« Institut AlAl-Qods » : Les « frères » rêventrêvent-ils de prier à Jérusalem ? « L’Institut Al-Qods », comme son nom ne l’indique surtout pas, est un établissement de l’UOIF pour permettre au public francophone intéressé - et surtout fort intéressant pour l’expansion de la confrérie par la suite - la « découverte et la compréhension de l’Islam », d’un certain islam bien sûr164. Cet institut résulte de la « fusion » entre l’ancien « Institut Al-Imane », actif depuis 1999 à la mosquée de Lille-Sud, connaissant quelques difficultés, et l’Institut religieux du Centre Islamique de Villeneuve d’Ascq, nouvellement actif depuis peu d’années. Le nom de l’institut n’est pas neutre : Al-Qods ()ا دس, qui veut dire : Jérusalem en français, (Ûrshalîm). L’ancien institut de Lille-Sud s’appelait Al-Imane ()ا ن, que l’on peut traduire par le mot : la foi. L’emblème du nouvel « Institut Al-Qods » n’est autre que la mosquée de Qubbat As-Sakhrah (رة ) ا, le « Dôme du Rocher », construite à Jérusalem vers 692, sur « l’Esplanade des mosquées », le troisième lieu saint musulman après la Mecque et Médine. Pourquoi donc le choix de ce nom en particulier, et de cet emblème ? Puisqu’il s’agit d’un institut de formation religieuse, officiellement purement religieuse, pourquoi cette dénomination sociale ? Pourquoi cet emblème en particulier ? Pourquoi avoir changé de « champ lexical » et avoir remplacé la dénomination AlImane (la foi) par une autre Al-Qods ? Quel est le rapport entre la formation religieuse, purement religieuse, et Al-Qods ? Pourquoi ne pas avoir choisi le nom du premier ou 164 Ici, le dossier d’inscription ainsi que d’autres informations d’ordre général (objectifs, public visé, etc.) : <http://www.mosqueelille.fr/images/stories/PDF/Dossier_inscription_Institut%20Qods%202014_2015.pdf>. Ici, le programme pédagogique détaillé : <http://www.mosqueelille.fr/images/stories/PDF/Programme_des_%20etudes_%202014-2015.pdf>. Ici, le planning prévisionnel des formations 2014/2015 : <http://www.mosqueelille.fr/images/stories/PDF/Calendrier%20Institut%20Qods%202014_2015.pdf>. 87 du deuxième lieu saint de l’islam : La Mecque ou Medine qui renvoient, naturellement, vers les lieux où la troisième religion monothéiste est née ? Quelques éléments de réponses seront exposés un peu plus loin. Mais déjà, on peut mettre, comme simple hypothèse, cette dénomination en parallèle avec l’un des 59 objectifs du « Guide Educatif » confidentiel de la FOIE et de l’UOIF, susmentionné, qui est pour le rappel : « permettre au musulman de bien comprendre le projet sioniste et, plus spécifiquement, la question de la Palestine »165 : Tout est dans le symbole, me dit-on ! Le spot publicitaire de cet institut ne néglige aucun détail pour exprimer une appartenance, dire une identité et fredonner les mélodies mystérieuses d’un projet obscur. Même le Nasheed - un chant religieux - arabe choisi, dont le titre traduit est : « Lutte est le voyage d’une vie » [d’islamiste], est issu d’un album du chanteur Hamoud Al-Khadr qui fait parti de la grande maison des « Frères Musulmans ». Ce jeune « frère » chanteur est le beau-fils d’un autre grand « frère » stratège, très intelligeant, très médiatique, Tareq Suwaidan, qui fût un temps, le directeur de la chaîne satellitaire religieuse saoudienne Al-Ressalah, avant qu’il ne soit licencié, en août 2013, par le prince saoudien Al Walid Ben Talal pour raison d’appartenance confirmée, attestée et non démentie à la mouvance islamiste.166 C’est le même Tareq Suwaidan qui était l’invité « star » du 26ème congrès annuel de l’UOIF au Bourget, du 10 au 13 avril 2009, et qui a tenu des propos similaires à 165 FOIE, années 2000, Guide Educatif de la FOIE, document secret, p.30. D.B.A., 2013, Al Walid Ben Talal démet le directeur général de la chaine al-Ressalah de ses fonctions pour appartenance aux Frères Musulmans (en arabe), Al-Quds Al-Arabi, 18/08/2013. A lire ici : <http://www.alquds.co.uk/?p=75247> 166 88 ceux de l’ex-président de la FOIE, Chakib Benmakhlouf en mai 2008, sur les colonnes du journal londonien susmentionné. Tareq Suwaidan, en pleine Paris, demandait aux musulmans de France et d’Europe de redonner vie et de croire en cette prophétie du Prophète Mohammad qui aurait annoncé, dans un hadith167, que la conquête de Rome suivrait celle de Constantinople, survenue déjà le 29 mai 1453 par les troupes ottomanes dans un bain de sang.168 Rome dans cette supposée prophétie, ne désignerait pas la ville, la capitale italienne, là où siège le Saint-Siège Catholique. Rome désignerait plutôt le symbole ancien d’un empire et d’une entité géopolitique révolue. Si l’on veut traduire cela en langage politique actuel, Rome désignerait plutôt Bruxelles. D’ailleurs lorsque la FOIE, vers la fin des années 2000 décida de déplacer son siège social de l’Angleterre169 vers le vieux continent, elle n’a pas choisi Rome, elle a choisi Bruxelles170, à « la rue de la Pacification » - tout un symbole ! - à moins de 2km de la Commission Européenne, le cœur supposé du nouvel Empire Romain : l’Union européenne. 167 Ce hadith cité dans les Sunanes d’Ahmed Ibn Hanbal (2/176) et dans d’autres recueils attribue au Prophète un propos, répondant à la question d’un compagnon qui voulait savoir qui de Rome ou de Constantinople sera conquise en premier, le Prophète aurait répondu, je cite : «C’est la ville d’Héraclius, c’est-à-dire Constantinople, qui sera prise la première ». 168 Ce propos avait encouragé sept islamologues européens d’adresser une lettre commune au Vatican et au gouvernement italien, le 19/10/2009, pour les avertir que les « Frères Musulmans » menacent Rome depuis la France. Ici le texte de cette lettre : <http://www.islamisation.fr/archive/2009/10/19/fa8892b89b4f3f4b4c5b1f6e137437f1.html>. 169 L’ancien siège social de la FOIE était à l’adresse postale suivante : FIOE, P.O. Box MAR005, Markfield, Leicestershire LE67 9RY, United Kingdom. 170 L’actuelle adresse de la FOIE est : FOIE, 34 Rue de la Pacification, B-1210, Bruxelles, Belgique. 89 La contextualisation est tout un art du possible, et les « Frères Musulmans » demeurent de redoutables artistes en la matière. Le Prophète l’aurait peut-être annoncé, je n’y crois pas171. Quatorze siècles plus tard les « frères » y croient fermement. Un « frère » l’interprète ; le second la chante ; un troisième la politise ; et « l’Institut Al-Qods » de Villeneuve d’Ascq s’y emploie, corps et âme, pour préparer les femmes et les hommes aptes à la réaliser demain, ou peut-être, après demain. L’institut est présidé par l’imam Ahmed Miktar, cadre UOIF, imam de la mosquée de Villeneuve d’Ascq, président national de l’association des « Imams de France », affilié à l’UOIF, etc. Presque tous ses enseignants/formateurs - 9 intervenants permanents, auxquels il faut rajouter d’autres conférenciers occasionnels - font partie de l’UOIF. Deux ou trois personnes seulement ne le sont pas pour l’instant, mais elles en restent très proches, tout de même. Au moins trois formateurs permanents de « l’Institut Al-Qods » enseignent toujours au « Collège-lycée Averroès » : Mohamed Karrat - Docteur en mathématiques (en calcul probabiliste) président du Centre Islamique de Villeneuve d’Ascq, enseigne les mathématiques au « Collège-Lycée Averroès » et est formateur incontournable à l’institut. Soufiane Meziani enseigne l’éthique musulmane au lycée et commente la vie du Prophète à l’institut ; 171 Au moins trois versets coraniques formels disent que Mohammed ne pouvait connaître les secrets du monde invisible ou prédire l’avenir tel un devin. A lire par exemple ces passages : (Coran, 6, 50), (Coran, 7, 188) et (Coran, 11, 31). L’expression arabe - lã a’alamou alghayb - () أ م ا ب, que l’on peut traduire par : « je n’ai aucune connaissance du monde invisible, de ses secrets et de ses mystères, passés, présents et à venir, sauf ce que Dieu m’a révélé que vous connaissez déjà à travers le Coran ». Cette expression a été négligée et tenue pour insignifiante par les exégèses traditionnelles et les traductions idéologiques qui considèrent qu’à la mort du Prophète la révélation n’était pas complète et qu’il a fallu, deux siècles après sa mort la compléter par ladite Sunna. Ce qui est en soi contraire à un autre texte clair et explicite, je cite : « Ce jour, j’ai complété pour vous votre religion, et j’ai accompli ma grâce envers vous. J’agrée l’islam comme religion pour vous. » (Coran, 5, 3). L’idéologie de conquête, depuis les Omeyyades, avait besoin d’autres textes pour légitimer ce Jihad offensif et expansionniste. Les hadiths ont facilité la tâche et continuent à alimenter les idéologies du nécessaire pour l’abrutissement de masse et la domination par un Coran et deux sabres. Par ailleurs, dans le Coran, il y a une sourate - un chapitre - intitulé « Les Romains » () ورة ا روم, qui ne parle pas de la conquête ou de la défaite des romains mais plutôt de leur victoire. C’est l’un des exemples clair qui montre, premièrement, que Mohammed ne pouvait prédire qu’à partir de ce qui est révélé au sein du Coran, c’est la révélation coranique qui l’informe, lui ne fait que transmettre, ni plus, ni moins. Et deuxièmement, que les romains vont vaincre et non pas perdre. Je cite ce passage : « Les Romains ont été vaincus dans la contrée voisine, et après leur défaite, ils seront les vainqueurs, dans quelques années. La décision finale, aussi bien avant qu’après, appartient à Dieu, et ce jour-là les croyants se réjouiront du secours de Dieu, qui accorde la victoire à qui Il veut, car Il est le Tout-Puissant, le Tout-compatissant » (Coran, 30, 2-5). Ainsi le Coran évoque les Romains dans un contexte de victoire. L’UOIF et les hadiths évoquent sous un angle de conquête et de soumission. 90 Abdelaziz El Magrouti est, à cheval aussi, entre « l’institut » et le « lycée » où il enseigne (-ait) « l’éthique musulmane », etc. Un quatrième, avait déjà enseigné « l’éthique musulmane », en 2008, au « Collège-Lycée Averroès ». Il s’agit de Rachid Laamarti, architecte, administrateur de l’UOIF, membre du collectif de la « Manif pour tous »172, prédicateur, et en plus d’autres casquettes, il était surtout candidat aux dernières élections européennes du 25 mai 2014 !173 Ce notable de l’UOIF occupait, en effet, la 3ème position dans la liste présentée dans la région « Nord Ouest », par le parti politique « Nous citoyens », créé par Denis Peyre - un ex-exilé fiscal en Belgique, à en croire un article de Rue89174 - et présidé par Jean-Marie Cavada175. La tête de liste était André-Paul Leclercq, membre de la famille Mulliez, et qui est chargé de développer le réseau « Auchan » dans l’Europe de l’Est176. 172 A visionner ici son intervention à « Grand Lille TV », quelques jours, avant la manifestation de Paris du 13/01/2013 : < https://www.youtube.com/watch?v=XPq1YmretRQ>. 173 Ici la profession de foi de la liste «Nous citoyens » du Nord-Ouest : < http://www.nouscitoyens.fr/wpcontent/uploads/2014/05/Circulaire_RV_NORD_OUEST.pdf>. 174 A lire ici : < http://rue89.nouvelobs.com/2013/08/16/citoyens-lancien-exile-fiscal-veut-creer-parti-societecivile-244943>. 175 A lire ici : < http://www.nouscitoyens.fr/le-mouvement-nous-citoyens/organisation-2/jean-marie-cavada/>. 176 A lire ici sur « La Voix du Nord » : < http://www.lavoixdunord.fr/politique/europeennes-decu-des-politiquesandre-paul-leclercq-ia130284b130285n2113965>. 91 Rachid Laamarti a mené à cette occasion « politique » une compagne électorale, en bonne et due forme, auprès de la jeunesse, en particulier, qui gravite autour de la mosquée de Lille-Sud. Une candidature s’intégrant dans une stratégie communautaire supranationale de la FOIE. Légalement, il est en droit de se présenter à toutes les élections politiques, mais encore faut-il être dans la cohérence d’un certain discours ?! Le voilà, quatre mois plus tard, enseignant de religion à « L’Institut AlQods » et toujours prédicateur dans les mosquées : Mélange de genres ? Conflit d’intérêt ? Rachid Laamarti n’a pas été élu. Mais, la FOIE aurait déjà gagné - en noyautant quelques listes - certains sièges au Parlement Européen, peut-être 1 ou 2 ou 3 ou 4 ou 5 sur un total de 751, mais peu importe. C’est un bon début. Dans 20 ans, l’on gagnerait certainement en efficacité, au nom d’une certaine prophétie. Si le Prophète l’avait dit, c’est que c’est véridique ! 92 La plaquette ci-avant donne une présentation, non exhaustive, des principaux enseignants en précisant leurs autres liens avec le « Collège-Lycée Averroès », entre autres. Dans une autre plaquette de présentation de l’institut, officielle et publique, téléchargeable sur Internet177, on peut découvrir les quelques 11 objectifs déclarés, pour assurer, dit la plaquette, je cite : « une formation adaptée à vos besoins et à notre contexte ». Le public visé est composé, officiellement, d’adultes francophones. Et le but est, je cite : « Notre programme vise à former une personnalité équilibrée d’un point de vue intellectuel, spirituel, moral et social. Une personnalité animée par une foi sincère, une pratique véridique, fière mais sans arrogance de son appartenance à l’islam, qui se distingue par de nobles caractères, consciente de ses responsabilités et désireuse d’œuvrer pour le bien de la communauté, de son pays et de l’humanité toute entière » : Tout un programme, qui déborde visiblement du cadre purement religieux ! Pour l’année en cours 2014/2015, l’institut propose un programme articulé autour de 14 modules : 1- Foi et spiritualité ; (Par : Ahmed Miktar) 2- Ethique et Tazkiya : purification des âmes et éducation des cœurs ; (Par : Abdelaziz Magrouti) 3- Fiqh (Niv. 1) (Jurisprudence) : pratique éclairée de l’Islam ; (Par : Abdelwaheb Nbaheda) 4- Sîra (Niv. 1) : Vie du Prophète ; (Par : Sofiane Meziani) 5- Les quatre Khalifes : vie et enseignements … ; (Par : Saadia Bahmmouch) 6- Les fondements de base de l’Islam ; (Par : Mohamed Karrat) 7- Les 4 grands Imams : vie, enseignements, méthodologie juridiques … ; (Par : Ahmed Miktar) 8- Etude du livre : « les 40 hadiths de Nawâwi » ; (Par : Slimane Mobarek) 9- Langue arabe ; (Par : Malik Ouahaalou) 177 A télécharger ici : <http://www.mosqueelille.fr/images/stories/PDF/Programme_des_%20etudes_%2020142015.pdf>. 