Verres Aspects théoriques par Jean PHALIPPOU Professeur à l’Institut des Sciences de l’Ingénieur de Montpellier (ISIM) Département Matériaux Laboratoire des Verres, UMR CNRS n° 5587 Université de Montpellier II 1. 1.1 1.2 1.3 1.4 Le verre : types et analyse..................................................................... Solides non cristallins ................................................................................. Grandes familles de verres ......................................................................... Formation des verres .................................................................................. 1.3.1 Approche chimique ............................................................................ 1.3.2 Approche cinétique ............................................................................ 1.3.3 Domaine de transition vitreuse ......................................................... Analyse structurale...................................................................................... 1.4.1 Analyses spectroscopiques ............................................................... 1.4.2 Analyse par diffusion de rayonnements........................................... 1.4.3 Modélisation structurale .................................................................... AF 3 600 – 2 — 2 — 3 — 5 — 5 — 6 — 7 — 8 — 8 — 9 — 10 2. 2.1 2.2 2.3 Transition vitreuse ................................................................................... Aspect phénoménologique de la transition vitreuse................................ Approche thermodynamique ..................................................................... Modèle phénoménologique de la relaxation structurale [24].................. — — — — 10 10 11 11 3. 3.1 3.2 3.3 3.4 Immiscibilité dans les verres ................................................................ Séparation de phase.................................................................................... Mécanismes de la séparation de phases................................................... Démixtion suivie d’une lixiviation.............................................................. Consolidation ............................................................................................... — — — — — 13 13 14 15 15 Pour en savoir plus........................................................................................... Doc. AF 3 602 es verres sont connus et utilisés depuis très longtemps. Leur composition a été, au fil des siècles, améliorée pour en faire de nos jours des objets courants, voire indispensables. Les améliorations successives ont été le résultat d’une démarche empirique basée sur des observations macroscopiques. La formation de la structure d’un verre est encore actuellement imparfaitement comprise, son analyse reste délicate à réaliser. Les techniques spectroscopiques récentes permettent d’accéder à des informations locales concernant certains éléments sélectionnés du verre. L’ensemble de ces informations conduit à proposer l’existence d’un ordre local aux premiers voisins et d’un désordre à longue distance. Ces connaissances sont cependant insuffisantes pour rendre compte des propriétés des verres et des efforts continus sont déployés pour obtenir des informations sur la structure à moyenne distance. C’est dans ce domaine, compris entre un et quelques nanomètres, que l’on devrait trouver l’explication de l’agencement structural des verres. Dans un matériau désordonné, les techniques expérimentales permettant d’accéder à la fonction de distribution radiale donnent des représentations unidimensionnelles du réseau tridimensionnel. Les informations sont nécessairement moyennées et ne permettent pas de distinguer des détails ponctuels de la structure. L Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Sciences fondamentales AF 3 600 − 1 VERRES _____________________________________________________________________________________________________________________________ De nombreux espoirs dans la connaissance de la structure des verres résident dans la modélisation. Cette science fait chaque année des progrès remarquables et son incidence sur la connaissance de la structure des verres devrait être essentielle dans la mesure où il devient possible de distinguer les motifs originaux ne correspondant pas à l’analyse globale moyennée issues des techniques expérimentales. Il est probable que certains phénomènes ou propriétés découlent de la présence de motifs ou entités structurales particuliers du réseau vitreux. Ces entités structurales peuvent se trouver en très faible concentration. Pour compléter la difficulté d’appréhension du verre, le phénomène de transition vitreuse, qui lui est intimement rattaché, est encore mal compris. Ces dernières années des approches très différentes et nombreuses ont été développées pour élucider ce phénomène. Il reste cependant difficile de rendre compte tout à la fois de l’aspect thermodynamique et l’aspect relaxationnel de cette transition. Il n’existe pas de théorie qui rende compte de la totalité des divers aspects, physiquement observés, associés à cette transition. On voit donc, que à bien des égards, le verre reste un matériau complexe et peu compris. Il n’en a que plus d’intérêt pour la communauté scientifique. L’article « Verres » fait l’objet de deux fascicules : AF 3 600 Aspects théoriques AF 3 601 Propriétés et applications Les sujets ne sont pas indépendants les uns des autres. Le lecteur devra assez souvent se reporter à l’autre fascicule. 1. Le verre : types et analyse 1.1 Solides non cristallins ■ Selon la température et la pression, les composés chimiques se rencontrent sous divers états de la matière. Les trois états usuels sont le gaz, le liquide et le cristal. L'état gazeux est caractérisé par le fait que les molécules sont distantes les unes des autres. Elles sont animées d'un mouvement aléatoire désordonné. L'état gazeux est un état désordonné non condensé. Dans l'état liquide, les molécules sont nettement plus proches les unes des autres. L'arrangement atomique est désordonné à longue distance mais peut présenter un ordre à courte distance, c'est-à-dire aux premiers voisins. Cet état condensé possède la faculté de s'écouler. Le cristal correspond à un arrangement ordonné des atomes suivant une séquence qui se traduit par un type de structure. Cet état condensé et ordonné présente les propriétés d'un solide. Les atomes vibrent autour d'une position d'équilibre déterminée. Cependant, il existe une famille de matériaux qui présentent globalement les propriétés d'un solide, mais dont l'arrangement atomique ne présente pas d'ordre à longue distance. Contrairement aux solides cristallins qui montrent des pics sur les diffractogrammes de rayons X, les solides non cristallins présentent un « halo » diffus relativement large. ■ Les solides non cristallins peuvent être décomposés en deux grandes familles : les amorphes et les verres. Historique Le verre a toujours été un élément du développement des techniques. Les verres naturels (obsidienne) étaient jadis utilisés dans la confection des pointes de flèche. Au troisième millénaire avant J.-C. le verre apparaît sous forme d'émail recouvrant des poteries céramiques. Le verre massif, sous forme de pâte de verre, fait son apparition en Mésopotamie, puis en Égypte. Les compositions verrières ne sont d'ailleurs pas très éloignées des compositions actuelles. On y retrouve les composants majeurs du verre à vitre : la silice, SiO2, l'oxyde de sodium, Na2O, et l'oxyde de calcium, CaO. À cette époque, le verre est un matériau de décoration (collier en perles de verre) et, plus rarement, un objet ayant une fonction de récipient. Le verre creux est tout d'abord réalisé à l'aide d'un noyau de sable ou d'argile trempé dans le bain en fusion ou sur lequel était enroulé un cordon de ce liquide visqueux. La réalisation d'objets creux par soufflage est découverte par les Phéniciens 300 ans environ avant J.-C. Pendant plusieurs siècles, les progrès du verre sont associés aux techniques d'élaboration et de mise en forme. Les premiers verres plats semblent avoir été fabriqués à l'époque romaine. Ils sont AF 3 600 − 2 obtenus par soufflage d'une ampoule de verre qui, après ouverture, était étalée sous forme de disque. Les verres colorés, dont la composition comporte souvent une quantité non négligeable de K2O, entrent dans la confection des vitraux. En 1675, les verriers anglais commercialisent le verre au plomb. L'indice de réfraction élevé de ce verre le fait associer au cristal de roche. Il conserve, de nos jours, le qualificatif abusif de « cristal». Une dizaine d'années après, le procédé de coulée sur table permet une production intensive, bien que discontinue, de larges plaques de verre à vitre. Actuellement, le liquide est directement déversé en continu sur un bain d'étain liquide sur lequel il flotte. La technologie verrière et la quantité pratiquement infinie des compositions et, par conséquent, des propriétés a permis à chaque avancée scientifique de formuler des verres répondant à la fonction souhaitée. Les ampoules électriques et les fibres optiques sont, à des dates différentes, la démonstration de la flexibilité de ce matériau qui autorise des cadences de production élevées. Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Sciences fondamentales _____________________________________________________________________________________________________________________________ ● Les amorphes correspondent à des matériaux pour lesquels le désordre structural est en majeure partie associé à une technique de synthèse ou une action extérieure imposée par l'expérimentateur. Certains dépôts à partir de voie gazeuse, les gels, les cristaux irradiés, sont quelques exemples de composés amorphes. VM Liquide stable (ou H ) ● Le nom de verre est généralement réservé aux solides obtenus par refroidissement d'un liquide et qui, lors de ce refroidissement, ont acquis les propriétés d'un solide sans pour autant présenter un ordre cristallin. Liquide métastable ● Les verres présentent le phénomène de transition vitreuse caractéristique d'un matériau obtenu par refroidissement d'un liquide. Lors du refroidissement, un liquide peut se trouver à une température inférieure à la température de fusion (TF) dans un état métastable de surfusion. Pour certains d'entre eux, cet état de surfusion peut s'établir sur un grand intervalle de température. On parle alors de liquide verrogène. La figure 1a permet de comprendre la formation d'un verre. Partant de la phase liquide haute température, le volume molaire VM (ou l'enthalpie H) décroît avec la température. À une température inférieure à la température de fusion, pour un traitement de durée infinie, le liquide sera transformé en un cristal dont le volume molaire (ou l’enthalpie) est bien plus faible que celui du liquide surfondu correspondant. Cependant, si le refroidissement est continu et rapide depuis l'état liquide stable jusqu'à très basse température, le liquide passe dans un domaine de température où il se trouve dans un état de surfusion. C'est cet état métastable qui va progressivement se figer pour donner naissance au verre à température ambiante. Le passage continu du liquide surfondu au verre est appelé domaine de transition. La température de transition vitreuse Tg est définie comme l'intersection des courbes extrapolées à partir du liquide et du verre. Ce domaine s'étend sur un intervalle de température dépendant de la nature du verre et de la vitesse v de refroidissement. Plus la vitesse de refroidissement est élevée et plus la transformation s'effectue à haute température. L'inverse est vrai pour un refroidissement lent (figure 1b). Domaine de transition vitreuse Verre al Crist Tam a Tg TF T évolution de VM (ou H ) depuis le liquide stable jusqu'au verre VM Liquide surfondu La variation du volume molaire du verre en fonction de la température est continue et pratiquement linéaire. Ainsi, le coefficient de dilatation thermique linéique est quasiment constant. C'est là une des propriétés du verre. À température ambiante, Tam (figure 1a), le verre présente un volume molaire supérieur à celui du cristal correspondant. Sa structure ouverte facilite la diffusion des espèces chimiques de faible taille. VERRES Verre VM1 (v1) (v2) VM2 (v3) VM3 1.2 Grandes familles de verres ■ Les verres inorganiques d'oxydes constituent la plus grande famille de verres industriels. Le verre à vitre est un verre d'oxydes optimisé pour son inertie chimique, sa dureté, sa transparence et son coût de fabrication. La composition d'un verre d'oxyde industriel est toujours exprimée en pourcentage pondéral d'oxydes. Il est généralement constitué par un grand nombre d'éléments. La multiplicité des éléments contribue au désordre et favorise l'obtention d'un verre en évitant la cristallisation lors de l'étape de refroidissement. Les silicates, les borates, les phosphates ou des mélanges de ces constituants forment la série des verres usuels. Le tableau 1 donne quelques compositions de verres industriels. ● La famille des silicates fait intervenir la silice SiO2 comme élément essentiel de la formation du réseau vitreux. La silice à l'état naturel est très abondante sous forme de cristaux de quartz (sable). Au-delà de 1 750 °C, on obtient un liquide qui, refroidi rapidement, donnera naissance à un verre de silice vitreuse. (0) Les différentes nuances des verres de silice sont innombrables car un verre de silice peut aussi être obtenu par d'autres voies de synthèse (réaction de SiCl4 avec O2, gels, irradiation de quartz, dépôt Tg 3 Tg 2 Tg 1 T VM1 , VM2 , VM3 indiquent les volumes molaires respectifs des verres obtenus pour les différentes vitesses de refroidissement : v1 > v2 > v3 b influence de la vitesse de refroidissement Figure 1 – Phénomène de transition vitreuse par pulvérisation...). Un verre de silice est caractérisé par sa qualité optique, son taux d'impuretés et sa teneur résiduelle en eau, mesurée à l'aide de la bande d'absorption située à 2,73 µm. La masse volumique de ce verre est très faible : 2,2 g/cm3. Il possède par ailleurs une excellente transparence dans le domaine de l'ultraviolet et, de ce fait, est très utilisé comme enveloppe de lampes, fenêtres ou cuves. La température de transition vitreuse est de l'ordre de 1 200 °C et son coefficient de dilatation linéique, 5.10–7K –1, est parmi Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Sciences fondamentales AF 3 600 − 3 VERRES _____________________________________________________________________________________________________________________________ Tableau 1 – Compositions de quelques verres exprimées en pourcentages massiques Composition chimique Verre à vitre (silico-sodocalcique) SiO2 72 Verre de laboratoire (borosilicate de sodium) Un type de verre pour ampoule électrique B2 O3 Un type de verre pour scellement basse température Verre pour lampe à vapeur de sodium Verre E : fibre de renfort pour composites Verre pour fertilisation des sols Verre cristal 37,5 51 80 61 5 8 54,5 12,5 1 17 48 8,5 2 16 24 14,5 6 22 P2 O 5 20,2 Al2O3 2 PbO 64 CaO 9 MgO 3 39 10 7,9 7,9 BaO 12 Na2O 14 5,5 14 K2 O Fe2O3 8,9 1,7 8,9 7,6 4,8 ZnO 14 3,9 MnO2 Les compositions données ne prennent pas en compte les oxydes en quantité mineure. les plus faibles. C'est donc un verre très réfractaire qui supporte, sans rompre, des chocs thermiques appréciables. Constitué par un assemblage désordonné de tétraèdres (SiO4) reliés par leur sommet, le verre de silice est souvent considéré comme le modèle des verres (figure 2). Il présente néanmoins un certain nombre d'anomalies autour de 150 K pour l'expansion thermique et les modules élastiques [1]. D'autre part, c'est un des rares verres pour lequel l'expansion thermique décroît lorsque la température devient supérieure à la température de transition vitreuse. O O Si O O O O O Si O Si O O O O Si Si Si O O O Figure 2 – Verre de silice : représentation schématique de la structure AF 3 600 − 4 Les températures de fusion et d'affinage (élimination des bulles du liquide) étant très élevées, au quartz sont ajoutés des « fondants ». Les fondants les plus usuels sont les oxydes alcalins ou alcalino-terreux qui sont initialement mélangés au quartz sous forme de carbonates, sulfates ou nitrates. Si les oxydes alcalins abaissent notablement la température nécessaire à l'obtention d'un liquide homogène et transparent, ils diminuent la durabilité chimique du verre de silice. Pour contrecarrer cet effet, on fait appel aux carbonates alcalino-terreux. Le verre à vitre est un verre silico-sodo-calcique (Na2O–CaO–SiO2). Étant donné que toute propriété d'un verre peut être modifiée de manière continue par une modification de composition, de nombreux verres industriels (verre à bouteille, verre de lampe) sont des verres silico-sodo-calciques modifiés. Les modifications les plus usuelles consistent à ajouter de l'alumine (Al2O3) pour augmenter la durabilité et modifier le coefficient de dilatation. La substitution d'une partie de Na2O par un autre oxyde alcalin (K2O) ou de CaO par MgO est fréquente. Il faut rappeler que l'analyse chimique d'un verre fait souvent apparaître quelques oxydes en quantité mineure. Il s'agit là, le plus souvent, d'impuretés provenant des minerais de départ. ● Chimiquement très proche de la silice, l'oxyde de germanium GeO2 présente des propriétés physiques analogues à celles de la silice. Cependant, en raison de sa plus faible réfractarité, d'une résistance moindre aux agents corrosifs et surtout de son prix élevé, il est rarement utilisé dans les compositions verrières. En tant que dopant, il augmente de manière significative l'indice de réfraction de la silice (1,4585), ce qui en fait un élément de choix pour la réalisation du cœur des fibres optiques pour les communications à longue distance. ● Les verres de borates, contenant B2O3 comme élément majeur, sont très peu nombreux car aisément attaqués par l'eau. Les verres de borates sont rendus moins sensibles à la corrosion par ajout de Al2O3 ou de composés de terres rares. Les verres à haut indice de réfraction seront des borates de lanthanides. Les silicates sont attaqués par les vapeurs de sodium qui dépolissent la surface du verre. Dans ce cas, on utilise des verres d'alumino-phosphates ou alu- Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Sciences fondamentales _____________________________________________________________________________________________________________________________ mino-borates alcalino-terreux. Les verres Cabal (CaO–B2O3–Al2O3) ont été antérieurement étudiés pour leur propriété d'isolation électrique et leur faible température d'élaboration. L'anhydride borique, B2O3, est plus généralement associé à la silice pour former la famille des borosilicates. Le plus connu de ces verres est utilisé pour la verrerie de laboratoire (Pyrex, Duran, Simax…). Ces borosilicates de sodium ont une composition optimisée pour la tenue aux chocs thermiques. Leur coefficient de dilatation thermique est voisin de 3,3.10–6K –1. Ils se travaillent facilement à chaud grâce à B2O3 qui favorise l'étirage et le fibrage. Ce même composé est utilisé pour faciliter le fibrage du verre E, verre de renfort pour composite dont la composition est centrée sur le point d'eutexie ternaire de plus bas point de fusion du système CaOAl2O3–SiO2. D'une manière générale, une modification du pourcentage en B2O3 dans les borosilicates conduit à des variations importantes des propriétés