Chapitre 1 28 juin 1914 L`héritier du trône austro

Chapitre 1
28 juin 1914
L’héritier du trône austro-hongrois, François-Ferdinand, se trouvait avec sa femme,
Sophie, duchesse de Hohenberg, en visite à Sarajevo, capitale de la BosnieHerzégovine. La visite se déroula dans un climat politiquement tendu : malgré les
tensions ethniques et religieuses et les revendications de la Serbie, en 1908 la double
Monarchie choisit d’annexer cette région à l’Empire, en suscitant plusieurs
protestations au niveau international. Dans ce contexte d’angoisse, un étudiant
bosniaque, lié aux nationalistes serbes tenta d’ assassiner l’Archiduc. L’action sema
la panique et les voitures furent conduites rapidement au point de destination .
L’Archiduc, malgré ce qui était arrivé, voulut démontrer de ne pas être effrayé et
choisit de poursuivre la visite. La voiture de l’Archiduc François-Ferdinand se trouva
face à un autre auteur de l’attentat de la Jeune Bosnie, Gavrilo Princip, qui armé d’ un
pistolet, tira deux coups, en tuant soit l’héritier du trône soit sa femme. Sa mort fut le
moment culminant d’une tension désormais incontrôlable entre l’Empire des
Habsbourg et la Serbie.
Chapitre 2
Au même moment , à Paris, la vie de Michel Lanson alla se bouleverser
complètement : sa femme, Clémence, lui donna un enfant. Une petite créature qui
apporta une nouvelle valeur à leur amour.
C’était une journée comme toutes les autres et il était en train de marcher tout au long
de cette longue avenue parisienne, harcelée par le parfum du pain juste tiré du four et
le bruit des voitures qui se déplaçaient rapidement comme des fourmis affairées.
Cependant, parmi cette confusion générale, Michel était tranquille et avec l’âme en
paix car il était en train de se diriger vers chez lui, où la douce Clémence l’attendait
pour lui montrer le fruit de leur passion. Ils habitaient dans un petit immeuble. Ce
n’était pas la famille la plus riche de Paris mais ils avaient les ressources
indispensables pour survivre. Ils auraient voulu appartenir à une classe sociale
plushaute mais ils ne se plaignaient pas de leur amour, c’était tout ce dont ils avaient
besoin.
Chapitre 3
Au fur et à mesure qu’il s’approchait du bâtiment, sa tranquillité s’évanouit, en
laissant la place à l’inquiétude. Après un dernier moment d’attente et d’anxiété,
pendant lequel l’excès des émotions le mettait comme hors de lui, il frappa à la porte.
Ce fut sa belle-mère à ouvrir. Il tentait de cacher son agitation avec un sourire mais la
femme âgée le connaissait trop bien.
Il se dirigea vers sa chambre à coucher et la vit : des gouttes de sueur coulaient tout
doucement sur le front de la femme comme des perles , encore essoufflée par l’effort
de l’accouchement, mais satisfaite, elle l’attendait avec la créature minuscule près de
son sein. Clémence l’accueillit avec un immense sourire. Malgré sa situation de
femme à peine accouchée, Michel pensait que c’était toujours une créature
magnifique ; elle était belle……. d’une beauté authentique qui est encore capable de
réserver une surprise, cette beauté qui est réelle même si Clémence ne s’en apercevait
pas. Michel, pour la première fois, serra l’enfant contre lui, en remplissant son coeur
de tendresse. Il jouit du moment sans savoir que ce moment-là, il ne l’aurait jamais
plus vécu.
Chapitre 4
21 février 1916
L’attaque lancée sur Verdun par les Allemands fut un échec.