93 10- Fiqh (Niv. 2) (Jurisprudence) : pratique éclairée de l’Islam (suite fiqh 1) ; (Par : Abdelwaheb Nbaheda) 11- Sîra (Niv. 2) : figures célèbres de l’Islam (Hommes et femmes) ; (Par : Rachid Laamarti) 12- Les fondements « approfondis » de l’Islam ; (Par : Ahmed Miktar) 13- Formation des cadres religieux ; (Par : Plusieurs intervenants) 14- Lecture et Psalmodie du Coran - Tajwîd. (Par : ???) Lorsque l’on regarde attentivement le contenu des modules proposés, dans le cadre de cette formation, et de plus près, (surtout les modules n° : 6, 11, 12 et 13) - et hormis le fait que l’on est plutôt bien servi par une vision d’un certain islam sunnite, asharite, orthodoxe, ritualiste, salafiste, et fidèle à une tradition jurisprudentielle, plutôt anachronique, remontant à des centaines d’années - l’on est frappé tout de même par trois choses : Premièrement, la place du Coran dans l’ordre des modules enseignés. Au lieu que ce ne soit la première place honorifique. C’est quand même le Coran. Celui-ci est relégué en queue de peloton : à la dernière place. Relégable aujourd’hui, il risque de « jouer » en ligue 2, la saison prochaine ! Pis encore, l’étude du Coran proposée s’arrête au stade de la récitation, de la psalmodie, et de l’articulation des phonèmes arabes. Comme si le Coran n’était qu’une compilation de notes musicales : Do-ré-mifa-so-la-si-do … Amen ! Deuxièmement, le mélange du genre manifeste constaté entre, d’un côté, les connaissances théoriques et pratiques, des percepts dogmatiques, cultuels, spirituels et jurisprudentiels d’un certain islam. Et de l’autre côté, l’intégration, au sein des modules, de manière très explicite, des références à la pensée idéologique d’Hassan Al Banna et de ses « frères ». Au moins une question mérite clarification : Veut-on former, au sein de « l’Institut Al-Qods », des « musulmans » ou bien, ce que je confirme, des cadres « Frères Musulmans » ? Troisièmement, les modules faisant clairement référence à l’idéologie des « Frères Musulmans » sont assurés par des cadres très influents au sein de l’UOIF : Mohamed Karrat, recteur de la mosquée, professeur de mathématiques du « Collège-Lycée Averroès » ; Ahmed Miktar, le chef des imams de l’UOIF ; Rachid Laamarti, administrateur de l’UOIF et qui, en plus des éléments cités avant, était chargé, aussi, de superviser l’action de la section lilloise des « Etudiants Musulmans de France », présente aux universités de Lille 1 et de Lille 3, en plus d’autres intervenants de la mouvance islamiste. La nomination de ce dernier par la LIN pour reconstruire EMFLille, en y investissant, comme capital humain, des lauréats du « Collège-Lycée 94 Averroès », avait agacé, par ailleurs, d’autres « frères » qui portent le monde étudiant dans leurs cœurs, depuis l’époque de l’Union Islamique des Etudiants de France (UISEF) des années 1990, d’autant plus que Rachid Laamarti n’a aucune expérience significative dans le militantisme étudiant. Ainsi, Mohamed Karrat enseigne aux jeunes adultes francophones de l’institut les « 20 principes pour comprendre l’islam », formulés et rédigés par : Hassan Al Banna et expliqué par Al Qaradawi. Comment va-t-il expliquer aux jeunes et adultes, en formation à l’institut, ce passage, par exemple, de ce livre, je cite : « … Par exemple, la foi chrétienne est fondée sur des choses aussi illogiques qu’incompréhensibles ; comment « trois » est égale à « un » ou comment « un » fait « trois » ! Comment un repas se transforme-t-il, en devenant le corps du Christ … C’est pour cela que le christianisme sépare la raison et la science de la croyance. Il proclame : « Ferme tes yeux et suis-moi », « crois aveuglement »… »178 Je ne sais pas si cela est vrai dans le cadre de l’Eglise, mais à l’UOIF : si ! Comment va-t-il leur expliquer cet autre passage, je cite : « L’imam Al Banna démontra avec détermination que l’islam ne connaît aucune séparation entre le religieux et le politique, que le Prophète était à la fois, le prophète, le guide spirituel et le chef d’état … »179 ? Comment expliquera-t-il cette vision islamiste des choses qui est en parfaite décalage, historique et épistémologique, avec la réalité française et européenne ? Peut-être Rachid Laamarti, cet ancien candidat aux européennes 2014, pourrait l’aider pour y répondre ! Aussi, je peux encore citer d’autres exemples dynamités et très problématiques, comme ce passage d’Al Banna évoquant les quelques 5 causes valables, selon lui, pour pouvoir excommunier légalement une personne de la religion musulmane (!), je cite par exemple : « Si la personne a nié un élément reconnu impératif et essentiel à la religion, connu aussi bien par les savants que par 178 Hassan Al Banna, 2004, 20 principes pour comprendre l’islam, traduction et commentaire Moncef Zenati, Médiacom, p.234. 179 ibid., p.32. 95 le commun des musulmans. C’est un élément tellement connu qu’il n’a pas besoin d’être argumenté, comme le caractère obligatoire de la prière, de la zakat, du jeûne, du pèlerinage, le port du foulard, ou le caractère illicite de la fornication, de la consommation du vin, des intérêts - bancaires - … »180. Ou cet autre passage : « Si la personne interprète le Coran d’une façon que les règles de la langue arabe ne peuvent le permettre en aucun cas »181, etc. Hallucinant ! Ces passages, comme bien d’autres, sont très dangereux surtout lorsque l’on sait que l’excommunication rime, dans l’islam sunnite, basé essentiellement sur les hadiths et les fatwas, avec la peine de mort, séparant, comme le fait l’état islamique, la « tête » du « reste du corps » à coup de sabre ? Mohamed Karrat est-il conscient de la dangerosité de propos comme ceux-là, enseigné à des jeunes adultes ? Par ailleurs, Rachid Laamarti enseigne le module n° 11 concernant les figures célèbres de l’Islam. En plus de certains compagnons, femmes du Prophète, califes, quelques figures spirituelles, etc. Cet homme politique, par intermittence, propose l’étude des biographies, entre autres, d’Ibn Taymiyya (1263 - 1328), d’Abou Hamid Al Ghazali, d’Hassan Al Banna, etc. Et réserve un cours entier pour présenter ce que lui, et sa confrérie, considèrent comme « savant contemporain » et comme « référence » : Youssef Al Qaradawi. Mais, il ne faut surtout pas dire que l’UOIF a un quelconque lien avec les « Frères Musulmans » : attention aux propos diffamatoires ! 180 181 ibid., p.256. ibid., p.257. 96 Un petit constat tout de même : Rachid Laamarti présente les biographies de ceux, parmi les ancêtres - Ibn Taymiyya, Abou Hamid Al Ghazali - qui ont excommunié des philosophes, comme Avicenne et Al-Fârâbî, mais ne présente pas la biographie d’Averroès qui a rendu à la philosophe son honneur bafoué par Al-Ghazali. Comme c’est étrange ! Quant à l’imam Ahmed Miktar, qui reçoit aussi les élèves du « Collège-Lycée Averroès » au centre de Villeneuve d’Ascq et professe la « bonne parole » devant eux de temps en temps, il s’occupe au sein de l’institut - en plus de sa fonction de premier responsable - d’expliquer la foi, la croyance - la vraie ! Il s’occupe aussi de vulgariser la jurisprudence des quatre écoles canoniques sunnites connues, ainsi que l’histoire de cette jurisprudence. Mais le rôle de l’imam va encore au-delà. En fin d’année, en mai et juin 2015 où il devrait traiter de la vie sociale et des mœurs à travers deux axes : Premier axe : Que signifie mon appartenance à l’islam ? (Définition, conditions, nécessités). Pour les connaisseurs de l’idéologie frériste, cela leur rappellera curieusement, le titre d’un livre qu’avait écrit Fathi Yakan, le secrétaire général de la Jamaa Islamiyah, branche libanaise des « Frères Musulmans », entre 1962 et 1992182. Deuxième axe : La présentation de l’islam, son obligation, ses fondements de base et son fonctionnement. En fin de cursus, l’imam s’adresse donc à de nouveaux porteurs de l’idéologie frériste, qui dès lors, auront l’obligation de transmettre l’islam idéologisé de l’UOIF. Pour mieux les outiller davantage d’un point de vue méthodologique, procédurier et langagier, « l’Institut Al-Qods » complète sa palette de formation par 14 autres sujets qui seront traités lors de conférences et de séminaires de formation intensive. En une année, l’UOIF compte former une vingtaine de jeunes recrues, portant le discours des « Frères Musulmans » et le diffusant, par devoir religieux, dans les mosquées, au sein du « Lycée-Collège Averroès », dans les cercles fermés et dans la société toute entière, au nom du devoir de prédication et pour qu’augmente le nombre de marcheurs vers le cap défini. D’ailleurs, chaque année, l’institut endoctrine 20 « frères » et « sœurs », idéologiquement, dans dix ans, ce seront 1.100 endoctrinés « Frères Musulmans » - je ne dirais pas comment j’ai trouvé cette extrapolation probabiliste - qui arpenteront les pavés nordistes, non pas vers Paris, mais vers le Tamkine ! 182 Ici une brève présentation : <http://fr.wikipedia.org/wiki/Fathi_Yakan>. 97 Le plus inquiétant, c’est que « L’Institut Al-Qods », le « Collège-Lycée Averroès », l’école d’arabe, l’école coranique, l’association EMF-Lille, et toutes les autres satellites de la galaxie UOIF fonctionnent, comme par fatalité, en vasecommunicants avec un réel effet de siphonage. C’est le même tuyau serpentin qui relie les bases des uns aux autres. Et tant que ce tuyau commun existe, toute infirmation de toute absence de politisation et d’islamisation, à la base de l’une ou de l’autre « vase », n’est que déni de la réalité. En plus, lorsque l’on sait que des va-et-vient entre le lycée et l’institut sont fréquents. Lorsque l’on sait que des professeurs du lycée sont aussi des agents d’endoctrinement au sein de l’institut. Lorsque l’on sait que le lycée vient à la rencontre de l’institut et de son premier responsable, et que, réciproquement, l’institut s’invite et organise quelques-unes de ses activités dans les locaux mêmes du « Collège-Lycée Averroès », ce discours disculpant et blanchissant ne tient plus. Ici-bas, au Centre Islamique Culturel de Villeneuve d’Ascq, des élèves du « Collège-Lycée Averroès », accompagnés par leur professeur d’ « Ethique Musulmane », actuellement enseignant à « l’Institut Al-Qods », sont reçus par l’imam Ahmed Miktar, en personne ! Ci-après, l’affiche publicitaire d’un séminaire d’une journée intitulé : « L’équilibre du musulman au quotidien : Quels moyens ? », présenté par le cheikh Mohamed Bajrafil et accompagné de l’imam Ahmed Miktar. Ce séminaire était prévu le dimanche 11 janvier 2015. En haut de l’affiche, l’organisateur n’est autre que « L’institut Al-Qods ». En bas de l’affiche le lieu est : Lycée Averroès, 65 rue de la 98 Prévoyance à Lille. Sur sa page Facebook, le 10 janvier, l’institut annonça son report à une date ultérieure, en raison des attentats de Paris. Par ailleurs, et pour l’anecdote, le 28 janvier 2015, sur sa page Facebook, « L’Institut Al-Qods » annonça ce qu’il décrit comme, je cite : « Belle initiative pour notre avenir proche … » ! - Mais de quelle initiative s’agissait-il, au juste ? Et de quel avenir proche ? - En fait, il s’agissait de l’annonce, une affiche à l’appui, d’une journée découverte du projet d’ouverture de l’école primaire privée musulmane « Al-Fitra », le samedi 31 janvier 2015 à 13h30. C’est la première école privée musulmane dans la métropole lilloise, hébergée au sein de la mosquée Tawhid d’Halluin (cf. affiche ci-dessous). 99 L’on est en droit de s’interroger si « L’institut Al-Qods » ne voit-il pas déjà, dans cette école primaire un quelconque terreau fertile et vierge pour assurer davantage la relève pour le « Collège-Lycée Averroès », pour lui-même et pour tout le reste ? Ne regarde-t-il pas d’un œil très intéressé, idéologiquement parlant, ces bourgeons de la République, enfants de 6 à 10 ans, filles et garçons ? A-t-il déjà un projet « idéologique » ludique pour les CP, les CE1, les CE2 … de cette école ? Seul l’avenir nous le dira. 100 Et le « CollègeCollège-Lycée Averroès », Tamkine ou … pas Tamkine ? Amar Lasfar dans le « rapport moral »183 précité, se félicitait d’avoir rendu l’honneur aux filles et aux sœurs voilées, lorsque la République - la méchante République - les a privées injustement de leur droit à porter le foulard au sein de l’Ecole laïque. Avec le « Collège-Lycée Averroès », l’honneur est donc rendu ; le sourire restitué. C’est exactement cet argument que les responsables du « CollègeLycée Averroès » avance devant les politiques, les médias, etc. La raison principale officielle déclarée, c’est de vouloir corriger cette grave erreur républicaine. Mais, qu’en est-il des vrais raisons ? Des vrais objectifs jamais dites, en tout cas pas en français ? Du vrai but ultime ? Pour répondre à ces questions, il faut, premièrement, être arabophone. Mais cela ne suffit pas naturellement. Et deuxièmement, avoir entre les mains une « petite » revue/plaquette de présentation du projet « Averroès », rédigée en arabe presque littéraire par les responsables de « l’association Averroès », ceux qui dirigent réellement le « Collège-Lycée Averroès », contenant seulement 8 pages, sans compter la couverture qui comporte, elle aussi, quelques autres éléments susceptibles d’apporter d’autres éclairages. Cette plaquette tirée seulement à quelques dizaines d’exemplaires, était destinée principalement à des donateurs fortunés des pays du Golf et du Moyen-Orient, ainsi qu’à d’autres organismes et établissements « Frères Musulmans » d’Europe, entre autres. Cette plaquette explique le projet en sept points : Le premier, concerne la genèse historique, de la naissance même de l’idée de créer un établissement scolaire privé musulman, dans une France laïque, presque incompatible avec une ambiance islamique propre184. Le deuxième explique l’expérience de l’enseignement scolaire, au sein de la mosquée de Lille-Sud, qui ne date pas de 2003, la date de la création du « CollègeLycée Averroès », mais qui remonte à l’année scolaire 1994/1995, lorsque le ministre de l’Education Nationale de l’époque - François Bayrou, ministre au sein du gouvernement d’Alain Juppé - avait par décret ministériel, décider d’exclure quelques 19 filles voilées des établissements publics. La plaquette raconte que la LIN (la mosquée de Lille-Sud) avait porté ce slogan, je traduis: « La mosquée est ouverte pour assurer l’enseignement des filles musulmanes exclues de l’enseignement 183 Bureau exécutif de la Ligue Islamique de Nord, 2005, Compte rendu général pour l’AGE, 9 pages. Association Averroès, 2004-2005, Lycée Averroès : premier lycée islamique privé en France, revue publicitaire, p.1. 184 101 public », ce qui a mobilisé plus de quarante professeurs volontaires pour accomplir cette tâche.185 Le troisième, concerne les deux principales étapes du projet : Ouvrir le « Lycée Averroès » au sein de la mosquée et ensuite, chercher un bâtiment convenable, en dehors de la mosquée, pour des considérations matérielles et symboliques.186 Le quatrième, concerne les conditions d’inscriptions, mettant en évidence les critères sévères adoptés dans le cadre d’une sélection des élèves sur dossier. Le lycée visant l’élite, la sélection doit y contribuer en amont.187 Le cinquième, concerne le récapitulatif des matières enseignées ainsi que le nombre d’heures prévues pour chaque discipline. En effet, l’on peut constater objectivement que, par exemple, le volume hebdomadaire pour l’éducation civique est de 30 minutes par semaine. Par ailleurs, pour l’enseignement de « l’éthique 185 Association Averroès, 2004-2005, Lycée Averroès : premier lycée islamique privé en France, revue publicitaire, p.3. 186 Ibid., p.4-5. 187 Ibid., p.5. 102 musulmane », le volume horaire prévu est de 90 minutes, trois fois plus par rapport à l’éducation civique188 ! Le sixième, concerne le budget prévisionnel des trois premières années et la répartition des charges entre les salaires, l’équipement et l’entretien. Quant au dernier point, il concerne le montant nécessaire pour l’équipement des laboratoires des sciences physiques189. Cependant, la chose la plus remarquable, à la lecture de ce document officiel, est la formulation, un peu éclatée, en plusieurs morceaux, et sur diverses pages, de la raison d’être principale du « Collège-Lycée Averroès ». Une vérité même éclatée reste tout de même une vérité à constitué. Un peu comme les pièces d’un puzzle qui s’imbriquent pour reconstituer l’image complète de la chose ou du paysage en question. En le relisant à plusieurs reprises, je suis en mesure désormais de formuler le contexte général, les objectifs réels et le but ultime justifiant la création de cet établissement d’enseignement privé musulman, en restant fidèle à la lettre et l’esprit de la terminologie arabe utilisée par ses auteurs. Ainsi, et loin de l’enfumage frériste habituel sur les antennes et dans les colonnes des journaux, le « Collège-Lysée Averroès » a été créé non pas uniquement pour riposter contre l’interdiction des signes ostensibles à l’Ecole laïque, mais c’est bel et bien pour d’autres raisons. D’ailleurs, si demain la République abroge la loi interdisant les signes religieux ostensibles à l’Ecole, la « Fédération de l’enseignement privé musulman »190, créée sous l’égide de l’UOIF le 22 mars 2014, ne fermera pas ces cinq établissements déjà en exploitation et ne reverra pas ses prétentions à la baisse, loin de là. En effet, selon cette plaquette, le projet du « Collège-Lycée Averroès », tout comme les autres établissements, a été conçu dès le début, et dans un premier temps, pour accompagner « l’installation devenue définitive de la communauté musulmane sur le territoire français » : la notion de Tawtine de l’islam (م ) وط ن اévoquée précédemment. Cela passe nécessairement par pouvoir permettre à la communauté et aux familles musulmanes de confier, en partie, je cite « l’éducation de leurs enfants à un établissement scolaire musulman où règne une ambiance islamique propre - en rupture avec les nuisances éthiques d’une société permissive, ndlr - dominée par la 188 Ibid., p.6. Ibid., p.7-8. 190 Huê Trinh Nguyên, 2014, La fédération de l’enseignement privé musulman fait sa première rentrée, Saphirnews.com, 19/09/2014. A lire ici : < http://www.saphirnews.com/La-Federation-de-l-enseignementprive-musulman-fait-sa-premiere-rentree_a19673.html>. 