La rue Ducale, partie intégrante d`un grand projet - Apeb-Vsg

Rue Ducale 63
Esquisse historique et description
Association pour l’Étude du Bâti
Décembre 2011
1
Sommaire
1. Considérations urbanistiques
1.1. La rue Ducale, partie intégrante d’un grand projet néoclassique
1.2. Le boulevard du Régent
2. Rue Ducale n° 63
p. 3
p. 3
p. 5
p. 6
2.1. Histoire des bâtiments
p. 6
2.1.1. La conciergerie
p. 6
2.1.2. L’hôtel de maître en intérieur d’îlot
p. 15
A. Recherches dans les archives des Travaux publics de Bruxelles p. 15
B. Recherches aux archives du Cadastre
p. 19
C. Recherche cartographique
p. 23
2.1.3. Propriétaires successifs du 63 rue Ducale
p. 25
2.2. Description des bâtiments
2.2.1. La conciergerie
2.2.2. L’hôtel de maître
3. Protection
3.1. Inventaire
3.2. Classement
3.2.1. Incidence des classements sur le n° 63
4. Conclusion générale
p. 26
p. 26
p. 30
p. 36
p. 36
p. 36
p. 37
p. 39
Avertissement : Cette étude a pour but de situer le n° 63 de la rue Ducale dans son contexte
initial et dans le temps. Les principaux ouvrages consultés sont mentionnés dans les notes.
D’autre part, pour l’histoire même du bâtiment, les archives des Travaux publics (AVB/TP)
ont été dépouillées, de même que les archives du Cadastre. Aucune iconographie ancienne de
la propriété n’a pu être trouvée, que ce soit dans le fonds iconographique des AVB ou dans
l’ancienne collection de cartes postales de la Banque Dexia.
L’équipe de l’APEB remercie le personnel du Centre de Documentation de l’AATL,
Ministère de la Région de Bruxelles-Capitale, et particulièrement Monsieur Philippe Charlier,
pour le temps consacré aux recherches sur cette propriété.
2
1. Considérations urbanistiques
1.1. La rue Ducale, partie intégrante d’un grand projet néoclassique
La rue Ducale relie la place du Trône à la rue de Louvain. Elle fait partie intégrante du grand
projet urbanistique néoclassique à l’initiative du gouverneur des Pays-Bas autrichiens Charles
de Lorraine et du ministre plénipotentiaire de Marie-Thérèse, le prince de Starhemberg. Ce
nouveau quartier est conçu en 1775 dans le haut de la Ville par l’architecte français Barnabé
Guimard, en lieu et place de l’ancien palais et de la warande de la Cour ducale. Après
l’arasement du site en 1774, les travaux furent exécutés pour l’essentiel entre 1776 et 17831.
Plan du Nouveau Parcq et Place Royale dans Bruxelles…, Joachim Zinner, vers 17752.
Pris entre la rue de la Loi et la rue de Louvain, le tronçon qui nous occupe est tracé en 1778. Il
est d’abord dénommé rue du Concert Noble, en raison de la salle de concert et de bal qui s’y
trouvait et en clôturait la perspective (actuel n° 6). Elle est ensuite dénommée rue de l’Egalité
sous la domination française, avant de devenir une partie de la rue Ducale.
À sa création, la rue Ducale est parallèle à la muraille du XIVe siècle qui ceint le pentagone.
D’abord majoritairement habitée par des commerçants genevois chassés par la Révolution, la
rue Ducale est jusqu’à la Première Guerre mondiale largement investie par des familles
1
Pour l’histoire du Quartier royal et de la rue Ducale, se référer à HENNE, A., WAUTERS, A., Histoire de la Ville
de Bruxelles, nouvelle édition du texte de 1845, Éditions Culture et Civilisation, Bruxelles, 1975, pp. 398-402 ;
DUQUENNE, X., Le parc de Bruxelles, CFC Éditions, Bruxelles, 1993 ; SMOLAR-MEYNAERT, A., VANRIE, A., Le
Quartier royal, CFC Éditions, Bruxelles, 1998 ; Le patrimoine monumental de la Belgique. Bruxelles, vol. 1, t.a,
Pentagone A-D, Pierre Mardaga éditeur, Liège, 1989, pp. 403-403.
