Argumentation démonstration

Cours
3b-1
Argumentation
démonstration
Sommaire
1 Un peu de vocabulaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
2
1.1 Le raisonnement
2
1.2 L’argumentation
2
1.3 La démonstration
2
1.4 Comparaison argumentation/démonstration
2
2 Niveaux de pensée en géométrie dans le cursus scolaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
3
3 Différents raisonnements mathématiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
4
3.1 Quelques précisions « logiques »
5
3.2 Raisonnement direct, déductif
5
3.3 Raisonnement par l’absurde
6
3.4 Raisonnement par disjonction des cas
6
3.5 Raisonnement par contre-exemple
6
4 Les erreurs dans la démonstration . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Dans l’histoire des mathématiques, le rôle joué par la géométrie a évolué.
À l’origine, elle s’est construite comme une technologie de l’espace pour
résoudre des problèmes spécifiques comme les problèmes d’astronomie ou
d’arpentage. Des preuves visuelles ou des constructions matérielles suffisaient alors à convaincre les géomètres de l’évidence de leurs résultats.
Les Éléments d’Euclide (300 av. J.C.) marquent une inflexion décisive
qui va amener les géomètres grecs à refuser la simple vérification visuelle
et l’évidence intuitive. Par la suite, les géomètres grecs envisagent les objets géométriques en soi et non plus leurs traces matérielles visibles.
La géométrie se reconstitue alors en un corps de savoirs, basé sur des
axiomes et organisé par le raisonnement hypothético-déductif a
a. Catherine Houdement et Alain Kuzniak, Paradigmes géométriques et
enseignement de la géométrie.
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Papyrus trouvé à Oxyrhynque :
proposition 5 du Livre II des Éléments
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1 Un peu de vocabulaire
Dans son livre Sémiosis et pensée humaine, Duval (1995) propose les caractérisations
suivante :
1.1 Le raisonnement
D’une façon générale, tout discours ayant pour but de prouver la vérité d’un énoncé
ou de faire admettre par un interlocuteur le « bien-fondé » de son affirmation, ou de
son rejet, est reconnu comme « raisonnement ».
Autrement dit, les deux caractéristiques suivantes sont nécessaires pour qu’un discours puisse être reconnu comme un raisonnement :
— être orienté vers un énoncé-cible, c’est-à-dire vers la proposition à justifier ;
— être centré sur la valeur, logique ou épistémique (degré de crédibilité aux yeux
du sujet : évidente, absurde, vraisemblable, nécessaire, possible, neutre. . .) de
cette proposition et non pas sur son contenu.
1.2 L’argumentation
L’argumentation a pour but de modifier la valeur épistémique qu’attache à l’énoncécible celui à qui l’on s’adresse : « faire accepter comme plausible ce qu’il estime
impossible, faire reconnaître comme peu plausible ce qu’il croit évident, ou comme
absurde ce qu’il considère comme vraisemblable ou même comme certain [...] ».
1.3 La démonstration
Une démonstration consiste en un enchaînement de pas de déduction ou inférences,
chacune de structure ternaire, et où les propositions combinées prennent l’un parmi
trois statuts opératoires possibles :
— propositions d’entrée (hypothèse) ou prémisses ;
— règle d’inférence (axiome, définition ou théorème) ou énoncé-tiers ;
— proposition inférée ou conclusion.
1.4 Comparaison argumentation/démonstration
En résumé, l’argumentation a pour objet de changer l’opinion de celui auquel elle
s’adresse alors que dans la démonstration, il s’agit de s’assurer qu’un résultat est
bien la conséquence de théorèmes déjà connus.
Dans le tableau page suivante, tentons de faire le point sur ce qui distingue l’argumentation de la démonstration (Duval, 1995).
N@thalie DAVAL
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Argumentation.
Démonstration.
De nature dialogique.
De nature logique.
Aucunes autres contraintes d’organisation
que celles propres à un discours.
Organisation stricte autour de l’unité structurale qu’est l’inférence.
Se développe à partir des relations de contenu
entre les propositions, en interaction avec les
valeurs épistémiques que leur donne l’interlocuteur émetteur.