189 103 morale et les bonnes mœurs »191. Jusqu’au là, la référence à l’affaire du voile n’apparaît pas. Ainsi, rajoute la plaquette : « les enfants apprendront le Coran, la langue arabe et l’éthique musulmane à côté d’autres matières exigées telles que les langues, les mathématiques, les sciences physiques, etc. »192. Par ailleurs, précisent les auteurs de ce texte, la communauté musulmane a toujours rêvait d’avoir ces propres établissements mais le coût très onéreux de construction et d’entretien de telles structures rendait ce rêve difficile à atteindre193. Cependant, lorsque « l’affaire du voile » éclata en France, précisent les auteurs : « le fait de vouloir créer des établissements scolaires privés musulmans n’était plus considérer comme étant un simple projet mais il est devenu une nécessité vitale, incontournable et inévitable »194. Dans cette optique, « l’affaire du voile » n’est pas « la » justification fondamentale de la création du lycée, elle ne serait, en réalité, que le simple catalyseur, l’alibi, facilitant juste la promotion d’un tel projet au sein de la communauté et permettant de collecter les fonds et de siphonner les poches. La plaquette s’adressant à de riches donateurs « musulmans » ou « Frères Musulmans », les rédacteurs précisait le contexte « religieux » de la création du lycée au sein d’une région où l’islamisation progresse à merveille. Il est écrit, je cite : « C’est dans le Nord de la France, où vivent un demi-million de musulmans dont 50.000 dans la seule ville de Lille, où il y a aussi un peu plus de 100 mosquées rendant l’appel à l’islam et la prédication plus efficace, que la Ligue Islamique du Nord a décidé de présenter le projet de création d’un lycée musulman privé »195. La plaquette dévoile ensuite deux raisons principales appuyant cette volonté : « D’un côté, pour promouvoir, dans les milieux islamiques, une solution alternative à la crise du voile à l’école »196, et, la plaquette rajoute, mot par mot : « mettre en place un nouveau prototype éducatif musulman, rivalisant avec les écoles françaises, et permettant de former, en son sein, des hommes musulmans et des femmes musulmanes qui, le moment venu, permettront d’atteindre le Tamkine ( )ا نpour notre majestueux islam dans ces contrées »197 ! 191 Association Averroès, 2004-2005, Lycée Averroès : premier lycée islamique privé en France, revue publicitaire, p.1. 192 Ibid., p.1. 193 Ibid., p.1. 194 Ibid., p.2. 195 Association Averroès, 2004-2005, Lycée Averroès : premier lycée islamique privé en France, revue publicitaire, p.2. 196 Ibid., p.2. 197 Ibid., p.2. 104 Plus encore, dans la quatrième partie du texte arabe de présentation du lycée, les responsables expliquent la procédure de sélection, sur dossier, des nouveaux candidats, ainsi que les critères rigoureux de choix portant, principalement, sur deux aspects fondamentaux : les « aptitudes scientifiques »198 et les « qualités éthiques et morales »199 des candidats, qui sont, à en croire le descriptif de la plaquette, tous enfants de la communauté musulmane, exclusivement. Cette sélection et ces critères de choix assumés, ou presque, se justifient, selon les responsables, par, premièrement, je cite : « le défi majeur se dressant devant le lycée pour prouver son aptitude et sa capacité à délivrer un enseignement de qualité. Cela devrait se traduire par de bons résultats aux examens du baccalauréat »200. Là, on est dans le court-terme pour pouvoir signer le contrat d’association avec l’Etat, après cinq années d’existence et de bons résultats : C’est déjà acquis en 2008. 198 Ibid., p.5. Ibid., p.5. 200 Ibid., p.5. 199 105 Mais l’objectif à long terme - non avoué par Amar Lasfar & Co - est le suivant, je cite : « L’obligation du lycée à former et préparer une élite, élite choisie parmi les enfants de la communauté musulmane, pour qu’elle puisse occuper des postes sensibles au sein de la société française comme : l’ordre des avocats, l’enseignement supérieur, la médecine, les médias, etc. »201 ! Depuis 2008, le contribuable français paye, en ces temps de crise, un peu moins de deux millions d’euros par an, pour le seul « Collège-Lycée Lycée Averroès », finançant ainsi la formation ation idéologisée d’une une future élite communautariste, communautariste portant au plus haut sommet de la société française et de l’Etat l’idéologie des « Frères Musulmans » et réalisant, peut-être, peut le Tamkine total et définitif. Je ne présente pas ici ma lecture de la fiction « Soumission », mais il s’agit, bel et bien, de la « vraie » vision à long terme des responsables responsables de cet établissement, issu i d’un document officiel jamais évoqué publiquement. Il s’agit aussi de la même « vraie » vision qui sous-tend tend tous les projets en cours à l’UOIF,, dans le cadre de la promotion de l’enseignement privé musulman, et surtout dans le cadre de sa nouvelle « Fédération de l’enseignement privé musulman »,, agissant à l’échelle nationale et prenant le « Collège-Lycée Collège Averroès » tel un prototype de promotion. Que cela soit connu, connu d’abords, des parents français « musulmans », dont certains ont mis leurs enfants au « Collège-Lycée Averroès » juste parce qu’il affiche de « bons résultats » au baccalauréat ! 201 Ibid., p.5. 106 Que cela soit connu, ensuite, du contribuable, quelque soit sa tradition religieuse ou philosophique : l’information est un droit citoyen indispensable pour la survie de toute démocratie, qui se respecte, surtout en présence d’un « double discours » ahurissant, fait de déni et de tromperie en bande très organisée ! Le but islamiste du Tamkine n’est plus à démontrer, à mon sens, d’un point de vue théorique. Une toute petite partie de sa littérature obscure est maintenant rendue publique à travers ce témoignage citoyen. Mais, comment l’idéologie de Tamkine opère réellement au quotidien des élèves, pendant les cours et au sein de l’enceinte même du « Collège-Lycée » ? Car, il ne suffit pas d’écrire et décrire dans un document, en arabe, le paysage « vert » de la « destination finale ». Il ne suffit pas non plus de former pédagogiquement, éthiquement, excellemment, des élèves pour qu’ils portent, le moment venu, le projet frériste. Il ne suffit pas - dans l’esprit des dirigeants - non plus d’être aujourd’hui avec des élèves « musulmans » pour soutenir, plus tard, les thèses des « Frères Musulmans ». Il faudrait mettre en place, en toute évidence, d’autres suppléments, d’autres structures, d’autres discours et surtout d’autres symboles forts d’identification identitaire et idéologique. Cela commence d’abord par le choix des enseignants que l’on met devant les élèves. Je ne m’attarderai pas à faire constater un fait incontestable : Nombreux parmi les professeurs du « Collège-Lycée Averroès » sont des « Frères Musulmans » affichés. Nombreux parmi eux cumulent des mandats, des responsabilités associatives, des apparitions médiatiques, ici ou là et des prises de positions clairement en phase avec les positions internationales de la confrérie. Il y a aussi tous ces discours et prêches de vendredi solennels et structurants, en dehors comme en dehors des murs de l’établissement, et développés aussi au sein des activités de l’UOIF, aux cœurs de tous ses vases communicants, et toujours face au même public, formé en partie, de familles d’élèves et d’élèves aussi. D’ailleurs, un jeune élève qui a comme professeur de mathématiques par exemple - représentant donc une certaine « autorité » éducative et pédagogique - un imam prédicateur et membre de la confrérie - donc une certaine « autorité religieuse », et qui assiste un vendredi saint, au prêche de ce même professeur, se dressant, tout de blanc vêtu au dessus de son minbar pour analyser la « guerre de Gaza » selon le prisme déformant des « Frères Musulmans », ce jeune élève aura-t-il suffisamment de recul pour analyser, pour accepter ou rejeter, le discours qui y est développé ? Je reviendrai sur ce cas de figure, dans un autre paragraphe. Aussi, lorsque l’on sait que la majorité des professeurs, qui ce sont succédés au « Collège-Lycée Averroès » pour professer la bonne parole des enseignements de 107 « l’éthique musulmane », sont à 95 %, si ce n’est plus, membres affichées de la confrérie, depuis des années, ou adoptant son discours sans aucune réserve ou nuance. Le doute quant aux contenus enseignés ne peut être que légitime. A ma connaissance, depuis la création de cet établissement, me trompais-je, ceux et celles, qui ont assuré la prédication pendant les heures hebdomadaires de « l’éthique musulmane » - avec plus ou moins d’assiduité - œuvrent toutes et tous, ou presque, pour l’ultime but du Tamkine à la manière de l’UOIF et de Tariq Ramadan. On y trouve par exemple : Hassan Iquioussen202, Rachid Laamarti203, Fatiha Ajbli204, Soufiane Meziani205, Abdelaziz El Magrouti206, etc. Les mêmes, ou presque, que les jeunes élèves rencontreront « en illimité » à la mosquée, en forfaits soirs et weekends, ou écouteront « religieusement » lors de conférences et d’interventions, diverses et variées, ici ou là. Les quelques dizaines de minutes de « l’éthique musulmane », ne sont en vérité qu’un simple « spot publicitaire », un avant goût idéologique, qu’offre le « Collège-Lycée Averroès » à cette élite bien sélectionnée, pour la faire connaître de la nouvelle génération. Le travail de fond se fait progressivement à d’autres occasions et dans d’autres « vases » : à la mosquée, sur Facebook, au « Rassemblement Annuel des Musulmans du Nord » (RAMN), au « Rassemblement Annuel des Musulmans de France » 202 Jean-Philippe Bras et son équipe, 2010, L’enseignement de l’Islam dans les écoles coraniques, les institutions de formation islamique et les écoles privées, rapport d’étude collégiale entre 09/2009 et 07/2010, IISMM, EHESS, p.47. (Un rapport très riche en termes de données statistiques, de cartographie et d’approches sociologiques des dynamiques de réislamisation par l’éducation, l’apprentissage et la diffusion des savoirs religieux inhérents aux sensibilités agissantes dans les structures cultuelles musulmanes. L’aspect « islamisation » ou « conquête du pouvoir », par le biais de l’éducation et de la formation religieuse, même si l’UOIF, par exemple, est clairement identifié comme étant le vecteur « Frères Musulmans » en France) 203 Ibid., p.47. 204 Ibid., p.47. 205 Il enseigne actuellement au « Collège-Lycée Averroès ». 206 Il enseignait récemment au sein de l’établissement. Je ne peux confirmer sa présence. Avant 2007, il n’était pas membre de l’UOIF. Il était plutôt connu pour son appartenance au courant apolitique Tabligh. Depuis, je ne sais pas si un approchement significatif avec l’UOIF s’est opéré. Néanmoins, le mouvement Tabligh et l’UOIF se trouve sur le même terrain commun des références théologiques et jurisprudentielles. 108 (RAMF), sur les antennes d’une radio communautaire tous les vendredis soirs, sur la chaîne satellitaire IQRAA, sur Youtube, à « l’Institut Al-Qods », lors des visites extérieurs et des voyages, etc. Ainsi, il est établi que l’UOIF ne choisit que des poids lourds de la confrérie pour assurer le discours idéologique pendant ces dizaines de minutes. L’on peut facilement imaginer les agendas très chargés de ces personnes. L’on peut aussi facilement supposer leurs occupations locales, nationales et même internationales pour certains intervenants, et pourtant, ils sont appelés à répondre au devoir de transmission d’une vision de l’humain et à prendre part à cette première expérience, qui se réjouit déjà et se croit prometteuse et exemplaire. Cette élite actuelle, donnant l’exemple d’une certaine réussite universitaire et sociale, est composée de redoutables tribuns, maniant le verbe avec brillance et insufflant les rudiments de l’idéologie frériste avec une relative prudence. D’ailleurs S’il y a une matière qui est, par excellence, le cadre convenable pour diffuser intelligemment, constamment, efficacement, à l’intérieur même du « Collège-Lycée Averroès », l’idéologie des « Frères Musulmans », c’est bel et bien : « L’éthique musulmane ». Car l’idéologie frériste se définit comme étant une interprétation légitime de l’islam. Difficile de voir la fine ligne entre l’interprétation et l’objet interprété, surtout lorsque l’on est un jeune âgé de 10 et 17 ans. Raison pour laquelle la direction ne lésine pas sur les moyens humains : C’est d’ailleurs, le b.a.-ba de toute politique managériale efficace. Il suffit d’observer attentivement cette liste, non exhaustive par ailleurs, pour comprendre l’enjeu majeur de cette matière au sein de l’ensemble des enseignements délivrés. Quelques très rares exceptions pourraient exister. Mais l’exception, n’est-elle pas la parfaite confirmation d’une certaine règle ? Que l’enseignement du français, de l’anglais, de l’informatique ou des sciences physiques soient assurés par un Eric ou un Ahmed, envoyés par le Rectorat, cela n’a pas trop d’importance, même si l’on préfère tout de même que ce soit l’un des « nôtres ». Mais « l’éthique musulmane » reste, et restera, une discipline sur laquelle la souveraineté des « frères » ne peut être que totale et ne peut être sujet d’une quelconque négociation. Et ça se comprend après tout. Par ailleurs, les responsables du « Collège-Lycée Averroès » multiplient les symboles d’appartenance à la confrérie internationale, à chaque occasion qui se présente. En effet, après la signature du contrat d’association avec l’Etat207, le vendredi 13 juin 2008 par Amar Lasfar, et le 16 juin par le Préfet de Région, l’équipe 207 Martine de Sauto, 2008, Pour la première fois un lycée musulman signe un contrat d’association avec l’Etat, La Croix, 16/06/2008. A lire ici : < http://www.la-croix.com/Actualite/France/Pour-la-premiere-fois-un-lyceemusulman-signe-un-contrat-d-association-avec-l-Etat-_NG_-2008-06-16-672439#>. 109 d’Averroès organisa un dîner pour fêter, naturellement, cet événement majeur, le 4 juillet à la salle des fêtes « La Palmerais » à Lille. Selon une source, il y avait le staff dirigeant de l’association et du lycée, des professeurs, des familles d’élèves et des élèves. Il y avait aussi le premier adjoint de Martine Aubry, à la Mairie de Lille, et d’autres invités et notables, parmi lesquels, Lhaj Thami Breze, président national de l’UOIF à cette époque et … Ahmed Kadem El Rawi, d’origine irakienne, et qui fut président de la FOIE. Qu’est-ce qui peut expliquer la présence de toutes ces sommités françaises et européennes des « Frères Musulmans » à un dîner du « Collège-Lycée Averroès » ? La réponse se trouve déjà dans la question. Les responsables du « Collège-Lycée Averroès » vont encore plus loin dans l’affichage de l’appartenance à un courant idéologique frériste. Et ce, en salle de cours et devant les élèves. En effet, en 2012, ils ont même interrompu un cours de « sciences physiques » - et non d’ « éthique musulmane » ! - pour permettre à une sommité internationale frériste, très médiatisée, présente lors du congrès annuel de l’UOIF au Bourget de la même année, de s’exprimer longtemps, devant des élèves fascinés, et en présence d’autres visages connus de l’UOIF locale et de ses satellites, en l’occurrence, l’ancêtre lillois de « l’Institut Al Qods ». Cette « sommité » est le cheikh égyptien Omar Abdelkafi, interdit de résidence en Egypte et résident au moins jusqu’à 2013 à Dubaï aux Emirats Arabes Unies, qui avait classé récemment les « Frères Musulmans » et l’UOIF, entre autres, comme organisations terroristes. Avant de relater l’intégralité de son discours devant les élèves du « CollègeLycée Averroès », publié dans une vidéo sur Youtube208, il serait utile de rappeler que ce cheikh - qui est initialement de formation scientifique, selon ses dires, car il aurait soutenu une thèse en chimie sur les insecticides avant de se réorienter vers les études religieuses - et alors qu’il n’a jamais fait avancer la Science par aucune publication en 208 A visionner ici : < https://www.youtube.com/watch?v=SpPpWkjj-n8> Pour la trouver ci le lien ne fonctionne pas taper cette expression arabe dans le champ de recherche : () در ن ر د "! ل. 110 chimie, a publié, entre autres livres religieux, une « encyclopédie » explicative des fameux hadiths,, supposés authentiques d’Al d’ Bukhari. Mais quel exploit scientifique ! Ces hadiths sacralisés dont bon nombre parmi eux sont directement responsables des pires atrocités commises désormais au nom de Dieu ! Ce cheikh, présenté résenté aux élèves comme étant docteur en chimie appliquée au domaine de l’agroalimentaire, fin connaisseur du pouvoir qu’ont les insecticides pour la réduction et l’élimination des nuisances et des parasites, au lieu de mettre sa Science expérimentale au service de l’élimination de toutess les substances « religieuses » ou,, au moins, tenter de réduire les effets néfastes et destructeurs de nombreux hadiths,, il a préféré vendre son âme à Al Bukhari et d’entretenir son authentique « incubateur », » foncièrement nuisible. Au lieu d’ « éliminer » les parasites, il préfère les nourrir. Au lieu de faire un pas civilisationnel géant en avant, il préfère faire douze pas géants en arrière. Ainsi va tout le projet pro islamiste, malheureusement. D’ailleurs, Omar Abdelkafi, Abd sur la chaine émiratie As-Shariqa,, que l’on capte en France via les paraboles, déclarait dans une interview « en direct », toujours accessible sur Dailymotion209, au sujet du « voile » et en se basant sur un hadith dit authentique, attribué au Prophète, Prophè je cite le propos du cheikh : « … Je rappelle que l’une des scènes que le Prophète Mohammad avait vue, lors du Voyage V nocturne, rapportée dans des hadiths authentiques, des femmes suspendues par les cheveux. cheveux Il avait demandé à l’ange Gabriel : Ô Gabriel, qui sont-elles? elles? Et l’ange de réponde : Ce sont des femmes de ta nation. Elles laissaient voir leurs cheveux aux étrangers ! » 209 A visionner ici : <http://www.dailymotion.com/video/xf8zih_des http://www.dailymotion.com/video/xf8zih_des-femmes-suspendues suspendues-par-leurs-che_news>. 