Histoire des Arts Grec 3e Le traitement des vaincus en Grèce antique La capitulation de Mytilène (fin juin-début juillet 427) Thucydide, Guerre du Péloponnèse, livre III, extraits des chapitres 28 et 36 1) Le contexte politique Au Ve siècle avt JC, en Grèce, deux cités : Sparte et Athènes, se font la guerre pour obtenir l'hégémonie (= domination) sur les autres cités. Chacune dispose de cités alliées rassemblées en ligues. Le conflit, qui durera de 432 à 404 avt JC, est appelé la guerre du Péloponnèse. A l'issue de cette période, Athènes est écrasée et Sparte sort victorieuse. 2) La ligue de Délos La ligue de Délos, aussi appelée ligue athico-délienne, est une alliance de cités grecques, rassemblées sous la protection d'Athènes qui doit les protéger de la menace perse. Elle a été fondée en -476 et est centralisée sur l'île de Délos, qui y conserve le trésor. Au début, chaque cité donne de l'argent chaque année et les décisions sont prises en commun. Mais peu à peu, Athènes prend le dessus et les cités alliées doivent lui prêter allégeance, lui payer un tribut de 500 talents d'or par an et respecter ses fêtes. Si une cité ne respecte pas les règles, les Athéniens peuvent lui envoyer l'armée.Toute cité qui veut sortir de l'alliance est coupable de trahison. 3) Thucydide Thucydide est un historien athénien du Ve siècle avant JC (460-395) sur lequel on sait peu de choses, si ce n'est ce qu'il dit de lui dans ses textes. Il est présenté comme le fondateur de la méthode en histoire et le précurseur de l'histoire moderne. Il semble qu'il ait possédé des mines d'or en Thrace, ce qui lui procure une fortune suffisante pour vivre aisément. Il s'intéresse à la politique et est élu statège d'Athènes en -424 et suite à une défaite militaire (la prise d'Antipolis par Sparte), il est condamné à l'exil. Il restera loin d'Athènes pendant 20 ans, avant de pouvoir revenir suite à la loi d'amnistie de Lysandre. 4) L'histoire de la guerre du Péloponnèse Cet ouvrage historique, inachevé, est composé de huit livres qui relatent l'histoire d'Athènes de -431, date à laquelle la guerre éclate, jusqu'en -411, année de la révolution contre les Quatre Cents oligarques. Thucydide y développe les causes de la guerre, puis fait un récit détaillé des différentes phases du conflit. 5) Le but de Thucydide Thucydide a une vision très scientifique de l'histoire : pour lui, il s'agit de présenter les faits de telle manière que l'on puisse en tirer des leçons pour l'avenir. Son écriture est rigoureuse et ses sources fiables. Contraîrement à d'autres historiens, comme Hérodote, il ne se laisse pas dominer par des croyances religieuses, mais essaie de rester le plus objectif possible. Malgré ses origines athéniennes, Thucydide se montre par ailleurs très impartial dans son travail et ne prend parti pour aucun des deux camps. Son but est bien plus vaste : à travers le récit de cette guerre qui « bouleversa l'humanité toute entière », il veut montrer que le conflit, qui provoqua la décadence de la Grèce, trouve une résonnance dans l'avenir de l'Occident. 6) Présentation du texte La cité de Mytilène décide en -428 de quitter la ligue de Délos en raison de l'augmentation du phoros (= tribut) qu'elle juge insupportable. Elle tente d'entraîner d'autres cités avec elle et essaie de faire alliance avec la ligue du Péloponnèse, dirigée par Sparte. Les Athéniens, furieux, décident de faire un exemple de cette cité et de la punir durement. Dans cet extrait du livre III, on voit quel est le châtiment des Mytiléniens. 7) Le texte Les Mytiléniens se rendraient à la discrétion des Athéniens ; ils recevraient l'armée dans la ville et enverraient à Athènes une députation pour qu'on décidât de leur sort ; jusqu'à leur retour Pakhès ne mettrait ni aux fers, ni en esclavage, ni à mort aucun habitant de Mytilène. Telles furent les conditions de la capitulation. [...] A l'arrivée des Mytiléniens et de Salaethos, celui-ci fut mis à mort sur-lechamp par les Athéniens, bien qu'il promît, entre autres choses, de faire abandonner par les Péloponnésiens le siège de Platée. Ils délibérèrent sur le sort des autres prisonniers. Sous le coup de la colère, ils votèrent la mort non seulement des prisonniers, mais de toute la population adulte de Mytilène et l'esclavage pour les femmes et les enfants. Ils leur reprochaient d'avoir fait défection, alors qu'ils avaient