2
Tous les plans figurant dans cette étude sont issus de DANCKAERT, L., L'évolution territoriale de Bruxelles : la
cartographie de +- 1550 à 1840, Arcade, Bruxelles, 1968.
3
aristocratiques. Elle deviendra bientôt le lieu par excellence des représentations étrangères et
des bureaux ministériels.
Une série de prescriptions, imposées dès le départ, régissent toujours l’aspect de la rue. Dans
sa portion bordant le Parc de Bruxelles, l’enfilade des habitations, strictement ordonnées et
obligatoirement enduites, alterne des hôtels particuliers de cinq travées et de trois niveaux, et
des constructions plus basses et plus étroites. Les angles avec les rues latérales (Lambermont,
Zinner, Loi) font également l’objet d’un traitement particulier, avec type de façade imposé.
Au nord et au sud de cet ensemble (et donc sur le tronçon qui nous occupe), était prévu un
long mur de clôture, probablement dessiné par Guimard lui-même. Au cours des décennies
qui suivirent sa construction, ce mur servit à masquer des corps de bâtiments et des hôtels de
maître en intérieur d’îlot. À certains endroits, il fut même surhaussé.
Dessin non signé et non daté, présentant une partie du tronçon nord de la rue Ducale, de l’actuel n° 67 au n° 553.
Datant probablement du premiers tiers du XIXe siècle, ce plan montre l’ancien mur de clôture probablement
dessiné par Barnabé Guimard et caractérisé par une scansion de pilastres à bossages sommés d’un vase. Cà et là,
le mur est percé d’une porte cochère et masque probablement des corps de bâtiment à usage de dépendances
domestiques. Par endroits, il est même surhaussé d’un étage, probablement à usage de logement.
Longtemps, le tronçon nord de la rue Ducale fut largement marqué par la présence du mur de
clôture, parfois surhaussé ou remplacé par des constructions neuves plus hautes, relevant
toutefois toujours du style néoclassique. Dans la seconde moitié du XXe siècle, des immeubles
hauts, de six ou sept niveaux, les derniers en retrait, remplacèrent certaines de ces
constructions, créant des décrochements importants dans les hauteurs sous corniche.
3
La reproduction de ce plan fut trouvée dans le dossier de classement du n° 65 de la rue Ducale, conservé à la
Direction des Monuments et Sites de la Région de Bruxelles-Capitale.
4
Le patrimoine monumental de la Belgique. Bruxelles, vol. 1, t. a, Pentagone A-D, Pierre Mardaga éditeur,
Liège, 1989, pp. 403-403.
4
1.2. Le boulevard du Régent
Tracé sur les plans de l’ingénieur Jean-Baptiste Vifquain à partir de 1819, le boulevard du
Régent est une portion des boulevards de « petite ceinture » tracés à l’emplacement de la
seconde enceinte de Bruxelles, de forme pentagonale, qui encerclait la ville depuis le XVIe
siècle. La section comprise entre le n° 36 et le n° 53 fut créé entre 1821 et 1823. Avant cette
date, un mail arboré, planté dans le cadre de la création du Parc et du quartier Royal, prenait
place entre le fonds des jardins de la rue Ducale et les remparts.
5
2. Rue Ducale n° 63
2.1. Histoire des bâtiments
Le n° 63 de la rue Ducale comporte deux bâtiments, l’un à front de rue à usage de
conciergerie, l’autre un ancien hôtel particulier en intérieur d’îlot.
2.1.1. La conciergerie
Dernier quart du XVIIIe siècle
Le bâtiment à front de la rue Ducale trouve son origine dans le mur de clôture prévu en
1775, probablement par l’architecte Barnabé Guimard, pour longer les portions nord et sud de
la rue Ducale, de part et d’autre des longues enfilades de maisons mitoyennes longeant le
Parc. Scandé de pilastres à bossages sommés chacun d’un vase, animé de tables, ce mur était
percé de portes. Rapidement après sa construction, ce mur cache des corps de bâtiments et est
parfois même surhaussé comme le montre le dessin page 4, qui date probablement du premier
tiers du XIXe siècle.