111 Omar Abdelkafi rajouta : « Cela veut dire que celle qui sort les cheveux découverts au vu de tout le monde, celle-là aura commis un péché qui mérite le châtiment de la tombe et le châtiment au jour du jugement dernier … » ! Ce cheikh, défendant de tels discours moyenâgeux et ultra culpabilisant pour les jeunes filles et pour leurs mamans, est venu jusqu’à Lille pour professer « sa » bonne parole face aux élèves séparés, filles d’un côté, et les garçons de l’autre, du « Collège-Lycée Averroès », avec la complicité intéressée et coupable des «frères » lillois. Qu’en pensent les parents ? Qu’avait-il dit de plus intéressant qui exigeait d’interrompre un cours obligatoire de « sciences physiques » ? Que l’on se rassure tout de suite, il n’a pas cité ce hadith, il n’a pas parlé du « voile » dit islamique ni du - supposé - châtiment divin réservé aux filles non-voilées. Les élèves, et leurs familles, se documenteront plus tard et écouteront, peut-être, ses discours « religieux » sur la chaîne émiratie ou, en accès libre, sur Internet. Car lui, comme d’autres visiteurs fréristes, savent ce qu’ils disent et, dans la prudence, soignent la forme. Ce qui était visé c’est l’impact psychologique et émotionnel que sa visite devrait susciter dans les esprits des jeunes élèves. Avoir le privilège, de voir en vrai, et d’écouter une « star » frère musulmane satellitaire, ce n’est pas donné à tout le monde ! Omar Abdelkafi parla en arabe et Amar Lasfar, en imam tout de blanc vêtu, traduisait à sa façon très réductrice, son propos. La vidéo montre l’ambiance très fraternelle de cette rencontre. Les garçons d’un côté et les filles, la plupart voilées, de l’autre. De son propos, j’ai traduit ce passage : « Je considère les enfants musulmans de la deuxième et troisième génération, ici en France, comme étant notre espoir qui portera haut les valeurs humaines, que défendent les musulmans, les chrétiens et bien d’autres hommes et femmes de foi. Vous allez nous honorez dans vos spécialités respectives inchallah. » 112 Ensuite, il raconta cette anecdote, je traduis : « L’année dernière, à Dubaï, aux Emirats Arabes Unies, l’ambassadeur japonais m’a rendu visite, chez moi, avec sa famille. Il est d’ailleurs le seul ambassadeur japonais converti à l’islam et marié avec une musulmane. Il a deux enfants, un garçon de 9 ans et une fille de 7 ans. J’ai voulu savoir ce que compte devenir ses enfants lorsqu’ils seront adultes. Le garçon m’avait dit qu’il souhaiterait rajouter quelques choses à la science moderne, surtout dans le domaine des télécommunications. Quelque chose qui puisse changer la face du Monde et réaliser un pas civilisationnel géant, encore plus géant que la situation de notre monde actuel. Quant à la fille, elle m’avait dit qu’elle souhaiterait, une fois grande, se spécialiser dans la génétique et dans le monde des chromosomes pour que cessent ces opinions dégradantes considérant la femme musulmane comme étant arriérée. Je veux que l’on dise qu’elle est universelle, scientifique et qu’elle sert la cause de l’humanité en faisant le bien » ! A première vue, c’était un discours intelligent d’encouragement et suscitant l’ambition. Mais lorsque l’on analyse les mots choisis, les expressions utilisées, et l’exemple évoqué, surtout dans le cadre du « Collège-Lycée Averroès », l’on est tout de même interpellé par des expressions comme : « vous êtes notre espoir », « vous allez nous honorez », « converti à l’islam » ; « marié avec une musulmane » ; « changer la face du Monde », « femme musulmane », etc. Tout cela habillé habillement par une couverture d’un discours d’apparence sage et très agréable à entendre. Ma mauvaise langue me dit qu’il montrait le cap du Tamkine visé. Quant le sage montre le « croissant », les élèves intelligents, sélectionnés en amont, doivent voir … le « croissant », et pas autres choses. Un peu avant, ou après, cette visite, et peut-être même avant et après, des élèves du lycée, surtout des filles, se sont rendues, durant les vacances d’été, avec quelques adultes, aux Emirats Arabes Unies, à Dubaï. Ont-ils rencontré Omar Abdelkafi ? Ont-ils rencontré d’autres « Frères Musulmans » ? Si c’était le cas, quels types de discours ont-ils entendu ? J’avoue que je n’ai pas de réponse à cela. Je n’ai qu’une photo attestant de ce voyage. Il est clair que chaque personne est libre de voyager où elle veut et de rencontrer qui elle veut. Mais lorsqu’un voyage est organisé dans le cadre d’un établissement scolaire, même privé et sous contrat d’association avec l’Etat, quand bien-même ce voyage serait organisé pendant les grandes vacances, il me semble que l’Etat est en devoir de protéger les enfants de la République contre toute influence et tout endoctrinement idéologique, rythmé par des réceptions complaisantes ici, et par des pèlerinages de rattachement et de persuasion pernicieuse là-bas. Que serait la position de tout un chacun, et de certains intellectuels en particulier, si demain un établissement privé, géré par des intégristes religieux 113 d’extrême droite, organise un voyage en Autriche par exemple, et permet aux élèves d’assister à un bal pangermaniste ? Si Marine Le Pen le fait, c’est son choix idéologique affiché et assumé. Mais qu’un élève, mineur, y soit associé tout en ignorant, à son âge, tout de l’histoire du pangermanisme et de sa réalité européenne, cela sera sans doute perçu comme étant une grave atteinte aux droits des enfants. Cela serait au moins scandaleux, humainement condamnable et judiciairement réprimable ! Une chose est sûre, les enfants sont les proies privilégiées des islamistes. J’étais moi-même endoctriné dès l’âge de 13 ans, j’en sais quelques choses. D’ailleurs, le 21 septembre 2014, le site African Manager publie un article sur le parti islamiste Ennahda, la branche tuniseinne des « Frères Musulmans », intitulé : « Tel le serpent, Ennahda fait sa mue sans changer ! »210, il explique, entre autres, la stratégie à long terme, des « frères » tunisiens pour s’accaparer du pouvoir politique : Atteindre le fameux Tamkine. Pour corroborer son propos, il publie une vidéo enregistrée d’un débat, presque à hui clos, entre deux « frères musulmans » : l’un égyptien et l’autre tunisien. L’un est très enragé, l’autre est plus dans la stratégie calme et la patience en 210 Khaled Boumiza, 2014, Tunis : Tel le serpent Ennahdha fait sa mue sans changer !, African Manager, 21/09/2014. A lire ici : < http://www.africanmanager.com/172317.html?pmv_nid=1>. Une vidéo intégrée dans cet article renvoie directement vers ce passage. 114 attendant le moment adéquat. C’est un peu le genre de profils que l’on trouve partout. L’histoire du méchant et du gentil. Le cap est toujours le même mais les chemins peuvent, parfois, se séparer pour se rejoindre à nouveau, et au plus vite. L’égyptien - apôtre de l’excision des femmes - est une « star » satellitaire qui s’appelle Wadjdi Ghoneim. Le tunisien est Abdelfattah Mourou, le cofondateur clandestinement en 1973, avec Rached Ghannouchi de la Jamâa Al-Islamiya - qui par ailleurs alimenta l’UOIF et la LIN par ces principaux leaders et notables, passés et présents. Aujourd’hui, son Abdelfattah Mourou est le vice-président Rached Ghannouchi. Il est aussi membre élu de « l’Assemblée des Représentants du Peuple », depuis octobre 2014. Il est surtout considéré comme un redoutable réformateur et un puissant tacticien. Toujours dans la douceur : fermez les yeux, vous verrez mieux, dit-on ! Dans cette vidéo que l’on peut toujours visionner211, ce sont les propos du réformateur, au sujet des enfants qui m’intéresse. Le « frère » Ghoneim est dans l’immédiat et dans l’agitation frénétique. Le « frère » Mourou vise le cap. Pour expliquer le fond de sa stratégie du Tamkine, tout en considérant ses adversaires politiques, en majorité des laïques, comme étant ses ennemis, il a dit, je traduis : « Ceux-là - parlant de ses adversaires laïques - sont nos ennemis. Et nous savons qu’ils sont nos ennemis. Mais, il ne faudrait pas leur manifester une quelconque hostilité apparente parce que, ceux que nous ciblons au fond, ce sont bel et bien leurs enfants, leurs femmes, leurs petits-enfants. Nous ne nous voulons pas de ces ennemis, nous voulons leurs enfants. Sais-tu cher monsieur, que nous avons désormais leurs garçons et leurs filles en notre possession ? Notre objectif est d’empêcher les enfants d’adopter les opinions de leurs parents, et avec l’aide de 211 Ici l’on peut visionner l’intégralité de la rencontre entre les deux hommes, environ 1h30 : <https://www.youtube.com/watch?v=YHPzFLojO8M>. 115 Dieu, nous sommes en train d’atteindre cet objectif. »212 Ce réformateur voit les choses de cette manière. Le changement islamiste de la société passe d’abord par l’endoctrinement des enfants, des femmes et des petits-enfants. Et Mourou de rajouter : « La prochaine étape s’annonce plus difficile encore. Car avant, nous étions dans une phase très éprouvante, mais qui nous a permis toute de même de ne pas baisser la garde et de gagner désormais. La phase de prospérité qui est en cours risque de nous séduire davantage et peut causer notre relâchement. En effet, la phase de prospérité apparaît comme une récompense mais en réalité, il s’agirait plutôt d’une tribulation à laquelle il faudrait faire très attention. Aujourd’hui nous sommes devant les portes du pouvoir, nous possédons déjà le Ministère de l’Education, le Ministère de l’Enseignement Supérieur, le Ministère de la Justice, le Ministère de la Santé, etc. »213 Ainsi, l’on peut regretter que la « Révolution du Jasmin » déboucha, pour l’instant, sur une accélération dans la marche du Tamkine « doux ». Y compris les moyens et les institutions de l’Etat tunisien laïque sont désormais mis à contribution, activement. Les stratégies du Tamkine se ressemblent que l’on soit en Tunisie, en Egypte, en Mauritanie, en Belgique ou en France. L’un des points communs, le plus inquiétant, à mon sens, c’est le fait de considérer l’enfance « musulmane » comme une propriété privée, que l’on peut façonner, à la manière des « Frères Musulmans » pour accélérer la marche vers le pouvoir ultime et la domination totale, au nom de Dieu. Des enfants innocents assimilés à du « charbon » à bruler pour produire la « vapeur » nécessaire, permettant à la « mécanique » du Tamkine de faire avancer la « locomotive » frériste vers la « destination finale ». Quel « crime » aurait commis cette enfance et cette jeunesse, issues de familles musulmanes, déjà sujettes à de nombreuses inégalités sociales, économiques et territoriales, pour qu’elles soient, en plus, instrumentalisées, manipulées, matin, midi et soir, jour et nuit, pendant le temps scolaire et durant les vacances, pour servir et s’asservir à un tel projet islamiste inhumain et immoral ? Quel crime ? Les parents en ont-ils exprimés leurs consentements ? Doit-on, au nom d’une sacralité supposé d’un projet politicien, fermer les yeux, laisser sacrifier les rêves de centaines d’enfants sur un autel idéologique ? Peuton, en toute conscience des conséquences réelles, laisser ces enfants entre les mains des islamistes et les condamner à l’emprisonnement, à vie, et dès le bas-âge, dans les mailles du filet frériste ? Simples questions ! 212 213 Ibid. Ibid. 116 Avant de passer au paragraphe suivant, je suggère aux parents d’élèves, aux éducateurs, aux enseignants et aux autres soutiens inconditionnels du « CollègeLycée Averroès » de prendre, humblement, un temps de méditation, en ces citations historiques tirées de deux livres précieux, qui m’accompagnent et éclairent les sombres zones de mon être et de mon chemin spirituel. Janusz Korczak (1878 - 1942), fut juif polonais, médecin, éducateur et écrivain visionnaire. Ce père spirituel des « Droits de l’enfant », ce géant entré dans l’Histoire de l’Humanité le 6 août 1942 en sacrifiant sa vie au milieu de 200 enfants juifs de son orphelinat, déportés et assassinés au camp d’extermination nazi de Treblinka. Il avait accompagné ses enfants durant leurs vies. Il a refusé de les abandonner dans le ghetto de Varsovie. Vivant, il avait coulé l’encre de sa plume pour défendre leur cause sacrée. Il est assassiné pour cette même cause, avec eux. Que la Paix et la Miséricorde de Dieu soient avec lui et « ses » centaines d’enfants, là où ils sont. Comment ce Prophète humaniste voyait le devoir de l’éducateur ? Dans son livre « Le droit de l’enfant au respect », il dit, je cite : « Nous - [parlant des éducateurs et des enseignants] - sommes les gardiens des murs et du mobilier scolaires, du silence dans la cour, de la propreté des oreilles et du sol. Des bergers veillant à ce que leur troupeau ne provoque pas de dégâts, ne dérange pas les adultes. Des intendants responsables des culottes courtes râpées et des chaussures éculées. Des mesquins gestionnaires chargés du partage des repas. Nous écoulons nos lots de craintes et de mises en garde. Nous débitons une morale de pacotille. Nous faisons l’article d’un savoir dénaturé qui intimide, embrume les esprits et les endort, au lieu de les éveiller, de les nourrir et de les rendre heureux. Courtiers d’une vertu bon marché, nous avons pour mission 117 d’imposer aux enfants les notions de respect et d’humilité et nous devons attendrir les adultes, flatter leurs bons sentiments. En récompense d’un maigre salaire, il nous faut construire un avenir solide, en taisant le fait que les enfants sont un nombre, une volonté, une force et un droit. Le médecin peut arracher l’enfant à la mort. Le devoir de l’éducateur est de laisser vivre cet enfant et de lui garantir le droit à être ce qu’il est »214 ! Un autre « Prophète », décrit par Gibran Khalil Gibran (1883 - 1931), répondait à une femme, qui tenait un nouveau-né contre son sein, et qui demandait de savoir ce qu’il pensait des « enfants ». Le Prophète dit : « Vos enfants ne sont pas vos enfants. Ils sont les fils et les filles du désir de la Vie pour elle-même. Ils passent par vous mais ne viennent pas de vous. Et bien qu’ils soient avec vous, ils ne vous appartiennent pas. Vous pouvez leurs donner votre amour mais pas vos pensées, car ils ont leurs propres pensées. Vous pouvez loger leurs corps mais pas leurs âmes, car leurs âmes habitent la maison de demain, que vous ne pouvez visiter, même pas en rêve. Vous pouvez vous efforcer d’être semblables à eux, mais ne cherchez pas à les rendre semblables à vous, car la vie ne revient pas en arrière et ne s’attarde pas avec le passé. Vous êtes les arcs à partir desquels vos enfants, tels des flèches vivantes sont lancés. L’Archer vise la cible sur la trajectoire de l’infini, et Il vous courbe de toutes ses forces afin que les flèches soient rapides et leur portée lointaine. Puisse votre courbure dans la main de l’Archer être pour l’allégresse, car de même qu’Il chérit la flèche en son envol, Il aime l’arc aussi en sa stabilité »215 ! Les parents d’élèves feront-ils le choix du « désir de la Vie pour elle-même » ou du désir des islamistes pour le Tamkine ? Entre la Vie et les islamistes, le choix, me semble-t-il, n’est pas difficile à faire. Il faut juste le décider, en âme et conscience. 