La Contre-Réforme Catholique au XXI e siècle IL EST RESSUSCITÉ ! N o 151 - Mai 2015 E Rédaction : frère Bruno Bonnet-Eymard Mensuel. Abonnement : 30 € FR A NÇOIS PA P E D E L A M I S É R I C O R D E N décembre 1993, l’abbé de Nantes citait deux songes prophétiques de don Bosco. Le premier daté du 5 janvier 1870, « c’est-à-dire au plus haut sommet de l’illusion impériale », quand les Français allaient plébisciter, par sept millions de oui contre un million et demi de non , Napoléon III qui allait jeter la France en moins d’un an dans l’invasion étrangère et la guerre civile, le siège de Paris et la Commune. Notre Père commentait le premier songe sous un titre qui s’impose aujourd’hui, en 2015, comme le tableau de notre actualité la plus brûlante, la plus angoissante : LA FRANCE SOUS LE JOUG DE L’ ISLAM EN JUSTE CHÂTIMENT DE SA LAÏCITÉ 1. « L a guerre vient du Sud, la paix vient du nord . » L’abbé de Nantes commençait par s’étonner : « En Europe latine, au temps de don Bosco, c’était pour tous de l’Allemagne que venait la menace, et pour le Piémont, de l’empire d’Autriche et non point du Sud, depuis que Charles X, roi de France, avait pris Alger, le 30 juillet 1830. « Et pour nous, ajoutait-il, jusqu’à hier ou avanthier, c’est du Nord encore, de Moscou et de son Mai 2015 Armée rouge que nous avions à craindre le pire, selon les sûres prophéties de Fatima, et non du Sud où notre façade méditerranéenne s’ouvrait largement sur nos immenses terres d’Empire. » Pourtant, Charles de Foucauld, le bienheureux ermite du Sahara, notre vénéré Père, avait averti. Dès 1912, il écrivait à sa cousine Marie de Bondy : « Priez aussi pour tous les musulmans de notre empire africain maintenant si vaste. L’heure présente est grave pour leurs âmes comme pour la France. Depuis quatre-vingts ans qu’Alger est à nous, on s’est si peu occupé du salut des âmes des musulmans qu’on peut dire qu’on ne s’en est pas occupé. On ne s’est pas occupé davantage de les bien administrer ni de les civiliser. On les a maintenus dans la soumission et rien de plus. Si les chrétiens de France ne comprennent pas qu’il est de leur devoir d’évangéliser leurs colonies, c’est une faute dont ils rendront compte, et ce sera la cause de la perte d’une foule d’âmes qui pouvaient être sauvées. Si la France n’administre pas mieux les indigènes de sa colonie qu’elle ne l’a fait, elle la perdra et ce sera un recul de ces peuples vers la barbarie avec perte d’espoir de christianisme pour longtemps. » La même année 1912, le saint ermite du Hoggar écrivait au capitaine Pariel : « Dans cinquante ans, cet empire africain sera un magnifique prolongement de la France. Mais si nous traitons ces peuples non en enfants, mais en matière d’exploitation, l’union que nous leur aurons donnée se retournera contre nous, et ils nous jetteront à la mer. » « Dans cinquante ans » : 1912 -1962. Le compte y est ! Aussi, lorsque don Bosco dit : « La guerre vient du Sud. » « Il n’y a aucune hésitation : il s’agit du péril islamique dont actuellement tout le monde est saisi, tous parlent sans savoir que penser, que dire et que faire. C’est une invasion, le déversement continu d’un trop-plein de population musulmane dans un vide spirituel, politique et militaire qui s’appelle Démocratie, Europe, République française. D’une rive de la Méditerranée à l’autre, la Guerre sainte pousse et cherche sa victoire définitive sur le chemin de Poitiers, où ils ont une défaite à venger, celle de 732 ! » ( Georges de Nantes, L’ heure de notre délivrance approche ! CRC n o 297, décembre 1993, p. 2 ) « Selon l’agence européenne de contrôle des frontières extérieures Frontex , de 500 000 à 1 000 000 de personnes pourraient tenter l’aventure cette année, principalement à partir de la Libye. » ( La Croix du 15 avril 2015 ). « En Italie, les garde-côtes ont porté secours à quarante-deux bateaux chargés au total de plus de 6 500 migrants durant les seules journées de dimanche 12 et lundi 13 avril. Ils n’ont pu empêcher la noyade No 151 - P. 2 d’environ 400 naufragés dont le bateau avait chaviré avant leur arrivée. La mer Méditerranée est devenue “ la route la plus mortelle du monde ”, selon le haut-commissariat aux réfugiés de l’Onu. Mais la peur de la mort ne dissuade pas ceux qui fuient. » Notre Père ajoutait en 1993 : « Si la guerre sainte nous atteint, comme déjà vingt-six coopérants “ chrétiens ” d’Algérie sommés d’apostasier pour embrasser la foi islamique, et onze l’ont fait, les quinze autres ont été rituellement égorgés d’une oreille à l’autre, au couteau... que ferons-nous ? Des peuples immenses, jadis se sont laissés ainsi conquérir et sont passés du Christ à l’islam en masse, définitivement. » « Du Nord vient la paix. » « L’affirmation prophétique est aussi nette, d’une parfaite sérénité. Ce n’est pas pour autant un oracle de bonheur, du moins pas encore... La langue de saint Jean Bosco est sans fioritures, on sent ce qu’il voit. » Aujourd’hui, en 2015, nous le voyons de nos yeux, et ce n’est plus un songe ! C’est un oracle qui fait un tableau de la France actuelle avec la franchise brutale des lamentations de Jérémie sur Jérusalem : « Les lois de la France ne reconnaissent plus le Créateur. » Telle est la laïcité bétonnée de la République fondée au lendemain du songe de don Bosco par monsieur Thiers, sur le double fondement de la liberté et de la Révolution, aujourd’hui consolidées par l’athéisme brut du Grand-Orient de France. Son grand - maître s’appelle Daniel Keller, normalien, agrégé de lettres et énarque, décidé à « remettre le Grand-Orient au cœur de la société par le biais de conférences et de débats de fond, comme cette conférence publique, dimanche 12 avril 2015, sur “ la reconquête des territoires de la République ” » ! Publicité gratuite du Figaro du 10 avril 2015... « C’est trop de présomption aux yeux de notre Père Céleste », avertissait notre Père terrestre : « Mais le Créateur se fera connaître et il la visitera à trois reprises », continuait en effet don Bosco. Et notre Père commentait : « C’est facile à Dieu d’engager une vaste main-d’œuvre pour une telle besogne. Il n’y emploie jamais les siens – c’est une œuvre servile ! Il préfère y jeter les uns contre les autres ses divers adversaires afin de ménager le sang, les maisons, l’avenir de ses saints. » Sunnites contre chiites, Palestiniens contre Israéliens, pour les uns et les autres, c’est le djiḥad, mot qui traduit très exactement « la réunion en vue de la sortie en bandes sur le sentier de la guerre » ( Coran , S. 2, vt. 218 ), qui déborde maintenant en plein Paris, dans nos banlieues et dans nos campagnes. Mai 2015 « Ainsi le Dieu des Français, rejeté par eux, leur apprendra ce qu’il en coûte à la “ fille aînée de l’Église ” de renier sa vocation, de la main féroce du dieu des musulmans qu’elle fait mine de lui préférer. » LA GR A NDE R EINE AUX ILI ATR ICE SECOURS ASSUR É DES CHR ÉTIENS 2. « Mais voici un grand guerrier du Nord. Il porte un étendard ; sur la droite qui le soutient est écrit : irrésistible main du Seigneur. » Notre Père a cru voir ce « grand guerrier du Nord » en la personne de « Gorbatchev, ce géant ! » Mais aujourd’hui, il nous est facile de le reconnaître en Vladimir Poutine : « À ce moment, le vénérable Vieillard du Latium vient à sa rencontre en brandissant un flambeau très ardent. Alors l’étendard se déploie et de noir qu’il était devient d’un blanc de neige. Au milieu était écrit en caractères d’or le nom de Celui qui peut tout. » Ainsi, ce grand guerrier qui vient du Nord, cet envahisseur dont le pavillon noir annonçait les ravages et la mort, se change en médiateur de paix : « Ce “ flambeau très ardent ” illumine l’esprit du guerrier et de ses capitaines. L’ordre de guerre se change en offre de paix. Tel Attila flatté d’être saintement traité par les augustes pontifes “ défenseurs de leurs cités ”, comme Constantin et Clovis se convertissant au Christ à l’annonce de la victoire qui leur est promise par le Vicaire du Christ. » Celui-ci, « soudainement saisi par une inspiration divine, par un message de Marie Immaculée [ qui peut le dire ? Nous, de l’Armée mariale ! ], tel saint Grégoire le Grand, tel saint Loup de Troyes, se lève et s’avance à la rencontre de cet autre Attila. Il a dans sa main le message de Fatima. » Ce que contient ce dernier, nous le savons : une demande de consécration de la Russie au Cœur Immaculé de Marie. Ici, notre Père hésitait : « Mikhaïl Gorbatchev se convertirait à l’invitation de Karol Wojtyla, JeanPaul II ? » Ses supérieurs ont voulu le faire croire à sœur Lucie. Notre Père lui-même : « Je ne vois pas d’autre explication aux paroles de l’oracle, d’un étendard roulé pour la bataille et noir, signe de dévastation qui soudain se déploie, blanc comme neige, devenu celui de l’Immaculée Mère de Dieu. Et le Nom écrit en lettres d’or est celui du Sacré-Cœur de Jésus, qui doit sans coup férir conquérir toute la terre. Car “ rien n’est impossible à Dieu ”. » L’oracle s’accomplit aujourd’hui par la main de Vladimir Poutine : « Le guerrier et les siens s’inclinent profondément devant le vieillard et ils se serrent la main. » Ce qui s’est exactement accompli lorsque le pape François a reçu Vladimir Poutine le 25 novembre 2013 ( cf. nos photos in Il est ressuscité , février 2014, p. 1 et 8 ). No 151 - P. 3 Ce geste, explique notre Père, signifie un « accord d’homme à homme, diplomatique, militaire » qui demeure bien en deçà du « miracle achevé de la conversion de la Russie à la seule vraie foi catholique dans la soumission pleine d’allégresse à l’Église romaine. Néanmoins, les temps s’y prêtent, et cet accomplissement ne dépend plus que de la purification et résurrection de l’Église elle-même comme va nous l’apprendre aussitôt don Bosco. « Maintenant la voix du Ciel s’adresse au Pasteur des pasteurs : “ Tu es dans la Grande Conférence avec tes Assesseurs, mais l’ennemi du bien ne prend pas un instant de repos. Il étudie et use de tous les artifices contre toi ; il sèmera la discorde parmi tes Assesseurs, et suscitera des ennemis parmi mes fils. Les puissances du siècle vomiront le feu et étouffer ont les paroles des gardiens de ma loi. ” » Actuel ! nous avons vu cela, cette année, avec le Synode sur la famille. « À mon humble avis, commentait notre Père en 1993, cette voix qui vient du Ciel n’est pas celle du Seigneur lui-même, ni d’un ange, mais d’un homme selon l’enseignement des saints nous apprenant que pour rappeler aux chrétiens le respect de leur foi et de leur loi divine, il suffit de voix humaines, et peut-être d’envoyés du Ciel, simples docteurs ou même humbles bergères sans instruction obéissant à la voix de l’Église sainte, car leur message n’excède en rien les lumières du sens commun catholique que tous ont en partage... » Celles-là mêmes que n’a cessé d’invoquer Georges de Nantes pour « rappeler aux chrétiens le respect de leur foi et de leur loi divine » un demi-siècle durant. « Que dit en effet cette voix ? Rien encore que tous ne sachent, de ceux qui entourent le Pape et gouvernent l’Église sous son autorité : Qu’au lieu de tenir des conciles et conciliabules, en forme de parlements démocratiques, ouverts à tous les vents du monde mauvais, le Pape doit brandir le glaive de la Parole divine contre ses ennemis, cachés dans sa propre Maison et parmi ses collaborateurs intimes, secrètement d’accord avec les persécuteurs du dehors. Et qui sont ces ennemis ? sinon les modernistes et progressistes, insinués comme des serpents jusque dans ses conseils secrets, et les francs-maçons dont le pouvoir occulte commande tout aujourd’hui. Ceux-ci étouffant l’Église sous la raison diabolique de la laïcité et de la liberté, ceux-là suscitant la zizanie et l’apostasie dans tous les cercles et assemblées ecclésiastiques. » Et autres “ Ratzinger-Schülerkreis ”. « Qui pourrait sans fidélité au Christ et sans invocation à Marie, sous l’occupation islamique... juguler la franc-maçonnerie devenue la pieuvre, l’hydre malfaisante de l’Occident ? » Mais alors, moyennant cette fidélité, plus de crainte ! Voix du messager s’adressant au Pape : Mai 2015 « Toi, hâte-toi », car les Temps vont vers leur fin ! Cela dit au Pape par un homme quelconque à lui envoyé par Dieu, est d’une force d’admonestation décisive. Mais la suite de ce message est d’un sens pratique digne de celui qu’on vit déployé en saint Jean Bosco, comme en son Pape, Pie IX, ou en saint Pie X. Et c’est la vieille religion inchangée qui, à son appel, refleurira par toute la terre : « Si les difficultés demeurent, qu’elles soient tranchées. Si tu te trouves en peine ne t’arrête pas, mais continue jusqu’à ce que soit brisée la tête de l’hydre de l’erreur. Ce coup fera trembler la terre et l’enfer... » « À ce coup, c’en sera fini du doute, du libéralisme, de toute hésitation, compromission, lâcheté. Le Pape régnera. L’heure sera terrible à la terre et à l’enfer... « Mais le monde sera rassuré et tous les bons exulteront. » « Ah ! quel temps tragique, quel temps prodigieux, quel temps messianique ce sera ! Tous craindront pour la vie du “ Vieillard du Latium ”, proscrit, chassé d’un pays à l’autre, les Érinyies lancées à sa poursuite. Cependant, qu’il ne craigne rien ! « Garde donc à tes côtés seulement deux assesseurs, mais où que tu ailles, poursuis et achève l’œuvre qui te fut confiée [ au jour de ton sacre ! ]. Les jours passent vite, tes années avancent vers l’heure prescrite... » « J’interromps un instant le cours de cette révélation, écrit notre Père, pour vous en émouvoir : Quelle vision d’avenir dramatique mais libératrice ! exultante ! Comme nous sommes ainsi attirés à prier pour le Pape, tels les trois enfants de Fatima qui le firent avec tant de générosité ! et c’était déjà pour ce Pape de ces temps d’apostasie et de persécution. Ne serait-ce pas Jean-Paul II ? Je l’imagine et je l’espère. » Hélas ! Notre saint pape François le cite dans sa bulle d’indiction Misericordiæ Vultus : « Nous ne pouvons pas oublier le grand enseignement que saint Jean-Paul II nous a donné dans sa deuxième encyclique Dives in misericordia , qui arriva à l’époque de façon inattendue et provoqua beaucoup de surprise en raison du thème abordé. Je voudrais revenir plus particulièrement sur deux expressions. Tout d’abord, le saint Pape remarque l’oubli du thème de la miséricorde dans la culture actuelle : « “ La mentalité contemporaine semble s’opposer au Dieu de miséricorde, et elle tend à éliminer de la vie et à ôter du cœur humain la notion même de miséricorde. Le mot et l’idée de miséricorde semblent mettre mal à l’aise l’homme qui, grâce à un développement scientifique et technique inconnu jusqu’ici, est devenu maître de la terre qu’il a soumise et dominée ( cf. Gn 1, 28 ). Cette domination de la terre, entendue parfois de façon unilatérale No 151 - P. 4 et superficielle, ne laisse pas de place, semble-t-il, à la miséricorde... Et c’est pourquoi, dans la situation actuelle de l’Église et du monde, bien des hommes et bien des milieux, guidés par un sens aigu de la foi, s’adressent, je dirais quasi spontanément, à la miséricorde de Dieu. ” « C’est ainsi que saint Jean-Paul II justifiait l’urgence de l’annonce et du témoignage à l’égard de la miséricorde dans le monde contemporain : “ Il est dicté par l’amour envers l’homme, envers tout ce qui est humain, et qui, selon l’intuition d’une grande partie des hommes de ce temps, est menacé par un péril immense. Le mystère du Christ... m’a poussé à rappeler dans l’encyclique Redemptor Hominis sa dignité incomparable, m’oblige aussi à proclamer la miséricorde en tant qu’amour miséricordieux de Dieu révélé dans ce mystère. Il me conduit également à en appeler à cette miséricorde et à l’implorer dans cette phase difficile et critique de l’histoire de l’Église et du monde. ” Son enseignement demeure plus que jamais d’actualité et mérite d’être repris en cette Année sainte. Recevons ses paroles de façon renouvelée : “ L’Église vit d’une vie authentique lorsqu’elle professe et proclame la Miséricorde, attribut le plus admirable du Créateur et du Rédempteur, et lorsqu’elle conduit les hommes aux sources de la Miséricorde du Sauveur, dont elle est la dépositaire et la dispensatrice. ” » (n o 11 ) Il fallait citer ce passage pour constater que chez Jean - Paul II la “ miséricorde ” est un mot, une abstraction. On comprend que cette encyclique n’ait pas suscité le moindre acte de contrition dans l’âme d’un pécheur. D’ailleurs, il n’est pas question de “ péché ”, mais de « dignité incomparable » de l’homme ; c’est elle qui est supposée « en appeler à la “ miséricorde ” » au numéro 15. L’abbé de Nantes est le seul théologien, à ma connaissance, qui ait compris et dénoncé l’erreur de Jean-Paul II. Il écrit dans son Livre d’accusation : « À l’homme épris de lui-même, infatué de sa valeur et de sa grandeur, vous avez entrepris de faire accepter l’idée d’une miséricorde divine et humaine qui lui est insupportable, comme attentatoire à sa dignité, en la lui expliquant. Votre encyclique Dives in misericordia est une variation hégélienne sur le thème évangélique du retour de l’Enfant prodigue. Vous écartez, pour ne pas faire de peine aux juifs, et parce qu’il troublerait la bipolarité de votre dialectique, le personnage encombrant du fils aîné. Lequel, en toute vérité, dans son insupportable morgue, son orgueil, son égoïsme et sans aucun doute son hypocrisie, représente exactement l’homme moderne. Pour lequel le père ne se départit pas de sa bonté ordinaire, dont nous savons qu’elle ne le changera pas et ne lui évitera pas la condamnation finale du Juge divin courroucé. « Vous ne nous montrez que l’Enfant prodigue revenant à son père, et celui-ci exerçant à son égard Mai 2015 une miséricorde interprétée selon la dialectique universelle du maître et de l’esclave, ce “ conte de fées pour philosophes puérils ”, comme dit Molnar. Dans cette optique, la rencontre est conflictuelle, et c’est le vieux père qui reconnaît sa déroute en s’émouvant de compassion pour son jeune fils devenu plus fort que lui. Vous faites admettre à ce jeune coq la tendresse de son père, en la travestissant en reconnaissance de sa grandeur à lui, le fils, contraignant son père à le re-connaître et lui re-donner cette place, ces biens auxquels il a droit. Les bonnes gens ne savent pas lire de telles choses, et elles se sont réjouies de voir leur cher Pape parler de la Miséricorde divine, comme sa vénérée compatriote, sœur Faustine. « Les gens d’en face ont trouvé l’explication ingénieuse, mais ils ne l’ont pas avalée pour autant jusqu’à demander à Dieu miséricorde, ni eux-mêmes faire miséricorde à leurs frères, à leurs ennemis. Vous‑ même ne leur avez guère donné l’exemple, d’ailleurs. « Je cite ? Il faudrait tout citer ! “ La fidélité du père à soi-même est totalement centrée sur l’humanité du fils perdu, sur sa dignité. Ainsi s’explique surtout la joyeuse émotion du moment du retour à la maison. Allant plus loin, on peut dire que l’amour envers le fils, cet amour qui jaillit de l’essence même de la paternité ( i l n’y a pas d’essence de la paternité, vous devriez le savoir ; c’est de la philosophie et de la théologie élémentaires. La paternité est une relation d’un être de telle ou telle essence ), contraint ( v oilà le mot, qui exclut la grâce, le pardon, la miséricorde et, par suite, la reconnaissance filiale ) le père à avoir ( à avoir quoi ? miséricorde ? pitié, tendresse ? non )... à avoir le souci de la dignité de son fils. » ( Liber accusationis II, p. 72-73 ) Nous sommes à mille années-lumière du pape François et de son cœur de Père : « L’Année sainte s’ouvrira le 8 décembre 2015, solennité de l’Immaculée Conception. Cette fête liturgique montre comment Dieu agit dès le commencement de notre histoire. Après qu’Adam et Ève eurent péché, Dieu n’a pas voulu que l’humanité demeure seule et en proie au mal. C’est pourquoi Marie a été pensée et voulue sainte et immaculée dans l’amour (cf. Ep 1, 4 ), pour qu’elle devienne la Mère du Rédempteur de l’homme. Face à la gravité du péché, Dieu répond par la plénitude du pardon. La miséricorde sera toujours plus grande que le péché, et nul ne peut imposer une limite à l’amour de Dieu qui pardonne. En cette fête de l’Immaculée Conception, j’aurai la joie d’ouvrir la Porte sainte. En cette occasion, ce sera une Porte de la Miséricorde, où quiconque entrera pourra