Contrat de Plan Etat-Région 2015-2020 l - Jean

Assemblée plénière du 29 mai 2015
Intervention de Jean-Marc COPPOLA
Rapport n° 1 : Contrat de Plan Etat-Région 2015-2020 – Convention pluriannuelle entre
l’Etat, la Région et l’Agence de l'Environnement et de la Maîtrise de l'Energie 2015-2020
Monsieur le Président,
Chères et chers collègues,
Réunis en séance exceptionnelle pour entériner les orientations et budgets relatifs au Contrat
de Plan Etat-Région 2015/2020, cette conclusion nous satisfait.
Satisfaction d’abord du fait que, dans un contexte de déchainement soigneusement inculqué
contre la dépense publique, un contrat pluriannuel avec l’Etat vienne montrer l’utilité et la
nécessité d’investissements structurants.
Il est d’ailleurs paradoxal d’entendre les mêmes à la fois critiquer la dépense publique,
exiger l’orthodoxie budgétaire, et réclamer toujours plus de dépenses pour leur seul
territoire d’élection.
Satisfaction ensuite de la reconnaissance de la collectivité régionale, au moment où la loi
NOTRe en discussion envisage de la réduire, à côté des métropoles, au rôle de simple outil
de mise en œuvre des politiques nationales et européennes d’austérité.
Certes, l’accouchement arrive après plusieurs mois de retard et paradoxalement se retrouve
précipité, tant il aura fallu conclure cette dernière séquence de discussion dans un calendrier
contraint et imposé.
En effet, le gouvernement n’aura eu aucune considération pour la concertation citoyenne,
pourtant indispensable à la définition d’objectifs aussi importants pour notre territoire.
Pourtant, Jean-Marc Ayrault, alors Premier ministre, indiquait dès 2013 aux préfets de Région
que les futurs CPER devaient, je le cite : « encourager la participation citoyenne en veillant
particulièrement à la mobilisation des personnes les plus éloignées des processus de
délibération que sont les jeunes et les habitants des quartiers prioritaires ».
Comme le soulignait déjà en février dernier Nathalie Lefebvre, on ne peut que difficilement
constater échec plus patent en la matière.
La définition des orientations de ce CPER, à la différence notable du précédent, aura fait
l’objet d’une très faible concertation, quasi exclusivement institutionnelle - quand les élus
déniaient être présents - sans quasi aucune information relayée par les médias régionaux et
locaux…si ce n’étaient justement les désaccords institutionnels…
Nous avons laissé de côté des pans entiers de la population, dont l’expertise aurait pourtant
été bien utile à l’aune du fossé qui se creuse chaque jour entre ses attentes, ses besoins et
les urgences décrétées par le gouvernement.
Une réelle ambition participative et citoyenne sur ce projet aurait permis de mesurer les
manques de ce document en terme de culture et de logements, thèmes à peine effleurés alors
même que ces secteurs sont en très grande souffrance dans notre région, en terme de sport et
d’agriculture, complètement absents, en termes de solidarité, de citoyenneté, de vie
associative…
Cette éviction totale d’un grand nombre de champs d’activités anticipe, malheureusement,
la suppression de la clause de compétence générale, sans laisser entrevoir une quelconque
prise en charge par l’Etat à la hauteur des besoins et des défis.
Il aurait été utile de prendre le pouls des habitants et non uniquement de leurs représentants.
Il aurait été utile de faire œuvre collective dans la définition et le financement des grands
projets qui vont structurer notre territoire régional de demain.
Cela aurait permis de redonner de l’espoir et de la confiance à la population en collant au
plus près de ses préoccupations.
Cela aurait donné l’occasion de porter le débat sur autre chose que les thématiques
anxiogènes qui occupent à longueur de temps les interventions politiques.
Oui, en France, nous pouvons encore construire, proposer et progresser ensemble.
