Au ras du perçu

Université populaire de Caen Basse-Normandie – Année 2014-2015
Contre-histoire de la philosophie par Michel Onfray – Conférence N° 273
# 19 : Lundi 18 mai 2015
« AU RAS DU PERÇU »
1./ MORT DE L’HOMME, MORT DE LA PHILOSOPHIE
a) Réhabilitation de l’homme
• Pour en finir avec la violence capitaliste
• Avec un monde dominé par l’argent
b) Comment articuler :
• Mort de l’homme
• Et combat pour les droits de l’homme ?
• Car tous les penseurs de la French Theory ont été « de gauche »
c) Homme et philosophie sont indissociables
• Annoncer la mort de l’homme
• C’est annoncer la mort de la philosophie
d) Paradoxe à affirmer la mort de l’homme :
• Car c’est aussi dire son intérêt pour l’homme
e) Mikel Dufrenne réactive le sujet transcendantal kantien
f) La mort de la philosophe ?
• Celle de la philosophie partie dans les nuages conceptuels
g) Quand Heidegger déplore l’oubli de l’Etre
• Il renvoie à l’homme qui a oublié l’Etre
h) la philosophie pose la question du sens
• La question du sens est inséparable de l’homme qui la pose.
2./ « NUL N’EST PHILOSOPHE IMPUNEMENT »
a) « On attend du philosophe qu’il témoigne de sa philosophie en la vivant » (121).
b) Quid des vies de Lévi-Strauss, Lacan, Althusser, Derrida, Foucault, Barthes ?
• Vies de professeurs plus que vies de philosophes
• Vies d’enseignants et non vies philosophiques.
• Collège de France, Ecole Pratique des Hautes Etudes, Académie Française :
• Lieux où l’on n’enseigne pas à vivre
c) « Certes le moralisme aujourd’hui n’a pas bonne presse ; il est facile de dénoncer un mythe
du philosophe ou un recours abusif à des valeurs qui sont trop souvent les valeurs établies ; il
est tentant aussi pour le philosophe de se retrancher dans le confort d’une pensée spéculative,
oraculaire et irresponsable, qui dépasse l’éthique aussi bien que l’anthropologie. Mais nul
n’est philosophe impunément, et la preuve de la philosophie reste dans le philosophe. Sans
doute la vie du philosophe peut-elle être parfaitement discrète et silencieuse ; sans doute aussi
ne nous instruit-elle pas de ce qu’est sa philosophie. Mais l’essentiel est que la philosophie
débouche sur la vie. Toute philosophie authentique, même si elle ne s’intitule pas Ethique,
comporte au moins implicitement une éthique. Cette éthique peut n’avoir pas de nom ; ou bien
elle peut s’appeler métaphysique des moeurs, manifeste communiste, gai savoir ; elle atteste
toujours que, au lieu que le savant s’adresse à des savants ou à des écoliers, le philosophe est
un homme qui s’adresse à des hommes, et qui les provoque à être hommes – ou surhommes.
Sinon vaudrait-elle une heure de peine ? » (121-122).
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d) La philosophie : produit d’un homme fait pour d’autres hommes
• Et non pour des philosophes.
e) Contradiction à affirmer que l’homme est mort
• Et à défendre :
• Les prisonniers, les homosexuels, les transsexuels, les fous, les criminels, comme
Foucault
• Les Palestiniens, comme Deleuze
• Les terroristes de la bande à Baader, comme Deleuze et Foucault
• Les dissidents des pays de l’Est, comme Derrida
• Les pédophiles, comme Foucault, Deleuze, Derrida, Barthes, Althusser
f) « La philosophie n’exige donc pas que l’homme soit mis entre parenthèses, ou placé au
service de quelque instance transcendante, et par exemple de la philosophie elle-même. Au
contraire, la philosophie ne garde son sens que si elle est discours d’un homme qui s’adresse à
des hommes et leur parle du monde et de l’homme » (122).
g) Mikel Dufrenne veut sauver l’homme et, donc, la philosophie
• Penser de nouvelles relations entre la philosophie, l’homme, le monde
• Il veut « réhabiliter la subjectivité » (123).