faire l’expérience de l’amour de Dieu qui console, pardonne, et donne l’espérance. » (n o 3 ) Ce recours du pape François à l’Immaculée, Reine de la miséricorde, obéit, pour ainsi dire, au Messager du songe de don Bosco : No 151 - P. 5 « ... La grande Reine sera toujours ton secours, et comme dans les temps passés, ainsi sera-t-elle tou j ours à l’avenir “ Magnum et singulare in Ecclesia præsidium ”, ta grande et singulière protection dans l’Église. » « Ce sera donc, commente notre Père, selon le langage silencieux des pierres sculptées et inscriptions de la façade et des campaniles de la basilique de Marie-Auxiliatrice, selon le secret qui est venu providentiellement à notre connaissance, dans l’année 1996. Qu’avons-nous à trembler, “ hommes de peu de foi ”, quand est ainsi promise au Souverain Pontife cette aide miséricordieuse à tous, et miraculeuse pour lui, qui doit mener infailliblement l’Église à son salut ! Et cela, par l’accomplissement de l’œuvre qu’il lui appartient à lui seul d’accomplir : la définition infaillible de la foi, excommunication des hérétiques, la condamnation sans réplique des erreurs monstrueuses de l’Antichrist, qui furent les siennes mêmes, le rétablissement de la discipline ecclésiastique et sacramentaire, par quoi reviendront les bonnes mœurs et la sainteté dans toute l’Église et reprendra l’évangélisation, amenant la conversion de toute la terre. Par Marie Auxiliatrice. À partir de l’an 1996. » Cette année-là se livra en effet le grand combat de l’Immaculée contre l’Antichrist et le Diable. Au terme de son séjour annuel au Canada, avant son départ, notre Père dit à nos frères : « À mon âge, une seule chose compte : la défaite de Satan et la condamnation du concile Vatican II. » À propos du point central de cette condamnation, l’hérésie de la liberté religieuse, il disait : « N ous préférons mourir plutôt que de passer dans l’autre camp ou de s’endormir dans un monastère bien fermé, mais asphyxié par le Concile et par le Pape. » L’abbé de Nantes, “ bien enfermé ” à la trappe de Hauterive, en Suisse, par Mgr Daucourt, ne s’y laissa pas asphyxier. Il livra un combat singulier à l’esprit de Satan, présent en chacun des A c t e s de Vatican II. Le fruit de ce combat apocalyptique fut l’Autodafé , la plus salubre et la plus salutaire des œuvres théologiques du vingtième siècle. Nous n’hésitons pas à y voir l’accomplissement de la prophétie de don Bosco. L ’ ER R A NCE ET LE R ETOUR DU PAPE Après de laborieuses recherches, notre Père décryptait le deuxième songe de don Bosco la veille de Noël 1993, et il en écrivait le commentaire au jour même de la Nativité de Notre-Seigneur : « De mystérieux événements. » ( 24 mai - 24 juin 1873 ) « Il est question ouvertement d’un exil du Pape, puis de son retour à Rome. Mais la première clef de l’énigme tient au caractère spirituel de cette errance, qu’il ne fallait pas interpréter comme un Mai 2015 voyage terrestre. La deuxième m’a été donnée dans une clarté soudaine, dont je n’impose la croyance à personne. Voici : LA SORTIE AU PLUS LOIN DU VATICAN . « C’était durant une nuit obscure ; les gens n’arrivaient plus à distinguer le chemin à suivre pour rentrer chez eux. » « Ce langage est à entendre comme une parabole spirituelle, celle de la “ désorientation diabolique ” à laquelle doit être soumise toute l’Église à la fin des temps, c’est-à-dire en cette fin de siècle. Chacun, nous dit don Bosco, cherchait son chemin dans la nuit, c’est dire que nul ne savait plus bien ce qu’était la vraie foi catholique et qu’il était impossible de trouver les moyens de sauver son âme. « Lorsque apparut dans le ciel une splendide lumière ( una splendidissima luce ) qui éclairait les pas des voyageurs comme en plein midi. » « C’est là que je perdis le fil quantes et quantes fois ; jusqu’à la vigile de Noël où j’eus l’intuition que cette “ splendide lumière ” n’était pas la Veritatis splendor , ni le Lumen gentium apportés par le Christ au monde, mais une fausse lumière d’une Pentecôte diabolique, fascinant dans l’univers tous ceux qui n’étaient pas fermement attachés au roc de Pierre et fondés sur la foi. C’était le pire des prestiges de Satan... La suite dès lors est parfaitement compréhensible. « Alors on vit une foule d’hommes, de femmes, d’enfants et de vieillards, de moines, de religieuses et de prêtres et à leur tête le Souverain Pontife, sortant du Vatican et se rangeant en ordre de procession. » « Ce fut exactement ce que nous vîmes des yeux de notre âme, au jour de l’ouverture du Concile le 11 octobre 1962 et aussi bien lors des sacres de Paul VI puis de Jean-Paul II, sur la place SaintPierre. Cette “ sortie du Vatican ” signifiait un éloignement, un dégoût et une fuite de tout l’appareil millénaire de l’Église, dans ses dogmes, ses rites et sacrements, ses mœurs et autres traditions. Tout le peuple, immense foule, suivait le Pape. « Mais voici qu’un violent orage, obscurcissant sensiblement cette lumière, semblait livrer une bataille entre elle et les ténèbres... » « Évidemment, c’est la crise postconciliaire dont Paul VI déclarait, dès le 7 décembre 1968, que personne n’aurait pu imaginer pareil affrontement entre partisans et adversaires de la Réforme conciliaire, majorité contre minorité, et chaque parti se flattant d’être le défenseur de la “ splendide lumière ”, la “ Lumière levée sur les nations ”, contre les fils de ténèbres. Nous suivons très bien. « Cependant, on arrivait sur une petite place jonchée No 151 - P. 6 de morts ou de blessés ; dont plusieurs demandaient à grands cris du secours. – Les rangs de la procession s’éclaircissaient beaucoup. » « Trop évidente allégorie de l’avancée postconciliaire à la rencontre du monde, avec la révélation de ce qu’il en est résulté, un champ de bataille où les âmes sont blessées, tuées, se perdent comme inexorablement. » Le pape François confesse donc parfaitement l’accomplissement de cette vue prophétique lorsqu’il décrit l’état actuel de l’Église comme celui d’un « hôpital de campagne après la bataille ». « Et cependant beaucoup réclament du secours, espérant en l’Église pour leur en apporter. Or, cruelle misère, humiliant échec, c’est “ le peuple de dieux ”, parti en énorme procession triomphaliste qui, loin de gagner les autres à sa “ splendide lumière ”, voit se rétrécir ses effectifs comme une peau de chagrin, au long de son cheminement de plus en plus difficile, de moins en moins rassurant. C’est bien notre histoire depuis 1965 ; les statistiques en font foi, tous les signaux sont au rouge. « Après avoir marché l’espace correspondant à deux cents levers du soleil, chacun s’aperçut qu’il ne se trouvait plus dans Rome. » « Si ce récit devait être entendu matériellement, l’idée serait absurde : quitter le Vatican, c’est équivalemment sortir de Rome. Mais spirituellement est dénoncée, dans cette marche symbolique, l’erreur mortelle de ceux qui prétendaient s’éloigner de la vieille institution vaticane, cléricale, pour se ressourcer à la Bible, à l’Évangile, au “ vécu ” de la foi primitive. Voilà qu’ils se réveillent de leur rêve : en quittant l’Église, ils en sont venus à perdre “ la voie, la vérité, la vie ” de la pure foi catholique, apostolique et romaine. « L’effroi s’empara de tous les esprits et chacun se serra autour du Pontife pour protéger sa personne et l’assister dans ses peines. » « C’est bien de tels sentiments d’effarement que nous constatons dans les multitudes de fidèles catholiques, qui ont toujours voulu suivre le Pape, leurs évêques, leurs prêtres, et qui, affolés du désordre, des divisions, des haines, des abandons, recherchent leur salut personnel et celui de l’Église dans une adhésion plus aimante encore et une assistance plus généreuse à leur sainte Église malade et surtout à son Chef éprouvé, leur “ doux Christ en terre ”. » Foules immenses accourant pour accueillir et écouter le pape François lors de ses voyages apostoliques, ou de ses audiences place Saint-Pierre, ne serait-ce que pour l’apercevoir parlant de sa fenêtre l’espace d’un Angélus ou d’un Regina Cæli . « C’est un beau spectacle qui réjouit le cœur de Dieu et provoque une grande émotion de pitié et de Mai 2015 tendresse du Cœur Immaculé pour eux tous. Ils ont raison d’espérer : « À ce moment [de l’angoisse maximale], on vit deux anges qui, portant un étendard, allèrent le présenter au Pape en lui disant : “ Recevez le drapeau rouge de Celui qui combat et disperse les plus puissantes armées de la terre. Tes ennemis sont dispersés et tes fils avec larmes et avec supplications implorent ton retour. ” « Portant le regard sur l’étendard, on pouvait y voir inscrit d’un côté : “ Regina sine labe concepta ”, et de l’autre : “ Auxilium christianorum ”. » « Qui sont ces deux anges ? Quel est cet étendard, ce “ Vexillum ” qui, dans la langue de César et de Tacite, désigne “ le drapeau rouge, signal du combat ” ? Et de quel chef, pour quelles armées ? en face de quels ennemis ? « Matériellement entendu, nous pourrions chercher longtemps sans rien trouver d’autre que des souvenirs de Croisades ou de justes guerres ayant reçu l’aval du Seigneur Jésus par certains envoyés ou messagers célestes, comme on le voit, c’est avéré, dans l’épopée de sainte Jeanne d’Arc. Mais ici, aujourd’hui ? Retenons encore notre réponse. « Toujours est-il qu’à cet instant, nous devons constater que le Pape est arrivé au bout de ses forces, mais point encore au terme de ce chemin de perdition qui s’enfonce toujours plus loin, plus bas, dans les ténèbres et les marécages. À cause de tant de morts, de blessés pitoyables, d’errants, mais aussi de ses fils et de ses proches assesseurs de plus en plus décontenancés, il est saisi de la nécessité de retourner d’où il vient. « Ces anges qui lui remettent, de la part du Christ Roi des rois et Seigneur des seigneurs, ce drapeau rouge, cet étendard marqué du nom de l’Immaculée Mère de Dieu et Secours des chrétiens, lui donnent le seul message qui, dans cette conjoncture, puisse venir du Ciel : Lève ton étendard, avance ! retourne d’où tu viens, à Rome qui est le lieu de ta grandeur, de ta puissance et de ta paix. LE RETOUR TRIOMPHAL . « Le Pontife prit l’étendard avec joie, mais en remarquant le petit nombre de ceux qui étaient restés autour de lui, il s’en affligea grandement. » « Tristesse et abattement vraiment purifiants, expiatoires, rédempteurs. Car enfin, depuis “ deux cents jours ”, parti, entraînant tout son peuple à la rencontre du monde moderne, indifférent aux morts, aux blessés, aux errants, aux perdus, il était juste et bon, équitable et salutaire que le Pape eût à pleurer et se lamenter sur ses propres fautes. « Mais la Vierge Marie et son Fils premier-né sont bons, d’une admirable clémence. Ils donnent mission à ces deux anges du Ciel de le réconforter No 151 - P. 7 de leurs leçons, admonestations et conseils si sages et si sûrs. Il nous suffit d’en prendre connaissance pour admirer le programme de la Contre-Réforme proche, dont résultera une immense et magnifique Renaissance catholique. Lisez ce programme de redressement de l’Église par le Pape : « Les deux anges ajoutèrent : “ Va vite consoler tes fils. Écris à tes frères [ les évêques, évidemment ] dispersés dans le monde entier [ par une “ encyclique ” ], qu’il faut une réforme des mœurs [ but manqué de la dernière, fausse et funeste Veritatis splendor ]. Cela ne peut s’obtenir qu’en distribuant aux peuples le pain de la divine Parole. Catéchisez les enfants ; prêchez le détachement des choses terrestres [ est-il besoin d’insister, d’applaudir ? ]. Le temps est venu, conclurent les deux anges, où les pauvres porteront l’Évangile aux peuples. Les lévites seront pris parmi ceux qui tiennent la pioche, la bêche et le marteau afin que s’accomplissent les paroles de David : “ J’ai relevé le pauvre de la terre pour le placer sur le trône des princes de ton peuple. ” » « Ce dernier point devait être parfaitement entendu et savouré par don Bosco. Il est plus urgent encore de nos jours où dans l’Église a sévi un élitisme, bourgeois, intellectuel, riche et mondain, dont le résultat lamentable fut l’erreur libérale répandue dans toute la hiérarchie, avec son carriérisme, son hédonisme, son charismatisme. Il est urgent que le clergé se recrute de nouveau parmi les pauvres, les paysans, les travailleurs... mais vrais catholiques, fervents, convaincus, courageux. Telles sont les Béatitudes et les Malédictions justement réparties dans le Sermon sur la montagne, les unes sur les humbles et sur les pauvres, les autres sur les orgueilleux et sur les riches. « Tel est le programme donné au Pape, en larmes sur lui-même et sur son troupeau décimé, par deux anges en lesquels je reconnaîtrais bien les “ deux assesseurs ” qui devaient le suivre partout, dans l’autre prophétie. Qui seront-ils ? Je n’en sais rien, sinon, mystérieusement, Moïse et Élie revenus soutenir Pierre cet autre Christ dans sa proche Passion. « Ayant entendu cela, le Pape se mit en marche et les rangs de la procession commencèrent à grossir. » « Ah ! que j’aime cette vision ! « Lorsqu’il pénétra dans la Ville sainte, il se mit à pleurer sur la désolation dans laquelle se trouvaient les habitants dont beaucoup n’étaient plus. – Puis, entrant dans Saint-Pierre, il entonna le “ Te Deum ” auquel répondit un chœur d’anges qui chantaient “ Gloria in excelsis Deo, et in terra pax hominibus bonæ voluntatis ”. » « Nous souvenant de l’autre procession, celle de la sortie du Vatican, du 11 octobre 1962, et assistant à celle du retour à Rome pour l’ouverture du Vatican III de nos espérances, nous applaudirons à tous les contrastes de celle-ci d’avec la première, et nous nous associerons au chant de ces multitudes Mai 2015 d’anges de la parabole, qui seront les milliers et milliers de fidèles catholiques venus pour l’occasion à Rome en action de grâces. « Le chant terminé, l’obscurité cessa tout à fait et un soleil resplendissant se mit à briller. Les villes, les villages et les campagnes voyaient leur population très diminuée. La terre semblait garder la trace d’un ouragan et d’une pluie d’eau ou de grêle et les gens allaient les uns vers les autres le cœur tout ému, en disant : “ Oui vraiment, il y a un Dieu en Israël ”. » « Quel charmant tableau, comme aujourd’hui Noël lendemain d’inondations de pluies diluviennes, oui ! comme aux jours de Noé quand les eaux du déluge s’étant retirées, la famille du saint patriarche et les animaux de toutes espèces sortirent de l’arche, tandis que se préparait le sacrifice d’action de grâces de l’Alliance nouvelle, sous le signe de l’arc-en-ciel, gage de paix de Dieu avec les hommes à jamais. « J’aime voir les gens aller les uns vers les autres, au contraire de cette détestation grandissante, irrémédiable, que le Concile et ses suites fomentèrent puis embrasèrent jusqu’à la haine et la mort sous le panneau trompeur de la “ civilisation de l’amour ” ! « Depuis le début de l’exil jusqu’au chant du “ Te Deum ” le soleil se leva deux cents fois. Tout le temps passé dans la réalisation de ces événements correspond à quatre cents jours. « En beaucoup d’endroits, on put lire les prédictions qui s’étaient réalisées jour après jour, comme si elles étaient rapportées par le journal du matin. « Selon la même personne [ don Bosco ], la France, l’Espagne, l’Autriche et une puissance de l’Allemagne seraient choisies par la Providence pour empêcher l’effondrement social et donneraient la paix à l’Église combattue depuis si longtemps et de tant de manières. » « Ici, il semble que nous glissions de la prophétie proprement dite à son commentaire, du songe inspiré à son interprétation humaine, hésitante. Aujourd’hui nous savons, nous, que l’innocent Portugal gardera toujours le dogme de la foi, lui, la “ vitrine de Notre-Dame ” et le dépositaire des secrets divins. Et depuis le 13 juillet 1917, Lucie, la voyante de Fatima, sait que l’élue du Cœur très unique de Jésus et de Marie, c’est la Russie. Le Royaume de Dieu adviendra lorsque ce peuple se convertira à la parole du Pape le consacrant enfin au Cœur Immaculé de Marie. Quand sera-ce ? » Nous savons qu’au-dessous du fronton central de la basilique Marie-Auxiliatrice deux anges portent un cartouche avec une date qu’un bas-relief au registre inférieur explicite : 1 5 7 1 , victoire de Lépante, obtenue par les prières des confréries du Saint Rosaire mobilisées par saint Pie V. Le Pape eut la vision du miracle, avant qu’il soit connu ( bas-relief No 151 - P. 8 gauche ), et fit ajouter aux litanies de Lorette l’invocation : “ Auxilium christianorum, ora pro nobis ”. Une seconde date, à droite, est 1815, année de la naissance de don Bosco qui marqua l’institution de la fête de Marie Auxiliatrice par le pape Pie VII, en reconnaissance de son retour à Rome, après la chute de Napoléon ( bas-relief droit ). Mais nous savons que don Bosco voulait annoncer une autre victoire, à venir, de la Vierge Marie sur les puissances infernales. Elle devait être signifiée sur le second campanile par un autre étendard, et sur le cartouche par les chiffres : 1 9 . . Le saint dut renoncer à son projet devant l’opposition des salésiens de son Conseil. Il s’inclina et garda son secret... tout en répétant que Marie Auxiliatrice, « protectrice spéciale de ceux qui combattent pour la foi », et « terrible comme une armée rangée en bataille », vaincrait... à la fin ! Notre enquête auprès des archivistes salésiens nous permit de compléter : 1 9 9 6 . L’année de la victoire de frère Georges de Jésus-Marie sur l’Adversaire, comme nous l’avons expliqué plus haut (p. 5 ). Vingt ans ont passé qui, pour Dieu, sont comme un jour. Le pape François annonce l’ouverture de l’Année sainte le 8 décembre 2015, en la solennité de l’Immaculée Conception, « le dimanche suivant, troisième de l’Avent, la Porte sainte sera ouverte dans la cathédrale de Rome, la basilique SaintJean-de- Latran. Ensuite seront ouvertes les Portes saintes dans les autres basiliques papales. Ce même dimanche, je désire que dans chaque Église particulière, dans la cathédrale qui est l’Église-mère pour tous les fidèles, ou bien dans la co-cathédrale ou dans une église d’importance particulière, une Porte de la Miséricorde soit également ouverte pendant toute l’Année sainte. Au choix de l’Ordinaire du lieu, elle pourra aussi être ouverte dans les Sanctuaires où affluent tant de pèlerins qui, dans ces lieux ont le cœur touché par la grâce et trouvent le chemin de la conversion. Chaque Église particulière est donc directement invitée à vivre cette Année sainte comme un moment extraordinaire de grâce et de renouveau spirituel. Donc, le Jubilé sera célébré à Rome, de même que dans les Églises particulières, comme signe visible de la communion de toute l’Église. » (n o 3 ) L’année 2016, centenaire des apparitions de l’Ange précurseur de Notre-Dame, nous préparera à celui de 2017 : « Si Dieu me donne la vie et la santé, je souhaite être à la Cova da Iria pour célébrer le centenaire », a promis le Pape. Prions pour que Dieu lui inspire aussi la résolution d’y recommander la dévotion réparatrice des premiers samedis pour le salut des âmes, et d’y ordonner à tous les évêques en communion avec lui de consacrer la Russie au Cœur Immaculé de Marie pour la paix du monde. frère Bruno de Jésus - Marie. Mai 2015 No 151 - P. 9 PÈLER I N AGE À T U R I N FAC E À FAC E AV E C D I E U L A prière inlassable du psalmiste, et donc du moine qui récite les psaumes jour et nuit, consiste à implorer : « Faites lever sur nous la lumière de votre Face, Yahweh ! » ( Ps 4, 7 ) « Quoniam apud te est fons vitæ, et in lumine tuo videbimus lumen. » « Car en vous est la source de la vie et dans votre lumière, nous verrons la lumière. » ( Ps 36, 10 ) Dieu est vie et lumière. Ces mots abstraits désignent, aux premiers jours de la création, le fourmillement concret des êtres vivant sur la terre, dans la mer, et dans les airs, et les “ luminaires ” dans le ciel : la lune, le soleil et les étoiles. Ces êtres de la création visible attestent l’existence, la Présence de l’Être qui se nomme lui-même à Moïse : Je Suis . Au milieu d’Israël, habite ce visage divin. Invisible, et pourtant débordant d’une vie dont témoigne le prophète Élie : « Il est vivant Yahweh, le Dieu d’Israël, en présence de qui je me tiens. » La preuve : « Il n’y aura ces années-ci ni rosée ni pluie, sauf à mon commandement. » ( 1 R 