Extrait du dessin de la page 4. Au début du XIXe siècle, le n° 63 comporte deux travées. Au rez-de-chaussée, la
première est délimitée par des pilastres, la seconde aveugle et animée de tables. Il compte deux niveaux de
hauteur dégressive, l’étage accueillant probablement un logement.
6
Extrait du plan cadastral du quartier datant de 1821. Le mur cache un développement important, notamment
caractérisé par un avant-corps saillant.
1858-1860
En 1858-1860, le corps de dépendance est démoli et reconstruit en plus grand sur
demande du sieur Demeure. Le dossier de ce permis de bâtir (AVB/TP 1045), qui était
conservé aux Archives de la Ville de Bruxelles, est aujourd’hui perdu. Seuls sa description
dans l’Inventaire du Patrimoine Monumental4 et un croquis sommaire dans les archives5 de
cette publication subsistent. De la description publiée dans l’Inventaire, on peut déduire que le
projet de 1858-1860 prévoit un bâtiment de deux niveaux et de trois travées, celle dans l’axe
percée d’une porte cochère. L’aspect de cette façade est assez proche de la façade actuelle,
exception faite de la mince travée de gauche, probablement traitée entre 1911 et 1938 (voir
infra), et du troisième niveau, ajouté en 1938 (voir infra).
4
Le patrimoine monumental de la Belgique. Bruxelles, vol. 1, t. a, Pentagone A-D, Pierre Mardaga éditeur,
Liège, 1989, pp. 403-403.
5
IPM 124, rue Ducale. Ces archives sont consultables au centre de documentation de l’AATL, Direction des
Monuments et des Sites, Ministère de la Région de Bruxelles-Capitale.
7
Croquis retrouvé dans les archives de l’Inventaire du Patrimoine Monumental (IPM 124), faisant état de la
demande de permis introduite en 1858-1860, qui détermine très largement la façade telle qu’elle est
actuellement.
Entre 1911 et 1938
À la gauche de la façade, une mince travée rompt la stricte symétrie du bâtiment.
D’après le document ci-dessus, elle ne figure pas sur le plan de 1860. Il s’agit d’un pan de
l’ancien mur de clôture, qui appartenait au départ au n° 65 et qui sera cédé au n° 63 en 1911
(voir page 22). En 1911, l’Ambassade de France introduit une demande de permis pour édifier
une chancellerie, au n° 65 rue Ducale, en lieu et place du mur de clôture (déjà largement
transformé ici) attribué à Guimard. Ce pan de mur est vraisemblablement rédécoré entre cette
date et 1938, année de la surhausse du n° 63 (voir infra). Sur les plans de cette année, la
mince travée apparaît telle qu’elle est actuellement, à quelques détails près.
8
AVB/TP 5310 (1911). Élévation de la chancellerie au n° 65 de la rue Ducale. Elle figure, entre les n os 65 et 63,
un pan de mur résiduel, non traité.
1913
En 1913, le Ministère des Finances, sur demande du ministre de la Marine, des Postes
et des Télégraphes, réclame l’expropriation du bien en vue de l’extension de ses bureaux.
Cette demande reste sans suite, même si l’enquête publique est lancée le 28 mars 1913.
AVB/TP 65356 (1913).
1938
En 1938, la Fédération des Centrales d’Électricité demande de surhausser le bâtiment
d’un niveau et de percer deux petites fenêtres dans la mince travée de gauche. L’intérieur du
bâtiment est probablement entièrement re-décoré, à l’exception du passage carrossable
9
central. Conçue par l’architecte schaerbeekois J. Vermeersch, cette intervention est
respectueuse des caractéristiques néoclassiques de la façade originelle et de la distribution
intérieure du bâtiment.
AVB/TP 49746 (1938). Façade à rue transformée. Les fenêtres ajoutées se signalent par leurs châssis de couleur
brune. Aucun percement n’est prévu au rez-de-chaussée de l’étroite travée de gauche.
AVB/TP 49746 (1938). Façade arrière transformée. Les fenêtres ajoutées au dernier niveau sont signalées en
brun. À gauche du passage central, une remise. Il est probable que les fenêtres du premier étage avaient déjà été
élargies.
