IL EST RESSUSCITÉ ! - La Contre-Réforme catholique au XXIe siècle

La Contre-Réforme Catholique au XXI e siècle
IL EST RESSUSCITÉ !
N o  151  -  Mai 2015
E
Rédaction : frère Bruno Bonnet-Eymard
Mensuel. Abonnement : 30 €
FR A NÇOIS
PA P E D E L A M I S É R I C O R D E
N décembre 1993, l’abbé de Nantes citait deux songes prophétiques de don Bosco. Le premier daté
du 5 janvier 1870, « c’est-à-dire au plus haut sommet de l’illusion impériale », quand les Français
allaient plébisciter, par sept millions de oui contre un million et demi de non , Napoléon  III qui allait
jeter la France en moins d’un an dans l’invasion étrangère et la guerre civile, le siège de Paris et la
Commune. Notre Père commentait le premier songe sous un titre qui s’impose aujourd’hui, en 2015,
comme le tableau de notre actualité la plus brûlante, la plus angoissante :
LA FRANCE SOUS LE JOUG DE L’ ISLAM
EN JUSTE CHÂTIMENT DE SA LAÏCITÉ
1. «  L a guerre vient du Sud, la paix vient du
nord . »
L’abbé de Nantes commençait par s’étonner :
«  En Europe latine, au temps de don Bosco, c’était
pour tous de l’Allemagne que venait la menace,
et pour le Piémont, de l’empire d’Autriche et non
point du Sud, depuis que Charles  X, roi de France,
avait pris Alger, le 30 juillet 1830.
« Et pour nous, ajoutait-il, jusqu’à hier ou avanthier, c’est du Nord encore, de Moscou et de son
Mai 2015
Armée rouge que nous avions à craindre le pire,
selon les sûres prophéties de Fatima, et non du Sud
où notre façade méditerranéenne s’ouvrait largement
sur nos immenses terres d’Empire. »
Pourtant, Charles de Foucauld, le bienheureux
ermite du Sahara, notre vénéré Père, avait averti.
Dès 1912, il écrivait à sa cousine Marie de Bondy :
« Priez aussi pour tous les musulmans de notre
empire africain maintenant si vaste. L’heure présente
est grave pour leurs âmes comme pour la France.
Depuis quatre-vingts ans qu’Alger est à nous, on
s’est si peu occupé du salut des âmes des musulmans
qu’on peut dire qu’on ne s’en est pas occupé. On ne
s’est pas occupé davantage de les bien administrer
ni de les civiliser. On les a maintenus dans la
soumission et rien de plus. Si les chrétiens de
France ne comprennent pas qu’il est de leur devoir
d’évangéliser leurs colonies, c’est une faute dont ils
rendront compte, et ce sera la cause de la perte
d’une foule d’âmes qui pouvaient être sauvées. Si la
France n’administre pas mieux les indigènes de sa
colonie qu’elle ne l’a fait, elle la perdra et ce sera
un recul de ces peuples vers la barbarie avec perte
d’espoir de christianisme pour longtemps. »
La même année 1912, le saint ermite du Hoggar
écrivait au capitaine Pariel : « Dans cinquante ans,
cet empire africain sera un magnifique prolongement
de la France. Mais si nous traitons ces peuples non
en enfants, mais en matière d’exploitation, l’union
que nous leur aurons donnée se retournera contre
nous, et ils nous jetteront à la mer. »
« Dans cinquante ans  » : 1912 -1962. Le compte y
est ! Aussi, lorsque don Bosco dit :
« La guerre vient du Sud. »
«  Il n’y a aucune hésitation : il s’agit du péril
islamique dont actuellement tout le monde est saisi,
tous parlent sans savoir que penser, que dire et que
faire. C’est une invasion, le déversement continu d’un
trop-plein de population musulmane dans un vide
spirituel, politique et militaire qui s’appelle Démocratie, Europe, République française. D’une rive de
la Méditerranée à l’autre, la Guerre sainte pousse
et cherche sa victoire définitive sur le chemin de
Poitiers, où ils ont une défaite à venger, celle de
732 ! » ( Georges de Nantes, L’ heure de notre délivrance approche ! CRC n o 297, décembre 1993, p. 2 )
« Selon l’agence européenne de contrôle des frontières extérieures Frontex , de 500 000 à 1 000 000
de personnes pourraient tenter l’aventure cette
année, principalement à partir de la Libye. » ( La
Croix du 15 avril 2015 ).
« En Italie, les garde-côtes ont porté secours à
quarante-deux bateaux chargés au total de plus de
6 500 migrants durant les seules journées de dimanche
12 et lundi 13 avril. Ils n’ont pu empêcher la noyade
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d’environ 400 naufragés dont le bateau avait chaviré
avant leur arrivée. La mer Méditerranée est devenue
“ la route la plus mortelle du monde ”, selon le
haut-commissariat aux réfugiés de l’Onu. Mais la
peur de la mort ne dissuade pas ceux qui fuient. »
Notre Père ajoutait en 1993 : « Si la guerre
sainte nous atteint, comme déjà vingt-six coopérants
“ chrétiens ” d’Algérie sommés d’apostasier pour
embrasser la foi islamique, et onze l’ont fait, les
quinze autres ont été rituellement égorgés d’une
oreille à l’autre, au couteau... que ferons-nous ?
Des peuples immenses, jadis se sont laissés ainsi
conquérir et sont passés du Christ à l’islam en
masse, définitivement. »
« Du Nord vient la paix. »
« L’affirmation prophétique est aussi nette, d’une
parfaite sérénité. Ce n’est pas pour autant un oracle
de bonheur, du moins pas encore... La langue de
saint Jean Bosco est sans fioritures, on sent ce qu’il
voit. »
Aujourd’hui, en 2015, nous le voyons de nos
yeux, et ce n’est plus un songe ! C’est un oracle qui
fait un tableau de la France actuelle avec la franchise
brutale des lamentations de Jérémie sur Jérusalem :
« Les lois de la France ne reconnaissent plus le
Créateur. » Telle est la laïcité bétonnée de la République fondée au lendemain du songe de don Bosco
par monsieur Thiers, sur le double fondement de la
liberté et de la Révolution, aujourd’hui consolidées
par l’athéisme brut du Grand-Orient de France.
Son grand - maître s’appelle Daniel Keller, normalien, agrégé de lettres et énarque, décidé à
« remettre le Grand-Orient au cœur de la société par
le biais de conférences et de débats de fond, comme
cette conférence publique, dimanche 12 avril 2015, sur
“ la reconquête des territoires de la République ” » !
Publicité gratuite du Figaro du 10 avril 2015...
« C’est trop de présomption aux yeux de notre
Père Céleste », avertissait notre Père terrestre :
« Mais le Créateur se fera connaître et il la visitera
à trois reprises », continuait en effet don Bosco. Et
notre Père commentait : « C’est facile à Dieu d’engager une vaste main-d’œuvre pour une telle besogne.
Il n’y emploie jamais les siens – c’est une œuvre
servile ! Il préfère y jeter les uns contre les autres
ses divers adversaires afin de ménager le sang, les
maisons, l’avenir de ses saints. »
Sunnites contre chiites, Palestiniens contre Israéliens, pour les uns et les autres, c’est le djiḥad, mot
qui traduit très exactement « la réunion en vue de la
sortie en bandes sur le sentier de la guerre » ( Coran ,
S. 2, vt. 218 ), qui déborde maintenant en plein Paris,
dans nos banlieues et dans nos campagnes.
Mai 2015
« Ainsi le Dieu des Français, rejeté par eux, leur
apprendra ce qu’il en coûte à la “ fille aînée de
l’Église ” de renier sa vocation, de la main féroce du
dieu des musulmans qu’elle fait mine de lui préférer. »
LA GR A NDE R EINE AUX ILI ATR ICE
SECOURS ASSUR É DES CHR ÉTIENS
2. « Mais voici un grand guerrier du Nord. Il porte
un étendard ; sur la droite qui le soutient est écrit :
irrésistible main du Seigneur. »
Notre Père a cru voir ce « grand guerrier du
Nord » en la personne de « Gorbatchev, ce géant ! »
Mais aujourd’hui, il nous est facile de le reconnaître
en Vladimir Poutine :
« À ce moment, le vénérable Vieillard du Latium vient
à sa rencontre en brandissant un flambeau très ardent.
Alors l’étendard se déploie et de noir qu’il était devient
d’un blanc de neige. Au milieu était écrit en caractères
d’or le nom de Celui qui peut tout. »
Ainsi, ce grand guerrier qui vient du Nord,
cet envahisseur dont le pavillon noir annonçait les
ravages et la mort, se change en médiateur de paix :
« Ce “ flambeau très ardent ” illumine l’esprit du
guerrier et de ses capitaines. L’ordre de guerre se
change en offre de paix. Tel Attila flatté d’être saintement traité par les augustes pontifes “ défenseurs de
leurs cités ”, comme Constantin et Clovis se convertissant au Christ à l’annonce de la victoire qui leur
est promise par le Vicaire du Christ. »
Celui-ci, « soudainement saisi par une inspiration
divine, par un message de Marie Immaculée [ qui
peut le dire ? Nous, de l’Armée mariale ! ], tel saint
­Grégoire le Grand, tel saint Loup de Troyes, se lève
et s’avance à la rencontre de cet autre Attila. Il a dans
sa main le message de Fatima. » Ce que contient ce
dernier, nous le savons : une demande de consécration
de la Russie au Cœur Immaculé de Marie.
Ici, notre Père hésitait : « Mikhaïl Gorbatchev se
convertirait à l’invitation de Karol Wojtyla, JeanPaul  II ? » Ses supérieurs ont voulu le faire croire
à sœur Lucie. Notre Père lui-même : « Je ne vois
pas d’autre explication aux paroles de l’oracle, d’un
étendard roulé pour la bataille et noir, signe de
­
­dévastation qui soudain se déploie, blanc comme neige,
devenu celui de l’Immaculée Mère de Dieu. Et le Nom
écrit en lettres d’or est celui du Sacré-Cœur de Jésus,
qui doit sans coup férir conquérir toute la terre. Car
“ rien n’est impossible à Dieu ”. » L’oracle s’accomplit
aujourd’hui par la main de Vladimir Poutine :
« Le guerrier et les siens s’inclinent profondément
devant le vieillard et ils se serrent la main. » Ce qui
s’est exactement accompli lorsque le pape François a
reçu Vladimir Poutine le 25 novembre 2013 ( cf. nos
photos in Il est ressuscité , février 2014, p. 1 et 8 ).
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Ce geste, explique notre Père, signifie un « accord
d’homme à homme, diplomatique, militaire » qui
demeure bien en deçà du « miracle achevé de
la conversion de la Russie à la seule vraie foi
catholique dans la soumission pleine d’allégresse à
l’Église romaine. Néanmoins, les temps s’y prêtent,
et cet accomplissement ne dépend plus que de la
purification et résurrection de l’Église elle-même
comme va nous l’apprendre aussitôt don Bosco.
« Maintenant la voix du Ciel s’adresse au Pasteur
des pasteurs : “ Tu es dans la Grande Conférence avec tes
Assesseurs, mais l’ennemi du bien ne prend pas un instant
de repos. Il étudie et use de tous les artifices contre toi ;
il sèmera la discorde parmi tes Assesseurs, et suscitera des
ennemis parmi mes fils. Les puissances du siècle vomiront
le feu et étouffe­r ont les paroles des gardiens de ma loi. ” »
Actuel ! nous avons vu cela, cette année, avec le
Synode sur la famille.
« À mon humble avis, commentait notre Père en
1993, cette voix qui vient du Ciel n’est pas celle du
Seigneur lui-même, ni d’un ange, mais d’un homme
selon l’enseignement des saints nous apprenant que
pour rappeler aux chrétiens le respect de leur foi
et de leur loi divine, il suffit de voix humaines,
et peut-être d’envoyés du Ciel, simples docteurs
ou même humbles bergères sans instruction obéissant à la voix de l’Église sainte, car leur message
n’excède en rien les lumières du sens commun
catholique que tous ont en partage... » Celles-là
mêmes que n’a cessé d’invoquer Georges de Nantes
pour « rappeler aux chrétiens le respect de leur
foi et de leur loi divine » un demi-siècle durant.
« Que dit en effet cette voix ? Rien encore que
tous ne sachent, de ceux qui entourent le Pape et
gouvernent l’Église sous son autorité : Qu’au lieu
de tenir des conciles et conciliabules, en forme de
parlements démocratiques, ouverts à tous les vents
du monde mauvais, le Pape doit brandir le glaive de
la Parole divine contre ses ennemis, cachés dans sa
propre Maison et parmi ses collaborateurs intimes,
secrè­tement d’accord avec les persécuteurs du dehors.
Et qui sont ces ennemis ? sinon les modernistes et
progressistes, insinués comme des serpents jusque
dans ses conseils secrets, et les francs-maçons dont le
pouvoir occulte commande tout aujourd’hui. Ceux-ci
étouffant l’Église sous la raison diabolique de la
laïcité et de la liberté, ceux-là suscitant la zizanie
et l’apostasie dans tous les cercles et assemblées
ecclésias­tiques. » Et autres “ Ratzinger-Schülerkreis ”.
« Qui pourrait sans fidélité au Christ et sans invocation à Marie, sous l’occupation islamique... juguler
la franc-maçonnerie devenue la pieuvre, l’hydre malfaisante de l’Occident ? »
Mais alors, moyennant cette fidélité, plus de
crainte ! Voix du messager s’adressant au Pape :
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« Toi, hâte-toi », car les Temps vont vers leur
fin ! Cela dit au Pape par un homme quelconque à
lui envoyé par Dieu, est d’une force d’admonestation
décisive. Mais la suite de ce message est d’un sens
pratique digne de celui qu’on vit déployé en saint
Jean Bosco, comme en son Pape, Pie  IX, ou en
saint Pie  X. Et c’est la vieille religion in­changée qui,
à son appel, refleurira par toute la terre :
« Si les difficultés demeurent, qu’elles soient tranchées. Si tu te trouves en peine ne t’arrête pas, mais
continue jusqu’à ce que soit brisée la tête de l’hydre
de l’erreur. Ce coup fera trembler la terre et l’enfer... »
« À ce coup, c’en sera fini du doute, du libéralisme, de toute hésitation, compromission, lâcheté.
Le Pape régnera. L’heure sera terrible à la terre et
à l’enfer...
«  Mais le monde sera rassuré et tous les bons
exulteront. »
« Ah ! quel temps tragique, quel temps prodigieux, quel temps messianique ce sera ! Tous craindront pour la vie du “ Vieillard du Latium ”, proscrit,
chassé d’un pays à l’autre, les Érinyies lancées à sa
poursuite. Cependant, qu’il ne craigne rien !
« Garde donc à tes côtés seulement deux asses­seurs,
mais où que tu ailles, poursuis et achève l’œu­vre qui te
fut confiée [ au jour de ton sacre ! ]. Les jours passent
vite, tes années avancent vers l’heure prescrite... »
« J’interromps un instant le cours de cette révélation, écrit notre Père, pour vous en émouvoir :
Quelle vision d’avenir dramatique mais libératrice !
exultante ! Comme nous sommes ainsi attirés à prier
pour le Pape, tels les trois enfants de Fatima qui le
firent avec tant de générosité ! et c’était déjà pour
ce Pape de ces temps d’apostasie et de persécution.
Ne serait-ce pas Jean-Paul  II ? Je l’imagine et je
l’espère. » Hélas !
Notre saint pape François le cite dans sa bulle
d’indiction Misericordiæ Vultus  :
« Nous ne pouvons pas oublier le grand enseignement que saint Jean-Paul  II nous a donné dans sa
deuxième encyclique Dives in misericordia , qui arriva
à l’époque de façon inattendue et provoqua beaucoup
de surprise en raison du thème abordé. Je voudrais
revenir plus particulièrement sur deux expressions. Tout
d’abord, le saint Pape remarque l’oubli du thème de
la miséricorde dans la culture actuelle :
« “ La mentalité contemporaine semble s’opposer au
Dieu de miséricorde, et elle tend à éliminer de la vie et à
ôter du cœur humain la notion même de miséricorde. Le
mot et l’idée de miséricorde semblent mettre mal à l’aise
l’homme qui, grâce à un développement scientifique et
technique inconnu jusqu’ici, est devenu maître de la terre
qu’il a soumise et dominée ( cf. Gn 1, 28 ). Cette domination de la terre, entendue parfois de façon unilatérale
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et superficielle, ne laisse pas de place, semble-t-il, à la
miséricorde... Et c’est pourquoi, dans la situation actuelle
de l’Église et du monde, bien des hommes et bien des
milieux, guidés par un sens aigu de la foi, s’adressent,
je dirais quasi spontanément, à la miséricorde de Dieu. ”
« C’est ainsi que saint Jean-Paul II justifiait l’urgence de l’annonce et du témoignage à l’égard de
la miséricorde dans le monde contemporain : “ Il est
dicté par l’amour envers l’homme, envers tout ce qui est
humain, et qui, selon l’intuition d’une grande partie des
hommes de ce temps, est menacé par un péril immense.
Le mystère du Christ... m’a poussé à rappeler dans
l’encyclique Redemptor Hominis sa dignité incomparable, m’oblige aussi à proclamer la miséricorde en tant
qu’amour miséricordieux de Dieu révélé dans ce mystère.
Il me conduit également à en appeler à cette miséricorde
et à l’implorer dans cette phase difficile et critique de
l’histoire de l’Église et du monde. ” Son enseignement
demeure plus que jamais d’actualité et mérite d’être
repris en cette Année sainte. Recevons ses paroles
de façon renouvelée : “ L’Église vit d’une vie authentique lorsqu’elle professe et proclame la Miséricorde,
attribut le plus admirable du Créateur et du Rédempteur,
et lorsqu’elle conduit les hommes aux sources de la
Miséricorde du Sauveur, dont elle est la dépositaire et
la dispensatrice. ” » (n o 11 )
Il fallait citer ce passage pour constater que
chez Jean - Paul  II la “ miséricorde ” est un mot,
une abstraction. On comprend que cette encyclique
n’ait pas suscité le moindre acte de contrition dans
l’âme d’un pécheur. D’ailleurs, il n’est pas question
de “ péché ”, mais de « dignité incomparable » de
l’homme ; c’est elle qui est supposée « en appeler à
la “ miséricorde ” » au numéro 15.
L’abbé de Nantes est le seul théologien, à ma
connaissance, qui ait compris et dénoncé l’erreur de
Jean-Paul  II. Il écrit dans son Livre d’accusation :
« À l’homme épris de lui-même, infatué de sa
valeur et de sa grandeur, vous avez entrepris de faire
accepter l’idée d’une miséricorde divine et humaine
qui lui est insupportable, comme attentatoire à sa
dignité, en la lui expliquant. Votre encyclique Dives
in misericordia est une variation hégélienne sur le
thème évangélique du retour de l’Enfant prodigue.
Vous écartez, pour ne pas faire de peine aux juifs, et
parce qu’il troublerait la bipolarité de votre dialectique,
le personnage encombrant du fils aîné. Lequel, en toute
vérité, dans son insupportable morgue, son orgueil, son
égoïsme et sans aucun doute son hypocrisie, représente
exactement l’homme moderne. Pour lequel le père ne
se départit pas de sa bonté ordinaire, dont nous savons
qu’elle ne le changera pas et ne lui évitera pas la
condamnation finale du Juge divin courroucé.
« Vous ne nous montrez que l’Enfant prodigue
revenant à son père, et celui-ci exerçant à son égard
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une miséricorde interprétée selon la dialectique universelle du maître et de l’esclave, ce “ conte de fées
pour philosophes puérils ”, comme dit Molnar. Dans
cette optique, la rencontre est conflictuelle, et c’est le
vieux père qui reconnaît sa déroute en s’émouvant de
compassion pour son jeune fils devenu plus fort que
lui. Vous faites admettre à ce jeune coq la tendresse
de son père, en la travestissant en reconnaissance de
sa grandeur à lui, le fils, contraignant son père à le
re-connaître et lui re-donner cette place, ces biens
auxquels il a droit. Les bonnes gens ne savent pas
lire de telles choses, et elles se sont réjouies de
voir leur cher Pape parler de la Miséricorde divine,
comme sa vénérée compatriote, sœur Faustine.
«  Les gens d’en face ont trouvé l’explication ingénieuse, mais ils ne l’ont pas avalée pour autant
jusqu’à demander à Dieu miséricorde, ni eux-mêmes
faire miséricorde à leurs frères, à leurs ennemis. Vous‑
même ne leur avez guère donné l’exemple, d’ailleurs.
« Je cite ? Il faudrait tout citer ! “ La fidélité du
père à soi-même est totalement centrée sur l’humanité
du fils perdu, sur sa dignité. Ainsi s’explique surtout
la joyeuse émotion du moment du retour à la maison.
Allant plus loin, on peut dire que l’amour envers le fils,
cet amour qui jaillit de l’essence même de la paternité
( i l n’y a pas d’essence de la paternité, vous devriez le
savoir ; c’est de la philosophie et de la théologie élémentaires. La paternité est une relation d’un être de telle ou
telle essence ), contraint ( v oilà le mot, qui exclut la grâce,
le pardon, la miséricorde et, par suite, la reconnaissance
filiale ) le père à avoir ( à avoir quoi ? miséricorde ? pitié,
tendresse ? non )... à avoir le souci de la dignité de son
fils. » ( Liber accusationis II, p. 72-73 )
Nous sommes à mille années-lumière du pape
François et de son cœur de Père :
«  L’Année sainte s’ouvrira le 8 décembre 2015,
solennité de l’Immaculée Conception. Cette fête liturgique montre comment Dieu agit dès le commencement de notre histoire. Après qu’Adam et Ève eurent
péché, Dieu n’a pas voulu que l’humanité demeure
seule et en proie au mal. C’est pourquoi Marie a été
pensée et voulue sainte et immaculée dans l’amour (cf.
Ep 1, 4 ), pour qu’elle devienne la Mère du Rédempteur de l’homme. Face à la gravité du péché, Dieu
répond par la plénitude du pardon. La miséricorde
sera toujours plus grande que le péché, et nul ne peut
imposer une limite à l’amour de Dieu qui pardonne.