3./ RETOUR SUR TERRE
a) L’homme est d’abord un être concret
• Nul besoin de chercher une définition qui contienne sa grandeur, sa force, sa vitalité
• « Le sujet n’est transcendantal qu’à condition d’être empirique » (125)
• (Transcendantal : dans les limites de la raison)
• Mikel Dufrenne prend à rebours la tradition occidentale :
• De Platon à Althusser, d’Augustin à Derrida, de Descartes à Foucault, de Kant à
Lévi-Strauss, de Hegel à Lacan, de Freud à Barthes.
• Et leurs Idées, Concepts, Noumènes, Esprit Absolu, Substance pensante, Inconscient,
Structures…
b) Mikel Dufrenne s’inscrit dans un autre lignage :
• De Démocrite à Sartre – matérialisme et empirisme
c) L’homme empirique :
• Doué de la faculté de penser
• Impossible de dire :
• « ça pense en lui » ou « on pense en lui »
• Comme si « ça » et « on » étaient des instances transcendantales
• Qui empêcheraient de dire « je » ou « moi »
• « Le cogito est imprescriptible, (…) toute pensée est le fait d’un homme pensant » (126).
• Les philosophes de la French Theory pensent – même faussement
• Voilà pourquoi ils sont humains
d) les concepts ne préexistent pas aux hommes
• Car ce sont eux qui les produisent
e) Etonnant qu’on doive préciser que :
• Le créateur produit la création
• L’auteur écrit le livre
• L’artiste crée l’œuvre
f) Redonner corps à l’homme concret :
• « Le réel est toujours pour l’homme ce qu’il en fait et ce qu’il en pense » (126)
• Les structuralistes inversent cette proposition :
• Pour eux les hommes ne font pas le réel
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• Ils sont faits par lui
• Le réel n’est pas le réel empirique et concret
• Mais le réel structurel, transcendantal - incréé, invisible, ineffable…
g) Impossible de :
• Faire une théorie de la productivité
• En évitant les producteurs
• Dire que nous obéissons au langage
• Qu’il nous fait
• Car c’est nous qui le faisons
• Il est un produit des usages
• Et non un effet de son être propre
• D’envisager un art sans artiste qui le produit
• Donc lui préexiste
• ça n’est pas l’œuvre qui fait l’artiste
• Mais l’artiste qui fait l’œuvre
• De définir l’homme comme un concept
• Il ne se reconnaît que dans sa pure présence empirique.
h) Mikel Dufrenne invite à se placer « au ras du perçu » (146).
• Le lieu d’où le réel est le mieux perçu
• Contre la tradition de Platon à Badiou.
i) L’instrument de la connaissance :
• Pas l’âme, l’esprit, la raison kantienne déconnectée de la chair
• Mais le corps
• Le corps réel
• Pas le corps idéalisé, conceptualisé, le concept de corps
• Mais le corps réel, concret, empirique :
« L’homme est déjà cet être de chair, avide et vulnérable, que le besoin transit, que la
douleur blesse, que le plaisir épanouit, que les passions agitent ; ce moi que le monde ne
cesse de mettre à l’épreuve, il ne se peut qu’il ne l’éprouve comme soi. Ce soi, c’est le
corps, le corps vivant et vécu, consubstantiel au monde, capable d’actions et de passions,
le corps qui est conscience pour autant qu’il est au monde et que le monde le hante et le
met à l’épreuve » (147).
4./ SOI EVEC LES AUTRES
a) L’homme n’est pas sans les autres qui le rendent possible
• Un sujet n’est jamais seul dans le monde
• Les philosophes du concept en font une monade sans relation
• L’homme est enraciné dans une histoire, dans un monde, dans un réel
b) La réalité du sujet, c’est l’intersubjectivité
c) Il n’y a pas de structures transcendantales
• Mais des relations concrètes
• « La rencontre de l’homme est sans commune mesure avec la rencontre des
choses » (147).