Conçue, selon la devise proclamée par les dirigeants militaires allemands « pour
saigner l’armée française », cette offensive, qui se poursuivit jusqu’en décembre,
provoqua la mort de 163 000 Français sous les coups d’un pilonnage d’artillerie sans
précédent. Mais Verdun, défendu par le général Pétain, qui y fit passer
successivement l’ensemble des régiments français, ne tomba pas. Finalement, les
Allemands, qui eurent perdu 143000, furent autant affaiblis que les Français. Tout
aussi sanglante fut la bataille de la Somme, déclenchée en juillet 1916 par les
Français et les Britanniques pour soulager Verdun, cela ne suffit pas à rompre les
lignes ennemies. Donc, cette bataille fut la plus longue et l'une des batailles les plus
dévastatrices : ils furent tous tués, absolument tous, chaque fois, tous les jours, sans
aucune exception. La bataille vida tous les soldats de leur sang comme une plaie
ouverte. Le champ de bataille était un véritable enfer.
Chapitre 5
Et c’était seulement hier quand Michel Lanson sut que lui aussi aurait pris part à la
Grande Guerre. On estima que le conflit aurait été court et la propagande diffusa des
messages optimistes, en faisant un bourrage de crâne qui renforça cette idée. Ils
furent omniprésents : ils pénétraient dans tous les foyers à l’aide des journaux, des
affiches, des réunions publiques, de la radio. Le mensonge d’État fut la norme car il
fallut inculquer une culture de guerre pour que la société acceptât tous les sacrifices
qu’on lui imposait. Malgré cela, Michel savait qu’il ne s’agissait pas d’un conflit
occasionnel et court mais, au contraire, d’une guerre dévastatrice. Par la suite, quand
sa famille l’accompagna , il tenta de vivre intensément ce moment-là, en «
photographiant » leurs visages pour emporter leurs souvenir toujours avec lui :
presque comme un porte-bonheur. Il regardait sa femme intensément, en imaginant sa
robe boutonnée, ses souliers à talon bas et son sac à main en bandoulière sur l’épaule,
tombant sur ses flancs. Elle n’était pas d’une beauté exceptionnelle
mais elle savait faire sentir Michel spécial et imbattable. Et justement cette sensationlà lui donna la force et le courage de monter dans le train pour sauver sa patrie. Donc,
vêtu d’un simple costume trois pièces : pantalon, veste et gilet noir, il laissa sa famille
derrière lui, presque prêt pour cette expérience. A ce moment précis, Clémence sentit
la terre se dérober sous ses pieds. Elle était comme un univers endommagé par trop
de peurs qui était en train d’ exploser près de son visage en mille morceaux de
verre… mais elle prit son courage à deux mains soit pour elle ou soit pour son enfant.
Maintenant, Michel se trouvait dans les tranchées et Clémence travaillait dans une
usine Citroën.
Mis en place dès la fin de l’année 1914, le système des tranchées fut de plus en plus
perfectionné au fil du temps, en particulier sur le front occidental ; celles de la
première ligne furent reliées à une seconde et à une troisième ligne par des boyaux
permettant d’assurer le ravitaillement et les relèves. C’est dans ces tranchées que les
poilus- et donc Michel aussi- firent désormais la guerre. Exposés à toutes les
intempéries, dans la boue et au milieu des rats, rongés par la vermine et soumis à
d’interminables bombardements, ils attendirent l’ordre d’attaque donné par l’étatmajor. La situation était gérée de cette manière : chacun des camps cherchait à percer
le front adverse ; après avoir concentré des troupes dans un secteur donné, puis après
avoir bombardé massivement l’ennemi pour réduire sa capacité défensive, les étatsmajors lançaient leurs hommes dans un assaut qui s’achevait en un terrible corps à
corps à l’arme blanche. De telles attaques permettaient parfois de gagner un peu de
terrain, mais jamais de percer l’ensemble des lignes adverses, malgré des pertes
considérables. C' était ainsi qu’échouèrent les offensives françaises de 1915, en
Artois puis en Champagne. Et c’était ainsi que Michel vivait chaque jour. Il avait
passé des jours infinis couché dans les trous d’obus à voir la mort de près, à attendre
une âme à chaque instant . On respirait la mort de tous côtés… Une routine obsédante
pendant laquelle il avait vu des choses qu’il n’aurait jamais imaginer de voir
auparavant.