En cette fête de l’Immaculée Conception, j’aurai
la joie d’ouvrir la Porte sainte. En cette occasion,
ce sera une Porte de la Miséricorde, où quiconque
entrera pourra faire l’expérience de l’amour de Dieu
qui console, pardonne, et donne l’espérance. » (n o 3 )
Ce recours du pape François à l’Immaculée,
Reine de la miséricorde, obéit, pour ainsi dire, au
Messager du songe de don Bosco :
No 151 - P. 5
« ... La grande Reine sera toujours ton secours, et
comme dans les temps passés, ainsi sera-t-elle tou­
j ours
à l’avenir “ Magnum et singulare in Ecclesia præsidium ”, ta grande et singulière protection dans l’Église. »
« Ce sera donc, commente notre Père, selon le
langage silencieux des pierres sculptées et inscriptions de la façade et des campaniles de la basilique de Marie-Auxiliatrice, selon le secret qui est
venu providentiellement à notre connaissance, dans
l’année 1996. Qu’avons-nous à trembler, “ hommes
de peu de foi ”, quand est ainsi promise au Souverain Pontife cette aide miséri­cordieuse à tous, et
miraculeuse pour lui, qui doit mener infailliblement
l’Église à son salut ! Et cela, par l’accom­plissement
de l’œuvre qu’il lui appartient à lui seul d’ac­complir :
la définition infaillible de la foi, excommunication
des hérétiques, la condamnation sans réplique des
erreurs monstrueuses de l’Antichrist, qui furent les
siennes mêmes, le rétablissement de la discipline
ecclésiastique et sacramentaire, par quoi reviendront
les bonnes mœurs et la sainteté dans toute l’Église
et reprendra l’évangélisation, amenant la conversion
de toute la terre. Par Marie Auxiliatrice. À partir
de l’an 1996. »
Cette année-là se livra en effet le grand combat
de l’Immaculée contre l’Antichrist et le Diable.
Au terme de son séjour annuel au Canada, avant
son départ, notre Père dit à nos frères : « À mon
âge, une seule chose compte : la défaite de Satan et la
condamnation du concile Vatican  II. » À propos du
point central de cette condamnation, l’hérésie de la
liberté religieuse, il disait  : «  N ous préférons mourir
plutôt que de passer dans l’autre camp ou de s’endormir
dans un monastère bien fermé, mais asphyxié par le
Concile et par le Pape. » L’abbé de Nantes, “ bien
enfermé ” à la trappe de Hauterive, en Suisse, par
Mgr Daucourt, ne s’y laissa pas asphyxier. Il livra
un combat singulier à l’esprit de Satan, présent
en chacun des A c t e s de Vatican  II. Le fruit de
ce combat apocalyptique fut l’Autodafé , la plus
salubre et la plus salutaire des œuvres théologiques
du vingtième siècle. Nous n’hésitons pas à y voir
l’accomplissement de la prophétie de don Bosco.
L ’ ER R A NCE ET LE R ETOUR DU PAPE
Après de laborieuses recherches, notre Père décryptait le deuxième songe de don Bosco la veille
de Noël 1993, et il en écrivait le commentaire au
jour même de la Nativité de Notre-Seigneur :
« De mystérieux événements. » ( 24 mai - 24 juin 1873 )
« Il est question ouvertement d’un exil du Pape,
puis de son retour à Rome. Mais la première clef
de l’énigme tient au caractère spirituel de cette
errance, qu’il ne fallait pas interpréter comme un
Mai 2015
voyage terrestre. La deuxième m’a été donnée dans
une clarté soudaine, dont je n’impose la croyance à
personne. Voici :
LA SORTIE AU PLUS LOIN DU VATICAN .
« C’était durant une nuit obscure ; les gens n’arrivaient plus à distinguer le chemin à suivre pour rentrer
chez eux. »
« Ce langage est à entendre comme une parabole
spirituelle, celle de la “ désorientation diabolique ” à
laquelle doit être soumise toute l’Église à la fin des
temps, c’est-à-dire en cette fin de siècle. Chacun,
nous dit don Bosco, cherchait son chemin dans
la nuit, c’est dire que nul ne savait plus bien ce
qu’était la vraie foi catholique et qu’il était impossible de trouver les moyens de sauver son âme.
« Lorsque apparut dans le ciel une splendide lumière
( una splendidissima luce ) qui éclairait les pas des
voyageurs comme en plein midi. »
« C’est là que je perdis le fil quantes et quantes
fois ; jusqu’à la vigile de Noël où j’eus l’intuition
que cette “ splendide lumière ” n’était pas la Veritatis
splendor , ni le Lumen gentium apportés par le Christ
au monde, mais une fausse lumière d’une Pentecôte
diabolique, fascinant dans l’univers tous ceux qui
n’étaient pas fermement attachés au roc de Pierre et
fondés sur la foi. C’était le pire des prestiges de Satan...
La suite dès lors est parfaitement compréhensible.
« Alors on vit une foule d’hommes, de femmes,
d’enfants et de vieillards, de moines, de religieuses et
de prêtres et à leur tête le Souverain Pontife, sortant du
Vatican et se rangeant en ordre de procession. »
« Ce fut exactement ce que nous vîmes des yeux
de notre âme, au jour de l’ouverture du Concile le
11 octobre 1962 et aussi bien lors des sacres de
Paul  VI puis de Jean-Paul  II, sur la place SaintPierre. Cette “ sortie du Vatican ” signifiait un éloignement, un dégoût et une fuite de tout l’appareil
millénaire de l’Église, dans ses dogmes, ses rites et
sacrements, ses mœurs et autres traditions. Tout le
peuple, immense foule, suivait le Pape.
« Mais voici qu’un violent orage, obscurcissant sensiblement cette lumière, semblait livrer une bataille entre
elle et les ténèbres... »
« Évidemment, c’est la crise postconciliaire dont
Paul  VI déclarait, dès le 7 décembre 1968, que personne n’aurait pu imaginer pareil affrontement entre
partisans et adversaires de la Réforme conciliaire,
majorité contre minorité, et chaque parti se flattant
d’être le défenseur de la “ splendide lumière ”, la
“ Lumière levée sur les nations ”, contre les fils de
ténèbres. Nous suivons très bien.
« Cependant, on arrivait sur une petite place jonchée
No 151 - P. 6
de morts ou de blessés ; dont plusieurs demandaient à
grands cris du secours. – Les rangs de la procession
s’éclaircissaient beaucoup. »
« Trop évidente allégorie de l’avancée postconciliaire
à la rencontre du monde, avec la révélation de ce qu’il
en est résulté, un champ de bataille où les âmes sont
blessées, tuées, se perdent comme inexorablement. »
Le pape François confesse donc parfaitement
l’accomplissement de cette vue prophétique lorsqu’il
décrit l’état actuel de l’Église comme celui d’un
« hôpital de campagne après la bataille ».
« Et cependant beaucoup réclament du secours,
espérant en l’Église pour leur en apporter. Or, cruelle
misère, humiliant échec, c’est “ le peuple de dieux ”,
parti en énorme procession triomphaliste qui, loin de
gagner les autres à sa “ splendide lumière ”, voit se
rétrécir ses effectifs comme une peau de chagrin, au
long de son cheminement de plus en plus difficile,
de moins en moins rassurant. C’est bien notre histoire depuis 1965 ; les statistiques en font foi, tous
les signaux sont au rouge.
« Après avoir marché l’espace correspondant à deux
cents levers du soleil, chacun s’aperçut qu’il ne se trouvait plus dans Rome. »
« Si ce récit devait être entendu matériellement,
l’idée serait absurde : quitter le Vatican, c’est équivalemment sortir de Rome. Mais spirituellement est
dénoncée, dans cette marche symbolique, l’erreur
mortelle de ceux qui prétendaient s’éloigner de la
vieille institution vaticane, cléricale, pour se ressourcer à la Bible, à l’Évangile, au “ vécu ” de la foi
primitive. Voilà qu’ils se réveillent de leur rêve :
en quittant l’Église, ils en sont venus à perdre “ la
voie, la vérité, la vie ” de la pure foi catholique,
apostolique et romaine.
« L’effroi s’empara de tous les esprits et chacun se
serra autour du Pontife pour protéger sa personne et
l’assister dans ses peines. »
« C’est bien de tels sentiments d’effarement que
nous constatons dans les multitudes de fidèles catholiques, qui ont toujours voulu suivre le Pape, leurs
évêques, leurs prêtres, et qui, affolés du désordre,
des divisions, des haines, des abandons, recherchent
leur salut personnel et celui de l’Église dans une
adhésion plus aimante encore et une assistance plus
généreuse à leur sainte Église malade et surtout à
son Chef éprouvé, leur “ doux Christ en terre ”. »
Foules immenses accourant pour accueillir et
écouter le pape François lors de ses voyages apostoliques, ou de ses audiences place Saint-Pierre, ne
serait-ce que pour l’apercevoir parlant de sa fenêtre
l’espace d’un Angélus ou d’un Regina Cæli .
« C’est un beau spectacle qui réjouit le cœur de
Dieu et provoque une grande émotion de pitié et de
Mai 2015
tendresse du Cœur Immaculé pour eux tous. Ils ont
raison d’espérer :
« À ce moment [de l’angoisse maximale], on vit
deux anges qui, portant un étendard, allèrent le présenter
au Pape en lui disant : “ Recevez le drapeau rouge de
Celui qui combat et disperse les plus puissantes armées de
la terre. Tes ennemis sont dispersés et tes fils avec larmes
et avec supplications implorent ton retour. ”
« Portant le regard sur l’étendard, on pouvait y voir
inscrit d’un côté : “ Regina sine labe concepta ”, et de
l’autre : “ Auxilium christianorum ”. »
« Qui sont ces deux anges ? Quel est cet étendard, ce “ Vexillum ” qui, dans la langue de César
et de Tacite, désigne “ le drapeau rouge, signal du
combat ” ? Et de quel chef, pour quelles armées ? en
face de quels ennemis ?
« Matériellement entendu, nous pourrions chercher
longtemps sans rien trouver d’autre que des souvenirs de Croisades ou de justes guerres ayant reçu
l’aval du Seigneur Jésus par certains envoyés ou
messagers célestes, comme on le voit, c’est avéré,
dans l’épopée de sainte Jeanne d’Arc. Mais ici,
aujourd’hui ? Retenons encore notre réponse.
« Toujours est-il qu’à cet instant, nous devons
constater que le Pape est arrivé au bout de ses
forces, mais point encore au terme de ce chemin de
perdition qui s’enfonce toujours plus loin, plus bas,
dans les ténèbres et les marécages. À cause de tant
de morts, de blessés pitoyables, d’errants, mais aussi
de ses fils et de ses proches assesseurs de plus en
plus décontenancés, il est saisi de la nécessité de
retourner d’où il vient.
« Ces anges qui lui remettent, de la part du Christ
Roi des rois et Seigneur des seigneurs, ce drapeau
rouge, cet étendard marqué du nom de l’Immaculée
Mère de Dieu et Secours des chrétiens, lui donnent
le seul message qui, dans cette conjoncture, puisse
venir du Ciel : Lève ton étendard, avance ! retourne
d’où tu viens, à Rome qui est le lieu de ta grandeur,
de ta puissance et de ta paix.
LE RETOUR TRIOMPHAL .
« Le Pontife prit l’étendard avec joie, mais en remarquant le petit nombre de ceux qui étaient restés autour
de lui, il s’en affligea grandement. »
« Tristesse et abattement vraiment purifiants,
expiatoires, rédempteurs. Car enfin, depuis “ deux
cents jours ”, parti, entraînant tout son peuple à la
rencontre du monde moderne, indifférent aux morts,
aux blessés, aux errants, aux perdus, il était juste et
bon, équitable et salutaire que le Pape eût à pleurer
et se lamenter sur ses propres fautes.
« Mais la Vierge Marie et son Fils premier-né
sont bons, d’une admirable clémence. Ils donnent
mission à ces deux anges du Ciel de le réconforter
No 151 - P. 7
de leurs leçons, admonestations et conseils si sages
et si sûrs. Il nous suffit d’en prendre connaissance
pour admirer le programme de la Contre-Réforme
proche, dont résultera une immense et magnifique
Renaissance catholique. Lisez ce programme de
redressement de l’Église par le Pape :
« Les deux anges ajoutèrent : “ Va vite consoler tes
fils. Écris à tes frères [ les évêques, évidemment ] dispersés dans le monde entier [ par une “ encyclique ” ],
qu’il faut une réforme des mœurs [ but manqué de la
dernière, fausse et funeste Veritatis splendor ]. Cela
ne peut s’obtenir qu’en distribuant aux peuples le pain
de la divine Parole. Catéchisez les enfants ; prêchez le
détachement des choses terrestres [ est-il besoin d’insister,
d’applaudir ? ]. Le temps est venu, conclurent les deux
anges, où les pauvres porteront l’Évangile aux peuples. Les
lévites seront pris parmi ceux qui tiennent la pioche, la
bêche et le marteau afin que s’accomplissent les paroles
de David : “ J’ai relevé le pauvre de la terre pour le placer
sur le trône des princes de ton peuple. ” »
« Ce dernier point devait être parfaitement entendu
et savouré par don Bosco. Il est plus urgent encore de
nos jours où dans l’Église a sévi un élitisme, bourgeois, intellectuel, riche et mondain, dont le résultat
lamentable fut l’erreur libérale répandue dans toute
la hiérarchie, avec son carriérisme, son hédonisme,
son charismatisme. Il est urgent que le clergé se
recrute de nouveau parmi les pauvres, les paysans,
les travailleurs... mais vrais catholiques, fervents,
convaincus, courageux. Telles sont les Béatitudes et
les Malédictions justement réparties dans le Sermon
sur la montagne, les unes sur les humbles et sur les
pauvres, les autres sur les orgueilleux et sur les riches.
« Tel est le programme donné au Pape, en larmes
sur lui-même et sur son troupeau décimé, par deux
anges en lesquels je reconnaîtrais bien les “ deux
assesseurs ” qui devaient le suivre partout, dans
l’autre prophétie. Qui seront-ils ? Je n’en sais rien,
sinon, mystérieusement, Moïse et Élie revenus soutenir Pierre cet autre Christ dans sa proche Passion.
« Ayant entendu cela, le Pape se mit en marche et les
rangs de la procession commencèrent à grossir. »
« Ah ! que j’aime cette vision !
« Lorsqu’il pénétra dans la Ville sainte, il se mit à
pleurer sur la désolation dans laquelle se trouvaient les
habitants dont beaucoup n’étaient plus. – Puis, entrant
dans Saint-Pierre, il entonna le “ Te Deum ” auquel
répondit un chœur d’anges qui chantaient “ Gloria in
excelsis Deo, et in terra pax hominibus bonæ voluntatis ”. »
« Nous souvenant de l’autre procession, celle de
la sortie du Vatican, du 11 octobre 1962, et assistant à celle du retour à Rome pour l’ouverture du
Vatican  III de nos espérances, nous applaudirons à
tous les contrastes de celle-ci d’avec la première, et
nous nous associerons au chant de ces multitudes
Mai 2015
d’anges de la parabole, qui seront les milliers et
milliers de fidèles catholiques venus pour l’occasion
à Rome en action de grâces.
« Le chant terminé, l’obscurité cessa tout à fait et
un soleil resplendissant se mit à briller. Les villes, les
villages et les campagnes voyaient leur population très
diminuée. La terre semblait garder la trace d’un ouragan
et d’une pluie d’eau ou de grêle et les gens allaient les
uns vers les autres le cœur tout ému, en disant : “ Oui
vraiment, il y a un Dieu en Israël ”. »
« Quel charmant tableau, comme aujourd’hui Noël
lendemain d’inondations de pluies diluviennes, oui !
comme aux jours de Noé quand les eaux du déluge
s’étant retirées, la famille du saint patriarche et les
animaux de toutes espèces sortirent de l’arche, tandis
que se préparait le sacrifice d’action de grâces de
l’Alliance nouvelle, sous le signe de l’arc-en-ciel,
gage de paix de Dieu avec les hommes à jamais.
« J’aime voir les gens aller les uns vers les
autres, au contraire de cette détestation grandissante,
irrémédiable, que le Concile et ses suites fomentèrent
puis embrasèrent jusqu’à la haine et la mort sous le
panneau trompeur de la “ civilisation de l’amour ” !
« Depuis le début de l’exil jusqu’au chant du “ Te
Deum ” le soleil se leva deux cents fois. Tout le temps
passé dans la réalisation de ces événements correspond
à quatre cents jours.
« En beaucoup d’endroits, on put lire les prédictions
qui s’étaient réalisées jour après jour, comme si elles
étaient rapportées par le journal du matin.
« Selon la même personne [ don Bosco ], la France,
l’Espagne, l’Autriche et une puissance de l’Allemagne
seraient choisies par la Providence pour empêcher l’effondrement social et donneraient la paix à l’Église
combattue depuis si longtemps et de tant de manières. »
« Ici, il semble que nous glissions de la prophétie
proprement dite à son commentaire, du songe inspiré
à son interprétation humaine, hésitante. Aujourd’hui
nous savons, nous, que l’innocent Portugal gardera
toujours le dogme de la foi, lui, la “ vitrine de
Notre-Dame ” et le dépositaire des secrets divins.
Et depuis le 13 juillet 1917, Lucie, la voyante de
Fatima, sait que l’élue du Cœur très unique de Jésus
et de Marie, c’est la Russie. Le Royaume de Dieu
adviendra lorsque ce peuple se convertira à la parole
du Pape le consacrant enfin au Cœur Immaculé de
Marie. Quand sera-ce ? »
Nous savons qu’au-dessous du fronton central de
la basilique Marie-Auxiliatrice deux anges portent un
cartouche avec une date qu’un bas-relief au registre
inférieur explicite : 1 5 7 1 , victoire de Lépante,
obtenue par les prières des confréries du Saint
Rosaire mobilisées par saint Pie V. Le Pape eut la
vision du miracle, avant qu’il soit connu ( bas-relief
No 151 - P. 8
gauche ), et fit ajouter aux litanies de Lorette l’invocation : “ Auxilium christianorum, ora pro nobis ”.
Une seconde date, à droite, est 1815, année de la
naissance de don Bosco qui marqua l’institution de
la fête de Marie Auxiliatrice par le pape Pie VII, en
reconnaissance de son retour à Rome, après la chute
de Napoléon ( bas-relief droit ). Mais nous savons
que don Bosco voulait annoncer une autre victoire,
à venir, de la Vierge Marie sur les puissances
infernales. Elle devait être signifiée sur le second
campanile par un autre étendard, et sur le cartouche
par les chiffres : 1 9 . . Le saint dut renoncer à son
projet devant l’opposition des salésiens de son
Conseil. Il s’inclina et garda son secret... tout en
répétant que Marie Auxiliatrice, « protectrice spéciale
de ceux qui combattent pour la foi », et « terrible comme
une armée rangée en bataille », vaincrait... à la fin !
Notre enquête auprès des archivistes salésiens nous
permit de compléter : 1 9 9 6 . L’année de la victoire
de frère Georges de Jésus-Marie sur l’Adversaire,
comme nous l’avons expliqué plus haut (p. 5 ).
Vingt ans ont passé qui, pour Dieu, sont comme
un jour. Le pape François annonce l’ouverture de
l’Année sainte le 8 décembre 2015, en la solennité
de l’Immaculée Conception, «  le dimanche suivant,
troisième de l’Avent, la Porte sainte sera ouverte
dans la cathédrale de Rome, la basilique SaintJean-de- ­
Latran. Ensuite seront ouvertes les Portes
saintes dans les autres basiliques papales. Ce même
dimanche, je désire que dans chaque Église particulière, dans la cathédrale qui est l’Église-mère pour
tous les fidèles, ou bien dans la co-cathédrale ou
dans une église d’importance particulière, une Porte
de la Miséricorde soit également ouverte pendant
toute l’Année sainte. Au choix de l’Ordinaire du lieu,
elle pourra aussi être ouverte dans les Sanctuaires
où affluent tant de pèlerins qui, dans ces lieux ont
le cœur touché par la grâce et trouvent le chemin
de la conversion. Chaque Église particulière est donc
directement invitée à vivre cette Année sainte comme
un moment extraordinaire de grâce et de renouveau
spirituel. Donc, le Jubilé sera célébré à Rome, de
même que dans les Églises particulières, comme signe
visible de la communion de toute l’Église. » (n o 3 )
L’année 2016, centenaire des apparitions de l’Ange
précurseur de Notre-Dame, nous préparera à celui
de 2017 : « Si Dieu me donne la vie et la santé,
je souhaite être à la Cova da Iria pour célébrer
le centenaire », a promis le Pape. Prions pour que
Dieu lui inspire aussi la résolution d’y recommander
la dévotion réparatrice des premiers samedis pour le
salut des âmes, et d’y ordonner à tous les évêques
en communion avec lui de consacrer la Russie au
Cœur Immaculé de Marie pour la paix du monde.
frère Bruno de Jésus - Marie.
Mai 2015
No 151 - P. 9
PÈLER I N AGE À T U R I N
FAC E À FAC E AV E C D I E U
L
A prière inlassable du psalmiste, et donc du moine
qui récite les psaumes jour et nuit, consiste à
implorer : « Faites lever sur nous la lumière de votre
Face, Yahweh ! » ( Ps 4, 7 ) « Quoniam apud te est fons
vitæ, et in lumine tuo videbimus lumen. »
« Car en vous est la source de la vie et dans votre
lumière, nous verrons la lumière. » ( Ps 36, 10 )
Dieu est vie et lumière. Ces mots abstraits désignent, aux premiers jours de la création, le fourmillement concret des êtres vivant sur la terre, dans
la mer, et dans les airs, et les “ luminaires ” dans le
ciel : la lune, le soleil et les étoiles.
Ces êtres de la création visible attestent l’existence, la Présence de l’Être qui se nomme lui-même
à Moïse : Je Suis . Au milieu d’Israël, habite ce visage
divin. Invisible, et pourtant débordant d’une vie dont
témoigne le prophète Élie : « Il est vivant Yahweh, le
Dieu d’Israël, en présence de qui je me tiens. »
La preuve : « Il n’y aura ces années-ci ni rosée ni
pluie, sauf à mon commandement. » ( 1 R 17, 1 )
C’est en effet à Dieu que nous demandons notre
nourriture dans le psaume 104, le psaume du Benedicite monastique si beau :
« Oculi omnium in te sperant, Domine,
« Les yeux de tous espèrent en vous, S­eigneur, et à
tous vous donnez leur nourriture en temps opportun. Vous
leur donnez ; eux, ils ramassent ; vous ouvrez la main, ils
se rassasient. Vous cachez votre Face, ils s’épouvantent ;
vous retirez votre souffle, ils expirent, à leur poussière ils
retournent. » ( Ps 104, 27-29 )
Dieu est présent à toute créature du seul fait qu’il
la pose dans l’existence. Sa “ Face ”, c’est cette présence même, c’est son Être. Et la vie de l’homme
créé à son image et ressemblance est un face à Face
avec Dieu.
Nous l’avons chanté à la veillée pascale : Sicut
cervus desiderat ad fontes aquarum, « Comme languit une
biche après les eaux vives, ainsi languit mon âme
vers vous, mon Dieu. Mon âme a soif de Dieu, du
Dieu vivant ; quand irai-je et verrai-je la Face de
Dieu ? » ( Ps 42, 2-3 )
«  Misericordia et veritas præcedent faciem tuam.  »
( Ps 89, 15 ) Dieu est bon, il nous crée par amour, et
il est fidèle ; constant dans cet amour. Mais son trône
est aussi instauré dans la justice et l’équité.
