Développement psychologique de l’enfant et de l’adolescent 5 1 V. SOINS PALLIATIFS ET ACCOMPAGNEMENT EN FIN DE VIE « L’idée que l’on mourra est plus cruelle que mourir mais moins que l’idée qu’un autre est mort » Marcel Proust Vous serez amenés à aborder plusieurs approches : mort d'un proche, mort de l'enfant, et à quoi cela renvoie d'un point de vue culturel et personnel (pour les proches et les soignants). 1. LA MORT Comme la vie elle-même ne peut être définie du moins qu'en négatif de la mort, la mort ne peut se définir qu'en ce qu'elle s'oppose à la vie. La mort reste un mystère au même titre que la vie. Lorsqu'on en parle, on ne le fait qu'en tant que spectateur, alors qu'on est « acteur » de la vie. Mot d'esprit repris par Freud : « Si l'un de nous deux meurt, j'irai m'établir à Paris. Par exemple, l'expression paradoxale « mortellement blessé » révèle toute la complexité de l'appréhension de la mort. A. Définition Définition classique (Centre de Ressources Textuelles et Linguistiques) : Cessation de la vie. Antonyme naissance. Terme de l'existence de quelqu'un, considéré comme un moment du temps, une date. Par analogie, fin. Force intemporelle sentie comme une menace pour toute vie humaine. Antonyme vie. Ça n'est pas la mort ! Ce n'est pas une chose insurmontable à faire. Belle mort. Mort naturelle, calme et sans souffrance (par opposition à la mort violente ou à la mort après une longue maladie). Définition biologique (Centre de Ressources Textuelles et Linguistiques) : Arrêt complet et définitif des fonctions d'un organisme vivant, avec disparition de sa cohérence fonctionnelle et destruction progressive et irréversible de ses unités tissulaires et cellulaires. Une définition plus générale de la mort a été apportée par l'analyse des « comas dépassés ». C'est la mort cérébrale qui constitue le signe absolu de la mort. Mort fœtale. Décès du fœtus lorsque ce décès est survenu avant l'expulsion ou l'extraction complète du corps de la mère, indépendamment de la durée de la gestation. Mort subite. Mort brutale sans cause apparente. La mort est pour tout organisme vivant un événement, une expérience individuelle, et/ou une échéance, un état. Développement psychologique de l’enfant et de l’adolescent 5 2 La mort peut être totale et absolue ou partielle (mort d’organes, mort psychique, mort cérébrale,…). La mort cérébrale étant l'état dans lequel le cerveau n'assure plus aucune fonction normale. B. Critères de la mort Données permettant d'affirmer le coma dépassé et d'autoriser sur le plan médico-légal le prélèvement d'organes (vs mort apparente qui n'est qu'un ralentissement ou un arrêt momentané des fonctions vitales). Les moyens actuels de la réanimation ont enlevé aux critères traditionnels de la mort (arrêt respiratoire et arrêt cardiaque) leur valeur ancienne. Il faut apporter la preuve de la mort cérébrale pour que le certificat de décès puisse être établi, même s'il persiste d'autres manifestations de fonctionnement viscéral. La mort est un « diagnostic » et présente donc des symptômes : mort cérébrale, arrêt du cœur, arrêt circulatoire, diminution de la température jusqu'à la température ambiante, installation de rigidité puis de lividités cadavériques, apparition de plaque rouge violacé sous la peau aux régions déclives (inclinées). Après avoir acquis la certitude de la mort, le médecin légiste doit rechercher sa cause. Immanquablement, on est tous au moins une fois dans sa vie confronté à la mort – c'est-àdire au moins la sienne. La mort peut être plus ou moins violente, acceptable, traumatisante,.... Dans tous les cas, il faudra adopter une attitude respectueuse vis à vis du mort. C’est un facteur de réconfort notable pour la famille ou son entourage, en plus des paroles ou simplement la présence du soignant. Il faut nommer la mort et, si cela est l'attente des proches, parler la mort, le décès, la vie, la fin, le deuil,... Il convient d'isoler et de recouvrir le corps en l'absence des proches afin de ne pas exposer plus l'intimité de leur douleur. Cela permet aussi de