physiques. Les verres de scellement font largement appel à ce type de verre. ● Les verres de phosphates, ayant une teneur appréciable en P2O5, sont industriellement peu utilisés car relativement sensibles à la vapeur d'eau. L'intérêt de ces verres réside dans leur résistance à l'acide fluorhydrique et la possibilité de synthétiser des matériaux de composition comparable à la partie minérale de l'os humain. Les phosphates ont généralement un coefficient de dilatation élevé et un indice de réfraction faible. Ces deux propriétés sont mises à profit dans le domaine de l'optique. Les verres de phosphates dopés au néodyme sont les verres lasers retenus pour la recherche sur la fusion nucléaire. Les associations de composés B2O3 et de P2O5 conduisent aux borophosphates dont les applications majeures sont le scellement et le revêtement. ■ Les verres d'halogénures (fluorures et chlorures) forment une autre famille de verres inorganiques. La famille des verres constitués à partir de BeF2 est connue depuis fort longtemps. BeF2 est un composé qui, à l'état liquide, peut être trempé pour former un verre. Les fluoroberylates ne présentent pas d'intérêt industriel en raison de leur forte réactivité vis-à-vis de l'eau atmosphérique. Les fluorures étant fortement ioniques, la cristallisation lors du refroidissement de la fonte est souvent inévitable. Dans ce cas, le liquide ne peut être transformé en un verre. Cependant, l'effet de désordre structural occasionné par un mélange adéquat de divers fluorures entraîne une compétition entre les espèces cristallines pouvant apparaître lors du refroidissement. Cette compétition peut être mise à profit pour interdire la transformation verre - cristal. La mise en forme, et en particulier le fibrage en continu des verres de fluorures, nécessite une optimisation des compositions. Les composés ZrF4, AlF3 et GaF3 se sont révélés être essentiels à l'obtention de verre lorsqu'ils sont mélangés à d'autres fluorures. Dans les verres à base de ZrF4, on constate que l'ion zirconium est entouré d'un nombre variable d'ion F – (6, 7 et 8) [2]. Cette disparité entre les polyèdres et le fait que les distances Zr-F soient très variables occasionnent un désordre analogue à la mixité des liaisons (liaison partiellement ionique et covalente). Ces derniers verres de fluorure à base d'atomes lourds transparents dans le visible transmettent aussi dans l'infrarouge (IR), au moins jusqu'à 8 µm. Leurs principales applications résident dans l'optique IR (fenêtre spectrale de l'atmosphère 3-5 µm) et dans l'amplification optique pour les fibres optiques utilisées dans les télécommunications. Le verre de fluorure commercialisé est le ZBLAN qui est issu d'un mélange de fluorures de zirconium, baryum, lanthane, aluminium et sodium. Les chlorures de métaux de transition peuvent, pour certaines compositions et vitesses de trempe, donner lieu à des verres dont l'intérêt est essentiellement scientifique. ■ Les éléments chalcogènes tels que le soufre, le sélénium ou le tellure, associés à des éléments des groupes IV et V sont à la base des verres de chalcogénures. Le soufre comme le sélénium forment des verres. Les verres usuels sont formés à partir des associations d'éléments IV-VI ou IV-V. Dans le ternaire Ge–As–Se le domaine de vitrification est très étendu. VERRES Les verres de chalcogénures sont, pour la plupart, opaques dans le domaine visible et transparents dans l'infrarouge. La coupure dans l'infrarouge est supérieure à 10 µm. Elle est repoussée vers les grandes longueurs d'onde lorsque la masse atomique des éléments formant le verre augmente. Leur indice de réfraction est élevé et est la cause d'une transmission relativement faible en raison des pertes par réflexion. Ce sont des matériaux de choix pour l'optique associée à la fenêtre spectrale de l'atmosphère (8 - 12 µm) et pour le laser CO2 dont la longueur d'onde d'émission est située à 10,6 µm. ■ Certains mélanges de métaux à l'état liquide peuvent être transformés en verre par trempe rapide. Les verres métalliques ont fait l'objet de nombreuses recherches en raison de leur caractère légèrement ductile qui les différenciaient des verres usuels qui présentent un comportement fragile. De plus, au voisinage de la transition vitreuse, ces verres présentent une certaine plasticité. Extrêmement difficiles à élaborer, les seules mises en forme possibles sont les fils et des bandes continues de 10 cm de large au maximum. Les critères d'obtention de ces verres peuvent être formulés simplement. On doit rechercher des compositions correspondant à des « eutectiques profonds », c'est-à-dire des compositions pour lesquelles le liquide reste dans son état stable à la plus basse température possible. De ce fait, le liquide présente déjà une viscosité relativement élevée. La présence de plusieurs éléments de taille et d'électronégativité très différentes est favorable à la formation du verre. Enfin, si la différence d'enthalpie libre entre le liquide surfondu métastable et le cristal est faible, la tendance à la cristallisation est diminuée. Plusieurs séries de verres métalliques ont pu être élaborés à partir de métaux de transition : éléments de début et fin de transition (Cu–Zn, Cu–Ti, Ni–Ti), et éléments de transition-métalloïde [x(Fe, Co, Ni) – (1 – x) (P, B, Si, C)]. Pour la production industrielle, famille métal-métalloïde avec x = 0,2, l'alliage liquide est forcé sous pression au travers d'un orifice. Le jet de liquide est généralement refroidi sur un tambour tournant à grande vitesse. ■ Certains sels de nitrates (KNO3–Ca(NO3)2), de sulfates (KHSO4) ou de solutions aqueuses (HCl, KOH, HClO4) peuvent aussi être vitrifiés. L'éthanol, le propylène glycol, le glycérol, le glucose... à l'état liquide peuvent par refroidissement être convertis en verres. 1.3 Formation des verres 1.3.1 Approche chimique Pour expliquer la formation des verres, plusieurs approches, très empiriques, ont été proposées. L'approche structurale est basée sur des considérations cristallographiques ou sur la nature des liaisons. La vitrification peut avoir lieu si le rapport des rayons ioniques cation/anion est compris entre 0,2 et 0,4. Ce critère, issu de l'analyse cristallographique des silicates cristallins, conduit à penser que le cation est entouré par 3 (B2O3) ou 4 anions (SiO2). Cette approche est nettement insuffisante. ■ Zachariasen [3] émet l'hypothèse du réseau désordonné des verres d'oxydes. Les conditions de vitrification énoncées ont permis des avancées significatives dans la compréhension de la structure des verres d'oxydes. La structure des verres de silicates est un assemblage désordonné d'entités structurales élémentaires basées sur le tétraèdre (SiO4). Pour qu'un oxyde simple AxOy puisse donner naissance à un verre, il faut que soient réunies les conditions suivantes. 1 - Chaque atome de A est entouré par un faible nombre d'atomes d'oxygène (3 ou 4) formant ainsi un polyèdre. 2 - Ces polyèdres sont reliés les uns aux autres par leurs sommets et non par une arête ou une face. 3 - La formation d'un réseau tridimensionnel impose qu'au moins trois sommets du polyèdre soient reliés aux polyèdres voisins. Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Sciences fondamentales AF 3 600 − 5 VERRES _____________________________________________________________________________________________________________________________ 4 - Un atome d'oxygène échange au maximum deux liaisons avec le cation A. Si la composition comporte un autre oxyde et en particulier un oxyde alcalin M2O, les oxygènes liés à deux cations A n'échangent pas de liaison avec un cation M. rompant des ponts Si O Si pour former des entités : — Si O – Na+ par exemple pour le sodium ; — Si O – Ca++ – O Si pour le calcium. L'oxygène, porteur d'une charge électronique excédentaire, n'établit plus la liaison entre tétraèdres voisins. C'est un oxygène « non pontant ». Le cation de l'oxyde modificateur de réseau est localisé dans une cavité du réseau au voisinage de l'oxygène non pontant. Un ion sodium associé à un oxygène non pontant est plus mobile qu'un ion Ca++ associé à deux oxygènes non pontants assurant la neutralité électrique. ● Certains oxydes, suivant la composition du verre, se comportent, soit comme des formateurs de réseau, soit comme des modificateurs. Ces oxydes, appelés intermédiaires, sont Al2O3, Fe2O3, PbO, TiO2, ZnO pour les plus connus. L'aluminium possède un rayon ionique voisin de celui du silicium. Géométriquement, il peut admettre un environnement tétraédrique. Sa charge électrique est 3+ alors que le silicium est 4+. En conséquence, le tétraèdre (AlO4) est négativement chargé. On peut restaurer la neutralité électrique si le verre contient par ailleurs des ions alcalins ou alcalino-terreux. Ainsi, l'aluminium peut se trouver en position de formateur de réseau, au même titre que le silicium, pour autant que, dans le voisinage du tétraèdre (AlO4)–, soit localisé un cation M+. Bien évidemment, un cation alcalino- terreux M++ concourt à la formation de deux tétraèdres (AlO4)–. Théoriquement le rapport [M+]/[Al3+] doit être égal à 1 pour que tous les atomes d'aluminium soient en position de formateurs de réseau. Corrélativement, le verre présente alors uniquement des oxygènes pontants (figure 3). ● Il faut noter que l'ajout d'oxyde alcalin à un oxyde formateur n'induit pas toujours le même phénomène de rupture de ponts avec création d'oxygène non pontant. L'exemple le plus connu est celui de l'anomalie borique. Le verre B2O3 est constitué par des entités triangulaires d'oxygènes disposés autour du bore central. Tous les oxygènes de ces unités planaires sont partagés entre deux entités (BO3) et sont de ce fait pontants. L'ajout d'oxyde alcalin ne conduit pas à une dépolymérisation du réseau, mais