Laser Mégajoule - Université Paris

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Fusion par confinement inertiel et LMJ
G. Bonnaud – mars 2014
La fusion thermonucléaire
La fusion thermonucléaire est la source d'énergie de notre soleil et des étoiles. Ce qui la caractérise c'est sa
grande énergie spécifique. Pour le schéma électrogène poursuivi actuellement fusionnant deux isotopes de
l'hydrogène deutérium ( D) et du tritium ( T), la réaction nucléaire exoénergétique :
D+ + T+ → He2+ + n
apporte 1014 J/kg, soit 8 fois plus d'énergie que la fission de l'uranium et entre 106 à 107 fois plus d'énergie
que les combustibles fossiles. La raison en est dans l'énergie de liaison (binding energy) des noyaux (nuclei),
de l'ordre du MeV (en raison de la force nucléaire) à comparer à l'eV mis en jeu dans le cortège électronique
périphérique d'un atome (due à la force électromagnétique). Aussi depuis le XXe siècle, l'humanité cherche à
créer artificiellement sur terre des conditions favorables à ces réactions de fusion puis à les contrôler pour en
extraire de l'énergie exploitable pour toutes les activités humaines, sous forme d'électricité ou de chaleur.
Les noyaux d'hélium (appelés aussi particules α avec 3.5 MeV d'énergie cinétique) maintiennent le milieu
fusible à température de quelques 107 K ; les neutrons (de 14.1 MeV) quittent ce milieu pour se ralentir dans
un liquide caloporteur utilisé ensuite dans un générateur de vapeur d'eau comme dans les centrales
thermiques actuelles, qu'elles soient à flamme ou bien nucléaires. Les neutrons sont donc les porteurs de
l'énergie exploitable. Les conditions propices aux réactions de fusion obligent à gérer un milieu matériel très
chaud et donc très ionisé, que l'on appelle plasma. Un tel plasma ne peut rentrer en contact avec la matière
solide sous peine de la volatiliser. Dans la mesure où l'on peut maintenir de façon stable un plasma loin des
parois, par des champs magnétiques, une production continue est envisageable : c'est la voie de la fusion par
confinement magnétique (FCM ou MCF = magnetic confinement fusion). Si rien n'est fait pour confiner le
plasma, cette fourniture continue d'énergie ne le sera qu'en moyenne et en réalité la production d'énergie
consistera en une répétition, à quelques Hz, de micro-explosions nucléaires indépendantes de petites capsules
renfermant le mélange DT : c'est la voie de la FCI.
En FCI, chaque explosion est induite par l'apport rapide d'un grande quantité d'énergie, plus précisément une
puissance de l'ordre du petawatt (1015 W) que seuls des lasers peuvent actuellement fournir. Ce cours s'en
tiendra donc à la seule FCI induite par laser (laser-driven fusion). La FCI est donc un système
fondamentalement impulsionnel et tout ce qui est discuté par la suite porte sur l'identification, la
compréhension et le contrôle de processus présents lors d'une seule de ses micro-explosions. Une telle microexplosion a bel et bien eu lieu, lors d'expériences souterraines réalisées sur le site du Nevada entre 1978 et
1988 dans le programme Centurion/Halite, menées respectivement par les laboratoires américains Lawrence
Livermore et Los Alamos National Laboratory (LLNL en Californie et LANL au Nouveau-Mexique, USA) :
par le rayonnement X généré par une charge nucléaire, 10 MJ d'énergie ont pu être apportés sur cible. Cette
preuve faite, le défi est maintenant de réaliser cette micro-explosion de manière moins souterraine et avec
des sources d'énergie non nucléaires. Ce défi constitue un horizon à court terme, dans la mesure où deux
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installations de par le monde sont actuellement en finalisation ou en construction, avec le NIF (National
Ignition Facility) au LLNL et le LMJ (laser mégajoule) au CEA en France. Leurs premiers tirs laser de
quelques 106 joules réalisant l'allumage thermonucléaire de micro-capsules sont prévus au cours de cette
décennie. A citer également le projet européen HIPER qui a démarré en 2007 et qui vise à étudier la
faisabilité d'un réacteur à fusion inertielle avec une approche d'allumage rapide.