Chaque proposition y a l’un des trois statuts opératoires : hypothèse, règle d’inférence, conclusion.
Structure non hiérarchisée, qui repose sur
le cumul d’arguments dans le respect de la
continuité thématique.
Structure en arbre (ou encore modulaire),
où les inférences s’enchaînent, sans nécessaire
continuité thématique.
Cherche à modifier la valeur épistémique qu’a
l’énoncé-cible pour l’un des deux interlocuteurs.
Cherche à modifier la valeur épistémique
théorique de l’énoncé-cible.
La conclusion et sa valeur de vérité n’en
découlent pas nécessairement, puisqu’elles y
sont défendues par la pertinence du contenu
des propositions avancées ; l’argumentation
convainc, mais ne prouve pas.
Chaque proposition inférée est uniquement
et nécessairement déterminée par l’inférence,
dont la validité peut être théoriquement
contrôlée.
2 Niveaux de pensée en géométrie dans le cursus scolaire
Comme toujours à l’école primaire, les représentations mentales des objets mathématiques sont peu à peu construites à partir de la manipulation d’objets physiques.
L’enseignement de la géométrie, de la maternelle à la fin du Collège passe par plusieurs étapes liées au développement des élèves :
Pré-géométrie
cycle 1
perception globale
Perception
cycle 2
analyse plus fine
Construction
Propriétés
cycle 3
collège
instruments
démonstration
Au Collège, la géométrie va devenir une partie volumineuse du programme de mathématiques. La géométrie du Collège est une géométrie des propriétés, où les élèves
vont apprendre peu à peu à démontrer.
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Un carré n’est plus un carré parce que je le vois, ni même parce que je l’ai construit
comme tel, mais parce que je peux citer les propriétés de cette figure qui me permettent, avec les théorèmes et définitions du cours, de prouver que cette figure est
un carré.
cycle1 : je le vois !
cycle 3 : je le vérifie
aux instruments
cycle 2 : j’examine le
réseau pointé
collège : je le déduis des
propriétés du quadrilatère
Cette nouvelle étape nécessite une riche imagerie mentale, pour « voir » les figures
dans sa tête, anticiper le résultat d’une transformation, du changement de valeur
d’un paramètre. Les élèves qui ont pratiqué de vraies activités de géométrie au cycle
3 sont évidemment avantagés. 1
Quel que soit le niveau des élèves, on peut lister des étapes possibles d’une démarche
d’investigation pour un problème de géométrie (valable pour n’importe quel domaine
mathématique, d’ailleurs !) :
• Réflexion sur le problème posé.
1. appropriation du problème, vocabulaire, contexte ;
2. confrontation avec les savoirs disponibles ;
3. recherche éventuelle d’informations sur le thème.
• Élaboration d’une conjecture.
1. recherche, avec mise en place éventuelle d’une première expérimentation,
2. émission de la conjecture,
3. confirmation, avec mise en place éventuelle d’une seconde expérimentation.
• Mise en place d’une preuve argumentée.
3 Différents raisonnements mathématiques
Un premier raisonnement inductif est utilisé lorsqu’il s’agit de faire émerger une
conjecture après avoir traité des exemples. L’utilisation des logiciels de géométrie
dynamique est sous tendue par cette approche. Il restera ensuite, à démontrer la
véracité de cette conjecture.
Au collège, on utilise principalement un raisonnement déductif, par l’absurde, par
disjonction des cas et par contre-exemple.
1. Source : Luc Tiennot, Savoirs didactiques et analyse des programmes de mathématiques.
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3.1 Quelques précisions « logiques »
non : la négation.
En mathématiques, on se situe dans le cadre d’une logique à deux valeurs : une proposition P est soit vraie, soit fausse. On note « non P » la négation de la proposition
P, c’est-à-dire la proposition qui est vraie quand P est fausse et fausse quand P est
vraie.
et : la conjonction.
Lorsqu’on a deux propositions P ; Q, on peut former la proposition (P et Q).
Celle-ci est vraie lorsque les deux propositions sont vraies en même temps.
ou : la disjonction logique.
Lorsqu’on a deux propositions P ; Q, on peut former la proposition (P ou Q).