214 215 Janusz Korczak, 2012, Le droit de l’enfant au respect, éditions Fabert, p.50-51. Gibran, 1992, Le Prophète, folio classique, p. 38-39. 118 Averroès, descenddescend-t-il du singe ? A en croire Tariq Ramadan, dans son dernier livre précité, la réponse est : Oui. J’examinerai et analyserai la position de l’UOIF et de la LIN, un peu plus bas. En effet, selon ce « réformateur genevois », la « Théorie de l’évolution des espèces », proposée par Charles Darwin (1809 - 1882), serait compatible avec ce que lui appelle « la tradition musulmane », prenant ainsi un grand risque de considérer comme communément « vrai » une illusion optique, et d’essentialiser une réalité qui n’existerait, en vérité, que dans sa propre tradition chimérique. Tariq Ramadan dit : « … la théorie de l’évolution des espèces proposée par Darwin est souvent mise en opposition à l’acte créateur tel qu’il est conçu dans la tradition chrétienne. La tradition musulmane ne rejette pas, quant à elle, une telle théorie, puisqu’on retrouve dans certains textes cette idée d’évolution des espèces ; elle est tout à fait admise sans remettre pour autant en cause une création spécifique de l’être humain à un moment donné de cette évolution … »216 Sur 221 pages, Tariq Ramadan tranche cette question en seulement 11 lignes et laisse supposé, sciemment, que Darwin pose problème plutôt aux chrétiens et non pas aux musulmans. Et puis rien, strictement rien. Ils parlent de certains textes mais il ne les cite pas. Toujours fidèle à sa manière habituelle d’éviter les questions qui fâchent. En fait, vraiment, « au péril des idées », ça sera pour quand ? Vraiment. Il oublie, au passage, de préciser que la position officielle de l’Eglise Catholique, comparé à celle de la majorité des savants musulmans, ne cesse d’évoluer dans le sens d’une acceptation de la théorie de l’évolution, comme une explication plus que sérieuse de l’origine des espèces. Et ce, au moins, depuis le Pape Pie XII. 216 Tariq Ramadan, 2014, De l’islam et des musulmans, Presses du Châtelet, p. 28. 119 En effet, dans l’Encyclique Humani Generis, datant du 12 août 1950, on peut lire ce premier passage d’ouverture : « … C’est pourquoi le magistère de l’Eglise n’interdit pas que la doctrine de l’évolution, dans la mesure où elle cherche l’origine du corps humain à partir d’une matière déjà existante et vivante - car la foi catholique nous ordonne de maintenir la création immédiate des âmes par Dieu - soit l’objet, dans l’état actuel des sciences et de la théologie d’enquêtes et de débats entre les savants de l’un et de l’autre parti : il faut pourtant que les raisons de chaque opinion, celle des partisans comme celles des adversaires, soient pesées et jugées avec le sérieux, la modération et la retenue qui s’imposent … »217 Déjà en 1950 : une première ouverture ! Il oublie aussi de mentionner la position du Pape Jean Paul II, le 22 octobre 1996, quarante six ans plus tard, devant l’Académie Pontificale des Sciences où il était question de l’origine de la vie et de l’évolution. Jean Paul II appela les académiciens à tirer profit d’un dialogue fécond entre l’Eglise et la Science, en évoquant le fait que, selon lui, la « vérité » - religieuse - ne peut pas contredire l’autre « vérité » - scientifique. Après avoir fait référence à son prédécesseur et son propos d’ouverture et de cadrage dans l’Encyclique précitée, en citant quelques passages, surtout dans lequel son prédécesseur considérait « l’évolutionnisme » comme une hypothèse, Jean Paul II dit clairement, je cite : « Aujourd’hui, près d’un demi siècle après la parution de l’Encyclique, de nouvelles connaissances conduisent à reconnaître dans la théorie de l’évolution plus qu’une hypothèse. Il est en effet remarquable que cette théorie se soit progressivement imposée à l’esprit des chercheurs, à la suite d’une série de découvertes faites dans diverses disciplines du savoir. La convergence, nullement recherchée ou provoquée, des résultats de travaux menés indépendamment les unes des autres, constitue par elle-même un argument significatif en faveur de cette théorie »218 ! Jean Paul II évoqua même l’idée qu’il faudrait plutôt parler « des théories de l’évolution » au pluriel, plus que de « la théorie de l’évolution » au singulier. Ensuite, il développa une autre idée de différenciation, de nature, entre deux mondes, entre deux sphères, entre deux niveaux d’exploration et d’observations : le matériel (corps) et le spirituel (l’âme/l’esprit). Ainsi, il rappela cette réflexion du Pape Pie XII : « si le corps humain tient son origine de la matière vivante qui lui préexiste, l’âme spirituel 217 Pape Pie XII, 1950, Encyclique Humani Generis, Libreria Editrice Vaticana. A lire l’intégralité ici : <http://w2.vatican.va/content/pius-xii/fr/encyclicals/documents/hf_p-xii_enc_12081950_humanigeneris.html>. 218 Pape Jean-Paul II, 1996, Discours devant l’Académie Pontificale des sciences, 22/10/1996. A lire ici : <http://www.hominides.com/html/theories/jean_paul_evolution.php>. 120 est immédiatement créée par Dieu »219. Et ce, pour introduire son concept du « saut ontologique »220 : ce moment du passage du « matériel » au « spirituel », ou comme le définit l’Abbé Pierre - dans son livre avec Fréderic Lenoir « Mon Dieu … pourquoi ? » - comme étant « l’apparition de la conscience humaine et de la capacité de symbolisation qui est le propre de l’homme »221. En effet, il dit : « En conséquence, les théories de l’évolution qui, en fonction des philosophies qui les inspirent, considèrent l’esprit comme émergeant des forces de la matière vivante ou comme un simple épiphénomène de cette matière, sont incompatibles avec la vérité de l’homme. Elles sont d’ailleurs incapables de fonder la dignité de la personne. »222 Cependant, il rajoute : « Avec l’homme, nous nous trouvons donc devant une différence d’ordre ontologique, devant un saut ontologique, pourrait-on dire. Mais poser une telle discontinuité ontologique, n’estce pas aller à l’encontre de cette continuité physique qui semble être comme le fil conducteur des recherches sur l’évolution, et cela dès le plan de la physique et de la chimie ? »223 La question, ainsi formulée et posée, montre à quel point, au sein de l’Eglise Catholique, il y a bel et bien, depuis des décennies, une dynamique de réflexion religieuse et philosophique et aussi une volonté de réconcilier Religion et Science, tout en précisant que si l’évolution du « corps » (dimension matérielle) relève du savoir physique, l’ « âme/esprit » (passage au spirituel) ne peut faire l’objet d’une étude ou d’une observation physique, même s’il est possible de déceler, expérimentalement, quelques signes précieux révélant la spécificité de l’humain, ce « saut ontologique » devrait plutôt être penser dans le cadre d’une réflexion philosophique et théologique. Jean Paul II finit son discours par rappeler ce verset : 219 Ibid. Ibid. 221 Abbé Pierre avec Frédéric Lenoir, 2005, Mon Dieu … pourquoi ?, Plon, p. 60-61. 222 Pape Jean-Paul II, ibid. 223 Pape Jean-Paul II, ibid. 220 121 « Ce n’est pas de pain seul que vivra l’homme, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu »224. En septembre 2008, l’Eglise Anglicane anglaise a fini par s’excuser pour avoir rejeté la « Théorie de l’évolution » de Darwin225. En mars 2009, dans le cadre de l’université pontificale grégorienne, l’Eglise Catholique organisa un colloque sur l’évolution darwinienne à l’occasion du 150ème anniversaire de la parution du livre de Charles Darwin. Le débat au sein des Eglises chrétiennes continue toujours et les convergences se multiplient vers plus de reconnaissance de la crédibilité d’une telle théorie et, peut-être de sa nécessité même pour la foi. Qu’en-est-il maintenant de « la tradition musulmane » essentialisée dans le propos de Tariq Ramadan ? Y-a-t-il un début d’acceptation de l’évolutionnisme dans « la » sphère musulmane qui par ailleurs reste plurielle et cosmopolite ? Comment se porte l’évolutionnisme dans les pays arabo-musulmans ? L’évolutionnisme est-il communément admis au sein de cette tradition comme le laisse entendre Tariq Ramadan ? En l’absence, naturellement, de réponses définitives à ce genre de questions difficiles, voire existentielles, je rappellerai simplement, ci-après quelques faits, quelques chiffres et quelques résultats d’études sociologiques avant de tenter une analyse du « cytoplasme » islamiste dans lequel baigne le « Collège-Lycée Averroès » et d’essayer de « décrypter » quelques informations contenues dans son « ADN ». Sous l’intitulé : « Monde Musulman, faut-il brûler Darwin ? »226, l’hebdomadaire Courrier International, dans son numéro de fin mars 2009, publia 224 Pape Jean-Paul II, ibid. François Clarac (Neurobiologiste au CNRS), 2009, Jean-Baptiste, Charles Darwin et théorie de l’évolution. Texte à lire ici : < http://academie.sla.mars.free.fr/memoire35.html>. 226 Hamza Al-Mizaini et Haluk Sahin, 2009, Faut-il brûler Darwin ?, Courrier International, 26-31/03/2009, n°960, p.29. Ici la version numérique, l’accès nécessite l’abonnement : <http://www.courrierinternational.com/magazine/2009/960-drole-de-pape>. 225 122 deux articles au sujet de l’évolutionnisme, l’un paru dans le quotidien libéral saoudien Al-Watan et l’autre paru dans le quotidien turc Radikal. Le journaliste du quotidien saoudien, Hamza Al-Mizaini, regrettait le silence assourdissant dans le monde arabo-musulman, quant à la célébration du 200ème anniversaire de la naissance de Darwin. Aucune publication, pas de colloques, pas d’événements, pas de célébration, juste le silence ou, pire, la rhétorique religieuse fondamentaliste de condamnation de Darwin et de sa théorie. Alors que, en dehors de ce monde arabo-musulman, les célébrations, les articles, les conférences se multipliaient partout, y compris au sein des sphères religieuses. Il dit : « Alors que nous plongeons dans l’ignorance, le Vatican organise une conférence sur Darwin et Galilée »227. Avant de rajouter : « Au même moment, les musulmans adoptent l’attitude inverse et reprennent le discours des fondamentalistes protestants, dont les écrits sont étonnamment bien diffusé dans le monde arabe. Le paradoxe c’est qu’on a toujours affirmé que l’islam est compatible avec la science … »228 Etonnant ! Pour l’anecdote, une vidéo circule sur les réseaux sociaux, montrant un prédicateur saoudien Bandar Al-Khaybari, expliquant que « la Terre ne tourne pas, elle est immobile » en évoquant des textes sacrés et même des raisons très « raisonnables ». Pour démontrer la crédibilité de sa théorie, il donne cet exemple, en schématisant le mouvement de l’avion par sa main gauche, se déplaçant au-dessus d’un goblet qui représenta la Terre. Il explique : « Si nous prenions l'avion pour partir en Chine, une fois l’avion prend son envol, nous tournerions en avion pendant que la Terre tournerait elle aussi, en même temps que nous ? Nous ne pourrions donc jamais atteindre la Chine, ni dans un sens, ni dans l’autre. »229 Ce prédicateur, commenta le magasine Marianne : « Il pense sans doute qu’elle - la Terre - lui ressemble, parce que dans sa tête, ça tourne vraiment pas rond. »230 Personnellement, je pense vraiment que ce religieux saoudien fait un pas géant, même s’il a la tête dans un goblet, comparé à ses semblables. Il est même en avance de dix siècles par rapport à d’autres qui restent coincés au VII siècle. En 2015, il est entrain d’analyser, enfin, des modèles astronomiques datant du début du XVII siècle - Galilée fut sa découverte majeure vers l’an 1610. Peut-être un jour vers l’an 2200, l’un de ses disciples examinerait l’évolutionnisme de Darwin. L’espoir est permis. Que l’optimisme soit. Dans le deuxième article du Courrier International, le journaliste turc - la Turquie étant une république laïque à la différence de l’Arabie Saoudite - regretta la 227 Hamza Al-Mizaini, ibid. Hamza Al-Mizaini, ibid. 229 Vidéo accessible ici : < http://www.dailymotion.com/video/x2hj6jj_cheikh-al-bandar-khaibari-le-soleiltourne-autour-de-la-terre-vostfr_news?start=6>. 230 Ça tourne pas rond, Marianne, 27/02 au 5/03/2013, n°932, p.25. 228 123 censure de la théorie de l’évolution par des responsables et par des scientifiques qui se sont transformés en redoutables censeurs. Il dressa deux tableaux parallèles. Le premier d’un monde occidental qui célèbre Darwin au point que l’UNESCO a fait de l’année 2009 l’année Darwin et que des Eglises participèrent à ces célébrations. Le deuxième, celui d’un monde musulman, où religieux et scientifiques ne prêtent aucune attention à l’importance de cette théorie, et à la Science en général, et ne ménagent aucun effort pour la combattre, encourageant des fanatiques pour imposer la régression comme seule modèle de société, promouvoir les thèses créationnistes les plus aberrantes et continuer à expliquer le phénomène gravitationnel par le battement des ailes des anges et les canicules estivales, accrochez-vous, par l’ouverture des portes de l’Enfer, selon un hadith authentique. On rapporte, qu’en début 2009 en Turquie : « le vice-président du Conseil de la Recherche Scientifique et Technologique turc, qui édite le magazine Science et Technique, a demandé la suppression d’un article de 16 pages consacré à Darwin » parmi tant d’autres cas de censure habituels et banalisés. D’ailleurs, c’était à partir de la Turquie même qu’un certain pseudonyme Harun Yahya - Adnan Oktar de son vrai nom, se réclamant de l’islam sunnite - avait envoyé en 2006 une encyclopédie créationniste aux - L’Atlas de la création »231 établissements scolaires français et à d’autres personnalités. Certaines universités américaines avaient reçu cette même encyclopédie en 2007. Dans le cadre d’une enquête récente sur l’acceptation de la théorie de Darwin dans 34 pays du Monde, incluant la Turquie comme pays musulman et laïque. On a proposé cet énoncé aux personnes interrogées : « Les êtres humains comme on les connaît se sont développés à partir d’espèces animales antérieures »232. Le résultat : seulement 25% des turcs étaient d’accord avec cette proposition233. Aux Etats-Unis, ce chiffre atteint 40% 234, sachant que le créationnisme protestant y avait prospéré avec la complicité de l’administration Bush. Il y prospère toujours. La revue mensuelle « La Recherche » publia, en mai 2009 un article de Salman Hameed : « La montée du créationnisme musulman », où il évoquait, entre autres, les résultats d’une étude sociologique analysant les comportements religieux dans des pays musulmans : Indonésie, Pakistan, Egypte, Malaisie, Turquie et Kazakhstan. Cette étude comportait, entre autres, une question sur l’évolution darwinienne comme idée scientifique contredisant une conviction religieuse. On a posé une 231 Adnan Oktar, 2006, L’Atlas de la création, Editions Global, Vol.1 (901 p.) & Vol.2 (779 p.). Salman Hammed, 2009, La montée du créationnisme musulman, La Recherche : l’actualité des sciences, mai 2009, n°430, p.56. Ici l’article en accès gratuit : < http://www.larecherche.fr/savoirs/evolution/montee-ducreationnisme-musulman-01-05-2009-87651>. 233 Ibid. 234 Salman Hammed, ibid. 232 124 question directe en ces termes : « Êtes-vous d’accord ou non avec la théorie de l’évolution établie par Darwin ? » 235 Les résultats de cette étude montre que : « Seuls 16% des Indonésiens, 14% des Pakistanais, 8% d’Egyptiens, 11% des Malaisiens et 22% de Turcs pensent que la théorie de Darwin est vraie, ou probablement vraie. »236 C’est au Kazakhstan, une ancienne république soviétique, que l’on trouve un résultat très différent des autres pays étudiés : seulement 28% de Kazakhs pensent que la théorie de l’évolution est fausse237. A préciser tout de même que le Kazakhstan est le pays le plus petit en terme de population de confession musulmane : seulement douze million et demi, alors que l’Indonésie comptabilise presque 205 millions de musulmans, le Pakistan 178 millions, l’Egypte 80 millions, la Turquie presque 75 millions et la Malaisie 17 millions.238 Salman Hameed conclut en disant que : « Ces résultat dresse un tableau déprimant. »239 Selon l’auteur « la question concernant l’évolution reste fortement liée à la manière dont est comprise la notion d’évolution par les personnes interrogées. »240 L’évolution darwinienne est très vite confondue avec l’athéisme et donc considérée comme une vraie menace pour la religion. D’ailleurs, à la lecture de l’Encyclique de 1950, du Pape Pie XII, il y a un passage en particulier, qui décrivait les craintes de l’Eglise Catholique face à la théorie de l’évolution et surtout face à ce postulat « moniste et panthéiste d’un unique tout fatalement soumis à l’évolution continue »241. Je cite : « … Or, très précisément, c’est de ce postulat que se servent les partisans du communisme pour faire triompher et propager leur matérialisme dialectique dans le but d’arracher des âmes toute idée de Dieu. »242 La théorie de l’évolution était donc assimilée, y compris, par l’Eglise romaine en 1950, au matérialisme dialectique marxiste ambiant et au risque de mettre en dehors du « bercail du Christ »243 toute une génération de fidèles qui seraient, à cause de l’évolutionnisme, tentés par l’athéisme. La même rhétorique est désormais reprise dans de nombreux milieux musulmans et islamistes. Dans le même article de « La Recherche », d’autres résultats issus d’autres études sont mis en perspective. Par exemple, une étude canadienne montre que sur 235 Ibid. Ibid. 237 Ibid. 238 Statistiques issues de Wikipédia à consulter ici : <http://fr.wikipedia.org/wiki/Nombre_de_musulmans_par_pays>. 