Les laboratoires qui ont travaillé ou travaillent expérimentalement de par le monde actuellement sur la FCI
se trouvent aux USA, en Russie, au Japon, en Chine et en Europe (France, Angleterre, Italie, Allemagne,
Espagne, République tchèque). A ce jour, la plus grosse installation dédiée à la FCI est implantée au LLNL.
Un exemple proche : le soleil
La masse du soleil permet de confiner gravitationnellement une énorme sphère et d'y maintenir les réactions
de fusion nucléaire en son cœur, où la température est estimée à 1.5 107 K, et sa densité à 150 g/cm3. Les
modèles indiquent que les réactions sont essentiellement des fusions proton-proton, le cycle du carbone
n’apportant que 2 % de l’énergie libérée. L’hydrogène qui, à la surface, représente 71 % de la masse, est
réduit dans le cœur à 34 % de par sa transformation en hélium. Les rayons γ et les particules rapides émis par
les réactions sont immédiatement réabsorbés et sont à l’origine du flux de chaleur qui se propage vers
l’extérieur de l’étoile par une infinité d’émissions et d’absorptions de photons. Dans la zone radiative qui est
dense (7 g/cm3), leur parcours (range) vaut 1 cm ; de ce fait, environ 10 millions d’années sont nécessaires à
transporter vers la surface l’énergie libérée par ce rayonnement. Un autre mode de transport de l’énergie, le
transport convectif, prend le relais du transport radiatif à environ 0.2 rayon solaire sous la photosphère : des
mouvements verticaux à grande échelle se développent et transportent plus efficacement la chaleur vers le
haut, induisant une signature visible, sous forme de granulation photosphérique à la surface du Soleil.
Énergie et sécurité
Un aspect important de la fusion se trouve dans sa sécurité intrinsèque. La divergence d'un réacteur, comme
lors de l'accident de la centrale nucléaire de Tchernobyl (Ukraine) en 1986, est impossible. L'inventaire de
combustible nucléaire (fuel) D et T est en effet très limité, car injecté en flux continu. Un arrêt d'urgence
couperait l'alimentation de combustible : en fusion magnétique, le combustible déjà dans la chambre ne
brulerait que quelques minutes ; pour la fusion inertielle, seule une micro-capsule imploserait, limitant
naturellement l'énergie libérée.
Comparé à un réacteur à fission, un réacteur à fusion se caractérisera par l'absence de produits radioactifs et
d'actinides. Cependant, deux points négatifs sont à souligner : dans les éléments initiaux, le tritium est un
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émetteur β (= électrons) de demi-vie de 12 ans. Pour un réacteur de 1 GW électrique, les besoins horaires
sont : 14 g D (extraits de 420 kg d'eau naturelle) + 21 g T (produits par 42 g de 6Li présents dans 570 kg de
minerai de Li naturel). La production horaire est alors de 56 g d'He, conduisant à un inventaire de 500 g de
tritium/jour. Dans les éléments finaux, les neutrons de fusion vont en se ralentissant dans les structures
métalliques environnant le plasma activer des noyaux, les transformant en noyaux radioactifs.
Pour corriger en partie ces deux points négatifs, il est envisagé d'entourer le plasma par une couverture
tritigène (breeding blanket), constituée de lithium, élément non radioactif. Irradié par des neutrons, le lithium
produit sur place du tritium, qui ensuite peut être extrait pour alimenter le réacteur, et en même temps peut
récupérer l'énergie cinétique des neutrons, en tant que caloporteur (coolant) primaire.
Les contraintes sur les vecteurs d'énergie (energy drivers) souhaités en FCI sont sévères. Pour un réacteur, un
gain de 100 entre l'énergie apportée à la micro-capsule et l'énergie de fusion impose 10 MJ d'énergie laser,
un rendement de conversion d'énergie électrique en photonique de 10%, des impulsions de quelques ns, des
impulsions profilées de manière particulière en temps, des longueurs d'onde entre 0.3 et 0.5 µm, un taux de
répétition de 10 Hz. Par leur grande densité volumique d'énergie accumulable en inversion de population, les
amplificateurs solides et plus spécifiquement les verres dopés au néodyme (60Nd) sont préférés. Mais le
passage d'un faisceau laser y induit des contraintes thermiques et donc de l'autofocalisation (self-focusing)
empêchant de tirer à haute cadence (repetition rate ; 1 tir/dizaines de min).
