. Dans un courrier interne, début janvier, l’Association française des entreprises privées (AFEP) indique que « l’approche par la sanction telle qu’envisagée, et compte tenu des difficultés juridiques qui l’entourent, conduirait immanquablement à la judiciarisation des relations entre parties prenan- Pour les ONG associées à la préparation du texte, le gouvernement a cédé au lobby patronal tes sans répondre aux objectifs poursuivis ». Cet argument a été repris tel quel à la tribune de l’Assemblée nationale, jeudi, par le député UMP des Yvelines, Jean-Marie Tetart, qui s’est inquiété du « niveau de contrainte qui pèserait sur les entreprises », de cette « épée de Damoclès pesant sur la confiance des entreprises ». Bien que se déclarant favorables au texte proposé, les députés socialistes ont finalement rejoint la proposition du gouvernement de le renvoyer en commission. En novembre 2013 pourtant, le groupe Socialiste, républicain et citoyen (SRC), comme le groupe écologiste, avait déposé cette même Pproposition de loi, suivis, en février 2014, par le groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste (RRDP) et, en avril 2014, par la Gauche démocrate et républicaine (GDR). Ce consensus n’a pas résisté à la volonté du gouvernement de prendre plus de temps. « Il faut quelque chose de stable juridiquement et amender ce texte trop compliqué. Nous espérons pouvoir déposer une nouvelle proposition avec les écologistes », a estimé Anne-Yvonne Le Dain (PS, Hérault), qui a déposé la motion de renvoi. Mais certains, parmi les parlementaires socialistes, ont exprimé leur inquiétude. Philippe Noguès (PS, Morbihan), l’un des auteurs de la proposition de loi, a dénoncé le « lobbying du patronat », redoutant que « cette loi ne tombe dans les limbes et n’en sorte pas ». « Il faut que la proposition de loi aille jusqu’au bout, qu’elle puisse être débattue par l’Assemblée, cela n’a aucun sens de renvoyer ce texte. Nous vous laissons la responsabilité de rejeter un texte que vous avez vous-même soutenu », a répondu, au représentant du gouvernement, Barbara Pompili, présidente du groupe écologiste. Sans attendre, quatre syndicats qui soutenaient la proposition de loi – la CGT, la CFDT, la CGE-CGC et la CFTC – ont demandé, jeudi, au ministre de l’économie un rendez-vous pour discuter du nouveau texte. Les ON G ont annoncé, elles, que plus de 130 000 personnes avaient signé la pétition « Rana Plaza, Bhopal, Erika : halte à l’impunité des multinationales », lancée par la plateforme citoyenne Avaaz. Pour les associations (Sherpa, Peuples solidaires, CCFD-terre solidaire, Les Amis de la Terre, Terre des hommes, etc.), il faut prévenir les risques et permettre un véritable accès des victimes à la justice. « Une large majorité de Français estime que les multinationales doivent être tenues pour responsables juridiquement des catastrophes humaines et environnementales provoquées par leurs sous-traitants, comme celle du Rana Plaza au Bangladesh », selon un sondage CSA commandé par le RSE, publié mardi 27 janvier. Et réalisé par Internet du 20 au 22 janvier auprès de 1 000 personnes. Près de deux ans après l’effondrement du Rana Plaza à Dacca, qui avait tué 1 135 ouvriers du textile et blessé plus de 2 000 autres, 91 % des personnes interrogées estiment que les grandes marques qui y faisaient produire des vêtements devraient être obligées d’indemniser les blessés et les familles de victimes. p nicole vulser et rémi barroux Le transport routier dénonce un dumping social auquel il contribue Les grands acteurs français ont créé des filiales dans les pays d’Europe de l’Est. Celles-ci concurrencent leurs propres activités en France A près une dizaine de jours de grève des routiers en France, fédérations patronales et syndicats se sont accordés, jeudi 29 janvier, sous l’égide d’un médiateur du ministère du travail, pour se retrouver mardi 3 février et négocier sur les « salaires et le pouvoir d’achat ». Depuis le début des négociations, pour rejeter la hausse de 5 % des salaires demandée par les syndicats, le patronat invoque « les réalités économiques » et un contexte de « concurrence déloyale et de dumping social ». Il vise ainsi les salaires des conducteurs des pays à bas coût, comme la Pologne, la Roumanie, etc. Reste que les entreprises françaises jouent aussi un rôle dans ce dumping, soit en utilisant des sous-traitants dans ces pays, soit en créant elles-mêmes des filiales en Europe de l’Est. C’est ce que pointe Jean-Marc Charbonnier, qui dirige une entreprise de transport de 120 salariés à Manosque (Alpes-de-Haute-Provence). Pour lui, les grands groupes sont en partie responsables de l’arrivée massive de chauffeurs étrangers, payés selon les standards de leurs pays d’origine, sur le sol français. « Ceux qui ont imaginé Depuis 1990, la part du pavillon français dans le marché européen n’a pas cessé de dégringoler que passer par la sous-traitance étrangère permettrait d’assainir le marché ont joué avec le feu, nous en payons tous le prix », relève M. Charbonnier. Le pavillon français n’a cessé de dégringoler depuis la fin des années 1990. Sa part du marché européen était évaluée à 50 % en 1999. Elle avait été ramenée à 10 % dix ans plus tard. Dans l’intervalle, 21 000 emplois ont été supprimés, selon le rapport d’information du sénateur communiste du Nord Eric Bocquet, publié en 2014 (« Le droit en soute ? Le