17, 1 ) C’est en effet à Dieu que nous demandons notre nourriture dans le psaume 104, le psaume du Benedicite monastique si beau : « Oculi omnium in te sperant, Domine, « Les yeux de tous espèrent en vous, Seigneur, et à tous vous donnez leur nourriture en temps opportun. Vous leur donnez ; eux, ils ramassent ; vous ouvrez la main, ils se rassasient. Vous cachez votre Face, ils s’épouvantent ; vous retirez votre souffle, ils expirent, à leur poussière ils retournent. » ( Ps 104, 27-29 ) Dieu est présent à toute créature du seul fait qu’il la pose dans l’existence. Sa “ Face ”, c’est cette présence même, c’est son Être. Et la vie de l’homme créé à son image et ressemblance est un face à Face avec Dieu. Nous l’avons chanté à la veillée pascale : Sicut cervus desiderat ad fontes aquarum, « Comme languit une biche après les eaux vives, ainsi languit mon âme vers vous, mon Dieu. Mon âme a soif de Dieu, du Dieu vivant ; quand irai-je et verrai-je la Face de Dieu ? » ( Ps 42, 2-3 ) « Misericordia et veritas præcedent faciem tuam. » ( Ps 89, 15 ) Dieu est bon, il nous crée par amour, et il est fidèle ; constant dans cet amour. Mais son trône est aussi instauré dans la justice et l’équité. Parce que le visage de Yahweh est celui du Dieu saint et juste, seuls « les cœurs droits contempleront sa Face » ( Ps 11, 7 ). Isaïe en a le sentiment très vif dans le Temple, le jour de sa vocation, après avoir vu « le Seigneur Yahweh assis sur un trône grandiose et surélevé. Sa traîne emplissait le sanctuaire. Des séraphins se tenaient au-dessus de lui, ayant chacun six ailes, deux pour se couvrir la face, deux pour se couvrir les pieds, deux pour voler. Ils se criaient l’un à l’autre ces paroles : “ S aint, saint, saint est Yahweh Sabaot, sa gloire emplit toute la terre. ” « Les montants des portes vibrèrent au bruit de ces cris et le Temple était plein de fumée. Alors je dis : “ Malheur à moi, je suis perdu ! car je suis un homme aux lèvres impures, j’habite au sein d’un peuple aux lèvres impures, et mes yeux ont vu le Roi, Yahweh Sabaot. ” » ( Is 6, 1-5 ) Car la Face de Dieu est universellement redoutable à l’homme pécheur, Et pourtant, sur le mont Sinaï, « Yahweh conversait avec Moïse face à face, comme un homme converse avec son ami » ( Ex 33, 11 ). Mais à condition de ne le voir que de dos : « Il lui dit : “ Fais-moi de grâce voir ta gloire. ” Et il dit : “ Je ferai passer devant toi toute ma beauté et je prononcerai devant toi le nom de Yahweh. Je fais grâce à qui je fais grâce et j’ai pitié de qui j’ai pitié. Mais, dit-il, tu ne peux pas voir ma Face, car l’homme ne peut me voir et vivre. ” Yahweh dit encore : “ Voici une place près de moi ; tu te tiendras sur le rocher. Quand passera ma gloire, je te mettrai dans la fente du rocher et je te couvrirai de ma main jusqu’à ce que je sois passé. Puis j’écarterai ma main et tu verras mon dos ; mais ma Face, on ne peut la voir ”. » ( Ex 33, 18-23 ) « Ainsi Moïse qui brûlait de voir la Face de Dieu apprend-il comment on voit Dieu, explique saint Grégoire de Nysse : suivre Dieu partout où il mène, cela c’est voir Dieu. » En effet, « suivre quelqu’un, c’est le voir de dos. » Mais à nous, il est donné de le voir de face, face à Face, à Turin, en vénérant son Saint Suaire où il a laissé l’empreinte de cette Face, mais “ cachée ”. Avec, au cœur, cet encouragement du pape François : « Moi aussi, s’il plaît à Dieu, j’irai le vénérer le 21 juin prochain. Je souhaite que cet acte de vénération nous aide tous à trouver en Jésus-Christ le visage miséricordieux de Dieu, et à le reconnaître dans les visages des frères, spécialement les plus souffrants. » ( Regina Cæli du dimanche 19 avril 2015 ) frère Bruno de Jésus - Marie. Mai 2015 No 151 - P. 10 M ISER IC OR DI Æ V U LT US LE VISAGE DE LA MISÉRICORDE DIVINE N OUS lisons dans le livre des Nombres que Yahweh dit à Moïse : « Parle ainsi à Aaron et à ses fils et dis : Voici comment vous bénirez les Israélites. Vous leur direz : “ Que Yahweh te bénisse et te garde ! Que Yahweh fasse pour toi rayonner son Visage et te fasse grâce ! Que Yahweh te découvre sa Face et t’apporte la paix ! ” » ( Nb 6, 22-27 ) Lorsque les temps furent accomplis, Yahweh a fait pour nous rayonner son Visage sur la Face du Christ et nous a fait grâce. La bulle d’indiction du jubilé extraordinaire de la miséricorde, Misericordiæ Vultus , commence comme une lettre de saint Paul : « François évêque de Rome serviteur des serviteurs de Dieu à ceux qui liront cette lettre grâce, miséricorde et paix. » « Jésus -Christ est le visage de la miséricorde du Père. Le mystère de la foi chrétienne est là tout entier. Devenue vivante et visible, elle atteint son sommet en Jésus de Nazareth. Le Père, “ riche en miséricorde ” ( Ep 2, 4 ), après avoir révélé son nom à Moïse comme “ Dieu tendre et miséricordieux, lent à la colère, plein d’amour et de vérité ” ( Ex 34, 6 ), n’a pas cessé de faire connaître sa nature divine de différentes manières et en de nombreux moments. « Lorsqu’est venue la “ plénitude des temps ” ( Ga 4, 4 ), quand tout fut disposé selon son dessein de salut, il envoya son Fils né de la Vierge Marie pour nous révéler de façon définitive son amour. Qui le voit a vu le Père ( cf. Jn 14, 9 ). À travers sa parole, ses gestes, et toute sa personne, Jésus de Nazareth révèle la miséricorde de Dieu. » ( n o 1 ) Pour accomplir ce dessein de son Père, Jésus a voulu « devenir en tout semblable à ses frères » ( He 2, 17 ) afin d’expérimenter la misère même de ceux qu’il venait sauver. Aussi ses actes traduisaient-ils tous la miséricorde divine, même lorsqu’ils ne sont pas ainsi qualifiés par les Évangélistes. « “ La miséricorde est le propre de Dieu dont la toute-puissance consiste précisément à faire miséricorde. ” Ces paroles de saint Thomas d’Aquin montrent que la miséricorde n’est pas un signe de faiblesse, mais bien l’expression de la toute-puissance de Dieu. C’est pourquoi une des plus antiques collectes de la liturgie nous fait prier ainsi : “ Dieu qui donne la preuve suprême de ta puissance lorsque tu patientes et prends pitié. ” Dieu sera toujours dans l’histoire de l’humanité comme celui qui est présent, proche, prévenant, saint et miséricordieux. « “ Patient et miséricordieux ”, tel est le binôme qui parcourt l’Ancien Testament pour exprimer la nature de Dieu. » ( M isericordiæ Vultus, n o 6 ) Dans le Nouveau Testament, cette miséricorde divine se montre, en Jésus, bienfaisante, souffrante, triomphante. MISÉRICORDE BIENFAISANTE En saint Matthieu, on voit Jésus témoigner de cette miséricorde divine d’une façon générale aux foules : « Face à la multitude qui le suivait, écrit le Pape, Jésus, voyant qu’ils étaient fatigués et épuisés, égarés et sans berger, éprouva au plus profond de son cœur, une grande compassion pour eux (cf. Mt 9, 36 ). En raison de cet amour de compassion, il guérit les malades qu’on lui présentait (cf. Mt 14, 14 ). » ( n o 8 ) « En débarquant, il vit une foule nombreuse et il en eut pitié ; et il guérit leurs infirmes. » ( Mt 14, 14 ) « Jésus, cependant, appela à lui ses disciples et leur dit : “ J’ai pitié de la foule, car voilà déjà trois jours qu’ils restent auprès de moi et ils n’ont pas de quoi manger. Les renvoyer à jeun, je ne le veux pas : ils pourraient défaillir en route. ” » ( Mt 15, 32 ) LES PRÉFÉRÉS SONT LES PAUVRES. Saint Luc a mis la miséricorde de Jésus en lumière avec un soin particulier. Elle se manifeste par la sollicitude de Jésus envers les pauvres. On ne s’étonnera pas de voir le pape François souligner l’importance de la préférence de Jésus pour les « pauvres » : « L’Évangéliste raconte qu’un jour de sabbat, Jésus retourna à Nazareth, et comme il avait l’habitude de le faire, il entra dans la synagogue. On l’appela pour lire l’Écriture et la commenter. C’était le passage du prophète Isaïe où il est écrit : « “ L’esprit du Seigneur Dieu est sur moi parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction. Il m’a envoyé annoncer la bonne nouvelle aux humbles, guérir ceux qui ont le cœur brisé, proclamer aux captifs leur délivrance, aux prisonniers leur libération, proclamer une année de bienfaits accordée par le Seigneur. ” ( Is 61, 1-2 ) « “ Une année de bienfaits ” : c’est ce que le Seigneur annonce et que nous voulons vivre. Que cette Année sainte expose la richesse de la mission de Jésus qui résonne dans les paroles du Prophète : dire une parole et faire un geste de consolation envers les pauvres, annoncer la libération de ceux qui sont esclaves dans les nouvelles prisons de la société moderne, redonner la vue à qui n’est plus capable de voir car recroquevillé sur lui-même, redonner la dignité à ceux Mai 2015 qui en sont privés. Que la prédication de Jésus soit de nouveau visible dans les réponses de foi que les chrétiens sont amenés à donner par leur témoignage. Que les paroles de l’Apôtre nous accompagnent : “ Celui qui pratique la miséricorde, qu’il ait le sourire ( Rm 12, 8 ). » ( M isericordiæ Vultus, n o 16 ) Aux émissaires de Jean-Baptiste venus lui demander s’il est celui qui doit venir ou s’il faut en attendre un autre, Jésus répondit : « Allez rapporter à Jean ce que vous avez vu et entendu : les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés et les sourds entendent, les morts ressuscitent, la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres. » ( Lc 7, 22 ) Les « pauvres » sont d’abord les pécheurs. L’AMI DES PÉCHEURS . « Le Fils de l’homme est venu, mangeant et buvant, et vous dites : Voilà un glouton et un ivrogne, un ami des publicains et des pécheurs ! » ( Lc 7, 34 ) Le pape François lance à ces “ amis de Jésus ” un appel pathétique : « Que puisse parvenir à tous la parole de pardon et que l’invitation à faire l’expérience de la miséricorde ne laisse personne indifférent ! Mon appel à la conversion s’adresse avec plus d’insistance à ceux qui se trouvent éloignés de la grâce de Dieu en raison de leur conduite de vie. Je pense en particulier aux hommes et aux femmes qui font partie d’une organisation criminelle quelle qu’elle soit. Pour votre bien, je vous demande de changer de vie. Je vous le demande au nom du Fils de Dieu qui, combattant le péché, n’a jamais rejeté aucun pécheur. Ne tombez pas dans le terrible piège qui consiste à croire que la vie ne dépend que de l’argent, et qu’à côté, le reste n’aurait ni valeur, ni dignité. Ce n’est qu’une illusion. Nous n’emportons pas notre argent dans l’au-delà. L’argent ne donne pas le vrai bonheur. La violence pour amasser de l’argent qui fait couler le sang ne rend ni puissant, ni immortel. Tôt ou tard, le jugement de Dieu viendra, auquel nul ne pourra échapper. « Le même appel s’adresse aux personnes fautives ou complices de corruption. Cette plaie puante de la société est un péché grave qui crie vers le Ciel, car il mine jusqu’au fondement de la vie personnelle et sociale. La corruption empêche de regarder l’avenir avec espérance, parce que son arrogance et son avidité anéantissent les projets des faibles et chassent les plus pauvres. C’est un mal qui prend racine dans les gestes quotidiens pour s’étendre jusqu’aux scandales publics. La corruption est un acharnement dans le péché qui entend substituer à Dieu l’illusion de l’argent comme forme de pouvoir. C’est une œuvre des ténèbres, qui s’appuie sur la suspicion et l’intrigue. Corruptio optimi pessima, disait avec raison saint Grégoire le Grand, pour montrer que personne No 151 - P. 11 n’est exempt de cette tentation. Pour la vaincre dans la vie individuelle et sociale, il faut de la prudence, de la vigilance, de la loyauté, de la transparence, le tout en lien avec le courage de la dénonciation. Si elle n’est pas combattue ouvertement, tôt ou tard on s’en rend complice et elle détruit l’existence. « Voici le moment favorable pour changer de vie ! Voici le temps de se laisser toucher au cœur. Face au mal commis, et même aux crimes graves, voici le moment d’écouter pleurer les innocents dépouillés de leurs biens, de leur dignité, de leur affection, de leur vie même. Rester sur le chemin du mal n’est que source d’illusion et de tristesse. La vraie vie est bien autre chose. Dieu ne se lasse pas de tendre la main. Il est toujours prêt à écouter, et moi aussi je le suis, comme mes frères évêques et prêtres. Il suffit d’accueillir l’appel à la conversion et de se soumettre à la justice, tandis que l’Église offre la miséricorde. » ( M isericordiæ Vultus, n o 19 ) En saint Matthieu, la miséricorde prend un visage plus personnel pour un jeune Argentin devenu Pape, qui ne cesse de se mettre lui-même au rang des pécheurs, objet de la miséricorde : « L’appel de Matthieu est lui aussi inscrit sur l’horizon de la miséricorde. Passant devant le comptoir des impôts, Jésus regarda Matthieu dans les yeux. C’était un regard riche de miséricorde qui pardonnait les péchés de cet homme, et surmontant les résistances des autres disciples, il le choisit, lui, le pécheur et le publicain, pour devenir l’un des Douze. Commentant cette scène de l’Évangile, saint Bède le Vénérable a écrit que Jésus regarda Matthieu avec un amour miséricordieux, et le choisit : Miserando atque Eligendo . Cette expression m’a toujours fait impression au point d’en faire ma devise. » ( n o 8 ) Aussi le pape François donne-t-il à cette Année de la miséricorde la devise suivante : « Miséricordieux comme le Père . L’Évangéliste rapporte l’enseignement du Christ qui dit : “ Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux. ” ( Lc 6, 36 ) C’est un programme de vie aussi exigeant que riche de joie et de paix. Le commandement de Jésus s’adresse à ceux qui écoutent sa voix (cf. Lc 6, 27 ). Pour être capables de miséricorde, il nous faut donc d’abord nous mettre à l’écoute de la Parole de Dieu. Cela veut dire qu’il nous faut retrouver la valeur du silence pour méditer la Parole qui nous est adressée. C’est ainsi qu’il est possible de contempler la miséricorde de Dieu et d’en faire notre style de vie. » ( n o 13 ) LA PORTE DE LA MISÉRICORDE . « Le pèlerinage est un signe particulier de l’Année sainte : il est l’image du chemin que chacun parcourt au long de son existence. La vie est un pèlerinage, Mai 2015 et l’être humain un viator, un pèlerin qui parcourt un chemin jusqu’au but désiré. Pour passer la Porte sainte à Rome, et en tous lieux, chacun devra, selon ses forces, faire un pèlerinage. Ce sera le signe que la miséricorde est un but à atteindre, qui demande engagement et sacrifice. Que le pèlerinage stimule notre conversion : en passant la Porte Sainte, nous nous laisserons embrasser par la miséricorde de Dieu, et nous nous engagerons à être miséricordieux avec les autres comme le Père l’est avec nous. « Le Seigneur Jésus nous montre les étapes du pèlerinage à travers lequel nous pouvons atteindre ce but : “ Ne jugez pas, et vous ne serez pas jugés ; ne condamnez pas, et vous ne serez pas condamnés. Pardonnez, et vous serez pardonnés. Donnez, et l’on vous donnera : c’est une mesure bien pleine, tassée, secouée, débordante, qui sera versée dans le pan de votre vêtement ; car la mesure dont vous vous servez pour les autres servira de mesure aussi pour vous. ” ( Lc 6, 37-38 ) « Il nous est dit, d’abord, de ne pas juger, et de ne pas condamner. Si l’on ne veut pas être exposé au jugement de Dieu, personne ne doit devenir juge de son frère. De fait, en jugeant, les hommes s’arrêtent à ce qui est superficiel, tandis que le Père regarde les cœurs. Que de mal les paroles ne font‑elles pas lorsqu’elles sont animées par des sentiments de jalousie ou d’envie ! « Mal parler du frère en son absence, c’est le mettre sous un faux jour, c’est compromettre sa réputation et l’abandonner aux commérages. Ne pas juger et ne pas condamner signifie, de façon positive, savoir accueillir ce qu’il y a de bon en toute personne et ne pas permettre quelle ait à souffrir de notre jugement partiel et de notre prétention à tout savoir. « Cela n’est pas encore suffisant pour exprimer ce qu’est la miséricorde. Jésus demande aussi de pardonner et de donner, d’être instruments du pardon puisque nous l’avons déjà reçu de Dieu, d’être généreux à l’égard de tous en sachant que Dieu étend aussi sa bonté pour nous avec grande magnanimité. « Miséricordieux comme le Père, c’est donc la “ devise ” de l’Année sainte. Dans la miséricorde, nous avons la preuve de la façon dont Dieu aime. Il se donne tout entier, pour toujours, gratuitement, et sans rien demander en retour. Il vient à notre secours lorsque nous l’invoquons. Il est beau que la prière quotidienne de l’Église commence avec ces paroles : “ Mon Dieu, viens me délivrer ; Seigneur, viens vite à mon secours. ” ( Ps 69, 2 ) « L’aide que nous implorons est déjà le premier pas de la miséricorde de Dieu à notre égard. Il vient nous sauver de la condition de faiblesse dans laquelle nous vivons. Son aide consiste à rendre accessible sa présence et sa proximité. Touchés jour après jour par sa compassion, nous pouvons nous aussi devenir compatissants envers tous. » ( n o s 13-14 ) No 151 - P. 12 LE PARDON DONNÉ ET REÇU . De la parabole du “ débiteur sans pitié ”, le Pape tire une leçon capable de restaurer notre société chrétienne, si nous l’écoutons et mettons en pratique : « Appelé par son maître à rendre une somme importante, il le supplie à genoux et le maître lui remet sa dette. Tout de suite après, il rencontre un autre serviteur qui lui devait quelques centimes. Celui-ci le supplia à genoux d’avoir pitié, mais il refusa et le fit emprisonner. Ayant appris la chose, le maître se mit en colère et rappela le serviteur pour lui dire : “ Ne devais-tu pas, à ton tour, avoir pitié de ton compagnon, comme moi-même j’avais eu pitié de toi ? ” ( Mt 18, 33 ) Et Jésus conclut : “ C’est ainsi que mon Père du ciel vous traitera, si chacun de vous ne pardonne pas à son frère du fond du cœur. ” ( Mt 18, 35 ) « La parabole est d’un grand enseignement pour chacun de nous. Jésus affirme que la miséricorde n’est pas seulement l’agir du Père, mais elle devient le critère pour comprendre qui sont ses véritables enfants. En résumé, nous sommes invités à vivre de miséricorde parce qu’il nous a d’abord été fait miséricorde. Le pardon des offenses devient l’expression la plus manifeste de l’amour miséricordieux, et pour nous chrétiens, c’est un impératif auquel nous ne pouvons pas nous soustraire. Bien souvent, il nous semble difficile de pardonner ! Cependant, le pardon est le moyen déposé dans nos mains fragiles pour atteindre la paix du cœur. Se défaire de la rancœur, de la colère, de la violence et de la vengeance, est la condition nécessaire pour vivre heureux. Accueillons donc la demande de l’Apôtre : “ Que le soleil ne se couche pas sur votre colère. ” ( Ep 4, 26 ) Écoutons surtout la parole de Jésus qui a établi la miséricorde comme idéal de vie, et comme critère de crédibilité de notre foi : “ Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde. ” ( Mt 5, 7 ) C’est la béatitude qui doit susciter notre engagement tout particulier en cette Année sainte. » ( M isericordiæ Vultus, n o s 9 ) LES ŒUVRES DE MISÉRICORDE . « J’ai un grand désir que le peuple chrétien réfléchisse durant le Jubilé sur les œuvres de miséricorde corporelles et spirituelles. Ce sera une façon de réveiller notre conscience souvent endormie face au drame de la pauvreté, et de pénétrer toujours davantage le cœur de l’Évangile, où les pauvres sont les destinataires privilégiés de la miséricorde divine. La prédication de Jésus nous dresse le tableau de ces œuvres de miséricorde, pour que nous puissions comprendre si nous vivons, oui ou non, comme ses disciples. Redécouvrons les œuvres de miséricorde corporelles : donner à manger aux affamés, donner à boire à ceux qui ont soif, vêtir ceux qui sont nus, accueillir les étrangers, assister les malades, visiter les prisonniers, ensevelir les morts. Et n’oublions pas les Mai 2015 No 151 - P. 13 œuvres de miséricorde spirituelles : conseiller ceux qui sont dans le doute, enseigner les ignorants, avertir les pécheurs, consoler les affligés, pardonner les offenses, supporter patiemment les personnes ennuyeuses, prier Dieu pour les vivants et pour les morts [...]