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AVB/TP 49746 (1938). Coupes. En rouge, les éléments ajoutés : un niveau et la toiture. L’escalier est refait. À
noter que seules les pièces avant sont sur caves voûtées en arc en anse de panier, l’arrière de la construction étant
dénuée de fondations. Les caves appartiennent sans doute au bâtiment du début du XIXe siècle, Elles n’auraient
pas été élargies en 1858-60.
11
AVB/TP 49746 (1938).
Les sous-sols ne comprennent que la surface sous les pièces avant, à l’exception de celle derrière la travée
étroite. Une grande cave à gauche, située sous la pièce avant gauche et le corridor, est dévolue au stockage du
charbon, tandis que celle de droite abrite la chaudière, où est ajouté un conduit d’aération. Un mince mur et une
porte sont placés entre la grande cave et l’escalier.
Au rez-de-chaussée, la pièce avant, à usage de chambre, est flanquée d’un mince espace (82 cm de large)
d’usage indéterminé, correspondant à la travée étroite. Une cuisine prend place à l’arrière. De l’autre côté du
corridor axial, dans la pièce avant, un escalier mène à l’étage. Celui de la cave ouvre quant à lui sur le centre du
corridor. Une remise dotée d’un WC prend place à l’arrière. À l’exception du remaniement de l’escalier et du
percement d’une porte entre le hall de l’escalier et la remise, la disposition d’origine reste inchangée.
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AVB/TP 49746 (1938). Plan du premier étage. Desservi par un escalier dans la pièce avant droite, le premier
étage est dévolu à quatre bureaux et à des sanitaires en travée centrale à l’arrière. À l’exception du percement
d’une fenêtre en travée étroite à rue et du placement d’une armoire dans l’angle d’une pièce, la distribution
d’origine reste inchangée.
AVB/TP 49746 (1938). Plan du deuxième étage. Ce nouvel étage reprend la distribution du niveau inférieur.
13
1959
À l’initiative de l’Ambassade de France, nouveau propriétaire des lieux, une demande
de permis est introduite en 1959 (AVB/TP 69660). Elle porte sur :
- la démolition du n° 63 et la construction d’un bâtiment fonctionnaliste de six niveaux
- la transformation de l’arrière-bâtiment et le comblement de la cour entre les deux corps
- la surhausse de deux niveaux du n° 65.
Malgré l’autorisation délivrée par la Ville de Bruxelles, le dossier reste sans suite.
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2.1.2. L’hôtel de maître en intérieur d’îlot
Aucune demande de permis ne subsiste concernant la construction de l’hôtel de maître
en intérieur d’îlot. Seul est conservé un dossier de 1932 portant sur une demande de surhausse
du bâtiment. Afin de pouvoir situer ce bâtiment dans le temps, une recherche aux archives du
Cadastre et des analyses de cartes anciennes de Bruxelles ont été nécessaires.
A. Recherches dans les archives des Travaux publics de Bruxelles
1932
En 1932, la Fédération des Centrales d’électricité de Belgique introduit une demande
de permis de bâtir auprès de la Ville de Bruxelles afin de surhausser et de transformer l’hôtel
de maître sur les plans de l’architecte schaerbeekois J. Vermeersch.
AVB/TP 41371 (1932). La façade vers la cour telle qu’elle apparaît avant sa transformation. Imposant, le
bâtiment compte quatre travées régulières et quatre niveaux de hauteur dégressive. Très simple dans ses
ouvertures et son ordonnance générale, la façade est caractéristique du néoclassicisme de la première moitié du
XIXe siècle.
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AVB/TP 41371 (1932). La façade vers le jardin telle qu’elle apparaît avant sa transformation. Elle compte quatre
travées régulières et quatre niveaux. L’habitation est devancée de ce côté par un avant-corps de deux niveaux,
(de 1848 d’après les archives du Cadastre, voir infra). Relevant toujours du néoclassicisme, la façade de ce
volume présente des proportions plus imposantes et des moulures rehaussant les encadrements de baie. Elle est
percée de deux portes au rez-de-chaussée et devancée d’une terrasse ceinte de grilles.
AVB/TP 41371 (1932). Coupe du bâtiment tel qu’il apparaît avant sa transformation. Les deux corps sont sur
caves, voûtée pour le principal.