dumping social dans les transports européens »). La dégradation de la position française est consécutive à l’ouverture à la concurrence du secteur en 2009. Cela a conduit à « l’ouverture concomitante des marchés à des entreprises dont les coûts de personnel sont moins élevés », relevait le rapport de M. Bocquet. Selon une étude de 2013 du Comité national routier, le coût de l’heure de conduite moyen d’un chauffeur polonais représente 34 % de celui d’un chauffeur français (données de 2011). Un autre facteur a joué : la délocalisation d’une partie de la production dans l’est du continent. Elle s’est traduite par une réorganisation des filières de transport. C’est ainsi que la Pologne est devenue le premier pavillon routier en Europe. Le « déficit de compétitivité du pavillon français » a été « mis en avant par un certain nombre d’acteurs du secteur » pour justifier la mise en place des « filiales au sein des pays à bas coûts », soulignait M. Bocquet dans son rapport. Le groupe Norbert Dentressangle a ainsi créé deux entités, une en Pologne et une en Roumanie. Ces entreprises travaillent notamment en sous-traitance pour la maison mère pour les trajets internationaux. Selon M. Bocquet, « 43,5 % des transports effectués à partir de la France » par le groupe « sont soustraités à des filiales étrangères ou à des entreprises extérieures. » Norbert Dentressangle refuse de s’exprimer à ce sujet. Les plus grands acteurs français ont suivi le même mouvement, comme Geodis ou FM Logistic,. Cette évolution n’est pas illégale. Reste que Norbert Dentressangle « semble interpréter de façon erronée la réglementation européenne », soulignait M. Bocquet. Cabotage L’entreprise a reconnu devant le comité de groupe, le 27 novembre 2013, qu’elle faisait venir par bus des chauffeurs des filiales polonaise et roumaine pour prendre leur service dans des établissements de France. Ces routiers re- joignent des poids lourds immatriculés en Pologne et Roumanie. Ils sont payés selon les normes de leur pays. Pour Pascal Goument, président de la CFTC de Norbert Dentressangle, « ces salariés devraient se voir appliquer le statut de salariés détachés », avec des conditions de travail et de salaire équivalentes à celles pratiquées en France, les cotisations sociales étant payées dans le pays d’origine. « Nous ne sommes pas dans la situation de détachement (…) mais dans une relation normale de soustraitance », avait répliqué la direction lors du même comité de groupe de novembre 2013. Sur ce Chauffeurs étrangers : Berlin temporise Le gouvernement allemand a décidé, vendredi 30 janvier, de suspendre l’application de son nouveau salaire minimum (équivalent du smic) aux routiers étrangers qui traversent le pays. Berlin a indiqué attendre une « clarification juridique » de la Commission européenne. Celle-ci, interpellée par la Pologne, a lancé le 21 janvier une « procédure préliminaire » pour vérifier la conformité de la disposition allemande au droit européen. L’Allemagne pratique depuis le 1er janvier un salaire minimum de 8,50 euros bruts de l’heure et avait décidé que les routiers qui ne passent que quelques heures sur son territoire, devaient percevoir cette rémunération, sous peine d’amendes. Berlin justifiait ce régime par le souci de lutter contre le dumping des sociétés de l’Est. point, la société devra s’expliquer devant le tribunal correctionnel de Valence où se tiendra un procès du 4 au 6 mars sur des faits présumés de marchandage et de travail dissimulé dans une affaire de sous-traitance interne. Invoquer la sous-traitance et non le détachement de salariés suppose toutefois que ceux-ci effectuent des opérations de cabotage. C’est-à-dire « au maximum trois prestations (chargement/déchargement) en France sur une période maximale de sept jours », indique Karine Bézille, avocate associée du cabinet Lefèvre Pelletier. Or, certains de ces travailleurs étrangers resteraient sur le territoire plus longtemps. « Près de Chambéry, il y a un parking où des travailleurs polonais attendent le dimanche soir pour circuler. Ils disent tous qu’ils restent trois ou quatre mois en France et font un peu d’international », relate Antoine Fatiga, représentant de la CGT des transports en Rhône-Alpes. Aujourd’hui, même les dirigeants de PME du secteur estiment qu’il faut une régulation du cabotage et qu’elle doit se faire à l’échelle de l’Europe. p francine aizicovici avec sébastien cagnac 6 | bourses & monnaies FRANCFORT PARIS 0123 DIMANCHE 1ER - LUNDI 2 FÉVRIER 2015 LONDRES – 0,79 % EURO STOXX 50 – 1,22 % CAC 4 0 – 0,92 % FTS E 10 0 4 604,25 POINTS NEW YORK NASDAQ TOKYO – 2,87 % − 2,58 % DOW JONES + 0,42 % + 0,93 % DAX 3 0 NIKKEI 10 694,32 POINTS 6 749,40 POINTS 3 351,44 POINTS 17 164,95 POINTS 4 635,24 POINTS 17 674,39 POINTS De l’Europe à Wall Street, l’inquiétude change de camp En dépit de la Grèce, les Bourses du Vieux Continent terminent janvier en forte hausse, tandis qu’à New York l’augmentation du dollar inquiète C e devait être un séisme, ou presque. Au mieux, l’occasion d’un sérieux coup de tabac sur les marchés ; au pire, un remake de très mauvais goût de la crise des dettes souveraines de 2010-2011 qui avait placé la zone euro au bord du gouffre. Début janvier, la possibilité d’une victoire du parti de gauche Syriza aux élections législatives en Grèce avait traumatisé les marchés. Le 5 janvier, le CAC 40 dégringolait de plus de 3 %, à l’instar des autres places européennes, après des articles de presse allemands évoquant une sortie de la Grèce de la zone euro, avec la bénédiction de la chancelière Angela Merkel. Trois semaines plus tard, ces inquiétudes ont fait long feu. Lundi 26 janvier, au lendemain du véritable plébiscite qui a porté au pou- voir Alexis Tsipras, le jeune chef de file de Syriza, l’indice phare de la Bourse de Paris a terminé dans le vert. Les Bourses de Londres et de Francfort aussi. « Les marchés européens restent sous la magie du QE [quantitative easing, achat massif de dettes] de la BCE [banque centrale européenne] », ont commenté les analystes du courtier Aurel BGC. Certes, la Bourse d’Athènes a accusé le coup. Les sorties du nouveau parti au pouvoir ont fait plonger de 9,4 % le marché grec, mercredi. Il faut dire que le gel des privatisations ou le relèvement du salaire minimum vont précisément à l’encontre des promesses faites à la troïka des bailleurs de fond du pays (Commission européenne, BCE, Fonds monétaire international) Eolien : Saeta Field sera coté à Madrid Le groupe de BTP espagnol ACS va placer en Bourse 51 % de sa filiale dans les énergies renouvelables, Saeta Fields, le 16 février. Elle comprend seize parcs éoliens en Espagne et trois centrales solaires. L’opération valoriserait la société entre 852 millions et 999 millions d’euros. ACS a par ailleurs récemment annoncé qu’il vendra 24,4 % de Saeta Yield au fonds d’investissement Global Infrastructure Partners (GIP). ACS n’est pas le seul groupe de BTP espagnol à vouloir réduire sa présence dans les énergies renouvelables. Le groupe diversifié Acciona a vendu, en 2004, un tiers du capital d’Acciona Energia Internacional (AEI), gérant ses activités dans les énergies renouvelables hors d’Espagne, au fonds d’investissement américain KKR. – (AFP.) Mais sur le fond, force est de le constater : les investisseurs européens n’ont plus le cœur à s’angoisser. D’abord parce qu’un certain Mario Draghi, président de la BCE, est passé par là, en annonçant, le 22 janvier, un programme géant de rachat de quelque 1 140 milliards d’euros de dettes publiques et privées pour relancer le crédit et la croissance en zone euro. Tsipras rassure Ensuite, parce que M. Tsipras a su trouver les mots pour rassurer les Européens – notamment en réfutant toute velléité d’abandonner l’euro. Enfin, parce que ces mêmes Européens semblent désormais se rendre à l’idée qu’une relance bien pensée est plus profitable à l’économie du Vieux Continent que des cures d’austérité mal calibrées. Sur la semaine, les Bourses européennes affichent au final un score étal – d’autant plus rassurant qu’il intervient après une semaine où les indices avaient littéralement explosé. A Paris, le CAC 40 a lâché – 0,79 %, tandis que le Dax allemand grappillait 0,42 % et le Foostie londonien abandonnait 1,22%. Rien de tel de l’autre côté de l’Atlantique. A Wall Street, le Dow Jones a reculé de 2,87 %, et le Nasdaq, l’indice des valeurs technologiques, de 2,58 %, en dépit des bons résultats financiers publiés par les fleurons de la high-tech américaine, Apple et Facebook. Aux Etats-Unis, la hausse continue du billet vert handicape les exportateurs et fragilise la reprise Un contre-pied aux performances 2014, une année au cours de laquelle le CAC 40 s’était replié de 0,5 % et l’EuroStoxx 600 n’avait crû que de 1,2 %, quand le S&P 500 s’envolait de 11,4 %. C’est qu’aux Etats-Unis, une nouvelle composante est venue déstabiliser des investisseurs : la hausse continue du dollar, qui s’est renchéri de près de 20 % face à l’euro depuis le printemps 2014. Couplée au fort recul du baril de pétrole, elle handicape les exportateurs et fragilise la reprise. Attisé par le plan de la BCE qui fait baisser l’euro, renforcé par la perspective d’un relèvement des taux de la banque centrale américaine, la Fed, ce rebond du billet vert commence à peser sérieusement sur le moral des investisseurs. Coup sur coup, plusieurs géants de Wall Street ont annoncé des résultats décevants cette semaine, sur fond de risque de change accru : Microsoft, Caterpillar, Procter & Gamble… La sanction des investisseurs a été immédiate. Désormais la Bourse se raccroche à un mot, un seul : celui de la présidente de la réserve fédérale (Fed, banque centrale), Janet Yellen, qui a redit cette semaine à l’issue d’une réunion de son comité de politique monétaire que l’institution monétaire saurait se montrer « patiente » avant d’entamer son resserrement monétaire. « Aux Etats-Unis, les marchés restent sous la menace d’un décrochage si jamais la Fed supprime le terme “patient” de son communiqué, ce qui annoncerait une hausse prochaine des taux directeurs », confirment les analystes d’Aurel BG. Mais la prochaine réunion de la Fed ne se déroulera que le 18 mars. De là à croire que l’inquiétude a définitivement changé de rive de l’Atlantique, il n’y a qu’un pas… qu’il serait prématuré de franchir. La teneur et le calendrier des négociations entre la Grèce et ses créanciers, mais aussi la situation géopolitique en Ukraine, constituent autant d’aléas à même d’enflammer de nouveau les marchés. Un mois après le début de l’année, les observateurs de tous bords continuent de le dire haut et fort : 2015 sera placée sous le signe de la volatilité en Bourse. Plus que jamais, il faut s’attendre à de brusques variations des cours à la hausse ou à la