Parce que le visage de Yahweh est celui du Dieu
saint et juste, seuls « les cœurs droits contempleront
sa Face » ( Ps 11, 7 ).
Isaïe en a le sentiment très vif dans le Temple,
le jour de sa vocation, après avoir vu « le Seigneur
Yahweh assis sur un trône grandiose et surélevé.
Sa traîne emplissait le sanctuaire. Des séraphins se
tenaient au-dessus de lui, ayant chacun six ailes, deux
pour se couvrir la face, deux pour se couvrir les
pieds, deux pour voler. Ils se criaient l’un à l’autre
ces paroles :
“ S aint, saint, saint est Yahweh Sabaot,
sa gloire emplit toute la terre. ”
« Les montants des portes vibrèrent au bruit de
ces cris et le Temple était plein de fumée. Alors je
dis : “ Malheur à moi, je suis perdu ! car je suis un
homme aux lèvres impures, j’habite au sein d’un peuple
aux lèvres impures, et mes yeux ont vu le Roi, Yahweh
Sabaot. ” » ( Is 6, 1-5 )
Car la Face de Dieu est universellement redoutable
à l’homme pécheur,
Et pourtant, sur le mont Sinaï, « Yahweh conversait
avec Moïse face à face, comme un homme converse
avec son ami » ( Ex 33, 11 ).
Mais à condition de ne le voir que de dos :
« Il lui dit : “ Fais-moi de grâce voir ta gloire. ” Et
il dit : “ Je ferai passer devant toi toute ma beauté et je
prononcerai devant toi le nom de Yahweh. Je fais grâce
à qui je fais grâce et j’ai pitié de qui j’ai pitié. Mais,
dit-il, tu ne peux pas voir ma Face, car l’homme ne peut
me voir et vivre. ” Yahweh dit encore : “ Voici une place
près de moi ; tu te tiendras sur le rocher. Quand passera
ma gloire, je te mettrai dans la fente du rocher et je te
couvrirai de ma main jusqu’à ce que je sois passé. Puis
j’écarterai ma main et tu verras mon dos ; mais ma Face,
on ne peut la voir ”. » ( Ex 33, 18-23 )
« Ainsi Moïse qui brûlait de voir la Face de Dieu
apprend-il comment on voit Dieu, explique saint Grégoire de Nysse : suivre Dieu partout où il mène, cela
c’est voir Dieu. »
En effet, « suivre quelqu’un, c’est le voir de dos. »
Mais à nous, il est donné de le voir de face, face
à Face, à Turin, en vénérant son Saint Suaire où il
a laissé l’empreinte de cette Face, mais “ cachée ”.
Avec, au cœur, cet encouragement du pape François :
« Moi aussi, s’il plaît à Dieu, j’irai le vénérer le 21
juin prochain. Je souhaite que cet acte de vénération
nous aide tous à trouver en Jésus-Christ le visage
miséricordieux de Dieu, et à le reconnaître dans les
visages des frères, spécialement les plus souffrants. »
( Regina Cæli du dimanche 19 avril 2015 )
frère Bruno de Jésus - Marie.
Mai 2015
No 151 - P. 10
M ISER IC OR DI Æ V U LT US
LE VISAGE DE LA MISÉRICORDE DIVINE
N
OUS lisons dans le livre des Nombres que
Yahweh dit à Moïse : « Parle ainsi à Aaron et à
ses fils et dis : Voici comment vous bénirez les Israélites.
Vous leur direz : “ Que Yahweh te bénisse et te garde !
Que Yahweh fasse pour toi rayonner son Visage et te fasse
grâce ! Que Yahweh te découvre sa Face et t’apporte la
paix ! ” » ( Nb 6, 22-27 )
Lorsque les temps furent accomplis, Yahweh a fait
pour nous rayonner son Visage sur la Face du Christ
et nous a fait grâce.
La bulle d’indiction du jubilé extraordinaire de la
miséricorde, Misericordiæ Vultus , commence comme
une lettre de saint Paul :
« François évêque de Rome serviteur des
serviteurs de Dieu à ceux qui liront cette
lettre grâce, miséricorde et paix. »
«  Jésus -Christ est le visage de la miséricorde du
Père. Le mystère de la foi chrétienne est là tout
entier. Devenue vivante et visible, elle atteint son
sommet en Jésus de Nazareth. Le Père, “ riche en
miséricorde ” ( Ep 2, 4 ), après avoir révélé son nom à
Moïse comme “ Dieu tendre et miséricordieux, lent à la
colère, plein d’amour et de vérité ” ( Ex 34, 6 ), n’a pas
cessé de faire connaître sa nature divine de différentes
manières et en de nombreux moments.
« Lorsqu’est venue la “ plénitude des temps ” ( Ga 4, 4 ),
quand tout fut disposé selon son dessein de salut, il
envoya son Fils né de la Vierge Marie pour nous
révéler de façon définitive son amour. Qui le voit
a vu le Père ( cf. Jn 14, 9 ). À travers sa parole, ses
gestes, et toute sa personne, Jésus de Nazareth révèle
la miséricorde de Dieu. » ( n o 1 )
Pour accomplir ce dessein de son Père, Jésus
a voulu « devenir en tout semblable à ses frères »
( He 2, 17 ) afin d’expérimenter la misère même de
ceux qu’il venait sauver. Aussi ses actes traduisaient-ils tous la miséricorde divine, même lorsqu’ils
ne sont pas ainsi qualifiés par les Évangélistes.
«  “ La miséricorde est le propre de Dieu dont la
toute-puissance consiste précisément à faire miséricorde. ”
Ces paroles de saint Thomas d’Aquin montrent que
la miséricorde n’est pas un signe de faiblesse, mais
bien l’expression de la toute-puissance de Dieu. C’est
pourquoi une des plus antiques collectes de la liturgie
nous fait prier ainsi : “ Dieu qui donne la preuve
suprême de ta puissance lorsque tu patientes et prends
pitié. ” Dieu sera toujours dans l’histoire de l’humanité
comme celui qui est présent, proche, prévenant, saint
et miséricordieux.
« “ Patient et miséricordieux ”, tel est le binôme
qui parcourt l’Ancien Testament pour exprimer la
nature de Dieu. » ( M isericordiæ Vultus, n o 6 )
Dans le Nouveau Testament, cette miséricorde divine
se montre, en Jésus, bienfaisante, souffrante, triomphante.
MISÉRICORDE BIENFAISANTE
En saint Matthieu, on voit Jésus témoigner de cette
miséricorde divine d’une façon générale aux foules :
« Face à la multitude qui le suivait, écrit le Pape,
Jésus, voyant qu’ils étaient fatigués et épuisés, égarés
et sans berger, éprouva au plus profond de son cœur,
une grande compassion pour eux (cf. Mt 9, 36 ). En
raison de cet amour de compassion, il guérit les
malades qu’on lui présentait (cf. Mt 14, 14 ). » ( n o 8 )
« En débarquant, il vit une foule nombreuse et il
en eut pitié ; et il guérit leurs infirmes. » ( Mt 14, 14 )
« Jésus, cependant, appela à lui ses disciples et
leur dit : “ J’ai pitié de la foule, car voilà déjà trois
jours qu’ils restent auprès de moi et ils n’ont pas
de quoi manger. Les renvoyer à jeun, je ne le veux
pas : ils pourraient défaillir en route. ” » ( Mt 15, 32 )
LES PRÉFÉRÉS SONT LES PAUVRES.
Saint Luc a mis la miséricorde de Jésus en lumière
avec un soin particulier. Elle se manifeste par la sollicitude de Jésus envers les pauvres. On ne s’étonnera
pas de voir le pape François souligner l’importance de
la préférence de Jésus pour les « pauvres » :
« L’Évangéliste raconte qu’un jour de sabbat, Jésus
retourna à Nazareth, et comme il avait l’habitude de
le faire, il entra dans la synagogue. On l’appela pour
lire l’Écriture et la commenter. C’était le passage du
prophète Isaïe où il est écrit :
« “ L’esprit du Seigneur Dieu est sur moi parce que
le Seigneur m’a consacré par l’onction. Il m’a envoyé
annoncer la bonne nouvelle aux humbles, guérir ceux qui
ont le cœur brisé, proclamer aux captifs leur délivrance,
aux prisonniers leur libération, proclamer une année de
bienfaits accordée par le Seigneur. ” ( Is 61, 1-2 )
« “ Une année de bienfaits ” : c’est ce que le Seigneur
annonce et que nous voulons vivre. Que cette Année
sainte expose la richesse de la mission de Jésus qui
résonne dans les paroles du Prophète : dire une parole
et faire un geste de consolation envers les pauvres,
annoncer la libération de ceux qui sont esclaves
dans les nouvelles prisons de la société moderne,
redonner la vue à qui n’est plus capable de voir car
recroquevillé sur lui-même, redonner la dignité à ceux
Mai 2015
qui en sont privés. Que la prédication de Jésus soit
de nouveau visible dans les réponses de foi que les
chrétiens sont amenés à donner par leur témoignage.
Que les paroles de l’Apôtre nous accompagnent :
“ Celui qui pratique la miséricorde, qu’il ait le sourire
( Rm 12, 8 ). » ( M isericordiæ Vultus, n o 16 )
Aux émissaires de Jean-Baptiste venus lui demander s’il est celui qui doit venir ou s’il faut en
attendre un autre, Jésus répondit : « Allez rapporter
à Jean ce que vous avez vu et entendu : les aveugles
voient, les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés
et les sourds entendent, les morts ressuscitent, la Bonne
Nouvelle est annoncée aux pauvres. » ( Lc 7, 22 )
Les « pauvres » sont d’abord les pécheurs.
L’AMI DES PÉCHEURS .
« Le Fils de l’homme est venu, mangeant et buvant, et
vous dites : Voilà un glouton et un ivrogne, un ami des
publicains et des pécheurs ! » ( Lc 7, 34 )
Le pape François lance à ces “ amis de Jésus ” un
appel pathétique :
« Que puisse parvenir à tous la parole de pardon
et que l’invitation à faire l’expérience de la miséricorde ne laisse personne indifférent ! Mon appel à la
conversion s’adresse avec plus d’insistance à ceux qui
se trouvent éloignés de la grâce de Dieu en raison
de leur conduite de vie. Je pense en particulier aux
hommes et aux femmes qui font partie d’une organisation criminelle quelle qu’elle soit. Pour votre bien, je
vous demande de changer de vie. Je vous le demande
au nom du Fils de Dieu qui, combattant le péché,
n’a jamais rejeté aucun pécheur. Ne tombez pas dans
le terrible piège qui consiste à croire que la vie ne
dépend que de l’argent, et qu’à côté, le reste n’aurait
ni valeur, ni dignité. Ce n’est qu’une illusion. Nous
n’emportons pas notre argent dans l’au-delà. L’argent
ne donne pas le vrai bonheur. La violence pour
amasser de l’argent qui fait couler le sang ne rend
ni puissant, ni immortel. Tôt ou tard, le jugement de
Dieu viendra, auquel nul ne pourra échapper.
« Le même appel s’adresse aux personnes fautives
ou complices de corruption. Cette plaie puante de la
société est un péché grave qui crie vers le Ciel, car
il mine jusqu’au fondement de la vie personnelle et
sociale. La corruption empêche de regarder l’avenir
avec espérance, parce que son arrogance et son
avidité anéantissent les projets des faibles et chassent
les plus pauvres. C’est un mal qui prend racine
dans les gestes quotidiens pour s’étendre jusqu’aux
scandales publics. La corruption est un acharnement
dans le péché qui entend substituer à Dieu l’illusion de l’argent comme forme de pouvoir. C’est une
œuvre des ténèbres, qui s’appuie sur la suspicion et
l’intrigue. Corruptio optimi pessima, disait avec raison
saint Grégoire le Grand, pour montrer que personne
No 151 - P. 11
n’est exempt de cette tentation. Pour la vaincre dans
la vie individuelle et sociale, il faut de la prudence,
de la vigilance, de la loyauté, de la transparence, le
tout en lien avec le courage de la dénonciation. Si
elle n’est pas combattue ouvertement, tôt ou tard on
s’en rend complice et elle détruit l’existence.
« Voici le moment favorable pour changer de vie !
Voici le temps de se laisser toucher au cœur. Face
au mal commis, et même aux crimes graves, voici
le moment d’écouter pleurer les innocents dépouillés
de leurs biens, de leur dignité, de leur affection, de
leur vie même. Rester sur le chemin du mal n’est
que source d’illusion et de tristesse. La vraie vie est
bien autre chose. Dieu ne se lasse pas de tendre la
main. Il est toujours prêt à écouter, et moi aussi je
le suis, comme mes frères évêques et prêtres. Il suffit
d’accueillir l’appel à la conversion et de se soumettre
à la justice, tandis que l’Église offre la miséricorde. »
( M isericordiæ Vultus, n o 19 )
En saint Matthieu, la miséricorde prend un visage
plus personnel pour un jeune Argentin devenu Pape,
qui ne cesse de se mettre lui-même au rang des
pécheurs, objet de la miséricorde :
« L’appel de Matthieu est lui aussi inscrit sur l’horizon de la miséricorde. Passant devant le comptoir
des impôts, Jésus regarda Matthieu dans les yeux.
C’était un regard riche de miséricorde qui pardonnait les péchés de cet homme, et surmontant les
résistances des autres disciples, il le choisit, lui, le
pécheur et le publicain, pour devenir l’un des Douze.
Commentant cette scène de l’Évangile, saint Bède le
Vénérable a écrit que Jésus regarda Matthieu avec un
amour miséricordieux, et le choisit : Miserando atque
Eligendo . Cette expression m’a toujours fait impression
au point d’en faire ma devise. » ( n o 8 )
Aussi le pape François donne-t-il à cette Année de
la miséricorde la devise suivante :
«  Miséricordieux comme le Père . L’Évangéliste
rapporte l’enseignement du Christ qui dit : “ Soyez
miséricordieux comme votre Père est miséricordieux. ”
( Lc 6, 36 ) C’est un programme de vie aussi exigeant
que riche de joie et de paix. Le commandement
de Jésus s’adresse à ceux qui écoutent sa voix
(cf. Lc 6, 27 ). Pour être capables de miséricorde, il
nous faut donc d’abord nous mettre à l’écoute de
la Parole de Dieu. Cela veut dire qu’il nous faut
retrouver la valeur du silence pour méditer la Parole
qui nous est adressée. C’est ainsi qu’il est possible
de contempler la miséricorde de Dieu et d’en faire
notre style de vie. » ( n o 13 )
LA PORTE DE LA MISÉRICORDE .
« Le pèlerinage est un signe particulier de l’Année
sainte : il est l’image du chemin que chacun parcourt
au long de son existence. La vie est un pèlerinage,
Mai 2015
et l’être humain un viator, un pèlerin qui parcourt
un chemin jusqu’au but désiré. Pour passer la Porte
sainte à Rome, et en tous lieux, chacun devra, selon
ses forces, faire un pèlerinage. Ce sera le signe que
la miséricorde est un but à atteindre, qui demande
engagement et sacrifice. Que le pèlerinage stimule
notre conversion : en passant la Porte Sainte, nous
nous laisserons embrasser par la miséricorde de Dieu,
et nous nous engagerons à être miséricordieux avec
les autres comme le Père l’est avec nous.
« Le Seigneur Jésus nous montre les étapes du
pèlerinage à travers lequel nous pouvons atteindre
ce but : “ Ne jugez pas, et vous ne serez pas jugés ; ne
condamnez pas, et vous ne serez pas condamnés. Pardonnez, et vous serez pardonnés. Donnez, et l’on vous
donnera : c’est une mesure bien pleine, tassée, secouée,
débordante, qui sera versée dans le pan de votre vêtement ; car la mesure dont vous vous servez pour les
autres servira de mesure aussi pour vous. ” ( Lc 6, 37-38 )
« Il nous est dit, d’abord, de ne pas juger, et de
ne pas condamner. Si l’on ne veut pas être exposé au
jugement de Dieu, personne ne doit devenir juge de
son frère. De fait, en jugeant, les hommes s’arrêtent
à ce qui est superficiel, tandis que le Père regarde
les cœurs. Que de mal les paroles ne font‑elles
pas lorsqu’elles sont animées par des sentiments de
jalousie ou d’envie !
« Mal parler du frère en son absence, c’est le
mettre sous un faux jour, c’est compromettre sa réputation et l’abandonner aux commérages. Ne pas juger
et ne pas condamner signifie, de façon positive, savoir
accueillir ce qu’il y a de bon en toute personne et ne
pas permettre quelle ait à souffrir de notre jugement
partiel et de notre prétention à tout savoir.
« Cela n’est pas encore suffisant pour exprimer
ce qu’est la miséricorde. Jésus demande aussi de
pardonner et de donner, d’être instruments du pardon
puisque nous l’avons déjà reçu de Dieu, d’être généreux à l’égard de tous en sachant que Dieu étend
aussi sa bonté pour nous avec grande magnanimité.
« Miséricordieux comme le Père, c’est donc la “ devise ” de l’Année sainte. Dans la miséricorde, nous
avons la preuve de la façon dont Dieu aime. Il se
donne tout entier, pour toujours, gratuitement, et sans
rien demander en retour. Il vient à notre secours
lorsque nous l’invoquons. Il est beau que la prière
quotidienne de l’Église commence avec ces paroles :
“ Mon Dieu, viens me délivrer ; Seigneur, viens vite à
mon secours. ” ( Ps 69, 2 )
« L’aide que nous implorons est déjà le premier
pas de la miséricorde de Dieu à notre égard. Il vient
nous sauver de la condition de faiblesse dans laquelle
nous vivons. Son aide consiste à rendre accessible
sa présence et sa proximité. Touchés jour après jour
par sa compassion, nous pouvons nous aussi devenir
compatissants envers tous. » ( n o s 13-14 )
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LE PARDON DONNÉ ET REÇU .
De la parabole du “ débiteur sans pitié ”, le Pape
tire une leçon capable de restaurer notre société
chrétienne, si nous l’écoutons et mettons en pratique :
« Appelé par son maître à rendre une somme
importante, il le supplie à genoux et le maître lui
remet sa dette. Tout de suite après, il rencontre
un autre serviteur qui lui devait quelques centimes.
Celui-ci le supplia à genoux d’avoir pitié, mais il
refusa et le fit emprisonner. Ayant appris la chose,
le maître se mit en colère et rappela le serviteur
pour lui dire : “ Ne devais-tu pas, à ton tour, avoir pitié
de ton compagnon, comme moi-même j’avais eu pitié de
toi ? ” ( Mt 18, 33 ) Et Jésus conclut : “ C’est ainsi que
mon Père du ciel vous traitera, si chacun de vous ne
pardonne pas à son frère du fond du cœur. ” ( Mt 18, 35 )
« La parabole est d’un grand enseignement pour
chacun de nous. Jésus affirme que la miséricorde
n’est pas seulement l’agir du Père, mais elle devient
le critère pour comprendre qui sont ses véritables
enfants. En résumé, nous sommes invités à vivre de
miséricorde parce qu’il nous a d’abord été fait miséricorde. Le pardon des offenses devient l’expression
la plus manifeste de l’amour miséricordieux, et pour
nous chrétiens, c’est un impératif auquel nous ne
pouvons pas nous soustraire. Bien souvent, il nous
semble difficile de pardonner ! Cependant, le pardon
est le moyen déposé dans nos mains fragiles pour
atteindre la paix du cœur. Se défaire de la rancœur,
de la colère, de la violence et de la vengeance, est
la condition nécessaire pour vivre heureux. Accueillons donc la demande de l’Apôtre : “ Que le soleil ne
se couche pas sur votre colère. ” ( Ep 4, 26 ) Écoutons
surtout la parole de Jésus qui a établi la miséricorde
comme idéal de vie, et comme critère de crédibilité de notre foi : “ Heureux les miséricordieux, car ils
obtiendront miséricorde. ” ( Mt 5, 7 ) C’est la béatitude
qui doit susciter notre engagement tout particulier en
cette Année sainte. » ( M isericordiæ Vultus, n o s 9 )
LES ŒUVRES DE MISÉRICORDE .
« J’ai un grand désir que le peuple chrétien
réfléchisse durant le Jubilé sur les œuvres de miséricorde corporelles et spirituelles. Ce sera une façon
de réveiller notre conscience souvent endormie face
au drame de la pauvreté, et de pénétrer toujours
davantage le cœur de l’Évangile, où les pauvres sont
les destinataires privilégiés de la miséricorde divine.
La prédication de Jésus nous dresse le tableau de
ces œuvres de miséricorde, pour que nous puissions
comprendre si nous vivons, oui ou non, comme ses
disciples. Redécouvrons les œuvres de miséricorde
corporelles : donner à manger aux affamés, donner
à boire à ceux qui ont soif, vêtir ceux qui sont nus,
accueillir les étrangers, assister les malades, visiter les
prisonniers, ensevelir les morts. Et n’oublions pas les
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No 151 - P. 13
œuvres de miséricorde spirituelles : conseiller ceux qui
sont dans le doute, enseigner les ignorants, avertir les
pécheurs, consoler les affligés, pardonner les offenses,
supporter patiemment les personnes ennuyeuses, prier
Dieu pour les vivants et pour les morts [...].
« C’est dans chacun de ces “ plus petits ” que le
Christ est présent. Sa chair devient de nouveau visible
en tant que corps torturé, blessé, flagellé, affamé,
égaré... pour être reconnu par nous, touché et assisté
avec soin. N’oublions pas les paroles de Saint Jean
de la Croix : “ Au soir de notre vie, nous serons jugés
sur l’amour ”. » ( n o 15 )
« Dans les paraboles de la miséricorde, Jésus
révèle la nature de Dieu comme celle d’un Père qui
ne s’avoue jamais vaincu jusqu’à ce qu’il ait absous
le péché et vaincu le refus, par la compassion et la
miséricorde. Nous connaissons ces paraboles, trois
en particulier : celle de la brebis égarée, celle de la
pièce de monnaie perdue, et celle du père et des deux
fils ( cf. Lc 15, 1-32 ). Dans ces paraboles, Dieu est
toujours présenté comme rempli de joie, surtout quand
il pardonne. Nous y trouvons le noyau de l’Évangile
et de notre foi, car la miséricorde y est présentée
comme la force victorieuse de tout, qui remplit le
cœur d’amour, et qui console en pardonnant. » ( n o 9 )
LA BREBIS PERDUE ET RETROUVÉE .
Je sais bien que le pape François a vu, en entrant
dans le bercail, qu’il manquait quatre-vingt-dix-neuf
brebis sur cent ! Mais la leçon de la parabole n’en
est que plus urgente !