au contraire à une augmentation de la coordinence du bore qui passe ainsi de la coordinence 3 à 4. Globalement, le réseau est plus réticulé. Dans ce cas, AF 3 600 − 6 O Si Dans un verre, on pourra donc attribuer à chacun des oxydes une fonction particulière. Zachariasen définit essentiellement trois classes d'oxydes. ● Les oxydes formateurs de réseau sont les oxydes simples qui, par refroidissement, conduisent à un verre : SiO2, GeO2, B2O3, As2O3, P2O5 (sous pression). Les entités structurales sont des motifs (exemple, SiO4) relativement réguliers avec, cependant, une faible distribution dans la longueur de liaison. Par contre, l'arrangement des tétraèdres entre eux est relativement désordonné (figure 2). La liaison entre les tétraèdres voisins se fait par l'intermédiaire d'un oxygène, sommet commun à deux tétraèdres. Pour cette raison, Zachariasen a appelé cet oxygène, oxygène « pontant ». Dans un verre existe un ordre à courte distance et un désordre à longue distance. ● Les oxydes modificateurs de réseau sont essentiellement les oxydes alcalins M2O, et les oxydes alcalino-terreux MO, composés essentiellement ioniques. L'introduction de ces oxydes dans le réseau du verre a pour conséquence de dépolymériser le réseau en O O O Si O O Al Si – O O Si O M+ O O O O O O Si O Si O O O O Si O O Figure 3 – Schéma structural d’un verre dans lequel un oxyde intermédiaire (Al2O3) est en position de formateur de réseau en raison de la présence d’un ion alcalin M+ l'ajout d'oxyde alcalin modifie de façon anormale les propriétés physiques des verres et conduit, en particulier, à une augmentation de la température de transition vitreuse. ■ Pour expliquer la formation des verres, d'autres approches ont fait appel à l'analyse de la nature des liaisons entre les divers atomes. Les liaisons qui présentent un caractère trop covalent ou trop ionique sont peu aptes à l'obtention d'un verre. Un pourcentage d'ionicité ou de covalence ou même la présence conjointe de liaisons covalentes dans des chaînes et de liaisons de Van der Waals entre chaînes sont des éléments concourant à la formation d'un verre. ■ Au point de vue quantitatif, on citera la notion de force de liaison introduite par Sun [4]. La force de la liaison est exprimée par le rapport de l'énergie de dissociation de l'oxyde sur le nombre de liaisons échangées. Le calcul montre que les oxydes formateurs de réseau présentent des forces de liaison supérieures à 360 kJ/mol et que les modificateurs ont des forces de liaison inférieures à 200 kJ/mol. Cette classification est en bon accord avec les critères de Zachariasen. Elle permet d'évaluer quantitativement si une composition peut donner naissance à un verre. Bien que d'intérêt, toutes les approches ne permettent pas de rendre compte de la vitrification de tous les composés. La vitrification étant le résultat du refroidissement d'un liquide, des approches cinétiques ont été proposées pour traduire la formation d'un verre. 1.3.2 Approche cinétique ■ De manière simple, on peut dire que le verre sera obtenu si, lors du refroidissement, des cristaux ne sont pas apparus. Thermodynamiquement, à partir d'un état métastable, un cristal stable apparaît si des germes se sont développés. Les deux étapes de germination et de croissance sont requises pour faire croître un cristal. Les courbes de vitesse de germination (ou vitesse de nucléation) I (nombre de germes par unité de volume et de temps) et de vitesse de croissance U sont théoriquement calculées en fonction de la température à partir de données thermodynamiques et des énergies d'activation de diffusion. Bien que ces vitesses ne soient pas exprimées dans les mêmes unités puisque la vitesse de croissance est une longueur par unité de temps, il est commode de les reporter sur un même graphe en fonction de la température. La figure 4 représente deux cas extrêmes concernant l'emplacement des courbes sur l'espace température. Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Sciences fondamentales _____________________________________________________________________________________________________________________________ T U I, U Liquide t a TF I ε% 99% Liquide surfondu Régime isotherme ε% dT dt Régime dynamique 99% TF T Cristal U I, U VERRES b I Tg Verre TF T Figure 5 – Transformation du liquide surfondu en cristal ou en verre suivant la vitesse de refroidissement Figure 4 – Vitesse de nucléation et vitesse de croissance en fonction de la température Les vitesses de germination comme les vitesses de croissance sont maximales pour une température donnée. À très basse température, la diffusion atomique étant très faible, un germe ne peut ni se former, ni croître. Le maximum de la vitesse de croissance est généralement localisé vers les hautes températures. À la température de fusion TF la vitesse de croissance est nulle. Si les courbes de germination et croissance empiètent l'une sur l'autre (figure 4b) dans un grand domaine de température, alors, tout germe formé croît de manière instantanée pour donner naissance à un cristal de taille conséquente. Au contraire, si les courbes sont nettement séparées (figure 4a), au refroidissement, le liquide surfondu passe tout d'abord dans un domaine de température où la croissance de germes serait possible mais ces germes n'ont pu se former. À plus basse température, les germes apparaissent, mais leur croissance est interdite puisque la vitesse de croissance est nulle. Aucun cristal ne sera formé. Bien que qualitativement d'intérêt, cette approche ne traduit pas le fait que la formation du verre dépend de la vitesse de trempe, c'est-à-dire de la vitesse avec laquelle le matériau traverse les domaines de nucléation et de croissance. ■ Une autre approche consiste à fixer un taux minimal de cristaux en deçà duquel le matériau peut être considéré comme étant un verre homogène. Ce taux minimal est souvent exprimé sous la forme d’un pourcentage de transformation, ε %. Ce pourcentage de transformation est choisi volontairement faible (par exemple 10–2 %). Il correspond à la quantité minimale de cristaux susceptible d’être décelée par diffraction des rayons X. Le diagramme température T – temps t – pourcentage de transformation ε rend compte, à toute température, de la transformation du liquide surfondu en cristal (figure 5). En deçà de la courbe ε %, le matériau est dans un état de liquide surfondu ; au-delà de 99 %, on peut considérer que le matériau est entièrement cristallisé. On conçoit donc que l'on puisse transformer tout liquide en un verre pour autant que l'on puisse refroidir infiniment rapidement ce liquide. La vitesse de refroidissement maximale est liée à la vitesse avec laquelle l’énergie thermique est dissipée hors du matériau. La trempe par écrasement de gouttelettes entre des enclumes faites de deux diamants en regard a permis de vitrifier de nombreux composés réputés non vitrifiables. 1.3.3 Domaine de transition vitreuse Dans le domaine de transition vitreuse (figure 1), les propriétés évoluent de manière continue. ■ La figure 6 montre l'évolution de la capacité thermique dans le domaine de transition. Le phénomène de transition vitreuse est caractéristique d'un verre. ■ La température de transition vitreuse Tg peut être déterminée à partir de techniques expérimentales différentes. Les méthodes thermiques, basées sur la variation dimensionnelle de l'échantillon ou sur la variation de capacité thermique, sont les plus utilisées pour déterminer la température de transition vitreuse. En analyse thermique différentielle, par convention, Tg est situé au point d'inflexion de l'effet endothermique (figure 7) causé par le changement de capacité thermique à pression constante Cp. Cp A Liquide surfondu Liquide Ces courbes sont obtenues pour des traitements isothermes d’un liquide surfondu instantanément, porté à la température choisie. En régime dynamique, pour un refroidissement dT /dt imposé, partant d’une température légèrement supérieure à la température de fusion TF, le liquide entre dans un état métastable. Les courbes ε % et 99 % de cristallisation, comparativement aux traitements isothermes, sont déplacées vers les basses températures et les temps plus importants. Pour un refroidissement lent, la droite dT /dt rencontre la courbe ε %, le liquide surfondu cristallise. Au contraire, si la droite représentant ce refroidissement (figure 5) évite la courbe ε %, aucun cristal n’apparaît dans le liquide surfondu. Poursuivant le refroidissement à de plus basses températures, le liquide surfondu se fige en passant dans le domaine de transition vitreuse et le verre est obtenu. Verre (C p v) Tam B ) l (C p c Crista Tg TF T A B : domaine de transition entre le liquide surfondu et le verre Figure 6 – Évolution de la capacité thermique à pression constante dans le domaine de transition vitreuse en fonction de la température Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Sciences fondamentales AF 3 600 − 7 VERRES _____________________________________________________________________________________________________________________________ ∆T > 0 Recuit Trempé 0 ∆T < 0 Tg R Tg T Si le verre a été obtenu par un refroidissement trop rapide, il présente alors des contraintes mécaniques résiduelles, aisément observées entre polariseurs croisés. Le recuit qui a pour but de relaxer ces contraintes, s'effectue à une température correspondant à une viscosité sensiblement égale à 1013,5 poiseuille. T Figure 7 – Analyse thermique différentielle d’un même verre trempé ou soigneusement recuit ∆L 10 – 4 rature ambiante. Lorsque la viscosité varie rapidement dans un faible intervalle de température, le verre est « court ». Au contraire, pour les compositions industrielles, la viscosité (verre à vitre, verre au plomb, verre « Pyrex ») varie peu dans ce même intervalle de température. On parle de verres « longs ». Cependant, quel que soit le verre, la viscosité correspondant à la température de transition vitreuse est voisine de 1012,3Pa.s (soit 1012,3 poiseuilles ou 1013,3 poises). Le tableau 2 précise les viscosités et températures correspondantes pour la mise en forme d'objets creux (bouteille, flacon…) en verre silico-sodo-calcique. Pour des besoins industriels, la variation de viscosité en fonction de la température est traduite par la relation de Vogel – Fulcher – Tamman : B η = exp A + --------------T – T0 Td L0 où T est la température en Kelvin et A, B, T0 sont des constantes calculées à partir de trois valeurs de la viscosité. On prend généralement des valeurs de viscosité différentes et normalisées [6]. 