Historique
C'est vers 1950 dans un cadre classifié à Los Alamos qu'Edward Teller a établi les bases de la fusion
nucléaire comme source d'énergie. En 1960, le laser est inventé ; sa puissance grimpe rapidement via
différentes méthodes de déclenchement, permettant en 1963 à Basov et Krokhin de publier leur idée d'utiliser
des lasers pour fusionner un mélange DT. En éclairant par laser des cibles deutérées, les premiers neutrons
de fusion créés sont détectés en 1968 par Basov et al à l'institut Lebedev de Moscou et Floux et al au
CEA/Limeil. Puis vers 1972 John Nuckolls suggère le laser pour, à la fois, comprimer à des densités très au
dessus de la densité du solide et allumer des micro-capsules de DT. En 1977, ce concept est démontré au
laboratory for laser Energetics de l'université de Rochester (USA).
La puissance maximale des lasers est restée autour du terawatt de 1970 jusqu'en 1990, date à laquelle G.
Mourou à Rochester a proposé une technique de compression temporelle de l'impulsion laser : avant
introduction dans une chaîne d'amplification laser traditionnelle, une impulsion brève se voit donner une
dérive temporelle de fréquence (frequency chirp ; l'avant de l'impulsion est bleuie et l'arrière rougie) et étalée
temporellement avec un disperseur à réseau (grating-based stretcher). Après amplification, un second
disperseur (compressor) rassemble en une durée environ 1 000 fois plus petite l'ensemble de l'énergie à
disposition, rendant maintenant le petawatt accessible. Dès 1992, des physiciens du LLNL ont proposée
d'utiliser une telle impulsion véhiculant 10 kJ d'énergie en complément de l'impulsion laser nanoseconde,
pour fonder le scénario de l'allumage rapide (fast ignition), qui est au scénario traditionnel ce qu'est un
moteur à essence par rapport au moteur diesel. Dans le schéma traditionnel (resp. moteur diesel), le laser
(resp. le piston) comprime, chauffe et allume le combustible au delà d'une très forte pression ; dans
l'allumage rapide (resp. moteur à essence), le laser nanoseconde (resp. le piston) comprime moins fortement
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le combustible et c'est l'impulsion picoseconde (resp. l'étincelle de la bougie) qui vient allumer le mélange.
Des expériences de validation de ce scénario combinant laser nanoseconde de quelques dizaines de kJ et un
laser picoseconde de quelques kJ sont en cours..
Unités et références
Tout contexte dont la FCI a ses propres références, en terme de grandeurs (quantities) et d'unités (units). Il
est utile de les rapporter à des grandeurs de référence microscopiques extraites des constantes fondamentales
ci-dessous et à d'autres contextes.
Dimension
Grandeur
Expression
Constante de structure fine
αf =
rayon classique de l'électron
re =
rayon de l'orbite de Bohr
rB =
Période de rotation d'un électron sur l'orbite de Bohr
TB =
=
= 2.8 10-15 m
Distance
Temps
Energie
Puissance
Rydberg
= énergie de l'électron dans l'atome d'hydrogène
Puissance Compton
= 5.3 10-11 m
= 7.6 10-17 s
Ry = α2 mec2 = 13.6 eV
PC =
= 8.71 109 W
Nous donnons maintenant fournir des ordres de grandeur (orders of magnitude) pour les grandeurs les plus
constamment employées en FCI.
Un rayonnement laser (laser radiation), par essence monochromatique, très souvent impulsionnel se
caractérise par une longueur d'onde (wavelength), une énergie (energy), une durée d'impulsion (pulse
duration), une puissance (power). Focalisé (focussed) sur une cible, il s'évalue en termes d'éclairement
(irradiance). Analysons chacune de ces grandeurs.
Temps : la première caractéristique d'un laser est sa longueur d'onde. Elle est donnée implicitement dans le
vide (elle est différente dans un matériau, en raison de l'indice optique). On en tire une donnée indépendante
du matériau, la pulsation (radial frequency) ω0 du rayonnement par ω0 = 2πc/λ0 ou encore la fréquence ν0 =
ω /2π. Ou bien encore la période T0 = 1/ν0 d'un cycle, qui s'écrit T0 (s) = 3 10-15 λ0 (µm). Les lasers
0
conventionnels étant dans la gamme optique, un ordre de grandeur de λ0 est 1 µm, ce qui donne une période
T0 comparable à la période de Bohr T0/TB ≈ 40. Les impulsions laser utilisées en FCI sont d'environ durée
10-9 s, ce qui correspond à 30 cm de cavité laser parcourue à la vitesse c, et contiennent environ 106 périodes
laser. La période laser est donc très petite devant la durée de l'impulsion laser.