« Lequel d’entre vous, s’il a cent brebis et vient à
en perdre une, n’abandonne les quatre-vingt-dix-neuf
autres dans le désert pour s’en aller après celle qui
est perdue, jusqu’à ce qu’il l’ait retrouvée ? [ Jésus
parle à des bergers, des paysans de Galilée ]. Et, quand
il l’a retrouvée, il la met, tout joyeux, sur ses épaules
et, de retour chez lui, il assemble amis et voisins et
leur dit : “ Réjouissez-vous avec moi, car je l’ai retrouvée,
ma brebis qui était perdue ! ” [ Là, c’est Jésus, ce bon
pasteur, plein d’amour pour sa brebis perdue et parti
à sa recherche.] C’est ainsi, je vous le dis, qu’il y
aura plus de joie dans le ciel pour un seul pécheur
qui se repent que pour quatre-vingt-dix-neuf justes,
qui n’ont pas besoin de repentir. » ( Lc 15, 4-7 ) À ce
qu’ils croient !
L A DOUCEUR DE JÉSUS, IMAGE DE L A DOUCEUR DE DIEU
« Il dit encore : Un homme avait
deux fils. Le plus jeune dit à son
père : “ Père, donne-moi la part de
fortune qui me revient. ” Et le père
leur partagea son bien. Peu de
jours après, rassemblant tout son
avoir, le plus jeune fils partit pour
un pays lointain et y dissipa son
bien en vivant dans l’inconduite.
« Quand il eut tout dépensé,
une famine sévère survint en
cette contrée et il commença
à sentir la privation. Il alla se
mettre au service d’un des habitants de cette contrée, qui l’envoya dans ses champs garder
les cochons. Il aurait bien voulu
se remplir le ventre des caroubes
que mangeaient les cochons ,
et personne ne lui en donnait.
Rentrant alors en lui-même, il
se dit : Combien de mercenaires de
mon père ont du pain en surabondance, et moi je suis ici à périr de
faim ! Je veux partir, aller vers mon
père et lui dire : “ Père, j’ai péché
contre le Ciel et envers toi  ; je
ne mérite plus d’être appelé ton
fils, traite-moi comme l’un de tes
mercenaires. ”
« Il partit donc et s’en alla vers
son père.
« Tandis qu’il était encore loin,
son père l’aperçut et fut pris de
pitié ; il courut se jeter à son cou
et l’embrassa tendrement. »
Notre Père ne se lassait pas
de nous dépeindre le père de
famille qui, le soir, à la fin de
la journée, allait à la porte de
la maison, ou de la ferme, pour
guetter... et courir au-devant de
son fils... Chaque fois, ça lui tirait
des larmes parce qu’il avait si
souvent agi ainsi !...
« Le fils alors lui dit : “ Père,
j’ai péché contre le Ciel et envers
toi, je ne mérite plus d’être appelé
ton fils. ” Mais le père dit à ses
serviteurs : “ Vite, apportez la plus
belle robe et l’en revêtez, mettez-lui
un anneau au doigt et des chaussures
aux pieds. Amenez le veau gras,
tuez- le, mangeons et festoyons, car
mon fils que voilà était mort et il
est revenu à la vie ; il était perdu
et il est retrouvé ! ”
« Et ils se mirent à festoyer. »
Jésus nous révèle les sentiments
de notre Père des Cieux :
« Son fils aîné était aux champs.
Quand, à son retour, il fut près
de la maison, il entendit de la
musique et des danses. Appelant
un des serviteurs, il s’enquérait
de ce que cela pouvait bien être.
Celui-ci lui dit : “ C’est ton frère
qui est arrivé, et ton père a tué le
veau gras, parce qu’il l’a recouvré
en bonne santé. ” Il se mit alors
en colère, et il refusait d’entrer.
Son père sortit l’en prier. Mais
il répondit à son père : “ Voilà
tant d’années que je te sers, sans
avoir jamais transgressé un seul de
tes ordres, et jamais tu ne m’as
donné un chevreau, à moi, pour
festoyer avec mes amis ; et puis
ton fils que voici revient-il, après
avoir dévoré ton bien avec des
prostituées, tu fais tuer pour lui
le veau gras ! ”
« Mais le père lui dit : “ Toi,
mon enfant, tu es toujours avec moi,
et tout ce qui est à moi est à toi.
Mais il fallait bien festoyer et se
réjouir, puisque ton frère que voilà
était mort et il est revenu à la vie ;
il était perdu et il est retrouvé ! »
( Lc 15, 11-32 )
Mai 2015
LE PRIX D ’ UNE ÂME .
La parabole de “ la drachme perdue ” nous apprend que chacune de nos âmes est un trésor pour
le Bon Dieu :
« Ou bien, quelle est la femme qui, si elle a dix
drachmes et vient à en perdre une, n’allume une
lampe, ne balaie la maison et ne cherche avec soin,
jusqu’à ce qu’elle l’ait retrouvée ? Et, quand elle
l’a retrouvée, elle assemble amies et voisines et leur
dit : “ Réjouissez-vous avec moi, car je l’ai retrouvée, la
drachme que j’avais perdue ! ” C’est ainsi, je vous le
dis, qu’il naît de la joie devant les anges de Dieu
pour un seul pécheur qui se repent. » ( Lc 15, 8-10 )
Ça vaut au moins une drachme !
LE FILS DE LA VEUVE DE NAÏN .
Jésus ne dit pas si le frère aîné de l’enfant prodigue,
qui figure le peuple juif, entra finalement dans la salle
du festin. Une conversion, disait saint Augustin, est un
miracle plus étonnant que la résurrection d’un mort.
« Lorsqu’il rencontra la veuve de Naïm qui emmenait son fils unique au tombeau, Jésus éprouva une
profonde compassion pour la douleur immense de
cette mère en pleurs, et il lui redonna son fils, le
ressuscitant de la mort (cf. Lc 7, 15 ). » ( n o 8 )
Jésus pense à sa Mère, et au glaive qui transpercera un jour son Cœur Immaculé, selon la prophétie
de Syméon.
Jésus témoigne d’une bienveillance particulière
envers les femmes et les étrangers.
« Et voici qu’une femme cananéenne, étant sortie
de ce territoire, criait en disant : “ Aie pitié de moi,
Seigneur, fils de David : ma fille est fort malmenée
par un démon. ” » ( Mt 15, 22 )
Bref, «  Toute chair voit le salut de Dieu.  »
( Lc 3, 12-13 ) Et de fait, les affligés s’adressent à lui
comme à Dieu même, en disant : « Kyrie eleison ! »
« Seigneur, aie pitié de mon fils, qui est lunatique
et va très mal : souvent il tombe dans le feu, et
souvent dans l’eau. » ( Mt 17, 15 )
« Et voici que deux aveugles étaient assis au bord
du chemin ; quand ils apprirent que Jésus passait,
ils s’écrièrent : “ Seigneur ! aie pitié de nous, fils de
David ! ” La foule les rabroua pour leur imposer
silence ; mais ils redoublèrent leurs cris : “ Seigneur !
aie pitié de nous, fils de David ! ” Jésus, s’arrêtant,
les appela et dit  : “ Que voulez-vous que je fasse
pour vous ? ” Ils lui disent : “ Seigneur, que nos yeux
s’ouvrent ! ” Pris de pitié, Jésus leur toucha les yeux
et aussitôt ils recouvrèrent la vue. Et ils se mirent
à sa suite. » ( Mt 20, 30-34 )
DIEU EST AMOUR .
« Le regard fixé sur Jésus et son visage miséricordieux, écrit le pape François, nous pouvons accueillir
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l’amour de la Sainte Trinité. La mission que Jésus a
reçue du Père a été de révéler le mystère de l’amour
divin dans sa plénitude. L’Évangéliste Jean affirme
pour la première et unique fois dans toute l’Écriture : “ Dieu est amour. ” (1 Jn 4, 8.16 ) Cet amour est
désormais rendu visible et tangible dans toute la vie
de Jésus. Sa personne n’est rien d’autre qu’amour, un
amour qui se donne gratuitement. Les relations avec
les personnes qui s’approchent de lui ont quelque
chose d’unique et de singulier. Les signes qu’il
accomplit, surtout envers les pécheurs, les pauvres,
les exclus, les malades et les souffrants, sont marqués
par la miséricorde. Tout en Lui parle de miséricorde.
Rien en Lui ne manque de compassion.
« Face à la multitude qui le suivait, Jésus, voyant
qu’ils étaient fatigués et épuisés, égarés et sans
berger, éprouva au plus profond de son cœur, une
grande compassion pour eux (cf. Mt 9, 36 ). En raison
de cet amour de compassion, il guérit les malades
qu’on lui présentait (cf. Mt 14, 14 ), et il rassasia
une grande foule avec peu de pains et de poissons
(cf. Mt 15, 37 ). Ce qui animait Jésus en toute circonstance n’était rien d’autre que la miséricorde avec
laquelle il lisait dans le cœur de ses interlocuteurs et
répondait à leurs besoins les plus profonds. » ( n o 8 )
Mais c’est un mystère de rédemption par lequel il
a fallu “ racheter ”, payer le prix de la brebis, de la
drachme, du fils prodigue.
MISÉR ICOR DE DOULOUR EUSE
« “ Éternel est son amour ” est le refrain qui revient
à chaque verset du psaume 135 dans le récit de
l’histoire de la révélation de Dieu [...].
« Avant la Passion, Jésus a prié avec ce Psaume
de la miséricorde. C’est ce qu’atteste l’évangéliste
Matthieu quand il dit qu’ “ après avoir chanté les
Psaumes ” ( 26, 30 ), Jésus et ses disciples sortirent en
direction du mont des Oliviers. Lorsqu’il instituait
l’Eucharistie, mémorial pour toujours de sa Pâque,
il établissait symboliquement cet acte suprême de la
Révélation dans la lumière de la miséricorde.
« Sur ce même horizon de la miséricorde, Jésus
vivait sa passion et sa mort, conscient du grand
mystère d’amour qui s’accomplissait sur la Croix.
Savoir que Jésus lui-même a prié avec ce Psaume
le rend encore plus important pour nous chrétiens, et
nous appelle à en faire le refrain de notre prière quotidienne de louange : “ Éternel est son amour. ” » ( n o 7 )
LE DÉMONIAQUE ÉPILEPTIQUE .
« Bien qu’il soit le Fils, il apprit par ses souffrances l’obéissance. » ( He 5, 8 ) L’Inconnu de l’Exil
avait prophétisé qu’il serait « familier de la souffrance » ( Is 53, 3 ). Et c’est bien ainsi que l’Évangile
nous le décrit :
Mai 2015
« Et voici qu’un homme de la foule s’écria :
“ Maître, je te prie de jeter les yeux sur mon fils, car c’est
mon unique enfant. Et voilà qu’un esprit s’en empare, et
soudain il crie, le secoue avec violence et le fait écumer ;
et ce n’est qu’à grand-peine qu’il s’en éloigne, le laissant
tout brisé. J’ai prié tes disciples de l’expulser, mais ils ne
l’ont pu.
– Engeance incrédule et pervertie, répondit Jésus,
jusques à quand serai-je auprès de vous et vous supporterai-je ? Amène ici ton fils. ” Celui-ci ne faisait
qu’approcher, quand le démon le jeta à terre et le
secoua violemment. Mais Jésus menaça l’esprit impur,
guérit l’enfant et le remit à son père. » ( Lc 9, 38-42 )
Jésus pleure sur Jérusalem :
« Quand il fut proche, à la vue de la ville, il
pleura sur elle. » ( Lc 19, 41 )
« Jérusalem, Jérusalem, toi qui tues les prophètes et
lapides ceux qui te sont envoyés, combien de fois ai-je
voulu rassembler tes enfants à la manière dont une poule
rassemble ses poussins sous ses ailes... et vous n’avez pas
voulu ! » ( Mt 23, 37 )
L’AGONIE : EFFROI ET ANGOISSE .
À la pensée de sa Passion, il est « troublé » :
« Maintenant mon âme est troublée. Et que dire ? Père,
sauve-moi de cette heure ! Mais c’est pour cela que je suis
venu à cette heure. » ( Jn 12, 27 )
Premier mystère douloureux de notre Rosaire : sa
souffrance devient une détresse mortelle, lorsque, à
« l’heure » fixée par le Père, « il prend avec lui Pierre,
Jacques et Jean, et il commença à ressentir effroi et
angoisse ».
Ces deux mots sont très forts, et admirablement
commentés par notre Père dans son chemin de Croix ,
première station, Jésus est condamné à mort :
« Ô Jésus, Vous l’innocence même et la tout humaine
pureté, Vous la divine Sainteté inaccessible aux jugements
humains, vous voici frappé par la main des hommes,
souillé par leurs injures, leurs coups et leurs crachats sans
que rien ne vous soit épargné, sans que nul ne s’interpose
et ne vous évite aucun mauvais traitement, vous voilà
condamné par la sentence des autorités juives et romaines
comme un imposteur et un blasphémateur, outrages moraux
mille fois plus insultants et blessants que les violences
physiques. Vous acceptez l’injustice !
« Il n’ y a jamais eu, il n’ y aura jamais dans toute
l’histoire du monde une si grande commotion dans un
esprit, un cœur, une âme d’homme, qu’à ce moment où le
Juste par excellence se soumet à l’injustice, où la sagesse
et la sainteté du Verbe de Dieu acceptent la folie et le
crime des hommes, sans élever un mot de protestation,
sans un geste d’indignation.
« La Justice bafouée, la Vérité trahie, la sainteté blasphémée, la pureté souillée par ce jugement des hommes
crient en Vous à cette heure, mais vous contenez et
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renfermez en votre Sacré-Cœur cette violente émotion,
ne laissant paraître que la soumission du Créateur à sa
créature, du Maître à ses esclaves, du Roi à ses ennemis,
acceptant notre injustice pour consommer toute justice.
Mystère d’anéantissement. J’adore votre Cœur outragé dans
cette Passion où l’Amour seul vous conduit. »
«  Premièrement, Jésus se couvre alors à la Face
de son Père de toutes les fautes de l’humanité. »
Jésus est la Sainteté, c’est l’être sans péché. C’est
« le Saint de Dieu », comme l’appelaient les démons
en toute vérité. Il est tout à Dieu, il est Dieu.
« Et il leur dit : “ Mon âme est triste à en mourir ;
demeurez ici et veillez. ” »
L’âme humaine du Christ souffre d’un tourment
qui n’est pas physique mais purement spirituel.
« S’éloignant un peu, il tombait à terre, et il priait
pour que, s’il était possible, cette heure passât loin
de lui. 
Il est « venu » pour cela et au moment de souffrir la peine écrasante du péché du monde, son
âme humaine, dans sa sensibilité d’homme, le trahit.
Défaillance figurée par les chutes de nos chemins de
croix. Quelque chose de son Être refuse d’obéir à ce
qu’il y a de plus profond en lui.
«  Et il disait  : “ Abba ! Père ! Tout t’est possible :
éloigne de moi ce calice. Pourtant, non pas ce que je
veux, mais ce que tu veux ! ” »
Qu’y a-t-il au monde de plus émouvant que la
défaillance de l’Agneau innocent, opposant sa volonté
à celle de son Père ? Si vous refusez l’épreuve,
Seigneur, nul ne nous en sauvera jamais !
« Entré en agonie, il priait de façon plus instante,
et sa sueur devint comme de grosses gouttes de sang
qui tombaient à terre. » ( Lc 22, 44 )
LA FLAGELLATION .
Deuxième mystère de notre Rosaire.
C’est nous qui la méritons, comme Jésus nous en
a prévenus en « se faisant un fouet avec des cordes »
pour chasser les marchands du Temple ( Jn 2, 15 ).
Ce châtiment aussi, il le prend sur Lui. « Pilate
prit alors Jésus et le fit flageller. » ( Jn 19, 1 ) Chose
atroce dont nous lisons les stigmates sur le Saint
Suaire. Jésus se prête à cette ignominie avec toute
sa volonté de souffrir comme l’Agneau du sacrifice
dans les dispositions que le psalmiste nous révèle :
« Pour vous, mon Dieu, j’ai soutenu l’opprobre et ma
Face tout entière a été couverte de confusion. » ( Ps 69, 8 )
C’est à ce moment-là que Jésus fut déshabillé pour
la première fois : «  Et moi, je suis un ver, non un
homme, la honte des humains et le rebut du peuple.
Tous ceux qui me voient me bafouent. » ( Ps 22, 7-8 )
« Des laboureurs ont labouré mon dos, traçant de
longs sillons. » ( Ps 129, 3 )
Mai 2015
LA COURONNE D ’ ÉPINES .
Mais, ô ironie sublime ! voici que les bourreaux
se muent en serviteurs de la vérité :
« Les soldats, tressant une couronne avec des
épines, la lui posèrent sur la tête, et ils le revêtirent
d’un manteau de pourpre ; et ils s’avançaient vers
lui et disaient : “ Salut, le Roi des juifs ! ” Et ils lui
donnaient des coups. » ( Jn 19, 1-2 )
Les soldats le revêtent d’insignes royaux : cette
couronne d’épines cruelle a, elle aussi, laissé sa
marque sur le Saint Suaire, en forme de “ chapeau ”,
comme diront les clarisses de Chambéry. Elle fait le
plus noble des diadèmes au plus noble des rois. Jésus
fonde et confirme sa royauté en souffrant les coups
et les outrages de sa Passion rédemptrice. Il révèle
plus que jamais son origine divine par son obéissance
héroïque au Père. Il semble que Pilate lui-même, et
non pas seulement l’Évangéliste, en a l’intuition.
LE PORTEMENT DE CROIX .
Quatrième mystère de notre Rosaire, deuxième
station de notre chemin de Croix : Jésus est chargé
de sa Croix.
« Voici l’instrument de notre salut. Ô doux Sauveur,
vous vous en saisissez avec ardeur et avec joie, ce que
nous ne saurions faire nous-mêmes si vous ne nous en
aviez donné l’exemple et la force encore chaque jour, à
cause de l’amour que vous avez de nous et du grand désir
que vous ressentez pour notre salut. Parce qu’elle est notre
seule espérance, cette Croix vous est chère et vous tendez
les mains vers elle, vous l’embrassez dans une secrète
exaltation et la chargez sur vos épaules déjà meurtries. »
Elle a laissé une marque sur l’épaule droite, visible
à gauche sur l’image positive du Saint Suaire.
« Mais quel terrible instrument de notre vie et de
notre félicité que cet instrument de torture et de mort !
L’esprit est prompt mais la chair est faible. L’esprit qui
vous anime est un esprit de bonté et de miséricorde pour
nous autres pécheurs, mais votre chair n’en est pas moins
sensible, passible ; et c’est une terrible épreuve pour vos
membres, vos nerfs et toute votre sensibilité que ce poids
de la Croix qu’il faut porter ; c’est une horrible peine pour
votre imagination et votre pensée de tenir cet instrument
du supplice proche.
« Que vous êtes adorable, ô Cœur Sacré de Jésus, dans
cet instant où l’amour vous rend vainqueur des troubles
de la sensibilité et des répulsions de l’esprit, quand vous
embrassez cette Croix et vous en chargez résolument pour
mon salut et celui du monde entier ! »
Sous le poids de cette Croix, Jésus va tomber une
fois, deux fois, trois fois. Le Saint Suaire porte la trace
de la terre du chemin dont le nez de Jésus a conservé un
échantillon bien reconnaissable à l’analyse qu’ont faite
les savants de cette poussière du chemin qui a marqué
le visage de Jésus lorsqu’il est tombé de tout son long.
No 151 - P. 16
Mais dans son commentaire de l’Évangile de saint
Marc, notre Père a montré que « tout ce tourment
physique n’est que la face visible de cet univers
invisible qu’est l’océan du péché des hommes ».
LA MORT DE JÉSUS SUR LA CROIX .
La Passion du Seigneur concentre toute la souffrance humaine possible, depuis la trahison du disciple
jusqu’à l’abandon du Père : « Et vers la neuvième
heure, Jésus clama en un grand cri : “ Eli, Eli, lema
sabachtani ”, c’est-à-dire : “ Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? ” » ( Mt 27, 46 )
Ce sommet coïncide avec la grande offrande rédemptrice du Christ, le don expiatoire de sa vie,
pour laquelle il a été envoyé dans le monde selon
le dessein éternel du Père.
« C’est ainsi que le Fils de l’homme n’est pas venu
pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en
rançon pour une multitude. » ( Mt 20, 28 )
Jésus se soumet à ce dessein avec obéissance,
avec amour : « Mais il faut que le monde reconnaisse
que j’aime le Père et que je fais comme le Père m’a
commandé. » ( Jn 14, 31 ) « Nul n’a plus grand amour
que celui-ci : donner sa vie pour ses amis. » ( Jn 15, 13 )
MISÉRICORDE TRIOMPHANTE
« Il faut », dei, ce petit mot, toujours associé à la
souffrance, résume la vie de Jésus et en éclaire le
mystère ; il revient comme un leitmotiv sur les lèvres
de Jésus lorsqu’il annonce sa Passion, grand scandale
de Pierre et des disciples :
« Et il commença de leur enseigner : “ Le Fils de
l’homme doit beaucoup souffrir, être rejeté par les anciens,
les grands prêtres et les scribes, être tué et, après trois
jours, ressusciter. ” Et c’est ouvertement qu’il disait ces
choses. Pierre, le tirant à lui, se mit à le morigéner. Mais lui, se retournant et voyant ses disciples,
admonesta Pierre et dit : “ Passe derrière moi, Satan !
car tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles
des hommes ! ” » ( Mc 8, 31-33 )
Notre Saint-Père le pape François met ces “ pensées de Dieu ” dans une admirable lumière.
JUSTICE ET MISÉRICORDE .
« Il faut se rappeler que dans l’Écriture, la justice
est essentiellement conçue comme un abandon confiant
à la volonté de Dieu. » C’est pourquoi « Jésus s’exprime plus souvent sur l’importance de la foi que sur
l’observance de la Loi » ( n o 20 ).
« La miséricorde n’est pas contraire à la justice,
mais illustre le comportement de Dieu envers le
pécheur, lui offrant une nouvelle possibilité de se
repentir, de se convertir et de croire. Ce qu’a vécu
le prophète Osée nous aide à voir le dépassement de
la justice par la miséricorde. L’époque de ce prophète
est parmi les plus dramatiques de l’histoire du peuple
Mai 2015
hébreu. Le Royaume est près d’être détruit ; le peuple
n’est pas demeuré fidèle à l’alliance, il s’est éloigné
de Dieu et a perdu la foi des Pères. Suivant une
logique humaine, il est juste que Dieu pense à rejeter
le peuple infidèle : il n’a pas été fidèle au pacte, et
il mérite donc la peine prévue, c’est-à-dire l’exil. Les
paroles du prophète l’attestent : “ Il ne retournera pas
au pays d’Égypte ; Assour deviendra son roi, car ils ont
refusé de revenir à moi. ” ( Os 11, 5 )
« Cependant, après cette réaction qui se réclame de
la justice, le prophète change radicalement son langage
et révèle le vrai visage de Dieu : “ Mon cœur se retourne
contre moi ; en même temps, mes entrailles frémissent. Je
n’agirai pas selon l’ardeur de ma colère, je ne détruirai
plus Israël, car moi, je suis Dieu, et non pas homme : au
milieu de vous je suis le Dieu saint, et je ne viens pas
pour exterminer. ” ( Os 11, 8-9 ) Commentant les paroles
du prophète, saint Augustin écrit : “ Il est plus facile
pour Dieu de retenir la colère plutôt que la miséricorde. ”
Il en est exactement ainsi. La colère de Dieu ne dure
qu’un instant, et sa miséricorde est éternelle.