baisse. p audrey tonnelier MATIÈRES PREMIÈRES TAUX & CHANGES La boulimie de la Chine pour le sorgho Bataille pour une monnaie faible M o Yan, l’auteur chinois Prix Nobel de littérature, a donné ses lettres de noblesse à une céréale souvent laissée dans l’ombre. Le sorgho. L’ouvrage Le Clan du sorgho rouge, porté ensuite à l’écran par son compatriote le cinéaste Zhang Yimou, a contribué à sa notoriété. Près de trente ans plus tard, la Chine crée à nouveau l’actualité sur cette céréale. Le drapeau rouge plane sur le marché du sorgho. Les chinois achètent en effet, depuis peu, du sorgho à tour de bras. Une véritable boulimie. Qu’on en juge. « En 2014, ils ont importé 3,5 millions de tonnes de sorgho, contre 15 000 tonnes en 2012 et 317 000 en 2013 », estime François Luguenot, responsable de l’analyse des marchés chez InVivo. Le rythme ne devrait pas ralentir cette année, puisque les prévisions tablent sur des achats compris entre 5,5 à 6,5 millions de tonnes. A priori, il peut s’agir parfois, comme dans le livre de Mo Yan, de transformer cette graminée en flots d’alcool blanc, le fameux baiju, ou en bière. Elle est surtout devenue très prisée des fabricants chinois d’alimentation animale. Il leur faut calmer l’appétit des poules, veaux, vaches, cochons dont les rangs ne cessent de s’étoffer. Moins chers et disponibles Le maïs est l’ingrédient du menu idéal des volailles et bétail, direzvous. Justement, même s’il est très difficile d’analyser ce marché souvent opaque, la Chine croulerait sous les stocks de grain jaune. Le gouvernement en a amassé dans ses greniers. Mais, l’ayant acheté au prix fort, il écoule le maïs à un prix élevé. Les acheteurs chinois Rebond COURS DU SORGHO, EN DOLLARS AUSTRALIENS PAR TONNE CUBIQUE 261 177 JANVIER 2010 DÉCEMBRE 2014 SOURCE : BANQUE MONDIALE traînent des pieds. Les autorités ont également stoppé à leur frontière, en 2014, des cargaisons de maïs américain. Raison invoquée : il était génétiquement modifié. L’interdiction a finalement été levée en décembre. Moins chers, disponibles, le sorgho mais aussi l’orge se sont bousculés au portillon chinois. Bingo pour les fermiers américains qui produisent cette graminée ! L’Afrique, où on le consomme comme une autre céréale et où on le transforme en bière ou autre alcool fermenté, reste le plus gros producteur mondial, avec un total, selon M. Luguenot, de 23 à 24 millions de tonnes. Mais les Etats-Unis, avec une récolte de près de 10 millions de tonnes, sont les plus gros exportateurs. Là les débouchés sont encore plus vastes. Ainsi, Total a investi en 2014 dans une société californienne, NexSteppe, spécialisée dans les semences de sorgho adaptées aux biocarburants. Et les Américains mettent de plus en plus le sorgho à leur menu. Résultat les prix grimpent. En Australie, autre grand pays producteur, la tonne se négociait à 261 dollars australiens (178 euros) en décembre, contre 200 en août. De quoi motiver les Européens ? D’autant que cette plante peu gourmande en eau, engrais et pesticide, favorisant les assolements, est parée de vertus « vertes ». En France, selon FranceAgriMer, la production a bondi en 2014 à 400 000 tonnes, grâce à des rendements et des surfaces accrus. p laurence girard L a monnaie, finalement, c’est un peu comme une coupe de cheveux. On n’est jamais content de celle qu’on a. Son cours baisse ? Les consommateurs se plaignent de la flambée du prix des produits importés que cela entraîne, tandis que les exportateurs se frottent les mains, heureux de gagner un peu de compétitivité à l’international. Son cours monte ? Ce sont cette fois les premiers qui se réjouissent, alors que les seconds se lamentent. En ce moment, les grandes entreprises américaines disent ainsi pis que pendre de l’appréciation du dollar. Celle-ci est pourtant une bonne nouvelle : elle est le signe que l’économie américaine va bien, et incomparablement mieux que celle de la zone euro. N’empêche, les exportateurs voudraient bien le beurre et l’argent du beurre : une économie forte et une devise faible. Ce qui est en pratique impossible. Le 28 janvier, prenant de court les marchés, celle de Singapour a ainsi assoupli sa politique monétaire, en resserrant la marge tolérée pour l’appréciation du dollar singapourien face à un panier de devises. Elle n’a pas dévoilé les détails, mais une chose est sûre : son objectif est d’affaiblir sa devise. Et elle n’est pas la seule. Le 15 janvier, son homologue indienne a abaissé son principal taux directeur de 8 % à 7,75 %. Huit jours plus tard, la banque centrale du Canada réduisait le sien de 1 % à 0,75 %, là aussi afin de pousser le dollar canadien à la baisse. Et l’Australie pourrait suivre. La course à la devise faible est lancée. Mais pas seulement pour le bonheur des exportateurs locaux. Ces temps-ci, les banques centrales s’inquiètent des pressions déflationnistes à l’œuvre dans le monde. Partout, la chute rapide des cours du pétrole fait baisser les prix, ce qui alourdit le poids des dettes. Surtout, les instituts monétaires paniquent devant le ralentissement de l’économie mondiale. Mais où est donc passée la croissance ? Dans tous les cas, une chose est sûre : dans la bataille pour une monnaie faible, il ne peut pas y avoir que des gagnants. C’est le principe des vases communicants : lorsqu’une devise baisse, une autre monte. La Suisse peut en témoigner. En abandonnant le taux de change