16
AVB/TP 41371 (1932). Façade vers la cour telle qu’elle est projetée en 1932. La travée de gauche est
intégralement transformée, le dernier niveau est rehaussé et surmonté d’un niveau supplémentaire, partiellement
mansardé.
AVB/TP 41371 (1932). Façade vers le jardin telle qu’elle est projetée en 1932. L’avant-corps est transformé au
premier étage et surhaussé de trois niveaux.
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AVB/TP 41371 (1932). Coupe du bâtiment tel qu’il est projeté en 1932. À gauche, le jardin, à droite, la cour.
Les structures internes sont largement remaniées.
18
B. Recherches aux archives du Cadastre
1821
Sur un plan cadastral du quartier, daté de 1821, la maison avant, allongée d’un avant-corps
étroit vers la cour, et la maison arrière figurent déjà. À noter que la maison arrière est moins
profonde que celle d’aujourd’hui, elle n’a pas encore reçu son avant-corps vers le jardin.
Le dernier tronçon de la rue Ducale est quasi entièrement bâti. En revanche, il n’y a encore aucune construction
vers le boulevard du Régent, tracé cette année-là.
19
1848
En 1848, le cadastre enregistre une première modification. La maison avant est amputée
d’une partie de son avant-corps vers la cour et la maison arrière est allongée d’un avantcorps susmentionné.
1863
En 1863, le cadastre enregistre la modification de la maison avant, dont le permis de bâtir
AVB/TP 1045 fait mention (voir page 7). La maison arrière reste inchangée.
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1866
La propriété est divisée en deux parcelles, l’une vers la rue Ducale, l’autre, vierge, vers le
boulevard du Régent. En lieu et place du jardin sera édifiée une maison en 1869. La maison
arrière de la rue Ducale se trouvera désormais complètement enclavée.
21
1911
Un petit morceau de la propriété du n° 65 est cédé au n° 63 (constructions à front de la rue
Ducale). Ce qui correspond à la mince travée en façade, aménagée comme telle entre 1911 et
1938 (voir page 8).
1932
Un petit avant-corps précédant, côté cour, la maison arrière est supprimé.
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C. Recherche cartographique
Début du XIXe siècle6
Extrait du Plan topographique de la Ville de Bruxelles et de ses faubourgs, par Jean-Baptise de Bouge, 1816. Un
mail arboré prend place entre les remparts et l’arrière des parcelles de la rue Ducale. Le tronçon qui nous occupe
apparaît presque entièrement bâti, de constructions à front de rue, séparées des constructions arrière par des
cours. La parcelle du no 63, sans qu’on puisse la déterminer avec certitude (mais tout l’îlot est bâti de la même
manière), présente déjà cette configuration. La façade arrière de l’hôtel de maître donne directement sur le mail.
6
Aucune carte précise de la rue Ducale n’a été trouvée avant 1816.
23
Extrait du Plan topographique de la Ville de Bruxelles et de ses faubourgs, par Jean-Baptise de Bouge, 1823.
Dans cette version actualisée du plan, une partie du mail arboré a laissé la place à des jardins arrière dépendant
des constructions de la rue Ducale ; le boulevard du Régent a été tracé sur les anciennes fortifications bordant le
rempart. La façade arrière de l’hôtel de maître donne désormais sur un jardin bordant le boulevard du Régent.
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2.1.3. Propriétaires successifs du 63 rue Ducale7
Le 63 rue Ducale a changé régulièrement de propriétaires jusqu’à aujourd’hui. A travers ceuxci, on se rend compte de l’évolution d’affectations qu’a connue le quartier, depuis un lieu
d’habitation pour la haute bourgeoisie et l’ancienne noblesse jusqu’au siège de sociétés et de
représentations étrangères.
- de 18.. à 1848 : Le premier propriétaire identifié est le banquier Charles Messel, « changeur
de monnaies et membre de plusieurs sociétés commerciales ».
VENTE
- de 1848 à 1850 : Jean-Joseph Francoeur, propriétaire.
VENTE
- de 1850 à 1855 : Jean-Edouard Vanparys, propriétaire.
VENTE
- de 1855 à 1866 : Charles Demeure, propriétaire.