Énergie-puissance : les lasers qui nous intéressent fournissent (ou fourniront dans la configuration
d'allumage) un ou plusieurs faisceaux totalisant 103 à 106 J. Confinées en une impulsion de 1 nanoseconde,
ces énergies conduisent à des puissances maximales de 1012 à 1015 W. Très largement au dessus de la
puissance Compton (donnée ci-dessus) qui est grossièrement la puissance au dessus de laquelle des
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phénomènes d'autofocalisation apparaissent dans les plasmas. Sachant que ces impulsions ont des faibles
fréquences de répétition (1 tir/10 minutes), la puissance moyennée sur une journée s'étale entre 2 W et 2 kW,
seulement. Retenons d'autres ordres de grandeurs : 109-10 W pour un éclair d'orage (le champ électrique sous
nuage orageux est d'environ 20 kV/m, donnant une ddp nuage-sol de 100 MV. En moyenne, un éclair
transporte 5 C donc une énergie 100 MV x 5 C = 500 MJ. Pour une durée moyenne de 0.025 s, on trouve 20
GW), 1.3 109 W pour la puissance moyenne d'une tranche de centrale nucléaire française, 5 109 W pour 1 kg
d'explosif, 1.7 1017 W pour la puissance du rayonnement solaire reçue par la terre.
Eclairement et champ électrique : considérons la focalisation d'un faisceau laser. Elle est conditionnée par le
front de phase du faisceau sortant de la chaîne d'amplification laser et la qualité de la focalisation. Dans le
cas idéal d'un front de phase plan et d'une optique sans aberrations, la puissance laser se retrouve concentrée
dans une tache focale dont la dimension vaut λ0 F/∅, F désignant la longueur focale et ∅ le diamètre de
l'optique de focalisation (le rapport F/∅ est appelé nombre d'ouverture = f-number). Cette dimension
minimale correspond à une limite imposée par la diffraction. Avec un diamètre de 100 µm, usuel pour les
expériences de FCI, une puissance de 1 TW conduit à une densité surfacique de puissance (appelée
éclairement ou irradiance ou encore abusivement intensity) de 1016 W/cm2. Pour la FCI, l'éclairement moyen
usuel se situe dans l'intervalle [1014-1016] W/cm2.
L'éclairement est associé au champ électrique. En effet, c'est le flux moyenné sur une période laser de la
densité volumique d'énergie électrique et magnétique de l'onde laser. Circulant à c, d'une part, et l'induction
magnétique étant reliée au champ électrique par la relation B = E/c dans le vide, d'autre part, on trouve que
l'éclairement s'écrit I0 = cε0E /2 avec E0 l'amplitude maximale du champ électrique (on a supposé ici que
l'onde a une polarisation linéaire), donnant la relation :
E0(V/m) = 2.74 103
Erreur !
Considérons un champ fondamental, celui ressenti par l'électron sur l'orbite de Bohr (de rayon rB = 5 10-10 m)
: EB = e/(4πε0r ) = 5.1 1011 V/m. Un champ laser supérieur à cette valeur soit E0 ≥ EB conduit à l'ionisation
de l'hydrogène et correspond aux forts éclairements I0 ≥ 3 1016 W/cm2.
Donnons quelques repères pour les éclairements. Considérons en premier lieu le mouvement non relativiste
oscillant d'un électron dans le champ électrique de l'onde laser ; l'amplitude de sa vitesse dans le plan du
champ électrique s'écrit v0 = eE0/(meω0). L'égalité formelle v0 = c conduit à l'éclairement I0 (W/cm2) = 1.3
1018/λ (µm). Au delà de cette limite, les électrons ont une dynamique relativiste. L'éclairement laser jamais
dépassé à ce jour est 1021 W/cm2 sous forme d'impulsions laser de 10-12 s. Comme autre référence, un corps
noir de 1 keV de température émet une radiance de 1017 W/cm2 (on parle de radiance pour une source et
d'éclairement pour une cible). Ci-dessous, une abaque précisant les différents domaines d'utilisation
industrielle ou scientifique des lasers :
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Énergie spécifique : la fusion nucléaire est une source d'énergie parmi d'autres. Une comparaison saine se
fonde sur la notion d'énergie spécifique que l'on mesure en J/kg.