fixe avec l’euro à la mi-janvier, le petit pays a vu le franc suisse décoller de 30 % en une journée. Aïe… p Pressions déflationnistes Mercredi 28 janvier, à l’issue de sa réunion de deux jours, la Réserve fédérale américaine (Fed, banque centrale) a pris acte de la bonne conjoncture américaine. Selon les analystes, elle pourrait remonter ses taux directeurs d’ici à juin. Ce qui attirera des capitaux sur le sol américain, et poussera encore le billet vert à la hausse face aux autres devises. De son côté, l’euro, qui est déjà tombé de 1,40 à 1,12 dollar depuis l’été 2014, devrait poursuivre sa décrue. Et ce, parce que la Banque centrale européenne (BCE) va masmarie charrel sivement racheter des dettes publiques. En augmentant la quantité d’euros en circula- LA SOCIÉTÉ DES LECTEURS DU « MONDE » tion, elle fera baisser la valeur de celui-ci. COURS DE L'ACTION Dollar en hausse, euro en baisse… N’en VENDREDI 30 JANVIER déplaisent aux entreprises américaines, les premières à faire les frais de ce bazar moSociété des lecteurs du « Monde » nétaire sont en vérité les petites banques 80, boulevard Auguste-Blanqui, 75707 Paris Cedex 13 Tel. : 01 57 28 25 01 - [email protected] centrales des autres continents. 1,03€ argent & placements | 7 0123 DIMANCHE 1ER - LUNDI 2 FÉVRIER 2015 Se prémunir contre les loyers impayés CLIGNOTANT La tranquillité a un prix. Si vous optez pour l’assurance, gare aux modalités du contrat D aniel était un bailleur heureux… jusqu’à ce que son locataire parisien ne paie plus son loyer. Une catastrophe pour ce quinquagénaire qui comptait sur ce revenu pour rembourser son crédit immobilier. « Aujourd’hui, 3 % à 5 % des locations sont touchées par des impayés », souligne Eric Mazet, directeur de l’audit du réseau Orpi. Un risque qui tend à augmenter en raison de la crise économique. Pour les particuliers bailleurs, deux solutions permettent de se prémunir contre une telle mésaventure : la caution et l’assurance loyers impayés (ALI), aussi appelée garantie des loyers impayés (GLI). Notons que la garantie des risques locatifs (GRL), qui est proposée aux bailleurs par l’Etat et l’organisme Action logement, vit ses dernières heures. Elle sera remplacée, à compter du 1er janvier 2016, par un nouveau dispositif qui s’adressera aux locataires de moins de 30 ans, à faibles ressources ou ayant un emploi précaire (CDD, intérim…). La caution est la solution la plus intéressante pour le bailleur puisqu’elle ne coûte rien. Mais elle n’est pas parfaite, le garant n’étant pas non plus à l’abri d’un pépin financier. L’assurance, en revanche, n’est pas donnée – entre 2 % et 4 % du montant des loyers –, même si cette prime est déductible des revenus fonciers. Et les tarifs ont tendance à augmenter. Surtout, elle ne vous indemnise qu’au bout de trois à quatre mois après le constat de l’impayé (rétroactivement au premier jour du sinistre), ce qui n’est pas la panacée pour les propriétaires qui doivent rembourser des mensualités. « Si vous nous confiez votre bien en gestion, la garantie prend le relais tout de suite », précise toutefois Bruno Duvert de Foncia. Attention : les bailleurs qui s’assurent contre les loyers impayés n’ont pas le droit de réclamer une caution, sauf si le locataire est un étudiant ou un apprenti. Il est possible de souscrire une telle assurance individuellement, ou par le biais d’un contrat groupe si vous confiez la gestion de votre bien à un réseau d’agences immobilières, d’administrateurs de biens ou si vous adhérez à des organisations comme l’Union nationale de la propriété immobilière. Socle de garanties La plupart des contrats proposent un même socle de garanties : les loyers impayés (y compris les charges et taxes récupérables, mais pas le dépôt de garantie), les frais liés au contentieux, les dégradations et la protection juridique. Mais le coût varie du simple au double et il faut bien vérifier les plafonds d’indemnisation, qui diffèrent selon les acteurs. En cas de sinistre, les frais de contentieux (avocat, huissier…) peuvent aussi Des offres très variables EXEMPLES DE CONTRATS D’ASSURANCE LOYERS IMPAYÉS TAUX DE LA PRIME (% du loyer+charges) LOYERS IMPAYÉS 3% Sans limitation 2,6 % (moyenne) Jusqu’à 90 000 € 2,96 % Jusqu’à 69 000 € (2) 2,55 à 2,70 % 24 mois sans plafond Axa 3,35 % Jusqu’à 90 000 € (3) Ad Valorem (1) (Crédit Foncier) 2,4 % Sans limitation Distributeur Foncia (1) ORPI Solly Azar Sacapp 1. Si la gestion locative est confiée. 2. Loyer plafonné à 2 300 €/mois et durée à 30 mois. 3. Loyers et charges plafonnés à 3 000 €/mois SOURCE : « LE MONDE ARGENT & PLACEMENTS » I MMOBI LI ER Les plaintes des locataires en hausse être assortis d’un plafond, mais seulement quand l’assuré fait intervenir son avocat. « En moyenne, une procédure d’expulsion dure dix-huit mois et coûte 1 800 euros, à quoi s’ajoute bien sûr la perte de loyer sur cette période », dit Alexandre Seys, du courtier en assurance Solly Azar. Si le contrat couvre les dégradations faites par le locataire, fréquentes lors d’impayés, la garantie couvre aussi les frais de remise en état. Là encore le montant de l’indemnisation est plafonné. La protection juridique, elle, protège le bailleur en cas de litige avec son locataire pour d’autres problèmes que les loyers impayés. Un conseil : si vous envisagez de souscrire l’assurance, faites-le au moment de l’entrée d’un nouveau locataire. Car, en cours de