. « C’est dans chacun de ces “ plus petits ” que le Christ est présent. Sa chair devient de nouveau visible en tant que corps torturé, blessé, flagellé, affamé, égaré... pour être reconnu par nous, touché et assisté avec soin. N’oublions pas les paroles de Saint Jean de la Croix : “ Au soir de notre vie, nous serons jugés sur l’amour ”. » ( n o 15 ) « Dans les paraboles de la miséricorde, Jésus révèle la nature de Dieu comme celle d’un Père qui ne s’avoue jamais vaincu jusqu’à ce qu’il ait absous le péché et vaincu le refus, par la compassion et la miséricorde. Nous connaissons ces paraboles, trois en particulier : celle de la brebis égarée, celle de la pièce de monnaie perdue, et celle du père et des deux fils ( cf. Lc 15, 1-32 ). Dans ces paraboles, Dieu est toujours présenté comme rempli de joie, surtout quand il pardonne. Nous y trouvons le noyau de l’Évangile et de notre foi, car la miséricorde y est présentée comme la force victorieuse de tout, qui remplit le cœur d’amour, et qui console en pardonnant. » ( n o 9 ) LA BREBIS PERDUE ET RETROUVÉE . Je sais bien que le pape François a vu, en entrant dans le bercail, qu’il manquait quatre-vingt-dix-neuf brebis sur cent ! Mais la leçon de la parabole n’en est que plus urgente ! « Lequel d’entre vous, s’il a cent brebis et vient à en perdre une, n’abandonne les quatre-vingt-dix-neuf autres dans le désert pour s’en aller après celle qui est perdue, jusqu’à ce qu’il l’ait retrouvée ? [ Jésus parle à des bergers, des paysans de Galilée ]. Et, quand il l’a retrouvée, il la met, tout joyeux, sur ses épaules et, de retour chez lui, il assemble amis et voisins et leur dit : “ Réjouissez-vous avec moi, car je l’ai retrouvée, ma brebis qui était perdue ! ” [ Là, c’est Jésus, ce bon pasteur, plein d’amour pour sa brebis perdue et parti à sa recherche.] C’est ainsi, je vous le dis, qu’il y aura plus de joie dans le ciel pour un seul pécheur qui se repent que pour quatre-vingt-dix-neuf justes, qui n’ont pas besoin de repentir. » ( Lc 15, 4-7 ) À ce qu’ils croient ! L A DOUCEUR DE JÉSUS, IMAGE DE L A DOUCEUR DE DIEU « Il dit encore : Un homme avait deux fils. Le plus jeune dit à son père : “ Père, donne-moi la part de fortune qui me revient. ” Et le père leur partagea son bien. Peu de jours après, rassemblant tout son avoir, le plus jeune fils partit pour un pays lointain et y dissipa son bien en vivant dans l’inconduite. « Quand il eut tout dépensé, une famine sévère survint en cette contrée et il commença à sentir la privation. Il alla se mettre au service d’un des habitants de cette contrée, qui l’envoya dans ses champs garder les cochons. Il aurait bien voulu se remplir le ventre des caroubes que mangeaient les cochons , et personne ne lui en donnait. Rentrant alors en lui-même, il se dit : Combien de mercenaires de mon père ont du pain en surabondance, et moi je suis ici à périr de faim ! Je veux partir, aller vers mon père et lui dire : “ Père, j’ai péché contre le Ciel et envers toi ; je ne mérite plus d’être appelé ton fils, traite-moi comme l’un de tes mercenaires. ” « Il partit donc et s’en alla vers son père. « Tandis qu’il était encore loin, son père l’aperçut et fut pris de pitié ; il courut se jeter à son cou et l’embrassa tendrement. » Notre Père ne se lassait pas de nous dépeindre le père de famille qui, le soir, à la fin de la journée, allait à la porte de la maison, ou de la ferme, pour guetter... et courir au-devant de son fils... Chaque fois, ça lui tirait des larmes parce qu’il avait si souvent agi ainsi !... « Le fils alors lui dit : “ Père, j’ai péché contre le Ciel et envers toi, je ne mérite plus d’être appelé ton fils. ” Mais le père dit à ses serviteurs : “ Vite, apportez la plus belle robe et l’en revêtez, mettez-lui un anneau au doigt et des chaussures aux pieds. Amenez le veau gras, tuez- le, mangeons et festoyons, car mon fils que voilà était mort et il est revenu à la vie ; il était perdu et il est retrouvé ! ” « Et ils se mirent à festoyer. » Jésus nous révèle les sentiments de notre Père des Cieux : « Son fils aîné était aux champs. Quand, à son retour, il fut près de la maison, il entendit de la musique et des danses. Appelant un des serviteurs, il s’enquérait de ce que cela pouvait bien être. Celui-ci lui dit : “ C’est ton frère qui est arrivé, et ton père a tué le veau gras, parce qu’il l’a recouvré en bonne santé. ” Il se mit alors en colère, et il refusait d’entrer. Son père sortit l’en prier. Mais il répondit à son père : “ Voilà tant d’années que je te sers, sans avoir jamais transgressé un seul de tes ordres, et jamais tu ne m’as donné un chevreau, à moi, pour festoyer avec mes amis ; et puis ton fils que voici revient-il, après avoir dévoré ton bien avec des prostituées, tu fais tuer pour lui le veau gras ! ” « Mais le père lui dit : “ Toi, mon enfant, tu es toujours avec moi, et tout ce qui est à moi est à toi. Mais il fallait bien festoyer et se réjouir, puisque ton frère que voilà était mort et il est revenu à la vie ; il était perdu et il est retrouvé ! » ( Lc 15, 11-32 ) Mai 2015 LE PRIX D ’ UNE ÂME . La parabole de “ la drachme perdue ” nous apprend que chacune de nos âmes est un trésor pour le Bon Dieu : « Ou bien, quelle est la femme qui, si elle a dix drachmes et vient à en perdre une, n’allume une lampe, ne balaie la maison et ne cherche avec soin, jusqu’à ce qu’elle l’ait retrouvée ? Et, quand elle l’a retrouvée, elle assemble amies et voisines et leur dit : “ Réjouissez-vous avec moi, car je l’ai retrouvée, la drachme que j’avais perdue ! ” C’est ainsi, je vous le dis, qu’il naît de la joie devant les anges de Dieu pour un seul pécheur qui se repent. » ( Lc 15, 8-10 ) Ça vaut au moins une drachme ! LE FILS DE LA VEUVE DE NAÏN . Jésus ne dit pas si le frère aîné de l’enfant prodigue, qui figure le peuple juif, entra finalement dans la salle du festin. Une conversion, disait saint Augustin, est un miracle plus étonnant que la résurrection d’un mort. « Lorsqu’il rencontra la veuve de Naïm qui emmenait son fils unique au tombeau, Jésus éprouva une profonde compassion pour la douleur immense de cette mère en pleurs, et il lui redonna son fils, le ressuscitant de la mort (cf. Lc 7, 15 ). » ( n o 8 ) Jésus pense à sa Mère, et au glaive qui transpercera un jour son Cœur Immaculé, selon la prophétie de Syméon. Jésus témoigne d’une bienveillance particulière envers les femmes et les étrangers. « Et voici qu’une femme cananéenne, étant sortie de ce territoire, criait en disant : “ Aie pitié de moi, Seigneur, fils de David : ma fille est fort malmenée par un démon. ” » ( Mt 15, 22 ) Bref, « Toute chair voit le salut de Dieu. » ( Lc 3, 12-13 ) Et de fait, les affligés s’adressent à lui comme à Dieu même, en disant : « Kyrie eleison ! » « Seigneur, aie pitié de mon fils, qui est lunatique et va très mal : souvent il tombe dans le feu, et souvent dans l’eau. » ( Mt 17, 15 ) « Et voici que deux aveugles étaient assis au bord du chemin ; quand ils apprirent que Jésus passait, ils s’écrièrent : “ Seigneur ! aie pitié de nous, fils de David ! ” La foule les rabroua pour leur imposer silence ; mais ils redoublèrent leurs cris : “ Seigneur ! aie pitié de nous, fils de David ! ” Jésus, s’arrêtant, les appela et dit : “ Que voulez-vous que je fasse pour vous ? ” Ils lui disent : “ Seigneur, que nos yeux s’ouvrent ! ” Pris de pitié, Jésus leur toucha les yeux et aussitôt ils recouvrèrent la vue. Et ils se mirent à sa suite. » ( Mt 20, 30-34 ) DIEU EST AMOUR . « Le regard fixé sur Jésus et son visage miséricordieux, écrit le pape François, nous pouvons accueillir No 151 - P. 14 l’amour de la Sainte Trinité. La mission que Jésus a reçue du Père a été de révéler le mystère de l’amour divin dans sa plénitude. L’Évangéliste Jean affirme pour la première et unique fois dans toute l’Écriture : “ Dieu est amour. ” (1 Jn 4, 8.16 ) Cet amour est désormais rendu visible et tangible dans toute la vie de Jésus. Sa personne n’est rien d’autre qu’amour, un amour qui se donne gratuitement. Les relations avec les personnes qui s’approchent de lui ont quelque chose d’unique et de singulier. Les signes qu’il accomplit, surtout envers les pécheurs, les pauvres, les exclus, les malades et les souffrants, sont marqués par la miséricorde. Tout en Lui parle de miséricorde. Rien en Lui ne manque de compassion. « Face à la multitude qui le suivait, Jésus, voyant qu’ils étaient fatigués et épuisés, égarés et sans berger, éprouva au plus profond de son cœur, une grande compassion pour eux (cf. Mt 9, 36 ). En raison de cet amour de compassion, il guérit les malades qu’on lui présentait (cf. Mt 14, 14 ), et il rassasia une grande foule avec peu de pains et de poissons (cf. Mt 15, 37 ). Ce qui animait Jésus en toute circonstance n’était rien d’autre que la miséricorde avec laquelle il lisait dans le cœur de ses interlocuteurs et répondait à leurs besoins les plus profonds. » ( n o 8 ) Mais c’est un mystère de rédemption par lequel il a fallu “ racheter ”, payer le prix de la brebis, de la drachme, du fils prodigue. MISÉR ICOR DE DOULOUR EUSE « “ Éternel est son amour ” est le refrain qui revient à chaque verset du psaume 135 dans le récit de l’histoire de la révélation de Dieu [...]. « Avant la Passion, Jésus a prié avec ce Psaume de la miséricorde. C’est ce qu’atteste l’évangéliste Matthieu quand il dit qu’ “ après avoir chanté les Psaumes ” ( 26, 30 ), Jésus et ses disciples sortirent en direction du mont des Oliviers. Lorsqu’il instituait l’Eucharistie, mémorial pour toujours de sa Pâque, il établissait symboliquement cet acte suprême de la Révélation dans la lumière de la miséricorde. « Sur ce même horizon de la miséricorde, Jésus vivait sa passion et sa mort, conscient du grand mystère d’amour qui s’accomplissait sur la Croix. Savoir que Jésus lui-même a prié avec ce Psaume le rend encore plus important pour nous chrétiens, et nous appelle à en faire le refrain de notre prière quotidienne de louange : “ Éternel est son amour. ” » ( n o 7 ) LE DÉMONIAQUE ÉPILEPTIQUE . « Bien qu’il soit le Fils, il apprit par ses souffrances l’obéissance. » ( He 5, 8 ) L’Inconnu de l’Exil avait prophétisé qu’il serait « familier de la souffrance » ( Is 53, 3 ). Et c’est bien ainsi que l’Évangile nous le décrit : Mai 2015 « Et voici qu’un homme de la foule s’écria : “ Maître, je te prie de jeter les yeux sur mon fils, car c’est mon unique enfant. Et voilà qu’un esprit s’en empare, et soudain il crie, le secoue avec violence et le fait écumer ; et ce n’est qu’à grand-peine qu’il s’en éloigne, le laissant tout brisé. J’ai prié tes disciples de l’expulser, mais ils ne l’ont pu. – Engeance incrédule et pervertie, répondit Jésus, jusques à quand serai-je auprès de vous et vous supporterai-je ? Amène ici ton fils. ” Celui-ci ne faisait qu’approcher, quand le démon le jeta à terre et le secoua violemment. Mais Jésus menaça l’esprit impur, guérit l’enfant et le remit à son père. » ( Lc 9, 38-42 ) Jésus pleure sur Jérusalem : « Quand il fut proche, à la vue de la ville, il pleura sur elle. » ( Lc 19, 41 ) « Jérusalem, Jérusalem, toi qui tues les prophètes et lapides ceux qui te sont envoyés, combien de fois ai-je voulu rassembler tes enfants à la manière dont une poule rassemble ses poussins sous ses ailes... et vous n’avez pas voulu ! » ( Mt 23, 37 ) L’AGONIE : EFFROI ET ANGOISSE . À la pensée de sa Passion, il est « troublé » : « Maintenant mon âme est troublée. Et que dire ? Père, sauve-moi de cette heure ! Mais c’est pour cela que je suis venu à cette heure. » ( Jn 12, 27 ) Premier mystère douloureux de notre Rosaire : sa souffrance devient une détresse mortelle, lorsque, à « l’heure » fixée par le Père, « il prend avec lui Pierre, Jacques et Jean, et il commença à ressentir effroi et angoisse ». Ces deux mots sont très forts, et admirablement commentés par notre Père dans son chemin de Croix , première station, Jésus est condamné à mort : « Ô Jésus, Vous l’innocence même et la tout humaine pureté, Vous la divine Sainteté inaccessible aux jugements humains, vous voici frappé par la main des hommes, souillé par leurs injures, leurs coups et leurs crachats sans que rien ne vous soit épargné, sans que nul ne s’interpose et ne vous évite aucun mauvais traitement, vous voilà condamné par la sentence des autorités juives et romaines comme un imposteur et un blasphémateur, outrages moraux mille fois plus insultants et blessants que les violences physiques. Vous acceptez l’injustice ! « Il n’ y a jamais eu, il n’ y aura jamais dans toute l’histoire du monde une si grande commotion dans un esprit, un cœur, une âme d’homme, qu’à ce moment où le Juste par excellence se soumet à l’injustice, où la sagesse et la sainteté du Verbe de Dieu acceptent la folie et le crime des hommes, sans élever un mot de protestation, sans un geste d’indignation. « La Justice bafouée, la Vérité trahie, la sainteté blasphémée, la pureté souillée par ce jugement des hommes crient en Vous à cette heure, mais vous contenez et No 151 - P. 15 renfermez en votre Sacré-Cœur cette violente émotion, ne laissant paraître que la soumission du Créateur à sa créature, du Maître à ses esclaves, du Roi à ses ennemis, acceptant notre injustice pour consommer toute justice. Mystère d’anéantissement. J’adore votre Cœur outragé dans cette Passion où l’Amour seul vous conduit. » « Premièrement, Jésus se couvre alors à la Face de son Père de toutes les fautes de l’humanité. » Jésus est la Sainteté, c’est l’être sans péché. C’est « le Saint de Dieu », comme l’appelaient les démons en toute vérité. Il est tout à Dieu, il est Dieu. « Et il leur dit : “ Mon âme est triste à en mourir ; demeurez ici et veillez. ” » L’âme humaine du Christ souffre d’un tourment qui n’est pas physique mais purement spirituel. « S’éloignant un peu, il tombait à terre, et il priait pour que, s’il était possible, cette heure passât loin de lui. Il est « venu » pour cela et au moment de souffrir la peine écrasante du péché du monde, son âme humaine, dans sa sensibilité d’homme, le trahit. Défaillance figurée par les chutes de nos chemins de croix. Quelque chose de son Être refuse d’obéir à ce qu’il y a de plus profond en lui. « Et il disait : “ Abba ! Père ! Tout t’est possible : éloigne de moi ce calice. Pourtant, non pas ce que je veux, mais ce que tu veux ! ” » Qu’y a-t-il au monde de plus émouvant que la défaillance de l’Agneau innocent, opposant sa volonté à celle de son Père ? Si vous refusez l’épreuve, Seigneur, nul ne nous en sauvera jamais ! « Entré en agonie, il priait de façon plus instante, et sa sueur devint comme de grosses gouttes de sang qui tombaient à terre. » ( Lc 22, 44 ) LA FLAGELLATION . Deuxième mystère de notre Rosaire. C’est nous qui la méritons, comme Jésus nous en a prévenus en « se faisant un fouet avec des cordes » pour chasser les marchands du Temple ( Jn 2, 15 ). Ce châtiment aussi, il le prend sur Lui. « Pilate prit alors Jésus et le fit flageller. » ( Jn 19, 1 ) Chose atroce dont nous lisons les stigmates sur le Saint Suaire. Jésus se prête à cette ignominie avec toute sa volonté de souffrir comme l’Agneau du sacrifice dans les dispositions que le psalmiste nous révèle : « Pour vous, mon Dieu, j’ai soutenu l’opprobre et ma Face tout entière a été couverte de confusion. » ( Ps 69, 8 ) C’est à ce moment-là que Jésus fut déshabillé pour la première fois : « Et moi, je suis un ver, non un homme, la honte des humains et le rebut du peuple. Tous ceux qui me voient me bafouent. » ( Ps 22, 7-8 ) « Des laboureurs ont labouré mon dos, traçant de longs sillons. » ( Ps 129, 3 ) Mai 2015 LA COURONNE D ’ ÉPINES . Mais, ô ironie sublime ! voici que les bourreaux se muent en serviteurs de la vérité : « Les soldats, tressant une couronne avec des épines, la lui posèrent sur la tête, et ils le revêtirent d’un manteau de pourpre ; et ils s’avançaient vers lui et disaient : “ Salut, le Roi des juifs ! ” Et ils lui donnaient des coups. » ( Jn 19, 1-2 ) Les soldats le revêtent d’insignes royaux : cette couronne d’épines cruelle a, elle aussi, laissé sa marque sur le Saint Suaire, en forme de “ chapeau ”, comme diront les clarisses de Chambéry. Elle fait le plus noble des diadèmes au plus noble des rois. Jésus fonde et confirme sa royauté en souffrant les coups et les outrages de sa Passion rédemptrice. Il révèle plus que jamais son origine divine par son obéissance héroïque au Père. Il semble que Pilate lui-même, et non pas seulement l’Évangéliste, en a l’intuition. LE PORTEMENT DE CROIX . Quatrième mystère de notre Rosaire, deuxième station de notre chemin de Croix : Jésus est chargé de sa Croix. « Voici l’instrument de notre salut. Ô doux Sauveur, vous vous en saisissez avec ardeur et avec joie, ce que nous ne saurions faire nous-mêmes si vous ne nous en aviez donné l’exemple et la force encore chaque jour, à cause de l’amour que vous avez de nous et du grand désir que vous ressentez pour notre salut. Parce qu’elle est notre seule espérance, cette Croix vous est chère et vous tendez les mains vers elle, vous l’embrassez dans une secrète exaltation et la chargez sur vos épaules déjà meurtries. » Elle a laissé une marque sur l’épaule droite, visible à gauche sur l’image positive du Saint Suaire. « Mais quel terrible instrument de notre vie et de notre félicité que cet instrument de torture et de mort ! L’esprit est prompt mais la chair est faible. L’esprit qui vous anime est un esprit de bonté et de miséricorde pour nous autres pécheurs, mais votre chair n’en est pas moins sensible, passible ; et c’est une terrible épreuve pour vos membres, vos nerfs et toute votre sensibilité que ce poids de la Croix qu’il faut porter ; c’est une horrible peine pour votre imagination et votre pensée de tenir cet instrument du supplice proche. « Que vous êtes adorable, ô Cœur Sacré de Jésus, dans cet instant où l’amour vous rend vainqueur des troubles de la sensibilité et des répulsions de l’esprit, quand vous embrassez cette Croix et vous en chargez résolument pour mon salut et celui du monde entier ! » Sous le poids de cette Croix, Jésus va tomber une fois, deux fois, trois fois. Le Saint Suaire porte la trace de la terre du chemin dont le nez de Jésus a conservé un échantillon bien reconnaissable à l’analyse qu’ont faite les savants de cette poussière du chemin qui a marqué le visage de Jésus lorsqu’il est tombé de tout son long. No 151 - P. 16 Mais dans son commentaire de l’Évangile de saint Marc, notre Père a montré que « tout ce tourment physique n’est que la face visible de cet univers invisible qu’est l’océan du péché des hommes ». LA MORT DE JÉSUS SUR LA CROIX . La Passion du Seigneur concentre toute la souffrance humaine possible, depuis la trahison du disciple jusqu’à l’abandon du Père : « Et vers la neuvième heure, Jésus clama en un grand cri : “ Eli, Eli, lema sabachtani ”, c’est-à-dire : “ Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? ” » ( Mt 27, 46 ) Ce sommet coïncide avec la grande offrande rédemptrice du Christ, le don expiatoire de sa vie, pour laquelle il a été envoyé dans le monde selon le dessein éternel du Père. « C’est ainsi que le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour une multitude. » ( Mt 20, 28 ) Jésus se soumet à ce dessein avec obéissance, avec amour : « Mais il faut que le monde reconnaisse que j’aime le Père et que je fais comme le Père m’a commandé. » ( Jn 14, 31 ) « Nul n’a plus grand amour que celui-ci : donner sa vie pour ses amis. » ( Jn 15, 13 ) MISÉRICORDE TRIOMPHANTE « Il faut », dei, ce petit mot, toujours associé à la souffrance, résume la vie de Jésus et en éclaire le mystère ; il revient comme un leitmotiv sur les lèvres de Jésus lorsqu’il annonce sa Passion, grand scandale de Pierre et des disciples : « Et il commença de leur enseigner : “ Le Fils de l’homme doit beaucoup souffrir, être rejeté par les anciens, les grands prêtres et les scribes, être tué et, après trois jours, ressusciter. ” Et c’est ouvertement qu’il disait ces choses. Pierre, le tirant à lui, se mit à le morigéner. Mais lui, se retournant et voyant ses disciples, admonesta Pierre et dit : “ Passe derrière moi, Satan ! car tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes ! ” » ( Mc 8, 31-33 ) Notre Saint-Père le pape François met ces “ pensées de Dieu ” dans une admirable lumière. JUSTICE ET MISÉRICORDE . « Il faut se rappeler que dans l’Écriture, la justice est essentiellement conçue comme un abandon confiant à la volonté de Dieu. » C’est pourquoi « Jésus s’exprime plus souvent sur l’importance de la foi que sur l’observance de la Loi » ( n o 20 ). « La miséricorde n’est pas contraire à la justice, mais