• Par équivalence masse-énergie, l'annihilation de la matière conduit à mc2/m = c2 = 9 1016 J/kg.
• Une liaison nucléaire est de l'ordre du MeV/nucléon, soit rapportée à la masse d'un nucléon 1014 J/kg.
• La fission de l'U naturel (sachant que seul 0.7 % présent est de 235U fissile) donne 4 1011 J/kg.
• Un isomère nucléaire 180mTm se caractérise par 4 109 J/kg.
• L'énergie chimique (combustible lent comme le charbon, explosif) joue sur des énergies de liaison de
l'ordre de 1 eV, soit pour des matières organiques environ 107 J/kg.
• L'énergie latente de fusion de l'eau est à 3 105 J/kg.
• L'énergie hydraulique associée à l'énergie potentielle d'une masse d'eau conduit à une énergie spécifique
gh (g étant l'accélération gravitationnelle terrestre et h la hauteur), soit 104 J/kg au maximum pour une
hauteur h = 1000 m, maximum utilisable dans des conduites forcées sur terre.
Manipulant la force nucléaire forte, la fusion nucléaire a donc cette particularité d'être une source
extrêmement concentrée en énergie.
Densité volumique : autre grandeur très utilisée, la densité volumique de particules. A partir des constantes
fondamentales, on peut extraire une densité : une mole d'atomes de nombre atomique A a la masse NavAmp =
A (en grammes). Supposons que les atomes se touchent et qu'ils s'inscrivent tous dans un volume élémentaire
de côté 2 Å = 4rB, la densité volumique d'atomes vaut nat = 1/(4rB)3 = 1023 cm-3. Cet ordre de grandeur
correspond aux densités maximales des corps purs montrées dans l'abaque ci-dessous :
Sur terre, dans les conditions normales de température et de pression, on sait qu'un gaz a un volume molaire
Vm = 0.022 m3, soit une densité d'atomes NAv/Vm = 2.7 1019 atomes/cm3 (nombre de Loschmidt). Faire le
vide sur terre est une action délicate : un vide poussé est à 10-10 de la pression atmosphérique, soit 109
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atomes/cm3. Il faut savoir que dans un plasma de tokamak la densité volumique est de 1014 atomes/cm3. Hors
de cette terre, des conditions beaucoup plus variées se rencontrent : le vent solaire a une densité de 5
électrons/cm3, le cœur du soleil 7 1025 électrons/cm3, alors que la photosphère visible dans le domaine
optique et située à la surface de la boule solaire a une densité de 6 1017 cm-3.
Pression : la pression de radiation moyenne p0 d'une onde électromagnétique s'écrit p0 = ε0E /2 donnant
p0(bar) = 3.3 108 I0/1018 avec I0 (W/cm2). Pour rappel, la pression atmosphérique est en moyenne 105 Pa = 1
bar = 10 N/cm2 = 105 J/m3, la dernière égalité nous rappelant que la pression est une densité volumique
d'énergie. Elle n'est rien d'autre que le produit natKT, avec T = 300 K, nat = nombre de Loschmidt (= nombre
Avogadro/volume molaire) = 2.7 1019 cm-3. Cherchons une pression à partir des constantes fondamentales :
on peut choisir la pression de Bohr : pB = ERy/r = 2.9 108 bar. La pression au centre du soleil est de 3 1011
bar ; c'est la pression que l'on souhaite atteindre dans le DT chaud afin d'allumer les réactions
thermonucléaires. La pression au centre de la terre vaut 3.6 106 bar ; c'est l'ordre de grandeur de la pression
du plasma entourant la coquille de DT. Pour compléter l'échelle des pressions, rajoutons la gamme de
variations de pression dans laquelle travaille l'oreille humaine, à savoir [2 10-10, 6.3 10-4] bar depuis le seuil
d'audibilité jusqu'au seuil de douleur.
Le scénario de la FCI
Laser
L'aventure actuelle de la FCI se fonde sur les lasers. Les différents lasers de puissance utilisés à fin de FCI
dans un proche passé ou avenir dans le monde sont rassemblés dans le tableau ci-dessous. Tous ces lasers
sont des lasers à verre dopés au Néodyme et délivrent la longueur d'onde 1.05 µm. Les rendements habituels
de ces lasers sont de 0.2 % ; la génération des lasers LIL, NIF et LMJ a des rendements de l'ordre de 1 %.