239 Salman Hammed, ibid. 240 Ibid. 241 Pape Pie XII, ibid. 242 Pape Pie XII, ibid. 243 Ibid. 236 125 une population de 18 professeurs Pakistanais des Sciences : 14 sur 18 acceptaient relativement l’idée de l’évolution des organismes. Mais 15 sur 18 rejetaient l’évolution des êtres humains244. Dans le même sillage, dans une étude sur 25 étudiants musulmans, venants principalement de la Turquie et du Maroc pour poursuivre leurs études aux PaysBas, la plupart d’entre eux acceptaient le principe de la « microévolution » - évolution à l’intérieur d’une même espèce - et tous, ou presque, rejetaient la « macroévolution » - évolution, mutation ou saut biologique d’une espèce à l’autre. La notion de « tradition musulmane » essentialisée par Tariq Ramadan ainsi que son affirmation que le problème est plutôt posé à la tradition chrétienne semblent en parfait décalage avec une certaine réalité sociologique, culturelle, universitaire et religieuse, que démontrent désormais ces faits et chiffres. De quelle « tradition » parlait-il ? Cependant, il est à noter qu’au sein même des sociétés arabo-musulmanes, et depuis maintenant quelques décennies, on assiste de temps en temps, à la parution de travaux intéressants et prometteurs, accompagnés, naturellement, de contestation et de condamnation exprimées par les milieux islamistes. Des travaux qui peuvent faire évoluer les mentalités au sujet de « l’évolution ». Certes ces travaux ne reflètent guère une dynamique, ou un mouvement de masse, qui pourrait accréditer une telle affirmation ramadanienne. Mais ces travaux deviennent petit-à-petit accessibles à une minorité, somme toute très isolée de la société, qui a toujours le goût des livres et qui sacralise le verbe « lire ». D’ailleurs, les résultats d’une étude récente menée dans certains pays arabes, concernant le rapport à la lecture, montre que sur les 1440 minutes journalières, les libanais consacrent seulement 10 minutes pour la lecture, les égyptiens 9 minutes, les marocains 7 minutes, les saoudiens 6 minutes et les tunisiens 5 minutes.245 En tête, des livres lus dans tous les pays sondés, arrive le Coran. Au Maroc et en Arabie Saoudite se sont les livres des recettes (cuisine) qui arrivent en seconde position. Pour les autres pays, ce sont les livres de poésie et les livres d’histoire qui talonnent le Coran246. Le public s’intéressant aux études sérieuses sur l’évolution, et sur d’autres aspects du progrès de la Science et de la Société, reste très minoritaire et souvent incapable, financièrement, à suivre les nouveautés et à investir sur le terrain neurologique : les prix des livres restent sensiblement chers, si l’on tient compte du pouvoir d’achat et du revenu moyen dans ces pays. 244 Salman Hammed, ibid. Les résultats de cette étude sont publiés ici en arabe : < http://ribatalkoutoub.com/?p=234>. 246 Ibid. 245 126 Néanmoins, ces travaux peuvent, à un moment donné de la « mutation » tant attendue des sociétés arabo-musulmanes, constituer une bonne base théorique pour mieux comprendre le processus de l’évolution et son caractère inoffensif vis-à-vis de la foi en général, et de la foi musulmane en particulier. Une conciliation entre Science et Religion, sur de bases solides, à la lumière de ce qu’avait entrepris déjà Averroès à son époque, demeure une hypothèse sérieuse et souhaitable. Pour n’évoquer que quelques exemples de la période contemporaine : En 1990, l’islamologue syrien Muhammad Shahrour, posa les fondations - car il est aussi ingénieur génie civiliste - de sa nouvelle approche exégétique du Coran. Il publia son premier ouvrage : « le Livre et le Coran : une lecture contemporaine »247. Parmi les éléments méthodologiques de son approche, il y a cette proposition basée sur d’anciens travaux linguistiques s’intéressant au « mot », comme unité lexicale, qui a son identité et son histoire personnelle, et qui signifie quelque chose de bien particulier, dans un usage linguistique bien particulier, et dans un contexte social et historique bien particulier aussi. De là, je résume un peu trop, il affirme que le texte révélé est de nature bien précise et, de ce fait, ne fait pas usage, en son sein, des synonymes248. L’auteur considère que chaque « mot » subit un processus d’évolution et doit, à chaque époque, choisir entre deux options : soit de disparaître purement et simplement, comme de nombreux mots anciens que l’on utilise plus. Soit de continuer d’exister en enrichissant son ancienne signification par l’ajout d’une nouvelle signification qui n’annule pas l’ancienne mais qui lui donne juste davantage d’épaisseur. 249 Pour simplifier, au risque de trahir le sens indiqué par l’auteur, chaque mot utilisé aurait une signification propre à lui et que l’on ne peut remplacer, dans un verset, un terme par son synonyme sans changer le contenu et la signification du texte. Ainsi des termes comme le « Livre » et le « Coran » paraissent en langage courant comme étant synonymes. Pour l’islamologue, ils ne le sont pas dans la structure sémantique des textes révélés. Le « père » ne peut remplacer le mot « géniteur » par exemple, etc. Dans ce cadre là, et en lien avec la théorie de l’évolution, Muhammad Shahrour considère que dans le champ sémantique de la révélation les mots arabes « Bashar » ( ) رet «Insãn » ( ن$ )إne sont pas synonymes. Chaque mot a sa propre signification, chaque mot est utilisé pour désigner quelque chose de très spécifique. L’un ne peut remplacer l’autre. L’erreur selon l’islamologue serait d’effacer ces nuances qui vont 247 Muhammad Shahrour, 1990, le Livre et le Coran : une lecture contemporaine, éditions al-Ahali, 823 pages. Ibid., p. 22-23. 249 Ibid., p. 44. 248 127 au-delà de simples nuances sémantiques car elles renvoient à des réalités historiques et structurelles majeurs que l’on ne doit ignorer, en aucun cas. Cela peut conduire à une compréhension erronée de la « signification » du texte - au sens d’Abou Zayd. Le problème est encore amplifié lorsque l’on passe de l’arabe au français. Le mot « Bashar » et «Insãn » sont traduits par le terme « homme » ou parfois « humain ». Deux concepts différents, mais une seule traduction qui efface et essentialise : cherchez l’erreur ! Cela peut être vérifié par exemple dans deux versets, parmi tant d’autres, qui parlent de la création. Le verset 71 de la sourate 38 (Sãd) où le texte arabe emploie le terme « Bashar » ( ; ) رet le verset 1 de la sourate 76 (Al-Insãn) où le texte arabe emploie le terme «Insãn » ( ن$)إ. J’ai vérifié les traductions en français sur, au moins quatre supports de traduction : Muhammad Hamidoullah250 ; Kasimirski251 ; Mohammed Chiadmi252 préfacé par Tariq Ramadan ; et la traduction selon l’ordre chronologique de Sami Aldeeb Abu-Sahlieh253. Tous ont traduit les deux termes différents, utilisés en arabe par, un seul mot - « homme » ou « humain » ou « espèce humaine » - en sousentendant qu’ils soient synonymes et interchangeables dans le texte. La chose devienne sérieuse lorsque l’on sait que l’islamologue Muhammad Shahrour, en suivant les traces de ces deux termes arabes au sain du Livre révélé, et en les regroupant et recoupant dans une étude passionnante, il a fini par leur donner deux significations remarquables et très intéressantes. 250 Muhammad Hamidoullah, Le Saint Coran : traduction en langue française du sens de ses versets, édition de la Présidence Générale de DRSIIPOR, Arabie Saoudite. 251 Kasimirski, 2006, Le Coran, Brodard & Taupin, 672 pages. 252 Mohammed Chiadmi, 2005, Le Noble Coran : nouvelle traduction française du sens des ses versets, édition Tawhid, 760 pages. 253 Sami Aldeeb Abu-Sahlieh, 2008, Le Coran : texte arabe et traduction française par ordre chronologique selon l’Azhar, Editions de l’Aire, 580 pages. 128 Ainsi le terme « Bashar » ( ) رexprime et décrit, dans un premier temps, une existence physiologique d’un être vivant, parmi d’autres êtres vivants, qui a subit un processus évolutionniste et une succession d’amélioration et de perfectionnement, sur une longue histoire, comme tous les autres êtres vivants. Le mot « Bashar » revoie, dans un deuxième temps, à cette dimension matérielle, corporelle qui a besoin de se nourrir, de se vêtir, de se protéger contre le froid, etc. D’autres renvois sont à consulter dans son ouvrage avec plus de détails et d’explications.254 Par ailleurs, le terme «Insãn » ( ن$ )إexprime et définit un être vivant sélectionné parmi la communauté des « Bashar » pour recevoir le souffle de Dieu : « l’âme ».255 Là aussi, dans le champ lexical de Muhammad Shahrour « l’âme » ne veut pas dire le souffle de la vie. Être vivant mais sans « âme » et tout à fait concevable de son point de vue. Certains disent déjà : Comment est-il concevable et logique de souffler la vie - au sens biologique du terme - dans un organisme déjà vivant ? « L’âme » ()ا روح, dans son usage coranique, selon l’islamologue, voudrait dire deux choses : La Connaissance ( " )ا 'رet la Législation (( )ا ر256. Elle ne voudrait pas dire la « vie » au sens biologique du terme. Dans cette logique, Adam n’est pas le premier « Bashar » mais il est le premier «Insãn ». Le souffle de Dieu arriva après une longue période d’évolution matérielle et de perfectionnement de l’appareil neurologique et des organes produisant le son et le langage. C’est au moment que la perfection a atteint un seuil critique que le souffle de Dieu fut intervenu pour apporter à ce « Bashar » évolué, « l’âme » faite de Connaissance et de Législations, pour assumer, en toute conscience, son rôle de «Insãn » : un humain parmi des humains. D’ailleurs, le premier verset de la sourate 76 (Al-Insãn) dit : « Est-il venu sur l’humain un moment de temps où il n’était même pas une chose mentionnable ? »257. Ce moment de temps que veut-il dire ? Ce serait cette longue histoire, dont il est question peut-être, durant laquelle le « Bashar » menait une existence matérielle évolutive mais sans conscience de ce qu’il est : sans « âme ». L’humain deviendrait « mentionnable » dès qu’il aurait reçu le souffle, la connaissance et les règles morales et législatives définissant le bien et le mal, entre autres. Ainsi, pour l’islamologue le « chaînon manquant » dans la théorie de l’évolution serait, peut-être, ce souffle là. Cela s’approche un peu du concept du 254 Muhammad Shahrour, ibid., p.280-298. Ibid. 256 Ibid., p.298-310. 257 Coran, 76, 1. 255 129 « saut ontologique » tel qu’il a été expliqué par le Pape Jean Paul II en 1996. L’islamologue formule dans aussi quatre équations258 : « Bashar » + « âme » = «Insãn » (l’humain) « Bashar » = Existence objective (matérielle/physique) « Âme » = Existence subjective (consciente/connaissante/métaphysique) «Insãn » (l’humain) = Existence objective + Existence subjective En Egypte en 1998, sur un autre registre dont seulement l’une des conclusions est similaire à une des conclusions de Muhammad Shahrour. L’universitaire Abdessabour Chahine, issu des « Frères Musulmans » - qui était par ailleurs à l’origine de l’éclatement médiatico-politico-judiciaire de « l’affaire » de Nasr Hamid Abou Zayd - avait publié un livre intitulé : « Adam, mon père : L’histoire de la création entre le mythe et la vérité ! »259 ( * طورة و ا+ن ا ا : )أ ! آدم. Un livre qui s’inscrit selon son auteur dans un combat pour purger l’héritage musulman des influences israélites. Ce livre avait plutôt une visée idéologique et politique, si ce n’était géopolitique : ou comment influencer la « géographie » des textes religieux pour influencer celle du contexte politique. L’auteur inscrivait son travail dans une démarche clairement antijuif, antisioniste et le considérait comme étant une sorte de Jihad intellectuel contre le colonisateur sioniste qui, avant de coloniser la terre de la Palestine, avait déjà colonisé les textes et les références religieuses musulmanes, selon ses dires260. Il a voulu mener le combat contre certains hadiths - c’était tout de même courageux venant d’un idéologue frériste - qui reprenaient la vision biblique de la 258 Lire cet article arabe résumant sa pensée à ce sujet, ici <http://www.liberaldemocraticpartyofiraq.com/serendipity/index.php?/archives/499-1-..html> 259 Abdessabour Chahine, 1998, Abi Adam, Ed. al-Rawafid al-Thqafiyyah, 191 pages. 260 Abdessabour Chahine, ibid, p.19-24. 130 création du Monde. Je ne sais pas si le « sionisme » représentait une quelconque réalité historique à l’époque de l’écriture de ces références - il y a un peu plus de 12 siècles ? Quant aux influences, dans un sens comme dans l’autre, cela s’avèrent aujourd’hui plus qu’une hypothèse crédible du simple fait que la communauté juive était très présente à Médine, et plus globalement en Arabie, bien avant l’avènement du Prophète Mohammad. Et que certains rabbins se sont convertis à l’islam et avaient enseignaient des connaissances, diverses et variées, à des compagnons, comme le fameux Abou Hourayra261. Les contacts et les échanges entre communautés juive et musulmane n’est pas à mettre en doute. C’est un fait historique incontestable. Cependant, faire un travail sur les textes pour chercher la cohérence et comprendre les origines de certaines incohérences, supposées ou flagrantes, avec un texte et son esprit, est une chose. Produire un écrit pour, je cite : « … mener un Jihad obligatoire à tous les niveaux (militairement, moralement, intellectuellement, médiatiquement, …) contre l’invasion israélienne au cœur de notre monde arabe, en Palestine. Il nous faudra anéantir ces agresseurs avant qu’ils nous anéantissent. Ils sont venus à notre pays en assassins et assassinés. Nous serons avec la volonté de Dieu, leurs assassins et ils seront les assassinés jusqu’à ce que nous les dirigerons vers le camp de détention en Enfer. »262 Cela est une autre chose, qui risque de discréditer toute la démarche de recherche et d’analyse. Ne dit-on pas que « les actes ne valent que par les intentions »263 ? Ce qui m‘intéresse, dans cet ouvrage, au-delà de son introduction assurément antijuive, est l’une de ses conclusions ressemblant curieusement à celle, publiée 8 ans auparavant, par Muhammad Shahrour : Adam n’est pas le père des « Bachar » mais le père des « Insãn ». Chaque «Insãn » est nécessairement « Bashar » mais chaque « Bashar » n’est pas forcément un «Insãn »264. Mis à part cette conclusion, qui représente somme toute une légère « évolution » dans une pensée « frériste » fixiste. L’effort de l’auteur était porté sur le fait que le « Bachar » n’a pas évolué d’une autre espèce. Il a livré une bataille contre la théorie de l’évolution. Il s’agit tout de même d’un début, d’une petite ouverture qui pourrait « évoluer », qui sait ? Après quelques milliers d’années. Par ailleurs, deux chercheurs soudanais, deux frères de sang, un résident à Londres et l’autre à Khartoum ; le premier est médecin et s’appelle Imad Mohamed Babker Hassan ; l’autre est ingénieur et s’appelle Alaeddine Babker Hassan ; ils 261 Mohamed LOUIZI, 2008, Il était une fois un inféodé sur le chemin de Damas, Etude, format PDF à télécharger ici : < http://mlouizi.l.m.f.unblog.fr/files/2009/07/iltaitunefoisuninfodsurlechemindedamas.pdf>. 262 Abdessabour Chahine, ibid, p.19-24. 