se détacher des effets de répulsion ou de fascination que la mort peut exercer. Les soignants pourront être source de réconfort ou cibles d'agression : dans ce dernier cas c'est la douleur qui parle, et souvent la projection de ce que l'on ressent pour soi-même. Toujours observer le plus grand respect de ces attitudes qui peuvent parfois être choquantes (voir 2.2 : symbolisation). C. Enjeux psychiques a) Comportement d'adaptation et/ou défensif D'un point de vu psychique, on fait quelques expériences : sommeil, petite mort, adolescence (mort de l'enfance), crise identitaire et psychique,... Mais la mort n'a pas de représentant symbolique, pas de métaphore (c'est pour cela qu'on tente de se la représenter avec la faucheuse, le squelette, les zombis, les fantômes,...). L'inconscient ne connait pas la mort. On ne connait la mort que par son aspect organique et par les témoignages de « revenants ». Cela veut dire que l'on est conscient de la mort et de notre terme mais qu'on ne peut se le représenter. Le temps (donc la mort) n'est « visible » que par le corps en son involution préparée par l'évolution. Ceux qui restent sont éternellement vivants pour celui qui meurt. La plupart du temps, nous avons tendance à faire comme si la réalité de la mort n'existait pas ou ne nous concernait pas. Pourtant, c'est une question qui nous touche tous directement. Du fait que nous sommes vivants, nous sommes voués à mourir tôt ou tard, d'une mort définitive. C'est un Développement psychologique de l’enfant et de l’adolescent 5 3 des paradoxes les plus troublants de notre existence et probablement la réalité la plus révoltante qui soit. Nous recevons une seule vie dont la durée est limitée mais inconnue et dont la fin est inéluctable, irrémédiable et définitive. Certains tentent d'éviter ou de nier la mort (du moins l'inéluctable quand on sent la fin d'un proche) : on fait survivre les morts par différents rites (anniversaires, memoriam, parler aux photos,...) ; on parle d'un au-delà, elle ne serait donc pas définitive (réincarnation, nirvana, enfer/paradis/purgatoire) ; on dédramatise en disant que c'est naturel (hyper-rationalisation) ; on croit qu'elle peut se contrôler (antirides, cryogénie, réanimation, voire suicide...). La mort est une expérience (normalement) unique : on ne fait qu'une fois le voyage sans vraiment savoir que faire (contrairement à un instinct animal). Vie et mort sont les deux réalités d'une seule et même face (Cf. bande de Moebius). Dans toutes les civilisations alors qu'on a du mal à imaginer la mort, on s'y prépare par des rites (culture, culte, convictions personnelles ou sociales,...). Aujourd'hui on vit la mort beaucoup plus dramatiquement qu'avant parce qu'on n'y est plus du tout préparé : bien au contraire, on repousse l'âge des retraites, l'âge d'apparition des premières rides, des premières arthroses,... mais comme il s'agit d'énormes variables, on connait encore moins l'échéance. On peut mourir de tout et n'importe quoi et vu que la vie se rallonge, l'espérance de vie aussi ainsi que la « fourchette » d'assaut de la mort. Espérance de vie : hommes 77,8ans ; femmes 84,5ans ; mortalité infantile 3,6 pour mille. Dans certains pays aujourd'hui il est l'équivalent de la France d'il y a un siècle. La mort fascine et angoisse tout le monde : les gens en sont simplement plus ou moins conscients, ou arrive plus ou moins à gérer et sublimer leur angoisse. b) Symbolisation de la mort Le deuil et le rite funéraire sont universels et visent à perpétuer la mémoire du mort et faciliter son passage du monde des vivants à celui des morts (aussi et surtout pour les vivants !). Selon les croyances, de la qualité de la vie va dépendre le sort du défunt dans l'au-delà. D'un point de vue religieux, la mort est la séparation de l'âme du corps, marquée par le passage du temps à l'éternité. Religions : seul le corps meurt. Personnification pour donner un contour et humaniser, dédramatiser ou se défendre. Mort : naturelle, danger, acceptée ou niée, souffrance ou apaisement. En tout cas c'est elle