- de 1866 à 1906 : Baron Domis de Semerpont, « secrétaire général honorifique de la Justice,
membre du conseil héraldique ».
SUCCESSION-PARTAGE
- de 1906 à 1923 : Prince Joseph de Croÿ.
VENTE
- de 1923 à 1932 : du Chastel de la Howarderie.
VENTE
- de 1932 à 1959 : Fédération des Centrales d’Électricité de Belgique.
VENTE
- de 1959 à 2011 : Ambassade de France.
VENTE
7
La recherche se base sur les archives des matrices cadastrales. Les professions et qualités des divers
propriétaires sont tirées des Almanachs du Commerce et de l’Industrie.
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2.2. Description des bâtiments
2.2.1. La conciergerie
Bâtiment mitoyen sous toit plat, édifié à partir d’un mur de clôture conçu en 1775,
vraisemblablement par Barnabé Guimard. A celui-ci s’accole dans la première moitié du XIXe
siècle des dépendances, intégralement remodelées en 1858-1860 et surhaussées d’un niveau
en 1938.
Façade à rue
8
Façade à rue .
Façade enduite, de quatre travées inégales et de trois niveaux, le dernier ajouté dans le même
style en 1938. Élévation scandée de pilastres colossaux à refends et traversée de cordons
marquant les niveaux. Travée de gauche très étroite, percée de fenêtres à une date
indéterminée au rez-de-chaussée (après 1938) et en 1938 aux étages. Troisième travée, plus
large, marquée par un ressaut au premier étage. Elle est percée d’une imposante porte cochère
sous fenêtre en dessus de porte en arc en plein cintre et à allège à crossettes. Bossages
rayonnants frappés d’une clef. Châssis remplacés récemment au rez-de-chaussée et en 1938
aux étages. Porte sobre et panneautée avec poignées en bronze ornementées, remontant
8
Toutes les photos présentes dans cette étude ont été prises le 13 décembre 2011.
26
probablement à 1858-1860. De cette même époque datent sans doute les grilles protégeant les
deux grandes fenêtres du rez-de-chaussée. En fer forgé, elles figurent des flèches et des
enroulements ; leurs extrémités sont en fonte.
Façade à rue. L’une des deux poignées en bronze de la porte.
Façade à rue. Détail d’une des grilles en fer forgé et fonte du rez-de-chaussée.
27
Façade vers la cour
Façade vers la cour.
Façade vers la cour.
La façade sur cour, enduite et simple, compte trois niveaux et quatre travées inégales, la
dernière plus étroite. Elle est traversée de quatre pilastres colossaux à refends. Rez-dechaussée séparé des étages par un cordon saillant. Fenêtres résultant probablement de
remaniements. Au rez-de-chaussée, les travées flanquant le passage étaient probablement
percées de larges portes menant à une remise (encore mentionnée en 1938) à gauche et peutêtre à des écuries à droite. À la dernière travée, fenêtre à traverse également remaniée. Aux
étages, fenêtres en rectangle couché datant de la transformation de 1938. Châssis de cette
époque. Grilles en fer forgé récentes.
28
Intérieur
Passage carrossable de style néoclassique d’inspiration Louis XVI, datant de 1858-1860.
Comptant trois travées, la dernière aveugle, il est rythmé de portes partiellement ajourées,
sous table moulurée, séparées par de grandes tables de même composition. Du côté gauche,
une fausse porte a été aménagée dans un souci de symétrie. Plafond mouluré à gorge. Sol en
carreaux de granito (1938 ?). Certaines portes ont été supprimées, d’autres transformées.
Conciergerie. Passage carrossable. Fausse porte centrale.
À l’exception du passage carrossable, des caves voûtées à arc en anse de panier et de
l’escalier en pierre bleue y menant, tout le décor intérieur du bâtiment date probablement de
1938 : parquet en chêne, carreaux de marbres rouge et noir de Wallonie dans le hall de
l’escalier, escalier à rampe pleine et main courante en bois ciré.
29
2.2.2. L’hôtel de maître
Façade vers la cour
Hôtel de maître. Façade vers la cour. Niveaux inférieurs.
Hôtel de maître. Façade vers la cour. Niveaux supérieurs.
