Rapport d'activité Demande d’heures année 2015 Projet CALMIP P1143 "Modélisation des interactions ADN/surfaces" Contexte Les objectifs des calculs décrits ci-dessous sont : - comprendre les modes de greffage de molécules biologiques sur des surfaces d’intérêt de la Microélectronique - obtenir les spectres InfraRouges (IR) théoriques pour comparaison aux spectres expérimentaux - comprendre les effets du milieu aqueux par l’étude thermodynamique de la compétition d’adsorption entre les molécules biologique et l’eau. La compétition cinétique sera envisagée grâce aux calculs réalisés en 2015. Les applications technologiques, ciblées au LAAS-CNRS, sont l’optimisation de la nanostructuration de nanoparticules métalliques ou d’oxyde métalliques autoassemblées (assemblage dirigé) à l’aide de brin d’ADN. Approche Dans une première approche de cette prospective, des surfaces à la fois métalliques (Al), d’oxyde métallique (oxyde d’aluminium, oxyde de cuivre) et de semiconducteurs (silicium, oxyde de silicium) sont testées. Pour représenter l’ADN, la dTMP (thymidine monophosphate) est la molécule choisie : celle ci comporte les fragments de base de l’ADN, à savoir, un sucre (ribose), une thymine (étude bibliographique montre la capacité de la thymine à se greffer sur les surfaces) et un groupement phosphate. Cette étude est originale, de par la comparaison directe des calculs théoriques avec des résultats expérimentaux. Les expériences sont menées à l’University of Texas at Dallas, par l’équipe de Yves Chabal (Laboratory for Surface and Nanostructure Modification), dans lesquelles la même molécule, à savoir la dTMP est greffée sur les mêmes surfaces que celles modélisées. L’approche « calculs » choisie consiste à réaliser des calculs de type DFT à l’aide de logiciels commerciaux tels que VASP et CP2K pour les modes d’adsorption et la détermination des spectres IR théoriques, Turbomole pour les recherches de barrières. Des approches périodiques et clusters sont donc appliquées dans cette étude. Une partie des calculs est aussi réalisée sur le calculateur national IDRIS via les appels d’heure sur projet DARI, étant donné le volume d’heures consommées pour cette étude comparative et méthodologique. Publications 2 publications sont en cours d’écriture : - Comparaison des résultats expérimentaux/théoriques d’adsorption de la dTMP sur la surface d’alumine. A soumettre dans JACS. - Comparaison théorique des adsorptions de la dTMP sur des surfaces d’intérêt de la Microélectronique (Si(111)-H, SiO2, Al2O3). A soumettre dans Langmuir. Résultats Surface d’alumine: Al2O3 corindon Les calculs réalisés dans les sessions précédentes avaient été menés dans le cas d’une molécule de dTMP comportant une fonctionnalisation –CH2-CH2-CH2-COOH ajoutée sur le groupement phosphate, ayant été supposée que cette fonctionnalisation permettrait un meilleur greffage. Il s’est avéré depuis que le groupement phosphate est le plus efficace pour la nanostructuration. Ces mêmes calculs ont donc été refaits pour la dTMP non fonctionnalisée telle qu’elle est utilisée expérimentalement, afin d’améliorer la qualité et la pertinence des calculs réalisés. Les calculs menés actuellement sont résumés comme : Surface non hydratée : Cette surface permet d’appréhender la chimisorption sur surface sèche et d’identifier les modes de greffage covalents : 10 configurations sont caractérisées suivant le groupe d’adsorption présenté en contact de la surface, mais aussi suivant l’orientation de la dTMP, axe de la chaine principale de la molécule orienté horizontalement ou verticalement par rapport à la surface. Dans le cas de l’alumine, des études méthodologiques de comparaison avec ou sans dispersion ont été réalisés. Soient 20 systèmes caractérisés. Les résultats obtenus avec la dTMP restent similaires aux tendances obtenues précédemment dans le cas de la dTMP fonctionnalisée : - les forces de van der Waals doivent être incluses dans des calculs de type adsorption de molécules sur surface puisqu’elles peuvent contribuées jusqu’à 40% de l’énergie d’adsorption totale. Parfois même elles peuvent engendrées des modifications de configurations d’adsorption. - De plus il est à noter que les forces de van der Waals permettent de tenir compte des liaisons hydrogène responsables des modifications de configurations