Ces lasers fonctionnent à faible cadence : un tir au plus toutes les 20 minutes au delà du kJ. Des programmes
sont menés en parallèle visant à mettre au point un laser permettant de fournir 10 kJ/impulsion de façon
stable à cadence de 10 Hz, qui est la cadence requise par les installations à FCI pour produire une puissance
de l'ordre du GW. Cet objectif est loin d'être atteint, la meilleure performance du programme Mercury aux
USA étant de 0.5 kJ.
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Nom laser
Nova (≤ 2000)
NIF (≥ 2009)
OMEGA
TRIDENT
Gekko XII
Vulcan
LULI
Phébus (≤ 1999)
LIL (≥ 2004)
LMJ (≥ 2014)
Shenguang-II
Iskra-5
Shenguang-III (≥ 2010)
Laboratoire
Lawrence Livermore National lab (USA)
Lawrence Livermore National lab (USA)
Université de Rochester (USA)
Los Alamos National Lab (USA)
Université d'Osaka (Japon)
Rutherford Appleton lab (Gr. Bretagne)
École Polytechnique (France)
CEA Limeil (France)
CEA Cesta (France)
CEA Cesta (France)
Mianyang (Chine)
Arzamas (Russie)
Mianyang (Chine)
GB
Énergie (kJ)
70
3 450
80
0.5
30
1.8
0.7
14
70
4 300
6
12
400
Nb faisceaux
10
192
60
2
12
6
6
2
4
240
8
12
64
Cible
La cible (target) consiste en un combustible nucléaire placé dans un microballon sphérique, ayant une fine
enveloppe de plastique. Les performances souhaitées conditionnent les dimensions de la cible. Dans un des
schémas d'allumage, le microballon est structuré selon le schéma ci-dessous :
Le DT solide (DT ice) est déposé sur la paroi interne de la coquille (shell) en une couche fine, dont
l'épaisseur (thickness) doit être constante à 10-4 près. On appelle rapport d'aspect (aspect ratio) le rapport
R/ΔR du rayon de la coquille à son épaisseur ; c'est un paramètre extrêmement important qui conditionne le
comportement de la cible et son optimisation vers une fusion efficace. L'utilisation de DT solide oblige à
maintenir une cible à très basse température voisine de 20 K, par des dispositifs de support de cible
cryogéniques maintenant l'uniformité en température de la couche de DT à mieux que 0.07 K !
Irradiation laser
Dans l'attaque directe (direct drive), les faisceaux laser sont focalisés sur la surface du microballon, de façon
à assurer un recouvrement le plus uniforme possible de la surface avec l'énergie incidente. Dans l'attaque
indirecte (indirect drive), le microballon est placé dans une cavité cylindrique (hohlraum) percée de deux
trous à ses extrémités par où passent les faisceaux, disposés sur un ensemble 6 couronnes et focalisés sur la
paroi interne (wall). Le dépôt d'énergie ne présente pas de symétrie sphérique : les lasers se répartissent
suivant plusieurs couronnes d'axe de révolution confondu avec l'axe du cylindre que constitue l'enceinte (cf.
dessin ci-dessous). Les parois de la cavité sont en or et convertissent l'énergie laser en rayonnement X mou
(température de corps noir de 0.3 keV ; rendement laser - rayonnement X ≈ 60 %). La cible n'est soumis qu'à
ce rayonnement X très uniforme dans la cavité.
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Le succès de l'opération réside
dans la compression sphérique du microballon, qui requiert
la symétrie
n ee 2
1
ne
ne
1021
sphérique du rayonnement incident, à tout instant de l'impulsion. Dans l'attaque directe, les énergies laser
doivent être équilibrées à 1 % près. En attaque indirecte, la cavité fait office de four et le rayonnement X
attaque le microballon de façon plus uniforme. Actuellement, c'est la voie la plus avancée pour atteindre les
meilleurs résultats.