illustre le comportement de Dieu envers le pécheur, lui offrant une nouvelle possibilité de se repentir, de se convertir et de croire. Ce qu’a vécu le prophète Osée nous aide à voir le dépassement de la justice par la miséricorde. L’époque de ce prophète est parmi les plus dramatiques de l’histoire du peuple Mai 2015 hébreu. Le Royaume est près d’être détruit ; le peuple n’est pas demeuré fidèle à l’alliance, il s’est éloigné de Dieu et a perdu la foi des Pères. Suivant une logique humaine, il est juste que Dieu pense à rejeter le peuple infidèle : il n’a pas été fidèle au pacte, et il mérite donc la peine prévue, c’est-à-dire l’exil. Les paroles du prophète l’attestent : “ Il ne retournera pas au pays d’Égypte ; Assour deviendra son roi, car ils ont refusé de revenir à moi. ” ( Os 11, 5 ) « Cependant, après cette réaction qui se réclame de la justice, le prophète change radicalement son langage et révèle le vrai visage de Dieu : “ Mon cœur se retourne contre moi ; en même temps, mes entrailles frémissent. Je n’agirai pas selon l’ardeur de ma colère, je ne détruirai plus Israël, car moi, je suis Dieu, et non pas homme : au milieu de vous je suis le Dieu saint, et je ne viens pas pour exterminer. ” ( Os 11, 8-9 ) Commentant les paroles du prophète, saint Augustin écrit : “ Il est plus facile pour Dieu de retenir la colère plutôt que la miséricorde. ” Il en est exactement ainsi. La colère de Dieu ne dure qu’un instant, et sa miséricorde est éternelle. « Si Dieu s’arrêtait à la justice, il cesserait d’être Dieu ; il serait comme tous les hommes qui invoquent le respect de la loi. La justice seule ne suffit pas et l’expérience montre que faire uniquement appel à elle risque de l’anéantir. C’est ainsi que Dieu va au-delà de la justice avec la miséricorde et le pardon. » C’est ici qu’il faut de la finesse, pour comprendre ce qu’il va lui en coûter : mort et résurrection. « Cela ne signifie pas dévaluer la justice ou la rendre superflue, au contraire. Qui se trompe devra purger sa peine, mais ce n’est pas là le dernier mot, mais le début de la conversion, en faisant l’expérience de la tendresse du pardon. Dieu ne refuse pas la justice. Il l’intègre et la dépasse dans un événement plus grand dans lequel on fait l’expérience de l’amour, fondement d’une vraie justice. Il nous faut prêter grande attention à ce qu’écrit Paul pour ne pas faire la même erreur que l’Apôtre reproche à ses contemporains juifs : “ En ne reconnaissant pas la justice qui vient de Dieu, et en cherchant à instaurer leur propre justice, ils ne se sont pas soumis à la justice de Dieu. Car l’aboutissement de la Loi, c’est le Christ, afin que soit donnée la justice à toute personne qui croit. ” ( Rm 10, 3-4 ) Cette justice de Dieu est la miséricorde accordée à tous comme une grâce venant de la mort et de la résurrection de Jésus-Christ. La Croix du Christ est donc le jugement de Dieu sur chacun de nous et sur le monde, puisqu’elle nous donne la certitude de l’amour et de la vie nouvelle. » ( n o 21) La Passion rédemptrice est la porte étroite du passage de l’accomplissement de toute justice à la miséricorde répandue sur le monde : « “ C’est maintenant le jugement de ce monde ; maintenant le Prince de ce monde va être jeté dehors ; et moi, une fois élevé de terre, j’attirerai tous les hommes No 151 - P. 17 à moi. ” Il signifiait par là de quelle mort il allait mourir. » ( Jn 12, 31-33 ) Élevé sur la croix, Jésus apparaîtra aux yeux de tous comme le Sauveur du monde, conformément à la double prophétie : « Pas un os ne lui sera brisé. » « Et une autre Écriture dit encore : “ Ils regarderont celui qu’ils ont transpercé. ” » ( Jn 19, 37 ) Saint Jean a été frappé de l’accomplissement de cette prophétie. Il a contemplé Jésus le flanc ouvert, et le flot de sang et d’eau qui en a jailli lui a paru un signe annonciateur de la miséricorde répandue sur le monde en toute justice. Deux mille ans après, nous voyons ce “ signe ” nous aussi sur le Saint Suaire : les jambes sont intactes. Sur la poitrine, on distingue l’empreinte de la plaie ouverte par le fer de lance, de forme ovale, un peu oblique. Une massive coulée de sang a dessiné une tache découpée par des échancrures arrondies et par des espaces clairs qui sont des marques de l’ « eau » jaillie du péricarde. LA GLOIRE DU FILS . « Ainsi parla Jésus, et levant les yeux au ciel, il dit : “ Père, l’heure est venue : glorifie ton Fils, afin que ton Fils te glorifie. ” » ( Jn 17, 1 ) Jésus demande au Père de faire éclater sa gloire aux yeux des hommes qui, jusque-là, n’ont vu en lui qu’un homme de leur condition.. La gloire de Dieu est tout entière présente en Jésus, Fils de Dieu, il est « le resplendissement de sa gloire, l’effigie de sa substance » ( He 1, 3 ). La gloire de Dieu est « sur sa Face ». Il est « le Seigneur de la gloire » ( 1 Co 2, 8 ). Cette gloire divine a rayonné sur le visage du Christ, non pas tellement lors de la Transfiguration, dont saint Jean fut témoin et qu’il ne raconte pas, mais davantage au moment même de sa suprême humiliation, qui est son « Heure » et le grand « signe » qu’il donne au monde. C’est alors que « nous avons vu sa gloire » ( Jn 1, 14 ). Elle a d’abord ruisselé sur sa Face lorsqu’il fut « élevé » sur la Croix plantée sur le mont Calvaire comme sur un nouveau Sinaï. Et aujourd’hui, elle resplendit dans l’Église. Car, d’’avoir vu la gloire de ce visage, comme saint Paul sur le chemin de Damas, comme nous aujourd’hui sur ce Saint Suaire, le chrétien, par l’Esprit-Saint qui habite en lui, demeure en permanence illuminé et transformé, non pas, comme le visage de Moïse, d’une manifestation passagère, comme l’explique saint Paul aux Corinthiens : « Or, si le ministère de la mort, gravé en lettres sur des pierres [ les tables de la Loi gravées sur les tables de pierre que portait Moïse en redescendant du Sinaï où il les avait reçues de Dieu ], a été entouré d’une telle gloire que les fils d’Israël ne pouvaient fixer les yeux Mai 2015 sur le visage de Moïse à cause de la gloire de son visage, pourtant passagère, comment le ministère de l’Esprit n’en aurait-il pas davantage ? » ( 2 Co 3, 7-8 ) Sur le mont Thabor, la gloire de la Transfiguration a anticipé celle de la Résurrection, pour montrer aux Apôtres, à Pierre, Jacques et Jean, qu’en Jésus Dieu lui-même s’est donné un visage, que saint Jean reverra à Patmos, après l’Ascension du Seigneur : « Son visage est comme le soleil qui brille dans tout son éclat. » ( Ap 1, 16 ) Ainsi, « nul n’a jamais vu Dieu ; [ mais ] le Fils unique, qui est tourné vers le sein du Père, lui, l’a fait connaître. » (Jn 1, 18) Cependant, « nous voyons, à présent, dans un miroir, en énigme, mais alors ce sera face à Face. À présent, je connais d’une manière partielle ; mais alors je connaîtrai comme je suis connu. » ( 1 Co 13, 12 ) ENFANTS DE MARIE . Comment suis-je connu ? Comme enfant de Dieu. Par le Père créateur, qui me tire de mon néant, lorsqu’il me pose dans l’être à son image et ressemblance. Par le Fils mon rédempteur, qui me tire de mon péché pour restaurer en moi cette ressemblance en me pardonnant et purifiant. Dès lors, cette gloire est celle d’un rayonnement de vie et de salut : « Et nous tous qui, le visage découvert, réfléchissons comme en un miroir la gloire du Seigneur, nous sommes transformés en cette même image, allant de gloire en gloire, comme de par le Seigneur, qui est Esprit. » ( 2 Co 3, 18 ) C’est la raison pour laquelle notre Saint-Père le pape François fait la guerre aux visages « acides », de « piment au vinaigre » ! Car cette « gloire de Dieu sur le visage du Christ » fait rayonner « sur toute conscience humaine » le service de l’Évangile annoncé par les Apôtres redescendant non pas du mont Thabor mais du mont Calvaire : « Mais nous avons répudié les dissimulations de la honte [ honte de ce Jésus nu comme un ver sur sa Croix ! de cette Sainte Face défigurée sur son Suaire ], ne nous conduisant pas avec astuce et ne falsifiant pas la parole de Dieu [ pour le rendre acceptable au monde ! comme a fait le concile Vatican II ! en déclarant ce Suaire, « icône », « peinture », un « faux du Moyen Âge » ]. Au contraire, par la manifestation de la vérité [ de son authenticité ], nous nous recommandons à toute conscience humaine devant Dieu. Que si notre Évangile demeure voilé [ aux juifs qui poursuivaient jadis l’Apôtre de leur haine ! et hier qui ont incendié le Duomo pour le faire disparaître ], c’est pour ceux qui se perdent qu’il est voilé, pour les incrédules, dont le dieu de ce monde a aveuglé l’entendement afin qu’ils ne voient pas briller l’Évangile No 151 - P. 18 de la gloire du Christ, qui est l’image de Dieu [ sur ce Saint Suaire ]. Car ce n’est pas nous que nous prêchons, mais le Christ Jésus, Seigneur ; nous ne sommes, nous, que vos serviteurs, à cause de Jésus. En effet le Dieu qui a dit : “ Que des ténèbres resplendisse la lumière ”, est Celui qui a resplendi dans nos cœurs, pour faire briller la connaissance de la gloire de Dieu, qui est sur la face du Christ. » ( 2 Co 4, 2-6 ) Ainsi transfigurés dans l’Esprit par la gloire du Seigneur, les chrétiens ont la certitude de découvrir un jour « face à Face » celui qu’ils ne connaissent encore que « dans un miroir », de connaître comme ils sont connus. Alors sera comblé le désir qui attirait Israël au Temple : « De malédiction, il n’y en aura plus ; le trône de Dieu et de l’Agneau sera dressé dans la ville, et les serviteurs de Dieu l’adoreront ; ils verront sa Face, et son nom sera sur leurs fronts. » ( Ap 22, 3-4 ) Mais ce sera « toujours sous le regard miséricordieux du Père » ( n o 7 ), et du Cœur Immaculé de Marie, Reine de la Miséricorde : « Que notre pensée se tourne vers la Mère de la Miséricorde. Que la douceur de son regard nous accompagne en cette Année sainte, afin que tous puissent redécouvrir la joie de la tendresse de Dieu. Personne n’a connu comme Marie la profondeur du mystère de Dieu fait homme. Sa vie entière fut modelée par la présence de la miséricorde faite chair. La Mère du Crucifié Ressuscité est entrée dans le sanctuaire de la miséricorde divine en participant intimement au mystère de son amour. « Choisie pour être la Mère du Fils de Dieu, Marie fut préparée depuis toujours par l’amour du Père pour être l’Arche de l’Alliance entre Dieu et les hommes. Elle a gardé dans son cœur la divine miséricorde en parfaite syntonie avec son Fils Jésus. Son chant de louange, au seuil de la maison Élisabeth, fut consacré à la miséricorde qui s’étend “ d’âge en âge ” ( Lc 1, 50 ). Nous étions nous aussi présents dans ces paroles prophétiques de la Vierge Marie, et ce sera pour nous un réconfort et un soutien lorsque nous franchirons la Porte sainte pour goûter les fruits de la miséricorde divine. « Près de la Croix, Marie avec Jean, le disciple de l’amour, est témoin des paroles de pardon qui jaillissent des lèvres de Jésus. Le pardon suprême offert à qui l’a crucifié nous montre jusqu’où peut aller la miséricorde de Dieu. Marie atteste que la miséricorde du Fils de Dieu n’a pas de limite et rejoint tout un chacun sans exclure personne. Adressons lui l’antique et toujours nouvelle prière du Salve Regina , puisqu’elle ne se lasse jamais de poser sur nous un regard miséricordieux, et nous rend dignes de contempler le visage de la miséricorde, son Fils Jésus. » ( n o 24) frère Bruno de Jésus - Marie. Mai 2015 No 151 - P. 19 LES PSAUMES, PRIÈRE INSPIRÉE PSAUME 119 L A PA ROL E DE DI EU DE “ A ” J US QU ’À “ Z ” (2) N OUS sommes dans l’exacte situation des Anawîm, ces « pauvres de Yahweh » qui n’attendaient plus rien de personne en ce monde, mais que du Ciel « pleuve le juste » : « R orate, cæli desuper, et nubes pluant justum ! » « Versez du Ciel, ô doux Seigneur, Votre rosée en notre cœur Faites fleurir grâce et faveur. » Les psaumes ne sont qu’un développement de cette longue supplication qu’il nous appartient de réciter et chanter inlassablement afin d’obtenir la grâce de rester fidèles aux demandes, lois, décrets, justifications, promesses et « petites demandes » de Notre-Dame de Fatima. Le Verbe s’est fait chair dans le sein béni de cette Vierge Immaculée. Qu’est-ce que le “ Verbe ” ? C’est la Parole de Dieu, Verbum Domini ! Depuis le premier jour de la Création où Dieu « parle » et les choses sont, jusqu’à l’avènement de cette Parole en chair et en os, en la Personne de Notre-Seigneur JésusChrist, né de la Vierge Marie, Dieu a « parlé » aux patriarches, à Moïse et aux prophètes. Mais lorsque cette « Parole » se fait chair et naît de la Vierge Marie ce petit Enfant dans sa crèche ne parle plus. Verbum silens. Et cependant, il nous parle par l’Écriture sainte qui a préparé sa naissance. À nous d’adorer cet Enfant Dieu en lisant ces textes sacrés qui nous font entrer dans son Divin Cœur et nous révèlent sa profondeur, sa largeur et sa longueur, sa hauteur insondables, inscrutables : description de la nature dont il est le Créateur, récits des gestes de Dieu, les niphlâ ’ôt, miracles de Dieu dont il est lui-même, avec sa Mère, le plus merveilleux, prescriptions légales et liturgiques préfigurant son sacrifice rédempteur, oracles prophétiques qui annoncent le dernier jugement, et le bonheur promis aux justes... Rien de tel à cet égard, que de réciter et chanter inlassablement le psaume 119 ( 118 du bréviaire) dont nous avons entrepris la traduction et le commentaire des versets 1 à 96 ( Il est ressuscité n o 149, mars 2015, p. 11-20 ). 13. LE M AÎTR E DIVIN SEXTE (suite) 97. « Q ue j’aime votre Loi ! Tout le jour, je la médite. 98. « P lus que mes ennemis, votre commandement me rend sage, car il est à moi à jamais. 99. « J ’ai plus d’intelligence que tous mes maîtres, car vos témoignages sont l’objet de ma méditation. 100. « J e comprends mieux que les anciens parce que j’observe vos ordonnances. 101. « D e toute voie mauvaise j’ai retenu mes pieds, afin de garder votre parole. 102. « D e vos jugements je ne me suis pas détourné, car c’est vous qui m’avez enseigné. 103. « Q u’elles sont douces à mon palais, vos promesses, plus que le miel à ma bouche ! 104. « Vos ordonnances m’ont donné l’intelligence, c’est pourquoi je hais tout sentier de mensonge. » 97. « Q ue j’aime votre Loi ! Tout le jour, je la médite. » Et même la nuit ( Ps 1, 2 ). « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu » en constitue le premier article ( Dt 6, 4 ; Mt 7, 12 ; Mc 12, 28-34 ). Par la méditation continuelle de la Révélation qu’elle contient, le fidèle yahwiste ne fait qu’un avec le Seigneur parce qu’il épouse sa volonté. 98. « P lus que mes ennemis, votre commandement me rend sage, car il est à moi à jamais. » La sagesse ne demeure donc pas seulement « dans les Cieux » (vt 89) ; elle descend aussi sur la terre, dans mon cœur par la médiation de ce « commandement » d’amour que je fais mien : 99. « J ’ai plus d’intelligence ( hiskaltî ) que tous mes maîtres, car vos témoignages sont l’objet de ma méditation. » Parce que c’est Dieu même qui m’enseigne, selon Mai 2015 sa promesse : « Je mettrai ma Loi au fond de leur être et je l’écrirai sur leur cœur. » ( Jr 31, 33 ) Ici, le psalmiste se déclare éclairé de l’intelligence même promise au Serviteur de Yahweh dans le quatrième poème de l’Inconnu de l’Exil : « Voici que mon Serviteur sera intelligent, yaskîl » ( Is 52, 13 ), comme promis au Messie par Jérémie : « Voici venir des jours – oracle de Yahweh – où je susciterai à David un germe juste, qui régnera en vrai roi et sera intelligent, hiskîl », ( Jr 23, 5 ). L’ “ intelligence ” du Serviteur fera contraste avec la surdité et l’aveuglement du peuple d’Israël ( Is 42, 19 ) qui ne comprend rien ( Is 44, 18 ). Le troisième poème nous a déjà montré ce Serviteur ouvrant ses oreilles à la parole de Dieu ( Is 50, 4 ). C’est pourquoi il sera « prodigieusement exalté » ( Is 52, 13 ), à l’égal de Yahweh qui est exalté par son jugement ( Is 5, 16 ), très haut au-dessus de la terre ( Is 55, 9 ). 100. « J e comprends mieux que les anciens parce que j’observe vos ordonnances. » Les « anciens » ne les ont-ils pas observées ? Eh bien, non ! « Cette alliance, mon alliance, c’est eux qui l’ont rompue ! » ( Jr 31, 32 ) Tandis que sur le Serviteur que Yahweh soutient, son élu que préfère son âme, Il a mis son esprit pour « faire sortir le droit » ( Is 42, 1-3 ). 101. « D e toute voie mauvaise j’ai retenu mes pieds, afin de garder votre Parole. » Cette « Parole » qui se tient dans les Cieux (vt 89 ) n’est autre que la règle de vie que Dieu même a donnée à Moïse sur le Sinaï, résumée en dix « Paroles », le Décalogue ( Ex 20, 1-17 ; Dt 5, 6-22 ). 102. « D e vos jugements je ne me suis pas détourné, car c’est vous qui m’avez enseigné. » Selon la promesse faite par Yahweh à Jérémie : « Je mettrai ma Loi au fond de leur être et je l’écrirai sur leur cœur. Alors je serai leur Dieu et eux seront mon peuple. Ils n’auront plus à instruire chacun son prochain, chacun son frère, en disant : “ Ayez la connaissance de Yahweh ! ” Car tous me connaîtront, des plus petits jusqu’aux plus grands – oracle de Yahweh – parce que je vais pardonner leur crime et ne plus me souvenir de leur péché. » ( Jr 31, 33-34 ) 103. « Q u’elles sont douces à mon palais, vos promesses, plus que le miel à ma bouche ! » C’est par la lecture de l’Écriture sainte que Dieu donne à chaque fidèle à goûter sa révélation, par laquelle il a fait connaître à Moïse et renouvelé dans les oracles prophétiques les promesses inscrites dans la Loi ( Ex 20, 5-6 ; Dt 5, 10 ; Lv 26, 3-13 ). No 151 - P. 20 104. « Vos ordonnances m’ont donné l’intelligence, c’est pourquoi je hais tout sentier de mensonge. » Il ne reste qu’à s’abandonner en toute sécurité aux directives de la Loi. Elle est vérité ( ’èmèt ). 14. UNE LUMIÈR E QUI DONNE LA VIE 105. « U ne lampe pour mon pied, votre parole, une lumière pour ma route. 106. « J ’ai juré, et je ne m’en dédis pas, d’observer les jugements de votre justice. 107. « J ’ai été humilié à l’excès, Yahweh, vivifiez-moi selon votre Parole. 108. « A gréez donc les offrandes volontaires de ma bouche, Yahweh, et enseignez-moi vos jugements. 109. « M on âme est sans cesse entre mes mains, et je n’oublie pas votre Loi. 110 . « L es impies m’ont tendu un piège, mais je ne me suis point écarté de vos ordonnances. 111 . « J ’ai hérité de vos témoignages à jamais, car ils sont la joie de mon cœur. 112 . « J ’incline mon cœur à pratiquer vos prescriptions à jamais et jusqu’au bout. » 105. « U ne lampe pour mon pied, votre parole, une lumière pour ma route. » La « parole » exprime les volontés du Dieu créateur, providence et législateur. La « lumière » de la « lampe » symbolise la vie et la succession dynastique promise à David « pour que mon serviteur David ait toujours une lampe devant moi à Jérusalem, la ville que j’ai choisie pour y faire résider mon Nom », dit Yahweh ( 1 R 11, 36 ; 15, 4 ; 2 R 8, 19 ). Cette promesse illumine les ténèbres présentes d’une lumière qui est Dieu, reflet de sa gloire. 106. « J ’ai juré, et je ne m’en dédis pas, d’observer les jugements de votre justice. » On dirait une réponse du Messie, fils de David, au serment de Yahweh : « Yahweh l’a juré à David, vérité dont jamais il ne s’écartera : c’est du fruit de tes entrailles que je placerai sur ton trône. » ( Ps 132, 11 ) « Yahweh l’a juré il ne s’en dédiera pas. Tu es prêtre à jamais selon l’ordre de Melchisédeq. » ( Ps 110, 4 ) Mai 2015 No 151 - P. 21 107. « J ’ai été humilié à l’excès, Yahweh, vivifiez-moi selon votre Parole. Comme le révélera saint Jean dans son Prologue, la Parole de Dieu n’est pas seulement « lumière » : elle est « la vie », et c’est cette « vie qui est lumière des hommes » ( Jn 1, 4 ). « Je suis la lumière de la vie », dira Jésus, le Verbe fait chair ( Jn 8, 12 ), en réponse à cette “ humiliation excessive ” d’une dynastie qui était, pour ainsi dire, éteinte lors de son avènement. 108. « A gréez donc les offrandes volontaires de ma bouche, Yahweh, et enseignez-moi vos jugements. » Les « offrandes » s’identifient ici aux prières de louanges et d’actions de grâces. Dieu les agrée, « selon l’ordre de Melchisédeq », comme il agréait les sacrifices selon l’ordre d’Aaron. Le psalmiste parle comme s’il n’y avait plus de liturgie au Temple. 