« Si Dieu s’arrêtait à la justice, il cesserait d’être
Dieu ; il serait comme tous les hommes qui invoquent
le respect de la loi. La justice seule ne suffit pas et
l’expérience montre que faire uniquement appel à elle
risque de l’anéantir. C’est ainsi que Dieu va au-delà
de la justice avec la miséricorde et le pardon. »
C’est ici qu’il faut de la finesse, pour comprendre
ce qu’il va lui en coûter : mort et résurrection.
« Cela ne signifie pas dévaluer la justice ou la
rendre superflue, au contraire. Qui se trompe devra
purger sa peine, mais ce n’est pas là le dernier mot,
mais le début de la conversion, en faisant l’expérience
de la tendresse du pardon. Dieu ne refuse pas la
justice. Il l’intègre et la dépasse dans un événement plus grand dans lequel on fait l’expérience de
l’amour, fondement d’une vraie justice. Il nous faut
prêter grande attention à ce qu’écrit Paul pour ne
pas faire la même erreur que l’Apôtre reproche à
ses contemporains juifs : “ En ne reconnaissant pas la
justice qui vient de Dieu, et en cherchant à instaurer leur
propre justice, ils ne se sont pas soumis à la justice de
Dieu. Car l’aboutissement de la Loi, c’est le Christ, afin
que soit donnée la justice à toute personne qui croit. ”
( Rm 10, 3-4 ) Cette justice de Dieu est la miséricorde
accordée à tous comme une grâce venant de la
mort et de la résurrection de Jésus-Christ. La Croix
du Christ est donc le jugement de Dieu sur chacun
de nous et sur le monde, puisqu’elle nous donne la
certitude de l’amour et de la vie nouvelle. » ( n o 21)
La Passion rédemptrice est la porte étroite du
passage de l’accomplissement de toute justice à la
miséricorde répandue sur le monde :
«  “ C’est maintenant le jugement de ce monde ; maintenant le Prince de ce monde va être jeté dehors ; et
moi, une fois élevé de terre, j’attirerai tous les hommes
No 151 - P. 17
à moi. ” Il signifiait par là de quelle mort il allait
mourir. » ( Jn 12, 31-33 )
Élevé sur la croix, Jésus apparaîtra aux yeux de
tous comme le Sauveur du monde, conformément à
la double prophétie :
« Pas un os ne lui sera brisé. »
« Et une autre Écriture dit encore : “ Ils regarderont
celui qu’ils ont transpercé. ” » ( Jn 19, 37 )
Saint Jean a été frappé de l’accomplissement de
cette prophétie. Il a contemplé Jésus le flanc ouvert,
et le flot de sang et d’eau qui en a jailli lui a paru
un signe annonciateur de la miséricorde répandue sur
le monde en toute justice.
Deux mille ans après, nous voyons ce “ signe ”
nous aussi sur le Saint Suaire : les jambes sont
intactes. Sur la poitrine, on distingue l’empreinte de
la plaie ouverte par le fer de lance, de forme ovale,
un peu oblique. Une massive coulée de sang a dessiné
une tache découpée par des échancrures arrondies
et par des espaces clairs qui sont des marques de
l’ « eau » jaillie du péricarde.
LA GLOIRE DU FILS .
« Ainsi parla Jésus, et levant les yeux au ciel, il
dit : “ Père, l’heure est venue : glorifie ton Fils, afin que
ton Fils te glorifie. ” » ( Jn 17, 1 )
Jésus demande au Père de faire éclater sa gloire
aux yeux des hommes qui, jusque-là, n’ont vu en lui
qu’un homme de leur condition..
La gloire de Dieu est tout entière présente en
Jésus, Fils de Dieu, il est « le resplendissement de sa
gloire, l’effigie de sa substance » ( He 1, 3 ).
La gloire de Dieu est « sur sa Face ».
Il est « le Seigneur de la gloire » ( 1 Co 2, 8 ). Cette
gloire divine a rayonné sur le visage du Christ, non
pas tellement lors de la Transfiguration, dont saint Jean
fut témoin et qu’il ne raconte pas, mais davantage au
moment même de sa suprême humiliation, qui est son
« Heure » et le grand « signe » qu’il donne au monde.
C’est alors que « nous avons vu sa gloire » ( Jn 1, 14 ).
Elle a d’abord ruisselé sur sa Face lorsqu’il fut
« élevé » sur la Croix plantée sur le mont Calvaire
comme sur un nouveau Sinaï. Et aujourd’hui, elle
resplendit dans l’Église. Car, d’’avoir vu la gloire de
ce visage, comme saint Paul sur le chemin de Damas,
comme nous aujourd’hui sur ce Saint Suaire, le chrétien, par l’Esprit-Saint qui habite en lui, demeure en
permanence illuminé et transformé, non pas, comme
le visage de Moïse, d’une manifestation passagère,
comme l’explique saint Paul aux Corinthiens :
« Or, si le ministère de la mort, gravé en lettres sur
des pierres [ les tables de la Loi gravées sur les tables
de pierre que portait Moïse en redescendant du Sinaï où
il les avait reçues de Dieu ], a été entouré d’une telle
gloire que les fils d’Israël ne pouvaient fixer les yeux
Mai 2015
sur le visage de Moïse à cause de la gloire de son
visage, pourtant passagère, comment le ministère de
l’Esprit n’en aurait-il pas davantage ? » ( 2 Co 3, 7-8 )
Sur le mont Thabor, la gloire de la Transfiguration a anticipé celle de la Résurrection, pour montrer
aux Apôtres, à Pierre, Jacques et Jean, qu’en Jésus
Dieu lui-même s’est donné un visage, que saint Jean
reverra à Patmos, après l’Ascension du Seigneur :
« Son visage est comme le soleil qui brille dans tout son
éclat. » ( Ap 1, 16 )
Ainsi, « nul n’a jamais vu Dieu ; [ mais ] le Fils
unique, qui est tourné vers le sein du Père, lui, l’a fait
connaître. » (Jn 1, 18)
Cependant, « nous voyons, à présent, dans un miroir,
en énigme, mais alors ce sera face à Face. À présent, je
connais d’une manière partielle ; mais alors je connaîtrai
comme je suis connu. » ( 1 Co 13, 12 )
ENFANTS DE MARIE .
Comment suis-je connu ? Comme enfant de Dieu.
Par le Père créateur, qui me tire de mon néant, lorsqu’il
me pose dans l’être à son image et ressemblance.
Par le Fils mon rédempteur, qui me tire de mon
péché pour restaurer en moi cette ressemblance en
me pardonnant et purifiant. Dès lors, cette gloire est
celle d’un rayonnement de vie et de salut :
« Et nous tous qui, le visage découvert, réfléchissons comme en un miroir la gloire du Seigneur, nous
sommes transformés en cette même image, allant de
gloire en gloire, comme de par le Seigneur, qui est
Esprit. » ( 2 Co 3, 18 )
C’est la raison pour laquelle notre Saint-Père le
pape François fait la guerre aux visages « acides »,
de « piment au vinaigre » !
Car cette « gloire de Dieu sur le visage du Christ »
fait rayonner « sur toute conscience humaine » le
service de l’Évangile annoncé par les Apôtres redescendant non pas du mont Thabor mais du mont
Calvaire :
« Mais nous avons répudié les dissimulations de
la honte [ honte de ce Jésus nu comme un ver sur sa
Croix ! de cette Sainte Face défigurée sur son Suaire ],
ne nous conduisant pas avec astuce et ne falsifiant
pas la parole de Dieu [ pour le rendre acceptable
au monde ! comme a fait le concile Vatican  II ! en
déclarant ce Suaire, « icône », « peinture », un « faux
du Moyen Âge » ]. Au contraire, par la manifestation
de la vérité [ de son authenticité ], nous nous recommandons à toute conscience humaine devant Dieu.
Que si notre Évangile demeure voilé [ aux juifs qui
poursuivaient jadis l’Apôtre de leur haine ! et hier qui
ont incendié le Duomo pour le faire disparaître ], c’est
pour ceux qui se perdent qu’il est voilé, pour les
incrédules, dont le dieu de ce monde a aveuglé l’entendement afin qu’ils ne voient pas briller l’Évangile
No 151 - P. 18
de la gloire du Christ, qui est l’image de Dieu [ sur
ce Saint Suaire ]. Car ce n’est pas nous que nous
prêchons, mais le Christ Jésus, Seigneur ; nous ne
sommes, nous, que vos serviteurs, à cause de Jésus.
En effet le Dieu qui a dit : “ Que des ténèbres resplendisse la lumière ”, est Celui qui a resplendi dans nos
cœurs, pour faire briller la connaissance de la gloire
de Dieu, qui est sur la face du Christ. » ( 2 Co 4, 2-6 )
Ainsi transfigurés dans l’Esprit par la gloire du
Seigneur, les chrétiens ont la certitude de découvrir
un jour « face à Face » celui qu’ils ne connaissent
encore que « dans un miroir », de connaître comme ils
sont connus. Alors sera comblé le désir qui attirait
Israël au Temple :
« De malédiction, il n’y en aura plus ; le trône de Dieu
et de l’Agneau sera dressé dans la ville, et les serviteurs
de Dieu l’adoreront ; ils verront sa Face, et son nom sera
sur leurs fronts. » ( Ap 22, 3-4 )
Mais ce sera « toujours sous le regard miséricordieux du Père » ( n o 7 ), et du Cœur Immaculé de
Marie, Reine de la Miséricorde :
« Que notre pensée se tourne vers la Mère de
la Miséricorde. Que la douceur de son regard nous
accompagne en cette Année sainte, afin que tous
puissent redécouvrir la joie de la tendresse de Dieu.
Personne n’a connu comme Marie la profondeur
du mystère de Dieu fait homme. Sa vie entière fut
modelée par la présence de la miséricorde faite chair.
La Mère du Crucifié Ressuscité est entrée dans le
sanctuaire de la miséricorde divine en participant
intimement au mystère de son amour.
« Choisie pour être la Mère du Fils de Dieu,
Marie fut préparée depuis toujours par l’amour du
Père pour être l’Arche de l’Alliance entre Dieu et les
hommes. Elle a gardé dans son cœur la divine miséricorde en parfaite syntonie avec son Fils Jésus. Son
chant de louange, au seuil de la maison Élisabeth, fut
consacré à la miséricorde qui s’étend “ d’âge en âge ”
( Lc 1, 50 ). Nous étions nous aussi présents dans ces
paroles prophétiques de la Vierge Marie, et ce sera
pour nous un réconfort et un soutien lorsque nous
franchirons la Porte sainte pour goûter les fruits de
la miséricorde divine.
« Près de la Croix, Marie avec Jean, le disciple de
l’amour, est témoin des paroles de pardon qui jaillissent
des lèvres de Jésus. Le pardon suprême offert à qui l’a
crucifié nous montre jusqu’où peut aller la miséricorde
de Dieu. Marie atteste que la miséricorde du Fils de
Dieu n’a pas de limite et rejoint tout un chacun sans
exclure personne. Adressons lui l’antique et toujours
nouvelle prière du Salve Regina , puisqu’elle ne se lasse
jamais de poser sur nous un regard miséricordieux,
et nous rend dignes de contempler le visage de la
miséricorde, son Fils Jésus. » ( n o 24)
frère Bruno de Jésus - Marie.
Mai 2015
No 151 - P. 19
LES PSAUMES, PRIÈRE INSPIRÉE
PSAUME 119
L A PA ROL E DE DI EU DE “ A ” J US QU ’À “ Z ” (2)
N
OUS sommes dans l’exacte situation des
Anawîm, ces « pauvres de Yahweh » qui
n’attendaient plus rien de personne en ce monde,
mais que du Ciel « pleuve le juste » :
« R orate, cæli desuper,
et nubes pluant justum ! »
« Versez du Ciel, ô doux Seigneur,
Votre rosée en notre cœur
Faites fleurir grâce et faveur. »
Les psaumes ne sont qu’un développement de
cette longue supplication qu’il nous appartient de
réciter et chanter inlassablement afin d’obtenir la
grâce de rester fidèles aux demandes, lois, décrets,
justifications, promesses et « petites demandes » de
Notre-Dame de Fatima.
Le Verbe s’est fait chair dans le sein béni de cette
Vierge Immaculée. Qu’est-ce que le “ Verbe ” ? C’est
la Parole de Dieu, Verbum Domini ! Depuis le premier
jour de la Création où Dieu « parle » et les choses
sont, jusqu’à l’avènement de cette Parole en chair
et en os, en la Personne de Notre-Seigneur JésusChrist, né de la Vierge Marie, Dieu a « parlé » aux
patriarches, à Moïse et aux prophètes. Mais lorsque
cette « Parole » se fait chair et naît de la Vierge
Marie ce petit Enfant dans sa crèche ne parle plus.
Verbum silens.
Et cependant, il nous parle par l’Écriture sainte
qui a préparé sa naissance.
À nous d’adorer cet Enfant Dieu en lisant ces
textes sacrés qui nous font entrer dans son Divin
Cœur et nous révèlent sa profondeur, sa largeur et
sa longueur, sa hauteur insondables, inscrutables :
description de la nature dont il est le Créateur,
récits des gestes de Dieu, les niphlâ ’ôt, miracles de
Dieu dont il est lui-même, avec sa Mère, le plus
merveilleux, prescriptions légales et liturgiques préfigurant son sacrifice rédempteur, oracles prophétiques
qui annoncent le dernier jugement, et le bonheur
promis aux justes...
Rien de tel à cet égard, que de réciter et chanter
inlassablement le psaume 119 ( 118 du bréviaire) dont
nous avons entrepris la traduction et le commentaire
des versets 1 à 96 ( Il est ressuscité n o 149,
mars 2015, p. 11-20 ).
13. LE M AÎTR E DIVIN
SEXTE (suite)
97. « Q ue j’aime votre Loi !
Tout le jour, je la médite.
98. « P lus que mes ennemis, votre commandement
me rend sage, car il est à moi à jamais.
99. « J ’ai plus d’intelligence que tous mes maîtres,
car vos témoignages sont l’objet
de ma méditation.
100. « J e comprends mieux que les anciens
parce que j’observe vos ordonnances.
101. « D e toute voie mauvaise j’ai retenu mes pieds,
afin de garder votre parole.
102. « D e vos jugements je ne me suis pas détourné,
car c’est vous qui m’avez enseigné.
103. « Q u’elles sont douces à mon palais,
vos promesses, plus que le miel à ma bouche !
104. « Vos ordonnances m’ont donné l’intelligence,
c’est pourquoi je hais tout sentier
de mensonge. »

 
97. « Q ue j’aime votre Loi !
Tout le jour, je la médite. »
Et même la nuit ( Ps 1, 2 ). « Tu aimeras le
Seigneur ton Dieu » en constitue le premier article
( Dt 6, 4  ; Mt 7, 12 ; Mc 12, 28-34 ). Par la méditation
continuelle de la Révélation qu’elle contient, le fidèle
yahwiste ne fait qu’un avec le Seigneur parce qu’il
épouse sa volonté.
98. « P lus que mes ennemis, votre commandement
me rend sage, car il est à moi à jamais. »
La sagesse ne demeure donc pas seulement
« dans les Cieux » (vt 89) ; elle descend aussi sur
la terre, dans mon cœur par la médiation de ce
« commandement » d’amour que je fais mien :
99. « J ’ai plus d’intelligence ( hiskaltî ) que tous
mes maîtres, car vos témoignages sont l’objet
de ma méditation. »
Parce que c’est Dieu même qui m’enseigne, selon
Mai 2015
sa promesse : « Je mettrai ma Loi au fond de leur
être et je l’écrirai sur leur cœur. » ( Jr 31, 33 )
Ici, le psalmiste se déclare éclairé de l’intelligence
même promise au Serviteur de Yahweh dans le
quatrième poème de l’Inconnu de l’Exil : « Voici que
mon Serviteur sera intelligent, yaskîl » ( Is 52, 13 ),
comme promis au Messie par Jérémie : « Voici
venir des jours – oracle de Yahweh – où je
susciterai à David un germe juste, qui régnera
en vrai roi et sera intelligent, hiskîl », ( Jr 23, 5 ).
L’ “ intelligence ” du Serviteur fera contraste avec la
surdité et l’aveuglement du peuple d’Israël ( Is 42, 19 )
qui ne comprend rien ( Is 44, 18 ). Le troisième poème
nous a déjà montré ce Serviteur ouvrant ses oreilles
à la parole de Dieu ( Is 50, 4 ).
C’est pourquoi il sera « prodigieusement exalté »
( Is 52, 13 ), à l’égal de Yahweh qui est exalté par
son jugement ( Is 5, 16 ), très haut au-dessus de la
terre ( Is 55, 9 ).
100. « J e comprends mieux que les anciens
parce que j’observe vos ordonnances. »
Les « anciens » ne les ont-ils pas observées ? Eh
bien, non ! « Cette alliance, mon alliance, c’est eux
qui l’ont rompue ! » ( Jr 31, 32 ) Tandis que sur le
Serviteur que Yahweh soutient, son élu que préfère
son âme, Il a mis son esprit pour « faire sortir le
droit » ( Is 42, 1-3 ).
101. « D e toute voie mauvaise j’ai retenu mes pieds,
afin de garder votre Parole. »
Cette « Parole » qui se tient dans les Cieux
(vt 89 ) n’est autre que la règle de vie que Dieu
même a donnée à Moïse sur le Sinaï, résumée en dix
« Paroles », le Décalogue ( Ex 20, 1-17 ; Dt 5, 6-22 ).
102. « D e vos jugements je ne me suis pas détourné,
car c’est vous qui m’avez enseigné. »
Selon la promesse faite par Yahweh à Jérémie : «  Je
mettrai ma Loi au fond de leur être et je l’écrirai
sur leur cœur. Alors je serai leur Dieu et eux seront
mon peuple. Ils n’auront plus à instruire chacun
son prochain, chacun son frère, en disant : “ Ayez la
connaissance de Yahweh ! ” Car tous me connaîtront, des
plus petits jusqu’aux plus grands – oracle de Yahweh
– parce que je vais pardonner leur crime et ne plus
me souvenir de leur péché. » ( Jr 31, 33-34 )
103. « Q u’elles sont douces à mon palais, vos promesses, plus que le miel à ma bouche ! »
C’est par la lecture de l’Écriture sainte que Dieu
donne à chaque fidèle à goûter sa révélation, par
laquelle il a fait connaître à Moïse et renouvelé dans
les oracles prophétiques les promesses inscrites dans
la Loi ( Ex 20, 5-6 ; Dt 5, 10 ; Lv 26, 3-13 ).
No 151 - P. 20
104. « Vos ordonnances m’ont donné l’intelligence,
c’est pourquoi je hais tout sentier
de mensonge. »
Il ne reste qu’à s’abandonner en toute sécurité
aux directives de la Loi. Elle est vérité ( ’èmèt ).
14. UNE LUMIÈR E QUI DONNE LA VIE
105. « U ne lampe pour mon pied, votre parole,
une lumière pour ma route.
106. « J ’ai juré, et je ne m’en dédis pas,
d’observer les jugements de votre justice.
107. « J ’ai été humilié à l’excès, Yahweh,
vivifiez-moi selon votre Parole.
108. « A gréez donc les offrandes volontaires
de ma bouche, Yahweh, et enseignez-moi
vos jugements.
109. « M on âme est sans cesse entre mes mains,
et je n’oublie pas votre Loi.
110 . « L es impies m’ont tendu un piège,
mais je ne me suis point écarté de vos
ordonnances.
111 . « J ’ai hérité de vos témoignages à jamais,
car ils sont la joie de mon cœur.
112 . « J ’incline mon cœur à pratiquer
vos prescriptions à jamais et jusqu’au bout. »

 
105. « U ne lampe pour mon pied, votre parole,
une lumière pour ma route. »
La « parole » exprime les volontés du Dieu
créateur, providence et législateur.
La « lumière » de la « lampe » symbolise la
vie et la succession dynastique promise à David
« pour que mon serviteur David ait toujours une
lampe devant moi à Jérusalem, la ville que j’ai
choisie pour y faire résider mon Nom », dit Yahweh
( 1 R 11, 36 ; 15, 4 ; 2 R 8, 19 ). Cette promesse illumine les ténèbres présentes d’une lumière qui est
Dieu, reflet de sa gloire.
106. « J ’ai juré, et je ne m’en dédis pas,
d’observer les jugements de votre justice. »
On dirait une réponse du Messie, fils de David,
au serment de Yahweh :
« Yahweh l’a juré à David, vérité dont jamais il
ne s’écartera : c’est du fruit de tes entrailles que
je placerai sur ton trône. » ( Ps 132, 11 )
« Yahweh l’a juré il ne s’en dédiera pas. Tu
es prêtre à jamais selon l’ordre de Melchisédeq. »
( Ps 110, 4 )
Mai 2015
No 151 - P. 21
107. « J ’ai été humilié à l’excès, Yahweh,
vivifiez-moi selon votre Parole.
Comme le révélera saint Jean dans son Prologue,
la Parole de Dieu n’est pas seulement « lumière » :
elle est « la vie », et c’est cette « vie qui est lumière
des hommes » ( Jn 1, 4 ). « Je suis la lumière de la vie »,
dira Jésus, le Verbe fait chair ( Jn 8, 12 ), en réponse
à cette “ humiliation excessive ” d’une dynastie qui
était, pour ainsi dire, éteinte lors de son avènement.
108. « A gréez donc les offrandes volontaires
de ma bouche, Yahweh, et enseignez-moi vos jugements. »
Les « offrandes » s’identifient ici aux prières de
louanges et d’actions de grâces. Dieu les agrée,
« selon l’ordre de Melchisédeq », comme il agréait
les sacrifices selon l’ordre d’Aaron. Le psalmiste
parle comme s’il n’y avait plus de liturgie au
Temple.
109. « M on âme est sans cesse entre mes mains,
et je n’oublie pas votre Loi. »
L’image signifie que l’on est prêt à la laisser
couler comme de l’eau, mais la version grecque est
plus conforme à la pensée biblique, selon laquelle
Dieu tient en son pouvoir l’âme de tout vivant :
« Mon âme est dans vos mains. »
« Pater, in manus tuas, commendo spiritum meum »,
dira Jésus sur la Croix ( Lc 23, 45 ).