d) Même face à une œuvre d’art classique
• Un humain est supérieur en tout
e) Autrui fait surgir immédiatement l’exigence éthique
• Sa présence me lance un défi
• Il est unique, extérieur
• Il s’avère un être d’exception
• Il s’ouvre à la communication
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• Il me met en question
• Il se révèle une intériorité
• Il est le visage sensible de l’Etant qui se tourne vers nous
• Il oblige à la reconnaissance de l’homme en lui, donc en nous.
f) Comme Max Picard, repris par Levinas :
• Et par Ricoeur :
• Le visage de l’autre : ce qui d’emblée oblige à l’éthique
g) Avec le langage, l’être se montre en être de culture, pas de nature
• L’intersubjectivité est médiatisée par ce qui relève de la culture :
• Politesse, morale, convenance, bienséance, éthique, religion, etc.
• La culture permet l’organisation de l’intersubjectivité
• Elle dissipe le mystère de l’autre
• Elle devient un second corps
• Elle constitue un autre monde.
5./ UN TRANSCENDANTAL NATUREL
a) L’homme est porteur d’un a priori
• Il y a une nature humaine
• Il existe un « pouvoir de saisir des formes et des expressions qui sont données sans être
construites » (171).
• Rien à voir avec la Providence.
• Mais il existe une « forme première de l’a priori antérieure à la cassure du subjectif et de
l’objectif » (id).
• Une forme a priori de la sensibilité.
• « Cela nous engage à chercher les racines de l’homme dans la matérialité du réel »
(172).
b) Ce transcendantal n’est pas transcendant
• Le transcendantal : dans les limites de la simple raison
• Les conditions de la connaissance avant la connaissance
• Ce transcendantal appartient à la nature de l’homme :
• Le transcendant : échappe à cette raison
• Ce qui sort du réel empirique pour rejoindre le ciel des idées.
c) Le transcendantal :
• « Il faut le penser au ras de la nature naturée, l’enraciner dans le corporel ou aussi bien
le psychologiser » (172).
• Le corps est conscience et la conscience rend possible le réel.
• « C’est du fond de la chair que se prépare l’ouverture au monde et que s’amorce la
connaissance du monde » (173).
d) Le transcendantal selon Mikel Dufrenne ?
• La nature, le corps, la chair, la conscience, le monde
• L’immanence absolue
e) Sur le vouloir :
• Vouloir classique : volition
• Vouloir contemporain : volonté qui nous veut
f) L’homme ne veut plus
• Il ne saurait d’ailleurs plus vouloir,
• Car il est voulu.
• Par le vouloir-vivre schopenhauerien,
• Par la volonté de puissance nietzschéenne,
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• Par l’infrastructure économique marxiste,
• Par l’inconscient métapsychique freudien
g) « Le vouloir est un acte intentionnel au même titre que le sentir ou le concevoir » (180).
• La volonté n’est pas également partagée dans tous les hommes :
• Certains en sont plus dotés que d’autres.
• Mais on peut apprendre à vouloir.
• « Chacun est l’homme de ce qu’il veut, pourvu qu’il le veuille assez constamment et assez
fermement » (187).
h) Vouloir avec insistance apprend à mieux vouloir
• Aux antipodes des structuralistes :
• Libre-arbitre, volonté, choix
• Vouloir l’agir qui rend possible un homme dans le monde.
6./ « DEFAIRE L’INHUMAIN »
a) Pour une éthique non normative
• « La morale n’a pas bonne presse aujourd’hui » (191)
• Cf. Les morales du soupçon.
• Or, « faire l’homme, c’est d’abord autant qu’il est possible , défaire l’inhumain » (199).
b) L’inhumain se sert de la science
c) Lacan recourt à des concepts mathématiques :
• Analyse, géométrie, suites arithmétiques, algèbre, calcul des probabilités, théorie des
ensembles, théorie des jeux, nodologie (les fameux Nœuds Borroméens).
d) Avant Sokal et Bricmont, Les impostures intellectuelles, (1997) :
• Lacan, Derrida, Julia Kristeva, Bruno Latour, Baudrillard, Deleuze, Guattari, Régis
Debray, Paul Virilio
e) Mikel Dufrenne parle de « mascarade » (202) et de « confusion » (203) – au sens
psychiatrique du terme...