25 (0) Tableau 2 – Viscosités et températures pour la mise en forme d’objets creux en verre silico-sodo-calcique 20 Étape du procédé Fusion 15 Tg Température Viscosité (°C) (Pa.s) 1 575 10 Canal de distribution 1 300 à 1 100 102 à 103 Coulée dans le moule 1 000 103,5 780 106 555 à 520 1012,5 à 1013 Recuit 1 Pa.s = 1 poiseuille = 10 poises. B2 10 0S B3 0S Retrait du moule 0S B1 1.4 Analyse structurale B5S 5 1.4.1 Analyses spectroscopiques SiO 2 0 200 400 600 800 T (°C) x pourcentage molaire en B2O3 Td température de ramollissement dilatométrique Figure 8 – Courbes dilatométriques des verres du binaire B2O3 (B)–SiO2 (S) (d’après [5]) En dilatométrie, c'est l'intersection des droites extrapolées correspondant au verre et au liquide surfondu qui détermine Tg (figure 8). ■ La viscosité η est la propriété, industriellement, la plus importante pour la mise en forme des objets en verre. La viscosité évolue de manière continue depuis le liquide stable jusqu'au verre à tempé- AF 3 600 − 8 Le désordre atomique rend difficile la description de la structure des verres. Le manque de périodicité à longue distance interdit la connaissance précise de l'emplacement atomique. Le spectre de diffraction des rayons X se traduit par un « halo » qualifié de diffus (§ 1.1). Les techniques spectroscopiques d'analyse de la structure des verres sont identiques à celles utilisées dans les milieux cristallins. Elles apportent des informations parcellaires, car souvent elles sont sensibles à un seul élément de la structure. Dans la plupart des cas, la structure locale autour de cet élément sonde est analysée par analogie avec des homologues cristallins. ■ La spectroscopie UV (ultraviolet) – visible permet d'identifier des sites structuraux responsables de certaines absorptions (verres colorés par des éléments de transition, lanthanides...). ■ La résonance paramagnétique électronique est réservée à quelques éléments ou à l'analyse des défauts ponctuels. ■ La spectroscopie Mössbauer a permis de connaître les environnements respectifs des atomes de Fe2+ et Fe3+. Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Sciences fondamentales _____________________________________________________________________________________________________________________________ ■ La spectroscopie IR permet d'analyser la structure des silicates, aluminosilicates et autres par identification des raies d'absorption à celles des cristaux analogues. De plus, la présence d'oxygène non pontant ou de groupements silanols ≡ Si – OH peut être mise en évidence. ■ La diffusion Raman est complémentaire de la spectroscopie IR. Il faut noter qu'elle a récemment permis d'identifier des structures au-delà des proches voisins dans les systèmes de silicates et de borates. En particulier, dans les verres à base de B2O3, la diffusion Raman a confirmé la présence de cycles constitués par trois atomes de B liés aux oxygènes et appelés cycles boroxols (B3O6) [7]. L'analyse des spectres de diffusion Raman d'un verre de silice a révélé la présence de bandes dites de défauts D. La bande D1, localisée à 495 cm–1, est due à la présence de cycles comportant 4 atomes de silicium, tandis que le bande D2 (606 cm–1) correspond à des cycles formés avec 3 atomes de silicium. Ces cycles, très sensibles à la vapeur d'eau, seraient plus nombreux en surface [8]. ■ La fluorescence X permet de noter une modification de coordinence. La raie Kα de l'aluminium est déplacée lorsque cet élément passe d'une position de formateur de réseau (environnement tétraédrique) à une position de modificateur (environnement hexagonal) [9]. ■ La spectroscopie de résonance magnétique nucléaire (RMN) s'est enrichie de techniques expérimentales (rotation à angle magique, polarisation croisée...) qui permettent maintenant d'analyser correctement un grand nombre d'éléments des verres d'oxydes. L'aluminium (27Al), le phosphore (31P), le silicium (29Si) pour les formateurs de réseau, le sodium (23Na), le lithium (6Li, 7Li) pour quelques modificateurs et l'oxygène (17O) sont parmi les éléments essentiels des verres d'oxydes. Le déplacement chimique indique la nature des liaisons avec les proches voisins de l'élément sonde. La RMN se révèle être un outil de choix pour l'étude de la structure à température ambiante et à température élevée [10], [11], [12]. ■ Les spectroscopies XANES (X Ray Absorption Near Edge Structure) et EXAFS (Extended X Ray Absorption Fine Structure) permettent de connaître la coordinence et la longueur des liaisons cation-ligand. Leur apport dans le domaine de l'environnement des métaux de transition est incontestable [13]. De plus, ces techniques démontrent que, dans certains verres, les cations modificateurs ne sont pas disposés au hasard dans la structure du verre. Il existe une symétrie de site et des corrélations cation-cation. La structure de certains verres ne serait pas totalement désordonnée mais constituée par un réseau aléatoire d'éléments formateurs entre lesquels les modificateurs et, en conséquence, les oxygènes non pontants formeraient un canal continu [14]. À l'exception des éléments de faible masse atomique, l'EXAFS permet l'analyse de tous les éléments même si ceux-ci se trouvent en très faible quantité. 1.4.2 Analyse par diffusion de rayonnements ■ L'analyse de la structure des verres a été réalisée par diffusion des rayons X et des neutrons [15]. L'intensité diffusée I(Q) en fonction du vecteur d'onde Q conduit à un spectre contenant les informations sur les arrangements atomiques. Par transformée de Fourier, on obtient la fonction de distribution radiale 4πr 2ρ(r), ρ(r), densité radiale, représentant le nombre d'atomes par unité de volume situés à une distance r d'un quelconque atome pris comme origine. Pour une distance r très grande, ρ(r) tend vers une valeur finie qui représente le nombre d'atomes répartis dans le volume analysé. Le rapport ρ(r)/ρ0 est appelé fonction de distribution de paires. Elle exprime la probabilité pour trouver, à la distance r du premier, un deuxième atome de nature identique. Dans le cas des verres monoatomiques ou diatomiques, la coordinence, la distance des premiers voisins et même des seconds voisins peuvent être calculés avec une assez grande précision [6]. VERRES Exemple : dans le verre de silice, l'unité de base est le tétraèdre. Les distances interatomiques Si–O sont faiblement distribuées autour de la valeur 0,162 nm soit 1,62 Å. La distance correspondant à la paire O/O (2,6 Å) permet de calculer l'angle O–Si–O qui est de l'ordre de 109°. La distance séparant deux atomes de silicium (≈ 3,12 Å) conduit à admettre que les tétraèdres sont accolés par leurs sommets et que ces tétraèdres font entre eux des angles (Si–O–Si) dont la valeur est comprise entre 120 et 180°. La valeur moyenne de l'angle est de 145°. Nota : l’angström, bien qu’unité non normalisée, est couramment utilisée dans ce domaine. Nous l’emploierons donc dans cet article : 1 Å = 0,1 nm. D'une manière générale, au-delà de 5-6 Å, les fluctuations autour de la courbe 4πr 2ρ0 deviennent très faibles et aucune information n'est accessible. Si un verre est constitué par trois atomes de natures différentes, les distributions de paires, au nombre de six, se superposent et des hypothèses doivent être émises pour extraire les informations structurales. Il faudrait, en principe, autant d'expériences (X et neutrons avec substitution isotopique) que ce qu'il y a de distributions à calculer. ■ La diffraction des électrons a été quelquefois utilisée pour accéder, de la même façon, à la structure d'échantillons vitreux. Les mesures sont réalisées avec un microscope électronique qui permet de visualiser directement la plage analysée. Là encore, la transformée de Fourier de l'intensité I(Q) permet le calcul de la fonction de distribution radiale. La nécessité d'utiliser des échantillons de très faible épaisseur, le caractère isolant électrique des verres et la faible longueur d'onde de la radiation limitent l'utilisation de cette technique d'analyse. ■ Récemment, la technique de diffusion anomale des rayons X aux grands angles (AWAXS, Anomalous Wide Angle X Ray Scattering) a permis d'obtenir des informations sur la structure à moyenne distance (10 Å). La technique consiste à enregistrer les spectres pour deux valeurs de l'énergie tout en étant très proche du seuil de l'élément considéré. La différence de spectre est caractéristique de l'environnement de l'élément sondé. Il a été montré que le strontium se positionnait différemment dans les verres suivant qu'il agissait comme un modificateur de réseau ou un compensateur de charge pour les tétraèdres (AlO4) – [16]. ■ Le concept, basé sur la différence de spectres induite par la substitution isotopique que l’on vient d’évoquer, est particulièrement adapté à la diffusion neutronique. Plusieurs verres de composition identique sont élaborés. Ils diffèrent entre eux par la quantité d'isotope d'un élément particulier choisi comme sonde. On réalise en fait un contraste basé sur la longueur de diffusion que présentent les isotopes d'un élément particulièrement bien adapté (Li, Ti, Ni, Ca, Ba) [17]. La méthode de la deuxième différence permet d'analyser la structure à courte et moyenne distance pour un élément particulier. Cependant, cette méthode exige des verres strictement identiques élaborés avec le plus grand soin et la même procédure expérimentale car les erreurs commises peuvent être voisines de 30 à 40 %, même dans les meilleurs cas. ■ Les progrès actuels dans la technique de microscopie à force atomique laissent penser qu'il sera possible dans le futur de visualiser directement les atomes constituant le verre. Dans les verres d'oxydes, les derniers résultats montrent toutefois que l'analyse d'une surface de fracture fraîche, dans un vide poussé, est difficile à réaliser en raison de la nature isolante du matériau. Dans tous les cas, il apparaît maintenant qu'il est nécessaire d'avoir un faisceau de méthodes d'analyse pour décrire correctement la structure d'un verre à courte échelle. La structure à moyenne distance (5 à 20 Å) n'est seulement connue que dans de rares cas et pour quelques éléments particuliers. On peut espérer une bonne description de la structure des verres grâce aux progrès réalisés par la modélisation. Plusieurs méthodes pour modéliser la structure sont actuellement employées. Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Sciences fondamentales AF 3 600 − 9 VERRES _____________________________________________________________________________________________________________________________ 1.4.3 Modélisation structurale ■ La dynamique moléculaire [18] est basée sur la résolution des équations du mouvement de N atomes contenus dans une cellule. Les trajectoires atomiques sont calculées pour des intervalles de temps de l'ordre de la dizaine de picosecondes. La dynamique moléculaire nécessite la connaissance des potentiels interatomiques. L'intérêt de cette méthode est de pouvoir traiter un grand nombre d'atomes [19], mais aussi des verres multicomposants [20]. La structure obtenue est très dépendante de la qualité des interactions atomiques choisies. Des améliorations notables ont été proposées récemment, telles que les interactions à longue portée, les interactions angulaires à trois corps avec angle imposé ou potentiels d'interactions issus de calculs « ab initio » généralement obtenus à partir de structure cristalline. Cependant, les vitesses de trempe pour obtenir le verre sont de plusieurs ordres de grandeurs plus élevées que dans la réalité. ■ Un verre trempé, chauffé à une vitesse inférieure à celle ayant été adoptée pour la trempe, va entrer dans le domaine de transition. Dès que la mobilité atomique est suffisante, une relaxation commence à s'opérer et la propriété s'approche de celle correspondant à la courbe du liquide surfondu (figure 9a). Ce phénomène d'hystérésis est classique et permet, au simple examen d'un thermogramme de dilatométrie, de préciser si le verre analysé a été préalablement trempé. ● Inversement, un verre obtenu par refroidissement lent peut être réchauffé avec une vitesse de chauffe élevée. Dans ce cas, la propriété ignore la courbe du liquide surfondu et la relaxation s'effectue à des températures supérieures à la température d'équilibre (figure 9b). V ■ Les méthodes de simulation « ab initio », plus récentes permettent le calcul des interactions atomiques à partir de la structure électronique. Elles ne font appel à aucun paramètre. En raison des temps de calcul, elles sont limitées à une centaine d'atomes. Liquide surfondu Ces diverses méthodes de simulation sont actuellement utilisées de manière conjointe pour optimiser la description de la structure [21]. La méthode de simulation, dite de « Monte-Carlo inverse » [22] n'est pas à proprement parler une méthode de simulation de la structure. Elle consiste à calculer la réponse expérimentale que devrait donner une structure hypothétique que l'expérimentateur s'est fixée ou a établie par simulation. Le principe consiste ensuite à modifier la configuration initiale pour ajuster au mieux la courbe théorique avec la courbe expérimentale effective. e Verr Va Tam a a 2. Transition vitreuse La transition vitreuse est le terme donné aux phénomènes physiques qui apparaissent dans un domaine de viscosité compris entre 1012 et 1014 Pa.s. C'est une caractéristique des matériaux verrogènes que l'on retrouve tout aussi bien dans les verres d'oxydes que dans les verres fluorés, de nitrates ou dans les verres métalliques. Tg a T verre obtenu par refroidissement rapide à une vitesse vr ; le chauffage est réalisé à une vitesse : vc < vr V Liquide surfondu 2.1 Aspect phénoménologique de la transition vitreuse e Verr Lors du refroidissement en deçà de la température de fusion, la viscosité du liquide métastable surfondu augmente. Les mouvements atomiques sont peu à peu entravés. À haute température, le temps nécessaire pour que les atomes atteignent la configuration atomique correspondant au liquide métastable est faible. Ce temps augmente lorsque la température décroît, si bien que à un certain instant, la structure ne peut atteindre son équilibre. La structure et, par suite, les propriétés « décrochent » de la courbe du liquide surfondu. La structure se fige peu à peu jusqu'au moment où aucune relaxation structurale ne peut s'effectuer. La propriété dépend alors uniquement de la température par l'intermédiaire de la vibration atomique. La transition vitreuse est donc un phénomène d'ordre cinétique correspondant au gel des atomes dans une configuration donnée. ■ Un verre obtenu par trempe rapide du liquide présentera donc une température de transition vitreuse Tg supérieure à celle du même verre obtenu par refroidissement lent (figure 1b). En conséquence, le verre trempé, présentant un volume molaire plus grand, a une structure plus ouverte. AF 3 600 − 10 Vb Tam b b Tg b T verre obtenu par refroidissement lent à une vitesse v< ; le chauffage est réalisé à une vitesse : vc > v< Va est le volume molaire à la température ambiante Tam du verre trempé et Vb le volume molaire du verre obtenu par refroidissement lent. En accord avec la figure 1b : Va > Vb Tg a > Tg b Figure 9 – Transition vitreuse d’un verre : chauffage et relaxation Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Sciences fondamentales _____________________________________________________________________________________________________________________________ VERRES Sconf VM Liquide Liquide surfondu Verre Liquide surfondu Verre T1 Tg T l Crista Une propriété autre que le volume molaire donnerait qualitativement le même résultat 0 TK Tg TF T Figure 10 – Vieillissement physique (stabilisation) : exemple Figure 11 – Évolution de l’entropie de configuration en fonction de la température ■ Un matériau maintenu pendant très longtemps dans le domaine de transformation présente une propriété (exemple, le volume) correspondant à celle de l'équilibre métastable du liquide surfondu. Lors d'un refroidissement instantané, la structure est immédiatement gelée et la propriété évolue approximativement selon une droite relative au verre. Pour tout traitement thermique isotherme à une température comprise dans le domaine de transition, la propriété du matériau va évoluer dans le temps pour atteindre celle de l'équilibre métastable. On dit alors que le verre est stabilisé. À 0 K, l'entropie du verre provient exclusivement de la contribution configurationnelle. La configuration étant figée à T = Tg, pour toute température inférieure à Tg : Ainsi, un verre maintenu à T1 subira une diminution de volume et, corrélativement, une diminution de ses dimensions. Cet effet, causé par la relaxation structurale, est souvent appelé « vieillissement physique » (figure 10). Il est responsable des modifications dimensionnelles d'équipements en verre traités thermiquement pendant des durées importantes dans le domaine de transition. Une propriété physique, autre que le volume molaire, subirait qualitativement la même évolution. 2.2 Approche thermodynamique L'entropie d'un cristal parfait à 0 K est nulle (3e loi de la thermodynamique). L'entropie du même composé sous forme de verre, Sv(0), est positive. La valeur peut être calculée à partir de la courbe d'évolution de la capacité thermique en fonction de la température (figure 6). Le cycle thermique depuis 0 jusqu'à la température de fusion du cristal conduit à l'expression : ∆H S v ( 0 ) = ----------F- – TF TF ( C ∫ Tg p, – C pc ) ---------------------------dT – T T Sconf(T ) = Sconf(Tg) + ∫ Tg où conf Cp conf Cp -------------- d T T est la capacité thermique de configuration. Pour des verres complexes, cette entropie de configuration a été avantageusement calculée à partir des mesures de viscosité [23]. La figure 11 montre l'évolution de l'entropie de configuration en fonction de la température. En supposant que, lors d'un refroidissement infiniment lent, le liquide surfondu ne puisse pas cristalliser, l'entropie deviendrait éventuellement égale à celle du cristal à une température TK (température de Kauzman). Cette impossibilité thermodynamique n'est jamais rencontrée, car survient toujours un phénomène cinétique (transition vitreuse) qui bloque la réduction d'entropie à T > TK. Notons que l'existence d'une transition de phase de deuxième ordre a été proposée pour tenter d'expliquer ce paradoxe. 