Celle-ci est vraie lorsque l’une au moins des deux propositions est vraie.
Attention : dans le langage courant, le « ou » est exclusif alors que le « ou » mathématique est par défaut non exclusif.
Par exemple, si l’on demande à une femme qui vient d’accoucher « Est-ce une fille
ou un garçon ? », la réponse de la mère sera soit « C’est une fille » soit « C’est un
garçon » alors que la réponse de la mathématicienne sera « oui ! ».
⇒ : l’implication.
On peut considérer que les phrases suivantes ont le même sens :
• P ⇒ Q;
• P implique Q ;
• Si P alors Q ;
• Si la proposition P est vraie, alors la proposition Q est vraie.
3.2 Raisonnement direct, déductif
Raisonnement 1.
Soit deux assertions P et Q. On veut montrer que l’assertion (P ⇒ Q) est
vraie. Il suffit donc de se placer dans le cas où P est vraie et montrer qu’alors
Q est vraie également.
Il s’agit du raisonnement classique où l’on utilise les propriétés, théorèmes connus
(règles d’inférence). Il met en jeu des compétences spécifiques comme la reconnaissance et le tri de données, le lien entre ces données, les connaissances et la déduction
à établir.
Exemple 2
ABC est un triangle quelconque et I est le milieu de [BC].
Tracer la droite parallèle à (AC) passant par I, elle coupe la droite (AB) en D.
Tracer la droite parallèle à (BC) passant par D, elle coupe la droite (AC) en E.
Démontrer que E est le milieu du segment [AC].
A
E
D
B
I
C Il suffit d’appliquer deux fois le théorème de la droite des milieux.
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3.3 Raisonnement par l’absurde
Raisonnement 3.
Pour démontrer qu’une proposition P est vraie, on peut supposer que P est
fausse puis on en déduit une contradiction.
Une assertion est soit vraie, soit fausse ; elle ne peut être les deux à la fois. Montrer
qu’une assertion P est vraie est donc équivalent à montrer que l’assertion (non P)
est fausse. Le raisonnement par l’absurde consiste à supposer que (non P) est une
assertion vraie et à trouver une contradiction.
A
Exemple 4
Le quadrilatère ABCD est-il un trapèze ?
On peut supposer que les droites (AB) et (DC) et utiliser
la propriété de Thalès pour aboutir à une contradiction.
B
4,1
13,5
O
8,2
6,7
D
C
3.4 Raisonnement par disjonction des cas
Raisonnement 5.
Pour démontrer qu’une propriété est vraie pour tout élément d’un ensemble
E, on peut démontrer successivement que cette propriété est vraie pour les
éléments de sous-ensembles disjoints de E dont la réunion est E.
Exemple 6
Démontrer le théorème de l’angle inscrit : « Dans tout cercle, tout angle inscrit est égal à la
moitié de l’angle au centre qui intercepte le même arc que l’angle inscrit ».
On considère les trois cas selon la position du centre du cercle par rapport aux côtés de l’angle
inscrit : le centre est situé sur un des côtés de l’angle inscrit ; le centre est situé entre les
deux côtés de l’angle inscrit ; le centre n’est pas situé entre les deux côtés de l’angle inscrit.
3.5 Raisonnement par contre-exemple
Raisonnement 7.
Si l’on veut montrer qu’une assertion du type (pour tout x ∈ E, P(x)) est
vraie alors pour chaque x de E, il faut montrer que P(x) est vraie.
Par contre, pour montrer que cette assertion est fausse, il suffit de trouver
un x ∈ E tel que P(x) soit fausse (il s’agit d’un contre-exemple).
Exemple 8
Les assertions suivantes sont-elles vraies ou fausses ?
• Deux rectangles de même périmètre ont aussi la même aire.
• Deux rectangles de même aire ont aussi le même périmètre.
Il suffit de trouver un contre-exemple à chacune des assertions.
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4 Les erreurs dans la démonstration
Les erreurs et les obstacles rencontrés dans l’apprentissage de la démonstration en
géométrie sont directement liées à leur cause. Jean Pierre Muller, de l’IREM de
Reims distingue cinq causes possibles détaillés ci-dessous. 2
Le statut de la figure :
Qu’est-ce qu’une figure géométrique ? Difficile d’en donner une définition précise, on
parle plus de la relation entre figure, dessin, schéma, représentation. Une figure sert
à raisonner, et le tracé visible n’est que le représentant d’un objet abstrait.