bail, les assureurs se montrent nettement plus méfiants. Sauf à prouver que votre locataire n’a pas eu d’incident de paiement depuis longtemps… Sachez aussi que les assureurs sont d’autant plus vigilants que le taux de sinistralité a fortement progressé ces dernières années. « Il a bondi de 30 % en cinq ans », note Bruno Tuma, du courtier en assurance Sacapp. C’est pour cette raison que, même pour un nouveau locataire, la compagnie impose des conditions très rigoureuses : contrat de travail en CDI, revenus trois fois supérieurs au montant du loyer… Et mieux vaut respecter à la lettre les prescriptions et, en cas d’impayés, suivre la procédure définie dans les conditions prévues au contrat. Sinon, l’assureur pourrait refuser de vous rembourser. Si vous passez par un gestionnaire, c’est lui qui se chargera de recruter votre locataire, de soumettre son dossier à l’assureur et d’effectuer les premières démarches en cas d’impayés. Mais déléguer la gestion de son bien à un coût. Vous devrez abandonner 8 % à 9 % de vos loyers. p La Confédération générale du logement (CGL) a publié, lundi 26 janvier, son « baromètre des plaintes des usagers du logement ». Cette étude annuelle s’appuie sur 2 800 griefs reçus par l’association de consommateurs. Un chiffre en hausse de 30 % par rapport à 2012. La principale source de conflits concerne le dépôt de garantie, le propriétaire tardant à rendre la somme au locataire ou l’amputant sans justification. Les « troubles de jouissance », définis comme des problèmes d’insalubrité et d’humidité, dus en grande partie à un mauvais entretien des lieux par le bailleur, arrivent en deuxième, même si ces litiges sont en baisse. Les conflits liés aux charges locatives complètent le podium. QUESTION À UN EXPERT colette sabarly olivier rozenfeld, président de Fidroit Dans quels cas ne perçoit-on pas la pension de réversion ? Toucher la pension de réversion de son conjoint n’est pas automatique. Il faut respecter certains critères. Tout d’abord les partenaires de pacs, tout comme les concubins, sont exclus de ce dispositif, et ce même s’ils vivaient ensemble depuis de longues années. Ensuite, dans le régime de base des salariés, il faut être âgé d’au moins 55 ans pour la percevoir. Son montant est de 54 % de la pension dont bénéficiait ou aurait bénéficié la personne décédée et ne peut dépasser 10 138 euros par an. Le bénéfice de cette réversion profite aussi aux ex-conjoints, même s’ils se sont remariés. La pension est répartie entre le conjoint survivant et le ou les ex au prorata des années de mariage. Le décès de l’un d’eux conduit à répartir la fraction de pension qui lui revenait entre les autres bénéficiaires. Mais le montant de la pension sera réduit selon le niveau de vos ressources. Au-delà de 19 822 euros par an pour une personne seule, ou 1,6 fois ce montant si elle est en couple, soit 31 716 euros, la pension sera diminuée. En revanche, il est possible d’obtenir des majorations pour enfant à charge et il existe une pension minimale fixée à 3 403 euros par an si la personne avait cotisé au moins 60 trimestres au régime général. Les règles diffèrent dans les régimes complémentaires. La pension de réversion Agirc et Arcco est attribuée sans condition de ressources, mais avec des conditions d’âge. Surtout, en cas de remariage, celle-ci est supprimée. p VILLES EN MUE & CIV ILI SATIO NS NOUVEAU Bâtiment moderne La création du musée en l’honneur de l’enfant du pays a été décidée dans les années 2000. L’occasion pour la municipalité de transformer son cœur de ville. « Le Musée Pierre Soulages est la vitrine d’un nouvel espace de vie et d’animation, consacré à la culture et aux loisirs. Nous avons donc engagé une vaste rénovation aux alentours, aménagé la place et installé des équipements collectifs autour du Foirail », précise Christian Teyssèdre, maire PS de Rodez. Le musée, un bâtiment moderne en acier marie pellefigue ; PORTUGAL 6,50 . CHF ; TUNISIE 12 DTU LE CODE URABI DE HAMM , 60 MAD ; SUISSE 9,50 CÉDRIC MÉRAVILLES COMMENT ES LA CITÉ DES DOG S’EST IMPOSÉE AVANT MOÏSE BLES LES PREMIÈRES TA I LO LA DE LIBAN 12 000 LBP ; MAROC En acier rouge corrodé, le Musée Pierre Soulages, à Rodez. S N O I T A S I L I V & CI ET VENISE SORTIT DE L’EAU $CAN ; 5,95 ; CANADA 8,95 rouge corrodé, donne sur le versant est de la place, sur lequel un vaste jardin public paysager a été ouvert à l’été 2014. Au nord et à l’est du Foirail, de nouveaux bâtiments ont vu le jour, comme ce multiplexe de cinémas de 1 600 places ou la salle des fêtes, qui a remplacé le centre des congrès prévu à l’origine. En 2012, la ville avait, en amont, lancé une réfection de son équipement urbain, en refaisant, notamment, intégralement l’avenue de l’Europe et la place d’Armes, au pied de la cathédrale. « Dans toutes les rénovations de voirie, nous avons volontairement fait le choix de rendre la ville plus facilement accessible et de laisser davantage d’espace aux piétons en réduisant la place des voitures », souligne Christian Teyssèdre. Au total, cette transformation du cœur de Rodez aura coûté 74 millions d’euros, dont 25 millions pour le musée et 20 millions pour la rénovation urbaine et la construction du jardin public du Foiral. Le financement a été intégralement assuré par la ville et la communauté d’agglomération. Le tout avec une diminution de la dette de la ville de 5,5 millions d’euros sous la