2.3 Modèle phénoménologique de la relaxation structurale [24] Tg ( C ∫ 0 pv – C pc ) ----------------------------dT T Sconf(T ) = Sconf(Tg) À une température supérieure à Tg : avec ∆HF enthalpie de fusion, C p , C p et C p les capacités thermiques à pression constante , v c respectivement du liquide, du verre et du cristal. À 0 K, l'entropie de la silice est de 4 J/(mol.K), celle de B2O3 de 11 J/(mol.K). Pour les composés simples à fusion congruente, on peut donc théoriquement calculer l'entropie du verre ou du liquide surfondu à toute température T inférieure à TF. L'entropie se décompose en deux termes, vibrationnel et configurationnel : S (T ) = Sconf(T ) + SV(T ) ■ Pour décrire l'évolution d'une propriété dans le domaine de transition vitreuse, il est commode d'introduire le concept de température fictive qui est associée à une propriété choisie. La propriété P dans le domaine du verre varie de manière uniforme : P d ------- = α v d T v Il en est de même dans le domaine du liquide surfondu : d P ------= α, . d T , ● Si l'on considère que la propriété choisie est le volume molaire, il est alors facile d'évaluer la contribution structurale au volume molaire. En effet, αv représente le changement de volume associé à Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Sciences fondamentales AF 3 600 − 11 VERRES _____________________________________________________________________________________________________________________________ la vibration des atomes dans la configuration gelée à Tg. Lorsque T devient supérieur à Tg, les atomes ont une énergie suffisante pour que quelques liaisons atomiques soient brisées et que de nouvelles structures s'établissent : α, – αv = αs αs est la contribution structurale à la propriété, volume molaire. La figure 12 permet de mieux comprendre la notion de température fictive pour la propriété choisie. Notons que, pour un même verre porté à une température T, il peut très bien y avoir deux températures fictives différentes pour deux propriétés différentes. Le matériau maintenu à la température T1 dans le domaine de transition présente une propriété P1. On appelle température fictive, la température, prise sur la courbe d'équilibre du liquide surfondu, telle qu'un refroidissement infiniment rapide jusqu'à T1 donne la même valeur de la propriété. Bien sûr, le refroidissement soudain gèle les mouvements atomiques et la propriété varie selon une droite parallèle à celle du verre. Ainsi, pour toute température inférieure à TA, la température fictive du verre correspond à Tg. Au contraire, la valeur d'une propriété quelconque d'un verre maintenu de manière isotherme à la température T1 évolue en fonction du temps vers celle du liquide surfondu. Alors sa température fictive évolue depuis Tf1 jusqu'à T1. Pour un temps infini sa température fictive devient T1 et la propriété atteint la valeur P (T1,∞). La température fictive est un paramètre caractérisant l'état du matériau. ■ Considérant que toute propriété est la somme d'une contribution vibrationnelle PV ne dépendant que de la température, et d'une contribution structurale Ps dépendant de la température et du temps, on peut écrire : P (T, t) = PV(T ) = Ps(T, t) À une température choisie T, la propriété évolue en fonction du temps en raison de la contribution structurale et on démontre en première approximation que : d Tf dP ---------s- = α s --------dt dt ● Les valeurs d'une propriété de deux verres de même composition, stabilisés à des températures respectives TH et TB sont respectivement PH et PB (figure 13a). Le verre stabilisé à TB est instantanément chauffé jusqu'à : TH – TB T M = ------------------2 tandis que le second verre est refroidi instantanément jusqu'à la même température où ils sont maintenus de manière isotherme. La figure 13b montre la variation de propriété obtenue. Après la variation instantanée de propriété, la relaxation diffère suivant que le verre était stabilisé à haute ou basse température. La relaxation structurale dépend de l'histoire antérieure du verre. Sa vitesse dépend de l'amplitude et de la direction du saut en température. ● La relaxation structurale est non linéaire du fait que le temps de relaxation τP dépend de la structure par l'intermédiaire du temps. Si la propriété reproduite sur la figure 13 est le volume molaire, à TH la structure de l'échantillon est relativement lâche. Les réarrangements structuraux sont facilités comparativement au verre équilibré à TB. L'atteinte de l'équilibre est plus rapide. Un moyen commode pour rendre compte de la non-linéarité est d'écrire que τP est une fonction de T et de la structure par l'intermédiaire de la température fictive Tf . Narayanaswamy [25] propose l'écriture empirique : ∆H ∆H τ P = τ 0 exp x -------- + ( 1 – x ) --------RT f RT avec R constante des gaz parfaits, ∆H énergie d’activation pour la viscosité, x paramètre de non-linéarité ; il est compris entre 0 et 1, τ0 constante. P α, PH αv TH e Verr avec : T–T d Tf --------- = ---------------f dt τP PB où τP est un temps de relaxation relatif à la propriété P. ∆T TM αv e Verr L’analyse de la relaxation structurale réalisée après un saut de température amène quelques commentaires. ∆T TB TB TM TH a t=0 T variation instantanée de la propriété P Liquide surfondu (pente α,) P PH P1 P (T1, ∞) nte pe re ( α v) A αv ∆ T PB TA α, ∆ T PM Ver T1 Tf 1 T Tg Figure 12 – Évolution d’une propriété dans le domaine de transition vitreuse : notion de température fictive AF 3 600 − 12 αv ∆ T t=0 b b α, ∆ T t variation de la propriété en fonction du temps suivant sa valeur de départ Figure 13 – Relaxation structurale Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Sciences fondamentales _____________________________________________________________________________________________________________________________ VERRES Le temps de relaxation τP dépend de la température par l'intermédiaire du premier terme entre crochets et du temps par l'intermédiaire de Tf . Quand Tf tend vers T, τP varie suivant la loi d'Arrhénius. τPr est le temps de relaxation de la propriété P, à une température quelconque Tr choisie comme référence, t ’ étant la variable temps associée à la température et à l’état structural du matériau. Une autre approche basée sur la théorie d'Adam-Gibbs [26] permet de calculer τ (T, Tf) à partir de l'entropie de configuration [27]. Pour un traitement effectué à T > Tr, τP est plus faible que τPr et ξ évolue plus vite que t. ■ La fonction de relaxation de la propriété P à la température T s'écrit : P ( T, t ) – P ( T, ∞ ) Φ P = -------------------------------------------P ( T , 0 ) – P ( T, ∞ ) t Une fonction de relaxation simple de la forme Φ P = exp – ----τP ne permet pas une description correcte des points expérimentaux. La relaxation structurale ne peut être décrite par une simple exponentielle. Deux équations empiriques ont été proposées. La première expression correspond à une exponentielle étirée [28] : t –β Φ P = exp – ----- τP La deuxième expression consiste en une sommation pondérée de n exponentielles : i =n ∑ Ai exp i=1 t – -----τP i Ai est un facteur de pondération. Pour un verre industriel, type silico-sodo-calcique, on peut correctement décrire la relaxation avec n = 5. Les verres sont des matériaux thermorhéologiquement simples, du moins dans l'intervalle de transition vitreuse où leur comportement est viscoélastique. Dans ce domaine, le matériau soumis à une déformation instantanée à t = 0 supporte une contrainte qui diminue dans le temps. Si l'on porte la variation relative de la contrainte, σ ( t )- , en fonction du logarithme du temps, l'allure des courbes obte----------σ(0) nues est identique quelle que soit la température. Elles sont simplement déplacées d'une valeur constante (figure 14). Cette propriété va être utilisée pour décrire l'évolution d'une propriété lors d'une variation continue de la température. Le temps est remplacé par un temps réduit ξ [25] : ξ = τ Pr ∫ t 0 ■ Cette variable conduit à exprimer la fonction de relaxation sous la forme ΦP(ξ) qui maintenant permet d'exprimer l'évolution de la propriété suivant un quelconque changement de température : ξ P ( T , ξ ) = P ( T, ∞ ) – α s ∫Φ P(ξ 0 dT – ξ ′ ) --------- dξ ′ dξ′ Le second terme de droite exprime la part de la propriété P qui n'a pas été relaxée. Les détails des calculs sont reportés dans les références [29] et [30]. Les équations précédentes trouvent leur application dans le calcul de la relaxation lors d'un scellement, d'un retrait ou d'une trempe [30]. où β varie suivant les verres entre 0,3 et 0,8. La valeur de β est faible pour les verres organiques. Elle est généralement supérieure à 0,5 pour les verres d'oxydes. ΦP = Pour T < Tr, ξ évolue plus lentement que le temps. ξ et t sont identiques pour un traitement isotherme. ξ traduit donc les évolutions isothermes et non isothermes. dt ′ ------τP Les modèles phénoménologiques ne rendent pas compte des processus qui, à l'échelle atomique, sont responsables de la relaxation. Le modèle phénoménologique de Tool-Narayanaswany reste néanmoins très utilisé car tous les paramètres (x, τ0, ∆H, β) peuvent être extraits de mesures effectuées par analyse enthalpique différentielle [31]. La transition vitreuse a aussi été abordée par des théories rhéologiques, de relaxation et des théories cinétiques. On trouvera en référence [32] un aperçu de ces approches. 