Enduite, la façade sur cour de l’hôtel de maître compte cinq niveaux, le dernier partiellement
mansardé, les deux derniers ajoutés en 1932, et quatre travées, celle de gauche remaniée à
cette date. Porte (remplacée) à la deuxième travée. Châssis à petits-bois anciens dans la
plupart des fenêtres initiales. Les grilles protégeant les fenêtres au rez-de-chaussée sont
récentes.
Façade vers le jardin
30
Hôtel de maître. Façade vers le jardin.
Hôtel de maître. Façade vers le jardin. Détail du rez-de-chaussée.
La façade vers le jardin compte cinq niveaux, les étages résultant de la transformation de
1932, et quatre travées. Rez-de-chaussée conservant ses caractéristiques de 1848 avec baies
inscrites en retrait et dotées d’un encadrement mouluré, dont deux portes dans l’axe,
précédées d’un escalier. Cour anglaise. Châssis datant pour la plupart de 1932. Grilles
récentes. Corniche à modillons, peut-être récupérée de l’avant-corps de 1850.
Intérieur
L’hôtel de maître a été réaménagé et re-décoré en 1932. Seuls le vestibule, le grand
salon et la cave voûtée conservent partiellement leur décor et leur structure d’origine.
Le décor de 1932 se caractérise par des plafonds moulurés à gorge, des quincailleries des
fenêtre et de portes relevant du style Art Déco (certaines remplacées), ainsi qu’une pièce des
sanitaires à carreaux de céramique caractéristiques au premier étage. Dans certaines pièces, ce
décor a été supprimé ultérieurement.
L’état de conservation du bâtiment est inquiétant : infiltrations d’eau, squat, éléments
vandalisés.
31
Hôtel de maître. Troisième étage. Quincaillerie de fenêtre Art Déco.
Hôtel de maître. Rez-de-chaussée. Pièce vers le jardin (cheminée arrachée).
Hôtel de maître. Premier étage. Pièce des sanitaires.
Vestibule d’entrée
Vestibule scandé de pilastres ioniques, sous entablement mouluré à frise denticulée. Il
ouvre vers une cage d’escalier (rampe transformée) intégrant une cabine d’ascenseur. Sol en
carreaux de marbre de Carrare (1932 ?). Des balustres en métal de la rampe initiale ont été
réemployés au palier du dernier niveau. Portes conservées, à double battants panneautés
rehaussés de rosaces.
32
Hôtel de maître. Vestibule d’entrée.
Hôtel de maître. Vestibule d’entrée. Détail de l’entablement.
33
Hôtel de maître. Dernier niveau. Détail de la balustrade du palier, présentant des balustres en fer forgé et fonte
d’origine.
Grand salon
Prenant place à droite du vestibule, pièce de proportions proches du carré, au décor
néo-Louis XVI fait de lambris et de tables à volutes en dessus de porte. Ornementation
caractéristique de guirlandes de laurier, rosaces, torsades et rubans. Miroir entre les deux
fenêtres conservé. Dans un état très dégradé, la pièce a perdu sa cheminée et plusieurs de ses
lambris. Ses deux portes vers le vestibule sont recouvertes d’un panneau.
Hôtel de maître. Rez-de-chaussée. Miroir entre les fenêtres du grand salon.
34
Hôtel de maître. Rez-de-chaussée. Portes du grand salon (recouvertes) donnant vers le vestibule.
Hôtel de maître. Rez-de-chaussée. Porte du grand salon au sol.
Hôtel de maître. Rez-de-chaussée. Détail des moulures dans un angle grand salon.
Hôtel de maître. Rez-de-chaussée. Panneau en dessus de porte du grand salon décroché..
Cave sous la partie originelle
La cave vers la cour est voûtée en briques. Les divisions dont elle fait l’objet sont
postérieures à sa construction.
35
3. Protection
3.1. Inventaire
Le n° 63 est inscrit à l’Inventaire du Patrimoine Monumental de la Belgique.
3.2. Classement
Le n° 63 ne fait pas l’objet d’une mesure de classement. En revanche, plusieurs bâtiments
sont classés à proximité directe de ce bien.
- Porte cochère de style néoclassique, conçue en 1862 par Félix PAUWELS.