Le choix de la longueur d'onde laser a été posé à la fin des années 1970, où des expériences d'absorption ont
montré l'intérêt à utiliser de courtes longueurs d'onde. Les lasers à CO2 de rendement intéressant (10 %) mais
amplifiant une longueur d'onde 10.6 µm ont ainsi été abandonnés. La technologie laser s'est orienté vers les
lasers à verre dopés au Néodyme, qui émettent à 1 µm. Par des coupleurs assurant une conversion nonlinéaire de fréquence, ce rayonnement infrarouge a été doublé en fréquence (couleur verte) et même triplé
(proche UV), voire quadruplé. Les rendements de conversion baissant, un compromis a été trouvé autour du
triplement de fréquence, assurant sur cible une longueur d'onde 0.35 µm avec un rendement de 50 % environ.
Absorption - ablation
Plaçons nous dans le schéma d'attaque directe pour simplifier la présentation, avec un éclairement laser
uniforme de la surface de la cible d'environ 100 TW/cm2. Rapidement (picoseconde), la surface est ionisée,
les électrons chauffés à des températures de l'ordre de 107 K, soit 1 keV d'énergie thermique (KT avec K la
constante de Boltzmann), entrainant les ions dans une détente dans le vide (plasma blowoff).
Or un plasma n'est transparent à une onde de longueur d'onde λ0 dans le vide (donc de pulsation ω0 = 2πc/λ0)
que si la pulsation plasma caractéristique du plasma ωpe est plus petite que ω0, soit :
La partie solide de la cible (plastique, DT cryogénique) conduit après ionisation à une densité supérieure à
1022 cm-3, donc plus grande que la densité critique nc (critical density) définie ci-dessus. Cela signifie qu'un
faisceau sortant de la chaîne laser avant ou après triplement de fréquence (0.35 µm) ne peut traverser la cible
et qu'il sera réfléchi quelque part dans le plasma détendu au devant de la cible. La zone de plasma où la
densité électronique est inférieure à nc (plasma sous-critique ou underdense plasma) est traditionnellement
appelée couronne (corona). Les électrons situés grossièrement entre 0.1 nc et nc vont partiellement absorber
l'énergie laser puis, sur une échelle de temps de l'ordre de la picoseconde, s'échanger entre eux leur énergie et
se thermaliser en une maxwellienne de 1 keV environ. Cette énergie thermique va servir à plusieurs choses :
• En tirant électriquement les ions, ils vont détendre la plasma dans le vide : la chaleur électronique
(mouvement électronique désordonné) est alors transformée en mouvement radial centrifuge.
⎛ ⎞
⎜ ⎟
⎜ ⎟
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• Par conduction thermique l'énergie électronique va être véhiculée vers les zones plus denses de la cible,
qui sont opaques au rayonnement laser.
• En collisionnant avec les ions, les électrons vont chauffer ces ions, sur une échelle de temps de l'ordre de
la nanoseconde, en raison du grand rapport des masses ionique à électronique mi/me.
L'ablation de la partie la plus externe de la cible, sous forme d'un plasma de faible densité et chaud fuyant à
une vitesse de l'ordre de 5 105 m/s, joue un rôle similaire aux gaz brûlés d'une fusée (rocket-like blow-off). En
réaction, l'intérieur de la cible se voit comprimé. Ce n'est pas la pression de radiation qui pousse la cible,
cette pression ne valant que 0.3 Mbar à 1015 W/cm2 mais la pression d'ablation de l'ordre de 10 Mbar. La
cible n'est donc comprimée qu'indirectement par le laser, via un ou des processus d'absorption permettant le
dépôt d'énergie laser dans le plasma. Le dessin ci-dessous montre les profils typiques de densité et de
température des différentes zones de la cible :
Compression
Cette phase est illustrée, ci-dessous à gauche, par le mouvement des interfaces de cellules renfermant
l'ensemble de la matière de la cible (là où la matière est dense, les cellules ont été choisies plus reserrées). La
partie externe de la cible (l'ablateur) se détend. Au début de l'implosion du microballon, la pression d'ablation
de 1 Mbar environ lance une onde de choc centripète, qui se propage en avant du front d'ablation et accroît la
densité et la température du combustible. Le choc créé débouche sur la face interne du DT cryogénique vers
15 ns et la met en mouvement centripète. Le gaz est alors à une température de 1 eV.