Non, tout n’est pas noir, toute dépense publique n’est pas à proscrire, toutes nos
perspectives ne se résument pas à faire reculer la dette et réduire les droits sociaux car ils
empêcheraient notre pays de s’épanouir pleinement.
Se confronter aux attentes de la population aurait permis cela, mais la volonté politique n’a pas
été là, et le groupe Front de Gauche ne peut que vivement le regretter.
Nous pensons qu’avec le volontarisme qui a su qualifier notre collectivité en d’autres temps,
le Contrat de Plan qui nous est soumis aujourd’hui aurait été davantage à la hauteur des
enjeux auxquels doit faire face notre territoire dans une véritable perspective
planificatrice.
Enfin, si nous nous félicitons de la prise en compte de l’évaluation pour ce futur contrat,
force est de constater que les préconisations issues de l’évaluation du contrat de projet
précédent n’ont pas été prises en compte dans l’élaboration de celui-ci, notamment en ce
qui concerne le volet territorial.
Ce sont des remarques de fond et pas seulement de méthode, tant l’insuffisance de
démarche participative ne fait qu’encourager la passivité citoyenne, véritable cancer pour
une démocratie fragile et la porte ouverte à un pouvoir autoritaire.
J’en viens maintenant au contenu de ce CPER.
Il est très compliqué de pouvoir porter un jugement d’ensemble sur ce document tant il
apparait délicat d’établir des comparaisons avec les engagements et financements issus de la
précédente période de contractualisation.
En effet, rien n’a été fait pour que les documents soient comparables, qualitativement et
quantitativement.
Les grands axes prioritaires ne sont plus les mêmes, des champs d’action complets
disparaissent telle l’agriculture, tandis que d’autres sont dorénavant intégrés à l’instar des
routes.
Il est dès lors peu aisé de se risquer à une analyse comparative dans le temps.
Tout juste est-il permis de constater que le volume global des investissements, plus d’1,6
milliards d’euros est globalement équivalent à celui de la période 2007-2013 qui s’élevait
à 1,7 milliards, ce dont nous pourrions nous satisfaire si, entre temps, les conditions de vie
des habitants de la région ne s’étaient pas considérablement aggravées.
En effet, si notre groupe ne s’oppose pas aux orientations contenues dans ce document, par
exemple, comment être contre l’ambition portée à la réhabilitation énergétique des
logements, à l’accès à l’emploi des publics fragiles, ou à la prévention des risques naturels,
il ne peut, dans le même temps, que déplorer que ce Contrat ne soit pas à la hauteur des
crises, sociale, économique et environnementale, qui frappent nos territoires.
La réponse à long terme que doit y apporter la puissance publique, et en premier lieu l’Etat
vu l’indigence à laquelle il contraint les collectivités depuis plusieurs années, est trop faible
pour permettre un changement durable dans notre région.
L’Etat n’assume plus les compétences qu’il nous transfère.
Il baisse ses dotations.
Il n’engage pas la réforme fiscale promise par le Président de la République pour une juste
répartition des richesses, et fait même diversion avec l’impôt retenu à la source.
Et aujourd’hui, il n’investit pas à la hauteur des besoins sur nos territoires alors même que
les effets positifs du précédent Contrat, notamment en matière de création d’emplois, ne sont
plus à démontrer.
Comment ne pas s’interroger en outre sur certaines ambitions contenues dans ce document
quand on sait qu’elles sont mises à mal par ailleurs, par le gouvernement au niveau national ?
Je pense entre autres à l’une des priorités affichées par l’Etat et la Région dans ce document,
à savoir l’égalité professionnelle femmes-hommes.
Permettez-nous d’être on ne peut plus sceptiques sur les moyens mis à disposition de cet
objectif fondamental pendant que, dans le même temps, le ministre du Travail, François
Rebsamen, met grandement à mal cette égalité en s’apprêtant à supprimer les dispositifs
issus de la loi Roudy.