263 Il s’agit du hadith qu’un frère musulman apprend lorsqu’il rejoint la mouvance islamiste. 264 Abdessabour Chahine, ibid., p. 93 et p. 120-121. 131 publièrent en 2007 un livre en arabe, intitulé : « Les oreilles des bestiaux : étude coranique et scientifique de la théorie de Darwin dans la création et l’évolution »265 (ظر دارو ن "! ا ق و ا طور$ $ درا رآ: ' م$+)آذان ا. Interpellés par de nombreux passages coraniques comme celui-ci, relatant le dialogue entre le prophète Noé et son peuple, avant le déluge : « Qu’avez-vous à ne pas espérer de la révérence envers Dieu, alors qu’Il vous a créés par phases successives ? »266. S’inspirant, entre autres, des travaux sur des concepts terminologiques formulés par Muhammad Shahrour. Ainsi que par d’autres concepts paraissant, par ailleurs, dans une récente exégèse267 du Coran, datant de 2004, publiée par une référence religieuse « ex-frère musulmane » soudanaise, homme politique très célèbre : Hassan Al- Tourabi. Parmi ces concepts, on trouve cette différentiation entre deux verbes d’actions. Le premier est le verbe arabe « khalqa » ( ) ق: que l’on peut traduire par « créer quelque chose qui n’existait pas avant ». Le deuxième est le verbe arabe «Ja’ala »268 ('ل/) : que l’on peut traduire par « spécifier la fonction d’une créature déjà existante ». Les auteurs, après avoir rassemblé et analysé tous les versets mentionnant les deux autres concepts de « Bashar » ( ) رet de « Insãn » ( ن$)إ susmentionnés, ont déduit que le « Bashar » - ou son ancêtre lointain - a été « créé ». Quant au « Insãn », il a été sélectionné et choisi à une certaine phase de l’évolution et Dieu lui spécifia ses fonctions. 265 Imad Mohamed & Hassan Alaeddine Babker Hassan, 2007, Les Oreilles des bestiaux, Edition Dãr Wa’ad, 607 pages. 266 Coran, 71, 13-14. 267 Hassan Al- Tourabi, 2004, al-Tafssir al-Tawhidi ( ر ا و* دي1 ), Edition Dãr al-Saqi, Vol.1, 942 pages. 268 Lire aussi : Hassan Al- Tourabi, ibid., p.61. 132 Ces chercheurs tentent de théoriser l’évolution de l’intérieur même du texte coranique. Il s’agit d’une approche originale et bien structurée mais qui n’a pas encore bénéficié - à ma connaissance - d’un intérêt particulier ou d’un examen académique par des officiels, des scientifiques ou des intellectuels, tel que Tariq Ramadan. Il s’agit aussi de la part des auteurs de vouloir concilier, en se basant sur une approche interprétative respectable, la foi musulmane avec les données scientifiques connues jusqu’à nos jours : un peu dans la droite ligne de l’esprit Averroès ! A l’aide de schémas, ils ont essayé de montrer les correspondances entre l’évolution dans son aspect matériel et scientifique connu ; et l’évolution selon un autre regard parallèle, animé conjointement par une foi coranique et par une démarche scientifique rigoureuse. Je n’ai pas l’impression qu’ils essayent de réconcilier les contraires. Après, libre à chacun de tirer les conclusions qui lui semblent pertinentes. Parmi ces schémas, j’ai traduit de l’arabe celui-ci, on y ajoutant les textes en couleurs « vert » et « bleu » ainsi que des flèches, pour faciliter la lecture : 133 Maintenant, qu’en est-il de la réalité franco-musulmane ? Qu’en est-il de la position de l’UOIF, de la LIN et de leurs satellites ? « Le Coran, la Bible et la théorie de l’évolution » est le titre d’un débat contradictoire et passionnant organisé le 28 octobre 2012 à la Maison de la Chimie à Paris, en collaboration entre l’Université Interdisciplinaire de Paris (l’UIP), l’Association Science de la Nature (ASN) et le site Oumma.com. Les organisateurs ont invités évolutionnistes et d’autres antiévolutionnistes. Comme « pro », l’astrophysicien Nidhal Guessoum de l’Université de Californie - l’auteur d’un remarquable livre intitulé : « Réconcilier l’Islam et la Science Moderne : l’esprit Averroès »269. Il y avait aussi Jean Staune, philosophe, paléontologue, mathématicien, etc. Comme « anti », Oktar Babuna, neurochirurgien et créationniste turque, représentant la fondation d’Harun Yahya qui avait distribué « l’Atlas de la création » en 2006/2007 en Occident. Il y avait aussi Dominique Tassot, ingénieur et docteur en philosophie en plus d’autres invités spécialistes de l’évolution270. L’intégralité du débat est toujours accessible sur Youtube271. Des arguments, des uns et des autres, ont été présentés parfois avec une petite dose d’ironie salutaire, parfois en interpellation directe, c’est le propre même du débat passionné et passionnant. A regarder ! Si ce genre de débat contradictoire est heureusement permis dans un cadre universitaire français, au sein de l’UOIF il ne l’est pas. La théorie de l’évolution fait parti de ces sujets que l’on n’aborde pas. C’est presque un sujet tabou. On n’en discutait presque jamais. Mais lorsqu’il est abordé, cela se faisait systématiquement sous l’angle religieux : refus de la théorie de l’évolution, condamnation de Darwin, recherche de refuge et de protection de Dieu contra Satan - Darwin - le maudit, et puis, ça se résume à ça. Le nom même de Darwin et son visage sont assimilés au nom et au visage d’un singe. J’ai, par le passé entendu des « frères » disent que « la théorie de l’évolution » pourrait être vraie mais seulement dans son cas personnel : Darwin ressemblerait à un singe donc il pourrait en être le petit-fils. La caricature et l’injure inhibent la raison. La « tradition religieuse » de l’UOIF la circoncit et la paralyse. Ainsi, le sujet de « l’évolution » demeure très dangereux pour une organisation qui a horreur du changement et des mutations. Comment le « fixisme » religieux et politique, anti-liberté, peut-il être sensible à une quelconque dynamique évolutionniste ? Simple question ! La théorie de l’évolution, dans sa version darwiniste, est, pour tous les islamistes, un ennemi à combattre car - supposée - contraire au dogme de la création 269 Nidhal Guessoum, 2009, Réconcilier l’Islam et la Science Moderne : l’esprit Averroès, Presse de la Renaissance, 538 pages. 270 Ici le texte cadre de ce débat : < http://oumma.com/14459/coran-bible-theorie-de-levolution>. 271 Ici pour visionner la première partie : <https://www.youtube.com/watch?v=s1dkhknEUwY> Ici pour visionner la deuxième partie : <https://www.youtube.com/watch?v=kOBls4At6tI> 134 d’Adam telle qu’elle est comprise par les « frères ». Pour eux, comme pour d’autres salafistes, il faut livrer ce combat parfois intelligemment mais souvent fermement. Peut-être pas au sein même du « Collège-Lycée Averroès » - ce qui reste à vérifier tout de même - mais au sein de tous les vases communicants en lien directe avec cet établissement. D’ailleurs, que pensent les enseignants de « Sciences de la Vie et de la Terre » (SVT) du « Collège-Lycée Averroès » au sujet de cette théorie ? Comment y est-elle enseignée ? Comment son enseignement est-il intégré à côté d’autres matières et disciplines telles que la philosophie ou « l’éthique musulmane » ? Est-il permis d’y aborder l’évolutionnisme sans préjugés et sans condamnation religieuse préalable ? Le livre de l’évolutionniste musulman Nidhal Guessoum, « Réconcilier l’Islam et la Science Moderne : l’esprit Averroès », trouve-t-il une place sur les étagères du CDI du « Collège-Lycée Averroès » ? Je me permets de poser ces questions - avant de relater un fait réel, révélateur et incontestable, juste après - car il semble que le créationnisme, en général, et les thèses antiévolutionnistes gagnent du terrain au sein de nombreux établissements scolaires. Qu’en-est-il du « Collège-Lycée Averroès » ? En 2009, le magazine « Science et Avenir » publia une interview de JeanBaptiste de Panafieu, agrégé de sciences naturelles et docteur en océanologie biologique. Ses propos ont été recueillis par Rachel Mulot272. En résumé, bien que le créationnisme ait présent, en France, dans certains milieux protestants et chez d’autres intégristes catholiques, son expression dans des milieux musulmans demeure plus significative et plus inquiétante aussi. L’océanologue pointe la responsabilité directe du religieux ou du politico-religieux. Il explique aussi que les plus réfractaires, en milieu scolaire, sont principalement des jeunes musulmans venant de milieux modestes et qui ne connaissent pas du tout la Science ou qui la tiennent pour une simple opinion. Pour ces jeunes, cumulant d’énormes ignorances sur le darwinisme, être créationniste serait aussi l’expression d’un combat identitaire et antiraciste, puisque certains assimilent Darwin, qu’ils ne connaissent pas, à un colonialiste273. Il rapporte aussi des déclarations de certains élèves : « Darwin, c’est le mal »274 ; « Si l’homme descend du singe, alors le Coran dit une chose fausse et c’est 272 Interview de Jean-Baptiste de Panafieu par Rachel Mulot, 2009, La résistance à Darwin à l’école est politicoreligieuse, Science et Avenir, 22/01/2009. Il est gratuitement consultable ici : <http://www.sciencesetavenir.fr/a-voir-a-faire/20090122.OBS0939/l-evolution-contestee-dans-lesecoles.html>. 273 Ibid. 274 Ibid. 135 ma religion qui s’écroule ! »275 ; « je ne peux pas entendre cela, ma religion me l’interdit »276 disait un élève de confession musulmane à son professeur au moment de quitter la salle, en protestant, en plein cours ! Jean-Baptiste de Panafieu conclut en disant : « La contestation de la théorie de l’évolution n’est qu’un aspect d’une revendication culturelle et religieuse.»277 Ces revendications identitaires sont, depuis une trentaine d’année, rédigées, instrumentalisées et entretenues, en grande parti, par le réseau de la nébuleuse UOIF. Au sein même des mosquées et des centres de l’UOIF les thèses antiévolutionnistes et créationnistes d’Harun Yahya, par exemple, y sont largement répandues. Pour simple exemple, le 28 janvier 2012 à la mosquée de l’UOIF à la Courneuve, Harun Yahya était l’invité de la mouvance pour présenter une conférence intitulée : « L’effondrement de l’évolution » (voir l’affiche). Finalement, il n’a pas pu honorer l’organisation islamiste par sa présence. Il s’est fait remplacer par un de ses disciples qui a pris le soin d’expliquer son créationnisme devant une salle archipleine. L’enregistrement de cette conférence - de mauvaise qualité - est toujours accessible sur Youtube278. Les livres et DVD d’Harun Yahya sont abondamment recommandés, conseillés et commercialisés, y compris, par une entreprise d’informatique, gérée au moins, par 275 Ibid. Ibid. 277 Ibid. 278 Ici la première partie : <https://www.youtube.com/watch?v=qBuRfEWOYhc>. Ici la deuxième partie : <https://www.youtube.com/watch?v=7azN87wIloY>. 276 136 deux « frères » remarquables et domiciliée, il y a seulement quelques années, dans le même bâtiment de la mosquée de Lille-Sud. Naturellement, et dans mon propos, ce n’est pas la liberté d’entreprendre, ou de s’installer où l’on veut, qui est remise en question. Mon propos veut simplement opposer des exemples concrets à cet enfumage frériste suffoquant concernant, entre autres, la théorie de l’évolution. Par ailleurs, en 2006, lorsque j’ai commencé à réfléchir sérieusement à quitter le navire islamiste et à reprendre ma liberté. Lorsque j’ai compris que la réforme au sein de l’UOIF se résume à changer, de temps en temps, la peinture des bureaux et à renouveler le stock des fournitures. Un événement, en deux temps, m’a vraiment marqué et m’a confirmé dans mon choix : dans un premier temps, à la veille de ma démission et ensuite, dans un deuxième temps, un mois plus tard. Je ne l’ai jamais relaté dans aucun de mes écrits précédent, me semble-t-il. Mes amis les plus proches ne le savent pas. Je ne voyais pas d’intérêt d’en informer qui que ce soit. Peut-être, je n’arrivais même pas à croire ce que je lisais. Peut-être j’étais naïf. Peut-être, je lui laissé le temps pour lire, apprendre et changer. Les années passent, mais rien ne change. Aujourd’hui, cet événement a toute son importance. 137 Darwin : Qu’en pense l’imam des imams Ahmed Miktar ? La fatwa inédite de 2006. Au sein de l’ancienne mosquée de Villeneuve d’Ascq, l’ancêtre de l’actuel Centre Islamique, j’avais mis en place, entre septembre 2003 et juin 2005, en ma qualité de responsable du département culturel, avec ses autres membres, une activité mensuelle baptisée « Cercles pour la Science et pour la Paix » (CSP), le premier dimanche de chaque mois. Cette activité visait, entre autres, à redonner au « livre » toute sa place ; à dynamiser la vie culturelle de la mosquée ; à s’entraider pour sortir ensemble et dans le débat de l’analphabétisme complexe, celui des idées ; à réconcilier « démarche scientifique et intellectuelle » et « cheminement spirituel » … et surtout, à développer, sur une échelle locale, une idée majeure, celle consistant à penser que la finalité de la Paix, avec soi-même et avec les autres, est à la fois, l’aboutissement d’un cheminement scientifique éclairé par une spiritualité humaniste et aussi l’aboutissement d’un cheminement spirituel nourri en permanence par l’apport intellectuel et scientifique : dans une sorte de dialectique. Le premier livre proposé était un livre arabe, présenté en français, intitulé : « Lis, au nom de ton Seigneur qui a créé », du penseur syrien Jawdat Saïd279, aujourd’hui âgé de 84 ans, un réformiste authentique, « chirurgien » éclairé des idées, homme de paix, prophète de la non-violence dans le monde arabe depuis plus d’un demi siècle, ignoré et marginalisé par les « Frères Musulmans », d’ailleurs jamais membre de la confrérie, opposé à la pensée de Sayyid Qotb, surnommé « le Gandhi » du monde arabe. 279 Jawdat Saïd, 1998, Lis, au nom de ton Seigneur qui a créé (en arabe), Edition Dãr al-Fikr, 288 pages. Ici la page officielle de Jawdat Saïd : < http://www.jawdatsaid.net/index.php?title= 2* _ا ر1 > ا. 138 Jean-Marie Muller280 - philosophe de la non-violence, spécialiste de Gandhi et universitaire - lui a rendu visite, dans son village syrien, et raconte dans un article l’humain érudit et pacifiste qu’il est, en résumant brièvement ses combats intellectuels depuis toujours. Muller rapportait cette phrase entendu de Jawdat Saïd qui a confiance dans l’évolution de l’humanité et qui disait : « De manière figurative, nous sommes les descendants du fils d’Adam qui est le meurtrier, mais nous commençons à prendre le chemin de l’autre fils. »281 J’ai voulu faire découvrir ce penseur de la non-violence à un publique francophone. Un livre qui considère la lecture, la science, la connaissance, comme les antidotes les plus efficaces contre toutes les violences, contre toutes les corruptions. Il rappela ce passage coranique très significatif, ce dialogue entre Dieu et les anges au sujet d’Adam (Al-Insãn) : « Lorsque ton seigneur dit aux anges : Je vais établir un successeur sur terre. - Ils dirent : Vas-tu y mettre un qui y corrompra et répandra les sangs, alors que nous exaltons ta louange et te sanctifions ? - Il dit : Je sais ce que vous ne savais pas. Il a enseigné à Adam tous les noms, puis il les présenta aux anges et dit : Informezmoi des noms de ceux-ci, si vous êtes véridiques ! - Ils dirent : Sois exalté ! Nous n’avons de connaissance que ce que tu nous as enseigné. C’est toi le connaisseur, le Sage. - Il dit : Ô Adam ! Informe-les de leurs noms. Lorsque celui-ci les eut informés de leurs noms, Dieu dit : Ne vous ai-je pas dit que je sais le secret des cieux et de la terre … »282. Jawdat Saïd fait remarquer que l’objection principale des anges était fondée, au départ, sur la crainte qu’Adam - à l’image de ses ancêtres ! - soit aussi un corrupteur et un assassin par déterminisme. Adam était jugé fatalement par les anges, avant même sa sélection, sur la base de l’histoire que ceux-là connaissaient déjà, et comme un « vecteur » de violence et de corruption quoi qu’il en soit. Et là, Dieu mit sur la table la carte de la connaissance, de l’acquisition des savoirs par l’apprentissage, par le pouvoir de symbolisation et le langage, comme une caution sérieuse et comme une possibilité, si elle est bien sûre choisie, contre la corruption et les violences. D’où le 280 Consulter le site de Jean-Marie Muller ici : < http://www.jean-marie-muller.fr/> Ici l’article de Jean-Marie Muller au sujet de Jawdat Saïd : < http://mlouizi.unblog.fr/2009/04/09/visite-ajawdat-said-par-jean-marie-muller/>. 282 Coran, 2, 30-34. 