109. « M on âme est sans cesse entre mes mains, et je n’oublie pas votre Loi. » L’image signifie que l’on est prêt à la laisser couler comme de l’eau, mais la version grecque est plus conforme à la pensée biblique, selon laquelle Dieu tient en son pouvoir l’âme de tout vivant : « Mon âme est dans vos mains. » « Pater, in manus tuas, commendo spiritum meum », dira Jésus sur la Croix ( Lc 23, 45 ). 110 . « L es impies m’ont tendu un piège, mais je ne me suis point écarté de vos ordonnances. 111. « J ’ai hérité de vos témoignages à jamais, car ils sont la joie de mon cœur. » « Quand tes paroles se présentaient, je les dévorais : ta parole était mon ravissement et l’allégresse de mon cœur », disait Jérémie au milieu de ses épreuves ( Jr 15, 16 ). 112 . « J ’incline mon cœur à pratiquer vos prescriptions à jamais et jusqu’au bout. » À la « fidélité » de Yahweh répond celle du yahwiste. 15. DIEU SEUL ! 113. « J e hais les “ jarrets ”, et c’est votre Loi que j’aime. 114. « M on abri et mon bouclier, c’est vous. Je m’en attends de votre Parole. 115. « É loignez-vous de moi, méchants, et j’observerai les commandements de mon Dieu. 116. « S outenez-moi selon votre promesse et je vivrai, et que mon espérance ne soit pas confondue. 117. « S oyez mon appui et je serai sauvé, et je contemplerai vos prescriptions sans relâche. 118. « Vous rejetez ceux qui s’écartent de vos prescriptions, et mensonge est leur offrande. 119. « Vous faites disparaître les scories, tous les méchants de la Terre. C’est pourquoi j’aime vos témoignages. 120. « M a chair frissonne de votre terreur, et je redoute vos jugements. » 113. « J e hais les “ jarrets ”, et c’est votre Loi que j’aime. » « Les “ jarrets ” » vont par deux : un pour plier le genou devant Baal, l’autre devant Yahweh, comme au temps d’Élie demandant aux 450 prophètes de Baal réunis sur le mont Carmel : « Jusqu’à quand clocherez-vous des deux jarrets ? Si Yahweh est Dieu, suivez-le ; si c’est Baal, suivez-le ! » (1 R 18, 21) Le mot est le même, incompris des exégètes parce que ce sont les seuls exemples dans toute la Bible ! « Votre Loi », dont le premier article est : « Il n’y aura pas pour toi d’autres dieux devant ma Face. » ( Ex 20, 3 ) 114. « M on abri et mon bouclier, c’est vous. Je m’en attends de votre Parole. » « Mon bouclier » : depuis Abraham qui en reçut la promesse : « Ne crains pas, Abraham ! Je suis ton bouclier, ta récompense sera grande » ( Gn 15, 1), jusqu’à Moïse qui prononça cette bénédiction : « Heureux es-tu, ô Israël ! Qui est comme toi, peuple vainqueur ? En Yahweh est le bouclier qui te secourt. » ( Dt 33, 29 ) 115. « É loignez-vous de moi, méchants, et j’observerai les commandements de mon Dieu. » Moïse l’a promis à Israël : « Tes ennemis voudront te corrompre, mais toi, tu fouleras leur dos. » ( Dt 33, 29 ) 116. « S outenez-moi selon votre promesse et je vivrai, et que mon espérance ne soit pas confondue. 117. « S oyez mon appui et je serai sauvé, et je contemplerai vos prescriptions sans relâche. 118. « Vous rejetez ceux qui s’écartent de vos prescriptions, et mensonge est leur offrande. » «Vous rejetez » : seul emploi. Quand ils s’opposent à Dieu, les plans de l’homme vont au néant, tô ’ béd. « Leur offrande » : en lisant terûmiyyah ( Ez 48, 12 ). 119. « Vous faites disparaître les scories, tous les méchants de la Terre. C’est pourquoi j’aime vos témoignages. » Mai 2015 No 151 - P. 22 Les impies sont comparés à des scories : « Ils sont tous rebelles, semeurs de calomnies, ils sont tous corrompus. Le soufflet est haletant pour que le plomb soit dévoré par le feu. » On jette le métal d’argent à épurer dans du plomb fondu, pour que l’argent se sépare des scories qui se rassemblent, avec le plomb oxydé, au fond du creuset. Mais « vainement le fondeur s’emploie à fondre, les scories ne se détachent point. “ Argent de rebut ”, voilà comme on les nomme ! Oui, Yahweh les a mis au rebut ! » ( Jr 6, 28-30 ; cf. Ez 22, 18. 20 ; Ml 3, 2-3 ) 120 . « M a chair frissonne de votre terreur, et je redoute vos jugements. » Après le feu qu’est le jugement de Dieu, serai-je moi aussi “ Argent de rebut ” ? Il y a là un extraordinaire pressentiment de l’enfer. 16. L’ ŒUVRE DE DIEU 121. « J ’ai mis en œuvre droit et justice, ne me livrez pas à mes oppresseurs ! 122. « P ortez-vous garant de votre serviteur pour le bien. Que ne m’oppriment pas les orgueilleux. 123. « M es yeux languissent après votre salut, et la promesse de votre justice. 124. « Œ uvrez avec votre serviteur selon votre grâce, et enseignez-moi vos prescriptions. 125. « J e suis votre serviteur. Donnez-moi l’intelligence et je connaîtrai vos témoignages. 126. « I l est temps d’œuvrer pour Yahweh : ils ont violé votre Loi ! 127. « C ’est pourquoi j’aime vos commandements plus que l’or et l’or fin. 128. « A ussi je considère comme droites toutes vos ordonnances sans exception. Et je hais tout sentier de mensonge. » 121. « J ’ai mis en œuvre droit et justice, ne me livrez pas à mes oppresseurs ! 122. « P ortez-vous garant de votre serviteur pour le bien. Que ne m’oppriment pas les orgueilleux » Yahweh doit engager sa responsabilité sur l’ « œuvre » de son serviteur, comme pour une dette, due par ce « serviteur » de Yahweh. Un rachat ? Mystère de rédemption insinué par l’absence, en ce seul verset, d’un terme désignant la Loi. « Le bien » s’oppose au « mal » ( vt. 133 ). 123. « M es yeux languissent après votre salut, et la promesse de votre justice. 124. « Œ uvrez avec votre serviteur selon votre grâce, et enseignez-moi vos prescriptions. » L’œuvre divine précède celle de l’homme par « des actions et des hauts faits » que nul ne peut accomplir ( Dt 3, 24 ), mais ici, le « serviteur » demande la grâce de les accomplir, pour ainsi dire, à égalité de puissance avec Yahweh. 125. « J e suis votre serviteur. Donnez-moi l’intelligence et je connaîtrai vos témoignages. 126. « I l est temps d’œuvrer pour Yahweh : ils ont violé votre Loi ! » Il y a donc une lutte tragique entre ceux qui écoutent cette « Parole », source de lumière et de vie, et ceux qui la méprisent et s’efforcent de contrer par le mensonge l’ « œuvre » de vie et de lumière de Yahweh. « Que devons-nous faire pour travailler aux œuvres de Dieu ? » demanderont les juifs à Jésus, à Capharnaüm ( Jn 6, 28 ). Le passage au style indirect, comme en aparté, souligne l’acte d’amour qui suit, protestation d’attachement à la volonté de Dieu exprimée par les commandements de la Loi : 127. « C ’est pourquoi j’aime vos commandements plus que l’or et l’or fin. 128. « A ussi je considère comme droites toutes vos ordonnances sans exception. Et je hais tout sentier de mensonge. » La réponse de Jésus nous revient au cœur, en tout cas, le dimanche à midi, lorsque nous achevons l’office de sexte par ces deux versets : « L’œuvre de Dieu, c’est que vous croyiez en Celui qu’il a envoyé. » 17. LA FACE DE DIEU NON E 129. « M iraculeux sont vos témoignages. Aussi je les conserve dans mon âme. 130. « L a révélation de votre Parole illumine, donnant de l’intelligence aux simples. 131. « J ’ai ouvert la bouche et j’aspire, car je suis avide de vos commandements. 132. « Tournez vers moi votre Face, et faites-moi grâce comme il se doit pour ceux qui aiment votre Nom. Mai 2015 No 151 - P. 23 133. « A ffermissez mes pas selon votre promesse, et que nul malheur ne domine sur moi. 133. « A ffermissez mes pas selon votre promesse, et que nul malheur ne domine sur moi. 134. « A ffranchissez-moi de l’oppression des hommes, et je garderai vos ordonnances. 134. « A ffranchissez-moi de l’oppression des hommes, et je garderai vos ordonnances. » 135. « Q ue votre Face illumine votre serviteur, et m’apprenne vos prescriptions. 136. « M es yeux ruissellent de larmes, parce qu’ils n’observent pas votre Loi. » 129. « M iraculeux sont vos témoignages. Aussi je les conserve dans mon âme. » Les miracles de Dieu sont l’objet de la méditation du psalmiste, en attendant de l’être du Cœur Immaculé de Marie dont il nous sera dit qu’elle « conservait avec soin tous ces souvenirs en son cœur » ( Lc 2, 19 et 51 ). 130. « L a révélation de votre Parole illumine, donnant de l’intelligence aux simples. » À la révélation infaillible de la vérité répond la sagesse qu’elle communique au « simple », c’est-àdire à qui « cherche Dieu en simplicité de cœur » ( Sg 1, 1), loin de toute duplicité pliant les deux « jarrets » devant lui (vt 113 ). 131. « J ’ai ouvert la bouche et j’aspire, car je suis avide de vos commandements. » Le psalmiste ouvre non seulement l’oreille pour entendre, mais encore la bouche pour se nourrir de la volonté de Dieu comme d’un « miel » savoureux (vt 103 ), et composer et chanter son poème, que nous ne cessons de redire à notre tour. 132. « Tournez vers moi votre Face, et faites-moi grâce comme il se doit pour ceux qui aiment votre Nom. » C’est une faveur insigne de pouvoir regarder le visage du Roi ( Est 1, 14 ), une grâce anxieusement épiée de le voir s’éclairer d’un sourire, car « dans la lumière du visage royal est la vie » ( Pr 16, 15 ). Au milieu d’Israël habite le visage divin, invisible, mais parce qu’il est celui du Dieu saint et juste, il est mortellement redoutable à l’homme pécheur ( Ex 33, 20 ; Jg 13, 22 ). Aussi, demeurer en sa présence est une « grâce » absolument imméritée. Et cependant, le psalmiste demande à Yahweh cette « grâce » comme “ due ” à l’antique bénédiction prononcée sur les enfants d’Israël par le ministère d’Aaron depuis les temps antiques : « Que Yahweh fasse pour toi rayonner son visage et te fasse grâce ! » ( Nb 6, 25 ) Le « malheur » est le châtiment que Dieu fait venir en sa sagesse sur ceux qui « descendent en Égypte y chercher protection, et qui mettent leur espoir en une charrerie nombreuse et dans une cavalerie, mais qui n’ont aucun espoir dans le Saint d’Israël et ne consultent pas Yahweh » ( Is 31, 1 ). Ce « malheur » est médicinal, tandis que « l’oppression » des impies mène à l’apostasie. 135. « Q ue votre Face illumine votre serviteur, et m’apprenne vos prescriptions. » Telle fut la prière de Moïse : « Fais-moi, de grâce, voir ta gloire. » ( Ex 33, 18 ) Et lorsqu’il redescendit de la montagne du Sinaï, avec les « prescriptions » gravées sur les deux « tables du Témoignage, il ne savait pas que la peau de son visage rayonnait, à la suite de son entretien avec Yahweh » ( Ex 33, 29). Voilà ce que demande pour lui-même le psalmiste. Est-il plus grand que Moïse ? 136. « M es yeux ruissellent de larmes, parce qu’ils n’observent pas votre Loi. » Moïse, lui, s’enflamma de colère, lorsqu’il aperçut le veau d’or qu’ils avaient fabriqué ( Ex 32, 19). Mais Jésus, lui, a pleuré sur Jérusalem ; et il pleure aujourd’hui sur la France : « Combien de fois ai-je voulu rassembler tes enfants à la manière dont une poule rassemble ses poussins... et vous n’avez pas voulu ! » ( Mt 23, 37 ) Consolons notre Dieu par notre prière ! 18. LA J USTICE DE DIEU 137. « Vous êtes juste, Yahweh, et droit en vos jugements. 138. « Vous avez établi en justice votre témoignage et fidélité jusqu’au bout. 139. « M on zèle me consume, car mes adversaires oublient votre Parole. 140. « U n feu dévorant, votre promesse, et votre serviteur la chérit. 141. « J eune, moi, et méprisé, je n’oublie pas vos ordonnances. 142. « Votre justice est justice à jamais, et votre loi vérité. 143. « D étresse et angoisse m’environnent, vos commandements font mes délices. 144. « J uste est votre témoignage à jamais. Donnez-moi l’intelligence et je vivrai. » Mai 2015 No 151 - P. 24 137. « Vous êtes juste, Yahweh, et droit en vos jugements. » En châtiant Israël, Dieu a révélé son incorruptible justice : « À toi, Seigneur, la justice, à nous la honte au visage [...]. Yahweh, à nous la honte au visage, à nos rois, à nos princes, à nos pères, parce que nous avons péché contre toi », confessait le prophète Daniel au temps d’Antiochus Épiphane ( Dn 9, 7-8 ). Le châtiment est venu, en toute justice, mais hélas ! « nous n’avons pas rasséréné la Face de Yahweh, notre Dieu, en apprenant à connaître ta vérité. » ( Dn 9, 13 ) 138. « Vous avez établi en justice votre témoignage et fidélité jusqu’au bout. » Le Dieu juste est un Dieu clément. Moïse intercéda : « Il invoqua le nom de Yahweh. Yahweh passa devant lui et cria : “ Yahweh, Yahweh, Dieu de tendresse et de pitié, lent à la colère, riche en grâce et en fidélité. ” » ( Ex 34, 5-7 ) « Jusqu’au bout » : c’est Jésus qui exauça cette prière lorsque, « ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, il les aima jusqu’à la fin » ( Jn 13, 1 ), jusqu’à donner sa vie pour eux. 139. « M on zèle me consume, car mes adversaires oublient votre Parole. » Le psalmiste est comme un nouveau Moïse, enflammé de colère à la vue du Veau d’or, comme un nouvel Élie, « rempli d’un zèle jaloux pour Yahweh Sabaot, parce que les enfants d’Israël t’ont abandonné, qu’ils ont abattu tes autels et tué tes prophètes par l’épée. Je suis resté moi seul et ils cherchent à m’enlever la vie. » (1 R 19, 10) 140. « U n feu dévorant, votre promesse, et votre serviteur la chérit. » Le psalmiste est encore comme Jérémie que cette Parole consumait intérieurement quand il tentait de l’oublier ( Jr 20, 9 ). 141. « J eune, moi, et méprisé, je n’oublie pas vos ordonnances. » Comme Joseph et David au milieu de leurs frères. 142. « Votre justice est justice à jamais, et votre loi vérité. » « Vérité », c’est-à-dire qu’elle est solide, sûre, digne de confiance. Dieu ne s’en dédira pas. 143. « D étresse et angoisse m’environnent, vos commandements font mes délices. » Au comble de la « détresse » et de « l’angoisse », le charme des « commandements » l’emporte encore. 144. « J uste est votre témoignage à jamais. Donnez-moi l’intelligence et je vivrai. » « L’intelligence » est une participation à la Sagesse divine procurée par la connaissance de Dieu. Ce verset exprime toute l’espérance d’Israël en un renouveau merveilleux, où « le pays sera rempli de la connaissance de Yahweh comme les eaux comblent la mer », à l’avènement du Messie ( Is 11, 9 ). C’est encore la grâce que nous demandons aujourd’hui pour nous et pour notre Saint-Père le pape, vicaire du Messie. 19. LE CRI DU CŒUR 145. « J e crie de tout mon cœur, répondez-moi, Yahweh ; j’observerai vos prescriptions. 146. « J e vous appelle, sauvez-moi ! et je garderai vos témoignages. 147. « J ’ai devancé l’aurore et j’appelle ; je m’en attends de votre Parole. 148. « M es yeux devancent les veilles pour méditer sur votre promesse. 149. « É coutez ma voix selon votre miséricorde, Yahweh, selon vos jugements faites-moi vivre. 150. « I ls approchent mes poursuivants perfides, de votre Loi, ils s’éloignent. 151. « Vous êtes proche, Vous, Yahweh, et tous vos commandements sont vérité. 152. « D ès longtemps, je sais de vos témoignages que vous les avez fondés pour toujours. » 145. « J e crie de tout mon cœur, répondez-moi, Yahweh ; j’observerai vos prescriptions. » Ce cri du psalmiste actualise celui que les enfants d’Abraham n’ont cessé de lancer vers Dieu depuis leur esclavage en Égypte, lorsque « les enfants d’Israël, gémissant de leur servitude, poussèrent des clameurs, et leur appel à l’aide monta vers Dieu, du fond de leur servitude. » ( Ex 2, 23 ) 146. « J e vous appelle, sauvez-moi ! et je garderai vos témoignages. » Mai 2015 « Sauvez-moi. » L’histoire d’Israël enchaîne les réponses apportées par Dieu à cet appel : « Les Israélites crièrent vers Yahweh et Yahweh suscita aux Israélites un sauveur qui les libéra. » ( Jg 3, 9 ) 147. « J ’ai devancé l’aurore et j’appelle ; je m’en attends de votre Parole. » Les psaumes et leurs cris de détresse quotidiens annoncent et préparent la « violente clameur » lancée avec « larmes, implorations et supplications » par le Christ « à celui qui pouvait le sauver de la mort » ( He 5, 7 ). 148. « M es yeux devancent les veilles pour méditer sur votre promesse. 149. « É coutez ma voix selon votre miséricorde, Yahweh, selon vos jugements faites-moi vivre. » Dans le malheur, ou le péché, paraît le visage de la miséricorde divine. La « miséricorde », en Dieu, signifie qu’il ne peut supporter la misère de son élu, comme si, en contractant alliance avec lui, il avait fait de lui un être « de sa race » ( Ac 17, 28 ), né de ses entrailles. Un instinct de tendresse l’unit à lui à jamais comme celui d’une mère la lie à son enfant. « Le mot qui m’est le plus cher, dans les psaumes, nous disait notre Père, répété sans cesse dans le bréviaire, c’est le mot de miséricorde. Ce qui caractérise le Cœur Immaculé de Marie et le Cœur de Jésus, qui ne font qu’un, c’est la miséricorde parce qu’on en a besoin. » ( dimanche de la Passion, 1 e r avril 2001 ) C’est aussi le « mot clef » du pape François qui ne cesse de nous inviter à vivre « une étreinte de miséricorde » avec Dieu : « Seul celui qui est caressé par la tendresse de la miséricorde connaît vraiment le Seigneur. Le lieu privilégié de la rencontre est la caresse de la miséricorde de Jésus-Christ à l’égard de mon péché. » ( 10 mars 2015 ) « La morale chrétienne n’est pas l’effort titanesque, volontariste de celui qui décide d’être cohérent et qui y parvient, une sorte de défi solitaire face au monde... La morale chrétienne est la réponse émue face à une miséricorde qui surprend, imprévisible, carrément “ injuste ” selon des critères humains, de Quelqu’un qui me connaît, qui connaît mes trahisons et qui m’aime quand même... » ( ibid.) C’est la grâce qu’imploreront et obtiendront tous ceux qui franchiront la Porte sainte de l’Année de la Miséricorde. 150. « I ls approchent mes poursuivants perfides, de votre Loi, ils s’éloignent. No 151 - P. 25 151. « Vous êtes proche, Vous, Yahweh, et tous vos commandements sont vérité. » Vous n’êtes pas seulement le “ Très-Haut ”. 152. « D ès longtemps, je sais de vos témoignages que vous les avez fondés pour toujours. » 20. LE REGARD DE DIEU 153. « Voyez ma misère et délivrez-moi, car je n’ai pas oublié votre Loi. 154. « D éfendez ma cause et rachetez-moi, selon votre promesse, faites-moi vivre. 155. « L oin des méchants, votre salut, car ils ne cherchent pas vos prescriptions. 156. « D e par votre tendresse sans mesure, Yahweh, faites-moi vivre selon vos jugements. 157. « P oursuivants et ennemis sans nombre ne m’ont pas fait dévier de vos témoignages. 158. « J ’ai vu les renégats et j’ai été dégoûté, ceux qui ne gardent pas votre promesse. 159. « Voyez combien j’aime vos ordonnances, Yahweh, faites-moi vivre selon votre miséricorde. 160. « L a vérité est le principe de votre Parole, et à jamais tout jugement de votre justice. » 153. « Voyez ma misère et délivrez-moi, car je n’ai pas oublié votre Loi. » À cette prière, le pape François donne toute son actualité en répétant : « Il n’y a aucun péché que Dieu ne puisse pardonner ! aucun ! Dieu pardonne tout et toujours. Ne nous lassons jamais de demander son pardon. » La miséricorde est au cœur du ministère du pape François qui l’a inscrite dans sa devise épiscopale : « Miserando atque Eligendo », par Miséricorde et par Élection, inspirée d’une homélie de saint Bède le Vénérable ( 673-735 ), docteur de l’Église, dans laquelle celui-ci commente l’appel de Matthieu par Jésus : « Jésus vit un publicain et, en le regardant avec un sentiment d’amour, il le choisit en disant : “ Suis-moi . ” Vidit ergo Jesus publicanum et quia miserando atque eligendo vidit, ait illi : “ Sequere me . ” » Jorge Bergoglio a entendu cet appel le 21 septembre 1953, en la fête de saint Matthieu, après s’être confessé. Pour l’anniversaire de son élection pontificale, le 13 mars 2015, il a indicté une “ Année sainte extraordinaire de la miséricorde ”, qui Mai 2015 s’ouvrira le 8 décembre 2015, en la fête de l’Immaculée Conception. 154. « D éfendez ma cause et rachetez-moi, selon votre promesse, faites-moi vivre. » L’inconnu de l’Exil l’a promis : « Dites à la fille de Sion : Voici que vient ton Sauveur. Le prix de sa victoire l’accompagne et ses trophées le précèdent. On les appellera “ peuple saint ”, “ rachetés de Yahweh ”. » ( Is 62, 12 ) No 151 - P. 26 21. LE FRUIT DE LA MISÉRICORDE 161. « L es princes me persécutent sans cause, mais c’est votre Parole que redoute mon cœur. 162. « J e me réjouis, moi, de votre promesse, comme celui qui a découvert un immense butin. 163. « L e mensonge, je le hais, je l’abomine, J’aime votre Loi. 155. « L oin des méchants, votre salut, car ils ne cherchent pas vos prescriptions. 164. « S ept fois le jour, je vous loue pour vos justes jugements. 156. « D e par votre tendresse sans mesure, Yahweh, faites-moi vivre selon vos jugements. 