été mieux traités que le reste des alliés ; mais ce qui augmentait leur irritation, c'est que des vaisseaux péloponnésiens aient eu l'audace de se porter à leur secours et de se risquer sur les côtes de l’Ionie. Cette défection leur faisait l'effet d'avoir été préparée de longue date. Ils envoyèrent une trière pour faire part à Pakhès de la décision prise et lui donner l'ordre de passer par les armes immédiatement les Mytiléniens. Mais, dès le lendemain, ils changèrent d'avis et se mirent à réfléchir sur la cruauté et l'énormité d'une décision qui faisait périr une ville entière et non pas les seuls coupables. Informés de cette volteface, les députés mytiléniens et leurs partisans d'Athènes intervinrent auprès des magistrats pour qu'eût lieu une nouvelle consultation. Ils arrivèrent d'autant plus facilement à leurs fins que la majorité des citoyens souhaitait une nouvelle délibération. L'assemblée fut immédiatement convoquée. Quant aux citoyens que Pakhès avait envoyés à Athènes comme fauteurs de la révolte, ils furent mis à mort par les Athéniens, suivant l'avis de Cléon. Ils étaient un peu plus de mille. On rasa les remparts de Mytilène ; on s'empara des vaisseaux. Par la suite on n'imposa aux Lesbiens aucun tribut ; mais on divisa leur territoire, à l'exception de celui de Méthymne, en trois mille lots. Trois cents de ces lots furent réservés aux dieux. Le reste fut tiré au sort et occupé par des colons d'Athènes. Les Lesbiens s'engagèrent à payer, chaque année, une redevance de deux mines par lot et à exploiter euxmêmes le sol. Les Athéniens s'emparèrent également de toutes les villes du continent que possédaient les Mytiléniens et les soumirent à leur domination. Tels furent les événements de Lesbos. 8) Compréhension Mytilène, cité grecque de l'île de Lesbos, décide de laisser entrer l'armée athénienne dans ses murs pour éviter d'être assiégée. Les Athéniens, dirigés par le stratège Parkhès, envahissent la cité et emprisonnent ses habitants en attendant que les Athéniens votent la punition correspondant à leur défection. La peur des Mytiléniens est justifiée, car ils ont non seulement voulu quitter la ligue de Délos, mais surtout ils ont traité avec l'ennemi : Sparte, pour y parvenir (c'est d'ailleurs car la flotte spartiate tardait à arriver que Mytilène s'est rendue). Pakhès, le stratège athénien, respecte la démocratie de sa cité : ce n'est pas lui, en tant que chef de guerre, qui va punir Mytilène. Il se contentera d'exécuter la sentence votée en assemblée ( ecclésia) par les citoyens athéniens. Cette sentence fait l'objet de débats et de discours nombreux, et est d'abord très sévère : il est décidé de tuer tous les hommes et de réduire en esclavage le reste de la population. Puis, des voix plus modérées se font entendre et un nouveau vote décide de ne punir que les hommes accusés de trahison, soit tout de même mille hommes envoyés à Athènes pour preuve de la reddition de Mytilène. Thucydide, qui fait un récit détaillé et chronologique de cet épisode, montre bien le décalage entre l'impulsivité des hommes (champ lexical de la colère), à l'origine d'une sentence terrible, et les institutions démocratique (champ lexical de la politique) qui permettent de prendre du recul et d'agir avec justice. Il n'en reste pas moins que les Mytiléniens sont durement frappés par la justice athénienne. Rappelons qu'il s'agissait de faire un exemple et d'ôter l'envie à tout autre allié de tenter une défection. Ainsi, dans le dernier paragraphe, l'énumération des mesures prises contre l'île de Lesbos toute entière montre l'ampleur du châtiment : – exécution de 1000 hommes – perte des fortifications et des bateaux – perte des colonies mytiléniennes – colonisation de l'île par les Athéniens – impôt annuel – travail obligatoire Conclusion Ce passage atteste de la rigueur de la guerre dans l'Antiquité, où les peuples vaincus étaient soumis à un traitement terrible et se trouvaient privés de la majeure partie de leurs libertés. Lors des conflits modernes au XXe siècle, les peuples vaincus ont aussi subi des brimades (cf traité de Versailles), mais l'évolution des sociétés et la taille des pays bien plus vaste que le territoire des cités grecques expliquent la moindre violence de l'après-guerre. Annexe Carte de la Grèce pendant la guerre du Péloponnèse
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