qui donne sa valeur à la vie.... La mort est une situation traumatogène (potentiellement traumatisante) qui s'accompagne toujours d'angoisse. Le travail de deuil est une des premières réactions psychiques défensives mises en place socialement mais vécues singulièrement. Diverses attitudes à l'annonce du décès et après sont possibles : elles sont naturelles et ne témoignent pas d'une pathologie mais d'une détresse psychique et émotionnelle normale, de durée et d'intensité variables. Chez les proches ou les soignants, l'angoisse peut se révéler de manière différente d'une personne à l'autre, d'un temps à l'autre. La perte de connaissance est une fuite psychique devant une situation insupportable. Le refus ou le déni servent également à se préserver d'une détresse psychique. Développement psychologique de l’enfant et de l’adolescent 5 4 L’incompréhension, la confusion voire l'incohérence (qui peut s'apparenter à un événement délirant) : la situation n'a pas de sens et déborde les capacités d'assimilation, d'appréhension par le système représentationnel. La colère, l'agressivité qui sont normales, sont une extériorisation de quelque chose d'intérieur insupportable, intenable. Attention aux reproches que l'on pourrait avoir en retour, car bien souvent les personnes oublient cette phase ou s'en sentent honteux et coupables. La culpabilité est souvent de manière inconsciente et latente cause de la colère. C'est quand cette dernière se calme que la culpabilité se fait entendre. La tristesse verbalisée témoigne du fait que l'événement commence à être accepté, du moins dans sa survenue (c'est arrivé, il faut faire avec). La réalité commence à être entrevue et envisagée dans la prospective aussi (la vie continue). C'est à ce moment qu'un travail d'accompagnement par un professionnel de la psyché peut s'envisager (avant intervention ponctuelle en cas de difficultés). C'est une mélancolie qui s'exprime le plus souvent : la personne investi psychiquement le lieu de la perte (repère identificatoire), ne peut qu'éprouver et vivre de ce manque impossible à combler. L’acceptation que la vie continue et sans la présence physique de l'être perdu. La stabilisation qui passe souvent par une modification du rythme de vie, puisqu'il aura fallu se construire de nouveaux repères. L'événement s'inscrit dans le passé et dans l'histoire. 2. FIN DE VIE A. L'environnement hospitalier L’isolement est une condition particulièrement difficile pour tous mais surtout pour l’enfant. Les services et soignants devront tenter, autant que faire se peut, de proposer différentes activités visant un maximum d’échanges sociaux, intellectuels mais aussi ludiques par les contes, les clowns,... faire en sorte que la vie soit la plus « normale » possible pour les enfants. Ne jamais oublier que tant que la personne est vivante, elle a encore une vie psychique ! Un enfant même mourant, est en cours de développement psychologique et physique, mais avec troubles et altérations. La blouse, uniforme indispensable dans la plupart des lieux de terrain, est une sorte de dépersonnalisation (défense nécessaire pour le soignant et sa survie psychique) mais il faudra penser à le « compenser » par des gestes, des attitudes et des paroles humanisantes et humanistes (en parlant à une personne malade et non à un malade, en tant que personne qui soigne et non comme un soignant). L'uniforme « uniformalise » mais également rassure : elle sera donc source d'angoisse et de sécurité. Ce qui est capital dès le départ c’est la question de l’adaptation au monde hospitalier, à l’équipe soignante, au vocabulaire médical dont on ne peut faire l’économie mais qu'il faudra « vulgariser ». Les parents et soignants emploient souvent un jargon médical pour mettre des mots sur l'indicible et mettre à distance l'angoisse et la douleur de la perte. Le soignant n'échappera pas au désir de guérison qui peut-être une excellente chose dans la plupart des cas mais qui peut entraver aussi le travail de deuil que certains peuvent commencer avant l'échéance. Développement