• Sur Lacan :
« Ce qu’on peut lui reprocher, aujourd’hui surtout, c’est de pratiquer un mélange des
genres, d’importer dans la philosophie, pour en faire un usage ostentatoire et immodéré,
certains concepts ou certaines procédures qui sont liés à un certain objet et à un certain
moment de la recherche scientifique, et qu’une extrapolation téméraire vide de leur
sens » (203).
f) Cette façon de faire est mauvaise pour la philosophie
• Elle frise l’imposture
• Et mauvaise pour la science
• Qui est ainsi dévoyée
g) Chez les structuralistes
• La science sert à éloigner l’homme
• Or elle devrait servir à le repenser correctement
h) L’homme est un vivant parmi les vivants
• Un vivant dans l’immense prolifération de la vie
• Donc impossible de penser la vie sans la biologie
• De saisir ce qui n’est pas conscient sans la psychologie
• De comprendre la réalité sociale sans la sociologie
i) Mikel Dufrenne analyse l’étrange succès de Sade
• Chez les penseurs de la mort de l’homme
• Citer Sade positivement c’est être irresponsable
• Foucault, Barthes, Lacan
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• De Sade :
• « Peut-il dire n’importe quoi parce qu’il ne se meut que dans l’univers irréel du
discours ? » (225).
• « Ces philosophes qui aujourd’hui rencontrent Sade avec délectation, que feraientils si leur femme ou leur fille rencontrait un sadique ? » (226).
7./ RESISTER AU CAPITALISME
a) S’interroge sur « Les chances de l’homme aujourd’hui »
b) Les jeunes philosophes se croient originaux en annonçant la mort de l’homme
• Or la réalité montre qu’elle est à l’œuvre depuis longtemps concrètement :
• Le capitalisme est le meurtrier
c) Généalogie de cette mort :
• La montée des technocrates
• Non pas de la technique
• Mais des technocrates
• Le technocrate : un technicien de la technique
• « Le technocrate perpétue l’aliénation : au lieu de régner par la Terreur, il règne par
l’ignorance. Et tout conspire avec lui pour étouffer l’information qui aiderait l’homme à
se libérer : une éducation qui se garde d’éduquer, des moyens d’information qui se
gardent d’informer » (232).
d) Nous sommes coupables et responsables de nous laisser aliéner par ceux qui ont intérêt à ce
que :
• Nous ne pensions pas
• Nous ne soyons pas informés
• Nous ne soyons pas éduqués
• Nous obéissions
• Nous ne nous rebellions pas
e) Le citadin perdu dans sa ville
• L’ouvrier perdu dans son travail
f) Ceux-là ne s’en prennent pas au technocrate qui a rendu possible :
• Une ville toxique et thanatophilique
• Un travail inhumain et dégradant
g) Ils déambulent comme des zombies dans les cités
• Et vont au travail avec dégoût sans demander de comptes
h) Signe de la puissance de cette bureaucratie :
• Conjugué à une école qui n’enseigne plus,
• A des moyens d’informations qui n’informent plus,
• Les hommes perdent leur vocabulaire.
• Comment exprimer sa révolte quand on n’a pas les mots
• Donc les instruments pour penser son aliénation
• « Le commun langage est traité par les linguistes en objet de musée, comme s’il n’était
pas parlé, sinon par une masse abstraite, et il l’est en effet de moins en moins : un basic
French s’élabore peu à peu à l’image du basic English. Et tout un mouvement
philosophique, au lieu d’honorer le langage, s’applique à le discréditer, comme si le
développement des langages formels ne pouvait s’accompagner qu’aux dépens du
langage réel » (232).
• Mauvais traitements de la langue infligés par les philosophes
i) Contre le formalisme qui dit :
• Plus besoin d’apprendre à compter
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Les machines sont dans l’école
Les machines acquièrent une autonomie
Nombre d’entre eux imaginent que la machine pense
« Et par une sorte d’étonnant feedback, cette machine qui d’abord mime la pensée en
vient à servir de modèle pour l’explication de la pensée ; car le fonctionnement de la
pensée est réduit par certains philosophes au jeu anonyme de certaines structures qui,
dans la matière même du cerveau, obéissent à des lois qu’elles finissent par représenter »
(233).