110 . « L es impies m’ont tendu un piège,
mais je ne me suis point écarté de vos
ordonnances.
111. « J ’ai hérité de vos témoignages à jamais,
car ils sont la joie de mon cœur. »
« Quand tes paroles se présentaient, je les dévorais : ta parole était mon ravissement et l’allégresse
de mon cœur », disait Jérémie au milieu de ses
épreuves ( Jr 15, 16 ).
112 . « J ’incline mon cœur à pratiquer
vos prescriptions à jamais et jusqu’au bout. »
À la « fidélité » de Yahweh répond celle du
yahwiste.
15. DIEU SEUL !
113. « J e hais les “ jarrets ”,
et c’est votre Loi que j’aime.
114. « M on abri et mon bouclier, c’est vous.
Je m’en attends de votre Parole.
115. « É loignez-vous de moi, méchants, et j’observerai
les commandements de mon Dieu.
116. « S outenez-moi selon votre promesse et je vivrai,
et que mon espérance ne soit pas confondue.
117. « S oyez mon appui et je serai sauvé, et je
contemplerai vos prescriptions sans relâche.
118. « Vous rejetez ceux qui s’écartent de vos prescriptions, et mensonge est leur offrande.
119. « Vous faites disparaître les scories, tous les
méchants de la Terre. C’est pourquoi j’aime
vos témoignages.
120. « M a chair frissonne de votre terreur,
et je redoute vos jugements. »
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113. « J e hais les “ jarrets ”,
et c’est votre Loi que j’aime. »
« Les “ jarrets ” » vont par deux : un pour plier
le genou devant Baal, l’autre devant Yahweh, comme
au temps d’Élie demandant aux 450 prophètes de
Baal réunis sur le mont Carmel : « Jusqu’à quand
clocherez-vous des deux jarrets ? Si Yahweh est Dieu,
suivez-le ; si c’est Baal, suivez-le ! » (1 R 18, 21) Le
mot est le même, incompris des exégètes parce que
ce sont les seuls exemples dans toute la Bible !
« Votre Loi », dont le premier article est : « Il
n’y aura pas pour toi d’autres dieux devant ma
Face. » ( Ex 20, 3 )
114. « M on abri et mon bouclier, c’est vous.
Je m’en attends de votre Parole. »
« Mon bouclier » : depuis Abraham qui en reçut
la promesse : « Ne crains pas, Abraham ! Je suis
ton bouclier, ta récompense sera grande » ( Gn 15, 1),
jusqu’à Moïse qui prononça cette bénédiction : « Heureux es-tu, ô Israël ! Qui est comme toi, peuple
vainqueur ? En Yahweh est le bouclier qui te
­
secourt. » ( Dt 33, 29 )
115. « É loignez-vous de moi, méchants, et j’observerai
les commandements de mon Dieu. »
Moïse l’a promis à Israël : « Tes ennemis voudront
te corrompre, mais toi, tu fouleras leur dos. »
( Dt 33, 29 )
116. « S outenez-moi selon votre promesse et je vivrai,
et que mon espérance ne soit pas confondue.
117. « S oyez mon appui et je serai sauvé, et je
contemplerai vos prescriptions sans relâche.
118. « Vous rejetez ceux qui s’écartent de vos prescriptions, et mensonge est leur offrande. »
«Vous rejetez » : seul emploi. Quand ils s’opposent
à Dieu, les plans de l’homme vont au néant, tô ’ béd.
« Leur offrande » : en lisant terûmiyyah ( Ez 48, 12 ).
119. « Vous faites disparaître les scories, tous les
méchants de la Terre. C’est pourquoi j’aime
vos témoignages. »
Mai 2015
No 151 - P. 22
Les impies sont comparés à des scories : « Ils
sont tous rebelles, semeurs de calomnies, ils sont
tous corrompus. Le soufflet est haletant pour que le
plomb soit dévoré par le feu. » On jette le métal
d’argent à épurer dans du plomb fondu, pour que
l’argent se sépare des scories qui se rassemblent,
avec le plomb oxydé, au fond du creuset. Mais
« vainement le fondeur s’emploie à fondre, les scories
ne se détachent point. “ Argent de rebut ”, voilà
comme on les nomme ! Oui, Yahweh les a mis au
rebut ! » ( Jr 6, 28-30 ; cf. Ez 22, 18. 20 ; Ml 3, 2-3 )
120 . « M a chair frissonne de votre terreur,
et je redoute vos jugements. »
Après le feu qu’est le jugement de Dieu, serai-je
moi aussi “ Argent de rebut ” ? Il y a là un extraordinaire pressentiment de l’enfer.
16. L’ ŒUVRE DE DIEU
121. « J ’ai mis en œuvre droit et justice,
ne me livrez pas à mes oppresseurs !
122. « P ortez-vous garant de votre serviteur
pour le bien. Que ne m’oppriment pas
les orgueilleux.
123. « M es yeux languissent après votre salut,
et la promesse de votre justice.
124. « Œ uvrez avec votre serviteur selon votre grâce,
et enseignez-moi vos prescriptions.
125. « J e suis votre serviteur.
Donnez-moi l’intelligence
et je connaîtrai vos témoignages.
126. « I l est temps d’œuvrer pour Yahweh :
ils ont violé votre Loi !
127. « C ’est pourquoi j’aime vos commandements
plus que l’or et l’or fin.
128. « A ussi je considère comme droites
toutes vos ordonnances sans exception.
Et je hais tout sentier de mensonge. »
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121. « J ’ai mis en œuvre droit et justice,
ne me livrez pas à mes oppresseurs !
122. « P ortez-vous garant de votre serviteur
pour le bien. Que ne m’oppriment pas
les orgueilleux »
Yahweh doit engager sa responsabilité sur
l’ « œuvre » de son serviteur, comme pour une dette,
due par ce « serviteur » de Yahweh. Un rachat ?
Mystère de rédemption insinué par l’absence, en ce
seul verset, d’un terme désignant la Loi. « Le bien »
s’oppose au « mal » ( vt. 133 ).
123. « M es yeux languissent après votre salut,
et la promesse de votre justice.
124. « Œ uvrez avec votre serviteur selon votre grâce,
et enseignez-moi vos prescriptions. »
L’œuvre divine précède celle de l’homme par « des
actions et des hauts faits » que nul ne peut accomplir ( Dt 3, 24 ), mais ici, le « serviteur » demande la
grâce de les accomplir, pour ainsi dire, à égalité de
puissance avec Yahweh.
125. « J e suis votre serviteur.
Donnez-moi l’intelligence
et je connaîtrai vos témoignages.
126. « I l est temps d’œuvrer pour Yahweh :
ils ont violé votre Loi ! »
Il y a donc une lutte tragique entre ceux qui
écoutent cette « Parole », source de lumière et de
vie, et ceux qui la méprisent et s’efforcent de contrer
par le mensonge l’ « œuvre » de vie et de lumière de
Yahweh. « Que devons-nous faire pour travailler aux
œuvres de Dieu ? » demanderont les juifs à Jésus,
à Capharnaüm ( Jn 6, 28 ).
Le passage au style indirect, comme en aparté,
souligne l’acte d’amour qui suit, protestation d’attachement à la volonté de Dieu exprimée par les
commandements de la Loi :
127. « C ’est pourquoi j’aime vos commandements
plus que l’or et l’or fin.
128. « A ussi je considère comme droites
toutes vos ordonnances sans exception.
Et je hais tout sentier de mensonge. »
La réponse de Jésus nous revient au cœur, en
tout cas, le dimanche à midi, lorsque nous achevons
l’office de sexte par ces deux versets : « L’œuvre
de Dieu, c’est que vous croyiez en Celui qu’il a
envoyé. »
17. LA FACE DE DIEU
NON E
129. « M iraculeux sont vos témoignages.
Aussi je les conserve dans mon âme.
130. « L a révélation de votre Parole illumine,
donnant de l’intelligence aux simples.
131. « J ’ai ouvert la bouche et j’aspire,
car je suis avide de vos commandements.
132. « Tournez vers moi votre Face,
et faites-moi grâce comme il se doit
pour ceux qui aiment votre Nom.
Mai 2015
No 151 - P. 23
133. « A ffermissez mes pas selon votre promesse,
et que nul malheur ne domine sur moi.
133. « A ffermissez mes pas selon votre promesse,
et que nul malheur ne domine sur moi.
134. « A ffranchissez-moi de l’oppression des hommes,
et je garderai vos ordonnances.
134. « A ffranchissez-moi de l’oppression des hommes,
et je garderai vos ordonnances. »
135. « Q ue votre Face illumine votre serviteur, et m’apprenne vos prescriptions.
136. « M es yeux ruissellent de larmes,
parce qu’ils n’observent pas votre Loi. »
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129. « M iraculeux sont vos témoignages.
Aussi je les conserve dans mon âme. »
Les miracles de Dieu sont l’objet de la méditation du psalmiste, en attendant de l’être du Cœur
Immaculé de Marie dont il nous sera dit qu’elle
« conservait avec soin tous ces souvenirs en son
cœur » ( Lc 2, 19 et 51 ).
130. « L a révélation de votre Parole illumine,
donnant de l’intelligence aux simples. »
À la révélation infaillible de la vérité répond la
sagesse qu’elle communique au « simple », c’est-àdire à qui « cherche Dieu en simplicité de cœur »
( Sg 1, 1), loin de toute duplicité pliant les deux
« jarrets » devant lui (vt 113 ).
131. « J ’ai ouvert la bouche et j’aspire,
car je suis avide de vos commandements. »
Le psalmiste ouvre non seulement l’oreille pour
entendre, mais encore la bouche pour se nourrir de
la volonté de Dieu comme d’un « miel » savoureux
(vt 103 ), et composer et chanter son poème, que
nous ne cessons de redire à notre tour.
132. « Tournez vers moi votre Face,
et faites-moi grâce comme il se doit
pour ceux qui aiment votre Nom. »
C’est une faveur insigne de pouvoir regarder le
visage du Roi ( Est 1, 14 ), une grâce anxieusement
épiée de le voir s’éclairer d’un sourire, car « dans
la lumière du visage royal est la vie » ( Pr 16, 15 ).
Au milieu d’Israël habite le visage divin, invisible, mais parce qu’il est celui du Dieu saint et
juste, il est mortellement redoutable à l’homme
pécheur ( Ex 33, 20 ; Jg 13, 22 ). Aussi, demeurer en
sa présence est une « grâce » absolument imméritée.
Et cependant, le psalmiste demande à Yahweh cette
« grâce » comme “ due ” à l’antique bénédiction
prononcée sur les enfants d’Israël par le ministère
d’Aaron depuis les temps antiques : « Que Yahweh
fasse pour toi rayonner son visage et te fasse
grâce ! » ( Nb 6, 25 )
Le « malheur » est le châtiment que Dieu fait
venir en sa sagesse sur ceux qui « descendent en
Égypte y chercher protection, et qui mettent leur
espoir en une charrerie nombreuse et dans une
cavalerie, mais qui n’ont aucun espoir dans le Saint
d’Israël et ne consultent pas Yahweh » ( Is 31, 1 ). Ce
« malheur » est médicinal, tandis que « l’oppression »
des impies mène à l’apostasie.
135. « Q ue votre Face illumine votre serviteur, et m’apprenne vos prescriptions. »
Telle fut la prière de Moïse : « Fais-moi, de
grâce, voir ta gloire. » ( Ex 33, 18 ) Et lorsqu’il
redescendit de la montagne du Sinaï, avec les
« prescriptions » gravées sur les deux « tables du
Témoignage, il ne savait pas que la peau de son
visage rayonnait, à la suite de son entretien avec
Yahweh » ( Ex 33, 29). Voilà ce que demande pour
lui-même le psalmiste. Est-il plus grand que Moïse ?
136. « M es yeux ruissellent de larmes,
parce qu’ils n’observent pas votre Loi. »
Moïse, lui, s’enflamma de colère, lorsqu’il aperçut
le veau d’or qu’ils avaient fabriqué ( Ex 32, 19).
Mais Jésus, lui, a pleuré sur Jérusalem ; et il pleure
aujourd’hui sur la France : « Combien de fois ai-je
voulu rassembler tes enfants à la manière dont
une poule rassemble ses poussins... et vous n’avez
pas voulu ! » ( Mt 23, 37 ) Consolons notre Dieu par
notre prière !
18. LA J USTICE DE DIEU
137. « Vous êtes juste, Yahweh,
et droit en vos jugements.
138. « Vous avez établi en justice votre témoignage
et fidélité jusqu’au bout.
139. « M on zèle me consume,
car mes adversaires oublient votre Parole.
140. « U n feu dévorant, votre promesse,
et votre serviteur la chérit.
141. « J eune, moi, et méprisé,
je n’oublie pas vos ordonnances.
142. « Votre justice est justice à jamais,
et votre loi vérité.
143. « D étresse et angoisse m’environnent,
vos commandements font mes délices.
144. « J uste est votre témoignage à jamais.
Donnez-moi l’intelligence et je vivrai. »
Mai 2015
No 151 - P. 24
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137. « Vous êtes juste, Yahweh,
et droit en vos jugements. »
En châtiant Israël, Dieu a révélé son incorruptible
justice :
« À toi, Seigneur, la justice, à nous la honte
au visage [...]. Yahweh, à nous la honte au visage,
à nos rois, à nos princes, à nos pères, parce
que nous avons péché contre toi », confessait le
prophète Daniel au temps d’Antiochus Épiphane
( Dn 9, 7-8 ).
Le châtiment est venu, en toute justice, mais
hélas ! « nous n’avons pas rasséréné la Face de
Yahweh, notre Dieu, en apprenant à connaître ta
vérité. » ( Dn 9, 13 )
138. « Vous avez établi en justice votre témoignage
et fidélité jusqu’au bout. »
Le Dieu juste est un Dieu clément. Moïse intercéda : «  Il invoqua le nom de Yahweh. Yahweh
passa devant lui et cria : “ Yahweh, Yahweh, Dieu
de tendresse et de pitié, lent à la colère, riche en
grâce et en fidélité. ” » ( Ex 34, 5-7 )
«  Jusqu’au bout » : c’est Jésus qui exauça cette
prière lorsque, « ayant aimé les siens qui étaient
dans le monde, il les aima jusqu’à la fin » ( Jn 13, 1 ),
jusqu’à donner sa vie pour eux.
139. « M on zèle me consume,
car mes adversaires oublient votre Parole. »
Le psalmiste est comme un nouveau Moïse,
enflammé de colère à la vue du Veau d’or, comme
un nouvel Élie, «  rempli d’un zèle jaloux pour
Yahweh Sabaot, parce que les enfants d’Israël t’ont
abandonné, qu’ils ont abattu tes autels et tué tes
prophètes par l’épée. Je suis resté moi seul et ils
cherchent à m’enlever la vie. » (1 R 19, 10)
140. « U n feu dévorant, votre promesse,
et votre serviteur la chérit. »
Le psalmiste est encore comme Jérémie que cette
Parole consumait intérieurement quand il tentait de
l’oublier ( Jr 20, 9 ).
141. « J eune, moi, et méprisé,
je n’oublie pas vos ordonnances. »
Comme Joseph et David au milieu de leurs frères.
142. « Votre justice est justice à jamais,
et votre loi vérité. »
« Vérité », c’est-à-dire qu’elle est solide, sûre,
digne de confiance. Dieu ne s’en dédira pas.
143. « D étresse et angoisse m’environnent,
vos commandements font mes délices. »
Au comble de la « détresse » et de « l’angoisse », le charme des « commandements » l’emporte encore.
144. « J uste est votre témoignage à jamais.
Donnez-moi l’intelligence et je vivrai. »
« L’intelligence » est une participation à la Sagesse
divine procurée par la connaissance de Dieu. Ce
verset exprime toute l’espérance d’Israël en un
renouveau merveilleux, où « le pays sera rempli de
la connaissance de Yahweh comme les eaux comblent
la mer », à l’avènement du Messie ( Is 11, 9 ). C’est
encore la grâce que nous demandons aujourd’hui
pour nous et pour notre Saint-Père le pape, vicaire
du Messie.
19. LE CRI DU CŒUR
145. « J e crie de tout mon cœur, répondez-moi, Yahweh ;
j’observerai vos prescriptions.
146. « J e vous appelle, sauvez-moi !
et je garderai vos témoignages.
147. « J ’ai devancé l’aurore et j’appelle ;
je m’en attends de votre Parole.
148. « M es yeux devancent les veilles
pour méditer sur votre promesse.
149. « É coutez ma voix selon votre miséricorde,
Yahweh, selon vos jugements
faites-moi vivre.
150. « I ls approchent mes poursuivants perfides,
de votre Loi, ils s’éloignent.
151. « Vous êtes proche, Vous, Yahweh,
et tous vos commandements sont vérité.
152. « D ès longtemps, je sais de vos témoignages
que vous les avez fondés pour toujours. »
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145. « J e crie de tout mon cœur, répondez-moi, Yahweh ;
j’observerai vos prescriptions. »
Ce cri du psalmiste actualise celui que les enfants
d’Abraham n’ont cessé de lancer vers Dieu depuis
leur esclavage en Égypte, lorsque « les enfants
d’Israël, gémissant de leur servitude, poussèrent des
clameurs, et leur appel à l’aide monta vers Dieu,
du fond de leur servitude. » ( Ex 2, 23 )
146. « J e vous appelle, sauvez-moi !
et je garderai vos témoignages. »
Mai 2015
« Sauvez-moi. » L’histoire d’Israël enchaîne les
réponses apportées par Dieu à cet appel : « Les
Israélites crièrent vers Yahweh et Yahweh suscita
aux Israélites un sauveur qui les libéra. » ( Jg 3, 9 )
147. « J ’ai devancé l’aurore et j’appelle ;
je m’en attends de votre Parole. »
Les psaumes et leurs cris de détresse quotidiens
annoncent et préparent la « violente clameur » lancée
avec « larmes, implorations et supplications » par le
Christ « à celui qui pouvait le sauver de la mort »
( He 5, 7 ).
148. « M es yeux devancent les veilles
pour méditer sur votre promesse. 
149. « É coutez ma voix selon votre miséricorde,
Yahweh, selon vos jugements
faites-moi vivre. »
Dans le malheur, ou le péché, paraît le visage
de la miséricorde divine. La « miséricorde », en
Dieu, signifie qu’il ne peut supporter la misère de
son élu, comme si, en contractant alliance avec
lui, il avait fait de lui un être « de sa race »
( Ac 17, 28 ), né de ses entrailles. Un instinct de
tendresse l’unit à lui à jamais comme celui d’une
mère la lie à son enfant.
« Le mot qui m’est le plus cher, dans les psaumes,
nous disait notre Père, répété sans cesse dans
le bréviaire, c’est le mot de miséricorde. Ce qui
caractérise le Cœur Immaculé de Marie et le Cœur
de Jésus, qui ne font qu’un, c’est la miséricorde
parce qu’on en a besoin. » ( dimanche de la Passion,
1 e r avril 2001 )
C’est aussi le « mot clef » du pape François qui
ne cesse de nous inviter à vivre « une étreinte de
miséricorde » avec Dieu :
« Seul celui qui est caressé par la tendresse
de la miséricorde connaît vraiment le Seigneur. Le
lieu privilégié de la rencontre est la caresse de
la miséricorde de Jésus-Christ à l’égard de mon
péché. » ( 10 mars 2015 )
« La morale chrétienne n’est pas l’effort titanesque, volontariste de celui qui décide d’être
cohérent et qui y parvient, une sorte de défi solitaire face au monde... La morale chrétienne est la
réponse émue face à une miséricorde qui surprend,
imprévisible, carrément “ injuste ” selon des critères
humains, de Quelqu’un qui me connaît, qui connaît
mes trahisons et qui m’aime quand même... » ( ibid.)
C’est la grâce qu’imploreront et obtiendront tous
ceux qui franchiront la Porte sainte de l’Année de
la Miséricorde.
150. « I ls approchent mes poursuivants perfides,
de votre Loi, ils s’éloignent.
No 151 - P. 25
151. « Vous êtes proche, Vous, Yahweh,
et tous vos commandements sont vérité. »
Vous n’êtes pas seulement le “ Très-Haut ”.
152. « D ès longtemps, je sais de vos témoignages
que vous les avez fondés pour toujours. »
20. LE REGARD DE DIEU
153. « Voyez ma misère et délivrez-moi,
car je n’ai pas oublié votre Loi.
154. « D éfendez ma cause et rachetez-moi,
selon votre promesse, faites-moi vivre.
155. « L oin des méchants, votre salut,
car ils ne cherchent pas vos prescriptions.
156. « D e par votre tendresse sans mesure,
Yahweh, faites-moi vivre selon vos jugements.
157. « P oursuivants et ennemis sans nombre
ne m’ont pas fait dévier de vos témoignages.
158. « J ’ai vu les renégats et j’ai été dégoûté,
ceux qui ne gardent pas votre promesse.
159. « Voyez combien j’aime vos ordonnances, Yahweh, faites-moi vivre
selon votre miséricorde.
160. « L a vérité est le principe de votre Parole,
et à jamais tout jugement de votre justice. »
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153. « Voyez ma misère et délivrez-moi,
car je n’ai pas oublié votre Loi. »
À cette prière, le pape François donne toute son
actualité en répétant : « Il n’y a aucun péché que
Dieu ne puisse pardonner ! aucun ! Dieu pardonne
tout et toujours. Ne nous lassons jamais de demander
son pardon. »
La miséricorde est au cœur du ministère du pape
François qui l’a inscrite dans sa devise épiscopale :
« Miserando atque Eligendo  », par Miséricorde et
par Élection, inspirée d’une homélie de saint Bède
le Vénérable ( 673-735 ), docteur de l’Église, dans
laquelle celui-ci commente l’appel de Matthieu par
Jésus : « Jésus vit un publicain et, en le regardant
avec un sentiment d’amour, il le choisit en disant :
“ Suis-moi . ” Vidit ergo Jesus publicanum et quia miserando atque eligendo vidit, ait illi : “ Sequere me . ” »
Jorge Bergoglio a entendu cet appel le 21 septembre 1953, en la fête de saint Matthieu, après
s’être confessé. Pour l’anniversaire de son élection
pontificale, le 13 mars 2015, il a indicté une “ Année
sainte extraordinaire de la miséricorde ”, qui
Mai 2015
s’ouvrira le 8 décembre 2015, en la fête de l’Immaculée Conception.
154. « D éfendez ma cause et rachetez-moi,
selon votre promesse, faites-moi vivre. »
L’inconnu de l’Exil l’a promis : « Dites à la fille
de Sion : Voici que vient ton Sauveur. Le prix de sa
victoire l’accompagne et ses trophées le précèdent.
On les appellera “ peuple saint ”, “ rachetés de
Yahweh ”. » ( Is 62, 12 )
No 151 - P. 26
21. LE FRUIT DE LA MISÉRICORDE
161. « L es princes me persécutent sans cause,
mais c’est votre Parole que redoute mon cœur.