Tout d’abord, la lecture de figure n’est pas une activité naturelle puisqu’elle nécessite un décodage, ce qui sous-entend apprentissage. Ensuite, la lecture d’une figure
n’implique pas un ordre de saisie déterminé des propriétés : la prise d’informations
peut faire émerger des propriétés dans des ordres divers.
Lors de la résolution d’un problème, les difficultés dues à la figure se situent à deux
niveaux :
— la réalisation d’une figure lisible va conditionner en grande partie la réussite ;
— la lecture de cette figure dépend du niveau de connaissances du lecteur.
Tout au long de la scolarité des élèves, le statut de la figure évolue : jusqu’en début
de cinquième la figure a un statut de preuve. La reconnaissance visuelle des objets
suffit pour démontrer. En quatrième ce statut change complètement ; la figure géométrique ne doit plus être considérée comme une preuve ou comme la représentation
de la réalité mais comme la représentation d’un modèle mathématique.
Le discours consistant à dire qu’une figure ne sert pas pour démontrer, serait dommageable car en réalité la figure est une étape très importante dans la démonstration
puisqu’elle est intervient systématiquement dans l’approche de la résolution de problèmes et c’est elle qui donne l’idée du cheminement de la preuve.
Les illusions et le problème des mesures :
On peut commettre des erreurs en ayant une vision du problème faussée par une
figure particulière ou une illusion d’optique. Une autre source d’erreurs est la mesure
sur la figure avec un instrument (règle, compas, rapporteur).
Dans les deux cas, on a tendance à utiliser des hypothèses supplémentaires lues ou
mesurées sur la figure, introduisant ainsi des erreurs dans la solution.
Les règles du contrat didactique :
Le contrat didactique contient une grande part d’implicite. Certaines erreurs sont
dues à une non-appropriation des règles spécifiques à une activité donnée : on ne
comprend pas ce que l’on attend de nous.
Or, la démonstration en géométrie est une activité complexe soumise à certaines
règles qui ne sont absolument pas évidentes pour certaines personnes :
— tri des informations de l’énoncé (dégager les données qui apparaissent sous
diverses formes : textes, figures, codages,. . .) ;
— mobilisation et utilisations des outils mathématiques (définitions, théorèmes,
propriétés) appropriés ;
— articulation logique de ces objets : « chaînon déductif » ;
— multiplicité des tâches à gérer simultanément (faire une figure, dégager les
données de l’énoncé, rechercher les « bonnes » propriétés, trouver un schéma
de résolution, rédiger la réponse).
2. http://www.univ-irem.fr/reperes/articles/15_article_98.pdf
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La difficulté de mobiliser les connaissances :
Devant un problème de géométrie, une des difficultés rencontrées est de « savoir quoi
faire ? ». Quelle(s) connaissance(s) doit-on utiliser pour résoudre tel problème ?
On peut avoir des difficultés à trouver dans l’énoncé les indices qui conduisent à
utiliser la « bonne propriété ».
Les obstacles linguistiques :
— Les mots pièges : les énoncés d’un problème de géométrie sont, en général, complexes tant grammaticalement qu’au niveau du vocabulaire employé
(certains mots ont deux sens différents en mathématiques et dans le langage
courant, on a vu précédemment les sens du « ou »).
— Les mots d’articulation : le recours systématique à « donc » en géométrie
peut être dangereux.
Le mot « soit » en mathématiques peut être utilisé dans différents sens. Dans
les énoncés, on peut lire : « Soit ABC un triangle. . . » ; on peut trouver aussi :
« Soit H le pied de la hauteur issue de A » ; il a ici un statut de notation
d’un élément déterminé dont on connaît l’existence. Ce mot peut également
désigner la conjonction de coordination, comme dans « La droite (D) coupe
soit le côté [AC], soit le côté [AB]. »
— Les expressions complexes : par exemple, « Construire la perpendiculaire
à la droite (d) en A. » . . .
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