Chapitre V au format PDF

Le père supérieur, l’abbé Lemaire, apprécia le travail effectué et en remercia
tous les participants. Une autre affaire à traiter l’obligeait à partir, suivi du père
Sévéran, son bras droit et du père Mien, le doyen. Il prit la direction de la bibliothèque.
Il ne voyait aucune utilité à laisser plusieurs personnes perdre leur temps à la lecture
de ce manuscrit ; rien ne justifiait ce besoin.
Bien sûr, le fait que le feuillet parle d’un trésor était intéressant, et la
possibilité de mettre la main dessus encore plus. Mais les moines auraient préféré une
bonne vieille carte, avec une croix signalant l’emplacement où chercher, plutôt que
cette suite de questionnement sans grand intérêt, si ce n’est la vie d’un personnage
du XVIe siècle !!
Il fallut l’intervention du père Sévéran pour que l’examen continue, il était
persuadé que manuscrit révélerait, tôt ou tard, quelque chose de très important. Le
groupe ne lui paraissait plus adapté. Il lui semblait évident que les moines, passionnés
de marine, n’avaient plus leur place dans l’équipe, l’abbé Lepoule et l’abbé Létoile
furent renvoyés à leurs activités. L’abbé Seder, le spécialiste en écritures anciennes,
le père Formant, qui obtenait de bons résultats dans tout ce qu’il entreprenait, et
l’abbé Molisey, l’expert en symbolique musicale, furent désignés pour assister le
père Spicasse et le père Yoddick dans le déchiffrage du code.
Le père Chyste, le sportif du monastère, ne put s’empêcher de faire un
enchaînement de figures acrobatiques. Lui, qui rêvait depuis des années d’un gymnase
où il pourrait s’entraîner régulièrement, aurait aimé que cette salle lui soit confiée.
Mais non, les archives étaient une priorité. Un jour peut-être, dans l’hypothèse où le
compte de sportifs augmenterait, l’idée serait étudiée.
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Les travaux dans les caves avançaient. La première salle avait
retrouvé un aspect plus accueillant. Les murs et les sols, lessivés par le père Savon
et l’abbé Léponge, avaient été recouverts d’un produit anti-humidité par les bons
soins du père Henne. Suivant les conseils de l’architecte, l’abbé Tonnière, jugeant
la voûte affaiblie par le temps, quatre colonnes furent montées par le père Histil,
pour la renforcer. Un éclairage, ingénieusement installé par l’abbé Létincel donnait
à l’ensemble un aspect digne d’une salle de réception.
La nouvelle équipe se mit aussitôt au travail, il fallait des résultats probants
pour satisfaire leur supérieur, et ainsi poursuivre l’étude du document. Les nouveaux
arrivants furent rapidement mis au courant de l’histoire. Puis, tous se penchèrent sur
le message codé. L’abbé Seder fut le premier à émettre une hypothèse. Il fut prié de
se rendre dans les rayons de livres pour approfondir sa théorie, tandis que les autres
reprendraient la lecture.
Le mercredi 27 janvier de l’an de grâce 1553
Après maints préparatifs, nous reprîmes le chemin qui mène au
campement dans la montagne près duquel, selon l’aveu de Sans-Oreilles, un
trésor était caché. À notre arrivée, nous constatâmes que les corps des Guanches,
que les manigances du tavernier nous avaient conduit à abattre, n’étaient plus
séants. Nous restâmes sur nos gardes, tous les indigènes n’avaient donc pas
été exterminés. Diverses raisons venaient à mon esprit : une issue de la grotte
avait échappé à notre vigilance ; tous ceux, que nous prenions pour des rebelles,
ne s’étaient pas dirigés vers la caverne, ou encore un bon samaritain s’était occupé
d’ensevelir les corps.
Délaissant les ruines calcinées, nous nous dirigeâmes vers l’entrée bouchée.
Quelques pierres de moyennes tailles avaient été déplacées. Ce travail était
assurément l’œuvre d’une ou de plusieurs femmes.
Un grondement sourd nous fit lever la tête et treize de mes valeureux
furent ensevelis par un éboulis. Des coups d’arquebuses retentirent et deux
corps dégringolèrent le long du flan de la montagne. Une jeune Guanche et un
adolescent avaient actionné ce piège, prévu de longue date par leur clan. Peine
perdue, ils ne nous empêcheront pas de nous emparer de leur trésor sacré. Des
hommes prirent les dépouilles sans ménagement, les jetèrent de côté, avant de les
ensevelir sous les rochers dégagés de l’entrée de la grotte.