3. Immiscibilité dans les verres 3.1 Séparation de phase Dans un système binaire, une séparation de phase stable se traduit par l'apparition de deux liquides non miscibles et de compositions distinctes. La séparation résulte du fait que l'enthalpie libre présente deux minimums respectifs en fonction de la composition X. La tangente commune aux minimums détermine la composition des phases en équilibre. Si le domaine d'immiscibilité s'étend dans le domaine d'existence des phases cristallines, on obtient un invariant appelé monotectique correspondant à un équilibre des phases liquide I (LI) – liquide II (LII) – solution solide cristalline α (figure 15). T LI LII 1 1 T1 σ (t ) σ (0) T3 T2 2 3 4 α T1 5 T2 1' 2' 6 lg t T1 < T2 < T3 A Figure 14 – Variation de la contrainte relative lors d’expériences de relaxation effectuées à des températures différentes X1 X2 X3 X4 B Figure 15 – Immiscibilité stable et métastable Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Sciences fondamentales AF 3 600 − 13 VERRES _____________________________________________________________________________________________________________________________ À la température T1, le diagramme d'enthalpie libre est donné sur la figure 16a. En deçà de la température du monotectique (exemple : T2), les phases stables sont le liquide I et la solution solide. SiO2 On peut néanmoins obtenir un équilibre des liquides métastables (en tiretés sur la figure 15) si par exemple le système A-B est verrogène (figure 16b). Cependant, à cette température T2, la viscosité est élevée et une séparation totale des deux liquides avec une interface plane est peu vraisemblable. B C I ■ En fait, on procède généralement par refroidissement continu et la séparation de phase qui se produit se traduit par la présence de fines gouttelettes d'un verre dans une matrice constituée par un verre de composition différente (points de composition X1’ et X2’). Ce type d'immiscibilité est fréquent dans les binaires PbO–B2O3 et MO–B2O3 (M = alcalino-terreux). D Ce phénomène est mis à profit dans les verres opales pour lesquels l'opalescence résulte de la présence de microgouttelettes provenant d'une séparation de phase induite par P2O5. Signalons que, dans d'autres opales, l'opalescence provient de la précipitation de microcristaux (essentiellement des cristaux de fluorures). 2 X1 A a 3 X2 X3 X4 B diagramme des phases en équilibre G T = T2 LII X5 A b b X1' X2' X6 A : domaine de cristallisation B : extension du domaine de démixtion métastable Na2O–SiO2 C : domaine des borosilicates de sodium (verrerie de laboratoire) D : domaine de démixtion métastable Na2O–B2O3–SiO2 Figure 17 – Verre multicomposant : coupe isotherme d’un système ternaire Dans un système ternaire, le domaine de séparation de phase correspond à un volume délimité par une surface. Il est donc avantageux de représenter le ternaire suivant une projection ou une coupe isotherme (figure 17). Bien entendu, lorsque la température augmente, l'aire (domaine D) correspondant à la démixtion se réduit pour n'être plus qu'un point à la température critique de démixtion. Des domaines analogues sont obtenus si l'on substitue Na2O par Li2O ou K2O. D'une manière générale, les éléments à grand champ de force (charge/rayon ionique) donnent lieu à des séparations de phases étendues (Li+ > Na+ > K+). 3.2 Mécanismes de la séparation de phases α LI B équilibre des liquides métastables pour A - B verrogène Un verre homogène, chauffé à une température à laquelle la démixtion se produit, va donc se séparer en deux verres de compositions très différentes (figure 18). Les premières étapes de la séparation sont dépendantes de la composition initiale du verre. Si la composition initiale est comprise dans les domaines S1I ou JS2, correspondant à : 2 Figure 16 – Diagrammes d’enthalpie libre correspondant à la séparation de phase de la figure 18 AF 3 600 − 14 B O3 O–4 2 LII 1 B2O3 ● La démixtion métastable est rencontrée dans de nombreux verres multicomposants. Les systèmes Na2O–B2O3–SiO2 en l'absence de Al2O3 et le système Na2O–Al2O3–SiO2 en l'absence de B2O3 présentent le phénomène de microséparation de phase. Le premier système, en raison de son intérêt technologique, sera plus précisément présenté. α 4 LI Na 2 T = T1 Na2 O –2B 2O 3 G J Na 2 O ■ Dans certains binaires (par exemple, Li2O–SiO2 ou Na2O–SiO2), la courbe limitant la séparation de phases (conode) est entièrement localisée à une température inférieure à la température de liquidus. On parle alors de démixtion métastable. ● Cette démixtion est obtenue soit en trempant un liquide de composition X jusqu'à une température T où la séparation métastable se produit, soit en formant le verre homogène transparent par trempe jusqu'à la température ambiante et, ensuite, en réchauffant ce verre jusqu'à T. Le maintien en température provoque la séparation de phase. Les phases coalescent et l'opalescence apparaît. Le verre initial a été transformé en deux verres de composition et donc de propriétés différentes (Tg, indice de réfraction, résistance à la corrosion). A d G -----------2 > 0 , dX Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Sciences fondamentales _____________________________________________________________________________________________________________________________ La composition du verre de départ est précisément choisie. Le verre doit contenir moins de 80 % de silice car, si les pores sont de trop faible taille, le liquide ne se renouvelle pas suffisamment au cœur du matériau. Les pores de faible taille sont obtenus pour les compositions riches en SiO2–B2O3 ; les pores de forte taille du côté des compositions Na2O–B2O3. La ligne de séparation de phase (ou de conjugaison) est toujours déterminée expérimentalement. La direction de la ligne de conjugaison a été tracée dans le domaine de démixtion du ternaire Na2O–B2O3–SiO2 (figure 17). G S2 S1 J I N.C. A XI D.S. XS1 N.C. XS2 XJ VERRES B Séparation de phase par — nucléation (germination) - croissance (N.C.) — décomposition spinodale (D.S.) Figure 18 – Diagramme d’enthalpie libre pour le phénomène de démixtion d’un verre homogène la séparation s'effectue par un mécanisme de nucléation (ou germination) croissance. Dans ce cas, la morphologie de la séparation est une dispersion de domaines sphériques isolés dans une matrice continue dont la composition est relativement proche de celle du verre initial. Si la composition initiale est comprise dans le domaine S1S2, correspondant à : 2 d G -----------2 < 0 dX la séparation de phase est spontanée. Toute fluctuation de composition devient plus stable que la composition homogène de départ. On parle de décomposition spinodale. Elle se traduit morphologiquement par l'apparition de deux phases interconnectées, s'étendant dans tout le volume de l'échantillon. En fonction de la nature et de la composition du verre, et en jouant sur la température et le temps, on conçoit qu'il soit ainsi possible de générer des textures les plus diverses. On aura donc tout un faisceau d'applications potentielles. 3.3 Démixtion suivie d’une lixiviation L'application présentant le plus d'intérêt est celle de la synthèse de verres microporeux. Elle est basée sur les verres de borosilicates alcalins qui se séparent en une phase riche en silice, XI, et une phase riche en borate alcalin, XJ (figure 17). Cette deuxième phase est facilement dissoute par des solutions acides. Puisque pour les compositions adéquates et des temps de traitements élevés la phase borate est continue, l'attaque acide conduit à un réseau de pores interconnectés. La lixiviation s'opère à 90 °C avec des acides concentrés (3 à 5 N, N étant la normalité de la solution) en présence de sels (par exemple, NH4NO3). L'épaisseur de la couche lixiviée augmente à raison de 1 mm/jour en moyenne. Néanmoins, la vitesse de progression du front d'attaque diminue avec la profondeur lixiviée. Au-delà de 5 à 7 mm d'épaisseur, les temps de lixiviation ne sont plus compatibles avec une production industrielle. En fonction de la composition verrière, les couches lixiviées peuvent se fissurer par délamination (effet de gonflement) ou se fissurer perpendiculairement à la surface (effet de contraction). Exemple : pour le ternaire x Na2O–y B2O3–z SiO2, les compositions correspondant approximativement à x = 10 – 0,1(z – 55), valable pour z compris entre 55 et 70 % conduisent, lors de la lixiviation, au développement d'une couche poreuse non fissurée. Bien que majoritairement constituée par les composés Na2O et B2O3, la phase lixiviable contient un certain pourcentage de silice. Après le traitement acide, la silice résiduelle est quelquefois extraite des pores à l'aide d'une solution basique. Signalons que les impuretés du verre, après démixtion, se retrouvent presque exclusivement dans cette phase lixiviable. Suivant la composition du verre de départ et les traitements, le verre microporeux obtenu après lixiviation présente des surfaces spécifiques élevées (entre 100 et 200 m2/g). La porosité est comprise entre 25 et 50 % et le diamètre moyen des pores peut varier entre 30 et 3 000 Å [40]. Le module d'Young est de l'ordre de 20 GPa. Pour augmenter la taille des pores le réseau poreux est attaqué par des solutions de NH4F–HF. Ces verres adsorbent de nombreux gaz (filtres) et sont utilisés comme membranes pour la purification de liquides. Il a été envisagé de les utiliser pour dessaler l'eau de mer. 3.4 Consolidation Le verre microporeux est une matrice « hôte » pour l'infiltration d'éléments fonctionnels. L'infiltration du verre poreux se fait soit par voie gazeuse, soit par voie liquide. Les verres à gradient d'indice seront mentionnés dans le paragraphe 1.5 du fascicule [AF 3 601]. Le réseau poreux résiduel, obtenu après lixiviation du verre de borate, est constitué par un verre de composition B2O3–SiO2, riche en silice qui est aisément fritté par traitement thermique à une température de l'ordre de 1 000 à 1 200 °C. Ce traitement permet la fermeture des pores pour donner un verre dense à haute teneur en silice [41]. Ces verres (procédé « Vycor ») présentent des caractéristiques physiques proches de celles de la silice. De masse volumique 2,18 g/cm3 et d'indice 1,458, ils ont néanmoins un coefficient de dilatation plus élevé que celui de la silice. Deux à trois verres « Vycor », de coefficients de dilatation différents, permettent le raccordement d'une verrerie en silice à une verrerie de laboratoire (borosilicate) classique. Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Sciences fondamentales AF 3 600 − 15
© Copyright 2024