Loi qui oblige les entreprises à produire un rapport de situation comparée pour révéler les
différences des salaires femmes-hommes, à mettre en œuvre un plan d’égalité salariale, et à
être sanctionnées à hauteur de 1% de la masse salariale si rien n’est fait.
Comment également ne pas douter des bonnes intentions contenues dans ce document
concernant les investissements ferroviaires ?
Si nous ne contestons pas l’intégration d’un volet routier dans cette nouvelle
contractualisation qui répond, selon les territoires, à de véritables besoins en matière
d’aménagement et de mise en sécurité, comment ne pas constater que cela se fait au
détriment des investissements ferroviaires, notamment ceux relatifs au fret dont les crédits
affectés lors du précédent Contrat avaient déjà été sous-consommés faute de mobilisation ?
Comment ne pas y voir non plus un écho dangereux aux dispositions de la loi Macron sur le
développement des dessertes par autocars, et encore plus proche de nous, aux résolutions du
rapport Duron préconisant une baisse drastique des liaisons « Intercités » et notamment la
suppression de ces trains sur la ligne Marseille-Nice ?
En d’autres termes, faute d’investissements à la hauteur d’une véritable transition
écologique, il deviendrait pour certains logique de supprimer des trains afin d’alléger
l’infrastructure alors que la France devient depuis peu le pays au monde où l’Etat investit
le moins sur les infra ferroviaires, pendant que la SNCF verse annuellement 1,5 milliards
d’euros aux banques.
Quelle hérésie !
Et surtout quel paradoxe avec l’ambition affichée de la COP 21 !
Ainsi, si nous nous félicitons de la priorité politique et budgétaire accordée par la Région
aux investissements ferroviaires par rapport aux investissements routiers, nous dénonçons
des manques dans les objectifs prioritaires du CPER 2015/2020, car nous considérons que
les investissements sont insuffisants pour empêcher une thrombose routière et ferroviaire
inéluctable dans les 5 à 10 ans à venir.
Pour résumer, si notre groupe ne trouve pas que ce document comporte de dispositions
intolérables, il nous apparait tout de même intégrer les prémices de décisions nationales
auxquelles nous nous sommes résolument opposés.
Austérité, déréglementation, privatisation, ces mots d’ordre imposés par les marchés
financiers avancent à pas de géants, contribuant à aggraver les conditions de vie de nos
concitoyens et une défiance grandissante à l’égard des politiques qui paraissent avoir
abdiqué face aux puissances de l’argent.
Faut-il rappeler que notre pays est la sixième puissance mondiale ? Il regorge de richesses
et d’argent mais qui sont essentiellement destinés à une minorité opulente, plutôt qu’à l’intérêt
général.
La résistance aux forces de la finance doit être le combat du moment. Une résistance qui
ne doit pas se contenter de discours, mais doit passer par des actes, comme ceux
qu’attendent par exemple les salariés de la SNCM, de la SNCF, de Nexcis, Total, Saint Louis
Sucre…
Alors que l’exemple a été donné cette semaine qu’une autre voie que l’abandon industriel
est possible, je veux parler des FRALIB à qui nous pouvons rendre hommage et que nous
pouvons féliciter d’avoir mené une belle lutte contre le RENONCEMENT.
Pour autant, ce Contrat de plan garantit encore, nous l’espérons, un volume
d’investissement public que nous n’allons pas bouder, répondant à des enjeux réels auxquels
est confronté le territoire régional.
Je terminerai mon propos par ce célèbre vers d’Aragon : « Quand les blés sont sous la grêle,
Fou qui fait le délicat, Fou qui songe à ses querelles, Au cœur du commun combat »
Pour cette raison particulièrement, et parce que nous mesurons les évolutions positives
connues par le CPER qui nous est présenté aujourd’hui, notamment sous l’impulsion des
conseillers régionaux Front de Gauche, notre groupe votera pour ce rapport.
Et vous pouvez compter sur nous pour veiller à ce que les engagements soient tenus.
Je vous remercie de votre attention.
Seul le prononcé fait foi