Rue Ducale 81. Classée comme Monument (début de la protection: 19/05/1981-Protection
définitive: 30/03/1989).
- Ancien bâtiment de dépendance, de style néoclassique, conçu en 1858 par C. Goevaert.
Rue Ducale 83. Classé comme Monument (début de la protection: 19/05/1981-Protection
définitive: 30/03/1989).
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- Chancellerie de l'Ambassade de France, conçue en style Art nouveau en 1910 par
l’architecte Georges Chedanne.
Rue Ducale 65. Classée comme Monument (début de la protection: 29/05/2008 – fin de la
protection : 2010).
3.2.1. Incidence de ces classements sur le n° 63
L’une de ces mesures de classement, celle qui porte sur la Chancellerie de l’Ambassade de
France, a une incidence directe sur le n° 63, vu que ce dernier est partiellement inscrit dans
son périmètre de protection.
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Sur dix mètres de profondeur, le bien est en zone de protection. Selon le Code bruxellois de
l’Aménagement du territoire, article 237, paragraphe 1er, « dans la zone de protection, tous les
actes et travaux de nature à modifier les perspectives sur le bien relevant du patrimoine
immobilier ou à partir de celui-ci sont soumis à l’avis de la Commission royale des
monuments et des sites ainsi qu’à l’avis de la commission de concertation ».
Par ailleurs, le fait que les n°s 81 et 83 rue Ducale, similaires par leur typologie, leur situation
et leur style, aient fait l’objet d’un classement, est de nature à éveiller l’attention des autorités
quant à la sauvegarde des caractéristiques d’origine du n° 63 de la même rue.
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4. Conclusion générale
Inscrite sur une parcelle longue et étroite, la propriété du 63 de la rue Ducale
comprend deux bâtiments.
Le bâtiment à rue résulte de la transformation de l’ancien mur de clôture
vraisemblablement dessiné par Barnabé Guimard en 1775 et qui longeait la portion nord de la
rue Ducale. Il fut doté d’un étage à une date indéterminée. En 1858-1860, le propriétaire le
transforme en s’inspirant de l’élévation initiale et en monumentalisant ses lignes (entrée
axiale avec porte cochère, pilastres monumentaux, bossages). La petite travée à la gauche de
l’élévation, résidu d’une partie de mur sans pilastre, n’est intégrée à la composition qu’après
1911 et avant 1938, date à laquelle le bâtiment est surhaussé d’un troisième niveau dans le
même style.
Le bâtiment arrière apparaît comme un ancien hôtel de maître entre cour et jardin, tel
qu’il en subsiste peu à Bruxelles. Il date probablement du début du XIXe siècle, et en tous cas
d’avant 1816. De sa construction jusqu’en 1869, date à laquelle une maison prend place vers
le boulevard du Régent, la façade arrière de l’hôtel donne vers le mail arboré longeant les
anciennes fortifications, puis sur le boulevard du Régent, percé en 1821-1823.
Quoique transformés plusieurs fois au cours du temps et surhaussés, ces deux
bâtiments relèvent tous deux en façade du style néoclassique. Comme tels, ils sont l’un des
derniers témoins dans ce tronçon de la rue Ducale de la physionomie initiale du quartier. Dans
ce même tronçon, les deux autres témoins du genre ont fait l’objet d’un classement dans les
années 1980.
À l’intérieur de ces deux bâtiments, les transformations ont été importantes et la
plupart des éléments de décor relèvent de 1932 (maison arrière) et 1938 (maison avant).
Cependant, trois pièces conservent un décor plus ancien et mériteraient comme telles d’être
sauvegardées et restaurées avec soin. Il s’agit du passage carrossable dans le bâtiment à rue,
dont l’aménagement date de 1860 et relève du style néo-Louis XVI. Mais également, dans
l’hôtel de maître à l’arrière, du vestibule d’entrée scandé de pilastres ioniques et du grand
salon. Présentant des analogies avec le décor du passage carrossable, celui de ces deux pièces
relève soit du néo-Louis XVI et daterait de 1860, soit du Louis XVI lui-même et daterait de la
construction de l’hôtel fin XVIIIe-début XIXe siècle.
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