Le déblaiement, un travail harassant, prit plusieurs semaines mais
personne ne rechignait à la tâche ; l’or étant à portée de main. Des roches furent
éclatées à la masse, d’autres nécessitèrent l’usage de la poudre. Une insupportable
odeur de putréfaction s’élevait à mesure que les pierres étaient ôtées.
Avant de pénétrer dans l’antre, je m’assurai que le capitaine Lachappelle,
qui a toute ma confiance, et ses principaux officiers montent la garde à son entrée.
L’explosion du jour de l’attaque avait fait son office destructeur. Par les restes
humains qui jonchaient le sol, nous comprirent qu’aucun Guanche n’avait survécu
à l’intérieur. Malgré la puanteur qui persistait, nous avançâmes fébriles à la
recherche du trésor.
Par endroit, sur les parois rocheuses, nos torches éclairaient des symboles
similaires à ceux de la statuette. Des passages étroits disparaissaient dans
l’obscurité. Je fis former plusieurs équipes et nommais des chefs parmi mes
fidèles, puis leur attribuais une galerie à chacune. Je restais, avec une poignée
d’hommes, dans ce qui ressemblait à un conduit principal.
À plusieurs reprises, des cris d’épouvante déchirèrent les ténèbres mais
n’entamèrent pas notre détermination. Un premier groupe revint d’un cul-desac sans intérêt. D’autres suivirent au fur et à mesure de l’exploration des bras
secondaires. Les hurlements n’émanaient pas d’eux. Après avoir marché six
ou sept lieues dans les entrailles de la terre, une équipe restait toujours absente.
La troupe s’engageait, toujours plus profondément, dans ce séjour d’où nul
croyant n’était encore revenu. Nous avancions lentement, essayant de distinguer
d’éventuels pièges. Des squelettes, à demi encastrés dans les parois, nous firent
redoubler d’attention. À quelques pas de là, le sol s’était effondré. Une torche
lancée dans le gouffre me révéla sa profondeur, une passerelle brisée, faite de
branches assemblées, et des restes humains qui gisaient en bas, disloqués. Il était
impossible de traverser. Pour éviter de rebrousser chemin, il fallait descendre à
la corde récupérer les pans de bois pour en refaire un pont de fortune.
L’un de mes lieutenants était volontaire. Sommairement harnaché, il
fut descendu dans le vide. En attachant les éléments de la passerelle, pour être
remontés, ses yeux furent attirés par un éclat d’or. Il parvint à saisir l’objet mais
celui-ci résistait. Il tira un coup sec et eu un sursaut en constatant qu’il était
encore accroché aux os d’un poignet.
Lorsqu’il me montra sa trouvaille, je me rendis compte qu’il n’avait pas le
poids de l’or. C’était une sorte de massue conique peut-être un objet rituel. Je le
lui laissais en récompense de sa bravoure.
Les morceaux de bois remontés furent promptement réunis. L’ensemble
s’adaptait parfaitement à la largeur du passage. Nous fîmes glisser la passerelle
jusqu’à atteindre l’autre côté. Puis nous reprîmes le chemin, avec méfiance,
nous scrutions chaque endroit où nous posions les pieds ; consigne était donnée de
marcher en file et sur les traces du précédent. Lorsque l’homme de tête avait un
doute, il faisait arrêter la colonne et s’avançait, seul, tapotant le sol devant lui
avec sa pique. Ce procédé lui permit de déclencher d’autres pièges, sans faire la
moindre victime.
Après un temps, qui nous parut fort long, nous tombâmes face à un
mur de roche. Encore une impasse. L’éclaireur fixa sa torche à la pique pour
illuminer la voûte ; le passage continuait par-dessus le rocher. La passerelle, que
nous avions emporté par prudence, fut transformée en échelle. Mais lorsque
notre guide monta, il eut le crane fracassé. Son corps dût être décroché pour
permettre le passage du suivant. Ce dernier, moins téméraire, glissa sa main
sur la roche humide cherchant à découvrir le mécanisme de déclenchement du
piège. Ses doigts effleurèrent un trou d’une forme particulière de la largeur d’une
paume. Sa description me rappela le gourdin conique trouvé dans le gouffre. Il
le glissa, le poussa à fond jusqu’à ce qu’il se bloqua. Le nouvel homme de tête,
peu rassuré, continua son ascension avec précaution. Son corps disparût dans le
noir. Après un long silence, on entendit un rire nerveux, il était passé ; le danger
était écarté.
Trois personnes furent désignées pour m’aider à monter, je fus hissé dans l’ouverture
et empoigné par de solides bras. La marche reprit, quelques obstacles, encore, furent
contournés, avant d’arriver devant une grille d’épais barreaux de fer, sans serrure. Ce
n’était visiblement pas le travail des Guanches mais d’un peuple plus ancien.