précédente mandature. « Un miracle ! », s’était exclamé François Hollande, venu le 30 mai 2014, inaugurer le musée. p N° 3 FÉVRIER 2015 BOURG 6,50 ; BELGIQUE LUXEM CFA ; ANTILLES-RÉUNION L’ installation du Musée Pierre Soulages à Rodez n’a pas seulement donné un coup de projecteur sur la capitale de l’Aveyron. Ce projet a entraîné dans son sillage un toilettage géant de ses environs, et notamment de la place médiévale du Foirail. Ce large espace urbain, laissé en friche, était destiné, à l’origine, à accueillir les foires à bestiaux régionales. Mais, au fil du temps, la place était devenue un parking gratuit à ciel ouvert, un no man’s land où personne ne s’arrêtait. Pourtant, le Foirail était idéalement situé, à 200 mètres de l’hypercentre historique et du quartier de Bourran, sorti de terre dans les années 1990. NAUX CHAND DE JOUR CHEZ VOTRE MAR SOLIMAN ELANE ET ROX D’UN SULTAN L’AMOUR ET D’UNE ESCLAVE ON NAPOE LÉ RECONQUÊTE LA FOLL DES CENT-JOURS AFRIQUE 4800 F Le cœur de Rodez profite du Musée Soulages Chaque mois, un voyage à travers le temps et les grandes civilisations à l’origine de notre monde 8 | MÉDIAS&PIXELS 0123 DIMANCHE 1ER - LUNDI 2 FÉVRIER 2015 Un ministre grec formé à l’économie virtuelle Avant de prendre en charge les finances du pays, Yanis Varoufakis étudiait les échanges dans les jeux en ligne sés par les balances des paiements, j’ai compris que c’était la même situation qu’entre la Grèce et l’Allemagne – une idée qui ne me serait jamais venue si je n’avais pas lu votre blog », écrit Gabe Newell. Yanis Varoufakis hésite. Il ne connaît rien aux jeux vidéo, mais il s’y connaît en théorie des jeux – un concept qui existe en économie comme en sociologie et en informatique, et qui consiste à prévoir aussi précisément que possible les actions et décisions d’un tiers. Il a même écrit un livre de référence sur le sujet au début des années 1990. Les mondes de jeux comme Dota ou de Team Fortress 2 ne l’intéressent pas en tant que tels, mais, avec leurs échanges numériques entièrement enregistrés, ils représentent un modèle d’étude inespéré. « Le rêve devenu réalité de tout économiste », relève Varoufakis : « Voyez donc : une économie dans laquelle chaque action laisse une trace numérique, où chaque transaction est enregistrée ; une économie, en effet, où il n’y a pas besoin de statistiques, puisque nous avons toutes les données chiffrées ! » Pour beaucoup, étudier l’économie interne d’un jeu vidéo pourrait passer pour un enfantillage. Le chercheur y voit au contraire un moyen inespéré de faire progresser la science économique. C’est ainsi qu’en juin 2012 Varoufakis devient consultant chargé de l’analyse des données statistiques recueillies par Valve. Un poste de chercheur avec un labo- PU BLI C I T É Le marché français en baisse de 1,4 % à 1,7 % en 2014 Les recettes nettes des médias français ont reculé en 2014, mais de façon moins marquée que lors de l’exercice précédent, selon une estimation publiée vendredi 30 janvier par l’Institut de recherche et d’études publicitaires (IREP). La plus forte baisse concerne la presse, dont les recettes nettes ont baissé de 8,5 % à 9 % (contre – 8,4 % en 2013). L’Internet enregistre pour sa part la plus forte progression, soit entre + 4,5 % et + 5 % (contre + 4 % en 2013). Les recettes des chaînes de télévision sont de leur côté en voie de stabilisation (0 % à – 0,5 % contre – 3,5 % en 2013) tandis que celles des radios ont reculé de 2 % à 2,5 % (contre – 0,1 % en 2013). MUSI QU E EN LI GN E Le suédois Spotify pourrait lever 500 millions d’euros Le numéro un mondial de la musique en ligne, le suédois Spotify, a refusé, vendredi 30 janvier, de commenter les informations suggérant qu’il levait des fonds privés, ce qui pourrait retarder son entrée en Bourse. En Effet, d’après le quotidien Financial Times, Spotify a engagé la banque américaine Goldman Sachs pour collecter 500 millions de dollars (443 millions d’euros), repoussant les rumeurs d’une imminente introduction sur les marchés boursiers. L’entreprise sué- ratoire à échelle mondiale. « Cela permet de changer les règles, les paramètres et les valeurs qui soustendent l’économie, et de s’asseoir pour observer comment la communauté répond, comment les prix relatifs évoluent, les nouveaux modèles de comportements qui émergent. » L’un de ses premiers travaux consiste, à peine une semaine après son arrivée, à modéliser l’économie du jeu de tir Team Fortress 2, et notamment la manière dont les cours des objets que s’échangent les joueurs convergent – ou non – vers un point d’équilibre, qui serait leur prix relatif, selon la communauté. Dans la quasi-totalité des théories économiques, l’ensemble des échanges d’un marché tend à terme vers ce point d’équilibre. En outre, Team Fortress 2 et de manière générale la plate-forme Steam ont un autre avantage : ils permettent d’observer une société économique dans ce qu’elle a de plus proche des théories libérales d’Adam Smith, c’est-à-dire basée sur le troc, avec des conventions sociales minimales. Selon la théorie de Smith, le troc cède petit à petit sa place à la monnaie à mesure que les transactions se multiplient et se complexifient. Postulat libéral erroné Or, dans Team Fortress 2, malgré la quantité importante d’échanges entre joueurs, le système reste centré sur l’échange « classique ». La raison ? Les joueurs se débarrassent d’objets virtuels en