Initialement solide et cryogénique, le DT est dégénéré (degenerate) avec pour pression pdeg (J/cm3) = 2.2 105
ρ avec ρ (g/cm3). Tant que la température du DT reste inférieure à la température dite de Fermi, le DT reste
5/3
dégénéré et sa pression est minimale de valeur pdeg. Pour atteindre de fortes densités, le rapport "pression
DT"/pdeg appelé paramètre d'isentropie doit être maintenu le plus bas possible (low adiabat implosion) et,
dans les différents concepts de cible, reste dans l'intervalle [1.5-4]. Suivant la 1e loi thermodynamique,
l'énergie Δε apportée au DT peut être augmentée par apport de chaleur et de travail, selon Δε = T ΔS - P ΔV
avec T la température, S l'entropie, p la pression et V le volume. A apport extérieur d'énergie donné, la
compression maximale (⏐ΔV⏐ maximal) doit être isentropique (ΔS = 0). Mais la compression rapide
souhaitée crée des ondes de choc, dont le résultat est de créer de l'entropie (ΔS > 0). Pour contourner ce
problème, une série d'ondes de chocs est créée en accroissant fortement la puissance laser incidente et en
profilant (pulse tailoring) cette croissance de façon à ce que les chocs successifs se retrouvent ensemble au
centre de la cible, recréant les conditions d'une compression isentropique. La pression d'ablation varie alors
suivant la loi d'échelle pa (Mbar) = 14 (I0/1014)2/3 λ -1/3 avec I0 (W/cm2) et λ (µm), pour atteindre 130 Mbar. A
0
0
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GB
20 ns, fin de l'impulsion laser, 90 % du plastique a été ablaté et 1.35 MJ a été absorbé. La cible a son rayon
divisé de moitié et sa vitesse d'implosion est de 3.5 105 m/s ≈ c/1000. Ce mouvement centripète (in-flight
phase) se poursuit jusqu'à ce que l'onde de choc atteigne le centre de la cible puis se réfléchisse et rentre en
contact avec la coquille en mouvement centripète.
Le DT suffisamment comprimé ralentissant la coquille, environ 2/3 de l'énergie cinétique de la coquille est
alors transformée en énergie interne d'une partie centrale du combustible ; 25 ns se sont écoulées, la densité
du DT est alors de 200 g/cm3 (= 1000 x densité DT solide) et la pression atteint plusieurs centaines de Gbar.
Le rendement hydrodynamique (hydrodynamic efficiency) qui est défini comme le rapport énergie cinétique
centripète/énergie laser absorbée n'est que de 15 %. Le rendement de couplage laser-cible donné par le
rapport énergie cinétique centripète/énergie laser incidente vaut, en attaque directe, le produit "efficacité
d'absorption" (60-80 %) x "rendement hydrodynamique" soit au total 9 à 13%. Ci-dessous, un scénario
d'allumage thermonucléaire avec, à gauche, la dynamique de la cible et, à droite, le point chaud obtenu
v
Ec
v
v
(simulation CEA/Limeil, 1990).
Allumage
La compression a donc deux fonctions : augmenter la densité et chauffer adiabatiquement l'intérieur de la
cible. Seul un noyau central du combustible est porté aux conditions d'allumage thermonucléaire : ρR ≈ 0.4
g/cm2 et T = 10 keV assurant que le libre parcours moyen (ou lpm ou mfp = mean free path) des particules α
soit inférieur au rayon de la cible DT. Autour de ce noyau central appelé point chaud (hot spot) une grande
masse de combustible plus dense et moins chaude, la pression ne variant que très peu sur l'ensemble du point
chaud et du combustible qui l'entoure : on parle de configuration isobare (isobaric model). Les particules
créées α ou n ont des vitesses très élevées. En considérant v/c << 1, nous avons :
⎛ ⎞
⎜ ⎟
Particules chargées, les α de 3.5
⎜ MeV⎟sont ralentis par collision avec des électrons qu’ils chauffent, ces
derniers chauffant ensuite les ions. Les temps caractéristiques de collisions α-e et e-i sont voisins, ce qui
⎜ ⎟
conduit à une dispersion très rapide du milieu. Les neutrons collisionnent peu avec le milieu et sortent du
⎜ ⎟
point chaud sans être ralentis. Il arrive alors que les conditions centrales permettent des réactions
⎜ Il y⎟a alors dégagement d'énergie et une onde de combustion prend place
thermonucléaires en grand nombre.
⎜ ⎟
⎜ ⎟
⎜ ⎟
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à la vitesse de 5 106 m/s. Le confinement et la combustion du fuel dure environ 50 ps. 1/3 du DT sera alors
brûlé. Une énergie de 100 MJ-1 GJ sera produite par le cœur de la cible.
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