• Les hommes se mettent au service des machines qu’ils ont créées
Le cinéma et la télévision produisent des images toutes faites
• Plus besoin d’imagination
La collectivité pense, compte et imagine pour les individus
• La vie privée est formatée par les médias
• L’esprit critique a disparu sous les effets de la servitude volontaire
• Obtenue par la technocratie au service du capitalisme
Les individus ne savent plus ni lire, ni écrire, ni calculer, ni penser, ni imaginer
• L’écart se creuse entre le savant et l’ignorant
Les individus renoncent à être des sujets
• Ils se confient à des tiers
• Les psychanalystes : « nouveaux confesseurs » (235)
• Qui nous font accepter de vivre avec nos névroses dans ce monde déshumanisé
L’architecte :
• L’instrument de la déshumanisation des villes
• Et des habitations privées
• Le Corbusier propose des « machines à habiter » (234)
• Les hommes s’y entassent en masse
Les technocrates :
• « Les nouveaux princes » qui font la loi à laquelle obéit le politique.
Tout ceci n’a pas de sens…
• Or « la mort de l’homme, c’est d’abord l’extinction du sens » (238).
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•
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j)
k)
l)
m)
n)
o)
p)
8./ LE STRUCTURALISME, AGENT DU CAPITALISME
a) « Ainsi la jeune philosophie se trompe-t-elle quand elle croit prophétiser la mort de
l’homme. Elle enregistre la situation aujourd’hui faite à l’homme et, qu’elle en ait ou non
conscience, elle l’exprime. Doublement : dans son contenu même, en mettant sa puissance de
célébration au service de la pensée formelle, et en réduisant la réflexion philosophique à
l’épistémologie, quitte à y mêler l’évocation somptueuse d’une Apocalypse nietzschéenne. Pour
dire ou promouvoir la démission de l’homme, la philosophie démissionne. Mais avec quelle
superbe ! Car cette philosophie exprime aussi notre temps dans sa forme : elle adopte le style
technocratique. Certes, elle n’a pas partie liée avec les pouvoirs et elle entend défendre, au
besoin contre eux, l’honneur de la pensée ; mais elle revendique le monopole de cette pensée :
malheur à ceux qui ne pensent pas comme elle, car ils ne pensent pas du tout ! S’ils prétendent
encore faire de la philosophie, ils ne savent pas ce qu’ils font – qui est de l’idéologie. A quoi
bon dialoguer avec des bavards ou des dupes incapables d’accéder au concept ? Cette
philosophie s’est arrogé un domaine propre, l’ordre du savoir comme dit Foucault, isolé, coupé
de la vie et de l’histoire, assigné à une histoire propre ; il s’agit d’en faire la théorie : théorie
de la Substance réduite à l’attribut pensée, de la Logique amputée d’une Phénoménologie de
l’esprit. En quoi le philosophe devient lui-même un spécialiste, et son dogmatisme devient un
sectarisme : on a parfois l’impression que les écoles philosophiques constituent dans le marché
de la culture des groupes de pression dont l’accès est réservé aux initiés, et dont la fonction est
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le monologue bien plus que le dialogue ; car les philosophes parlent entre eux, ils parlent des
hommes, ils ne parlent plus aux hommes » (238-239).
b) Cette philosophie répugne à se rendre populaire
• A recourir au théâtre ou au roman (Sartre)
• Pour être compris du plus grand nombre
• Cette philosophie « quelles que soient les options personnelles de ses champions, parce
quelle coupe la théorie, dont elle s’arroge la gestion, de la pratique, le concept, de la vie,
la philosophie, de l’histoire, la philosophie moderne est réactionnaire, et c’est un procès
politique qu’il faut lui intenter » (239).