162. « J e me réjouis, moi, de votre promesse,
comme celui qui a découvert un immense
butin.
163. « L e mensonge, je le hais, je l’abomine,
J’aime votre Loi.
155. « L oin des méchants, votre salut,
car ils ne cherchent pas vos prescriptions.
164. « S ept fois le jour, je vous loue pour vos justes jugements.
156. « D e par votre tendresse sans mesure,
Yahweh, faites-moi vivre selon vos jugements.
165. « A bondance de paix
pour ceux qui aiment votre Loi,
rien ne les fera trébucher.
157. « P oursuivants et ennemis sans nombre
ne m’ont pas fait dévier de vos témoignages.
158. « J ’ai vu les renégats et j’ai été dégoûté,
ceux qui ne gardent pas votre promesse. »
En voyant ma misère ( vt 153 ), Dieu me fait
miséricorde, tandis qu’il ne regarde même pas
les renégats. Car, pour eux, point de miséricorde.
Seulement le regard du fidèle « racheté » ( vt 154 ),
et son « dégoût ».
Ainsi, la sainteté de miséricorde ne contredit pas
la sainteté de justice, mais elle en est la cause.
Le pape François l’a merveilleusement expliqué
dans son homélie de la célébration pénitentielle du
13 mars, à Saint-Pierre. Commentant le passage
de l’Évangile selon saint Luc sur la pécheresse
pardonnée ( Lc 7, 36-50 ), il nous a fait contempler
« le regard même de Jésus sur nous, plein de
compassion, comme l’a perçu la femme pécheresse
dans la maison du pharisien. Dans ce passage, deux
mots reviennent avec insistance : amour et jugement.
« Il y a l’amour de la femme pécheresse qui s’humilie
devant le Seigneur, mais auparavant encore, il y
a l’amour miséricordieux de Jésus pour elle, qui la
pousse à s’avancer. »
Tandis que Simon, lui, le maître de maison, le
pharisien, « en pensée, invoque seulement la justice
et, ce faisant, il se trompe. Son jugement sur la
femme l’éloigne de la vérité et il ne lui permet pas
non plus de comprendre qui est son hôte. »
159. « Voyez combien j’aime vos ordonnances, Yahweh, faites-moi vivre
selon votre miséricorde. »
160. « L a vérité est le principe de votre Parole,
et à jamais tout jugement de votre justice. »
« Vérité », ’èmèt . David dit à Yahweh : « Vos
paroles sont vérité » ( 2 S 7, 28), pour signifier que
les promesses reçues de lui assurent la perpétuité
de sa maison ( vts 138, 142, 151 ).
166. « J e mets mon espérance en votre salut, Yahweh, et vos commandements,
je les mets en pratique.
167. « M on âme garde vos témoignages,
car je les aime beaucoup.
168. « J e garde vos ordonnances et vos témoignages.
Ainsi, tous mes chemins sont devant vous. »

 
161. « L es princes me persécutent sans cause,
mais c’est votre Parole
que redoute mon cœur. »
Non pas que le psalmiste entende cette Parole
de ses oreilles, mais la crainte révérencielle naît de
la foi que le fidèle yahwiste a dans les manifestations réelles, historiques, du Dieu vivant, depuis
la théophanie du Sinaï ( Ex 20, 18-19 ) jusqu’à la
vision nocturne de l’échelle de Jacob ( Gn 28, 17 ), en
passant par la crainte de Moïse devant le Buisson
ardent ( Ex 3, 6 ).
162. « J e me réjouis, moi, de votre promesse,
comme celui qui a découvert un immense
butin. »
La « Parole » est d’abord le commandement divin,
et ensuite la promesse faite à ceux qui le mettent
en pratique. D’où la crainte... Mais cette crainte
n’empêche pas la joie de l’Alliance, au contraire :
elle l’alimente ; le psalmiste imite Jérémie : « Quand
tes paroles se présentaient, je les dévorais ; ta parole
était mon ravissement et l’allégresse de mon cœur.
Car c’est ton Nom que je portais, Yahweh, Dieu
Sabaot. » ( Jr 15, 16 )
163. « L e mensonge, je le hais, je l’abomine,
J’aime votre Loi. »
Mai 2015
« Le mensonge », opposé à la « Loi » par les
« princes » qui le « persécutent », est l’idolâtrie
contraire au premier article de cette Loi : « Tu
aimeras Yahweh, ton Dieu, de tout ton cœur, de
toute ton âme et de tout ton pouvoir. » ( Dt 6, 5 )
164. « S ept fois le jour, je vous loue pour vos justes jugements. »
« Sept » est le chiffre parfait, pour signifier une
louange incessante. La prière quotidienne avait
lieu « trois fois par jour » ( Dn 6, 11 ), « le soir,
le matin, à midi » ( Ps 55, 18 ), le jour légal commençant le soir. Ce verset 164 est devenu, à partir de la Règle de saint Benoît , le fondement
biblique des sept heures canoniales de l’office
liturgique quotidien : laudes, prime, tierce, sexte,
none, vêpres et complies. Matines, à la minuit,
s’appuient sur le verset 62 : « Au milieu de la nuit,
je me lève pour vous rendre grâces. »
Les « justes jugements » sont ceux du gouvernement quotidien de l’univers depuis sa création.
165. « A bondance de paix pour ceux qui aiment
votre Loi, rien ne les fera trébucher. »
« Paix », šalôm : le mot dérive d’une racine qui
désigne le fait d’être complet, intact, et le bienêtre de l’existence quotidienne qui en découle.
Concrètement, elle est bénédiction, repos, gloire,
richesse, salut, vie. Plénitude de bonheur, fruit de
l’union à la volonté de Dieu par l’amour de sa
Loi.
166. « J e mets mon espérance en votre salut, Yahweh, et vos commandements,
je les mets en pratique. »
« Votre salut », yešû ‘atèkha, autrement dit : « votre
Jésus » ( cf. vt. 41 ). Ce verset est déjà un appel à
son avènement qui l’a fait « concevoir », pour
ainsi dire, dans son esprit, par la Vierge Marie
lorsqu’elle récitait ce psaume, avant de concevoir
ce « salut », ce « Jésus » en son sein par l’opération
du Saint-Esprit.
167. « M on âme garde vos témoignages,
car je les aime beaucoup.
168. « J e garde vos ordonnances et vos témoignages.
Ainsi, tous mes chemins sont devant vous. »
Tout le mouvement du psautier dont ce psaume 119
est l’anthologie, consiste à marcher vers Dieu, selon
la vocation d’Abraham : « Marche en ma présence
et sois parfait » ( Gn 17, 1 ), sur un chemin que
Dieu lui-même a balisé de ses « ordonnances »
et « témoignages », et qui conduit le fidèle en Sa
Présence.
No 151 - P. 27
22. LE V ISAGE DE LA MISÉR ICOR DE
169. « Q ue mon cri approche de votre Face, Yahweh, donnez-moi l’intelligence
de votre Parole.
170. « Q ue ma supplication parvienne
jusqu’à votre Face.
Selon votre promesse, délivrez-moi.
171. « Q ue mes lèvres publient la louange
de vos prescriptions dont vous m’instruisez.
172. « Q ue ma langue chante votre promesse,
car tous vos commandements sont justice.
173. « Q ue votre main me soit en aide,
car j’ai choisi vos ordonnances.
174. « J e soupire après votre salut, Yahweh,
et votre Loi fait mes délices.
175. « Q ue vive mon âme pour vous louer,
et vos jugements me viendront en aide.
176. « J ’erre, brebis perdue ;
cherchez votre serviteur,
car je n’oublie pas vos commandements. »

 
169. « Q ue mon cri approche de votre Face, Yahweh, donnez-moi l’intelligence
de votre Parole. »
Tout ce psaume n’est qu’un long « cri » ( cf. vt 145 )
qui manifeste « l’intelligence » qu’a le psalmiste
de la Parole de Dieu, révélation de son Divin
Cœur dont sa « Face » est le miroir.
170. « Q ue ma supplication parvienne
jusqu’à votre Face.
Selon votre promesse, délivrez-moi. »
Entre la « supplication » et l’ « action de grâces »
( cf. vt 108 ), la prière est un face à Face en attente
du salut promis.
171. « Q ue mes lèvres publient la louange
de vos prescriptions dont vous m’instruisez. »
La « louange » est avant tout confession des
œuvres de Dieu qu’ordonnent ses « prescriptions »
( vt 12 ).
172. « Q ue ma langue chante votre promesse,
car tous vos commandements sont justice. »
La voie du psalmiste, qui emprunte celle que
Dieu a marquée de ses commandements, aboutit
infailliblement à la sainteté de justice que chante ce
psaume en ses vingt-deux strophes, elle-même fruit
de la miséricorde divine.
Mai 2015
No 151 - P. 28
173. « Q ue votre main me soit en aide,
car j’ai choisi vos ordonnances. »
Ce verset est une réponse à la plainte de Yahweh
qui voit son amour méprisé : « Je tendais les
mains chaque jour vers un peuple rebelle qui
suivait une voie qui n’est pas bonne, au gré de
ses fantaisies. » ( Is 65, 2 )
174. « J e soupire après votre salut, Yahweh,
et votre Loi fait mes délices. »
« Votre salut », avant d’être apporté par Jésus,
la Parole de Dieu en Personne, le Verbe fait chair,
le « salut » a été, à travers les siècles, l’expérience
historique du peuple de Dieu qui le distingue de
tous les autres peuples de la terre. Dieu a sauvé
David, en lui donnant la victoire, partout où il allait.
Et, par son entremise, il a sauvé son peuple de la
main de ses ennemis.
175. « Q ue vive mon âme pour vous louer,
et vos jugements me viendront en aide. »
Mais le salut n’advient pas sans qu’un « jugement » divin n’intervienne pour mettre à part ceux
qui en bénéficient.
176. « J ’erre, brebis perdue ; cherchez votre serviteur,
car je n’oublie pas vos commandements. »
Yahweh, dit Ézéchiel, sauvera ses brebis en les
ramenant dans un bon pâturage ( Ez 34, 22 ).
Cet appel à la miséricorde divine résume tout
l’Ancien Testament : ce ne sont pas les hommes qui
se croient justes qui réjouissent le Cœur de Dieu,
mais les pécheurs repentants.
« LE CHEMIN QUI MÈNE JUSQU ’À DIEU »
Le mot hébreu dèrèk, « chemin » ( vt 1 et passim ), désigne la conduite de l’homme qui n’est
qu’un « étranger sur la terre » ( vt 19 ). Sa patrie
est ailleurs. La révélation divine est son viatique
( vt 54 ) en attendant l’autre patrie où règne la justice ( vts 7, 40 et passim ), où il célébrera la victoire
de la bataille menée tout au long de son pèlerinage
terrestre avec l’aide de la grâce ( ḥèsèd ) de Dieu.
Notre-Dame aux petits voyants de Fatima, le 13 mai
1917 : « Je suis du Ciel. »
Le psaume 19 attribue à la « Loi » ( tôrâh ), des
fonctions analogues à celles que remplit la Sagesse
personnifiée dans les livres des Proverbes et de l’Ecclésiastique ( Pr 8 et Si 24) appliqués par l’Église à la
Vierge Immaculée ( cf. Ps 19, 8 -11 ). Le psaume 119 se
prête à la même transposition dès le premier verset :
Chacun des huit mots qui désignent ce que Dieu
veut : Loi ( tôrâh ), Parole ( dâbâr ), prescriptions
( ḥuqqîm ), témoignage ( ‘ édot ), promesse ( ’ imrâh ),
ordonnances ( piqqudîm ), commandements ( miṣwôt ),
jugements ( miš pâtîm ), révèle un Dieu d’amour,
sept fois évoqué par le mot ḥèsèd, un Dieu de
fidélité ( ’ èmûnâh , vts 30, 75 et passim ), de justice
( ṣ edâqâh ), et de tendresse ( raḥamîm , vts 77, 156 ).
« Heureux ceux qui marchent dans le chemin de
l’innocence et de la Loi de Yahweh. »
Beati Immaculati . Cette béatitude s’applique en
tout premier lieu à l’Immaculée, et même à Elle
seule ! La Bienheureuse Vierge Marie « marche dans
le chemin de l’innocence » dès sa conception. Son
Cœur Immaculé est le chemin qui conduit jusqu’à
Dieu, à condition que l’enfant de Marie obéisse à
ses petites « demandes », prescriptions et commandements, et se jette dans le sein de sa miséricorde,
avec une entière confiance en ses promesses.
Le psaume 119 ne contient aucune imprécation contre les ennemis, mais seulement un simple
constat du fossé qui sépare de Dieu ceux qui n’observent pas ses commandements ( vts 53, 84, 113,
115, 126, 150, 155, 158 ). C’est comme le feu du
creuset qui ne réussit pas à séparer les scories du
métal ­précieux ( vt 119 ) !
Ces attributs de Yahweh demeurent de toute éternité ( vts 52, 142, 152, 160 ), et c’est déjà dans cette
éternité que le psalmiste espère s’établir en pratiquant
les commandements ( vts 44, 98, 101, 112, 117 ), car
vivre conformément à la volonté divine, c’est recevoir déjà en partage la Terre promise ( vts 19-20, 57),
qui n’est autre qu’une vie de communion avec Dieu
( vts 37, 50, 93, 144 ), dont l’intimité se traduit par
une prière de supplication du psalmiste à la recherche
du visage divin.
« C’est l’apprentissage du Ciel » ! où se tient la
parole divine personnifiée ( vt 89 ) qui préside aux
destinées du monde. Le lieu de son séjour est le
Ciel, dans une région supérieure à celle de l’univers
qu’elle a fondé et organisé ( vt 90 -91 ). Se tenir dans
le Ciel, c’est avoir une existence éternelle.
C’est ainsi que se présente la Sainte Vierge
« Préservez-moi de l’opprobre et du mépris. » ( vt 20 )
La version moderne de cette prière est la prière
enseignée par Notre-Dame de Fatima le 13 juillet
1917 : «  Ô mon Jésus, pardonnez-nous nos péchés,
préservez-nous du feu de l’ enfer, et conduisez au
Ciel toutes les âmes, surtout celles qui ont le
plus besoin de votre miséricorde . »
frère Bruno de Jésus - Marie.
LA LIGUE
E
No 151 - P. 29
L’ ÉTE N DAR D DE LA M I SÉR ICOR DE
N prélude à l’année de la
Miséricorde, et en décrétant contre toute attente cette
nouvelle ostension du Saint
Suaire de Turin ( 19 avril – 24
juin ), c’est un appel à la Croisade entendue au sens salésien
du terme, que nous lance le
pape François. C’est « par la
charité », par « l’Amour miséricordieux » qu’il faut
reconquérir, non plus seulement Genève mais le monde
entier, à commencer par l’Église catholique, minée
­depuis le concile Vatican  II par la mondanité de l’esprit
protestant, le modernisme et le progressisme. La perte
de la foi frappant des générations entières, nos frères
et sœurs martyrisés par l’islam, le pape François, à la
différence de ses prédécesseurs, ne s’en accommode
pas ! « Poussé par l’Esprit » il prend les moyens
­proportionnés, surnaturels, suprêmement efficaces pour
y remédier.
Le Saint-Père lève donc cette année l’étendard
du Saint Suaire de Jésus, pour que « cet acte de
vénération nous aide tous à trouver en Jésus-Christ
le visage miséricordieux de Dieu. » Ce qu’il dira le
21 juin prochain ne sera pas moins explicite que sa
profession de foi du 30 mars 2013 : « À travers le
Saint Suaire nous parvient la Parole unique et ultime
de Dieu : l’Amour fait homme, incarné dans notre
histoire ; l’Amour miséricordieux de Dieu qui a pris
sur lui tout le mal du monde pour nous libérer de sa
Mai 2015
domination. Ce Visage défiguré ressemble à tant de
visages d’hommes et de femmes blessés par une vie
qui ne respecte pas leur dignité, par des guerres et
des violences qui frappent les plus faibles... Pourtant
le Visage du Suaire communique une grande paix ;
ce Corps torturé exprime une souveraine majesté.
C’est comme s’il laissait transparaître une énergie
contenue, mais puissante, c’est comme s’il nous
disait : “ Aie confiance, ne perd pas l’espérance ; la
force de l’amour de Dieu, la force du Ressuscité
vainc tout. ” Pour cela, contemplant l’Homme du
Suaire, je fais mienne, en ce moment, la prière que
saint François d’Assise prononça devant le Crucifié :
“ Dieu Très-Haut et glorieux, viens éclairer les ténèbres
de mon cœur ; donne-moi une foi droite, une espérance
solide et une parfaite charité ; donne-moi de sentir et
de connaître, Seigneur, afin que je puisse l’accomplir, ta
volonté sainte qui ne saurait m’égarer. Amen. ” »
DE TURIN 2015 À FATIMA 2017.
Autre étendard que le Saint-Père s’apprête à lever
en vue de la lutte finale et de la victoire certaine,
celui de Notre-Dame de Fatima. En 2017, si Dieu
lui donne « la vie et la santé », il célébrera le centième anniversaire des apparitions à la Cova da Iria,
loin des machiavéliques pressions du Pape émérite...
Le Saint Suaire de Turin et Notre-Dame de
Fatima sont les deux “ signes des temps ” par lesquels
la divine miséricorde veut sauver son Église et le
monde. Mais pour les mettre en œuvre, il faut et il
suffit qu’un troisième « signe » le veuille bien aussi,
c’est le « Saint-Père ». En 1978, l’abbé de Nantes
exultait en voyant le saint pape Jean-Paul I er s’engager si résolument dans cette voie. En 1996, au
plus fort de la persécution, contraint à l’exil par Mgr
Daucourt, il envoya son « petit troupeau » à Fatima.
Celui-ci conduit par notre frère Bruno fit briller à
la face furieuse de ses ennemis les trois bannières
de notre délivrance certaine : le pape Jean-Paul I er ,
« l’évêque vêtu de blanc » martyr de ses frères, la
Sainte Face de Jésus, le Cœur Immaculé de NotreDame de Fatima.
Aujourd’hui avec le pape François, la Gesta Dei
est de nouveau enclenchée et, comme jadis, per
Francos, car ce sont des Français de France et de
Nouvelle-France qui, en avant-garde du corps tout
entier de “ l’Église en marche ”, la comprennent et
la mettent en œuvre. Le premier d’entre eux, c’est
notre frère Bruno de Jésus-Marie. C’est lui qui,
comprenant l’intention profonde du Saint-Père et du
Saint-Esprit qui l’assiste, conduisit la phalange de
l’Immaculée en pèlerinage au pied du Saint Suaire
de Turin le 1er mai dernier, tout en lui donnant par
sa prédication une prodigieuse intelligence du mystère
No 151 - P. 30
qui s’accomplissait. C’est encore lui qui, à peine
connu le désir du pape François, nous annonça que
nous serions, nous aussi, à la Cova da Iria, au pied
de Notre-Dame, à son service, afin de beaucoup prier
pour notre cher Saint-Père... Nous allons de joie en
joie, joie de la vérité, de la charité, c’est tout un.
LA PH A LA NGE DE L ’ IMM ACULÉE À TUR IN
C’est huit cents pèlerins répartis en huit cars
et plus de cinquante voitures, sans compter ceux
qui sont venus en avion et en train, que notre
frère Prieur conduisit à Turin. Départ tôt matin le
mercredi 29 avril pour les deux cars de Saumur,
un peu plus tard pour les deux autres de Paris, les
trois de la maison Saint-Joseph, et celui de Lyon.
En cours de route, nos frères avaient prévu tout un
programme audio-vidéo bien fait pour nous faire
entrer dans la familiarité des apôtres de la Sainte
Face, de ceux de Turin aussi, les uns comme les
autres tout au Christ et à Notre-Dame, au service des
pauvres, en lutte contre la révolution dans le monde
et dans l’Église. Persécutés par les francs-maçons
capitalistes ou socialistes, ils le seront aussi par un
clergé démocrate, confortablement installé dans la
mondanité, toujours prompt à se rallier aux puissants
du jour... C’est dans cette lumière que la vie de saint
Jean Bosco nous apparut en plénitude, si semblable
finalement à celle de notre bienheureux Père et du
pape François. Nous nous sentions plus que jamais
fils de l’Église, embrasés du même amour que ces
saints de Contre-Réforme, affrontés à de semblables
épreuves... Reconnaissance à notre bienheureux Père
pour cette vocation prodigieuse, et à notre frère
Bruno qui nous y entraîne tambour battant.
Le mercredi soir, tous nos pèlerins étaient arrivés
dans leurs hospitalités respectives.
LE JEUDI 30 AVRIL À CHIERI .
C’est au Duomo, c’est-à-dire dans la cathédrale
de cette petite ville qui fait partie désormais de
la grande banlieue de Turin, que nos pèlerins se
retrouvèrent pour une messe concélébrée par le
premier vicaire de la paroisse et nos aumôniers. Le
jeune Père était à notre encontre sous l’effet d’une
« douane pastorale » qui venait tout juste d’être
levée. La crispation des débuts céda heureusement
bien vite sous la baguette de nos beaux chants
polyphoniques si puissamment exécutés, d’un seul
cœur, grâce à notre frère Henry.
Dans son homélie, frère Bruno nous prépara au
Face à face du lendemain avec Dieu en sa deuxième
Personne. Saint Philippe l’Apôtre et son génial mais
présomptueux « Montre-nous le Père et cela nous
suffit ! » ( Jn 14, 9 ) permit à notre frère de nous
Mai 2015
faire davantage communier au mystère du Père et
du Fils qui ne font qu’un seul Être : « Jésus qui est
homme, est dans l’Esprit pur qu’est le Père ; et lui,
le Père qui est l’Esprit, est dans l’être corporel de
Jésus, celui que nous voyons, entendons, touchons
à notre tour, que nous mangeons et buvons dans
la Sainte Eucharistie. Quand Jésus va, le Père va
avec Lui. Dieu va et vient dans son Fils. Et il nous
atteint, chacun de nous, pèlerins, tandis que nous le
contemplons sur son Suaire, au Duomo ( de Turin ),
dans une relation personnelle, cœur à Cœur (...).
« Dieu a aussi un Cœur dont l’expression de Sa
Face est le reflet. Il peut tour à tour, le montrer
dans sa bienveillance, ou le cacher dans sa colère.