trop, davantage qu’ils ne cherchent à acquérir des biens. Or, observe Varoufakis, « il y a encore quelques siècles, la plupart des échanges avaient lieu en raison de surplus imprévus : comme dans l’économie de Team Fortress 2 ». L’économie libérale repose sur un postulat de départ erroné, analyse-t-il. Sa conviction se renforce : les modèles économiques utilisés par les gouvernements reposent sur des données incomplètes et des présupposés infondés. « Nos meilleurs modèles économiques – ceux de la Réserve fédérale américaine, du Fonds monétaire international ou de l’Organisation de coopération et de développement économiques ne valent pas la peine d’être construits. Parce qu’ils partent du principe qu’il existe une forme de stabilité et une tendance à converger vers l’équilibre – ce qui ne sert qu’à rendre ces modèles Pour Varoufakis, l’étude de l’économie interne d’un jeu permet de faire progresser la science économique plus jolis. Mais cela n’existe pas dans le réel », disait-il à Reason. Pour autant, les leçons tirées de ces deux ans d’observation ne lui ont pas non plus donné la réponse à la question : « Quelles sont les politiques économiques qui fonctionnent ? » Pour le savoir, estime Varoufakis, il faudrait disposer de jeux qui simulent plus finement des économies plus larges. Pour prouver scientifiquement que les politiques d’austérité sont vouées à l’échec – ce qu’il pense – ou le contraire, « il faudra attendre la création de marchés du travail et de marchés financiers au sein des communautés en ligne ». Mais pour Varoufakis, pas de doute : « Cela va arriver. » Ce ne sera probablement pas lui qui s’en occupera, mais il a la possibilité d’observer au plus près les échanges sur d’autres marchés : ceux où se négocie la dette grecque. p damien leloup et william audureau © AFP / Gianluigi Guercia « Rêve devenu réalité » Le fonctionnement de ces minimarchés et la manière de les équilibrer – ou non – ne sont pas des choses simples. L’entreprise a besoin d’un économiste de haut niveau pour théoriser l’ensemble, et, incidemment, trouver la manière de les exploiter au mieux sans frustrer les joueurs… Pourquoi Yanis Varoufakis ? Gabe Newell ignore bien sûr que l’économiste grec deviendra le ministre des finances d’un très improbable – à l’époque – gouvernement à la gauche de la gauche. Mais sur son site, dont il est un fidèle, il a lu les réquisitoires en règle dressés par Varoufakis contre les mesures d’austérité et les contraintes imposées à la Grèce. « En me débattant avec certains des problèmes les plus pointus po- Les mondes de jeux comme Dota ou Team Fortress 2 offrent un modèle d’étude inespéré doise tire pour le moment 91 % de ses revenus de ses 15 millions d’abonnés payants. – (AFP.) I N T ER N ET Twitter France perd son patron Vendredi 30 janvier, à 17 h 30, le patron de Twitter en France, Olivier Gonzalez, a annoncé son départ de la filiale française du réseau social américain. Arrivé à la tête de Twitter France en août 2013, il a annoncé son départ sur le réseau social. Il a indiqué avoir passé « 140 moments inoubliables » au sein de l’entreprise. RAD I O Matthieu Pigasse candidat au rachat de Radio Nova Matthieu Pigasse, le dirigeant de la banque Lazard, par ailleurs actionnaire du Monde, a indiqué être candidat à la reprise de Radio Nova, vendredi 30 janvier sur BFM Business, soulignant « des complémentarités évidentes » avec Les Inrocks, dont il est propriétaire. M. Pigasse a expliqué vouloir faire cette acquisition à titre personnel. Le patron d’Altice, Patrick Drahi, (NumericableSFR) et Marc Laufer, associés au sein du nouveau groupe de médias NewsCo Mag, « ont regardé le dossier et fait une offre » qui est toujours en cours, a indiqué à l’AFP une source proche du dossier. Les actuels propriétaires de Radio Nova chercheraient à obtenir entre 15 et 20 millions d’euros. – (AFP.) © Thinkstock T out a commencé par « un étrange e-mail », un soir de 2012. Yanis Varoufakis, le nouveau ministre grec des finances, nommé mardi 27 janvier par le premier ministre, Alexis Tsipras, ouvre machinalement un message envoyé par Gabe Newell, le président-directeur général (PDG) de Valve, l’entreprise américaine qui gère la plus grande plate-forme de distribution de jeux vidéo dématérialisés, Steam. Lui dont la dernière partie de jeu vidéo « devait être sur Space Invaders en 1981 ou quelque chose du genre », comme il l’a expliqué au magazine en ligne Reason. com en juin 2014. Gabe Newell cherche à embaucher un économiste : la manière dont Steam mêle économies virtuelle et réelle soulève de sérieuses questions pour le fonctionnement de sa société. Dans de nombreux jeux créés ou distribués par Valve, il existe des « économies parallèles », fonctionnant en circuit semi-fermé : les joueurs peuvent acheter, vendre, échanger des objets ou des tenues personnalisées. NOUVEAU TO U T E L’A F R I Q U E E T L E M E I L L E U R D U MO N D E Sur Le Monde Afrique, retrouvez toutes les actualités africaines : de l’économie au sport, de la politique à l’art de vivre, ainsi que les nouvelles du reste du monde. Avec une rédaction franco-africaine sur le terrain et les journalistes du Monde, ce nouveau site, consultable facilement sur tous les supports, s’adresse à tous les Africains francophones et à tous les amoureux de l’Afrique. Rendez-vous sur Le Monde.fr/Afrique
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