165. « A bondance de paix pour ceux qui aiment votre Loi, rien ne les fera trébucher. 157. « P oursuivants et ennemis sans nombre ne m’ont pas fait dévier de vos témoignages. 158. « J ’ai vu les renégats et j’ai été dégoûté, ceux qui ne gardent pas votre promesse. » En voyant ma misère ( vt 153 ), Dieu me fait miséricorde, tandis qu’il ne regarde même pas les renégats. Car, pour eux, point de miséricorde. Seulement le regard du fidèle « racheté » ( vt 154 ), et son « dégoût ». Ainsi, la sainteté de miséricorde ne contredit pas la sainteté de justice, mais elle en est la cause. Le pape François l’a merveilleusement expliqué dans son homélie de la célébration pénitentielle du 13 mars, à Saint-Pierre. Commentant le passage de l’Évangile selon saint Luc sur la pécheresse pardonnée ( Lc 7, 36-50 ), il nous a fait contempler « le regard même de Jésus sur nous, plein de compassion, comme l’a perçu la femme pécheresse dans la maison du pharisien. Dans ce passage, deux mots reviennent avec insistance : amour et jugement. « Il y a l’amour de la femme pécheresse qui s’humilie devant le Seigneur, mais auparavant encore, il y a l’amour miséricordieux de Jésus pour elle, qui la pousse à s’avancer. » Tandis que Simon, lui, le maître de maison, le pharisien, « en pensée, invoque seulement la justice et, ce faisant, il se trompe. Son jugement sur la femme l’éloigne de la vérité et il ne lui permet pas non plus de comprendre qui est son hôte. » 159. « Voyez combien j’aime vos ordonnances, Yahweh, faites-moi vivre selon votre miséricorde. » 160. « L a vérité est le principe de votre Parole, et à jamais tout jugement de votre justice. » « Vérité », ’èmèt . David dit à Yahweh : « Vos paroles sont vérité » ( 2 S 7, 28), pour signifier que les promesses reçues de lui assurent la perpétuité de sa maison ( vts 138, 142, 151 ). 166. « J e mets mon espérance en votre salut, Yahweh, et vos commandements, je les mets en pratique. 167. « M on âme garde vos témoignages, car je les aime beaucoup. 168. « J e garde vos ordonnances et vos témoignages. Ainsi, tous mes chemins sont devant vous. » 161. « L es princes me persécutent sans cause, mais c’est votre Parole que redoute mon cœur. » Non pas que le psalmiste entende cette Parole de ses oreilles, mais la crainte révérencielle naît de la foi que le fidèle yahwiste a dans les manifestations réelles, historiques, du Dieu vivant, depuis la théophanie du Sinaï ( Ex 20, 18-19 ) jusqu’à la vision nocturne de l’échelle de Jacob ( Gn 28, 17 ), en passant par la crainte de Moïse devant le Buisson ardent ( Ex 3, 6 ). 162. « J e me réjouis, moi, de votre promesse, comme celui qui a découvert un immense butin. » La « Parole » est d’abord le commandement divin, et ensuite la promesse faite à ceux qui le mettent en pratique. D’où la crainte... Mais cette crainte n’empêche pas la joie de l’Alliance, au contraire : elle l’alimente ; le psalmiste imite Jérémie : « Quand tes paroles se présentaient, je les dévorais ; ta parole était mon ravissement et l’allégresse de mon cœur. Car c’est ton Nom que je portais, Yahweh, Dieu Sabaot. » ( Jr 15, 16 ) 163. « L e mensonge, je le hais, je l’abomine, J’aime votre Loi. » Mai 2015 « Le mensonge », opposé à la « Loi » par les « princes » qui le « persécutent », est l’idolâtrie contraire au premier article de cette Loi : « Tu aimeras Yahweh, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton pouvoir. » ( Dt 6, 5 ) 164. « S ept fois le jour, je vous loue pour vos justes jugements. » « Sept » est le chiffre parfait, pour signifier une louange incessante. La prière quotidienne avait lieu « trois fois par jour » ( Dn 6, 11 ), « le soir, le matin, à midi » ( Ps 55, 18 ), le jour légal commençant le soir. Ce verset 164 est devenu, à partir de la Règle de saint Benoît , le fondement biblique des sept heures canoniales de l’office liturgique quotidien : laudes, prime, tierce, sexte, none, vêpres et complies. Matines, à la minuit, s’appuient sur le verset 62 : « Au milieu de la nuit, je me lève pour vous rendre grâces. » Les « justes jugements » sont ceux du gouvernement quotidien de l’univers depuis sa création. 165. « A bondance de paix pour ceux qui aiment votre Loi, rien ne les fera trébucher. » « Paix », šalôm : le mot dérive d’une racine qui désigne le fait d’être complet, intact, et le bienêtre de l’existence quotidienne qui en découle. Concrètement, elle est bénédiction, repos, gloire, richesse, salut, vie. Plénitude de bonheur, fruit de l’union à la volonté de Dieu par l’amour de sa Loi. 166. « J e mets mon espérance en votre salut, Yahweh, et vos commandements, je les mets en pratique. » « Votre salut », yešû ‘atèkha, autrement dit : « votre Jésus » ( cf. vt. 41 ). Ce verset est déjà un appel à son avènement qui l’a fait « concevoir », pour ainsi dire, dans son esprit, par la Vierge Marie lorsqu’elle récitait ce psaume, avant de concevoir ce « salut », ce « Jésus » en son sein par l’opération du Saint-Esprit. 167. « M on âme garde vos témoignages, car je les aime beaucoup. 168. « J e garde vos ordonnances et vos témoignages. Ainsi, tous mes chemins sont devant vous. » Tout le mouvement du psautier dont ce psaume 119 est l’anthologie, consiste à marcher vers Dieu, selon la vocation d’Abraham : « Marche en ma présence et sois parfait » ( Gn 17, 1 ), sur un chemin que Dieu lui-même a balisé de ses « ordonnances » et « témoignages », et qui conduit le fidèle en Sa Présence. No 151 - P. 27 22. LE V ISAGE DE LA MISÉR ICOR DE 169. « Q ue mon cri approche de votre Face, Yahweh, donnez-moi l’intelligence de votre Parole. 170. « Q ue ma supplication parvienne jusqu’à votre Face. Selon votre promesse, délivrez-moi. 171. « Q ue mes lèvres publient la louange de vos prescriptions dont vous m’instruisez. 172. « Q ue ma langue chante votre promesse, car tous vos commandements sont justice. 173. « Q ue votre main me soit en aide, car j’ai choisi vos ordonnances. 174. « J e soupire après votre salut, Yahweh, et votre Loi fait mes délices. 175. « Q ue vive mon âme pour vous louer, et vos jugements me viendront en aide. 176. « J ’erre, brebis perdue ; cherchez votre serviteur, car je n’oublie pas vos commandements. » 169. « Q ue mon cri approche de votre Face, Yahweh, donnez-moi l’intelligence de votre Parole. » Tout ce psaume n’est qu’un long « cri » ( cf. vt 145 ) qui manifeste « l’intelligence » qu’a le psalmiste de la Parole de Dieu, révélation de son Divin Cœur dont sa « Face » est le miroir. 170. « Q ue ma supplication parvienne jusqu’à votre Face. Selon votre promesse, délivrez-moi. » Entre la « supplication » et l’ « action de grâces » ( cf. vt 108 ), la prière est un face à Face en attente du salut promis. 171. « Q ue mes lèvres publient la louange de vos prescriptions dont vous m’instruisez. » La « louange » est avant tout confession des œuvres de Dieu qu’ordonnent ses « prescriptions » ( vt 12 ). 172. « Q ue ma langue chante votre promesse, car tous vos commandements sont justice. » La voie du psalmiste, qui emprunte celle que Dieu a marquée de ses commandements, aboutit infailliblement à la sainteté de justice que chante ce psaume en ses vingt-deux strophes, elle-même fruit de la miséricorde divine. Mai 2015 No 151 - P. 28 173. « Q ue votre main me soit en aide, car j’ai choisi vos ordonnances. » Ce verset est une réponse à la plainte de Yahweh qui voit son amour méprisé : « Je tendais les mains chaque jour vers un peuple rebelle qui suivait une voie qui n’est pas bonne, au gré de ses fantaisies. » ( Is 65, 2 ) 174. « J e soupire après votre salut, Yahweh, et votre Loi fait mes délices. » « Votre salut », avant d’être apporté par Jésus, la Parole de Dieu en Personne, le Verbe fait chair, le « salut » a été, à travers les siècles, l’expérience historique du peuple de Dieu qui le distingue de tous les autres peuples de la terre. Dieu a sauvé David, en lui donnant la victoire, partout où il allait. Et, par son entremise, il a sauvé son peuple de la main de ses ennemis. 175. « Q ue vive mon âme pour vous louer, et vos jugements me viendront en aide. » Mais le salut n’advient pas sans qu’un « jugement » divin n’intervienne pour mettre à part ceux qui en bénéficient. 176. « J ’erre, brebis perdue ; cherchez votre serviteur, car je n’oublie pas vos commandements. » Yahweh, dit Ézéchiel, sauvera ses brebis en les ramenant dans un bon pâturage ( Ez 34, 22 ). Cet appel à la miséricorde divine résume tout l’Ancien Testament : ce ne sont pas les hommes qui se croient justes qui réjouissent le Cœur de Dieu, mais les pécheurs repentants. « LE CHEMIN QUI MÈNE JUSQU ’À DIEU » Le mot hébreu dèrèk, « chemin » ( vt 1 et passim ), désigne la conduite de l’homme qui n’est qu’un « étranger sur la terre » ( vt 19 ). Sa patrie est ailleurs. La révélation divine est son viatique ( vt 54 ) en attendant l’autre patrie où règne la justice ( vts 7, 40 et passim ), où il célébrera la victoire de la bataille menée tout au long de son pèlerinage terrestre avec l’aide de la grâce ( ḥèsèd ) de Dieu. Notre-Dame aux petits voyants de Fatima, le 13 mai 1917 : « Je suis du Ciel. » Le psaume 19 attribue à la « Loi » ( tôrâh ), des fonctions analogues à celles que remplit la Sagesse personnifiée dans les livres des Proverbes et de l’Ecclésiastique ( Pr 8 et Si 24) appliqués par l’Église à la Vierge Immaculée ( cf. Ps 19, 8 -11 ). Le psaume 119 se prête à la même transposition dès le premier verset : Chacun des huit mots qui désignent ce que Dieu veut : Loi ( tôrâh ), Parole ( dâbâr ), prescriptions ( ḥuqqîm ), témoignage ( ‘ édot ), promesse ( ’ imrâh ), ordonnances ( piqqudîm ), commandements ( miṣwôt ), jugements ( miš pâtîm ), révèle un Dieu d’amour, sept fois évoqué par le mot ḥèsèd, un Dieu de fidélité ( ’ èmûnâh , vts 30, 75 et passim ), de justice ( ṣ edâqâh ), et de tendresse ( raḥamîm , vts 77, 156 ). « Heureux ceux qui marchent dans le chemin de l’innocence et de la Loi de Yahweh. » Beati Immaculati . Cette béatitude s’applique en tout premier lieu à l’Immaculée, et même à Elle seule ! La Bienheureuse Vierge Marie « marche dans le chemin de l’innocence » dès sa conception. Son Cœur Immaculé est le chemin qui conduit jusqu’à Dieu, à condition que l’enfant de Marie obéisse à ses petites « demandes », prescriptions et commandements, et se jette dans le sein de sa miséricorde, avec une entière confiance en ses promesses. Le psaume 119 ne contient aucune imprécation contre les ennemis, mais seulement un simple constat du fossé qui sépare de Dieu ceux qui n’observent pas ses commandements ( vts 53, 84, 113, 115, 126, 150, 155, 158 ). C’est comme le feu du creuset qui ne réussit pas à séparer les scories du métal précieux ( vt 119 ) ! Ces attributs de Yahweh demeurent de toute éternité ( vts 52, 142, 152, 160 ), et c’est déjà dans cette éternité que le psalmiste espère s’établir en pratiquant les commandements ( vts 44, 98, 101, 112, 117 ), car vivre conformément à la volonté divine, c’est recevoir déjà en partage la Terre promise ( vts 19-20, 57), qui n’est autre qu’une vie de communion avec Dieu ( vts 37, 50, 93, 144 ), dont l’intimité se traduit par une prière de supplication du psalmiste à la recherche du visage divin. « C’est l’apprentissage du Ciel » ! où se tient la parole divine personnifiée ( vt 89 ) qui préside aux destinées du monde. Le lieu de son séjour est le Ciel, dans une région supérieure à celle de l’univers qu’elle a fondé et organisé ( vt 90 -91 ). Se tenir dans le Ciel, c’est avoir une existence éternelle. C’est ainsi que se présente la Sainte Vierge « Préservez-moi de l’opprobre et du mépris. » ( vt 20 ) La version moderne de cette prière est la prière enseignée par Notre-Dame de Fatima le 13 juillet 1917 : « Ô mon Jésus, pardonnez-nous nos péchés, préservez-nous du feu de l’ enfer, et conduisez au Ciel toutes les âmes, surtout celles qui ont le plus besoin de votre miséricorde . » frère Bruno de Jésus - Marie. LA LIGUE E No 151 - P. 29 L’ ÉTE N DAR D DE LA M I SÉR ICOR DE N prélude à l’année de la Miséricorde, et en décrétant contre toute attente cette nouvelle ostension du Saint Suaire de Turin ( 19 avril – 24 juin ), c’est un appel à la Croisade entendue au sens salésien du terme, que nous lance le pape François. C’est « par la charité », par « l’Amour miséricordieux » qu’il faut reconquérir, non plus seulement Genève mais le monde entier, à commencer par l’Église catholique, minée depuis le concile Vatican II par la mondanité de l’esprit protestant, le modernisme et le progressisme. La perte de la foi frappant des générations entières, nos frères et sœurs martyrisés par l’islam, le pape François, à la différence de ses prédécesseurs, ne s’en accommode pas ! « Poussé par l’Esprit » il prend les moyens proportionnés, surnaturels, suprêmement efficaces pour y remédier. Le Saint-Père lève donc cette année l’étendard du Saint Suaire de Jésus, pour que « cet acte de vénération nous aide tous à trouver en Jésus-Christ le visage miséricordieux de Dieu. » Ce qu’il dira le 21 juin prochain ne sera pas moins explicite que sa profession de foi du 30 mars 2013 : « À travers le Saint Suaire nous parvient la Parole unique et ultime de Dieu : l’Amour fait homme, incarné dans notre histoire ; l’Amour miséricordieux de Dieu qui a pris sur lui tout le mal du monde pour nous libérer de sa Mai 2015 domination. Ce Visage défiguré ressemble à tant de visages d’hommes et de femmes blessés par une vie qui ne respecte pas leur dignité, par des guerres et des violences qui frappent les plus faibles... Pourtant le Visage du Suaire communique une grande paix ; ce Corps torturé exprime une souveraine majesté. C’est comme s’il laissait transparaître une énergie contenue, mais puissante, c’est comme s’il nous disait : “ Aie confiance, ne perd pas l’espérance ; la force de l’amour de Dieu, la force du Ressuscité vainc tout. ” Pour cela, contemplant l’Homme du Suaire, je fais mienne, en ce moment, la prière que saint François d’Assise prononça devant le Crucifié : “ Dieu Très-Haut et glorieux, viens éclairer les ténèbres de mon cœur ; donne-moi une foi droite, une espérance solide et une parfaite charité ; donne-moi de sentir et de connaître, Seigneur, afin que je puisse l’accomplir, ta volonté sainte qui ne saurait m’égarer. Amen. ” » DE TURIN 2015 À FATIMA 2017. Autre étendard que le Saint-Père s’apprête à lever en vue de la lutte finale et de la victoire certaine, celui de Notre-Dame de Fatima. En 2017, si Dieu lui donne « la vie et la santé », il célébrera le centième anniversaire des apparitions à la Cova da Iria, loin des machiavéliques pressions du Pape émérite... Le Saint Suaire de Turin et Notre-Dame de Fatima sont les deux “ signes des temps ” par lesquels la divine miséricorde veut sauver son Église et le monde. Mais pour les mettre en œuvre, il faut et il suffit qu’un troisième « signe » le veuille bien aussi, c’est le « Saint-Père ». En 1978, l’abbé de Nantes exultait en voyant le saint pape Jean-Paul I er s’engager si résolument dans cette voie. En 1996, au plus fort de la persécution, contraint à l’exil par Mgr Daucourt, il envoya son « petit troupeau » à Fatima. Celui-ci conduit par notre frère Bruno fit briller à la face furieuse de ses ennemis les trois bannières de notre délivrance certaine : le pape Jean-Paul I er , « l’évêque vêtu de blanc » martyr de ses frères, la Sainte Face de Jésus, le Cœur Immaculé de NotreDame de Fatima. Aujourd’hui avec le pape François, la Gesta Dei est de nouveau enclenchée et, comme jadis, per Francos, car ce sont des Français de France et de Nouvelle-France qui, en avant-garde du corps tout entier de “ l’Église en marche ”, la comprennent et la mettent en œuvre. Le premier d’entre eux, c’est notre frère Bruno de Jésus-Marie. C’est lui qui, comprenant l’intention profonde du Saint-Père et du Saint-Esprit qui l’assiste, conduisit la phalange de l’Immaculée en pèlerinage au pied du Saint Suaire de Turin le 1er mai dernier, tout en lui donnant par sa prédication une prodigieuse intelligence du mystère No 151 - P. 30 qui s’accomplissait. C’est encore lui qui, à peine connu le désir du pape François, nous annonça que nous serions, nous aussi, à la Cova da Iria, au pied de Notre-Dame, à son service, afin de beaucoup prier pour notre cher Saint-Père... Nous allons de joie en joie, joie de la vérité, de la charité, c’est tout un. LA PH A LA NGE DE L ’ IMM ACULÉE À TUR IN C’est huit cents pèlerins répartis en huit cars et plus de cinquante voitures, sans compter ceux qui sont venus en avion et en train, que notre frère Prieur conduisit à Turin. Départ tôt matin le mercredi 29 avril pour les deux cars de Saumur, un peu plus tard pour les deux autres de Paris, les trois de la maison Saint-Joseph, et celui de Lyon. En cours de route, nos frères avaient prévu tout un programme audio-vidéo bien fait pour nous faire entrer dans la familiarité des apôtres de la Sainte Face, de ceux de Turin aussi, les uns comme les autres tout au Christ et à Notre-Dame, au service des pauvres, en lutte contre la révolution dans le monde et dans l’Église. Persécutés par les francs-maçons capitalistes ou socialistes, ils le seront aussi par un clergé démocrate, confortablement installé dans la mondanité, toujours prompt à se rallier aux puissants du jour... C’est dans cette lumière que la vie de saint Jean Bosco nous apparut en plénitude, si semblable finalement à celle de notre bienheureux Père et du pape François. Nous nous sentions plus que jamais fils de l’Église, embrasés du même amour que ces saints de Contre-Réforme, affrontés à de semblables épreuves... Reconnaissance à notre bienheureux Père pour cette vocation prodigieuse, et à notre frère Bruno qui nous y entraîne tambour battant. Le mercredi soir, tous nos pèlerins étaient arrivés dans leurs hospitalités respectives. LE JEUDI 30 AVRIL À CHIERI . C’est au Duomo, c’est-à-dire dans la cathédrale de cette petite ville qui fait partie désormais de la grande banlieue de Turin, que nos pèlerins se retrouvèrent pour une messe concélébrée par le premier vicaire de la paroisse et nos aumôniers. Le jeune Père était à notre encontre sous l’effet d’une « douane pastorale » qui venait tout juste d’être levée. La crispation des débuts céda heureusement bien vite sous la baguette de nos beaux chants polyphoniques si puissamment exécutés, d’un seul cœur, grâce à notre frère Henry. Dans son homélie, frère Bruno nous prépara au Face à face du lendemain avec Dieu en sa deuxième Personne. Saint Philippe l’Apôtre et son génial mais présomptueux « Montre-nous le Père et cela nous suffit ! » ( Jn 14, 9 ) permit à notre frère de nous Mai 2015 faire davantage communier au mystère du Père et du Fils qui ne font qu’un seul Être : « Jésus qui est homme, est dans l’Esprit pur qu’est le Père ; et lui, le Père qui est l’Esprit, est dans l’être corporel de Jésus, celui que nous voyons, entendons, touchons à notre tour, que nous mangeons et buvons dans la Sainte Eucharistie. Quand Jésus va, le Père va avec Lui. Dieu va et vient dans son Fils. Et il nous atteint, chacun de nous, pèlerins, tandis que nous le contemplons sur son Suaire, au Duomo ( de Turin ), dans une relation personnelle, cœur à Cœur (...). « Dieu a aussi un Cœur dont l’expression de Sa Face est le reflet. Il peut tour à tour, le montrer dans sa bienveillance, ou le cacher dans sa colère. C’est ce que nous expérimentons en contemplant le Saint Suaire... Mais celui qui aime Jésus, comme notre Père, le trouve beau sur son Saint Suaire, avec son œil droit si doux, et cette bouche prête à embrasser l’enfant qui viendra, en pleurant, lui demander pardon... » À la fin de la Messe, nos nombreux enfants furent pris en charge par nos sœurs. « Les religieuses salésiennes de Chieri nous ont très gentiment offert l’hospitalité pour la garderie des enfants, pendant la conférence de frère Bruno. Dans leur vaste cour de récréation, et une grande pièce, nos petits ont pu jouer et se restaurer grâce aux gâteries offertes par ces bonnes religieuses. La supérieure désirait vivement parler à notre Mère : “ Comment faites-vous pour avoir de jeunes sœurs ? ” Elle s’émerveillait aussi de voir nos familles nombreuses. Elle fit signe à notre Mère, en montrant sur ses doigts qu’en Italie, les familles ne sont plus composées que d’un, deux ou trois enfants au maximum. “ On ne voit plus des familles comme chez vous... ”» C’est dans la cathédrale