Expérience de Rutherford

Expérience de Rutherford
On s’intéresse ici à une expérience historique réalisée par H.Geiger et E.Marsden sous la direction de E.Rutherford. Les résultats de cette expérience, publiés en 1909 1 ont permis un
avancée décisive dans notre compréhension de la structure des atomes. À l’époque les résultats
semblent si surprenants que Rutherford mettra deux ans avant de publier un nouveau modèle
atomique. À ce titre, Ernest Rutherford est considéré comme le fondateur de la physique
nucléaire.
Antérieurement à cette expérience, la matière
était conçue sous la forme d’atomes électriquement neutres, contenant deux parties chargées
électriquement de façons opposées, la partie chargée
négativement pouvant être arrachée à l’atome (rayons
cathodiques). L’atome était représenté comme un
«pudding aux raisins» plum pudding : une «pâte»
positive avec des inclusions négatives (modèle de J.J.
Thomson).
En 1908, Rutherford a déjà obtenu un prix Nobel pour ses travaux sur la radioactivité. Il
a montré entre autres, que les rayonnements α produits lors de désintégrations radioactives
correspondaient à des noyaux d’hélium. Il va utiliser ces particules α pour sonder la matière.
Pour cela, il bombarde des cibles constituées de feuilles de métal (par exemple de l’or) et
observe les particules transmises. La surprise vient du fait qu’une petite partie des particules
α est rétrodiffusée, et repartent en direction de la source. Ces événements sont incompatibles
avec le modèle de l’époque (modèle de J.J.Thomson).
Schéma de l’expérience
Rutherford dira :"C’est l’événement le plus incroyable qui me soit jamais arrivé. C’est à peu
près aussi incroyable que de tirer un obus de 15 pouces sur une feuille de papier et qu’il rebondisse et vous touche."
1. H.Geiger, E. Marsden. On a Diffuse Reflection of the α-Particules. Proceedings of the Royal Society
(1909) : 495-500.
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Analyse : mise en équation
Une particule α (correspondant à un noyau d’hélium) de masse m et de charge q = 2e, venant
−
de l’infini avec la vitesse →
vo , s’approche avec un paramètre d’impact b = OH d’une cible
(noyau d’or) de masse M m et de charge Ze (pour l’or Z = 79).
On se place dans le référentiel du laboratoire, dans lequel on supposera le noyau d’or fixe.
1) On note ~σ0 , le moment cinétique en O, dans le référentiel du laboratoire, de la particule α.
1.a ) Justifier que ce moment cinétique est une constante vectorielle du mouvement.
1.b) Exprimer ~σ0 , en fonction de m, b, v0 et d’un des vecteurs unitaires du trièdre direct
(~ex , ~ey , ~ez ). On calculera pour cela ~σ0 en M0 correspondant à la position initiale de la particule
α, infiniment éloignée de O.
2) Établir l’expression de ~σ0 en fonction de m, r, θ˙ et d’un des vecteurs unitaires du trièdre
direct (~ex , ~ey , ~ez ).
˙ Compte-tenu de
3) Déduire des deux questions précédentes une relation entre b, v0 , r et θ.
l’orientation choisie, quel est le signe de θ˙ ?
2Ze2
k →
−
(−
e θ∞ − →
e θ0 ), où k =
et où l’indice 0 concerne les
m v0 b
4πε0
grandeurs au départ et l’indice ∞ les grandeurs quand la particule est de nouveau infiniment
éloignée du noyau. (Indication : on utilisera la relation établie au 3) pour mettre le principe
fondamental de la dynamique sous une forme facilement intégrable).
−
−
4) Montrer que →
v∞−→
vo=
5) En déduire la déviation D de la particule. On exprimera tan D2 en fonction de k, m, b et
v0 . Pour établir cette relation, il suffit de projeter la relation du 4) soit sur ~ux soit sur ~uy .
6) On note rmin la distance minimale de plus courte approche du noyau (rmin = OS).
6.a) En utilisant la conservation du moment cinétique, établir une relation entre b, rmin = OS,
v0 et vmin = vS la norme vitesse au point S.
6.b) En exploitant de plus la conservation de l’énergie mécanique, déterminer la distance
minimale rmin de plus courte approche du noyau en fonction de k, Ec0 énergie cinétique des
particules incidentes (Ec0 = 21 mv02 ) et b, puis en fonction de k, Ec0 et D.
6.c) Les particules α utilisées par Rutherford avaient une énergie cinétique de 7, 7 MeV.
Calculer la valeur de rmin associée à une déviation D = 150◦ . Qu’a-t-on pu conclure à l’époque
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sur les dimensions du noyau atomique ?
6.d) Dans quelle direction sont déviées les particules α qui se seront le plus approchées du
noyau. Retrouver directement la valeur de rmin dans ce cas et faire l’application numérique.
On rappelle que 1 eV= 1, 6.10−19 J.
Conclusion
Rutherford dira : "À moins que l’on ne suppose que les atomes aient un noyau chargé de
petites dimensions, il est impossible d’expliquer les faits expérimentaux de la diffusion des
particules α..." L’idée d’un noyau atomique était née.
Vers un traitement quantique de l’atome
Un peu plus tard, Niels Bohr, qui sera étudiant de Rutherford, s’interrogera sur la stabilité
de ce modèle. Il écrira en 1913 : "Pour expliquer les résultats des expériences sur la diffusion
des rayons α par la matière, le Professeur Rutherford a fourni une théorie de la structure
des atomes. D’après cette théorie, les atomes sont constitués d’un noyau chargé positivement
entouré d’un système d’électrons maintenus ensemble par des forces attractives du noyau :
la charge négative totale des électrons est égale à la charge positive du noyau. De plus on
suppose que le noyau est le siège de la principale partie de la masse de l’atome et qu’il a des
dimensions extrêmement petites en comparaison de celle de la totalité de l’atome [...] Cependant dans une tentative d’explication de la matière sur la base de ce modèle
d’atome, nous rencontrons de sérieuses difficultés provenant de l’apparente instabilité du système d’électrons [...] Le résultat de la discussion de ces questions
semble être une reconnaissance générale de l’insuffisance de l’électrodynamique
classique à décrire le comportement d’un système de dimension atomique. Quelle
que puisse être la modification des lois du mouvement des électrons, il semble
qu’il soit nécessaire d’introduire dans les lois en question une quantité étrangère
à l’électrodynamique : la constante de Planck ou, comme elle a été souvent appelée, le quantum élémentaire d’action. "
La mécanique quantique, qui verra le jour plus une bonne décennie plus tard, permettra de
résoudre le problème de stabilité de l’atome.
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