9./ PRESSENTIR MAI ?
a) Paradoxe :
• Des hommes meurent au Viêt-Nam ou en Amérique du Sud
• Pour que l’homme vive
• Preuve de la vitalité de l’homme
• Et de l’humanisme qui l’accompagne
b) Mikel Dufrenne place son combat sous le signe de la lutte contre l’impérialisme américain
• Les jeunes philosophes sont loin de ce combat…
c) Les idées de justice, d’égalité, de bonheur n’ont rien perdu de leur actualité
• L’occident semble résigné
• le Tiers-Monde prend le relais de l’humanisme
d) Mai 68 donnera raison à Mikel Dufrenne
• « Les structures ne descendent pas dans la rue »
e) Mikel Dufrenne n’est pas marxiste
• Avec croyance à la dictature du prolétariat
• A la violence accoucheuse de l’histoire
f) Sur des positions éthiques libertaires
• Il estime la planétarisation inéluctable
• Prend en considération la démographie
• Envisage la réduction de la population par la contraception
• S’il n’y a pas cette régulation
• La bombe atomique régulera…
g) L’automatisation des tâches libèrera l’homme
• Plus de travail humiliant et dégradant
• Les machines seront au service de la libération des hommes
• La rareté disparaitra en même temps que la surpopulation
• Les machines répondront aux besoins de chacun
• Elles dégageront du temps libre pour se cultiver
• L’éducation fera renoncer aux désirs du marché qui aliénait
• Les loisirs rendront chacun à soi-même
• La culture, l’art seront des instruments d’édification de soi
• Les hommes se repolitiseront
• Ils se réapproprieront le monde
• Ils développeront l’information sous toutes ses formes
• Ils s’initieront à toutes les technologies pour éviter d’être les prisonniers des technocrates.
h) Révolution par l’art
• Dans la logique capitaliste :
• L’art est un instrument de classe
• Il sépare les hommes
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• Dans la logique post-capitaliste :
• En finir avec la répartition inégalitaire de la culture
• Chacun doit pouvoir s’emparer de la culture
• Non pas sur le mode fictif :
• Happening,
• Choix des pièces à jouer dans les concerts,
• Mise en mouvement de pièces cinétiques
• Mais en produisant soi-même.
CONCLUSION
a) Il faut vouloir le développement et l’humanisation de la civilisation
• Pour ce faire il faut :
1) S’affirmer comme sujet historique, capable de vouloir et d’agir sur le cours des
choses
2) Viser la création d’institutions qui permettront d’apprendre à savoir et à rêver
3) Participer en acteurs, en non en spectateurs, à l’aventure de la science et de l’art
4) Réhabiliter le sentiment dans un monde qui l’a détruit par la technique ou la
religion des structures
5) Retrouver le sens de la nature, du paysage, de la contemplation
6) Abolir les philosophies nébuleuses et idéalistes, au profit du réalisme
7) Repenser nos relations avec le végétal et l’animal
8) Lutter contre le gaspillage
9) Réorienter la technique dans le sens d’une relation harmonieuse avec la nature
• Donc la dissocier du capitalisme productiviste,
10) Le tout pour faire « rayonner le feu divin de la beauté » (252)
• … les derniers mots de Pour l’homme.
b) Mai 68 donnera sa chance à ce projet :
1) restaurer l’individu,
2) revenir à l’histoire,
3) croire qu’on peut agir sur elle,
4) démocratiser le savoir,
5) apprendre à rêver,
6) se faire acteur de sa vie,
7) donner à la passion ses lettres de noblesse,
8) récuser la technocratie,
9) créer une technophilie écologiste,
10) viser un horizon décroissant,
11) préserver la nature,
12) économiser la planète,
13) retrouver le sens de la vie naturelle,
14) laisser dans son existence une place pour la contemplation,
15) penser pour vivre,
16) philosopher sur des objets concerts et réels,
17) considérer que la politique est moins une affaire d’économie et de révolution violente
qu’une affaire esthétique de changement de soi comme condition de possibilité de
changement du monde.
BIBLIOGRAPHIE :
• Mikel Dufrenne, Subversion, perversion, PUF
9
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•
Mikel Dufrenne, Art et politique, 10/18
Structuralisme et marxisme, 10/18
Vers une esthétique sans entraves. Mélanges Mikel Dufrenne, 10/18
Revue d'esthétique, L'art de masse n'existe pas, 10/18
Revue d'esthétique, Mikel Dufrenne, Jean-Michel Place
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