C’est ce que nous expérimentons en contemplant le
Saint Suaire... Mais celui qui aime Jésus, comme
notre Père, le trouve beau sur son Saint Suaire,
avec son œil droit si doux, et cette bouche prête
à embrasser l’enfant qui viendra, en pleurant, lui
demander pardon... »
À la fin de la Messe, nos nombreux enfants furent
pris en charge par nos sœurs. « Les religieuses salésiennes de Chieri nous ont très gentiment offert
l’hospitalité pour la garderie des enfants, pendant
la conférence de frère Bruno. Dans leur vaste cour
de récréation, et une grande pièce, nos petits ont pu
jouer et se restaurer grâce aux gâteries offertes par
ces bonnes religieuses. La supérieure désirait vivement parler à notre Mère : “ Comment faites-vous
pour avoir de jeunes sœurs ? ” Elle s’émerveillait
aussi de voir nos familles nombreuses. Elle fit signe
à notre Mère, en montrant sur ses doigts qu’en Italie,
les familles ne sont plus composées que d’un, deux
ou trois enfants au maximum. “ On ne voit plus des
familles comme chez vous... ”»
C’est dans la cathédrale de cette ville si chère à
saint Jean Bosco que notre frère Bruno nous commenta d’une manière lumineuse la bulle d’indiction
du jubilé extraordinaire de la miséricorde, Misericordiæ Vultus ( cf. supra, p. 10-18 ). « Cette bulle
est surprenante, nous confiera-t-il ensuite. Notre Père
pensait que le Pape qui viendrait après le grand
désordre du Concile condamnerait les erreurs, lancerait des anathèmes. Or, il n’en est rien avec le pape
François. S’il se mettait à condamner, cela ne marcherait pas, il y aurait schisme. Au lieu d’incriminer
les vraies causes, qu’il ne voit d’ailleurs sans doute
pas ( il faut avoir lu le Père pendant cinquante ans pour
comprendre ), il ne lance pas un nouveau système, une
nouvelle doctrine, il ouvre cette Année de la Miséricorde , proclame une année de grâce : c’est la Bonne
Nouvelle, l’Évangile. Prenant les choses comme cela,
il désarme tout le monde, et ça marche. Certains
ronchonneront sûrement dans leur coin, mais cela
No 151 - P. 31
marchera quand même (...). Le pape François est en
train de redonner à tout le monde le sens du péché.
On est à mille années-lumière de la transcendance de
la personne humaine et du culte de l’homme. »
Joie des amis après une telle conférence, mais
guère le temps d’échanger puisqu’il fallut vite récupérer les enfants et se rendre dans nos hospitalités
respectives. Retour tranquille, sauf pour les pèlerins
du car de Saumur 1 qui devaient se livrer chaque
jour à un exercice qui faisait la joie des enfants,
celui de déplacer à grand renfort d’hommes vigoureux les voitures qui obstruaient le passage menant
à notre hospitalité... On est en Italie, c’est permis,
et même quand un propriétaire se fâche, on ne
comprend pas les “ gentillesses ” qu’il vous adresse,
on s’excuse, on n’y pense plus et on recommence
puisqu’on n’a pas le choix...
ET AU COLLE DON BOSCO .
L’immense esplanade du Colle Don Bosco était
bien faite pour que nos huit cents amis brisent le
cadre artificiel du “ groupe ”, et fraternisent. Ils ne
s’en sont pas privés. Après ce joyeux temps fort
de charité familiale et fraternelle, nos sœurs s’occupèrent des enfants dans le cadre enchanteur des
Becchi. Les adultes se rendirent dans la basilique
pour écouter frère Bruno leur dévoiler, à la lumière
des songes de don Bosco, commentés par notre Père
en 1993 ( in CRC n o 296 de novembre, p. 17-19, et
n o 297 de décembre, p. 1-10 ), l’actualité politique
et religieuse de ce mois (cf. supra p. 1-8 ). C’est
saisissant de voir à quel point le pape François rencontre le dessein divin dévoilé par les songes de don
Bosco. Du 8 décembre 2015 au 13 octobre 2017,
nous avons devant nous, dira frère Bruno, deux
ans de grâce et de miséricorde pour nous convertir et nous préparer aux labeurs apostoliques qui
résulteront de la consécration de la Russie au Cœur
Immaculé de Marie et de la diffusion de la dévotion
des premiers samedi du mois ; deux ans d’instantes
prières pour le Saint-Père par conséquent...
FACE À FACE AVEC JÉSUS
EN SON SAINT SUAIRE
Une foule impressionnante de bénévoles quadrillaient les rues afin de canaliser les quelque
trois cents cars de pèlerins qui étaient attendus au
Duomo . Tout était donc fort bien organisé, sécurisé.
La procédure était serrée, mais grâce au truchement
indispensable de nos traducteurs, les prescriptions
administratives furent vite remplies, et tous nos pèlerins étaient au rendez-vous à l’heure dite, 8 h 30.
Notre frère Bruno suivi des sœurs s’engagea sous
les tonnelles qui serpentent dans les jardins royaux
Mai 2015
No 151 - P. 32
jusqu’au Duomo. Les premiers groupes suivirent et
tous à sa suite chantèrent le chapelet. Surprise des
volontaires du service d’ordre, mêlée la plupart du
temps de bienveillance et d’encouragements discrets.
Nous fîmes silence avant de paraître à “ l’audience du grand Roi ”. Un montage vidéo, très
pédagogique, sobre, nous préparait à la sainte Rencontre. Toutes les saintes plaies de Jésus nous
ont été montrées ; silence religieux sur fond d’une
musique douce pour aider au recueillement... À la
différence des ostensions précédentes le fait de la
résurrection était mentionné, mais sans commentaires, par l’apparition du négatif photographique,
Jésus dans toute sa stature d’homme parfait, glorieux, paisible, vainqueur.
Les pèlerins étaient ensuite invités à paraître
devant le Seigneur pour un entretien particulier, plus
long que les autres fois, et dont chacun gardera le
secret. Une prière officielle était prévue. Elle avait
certes le mérite de proclamer sans détour l’identité
de Jésus, d’apprendre au pèlerin que ses péchés
étaient la cause des blessures et des souffrances dont
ce corps était criblé, mais le mot de rédemption ne
sera pas prononcé, ni celui de résurrection comme
le fait historique, incontournable que le Saint Suaire
prouve sans nul doute possible... Frère Jean-Duns
qui a eu le privilège de réciter cette prière en com-
pensa les lacunes pour la plus grande satisfaction
des pèlerins de son groupe.
À la différence de l’Ostension précédente, tout
préparait à cette audience divine, les tentures rouges
Mai 2015
et les fleurs en attente de la vénération de la Sainte
Relique par le peuple de Dieu en corps constitués,
sous la conduite de ses Pasteurs légitimes dans les
ors et les fastes liturgiques.
Une bonne délégation de frères, sœurs et amis
canadiens étaient présents parmi nous ; quant aux
autres, frère Pierre s’employa à les consoler en leur
livrant le secret de la vraie dévotion à la Sainte
Face : « Grâce à notre Père et à son combat pour
la défense du Saint Suaire, nous voyons les choses,
pour ainsi dire dans le Cœur du Bon Dieu : le Saint
Suaire, c’est Jésus qui revient parmi nous, en nos
temps d’apostasie. Il est là, au milieu de nous par
sa présence divine, silencieuse, majestueuse, qui est
une démonstration de la vérité des Évangiles, de
sa Passion et de sa résurrection, propre à ranimer
la foi dans le monde. Être appelés à vénérer cette
précieuse relique à Turin est une grâce de prédestination qui nous incite à imiter Jésus dans ce don
total qu’il a voulu faire de Lui-même à son Église,
à brûler d’un zèle tout missionnaire. »
GRAND - MESSE AU COTTOLENGO .
Tous nos pèlerins se retrouvèrent pour notre
“ messe de pèlerinage ” à 11 heures dans la grande
chapelle du Cottolengo. Les autorités diocésaines
nous ayant donné enfin la permission de la célébrer, « en tant que groupe », frère Gérard avait pu
planifier le déroulement de la cérémonie avec un
prêtre diocésain, originaire du “ Congo-Brazzaville ”.
No 151 - P. 33
Toutes les préventions qui pesaient sur nous s’étaient
dissipées dès le premier contact. Et le sermon nous
le révélait fraternel, partageant notre foi entière et
adorateur en esprit et en vérité du Précieux Sang
contemplé sur le Saint Suaire. Cette messe concélébrée par nos quatre aumôniers, fut grandiose dans
ses chants, l’incomparable et puissant Kyriale des
anges que nos amis savent par cœur, et nos chants
polyphoniques, qu’ils savent aussi par cœur ; le tout
bien dirigé par notre frère Henry et puissamment
accompagné par un orgue heureux de remplir sa
vocation sous les mains expertes d’une amie phalangiste. Quelle belle cérémonie, tellement consolante et
réconfortante... Le Père africain y a été très sensible,
et on le voyait discrètement promener son portable
pour filmer nos amis et enregistrer les chants. À
la fin, il eut la touchante humilité de reconnaître
qu’il avait parlé pour remplir son office de prédicateur, mais que c’est nous, par nos chants, notre
manière de prier qui l’avions bien enseigné. Cet
enthousiasme englobait donc les prières universelles
composées et dites par notre frère Bruno, au rebours
du “ religieusement correct ”, allant à l’essentiel de
ce que l’on doit demander si l’on veut vraiment
obtenir de Dieu la paix dans le monde et la foi dans
l’Église. Après ce bel avant-goût de la Renaissance
toute proche, chaque groupe rejoignit son hospitalité
pour prendre le repas, et vite revenir pour la visite
des différents sanctuaires de Turin.
Mai 2015
LA V ILLE SA INTE DE TUR IN
Elle l’était au seizième siècle au beau temps de
la Contre-Réforme, mais au début du dix-neuvième,
elle se glorifiait surtout d’être le fief de la franc-­
maçonnerie et du protestantisme le plus radical,
le berceau de l’unité italienne. Mais cette ville fut
pour ainsi dire “ reconquise ” par la charité des
saints. Jean Bosco en est la figure emblématique
en sa cité mariale du Valdocco  ; saint Joseph -­
Benoît ­Cottolengo, le pionnier, fondateur de douze
congrégations religieuses, prodigieux saint Vincent de
Paul italien, mais à la puissance n ! en ses divines
petites maisons de la Providence, de la foi, de l’Espérance, etc., fondées sur un abandon absolu à la
Divine Providence ; saint Joseph Cafasso le prêtre
du gibet, l’apôtre et l’ami des prisonniers, la consolation des condamnés à mort... Le Père spirituel
surtout du jeune don Bosco. Et tant d’autres, infatigables ouvriers du salut des plus pauvres, victimes
par milliers du nouveau régime.
Dominant toutes les agitations de ce monde,
Jésus et Marie bien présents au cœur de la ville en
de somptueux sanctuaires, vivaient et travaillaient en
tous ces saints.
Jésus en son Saint Suaire, caché dans un reliquaire du Duomo depuis 1578 ; Jésus-Hostie vénéré
dans l’église du Corpus Domini depuis le miracle
eucharistique de 1453 ; la Consolata , « la Mère de
Dieu consolée et consolatrice », protectrice tutélaire
de la ville depuis le cinquième siècle, dont l’icône
miraculeuse, miraculeusement retrouvée au douzième
siècle, est tellement chérie des Turinois ; puis sa
figure nouvelle plus engagée dans les combats des
derniers temps, Marie-­A uxiliatrice de don Bosco,
en sa grande basilique rivale de tous les temples et
convents impies de la ville.
L’église Saint - Dominique renferme une foule de
trésors, mais le plus significatif, et on ne peut plus
actuel, est la bannière arborée par les galères du duc
de Savoie durant la bataille de Lépante contre les
Turcs en 1571. On y voit la Madone entourée de
deux anges qui présentent le Saint Suaire de NotreSeigneur. Entourant le motif central de la bannière,
on lit en latin un verset du psaume 83 qui se traduit
ainsi : « Soyez mon Dieu notre bouclier, et regardez
la Face de votre Christ. » C’est sous cette égide que
la Chrétienté a triomphé et triomphera encore de
l’islam ! Quelle leçon...
VISITES ET PRIÈRES ÉDIFIANTES POUR TOUS .
Nous devions durant l’après-midi entrer en communion avec tous ces saints, au gré des visites des
différents sanctuaires de Turin qui avaient été parfaitement planifiées par nos frères organisateurs. Mais
No 151 - P. 34
en ce premier jour du mois de Marie, une foule de
touristes envahissait les sanctuaires. Pour les pèlerins
qui eurent la chance de suivre notre frère Bruno, ce
fut la grâce d’un après-midi de prières, sans respect
humain, entraînant les touristes à faire de même, et
d’instructions passionnantes. C’est la famille CRC,
en toutes ses générations, qui priait sous l’impulsion
de son Père et frère Bruno. Cela nous fit beaucoup
de bien, à nous membres de la famille, mais aussi
aux braves gens qui nous entouraient. À preuve ce
témoignage, un parmi tant d’autres, du gardien de la
Consolata  : « Je ne vous ai pas vus, mais je vous
ai entendus. C’est pour nous un encouragement,
nous avons la même foi. » Un temps fort à revivre
grâce au montage vidéo du pèlerinage que nos frères
­techniciens vous offriront bientôt.
Le témoignage d’un Père salésien fut pour
notre frère Benoît, qui en reçut la confidence, le
point d’orgue de cette journée. C’est plein d’une
admiration encore très vive et respectueuse qu’il
dit à notre frère : « J’ai entendu monsieur l’abbé
de Nantes prêcher dans la basilique de Marie-­
Auxiliatrice le 9 mai 1998 ! » Il a demandé ensuite
à notre frère les “ litanies de la Sainte Face ” qu’il
veut traduire en italien.
PREMIER SAMEDI DU MOIS À SUPERGA .
“ Superga ” ? Encore une station de ski à la
mode, me direz-vous ? Eh bien, vous n’y êtes pas
du tout ! C’est une magnifique basilique royale
qui trône depuis 1706 au sommet d’une montagne.
Cadeau offert à Notre- Dame de Toute - Grâce par
le duc de Savoie, Victor-Amédée  II pour la délivrance de Turin assiégée par Louis  XIV. C’est dans
ce magnifique sanctuaire de Contre-Réforme que
­plusieurs groupes de nos pèlerins purent assister à
la Messe célébrée par l’un de nos aumôniers. Nous
chantâmes encore nos plus beaux chants, et frère
Bruno nous adressa une dernière fois la parole, avec
émotion, car il s’agissait de nos frères et sœurs que
l’on martyrise de par le monde. Il nous conjura de
beaucoup prier Notre-Dame, pour qu’en ce premier
samedi du mois Elle obtienne du Saint-Père qu’il
recommande la dévotion réparatrice à la terre entière
« pour arrêter le massacre et l’apostasie des plus
faibles, pour obtenir paix et miséricorde sur les
victimes et leurs assassins eux-mêmes. De “ voie nouvelle pour aider les frères et aimer Dieu davantage ”, il
n’en est pas d’autres ! Prions, prions pour le Saint­
Père ! »
C’est sous un soleil de gloire illuminant les Alpes
que la caravane CRC se déploya et s’étira tout au
long de la route du retour ; les uns et les autres se
rencontrant au gré des haltes, tous tant et plus ravis
de ce magnifique pèlerinage. Et même après une
Mai 2015
No 151 - P. 35
journée de car, sous la pluie pour finir, ils rayonnaient de bonheur et n’en finissaient pas de nous
remercier, nous, c’est-à-dire notre frère Bruno, frère
Gérard et tous leurs frères organisateurs...
Cet enthousiasme n’était pas de commande, mais
bien plutôt la grâce du pèlerinage que frère Bruno
allait rappeler dans le sermon du lendemain : « Maintenant, le rendez-vous est à Fatima en 2017, mais
avant, il faut savoir que nous rapportons de Turin
le rayonnement qui doit se voir sur nos visages ! Le
Soudarâ tamise encore la gloire de Jésus, comme le
voile de Moïse après le Face à face avec Yahweh.
Mais le Saint Suaire nous parle de gloire. Si nous
avons bénéficié du Face à face avec ce linge, c’est
pour que nous rayonnions de cette lumière, et même
dans la peine. On offre sa peine et Jésus rayonne. Ce
n’est pas un sourire charismatique, facile, mais c’est
qu’après avoir contemplé tout ce que Jésus a souffert
pour nous, il faut que nous soyons décidés à tout
offrir par amour, surtout nos peines. Cette joie habite
le pape François !... » Merci mon frère…
Et, mon cher frère Bruno de Jésus-Marie, je me
permets d’ajouter notre reconnaissance pour votre cœur
tout épris de la lettre et de l’esprit tant de notre Père
chéri que de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus de la
Sainte-Face à qui ce pèlerinage fut confié, que vous nous
faites aimer tout uniment en un beau chant d’Amour
pour les Cœurs miséricordieux de Jésus et de Marie.
frère Philippe de la Face de Dieu.
LES NOUVEAUTÉS DU MOIS
1 VIDÉO ( 2 heures) : achat 12 E, location 4 E .
1 VIDÉO ( 3 heures) : achat 18 E, location 6 E .
DVD : achat 7.50 E.
AUDIO – CASSETTES : location (uniquement) 1.50 E .
CD : achat 5 E.
Ajouter le prix du port. La durée de la location est de deux mois.
 Conférences mensuelles à la maison Saint-Joseph. Avril 2015
 B 7 3. Dans le secret de votre Face adorable.
1. Pour l’ honneur de Dieu et le salut de la France ! 2. Sainte Thérèse de la Sainte - Face.
2 DVD – 2 cassettes – 2 CD.
 B 74 . L’Évangile de la Sainte Face.
1. Ecce Sponsus . . . Sic Deus dilexit.
2. L’attente de sa Résurrection !
2 DVD – 2 cassettes – 2 CD.
B 73 – B 74 : 1 vidéo, 4 heures.

 
Nos productions canadiennes :
 PI 4. 27. L a Sainte Face et le Père Prévost.
1 DVD – 1 CD..
Mai 2015
IN MEMOR I A M
Nous ne pouvons dissocier nos défunts, tant ils
nous sont fraternels par la pureté de leur foi, leur
fidélité à notre Père, à leur serment phalangiste, leur
dévouement à l’Église et à notre famille CRC.
ANDRÉ FAVARD .
La mémoire d’André Favard s’impose à nous toute
première, aujourd’hui où nous revenons de Turin.
C’était en octobre 1978 : ayant appris la prochaine
ostension du Saint Suaire, il prit tout de suite, depuis
Montpellier, l’initiative d’un pèlerinage paroissial auquel
il eut l’inspiration d’inviter notre Père et frère Bruno.
Il fut ainsi à l’origine des splendides travaux et
victorieux combats qui ont sauvé le Saint Suaire du
déshonneur auquel le vouaient le British Museum en la
personne du docteur Tite et le Vatican en la personne
de Jean-Paul II.
Mais pour nous, et dans l’esprit du pape François,
il reste aussi l’ami des pauvres, de ces pauvres entre
les pauvres que furent Gérard et Jeannine Parain, qu’il
trouva un jour à “ faire les poubelles ”, ne craignant
pas de se faire chiffonniers « pour aider la CRC ». Il
leur offrait le voyage de la maison Saint-Joseph les
jours de Congrès et leur procurait au long de l’année
les conférences de notre Père qui faisaient tout leur
bonheur. Ils l’attendaient au Ciel.
Comme notre Père aimerait que notre Phalange soit
un modèle de cette charité !
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inspiré par l’Esprit-Saint dans l’esprit et le cœur de
celui qui sait s’ouvrir à la souffrance des frères et
reconnaît en eux l’image de Dieu. » Et encore : « Le
temps passé à côté du malade est un temps sacré.
C’est une louange à Dieu, qui nous conforme à
l’image de son Fils qui “ n’est pas venu pour être servi,
mais pour être le serviteur ”. »
Bienheureux les miséricordieux !
Si son dévouement la tenait réservée et cachée, son
cœur n’était pas moins ardent, son image mortuaire
en porte témoignage : « Sa quête de la vérité l’avait
conduite à l’abbé de Nantes auprès de qui elle s’était
engagée totalement pour le triomphe du Cœur Immaculé de Marie. »
« Ego promitto fidelitatem. »
ISABELLE BOUCHER .
Notre Père avait deviné cette âme prédestinée, qui
devait passer en faisant le bien avec l’humilité et la
simplicité qui ne se révèlent qu’à l’heure de l’épreuve
et qui touchent les cœurs : « Bien sûr, écrivait sa petite
sœur, c’est une grâce de pouvoir embrasser une dernière fois et s’entretenir avec sa sœur chérie qui va
bientôt voir la Sainte Vierge, qui est prête et remplie
de la joie du Ciel, déjà. »
Comme notre Père, elle pouvait dire : « Depuis
que je vous aime vraiment, ô Notre Père, ma foi est
devenue si forte que votre Demeure est pour moi
comme un lieu de la terre dont je suis séparé seuleCHANTAL DE MONTS .
ment par une nuit de voyage. » Et ce départ, elle le
Oui, comme notre Père aimerait que notre Phalange préparait avec soin, jusqu’au livret de ses funérailles et
soit un modèle de charité. Madame de Monts en a été, au pèlerinage de Turin que son cher époux devait faire
elle aussi, un bel exemple, dans un total oubli d’elle- en son nom.
« Elle si humble, si effacée, de son lit de malade,
même, comme en témoigne ce billet que me fait passer
rayonne, parle d’autorité, et tous ceux qui l’approchent
frère Louis-Joseph :
« Pendant des années, monsieur et madame de sont touchés jusqu’à l’intime, repartent réconfortés,
Monts se sont occupés de notre chère aveugle avec consolés, pleins de courage.
« Elle qui écoutait plutôt qu’elle ne parlait, parle
une charité toute surnaturelle, la visitant chaque
semaine. Et le fait qu’ils s’occupaient de Marie-­ jusqu’à l’épuisement, parce qu’elle n’a plus de salive.
Thérèse pendant les Congrès et les premiers samedis À Bernard son fils, qui lui dit : “ Maman, prenez un peu
du mois les empêchaient de voir les autres phalan- d’eau, vous n’en pouvez plus ”, elle répond naturellement et
gistes. Mais ils le faisaient avec un tel bon cœur, et simplement : “ Et Jésus sur la Croix, lui aussi avait soif ”. »
toujours avec le sourire, que peu d’âmes s’offraient à
C’est dans cette joie toute surnaturelle que son
prendre leur place ! »
mari et elle prononcèrent leur acte d’allégeance,
Une page de notre pape François, le 17 janvier, proclamant, devant Dieu et devant l’Église, leur parfaite
quelques jours avant la mort de madame de Monts, union ­d’esprit et de cœur.
semble lui avoir été dédiée ; frère Bruno la cite dans la
Saint Joseph, qu’elle aimait et priait beaucoup, lui
livraison de mars de Il est ressuscité . Le Pape parle ouvrit le Ciel le 19 mars, le jour de sa fête. Magnificat !
de “ la sagesse du cœur ” : « Elle est un comportement
frère Gérard de la Vierge.
Directeur de la publication : Frère Gérard Cousin. Commission paritaire 0318 G 80889.
Impression : Association La Contre-Réforme Catholique.
F - 10 260 Saint-Parres-lès-Vaudes. – http ://www.site-crc.com
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