d’adsorption, menant parfois des transferts de proton sur la surface, non constaté dans le même calcul réalisé en DFT pure (POS 2 ci-dessous). Les interactions du cycle de la thymine avec la surface est aussi constaté dans les calculs où les forces de dispersion sont incluses, caractérisées sur la configuration d’adsorption par une diminution de l’angle dièdre et la thymine s’orientant parallèlement à la surface (POS6 page suivante). Exemple de configuration d’adsorption POS2 par les C=O de la thymine et par le –OH du ribose : Eads (DFT) = -3,81 eV Eads (DFT-D) = -5,16 eV 2 liaisons C=O deviennent C-O d(Al-O) 1,9 et 1,86 2 liaisons C=O deviennent C-O d(Al-O) 1,87 A et 1,85 A transfert du proton du N-H sur un O de la surface transfert du proton du N-H sur un O de la surface -OH ribose : pas de liaison hydrogène (2,99 A) -OH ribose : Liaison hydrogène formée Exemple de configuration d’adsorption POS6 par les C=O de la thymine et par le groupement Phosphate : - Eads (DFT) = -4,99 eV par les C=O de la base et les 2 O-H du phosphate avec 2 transferts de H Eads (DFT-D) = -5,39 eV par les 2 C=O de la base et 1 P-O du phosphate avec 1 transfert de H transfert du proton du N-H sur un O de la surface Le cycle de la base est parallèle à la surface : plus grande interaction à vdW Les spectres théoriques InfraRouges sont probants et significatifs en particulier les pics associés aux modes de vibrations des doubles liaisons présentes dans la dTMP comme les liaisons C=O et la liaison P=O. De plus des adsorptions covalentes par les liaisons P-O sont déterminantes. Exemple de configuration d’adsorption POS3 par les C=O de la thymine, le –OH du ribose et par le groupement Phosphate : Eads (DFT) = -5,51 eV et Eads (DFT-D) = -7,25 eV • par la base : 2 liaisons C=O deviennent C-O et transfert du proton du N-H sur un O de la surface • Par le – OH du sucre • Par le – P=O du phosphate devient P-O et transfert du proton d’un –OH présent sur le phosphate et le P-O-H devient un P=O avec liaison Hydrogène à équilibre entre les liaisons P=O et P-O Exemple de spectre théorique InfraRouge calculé sur la position 3 (POS3 : adsorption par les C=O de la thymine, le –OH du ribose et par le groupement Phosphate) : P=O! C=O! Les traits en pointillés indiquent les pics calculés pour la dTMP seule en phase gaz. Les traits pleins indiquent les mêmes pics pour la configuration adsorbée. Nous observons donc un shift significatif des pics et à l’aide des calculs théoriques il est aisé d’associer un mode de vibration d’une liaison spécifique à une fréquence. - Les calculs DFT apparaissent être une approche stratégique pour aider à l’interprétation des spectres d’adsorption expérimentaux. La principale conclusion sur la surface d’alumine non hydratée est que la dTMP possède une flexibilité remarquable, lui conférant la capacité de se greffer très favorablement et de façon covalente sur la surface d’alumine quelque soit la configuration, ou l’orientation de départ de la dTMP. Les énergies d’adsorption calculées montrent que le greffage par le groupement phosphate sera favorisé. Surface hydratée : Deux cas sont envisagés dans un premier temps : Une surface hydratée comportant 16 molécules d’eau non dissociées, et une surface hydroxylée présentant 16 molécules d’eau dissociées (16 –OH sur les Al de surface et 16 –H sur des O de surfaces). Ces deux types de surface sont étudiés car il est connu dans la bibliographie qu’une molécule d’eau se dissocie sur la surface d’alumine avec une barrière de 0,2 eV et qu’elle peut se recombiner par une barrière de l’ordre de 0,6 eV. biblio : Ranea, J. Phys. Chem 113 (2009) Nous concentrons actuellement les efforts de calculs sur la physisorption de dTMP sur les surfaces hydratées, et des configurations de chimisorption sur les surfaces hydroxylées en considérant le départ de molécules d’eau comme suit : Configuration d’adsorption POS2 (Eads (DFT-D) = -5,16 eV) sur surface non hydratée : 1 transfert de proton, 1 liaison par le sucre, 2 liaisons par la thymine Soit le résultat de la réaction : + 3 Surf-OH ! 