On voyait des morts couchés par terre, pourris et pleins de mouches mais encore
ceinturés de bidons et de boules de pain passées dans un fil de fer. Et c’est pour l’un
des morts qu’on attendit que le bombardement se calmât. On rampait jusqu’à lui, on
détachait de son corps les boules de pain. On prenait les bidons pleins. D’autres
bidons furent troués par les balles. Le pain était mou. Il fallait seulement couper le
morceau qui touchait le corps. Voilà ce qu’on faisait tout le jour : on mangeait
n’importe quoi …
Chapitre 6
En même temps, pour ce qui concerne Clémence, sa vie aussi changea avec l’arrivée
de la Grande Guerre. Elle expliqua à toutes les femmes la dure réalité : les soldats
découvrirent la violence des combats et l’horreur des tranchées, il ne resta plus que
les femmes qui durent apprendre à vivre en l’absence des hommes et se charger des
travaux masculins. En effet, pour faire face aux besoins de la guerre, l’État
réquisitionna des usines et mit sur pied une politique dirigiste consistant à organiser
la production en liaison avec les milieux d’affaires. Dans les usines d’armement, on
embauchait des femmes et de la main-d’oeuvre des colonies.
Par la suite, la mode subit une certaine révolution puisque les femmes pouvaient
porter des pantalon, les cheveux attachés et des jupes plus courtes aussi pour
économiser le tissu dans les premières années de la guerre. Parmi ces femmes, il y
avait Clémence qui fut embauchée dans l’usine Citroën : elle était composée,
d’abord, par la salle de l’emboutissage des obus. . C’était un énorme hall dans lequel
24 presses étaient entourées chacune de femmes et d’hommes qui maniaient dans la
flamme des obus d’acier incandescents. Dans une atmosphère de four, un
hommesortait du feu la barre rougie, la portait sur un étau où, grâce aux gestes d’une
femme, un puissant poinçon s’enfonçait comme l’ aurait fait le doigt dans la glaise.
Des étincelles jaillissaient captées par des écrans. Trois secondes s’écoulaient. L’obus
tombait, creusé, embouti comme on disait. Un homme le prenait dans de longues
pinces. Il était prêt pour la trempe. On le plaçait sur un trottoir roulant qui le
conduisait à un autre atelier. Vingt-quatre équipes faisaient le même mouvement
autour de vingt-quatre machines. Des tâches de feu s’allumaient et circulaient dans
tout l’immense hall. Clémence faisait partie de cette chaîne, donc elle aussi était une
« obusette », celle qui fabriquait les obus et comme elle, quatre mille autres ouvrières
travaillaient dans ce phénoménal atelier construit en six semaines sur l’emplacement
de trente-huit maisons. Dans le fracas, mais dans l’ordre et la propreté, on faisait ici
tout l’ogivage, le filetage de pas de vis, le ceinturage etc. Ces colossales dimensions,
ces travées sans fin, ce bruit, cet ordre, ces chars électriques adroits et rapides
montées par des femmes blanches, tout cela accrut l’idée de prodige et de féerie.
Mais aussi de fatigue et d’exploitation : il n’était pas rare de travailler pendant 24
heures ou même 36 heures. Cependant, Clémence travaillait toujours, en pensant à
son fils et à son mari qui, d’une manière ou d’une autre, avaient besoin d’elle… et
aussi la France avait besoin d’elle… de toutes… tous les niveaux de la société étaient
nécessaires : c’était pour cette raison qu’à cette époque-là les partis n’existaient plus
mais il y avait la France éternelle, pacifique et résolue, la Patrie du « devoir » et de la
Justice, tout entière unie dans le calme, la vigilance et la dignité. En effet, on
demanda de laisser de côté les questions divergentes et de penser à la défense
nationale pour aboutir à la victoire finale.
Chapitre 7
Avril 1917
La guerre sous-marine à outrance déclenchée par l’Allemagne en réaction au blocus
naval britannique provoqua l’entrée en guerre des États- Unis aux côtés des Alliés ( et
donc aussi de la France). Ils soutenaient déjà l’Entente par leurs prêts et leur aide
pouvait avoir des effets considérables sur l’issue de la guerre, compte tenu de leur
puissance industrielle. Toutefois cette intervention directe exigea plusieurs mois de
préparation. Cela changea le destin du monde mais aussi celui de Michel et
Clémence.