psychologique de l’enfant et de l’adolescent 5 5 B. Suicide et euthanasie Il est difficile de parler de suicide pour l’enfant qui n’est pas encore dans l’adolescence. En effet, si c’est à 8 ans environ qu’il peut concevoir la mort comme irrévocable et universel, il ne la considère pas encore comme concept, comme l’arrêt de la vie, de la pensée,…. Il entre à peine, à cet âge, dans la rationalisation et il va donc questionner la mort plus que l’appeler ou la convoquer psychiquement. L’enfant ne pense pas à ne plus revenir quand il fait l’expérience du suicide (ou de la mort accidentelle comme dans le jeu du foulard), ou à en finir avec la vie. On peut plutôt supposer que c’est une manière pour lui de « couper » avec un affect désagréable (peur, angoisse) voire d’imposer un chagrin aux adultes au moins aussi grand que celui qu’il peut ressentir ou qu’il craint (peur de se faire gronder ou de décevoir ses parents). L’intentionnalité est donc importante mais également la conception que l’on se fait de la mort, et la définition que l’on donne au suicide. Du côté des parents, c’est un acte incompréhensible et d’autant plus culpabilisant que les parents se sentent et sont (moralement et légalement) responsable de leur enfant et donc de sa survie. Le choix et la responsabilité de l’enfant quant à son acte est très difficile à discerner mais il faut l’envisager. De même, détecter l’intention de passage à l’acte chez l’enfant est quasiment impossible puisque l’enfant n’est que très rarement prévisible dans la gestion et la canalisation de ses pulsions et angoisses : il est encore en pleine construction, en plein apprentissage de lui-même. Il est donc important que l’enfant puisse être écouté dans ses angoisses et détresses sans que celles-ci soient minimisées (dédramatiser n’est pas minimiser ou mépriser) ; l’aider à la mise en mot (pour éviter la mise en acte). Il est impératif également que l’enfant soit familiarisé avec la notion de mort et qu’il puisse se la représenter comme « ennemie » puisque source de souffrance et limitante. Il faut que l’enfant se sente assez en confiance pour solliciter au moins un adulte de son entourage, source de confiance, s’il a besoin d’exprimer ses inquiétudes, appréhensions, fantasmes, peurs, détresse,…, mais aussi tous les affects positifs trop intenses pour qu’il puisse les gérer seul. Le désespoir de l’enfant existe : c’est à nous de lui réapprendre à jouer (au sens de Winnicott : tisser une relation de plaisir et de joie à l’autre de manière à exister, se sentir exister et de manière positive). On peut donc questionner la qualité de communication entre l’enfant et son entourage. ATTENTION : communication n’est pas relation. L’enfant peut avoir une relation saine et équilibrée avec ses parents mais n’être pas « sur la même longueur d’onde » ce qui peut causer des incompréhensions. Il ne faut pas oublier non plus que souvent les références des enfants sont les héros de dessins-animés qui peuvent mourir mais ressusciter, chuter de falaises mais survivre, le paradis et l’enfer sont alors dépeints de manière humoristique…. Les contes (dans leur version originale le plus souvent, selon le degré de tolérance de l’enfant mais surtout du parent…) peuvent aider l’enfant à se représenter la mort (des dessins animés comme Le Roi Lion ou Bambi peuvent également soutenir l’enfant dans sa représentation de la mort comme d’une ennemie). L’enfant n’a pas encore conscience du danger. L’euthanasie est toujours interdite en France. Par contre, la cessation d’acharnement a cours et consiste en la suppression plus ou moins progressive de la médication et des appareils qui maintiennent en vie. Seuls des antalgiques seront prescrits mais la mort reste « naturelle », n’étant pas provoquée. Là encore, les parents sont dans une responsabilité et une culpabilité intenable. Le choix de Sophie auquel ils sont confrontés peut être un véritable supplice pour eux, donc pour l’enfant : le laisser souffrir ou prendre la décision de le voir mourir. Développement psychologique de l’enfant et