de cette ville si chère à saint Jean Bosco que notre frère Bruno nous commenta d’une manière lumineuse la bulle d’indiction du jubilé extraordinaire de la miséricorde, Misericordiæ Vultus ( cf. supra, p. 10-18 ). « Cette bulle est surprenante, nous confiera-t-il ensuite. Notre Père pensait que le Pape qui viendrait après le grand désordre du Concile condamnerait les erreurs, lancerait des anathèmes. Or, il n’en est rien avec le pape François. S’il se mettait à condamner, cela ne marcherait pas, il y aurait schisme. Au lieu d’incriminer les vraies causes, qu’il ne voit d’ailleurs sans doute pas ( il faut avoir lu le Père pendant cinquante ans pour comprendre ), il ne lance pas un nouveau système, une nouvelle doctrine, il ouvre cette Année de la Miséricorde , proclame une année de grâce : c’est la Bonne Nouvelle, l’Évangile. Prenant les choses comme cela, il désarme tout le monde, et ça marche. Certains ronchonneront sûrement dans leur coin, mais cela No 151 - P. 31 marchera quand même (...). Le pape François est en train de redonner à tout le monde le sens du péché. On est à mille années-lumière de la transcendance de la personne humaine et du culte de l’homme. » Joie des amis après une telle conférence, mais guère le temps d’échanger puisqu’il fallut vite récupérer les enfants et se rendre dans nos hospitalités respectives. Retour tranquille, sauf pour les pèlerins du car de Saumur 1 qui devaient se livrer chaque jour à un exercice qui faisait la joie des enfants, celui de déplacer à grand renfort d’hommes vigoureux les voitures qui obstruaient le passage menant à notre hospitalité... On est en Italie, c’est permis, et même quand un propriétaire se fâche, on ne comprend pas les “ gentillesses ” qu’il vous adresse, on s’excuse, on n’y pense plus et on recommence puisqu’on n’a pas le choix... ET AU COLLE DON BOSCO . L’immense esplanade du Colle Don Bosco était bien faite pour que nos huit cents amis brisent le cadre artificiel du “ groupe ”, et fraternisent. Ils ne s’en sont pas privés. Après ce joyeux temps fort de charité familiale et fraternelle, nos sœurs s’occupèrent des enfants dans le cadre enchanteur des Becchi. Les adultes se rendirent dans la basilique pour écouter frère Bruno leur dévoiler, à la lumière des songes de don Bosco, commentés par notre Père en 1993 ( in CRC n o 296 de novembre, p. 17-19, et n o 297 de décembre, p. 1-10 ), l’actualité politique et religieuse de ce mois (cf. supra p. 1-8 ). C’est saisissant de voir à quel point le pape François rencontre le dessein divin dévoilé par les songes de don Bosco. Du 8 décembre 2015 au 13 octobre 2017, nous avons devant nous, dira frère Bruno, deux ans de grâce et de miséricorde pour nous convertir et nous préparer aux labeurs apostoliques qui résulteront de la consécration de la Russie au Cœur Immaculé de Marie et de la diffusion de la dévotion des premiers samedi du mois ; deux ans d’instantes prières pour le Saint-Père par conséquent... FACE À FACE AVEC JÉSUS EN SON SAINT SUAIRE Une foule impressionnante de bénévoles quadrillaient les rues afin de canaliser les quelque trois cents cars de pèlerins qui étaient attendus au Duomo . Tout était donc fort bien organisé, sécurisé. La procédure était serrée, mais grâce au truchement indispensable de nos traducteurs, les prescriptions administratives furent vite remplies, et tous nos pèlerins étaient au rendez-vous à l’heure dite, 8 h 30. Notre frère Bruno suivi des sœurs s’engagea sous les tonnelles qui serpentent dans les jardins royaux Mai 2015 No 151 - P. 32 jusqu’au Duomo. Les premiers groupes suivirent et tous à sa suite chantèrent le chapelet. Surprise des volontaires du service d’ordre, mêlée la plupart du temps de bienveillance et d’encouragements discrets. Nous fîmes silence avant de paraître à “ l’audience du grand Roi ”. Un montage vidéo, très pédagogique, sobre, nous préparait à la sainte Rencontre. Toutes les saintes plaies de Jésus nous ont été montrées ; silence religieux sur fond d’une musique douce pour aider au recueillement... À la différence des ostensions précédentes le fait de la résurrection était mentionné, mais sans commentaires, par l’apparition du négatif photographique, Jésus dans toute sa stature d’homme parfait, glorieux, paisible, vainqueur. Les pèlerins étaient ensuite invités à paraître devant le Seigneur pour un entretien particulier, plus long que les autres fois, et dont chacun gardera le secret. Une prière officielle était prévue. Elle avait certes le mérite de proclamer sans détour l’identité de Jésus, d’apprendre au pèlerin que ses péchés étaient la cause des blessures et des souffrances dont ce corps était criblé, mais le mot de rédemption ne sera pas prononcé, ni celui de résurrection comme le fait historique, incontournable que le Saint Suaire prouve sans nul doute possible... Frère Jean-Duns qui a eu le privilège de réciter cette prière en com- pensa les lacunes pour la plus grande satisfaction des pèlerins de son groupe. À la différence de l’Ostension précédente, tout préparait à cette audience divine, les tentures rouges Mai 2015 et les fleurs en attente de la vénération de la Sainte Relique par le peuple de Dieu en corps constitués, sous la conduite de ses Pasteurs légitimes dans les ors et les fastes liturgiques. Une bonne délégation de frères, sœurs et amis canadiens étaient présents parmi nous ; quant aux autres, frère Pierre s’employa à les consoler en leur livrant le secret de la vraie dévotion à la Sainte Face : « Grâce à notre Père et à son combat pour la défense du Saint Suaire, nous voyons les choses, pour ainsi dire dans le Cœur du Bon Dieu : le Saint Suaire, c’est Jésus qui revient parmi nous, en nos temps d’apostasie. Il est là, au milieu de nous par sa présence divine, silencieuse, majestueuse, qui est une démonstration de la vérité des Évangiles, de sa Passion et de sa résurrection, propre à ranimer la foi dans le monde. Être appelés à vénérer cette précieuse relique à Turin est une grâce de prédestination qui nous incite à imiter Jésus dans ce don total qu’il a voulu faire de Lui-même à son Église, à brûler d’un zèle tout missionnaire. » GRAND - MESSE AU COTTOLENGO . Tous nos pèlerins se retrouvèrent pour notre “ messe de pèlerinage ” à 11 heures dans la grande chapelle du Cottolengo. Les autorités diocésaines nous ayant donné enfin la permission de la célébrer, « en tant que groupe », frère Gérard avait pu planifier le déroulement de la cérémonie avec un prêtre diocésain, originaire du “ Congo-Brazzaville ”. No 151 - P. 33 Toutes les préventions qui pesaient sur nous s’étaient dissipées dès le premier contact. Et le sermon nous le révélait fraternel, partageant notre foi entière et adorateur en esprit et en vérité du Précieux Sang contemplé sur le Saint Suaire. Cette messe concélébrée par nos quatre aumôniers, fut grandiose dans ses chants, l’incomparable et puissant Kyriale des anges que nos amis savent par cœur, et nos chants polyphoniques, qu’ils savent aussi par cœur ; le tout bien dirigé par notre frère Henry et puissamment accompagné par un orgue heureux de remplir sa vocation sous les mains expertes d’une amie phalangiste. Quelle belle cérémonie, tellement consolante et réconfortante... Le Père africain y a été très sensible, et on le voyait discrètement promener son portable pour filmer nos amis et enregistrer les chants. À la fin, il eut la touchante humilité de reconnaître qu’il avait parlé pour remplir son office de prédicateur, mais que c’est nous, par nos chants, notre manière de prier qui l’avions bien enseigné. Cet enthousiasme englobait donc les prières universelles composées et dites par notre frère Bruno, au rebours du “ religieusement correct ”, allant à l’essentiel de ce que l’on doit demander si l’on veut vraiment obtenir de Dieu la paix dans le monde et la foi dans l’Église. Après ce bel avant-goût de la Renaissance toute proche, chaque groupe rejoignit son hospitalité pour prendre le repas, et vite revenir pour la visite des différents sanctuaires de Turin. Mai 2015 LA V ILLE SA INTE DE TUR IN Elle l’était au seizième siècle au beau temps de la Contre-Réforme, mais au début du dix-neuvième, elle se glorifiait surtout d’être le fief de la franc- maçonnerie et du protestantisme le plus radical, le berceau de l’unité italienne. Mais cette ville fut pour ainsi dire “ reconquise ” par la charité des saints. Jean Bosco en est la figure emblématique en sa cité mariale du Valdocco ; saint Joseph - Benoît Cottolengo, le pionnier, fondateur de douze congrégations religieuses, prodigieux saint Vincent de Paul italien, mais à la puissance n ! en ses divines petites maisons de la Providence, de la foi, de l’Espérance, etc., fondées sur un abandon absolu à la Divine Providence ; saint Joseph Cafasso le prêtre du gibet, l’apôtre et l’ami des prisonniers, la consolation des condamnés à mort... Le Père spirituel surtout du jeune don Bosco. Et tant d’autres, infatigables ouvriers du salut des plus pauvres, victimes par milliers du nouveau régime. Dominant toutes les agitations de ce monde, Jésus et Marie bien présents au cœur de la ville en de somptueux sanctuaires, vivaient et travaillaient en tous ces saints. Jésus en son Saint Suaire, caché dans un reliquaire du Duomo depuis 1578 ; Jésus-Hostie vénéré dans l’église du Corpus Domini depuis le miracle eucharistique de 1453 ; la Consolata , « la Mère de Dieu consolée et consolatrice », protectrice tutélaire de la ville depuis le cinquième siècle, dont l’icône miraculeuse, miraculeusement retrouvée au douzième siècle, est tellement chérie des Turinois ; puis sa figure nouvelle plus engagée dans les combats des derniers temps, Marie-A uxiliatrice de don Bosco, en sa grande basilique rivale de tous les temples et convents impies de la ville. L’église Saint - Dominique renferme une foule de trésors, mais le plus significatif, et on ne peut plus actuel, est la bannière arborée par les galères du duc de Savoie durant la bataille de Lépante contre les Turcs en 1571. On y voit la Madone entourée de deux anges qui présentent le Saint Suaire de NotreSeigneur. Entourant le motif central de la bannière, on lit en latin un verset du psaume 83 qui se traduit ainsi : « Soyez mon Dieu notre bouclier, et regardez la Face de votre Christ. » C’est sous cette égide que la Chrétienté a triomphé et triomphera encore de l’islam ! Quelle leçon... VISITES ET PRIÈRES ÉDIFIANTES POUR TOUS . Nous devions durant l’après-midi entrer en communion avec tous ces saints, au gré des visites des différents sanctuaires de Turin qui avaient été parfaitement planifiées par nos frères organisateurs. Mais No 151 - P. 34 en ce premier jour du mois de Marie, une foule de touristes envahissait les sanctuaires. Pour les pèlerins qui eurent la chance de suivre notre frère Bruno, ce fut la grâce d’un après-midi de prières, sans respect humain, entraînant les touristes à faire de même, et d’instructions passionnantes. C’est la famille CRC, en toutes ses générations, qui priait sous l’impulsion de son Père et frère Bruno. Cela nous fit beaucoup de bien, à nous membres de la famille, mais aussi aux braves gens qui nous entouraient. À preuve ce témoignage, un parmi tant d’autres, du gardien de la Consolata : « Je ne vous ai pas vus, mais je vous ai entendus. C’est pour nous un encouragement, nous avons la même foi. » Un temps fort à revivre grâce au montage vidéo du pèlerinage que nos frères techniciens vous offriront bientôt. Le témoignage d’un Père salésien fut pour notre frère Benoît, qui en reçut la confidence, le point d’orgue de cette journée. C’est plein d’une admiration encore très vive et respectueuse qu’il dit à notre frère : « J’ai entendu monsieur l’abbé de Nantes prêcher dans la basilique de Marie- Auxiliatrice le 9 mai 1998 ! » Il a demandé ensuite à notre frère les “ litanies de la Sainte Face ” qu’il veut traduire en italien. PREMIER SAMEDI DU MOIS À SUPERGA . “ Superga ” ? Encore une station de ski à la mode, me direz-vous ? Eh bien, vous n’y êtes pas du tout ! C’est une magnifique basilique royale qui trône depuis 1706 au sommet d’une montagne. Cadeau offert à Notre- Dame de Toute - Grâce par le duc de Savoie, Victor-Amédée II pour la délivrance de Turin assiégée par Louis XIV. C’est dans ce magnifique sanctuaire de Contre-Réforme que plusieurs groupes de nos pèlerins purent assister à la Messe célébrée par l’un de nos aumôniers. Nous chantâmes encore nos plus beaux chants, et frère Bruno nous adressa une dernière fois la parole, avec émotion, car il s’agissait de nos frères et sœurs que l’on martyrise de par le monde. Il nous conjura de beaucoup prier Notre-Dame, pour qu’en ce premier samedi du mois Elle obtienne du Saint-Père qu’il recommande la dévotion réparatrice à la terre entière « pour arrêter le massacre et l’apostasie des plus faibles, pour obtenir paix et miséricorde sur les victimes et leurs assassins eux-mêmes. De “ voie nouvelle pour aider les frères et aimer Dieu davantage ”, il n’en est pas d’autres ! Prions, prions pour le Saint Père ! » C’est sous un soleil de gloire illuminant les Alpes que la caravane CRC se déploya et s’étira tout au long de la route du retour ; les uns et les autres se rencontrant au gré des haltes, tous tant et plus ravis de ce magnifique pèlerinage. Et même après une Mai 2015 No 151 - P. 35 journée de car, sous la pluie pour finir, ils rayonnaient de bonheur et n’en finissaient pas de nous remercier, nous, c’est-à-dire notre frère Bruno, frère Gérard et tous leurs frères organisateurs... Cet enthousiasme n’était pas de commande, mais bien plutôt la grâce du pèlerinage que frère Bruno allait rappeler dans le sermon du lendemain : « Maintenant, le rendez-vous est à Fatima en 2017, mais avant, il faut savoir que nous rapportons de Turin le rayonnement qui doit se voir sur nos visages ! Le Soudarâ tamise encore la gloire de Jésus, comme le voile de Moïse après le Face à face avec Yahweh. Mais le Saint Suaire nous parle de gloire. Si nous avons bénéficié du Face à face avec ce linge, c’est pour que nous rayonnions de cette lumière, et même dans la peine. On offre sa peine et Jésus rayonne. Ce n’est pas un sourire charismatique, facile, mais c’est qu’après avoir contemplé tout ce que Jésus a souffert pour nous, il faut que nous soyons décidés à tout offrir par amour, surtout nos peines. Cette joie habite le pape François !... » Merci mon frère… Et, mon cher frère Bruno de Jésus-Marie, je me permets d’ajouter notre reconnaissance pour votre cœur tout épris de la lettre et de l’esprit tant de notre Père chéri que de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus de la Sainte-Face à qui ce pèlerinage fut confié, que vous nous faites aimer tout uniment en un beau chant d’Amour pour les Cœurs miséricordieux de Jésus et de Marie. frère Philippe de la Face de Dieu. LES NOUVEAUTÉS DU MOIS 1 VIDÉO ( 2 heures) : achat 12 E, location 4 E . 1 VIDÉO ( 3 heures) : achat 18 E, location 6 E . DVD : achat 7.50 E. AUDIO – CASSETTES : location (uniquement) 1.50 E . CD : achat 5 E. Ajouter le prix du port. La durée de la location est de deux mois. Conférences mensuelles à la maison Saint-Joseph. Avril 2015 B 7 3. Dans le secret de votre Face adorable. 1. Pour l’ honneur de Dieu et le salut de la France ! 2. Sainte Thérèse de la Sainte - Face. 2 DVD – 2 cassettes – 2 CD. B 74 . L’Évangile de la Sainte Face. 1. Ecce Sponsus . . . Sic Deus dilexit. 2. L’attente de sa Résurrection ! 2 DVD – 2 cassettes – 2 CD. B 73 – B 74 : 1 vidéo, 4 heures. Nos productions canadiennes : PI 4. 27. L a Sainte Face et le Père Prévost. 1 DVD – 1 CD.. Mai 2015 IN MEMOR I A M Nous ne pouvons dissocier nos défunts, tant ils nous sont fraternels par la pureté de leur foi, leur fidélité à notre Père, à leur serment phalangiste, leur dévouement à l’Église et à notre famille CRC. ANDRÉ FAVARD . La mémoire d’André Favard s’impose à nous toute première, aujourd’hui où nous revenons de Turin. C’était en octobre 1978 : ayant appris la prochaine ostension du Saint Suaire, il prit tout de suite, depuis Montpellier, l’initiative d’un pèlerinage paroissial auquel il eut l’inspiration d’inviter notre Père et frère Bruno. Il fut ainsi à l’origine des splendides travaux et victorieux combats qui ont sauvé le Saint Suaire du déshonneur auquel le vouaient le British Museum en la personne du docteur Tite et le Vatican en la personne de Jean-Paul II. Mais pour nous, et dans l’esprit du pape François, il reste aussi l’ami des pauvres, de ces pauvres entre les pauvres que furent Gérard et Jeannine Parain, qu’il trouva un jour à “ faire les poubelles ”, ne craignant pas de se faire chiffonniers « pour aider la CRC ». Il leur offrait le voyage de la maison Saint-Joseph les jours de Congrès et leur procurait au long de l’année les conférences de notre Père qui faisaient tout leur bonheur. Ils l’attendaient au Ciel. Comme notre Père aimerait que notre Phalange soit un modèle de cette charité ! No 151 - P. 36 inspiré par l’Esprit-Saint dans l’esprit et le cœur de celui qui sait s’ouvrir à la souffrance des frères et reconnaît en eux l’image de Dieu. » Et encore : « Le temps passé à côté du malade est un temps sacré. C’est une louange à Dieu, qui nous conforme à l’image de son Fils qui “ n’est pas venu pour être servi, mais pour être le serviteur ”. » Bienheureux les miséricordieux ! Si son dévouement la tenait réservée et cachée, son cœur n’était pas moins ardent, son image mortuaire en porte témoignage : « Sa quête de la vérité l’avait conduite à l’abbé de Nantes auprès de qui elle s’était engagée totalement pour le triomphe du Cœur Immaculé de Marie. » « Ego promitto fidelitatem. » ISABELLE BOUCHER . Notre Père avait deviné cette âme prédestinée, qui devait passer en faisant le bien avec l’humilité et la simplicité qui ne se révèlent qu’à l’heure de l’épreuve et qui touchent les cœurs : « Bien sûr, écrivait sa petite sœur, c’est une grâce de pouvoir embrasser une dernière fois et s’entretenir avec sa sœur chérie qui va bientôt voir la Sainte Vierge, qui est prête et remplie de la joie du Ciel, déjà. » Comme notre Père, elle pouvait dire : « Depuis que je vous aime vraiment, ô Notre Père, ma foi est devenue si forte que votre Demeure est pour moi comme un lieu de la terre dont je suis séparé seuleCHANTAL DE MONTS . ment par une nuit de voyage. » Et ce départ, elle le Oui, comme notre Père aimerait que notre Phalange préparait avec soin, jusqu’au livret de ses funérailles et soit un modèle de charité. Madame de Monts en a été, au pèlerinage de Turin que son cher époux devait faire elle aussi, un bel exemple, dans un total oubli d’elle- en son nom. « Elle si humble, si effacée, de son lit de malade, même, comme en témoigne ce billet que me fait passer rayonne, parle d’autorité, et tous ceux qui l’approchent frère Louis-Joseph : « Pendant des années, monsieur et madame de sont touchés jusqu’à l’intime, repartent réconfortés, Monts se sont occupés de notre chère aveugle avec consolés, pleins de courage. « Elle qui écoutait plutôt qu’elle ne parlait, parle une charité toute surnaturelle, la visitant chaque semaine. Et le fait qu’ils s’occupaient de Marie- jusqu’à l’épuisement, parce qu’elle n’a plus de salive. Thérèse pendant les Congrès et les premiers samedis À Bernard son fils, qui lui dit : “ Maman, prenez un peu du mois les empêchaient de voir les autres phalan- d’eau, vous n’en pouvez plus ”, elle répond naturellement et gistes. Mais ils le faisaient avec un tel bon cœur, et simplement : “ Et Jésus sur la Croix, lui aussi avait soif ”. » toujours avec le sourire, que peu d’âmes s’offraient à C’est dans cette joie toute surnaturelle que son prendre leur place ! » mari et elle prononcèrent leur acte d’allégeance, Une page de notre pape François, le 17 janvier, proclamant, devant Dieu et devant l’Église, leur parfaite quelques jours avant la mort de madame de Monts, union d’esprit et de cœur. semble lui avoir été dédiée ; frère Bruno la cite dans la Saint Joseph, qu’elle aimait et priait beaucoup, lui livraison de mars de Il est ressuscité . Le Pape parle ouvrit le Ciel le 19 mars, le jour de sa fête. Magnificat ! de “ la sagesse du cœur ” : « Elle est un comportement frère Gérard de la Vierge. Directeur de la publication : Frère Gérard Cousin. Commission paritaire 0318 G 80889. Impression : Association La Contre-Réforme Catholique. 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