Ils s’écrivaient à chaque moment libre, afin de trouver le réconfort dans les mots de
l’autre.
« Mon rôle d’ obusette ne me convient pas beaucoup, c’est épuisant de rester debout
toute la journée, surtout que parfois je travaille la nuit mais au moins, cela me permet
de subvenir à mes besoins en attendant ton retour. C’est effrayant à l’usine, la peau de
certaines de mes camarades devient jaune à cause de l’acide . Mais je continue à
travailler : j’ai entendu le Maréchal Joffre à la radio qui disait « que si les femmes
s’arrêtaient un moment, en laissant leur travail, les Alliés perdraient la guerre »
Je suis fatiguée mais grâce à ces mots qui m’ont fait comprendre la valeur de mon
effort, de cette manière, je peux t’aider.” Ta Clémence .
« Je te remercie du fond du coeur. J’espère que ce n’est pas trop dur pour toi ce
métier d’ obusette. Un de mes camarades m’a dit que les femmes dans les usines se
font couper les cheveux. As-tu déjà les cheveux courts ? J’espère que non.. De toute
façon, moi, je me demande encore bien des fois s’il est vrai que je suis encore vivant,
malgré ces batailles et des jours entiers sans boire et presque sans manger et vivre au
milieu d’un charnier humain, couchant au milieu des cadavres, marchant sur nos
camarades tombés la veille. Dans mon estomac la nausée et la nervosité luttent entre
elles.. Je sens dans mon ventre une sensation qui fermente jusqu’au moment où cela
devient intolérable. Des Aiguilles d’inquiétude percent mon âme, en alternant de
fugaces bouffées de joie seulement en pensant à toi qui regarde la même lune que
j’observe. S’il te plaît, prie pour moi…j’en ai besoin ! Mon coeur et près du tien.”
Michel.
Elle priait beaucoup mais…
Chapitre 8
11 novembre 1918
Après quatre longue années d’une sanglante et insensée guerre, l’Allemagne
demanda, aux alliés, l’armistice. La plus atroce et épouvantable guerre de l’histoire
de l’humanité pouvait se considérer conclue .
Alors, Clémence rentra à la maison, satisfaite d’avoir accompli son devoir et très
émue à la pensée d’embrasser de nouveau son fils. Elle descendit du train et
commença à observer chaque coin pour trouver sa famille parmi cette confusion dans
la gare parisienne, où plusieurs familles se rejoignirent après des années et elle était
impatience de revoir Michel. Son adoré Michel. Elle imaginait déjà son mari sortant
du train avec son casque Adrian 2ème type, le capote modèle croisé, le poignard de
tranchée, le brodequin modèle 1917 et les yeux de celui qui avait vu l’impossible
mais qui continuait à sourire. Elle attendit…. Et attendit…et encore…et encore…
quand enfin elle vit une silhouette s’avancer dans la pénombre . » Michel ?,
murmura-t-elle.. mais elle ne reçut aucune réponse. C’était un homme qu’elle n’avait
jamais vu et auquel elle voulait demander des nouvelles de son mari mais même si
elle feignait de ne pas comprendre, elle commençait à trembler…Paralysée par la
douleur, elle se laissa tomber au sol, en pleurant désespérément avec son fils à
califourchon sur son dos qui ne comprenait pas ce qui était en train de se passer.
Chapitre 9
« Quelle belle histoire, grand-mère ! Moi aussi, je voudrais devenir un soldat pour
défendre ma famille et ma patrie et pour être défini un héros ! », dit Jean après
avoir écouté toute l’histoire avec attention. Aussitôt, il sortit de la maison et alla
jouer par « la même avenue parisienne », en feignant d’être déjà un soldat
Cependant, après tout ce temps-là, elle avait appris que la douleur est le sel de la vie
et sans lui nous ne serions pas humains. Elle posa la photo et continua à observer
son petit-fils, grâce auquel elle était en train de revivre ces moments-là.
« Le monde d’ Hier existe seulement quand quelqu’un le rappelle aujourd’hui »
-J. Villoro
Lopalco Vincenzina 4^G Lycée Aristosseno, Tarente