De l’autre côté, des objets éloignés, plus ou moins brillants, reflétaient
faiblement la lueur des torches. Nous explorâmes minutieusement alentour
afin de découvrir le mode d’ouverture de la grille. Une gorge de chaque côté, nous
enseigna qu’elle devait être soulevée, mais elle était bien trop lourde pour le faire à
la main. Il devait y avoir, quelque part, un système de contre-poids, qu’il fallait
libérer.Un bloc, au pied de la paroi faisant face à la grille, attira notre attention.
Il semblait en appui. Un de mes gaillards souleva le rocher de quelques pouces
lorsqu’un sifflement se fit entendre. Une lance sortit d’entre les barreaux, se ficha
dans son dos. Le bloc retomba lourdement sur le sol. Le malheureux se tourna
vers moi et s’écroula, mort. La grille n’avait pas bougé.
C’est le Sieur Brun qui remarqua deux percées dans le mur. Elles
avaient été bouchées avec de la terre pour les dissimuler. Il enleva les bouchons
terreux avec son poignard. Les trous semblaient profonds et nécessitaient une tige
qui devait bloquer ou débloquer un mécanisme. Cette fois, nous savions ce que
nous recherchions.
Deux longs cylindres furent trouvés dans l’enceinte de la salle au trésor,
de part et d’autre de la grille, au pied du mur. Nous les glissâmes dans les
ouvertures, puis la pierre fut à nouveau relevée. Pas de sifflement, un bruit
sourd. Une roche qui bascula, le cliquetis métallique d’une chaîne, un rocher qui
descendit du plafond tandis que la grille s’élèvait. Les battements de nos cœurs
semblaient suspendus.
D’abord la stupéfaction, ensuite l’émerveillement, puis des cris de joie et des
éclats de rire retentirent lorsque nous découvrîmes la gigantesque salle du trésor.
Quelle magnificence ! Jamais, de ma vie, je n’avais pu contempler autant
de merveilles ! Des statues d’or d’hommes, de femmes, d’animaux et d’arbres
presque grandeur nature. Des vases en or massif, qu’un homme seul ne pourrait
porter, étaient remplis de pierres précieuses qui scintillaient de milles feux. Des
couronnes, colliers, bracelets, pendentifs, anneaux finement ciselés et autres bijoux,
dignes des rois et des reines, étaint étalés sur des plateaux d’or. Des perles par
milliers, dont quelques-unes avaient la taille de mon poing. De grands coffres,
tout en hauteur, artistiquement ouvragés, débordaient de pièces d’or et d’argent.
Je ne pus résister à l’envie d’y glisser mes doigts et d’en agripper des poignées.
Toute ma vie, j’avais espéré vivre un tel moment. Et encore des plaques de
métal, gravées d’une écriture colorée, que même le savant Sieur Brun ne parvînt
pas à déchiffrer. Et tant d’autres richesses.
Mais ce qui me surprit le plus, ce fût des objets lumineux étranges,
placés au centre de la pièce sur de grosses colonnes en cristaux blancs translucides.
Lorsque je les touchais, je ressentis leur chaleur, leur éclat s’imprègnait sur ma
peau. J’ignorais ce que c’était mais ils me fascinaient.
À proximité, des rouleaux de papier de moindre valeur. Je m’en saisis
d’un, plus grand que les autres, d’où s’échappa un grand médaillon d’or.
L’euphorie passée, j’ordonnais de tout remettre à sa place. Je gardais
juste ce que je tenais en main. Malgré le mécontentement général, j’ordonnais de
refermer la grille et de réinstaller le mécanisme, tel qu’il était. Les tiges métalliques
furent emportées. Puis nous fîmes le long parcours de retour. Et je me fis remettre
l’objet conique après qu’il fut retiré de son logement. Avant de sortir de la grotte,
je fis jurer à mes hommes de ne rien révéler de ce qu’ils avaient vu ; le parjure
se payant par le sang. J’ordonnais au capitaine Lachappelle de veiller, jour
et nuit, devant la grotte avec l’ordre de n’y laisser entrer personne jusqu’à mon
retour. Nous repartîmes vers les navires, les vidâmes de leurs richesses. Tout
fut transporté dans la salle du trésor. Enfin, l’entrée de la caverne fut obstruée de
roches.
De retour à bord, je fis mettre les objets récupérés dans mes quartiers. Je
déroulais le grand cylindre sur la table. C’était une gravure ancienne représentant
nombre d’hommes, récupérant les eaux de l’arbre de pluie, de navires et d’animaux.
Je ne sais pas quelle valeur elle peut avoir, mais je sais qu’elle ornera très bien
ma cabine.
Quant au trésor, le secret en sera bien gardé et nous reviendrons le chercher un jour.
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