de l’adolescent 5 6 Cette difficulté peut toucher tous les adultes, même les soignants car il y en aura toujours au moins un (c’est-à-dire une part de soi-même) pour espérer, croire,… ce qui rend impossible toute rationalisation. La loi Leonetti vise à limiter l'acharnement thérapeutique. Elle repose sur une éthique fondée sur l'acceptation de la mort et exprimée par la formule « Laisser mourir sans faire mourir ». Elle confirme et codifie des pratiques existantes, comme l'absence d'obstination déraisonnable ou le droit au refus de soins. Mais encore une fois, ce seront les parents qui auront à décider, décision qu’il faudra accepter et plus, il faudra soutenir les parents dans la prise de décision et pendant son application. Très souvent, l’enfant exprime une certaine volonté, qui est parfois difficile à entendre et à comprendre puisque les adultes ne se représentent pas les choses de la même façon que les enfants. Tout sera donc à interpréter : l’enfant qui dit « je suis trop fatigué, je veux dormir maintenant » peut exprimer une fatigue psychique, physique, un souhait de se reposer ou une incapacité à lutter, ou souhait à renoncer ou au contraire un témoignage de vie. Très souvent encore, c’est l’enfant qui rassurera le parent, puisque le recours à l’imaginaire donc à l’apaisement par la pensée magique (qui a des effets dans la réalité) est pour lui plus facile. De plus, l’amour qu’il ressent pour ses parents le pousse à leur éviter toute souffrance qui le mettrait inévitablement en danger. C. Accompagnement et accompagnants L'accompagnement est difficile car il met face à plusieurs choses complexes à gérer : la mort qui renvoie nécessairement à la sienne propre ; le transfert et la projection : nous avons tous vécu un ou plusieurs deuils ; la douleur des parents et le chaos de l'ordre naturel (un enfant qui meurt avant les parents) la douleur de l'enfant de voir ses proches tristes (il peut croire que c'est à cause de lui) l'incompréhension de l'enfant ou le fait qu'il vive dans un tout autre registre selon l'âge : les bébés n'ont pas accès au langage parlé ; les jeunes enfants sont dans un registre imaginaire mais sont pourtant très conscients le plus souvent de ce qui va se passer (ils font souvent preuves d'une force extraordinaire), mais pour beaucoup, ils n'ont pas acquis le caractère irréversible de la mort (d'où les phrases telles que « c'est nous qui te rejoindrons ») ; les enfants construisent à peine leur système symbolique ; les adolescents sont dans une détresse narcissique et commence à se questionner sur la vie et la mort ; les adultes ont des systèmes d'appréhension qui peuvent diverger au cas par cas. Quand on est face à la mort prochaine de quelqu'un, enfant ou adulte, on oscille entre plusieurs tendances : celle de vivre « normalement » ; celle de tenter de s'adapter à la prochaine situation et celle actuelle (changement de rythme et de repères) ; celle de faire « comme si » la mort ne surviendrait pas ou qu'elle était déjà là,... Ces comportements défensifs chez l'adulte sont naturels chez l'enfant : « je ne veux pas », « j'ai vu dans un film que ce n'est pas vrai », « je ne suis pas vieux », de même quand il s'agit de la mort d'un de ses proches. Les parents s'expriment le plus souvent avec des mots, des comportements, les enfants avec le jeu, le dessin,... Il faut être attentif aux attentes des uns et des autres (intimité, soutien, « changer les idées », se confronter à l'inéluctable ou la possible échéance...). La maladie n'est pas la mort : attention donc à ne pas « traiter » l'autre comme un corps, comme un condamné,... mais ne pas trop prospecter non plus. Il faudra rassurer la personne en fin de vie sur comment ses proches se comporteront (aide, soutien,...), se rappelleront d'elle, et tenter d'entendre ce qu'elle pense de l'avenir, de ses inquiétudes et ses angoisses. Ne pas mentir, par exemple, en cas de coma (ne pas hésiter à dire je ne sais pas mais sait-on jamais). Développement psychologique de l’enfant et de l’adolescent 5 7 Une des difficultés est