281 139 choix de la lecture et la connaissance comme le début d’un cheminement vers la Paix totale. Par ailleurs, le Coran raconte l’histoire des deux fils d’Adam, le « tueur » et le « tué ». Celui qui avait dit : «Je te tue »283 et l’autre qui avait répondu : « Et si tu portes la main sur moi pour me tuer, je n’en ferai pas de même car »284. Le premier tua le second quand même. L’on découvre par la suite qu’il fut rongé par les remords. Pis encore, cet acte de violence lui a montré son « ignorance » et son manque de « connaissance ». Il ne savait même pas comment enterrer un cadavre. Il lui a fallu d’apprendre d’un corbeau : La violence comme fille légitime de l’ignorance ! Celui qui connaissait, celui qui avait conscience et connaissance des limites législatives, a refusé de tuer. Celui qui les méconnaissait et ignorait même comment cacher un cadavre avait fait le choix de la violence. Le Coran raconte : « Alors le meurtrier s’écria : Malheur à moi ! Suis-je donc incapable d’imiter ce corbeau et d’ensevelir la dépouille de mon frère ? »285 Ignorance doublée, violence gratuite ! J’ouvre une autre courte parenthèse : Sur la base des versets comme ceux-là, Jawdat Saïd construit toute une alternative crédible et salutaire, en phase avec la visée principale du Coran et de bien d’autres traditions religieuses et philosophiques. Quant à Tariq Ramadan, surtout dans son dernier livre susmentionné286, il mène une « guerre » sans merci, à de nombreux passages explicites de son ouvrage, sur l’idée même et la légitimité de la « non-violence ». Et ce, en ignorant et négligeant la portée philosophiques de ces passages coraniques, ce qu’exigerait toute démarche intellectuelle non partisane. Peut-être Tariq Ramadan souhaite-t-il maintenir les « musulmans » prisonniers d’un certain déterminisme exprimé, jadis, par les anges ? Peut-être souhaite-t-il qu’ils soient fidèles au fils d’Adam le « tueur » ? Peut-être ! Je ferme la parenthèse. Dans ce cadre d’échange au sein des CSP, de nombreux livres français et arabes, de divers champs de la connaissance ont été présentés, par différents intervenants. Parmi lesquels, un autre livre en arabe, présenté le 16 janvier 2005. Un livre intitulé : « Psychologie de la violence et stratégie de la solution pacifique », de son auteur syrien Khales Jalabi, chirurgien, philosophe et beau-frère de … Jawdat Saïd. Sa fille Afraa Jalabi, la nièce de Jawdat Saïd, avait prononcé, en 2014, le sermon de la « Fête du Sacrifice »287, devant des femmes et des hommes réunis ensemble, 283 Coran, 5, 27. Coran, 5, 28. 285 Coran, 5, 31. 286 Tariq Ramadan, 2014, De l’islam et des musulmans, Presses du Châtelet, p.44-45, p.119, p.132, etc. 287 Ici une interview d’Afraa Jalabi dans le quotidien arabe Al-Hayat : < http://alhayat.com/Articles/5559459/ ً أ وا-9 راو-()ة-إ ـ-ت$ و- ' / وا-7*8+ا-ت ُ ط---ا * ة- ـ-! /-راء1 >. 284 140 sans aucune séparation, dans la même salle de prière, dans le « Centre Culturel AnNour » - An-Nour veut dire la lumière ! - à Toronto au Canada : Une première presque révolutionnaire, le jour d’une fête religieuse, pour une femme musulmane affranchie. Son père a su vulgarisé la pensée de Jawdat Saïd, à travers plusieurs ouvrages, et l’enrichir davantage de part ses connaissances étendues du monde de la médecine, de la physiologie, de la psychologie, de la philosophie, de la physique et de bien d’autres champs du savoir. Il se trouve que Khales Jalabi, que j’avais rencontré, une première fois, à Bruxelles à la marge de sa participation à « Axis for Peace 2005 » m’avait promis de nous rendre visite à Villeneuve d’Ascq pour parler de la Non-violence. Un an plus tard, le 16 avril 2006, il nous a honorés par sa présence et ce fut, un moment décisif dans mon itinéraire personnel. L’association EMF s’est chargée de réserver une salle de conférence à l’université de Lille 1. Je me suis occupé des invitations de certains responsables, parmi lesquelles : Amar Lasfar. J’avais invité aussi l’actuel imam de la mosquée de Villeneuve d’Ascq, qui est aussi, pour le rappel, l’actuel responsable de « l’Institut Al-Qods », et en lien presque de tutelle avec les élèves du « Collège-Lycée Averroès ». Pour certains, c’était pour la première fois qu’ils entendaient un discours structuré et puisant sa puissance des lumières de la science, des enseignements de l’Histoire de l’Humanité, sans exclusivisme, et des lumières d’une spiritualité humaniste et savante. Le débat fut très riche. Chacun a certainement trouvé ce pourquoi il était venu. Les responsables de l’UOIF ne voyaient pas cela de bon œil ; 141 une vingtaine de personnes, jeunes étudiants ou jeunes actifs : Ce type de discours peut compromettre des projets et menacer une existence. L’imam n’était pas venu. Pour moi, cela était du, peut-être, à un empêchement au vue de ses multiples responsabilités. Cinq mois plus tard, octobre 2006, un autre événement très significatif de ce « double discours » que certains responsables adoptent en interne, comme en externe, me révolta et me poussa à envoyer à tout le conseil d’administration de la mosquée un courriel très énergique, mettant chacun devant ses responsabilités. J’ai pu sauver certaines « apparences », à la dernière minute, vis-à-vis de nos amis chrétiens avec qui nous avions travaillé, des mois durant, pour préparer un rassemblement interreligieux « Prière pour la Paix », s’inscrivant dans l’esprit de Saint François d’Assises. Je n’en dirai pas plus pour l’instant. Quelques jours après j’ai présenté ma démission définitive et j’ai cessé d’être islamiste ou plutôt assimilé islamiste. Un mois après ma démission, j’ai reçu un étrange courriel de l’imam Ahmed Miktar, qui, pour le rappel, avait réservé 7 prêches de vendredi pour « nous » dénoncer du haut de son minbar et nous apostasier. Ce courriel, reçu le 28 novembre 2006, avait pour objet, je cite : « CROIRE OU NE PAS CROIRE », tout en majuscule. Je l’ai ouvert. Dans le champ du texte, il y avait un seul mot, je cite : 142 « EXORTATION », ainsi orthographiée, sans « H » entre le « X » et le « O », et en majuscule aussi. Pas de salutation, pas d’expressions de « Salam » - il semble que l’on n’a pas le droit de dire salam aux jugés apostats, me disait un notable de l’UOIF que j’avais croisé un jour dans un hypermarché - pas d’expression de politesse ou de simple usage, pas d’au revoir non plus. Un mot qui sonna dans ma tête tel un avertissement, un appel de « croire » et de revenir au « bercail des croyants », de ses croyants à lui. Il y avait une pièce-jointe qui était censée expliquer cet objet : « CROIRE OU NE PAS CROIRE » et qui devait expliquer ce mot « EXORTATION ». Car dans un dictionnaire ce mot, ainsi orthographié n’existe pas. J’ai ouvert la pièce-jointe. J’ai trouvé un long texte de 13 pages, écrit dans un style arabe très « religieux », avec une terminologie jurisprudentielle d’usage chez les docteurs desdits charia et fiqh islamiques lorsqu’ils émettent une « fatwa atomique » contre un intellectuel, jugé « égaré » ou « apostat » aux regards de leurs textes momifiés. J’ai tout de suite compris que je suis face à un document officiel dont la portée et les conséquences peuvent être catastrophiques. Depuis, je l’ai gardé dans mes archives, pendant presque 9 ans, et j’ai poursuivi mon cheminement. Aujourd’hui, je le déterre, avec gravité et conscience, pour servir la bonne cause et pour apporter une preuve matérielle, une de plus, de ce qui représente, à mon sens, un vrai danger pour les enfants/élèves et qui est plus contestable et détestable encore qu’un simple « double discours ». L’imam Ahmed Miktar, était-il en service commandé à ce moment là aussi ? Je ne peux ni l’affirmer ni l’infirmer. En effet, il s’agit bel et bien d’une fatwa, en bonne et due forme, que l’imam a intitulée, je traduis : «Les égarements du médecin d’Al-Qassim : Khales Jalabi » ( ت8 ! / ص:م )ط ب ا. A l’époque, Khales Jalabi n’avait pas encore pris sa retraite, il travaillait toujours dans un hôpital en Arabie Saoudite dans la province d’Al-Qassim. A préciser que le mot arabe « Dalãlãt », traduit ici par le mot « égarements » n’est pas, à son tour, un mot neutre dans l’usage jurisprudentiel islamique. Il est dérivé du mot « Dalãl » qui peut être défini comme étant : l’acte de dévier du droit chemin et de s’égarer en dehors de ce qui est considéré comme étant la « seule » religion qui vaille : c’est à dire l’islam. L’imam Ahmed Miktar, en se basant en introduction de sa fatwa sur un hadith et un extrait tiré d’un livre d’Ibn Taymiyya, expliquant l’objet et le cadre de sa démarche d’exhortation, rappela que son but était de vouloir démontrer, à partir d’arguments religieux « immuables », tirés soi-disant du Coran et de ladite Sunna, les principaux points sur lesquels la pensée et la production intellectuelle de Khales Jalabi s’égare de la vérité et est en parfaite contradiction avec ce que dit Dieu et son Prophète. 143 Ensuite, il a commencé à répondre, point par point, à ce qu’il considérait comme propos dangereux, hérétiques, blasphématoires, etc. Dans sa fatwa, j’ai compté pas moins de 55 points litigieux recensés, 55 égarements, 55 raisons qui mériterait, si l’on suit la « logique » takfiriste d’Ahmed Miktar - le Takfirisme est un mouvement salafiste considérant les musulmans ne partageant pas le point de vue de ses adeptes comme étant des hérétiques et apostats, et par conséquent, ces musulmans apostasiés deviennent « légitimement » des cibles à attaquer, à dénoncer et si possible à faire taire pour l’éternité. Je ne vais m’attarder sur les 55 points montrant clairement ce que pensait en 2006 - et pense peut-être toujours - l’imam Ahmed Miktar de l’interreligieux ; de la liberté de conscience ; de la peine de mort pour apostasie ; du Jihad ; de la démocratie ; de la philosophie et de certains philosophes qualifiés de « mécréants » ; de l’art et de la musique, etc. Cela demandera des pages et encore des pages pour traduire, expliquer, déconstruire, etc. Si nécessaire, J’y reviendrai prochainement. Ce qui m’intéresse, à ce stade, de sa fatwa c’est ce qui est en rapport direct avec la « théorie de l’évolution » et avec Darwin. Car connaître l’avis d’un imam influent au sein de l’UOIF et de la LIN révèle ce que pensent les « Frères Musulmans » à ce sujet, loin de toute essentialisation ramadanienne. Selon l’imam, en exposant le 35ème « égarement » de sa cible, il dit, je traduis : « Khales Jalabi « croit » en la théorie de Darwin, sachant que celle-ci se défait, ignore et trahit les religions célestes. Car elle se base - l’imam cite une rhétorique de Mohammad Qotb288 - sur l’hypothèse que l’origine de la Vie serait une cellule perdue dans un marais ou dans une mer, il y a des millions d’années ; que cette cellule a 288 Ici une brève présentation de ce penseur : <https://islamreinfo.wordpress.com/category/mohammedqutb/>. 144 subit un processus d’évolution, passant par plusieurs phases parmi lesquelles se trouve la phase du singe qui, à son tour, a évolué pour arriver à la phase de l’homme. La théorie de l’évolution considère que tout ceci est le fait de la nature. Darwin estime que la nature crée tout et qu’il n’y a pas de limites à sa capacité de créer … ». L’imam revoie ensuite au livre de cette référence frériste : Mohammad Qotb, le frère de Sayyid Qotb : « Doctrines intellectuels contemporaines »289. L’imam de Villeneuve d’Ascq considérait comme contraire aux percepts et fondements islamiques un propos qu’il prêta à Khales Jalabi, publié dans le quotidien saoudien Al-Riyadh - n° 10405 - je traduis : « Darwin a ouvert le chemin vers la connaissance du secret de la Vie et de l’origine de l’homme de manière générale, ce qui par conséquent, a ouvert le chemin vers de nouvelles galaxies dans les univers de la connaissance … Le darwinisme a laissé ses empruntes sur la pensée humaine à travers la sociologie comme cela a été développé par le britannique Herbert Spencer. » Spencer (1820 - 1903) fut évolutionniste, philosophe et sociologue anglais et considéré comme étant le père philosophique du « Darwinisme social ». Khales Jalabi, le médecin chirurgien, a exprimé une opinion qu’il a forgée, des années durant, après des milliers d’heures de travail, de recherches, de lecture, d’échanges, de débats, de voyages, etc. L’imam, en 9 lignes seulement, le considère comme une brebis égarée et comme paria. Je ne crois pas que l’imam ait évolué par rapport à cette question. J’ai cherché ses publications récentes, ses articles et ses vidéos, je n’ai rien trouvé qui puisse me convaincre d’une évolution significative dans le sens de l’avenir. Lorsque l’on sait le rôle de cet imam dans l’organigramme, au moins de la LIN ; lorsque l’on sait que le professeur d’ « éthique musulmane » était l’un de ses élèves et disciples, et actuellement, ils enseignent tous les deux l’idéologie frériste à « l’Institut Al-Qods » ; lorsque l’on sait que l’imam de Villeneuve d’Ascq se veut une « autorité religieuse » professant la bonne parole y compris lorsqu’il reçoit les élèves du « Collège-Lycée Averroès » au sein de la mosquée, ou lorsqu’il s’invite à cet établissement à diverses occasions, l’on est tout de même en droit de se poser des questions précises sur le contenu religieux exact enseigné aux élèves mineurs, ces citoyens en devenir. Sur les 55 points qu’il reprocha à Khales Jalabi, au mois une dizaine pose de vrais problèmes et d’urgentes clarifications. Car si les élèves sont endoctrinés par de pareilles idées nocives, je crains que ce ne soient pas des citoyens français ouverts d’esprit que l’on est en train de former, mais plutôt de futurs fanatiques ou au pire des bombes à retardement, je pèse mes mots. 289 Mohammad Qotb, 1993, Madahib fikriyya mou’assirah, Editions Dãr al-Shourouq, 655 pages. 145 Souvenir de jeune lycéen : Darwin, Darwin, le « maudit » en cours de philosophie ! De l’autre côté de la Méditerranée, je me souviens que lorsque j’étais lycéen, moi-même, au Maroc, au Lycée Dakhla à Boujniba à proximité de la ville de Khouribga, j’avais rédigé en début de l’année 1996 une lettre anonyme en arabe, que presque toute la classe avait soutenue, lorsqu’une professeure de philosophie - de sensibilité communiste - avait tenté de nous expliquer le bien-fondé de la théorie de Darwin. Nous avons refusé catégoriquement qu’elle nous parlait de ce sujet. Nous avons interrompu le cours - sachant qu’aux yeux de l’administration, nous formions une classe d’élite de Sciences Mathématiques - en évoquant que « nous sommes musulmans » et que l’islam est fondamentalement contre cette théorie. Une idée qui était largement répandue au Maroc, à l’époque. Evoluant déjà à cette date dans un cadre associatif religieux et structuré, et ayant accès à un livre créationniste en arabe intitulé : « Darwin … et la théorie de l’évolution »290, traduit du turc et paru en 1980, de son auteur Chamseddine Akbulut, la lettre avait pour objet d’alerter le proviseur, le rectorat et le président de l’association des parents d’élèves contre cette dérive blasphématoire (!) et athée dans un milieu scolaire musulman. Je me souviens que cette lettre était prise très au sérieux. Le rectorat avait dépêché deux émissaires académiques pour mener l’enquête. La professeure avait reçu un avertissement administratif. Une adversité violente s’est fait sentir entre professeurs de gauche et d’autres professeurs évoluant en milieu islamique. Depuis l’avertissement, elle a cessé d’en faire allusion. A la fin de l’année, elle a su, je ne sais pas par quel moyen, que j’étais l’auteur de la lettre. Ayant la première note dans sa discipline. Elle ne m’avait témoigné aucune hostilité, bien au contraire, elle était bienveillante. Un jour, elle m’avait conseillé de m’ouvrir l’esprit et de lire d’autres auteurs, d’autres livres. Des auteurs que j’ai découverts quelques années plus tard. Le dernier jour de l’année scolaire, après l’affichage des résultats, elle m’a félicité. Je me souviens de cette phrase d’adieu qu’elle m’avait dite en tapant sur mon épaule, sourire aux lèvres : « Mohamed, je sais que tu aimes la philosophie. Un conseil : Ouvre-toi davantage, continue à aimer la philosophie mais évite de fleureter avec les islamistes ! » Je n’avais pas compris la dernière partie. Dans mon esprit, 290 Semseddin Akbulut, 1980, Darwin wa nadhariyyat at-Tatawour (en arabe), Yeni Asya Research Center, 120 pages. 146 islamiste voulait dire simplement musulman. Je n’avais pas saisi la nuance. Je n’avais pas compris le sens. Depuis 2006, je le sais. 147
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