3 H2O! Ces calculs sont en cours et seront finalisés grâce aux heures attribuées dans le présent appel. Les bilans thermodynamiques pour les premiers résultats indiquent qu’une adsorption de dTMP associée au départ d’une ou de plusieurs molécules restent favorables (pour l’exemple illustré ci-dessus un gain d’énergie de -0,25 eV est observé suite à l’adsorption de dTMP et au départ de 3 molécules d’eau). Il est donc nécessaire de poursuivre l’effort pour caractériser les cinétiques de ces réactions de compétition entre la dTMP et l’eau. Surface de silicium hydrogénée : Si(111)-H Afin d'évaluer les possibilités de greffer directement un brin d'ADN sur une surface inorganique, nous avons dans un premier temps étudié la physisorption et la chimisorption de la thymidine monophosphate (dTMP) sur la surface (111) du silicium hydrogénée avec le logiciel CP2K en utilisant la fonctionnelle non-locale RVV10 qui permet la description des interactions de type van der Waals. Les résultats sont présentés en Fig. 1. Fig. 1 : les différentes géométries testées et leurs énergies respectives. POS1-POS4 : physisorption, POS5-POS10 : chimisorption. Dans le cas de la physisorption, nous pouvons voir que les géométries les plus favorables sont celles où la base se présente à plat au-dessus de la surface. Dans le cas de la chimisorption, les liaisons les plus fortes sont obtenues à partir des groupes OH de la dTMP. Nous voyons aussi que la chimisorption est plus énergétiquement favorable que la physisorption, ce qui indique qu'un greffage direct peut être possible, si les barrières d'activation ne sont pas trop élevées. Afin de calculer ces dernières, nous avons changé d'approche calculatoire. En effet, les outils de localisation d'états de transition présents dans CP2K s'étant avérés trop peu efficaces, nous avons utilisé le logiciel Turbomole (fonctionnelle PBE) et une approche moléculaire : la surface de silicium est représentée par un « cluster » d'environ 100 atomes et la dTMP est représentée par son groupe phosphate ou ribose (la thymine n'est pas considérée car les calculs CP2K prédisent un greffage peu favorable). Les résultats sont présentés en Fig. 2. Fig. 2 : chemins réactionnels du greffage du ribose (gauche) et du phosphate (droite). Les deux réactions de greffage sont énergétiquement favorables et sont donc thermodynamiquement envisageables. Toutefois, la barrière de greffage du ribose (1,61 eV) est trop élevée pour que la réaction se fasse facilement à température ambiante, contrairement au phosphate, pour lequel nous avons obtenu une barrière de 0,90 eV. Afin de valider la stabilité du greffage en conditions aqueuses, nous avons calculé la réaction d'hydroxylation de la surface par l'eau, d'abord avec une seule molécule, puis avec un trimère permettant de prendre en compte des effets coopératifs. Ces résultats sont présentés dans la Fig. 3. Fig. 3 : chemins d'hydroxylation de la surface Si(111)-H par H2O (gauche) et (H2O)3 (droite). Nous observons que dans le cas d'une molécule d'eau isolée, la réaction d'hydroxylation est favorable mais nécessite de franchir une barrière peu compatible (1,49 eV) avec une réaction à température ambiante. Par contre, dans le cas du trimère d'eau, la réaction reste tout aussi favorable mais la barrière est significativement abaissée (1,00 eV) et devient proche de celle obtenue dans le cas, favorable, du phosphate. Ce résulte indique clairement que le greffage direct d'ADN sur une surface Si(111)-H est vraisemblablement plus lent que l'hydroxylation de la surface : même si la barrière calculée pour le phosphate est légèrement plus basse que celle du trimère d'eau, le rapport de concentrations dans des conditions réalistes (> 1000 en faveur de l'eau) fait que la réaction d'hydroxylation est beaucoup plus rapide que celle de greffage. Il est donc plus réaliste de considérer une surface hydroxylée au lieu d'hydrogénée. Nous avons donc calculé la réaction de greffage sur un groupe OH porté par la surface. Les résultats sont présentés dans Fig. 4. Fig. 4 : chemins de greffage du ribose (gauche) et du phosphate (droite) sur surface hydroxylée. Nous pouvons voir que dans le cas du ribose, la réaction de greffage devient athermique et celle du phosphate endothermique. La réaction-retour étant l'hydrolyse de la liaison ribose- ou phosphate-surface, nous voyons que cette réaction est plus rapide que la réaction de greffage et donc que le greffage direct de l'ADN sur la surface Si(111)-H dans l'eau semble ne pas être possible.
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