de passer outre nos propres résistances et réticences par rapport à ce que l’autre nous dit : la maladie, la solitude, la douleur, la mort … La souffrance d’une personne et en l’occurrence ici d’un enfant tient souvent de l’inaudible autant que de l'insoutenable. Ce qui importe, c’est l’écoute continue du début à la fin, peu importe son issue. Il faut continuellement « jouer » au sens de Winnicott avec l'enfant en deuil, malade ou séparer d'un proche en fin de vie. L’enfant ou la famille n’abordera pas forcément la question de la maladie directement, souvent il passera par des détours assimilables à des mouvements défensifs. Il est important de pouvoir les pointer et tenter de les contourner ensuite, et ce pour faciliter l'acceptation et le travail de deuil qui risque d'apparaître (la mort peut être partielle, rappelez-vous). La mise à distance est très difficile à opérer avec les enfants. Attention, ils ont déjà leur lot de galères, inutiles d'en rajouter avec des choses qui ne seraient pas authentiques ou exagérées. Un travail sur soi (quotidien) est nécessaire pour faire face à ces situations. La mise à distance ne signifie pas ne rien montrer, ne rien ressentir, mais il faut agir avec humanité et professionnalisme. Si une situation est trop difficile, passer le relai et parlez-en. Sentiments d'impuissance, d'inutilité, de culpabilité, de trop ou pas assez de distance,... seront à questionner et à replacer dans le contexte situationnel et personnel. Autre situation difficile, celle de la douleur, surtout quand son intensité ou sa diminution fait craindre pour la vie de la personne. Il faut déceler et apaiser la douleur, qu'elle soit physique ou morale. Il faut soi-même un tant soit peu accepter l'inévitable de la mort et la mort elle-même afin que d'autres puissent se reposer sur nous. Accepter ce n'est pas être indifférent, de ne pas avoir peur ou d'être fataliste, mais c'est accepter la castration, de n'être pas tout-puissant et de ne pas tout savoir. Le terme n'est jamais prévisible, seulement envisageable. Dans ces situations, on ne peut faire l'économie de ses affects, de ses expériences, de l'autre. Oppenheim D., L’enfant face à sa mort possible, Vie sociale et traitements 2006/2, N° 90, p. 62-67. La mort est pensée et vécue de façon différente selon les situations, l’âge, les insertions sociales, les repères culturels ou religieux, etc.. Leur connaissance est nécessaire pour comprendre les pensées, les fantasmes, les émotions, les comportements, les attentes de l’enfant, et pour pouvoir l’aider à apprivoiser la confrontation à sa mort possible et rester lui-même. La mort est d’abord le moment de mourir, avec ses aspects physiques, relationnels, sociaux, mais aussi le vide, l’inconnu qu’il essaie d’imaginer, de fantasmer. L’enfant face à la mort cherche à l’imaginer, à se la représenter pour qu’elle ne reste pas un inconnu effrayant. Ses fantasmes, son imaginaire sont en rapport avec son histoire, sa psychopathologie mais aussi avec la culture de la société dans laquelle il vit. Il cherche à imaginer son devenir dans la vie de ses proches pour que la mort ne soit pas impensable (ainsi que ceux qui sont marqués par le sceau de la mort). La déformation de la maladie ou du traitement peut faire dire des « je ne le reconnais plus, ce n'est plus lui »... c'est un « petit deuil » ou un « deuil préliminaire ». Beaucoup d'enfants poseront des questions comme qui fait mourir, pourquoi, comment on fait pour revivre,... autant de questions dont on n'a pas forcément les réponses. Il faut veiller à ce qui précède à savoir l'appartenance culturelle, sociétale, religieuses, sociale, familiale,...etc. N'aller pas parler de paradis à une famille non croyante et réciproquement ! Vous pouvez poser la question (pas de manière brutale) par exemple en vous servant de légendes ou de mythologies... Face à sa mort possible, l’enfant cherche à rester actif, même dans des limites étroites, craint la passivité (la passivité absolue est une des figures de la mort), veut préserver sa part de liberté, de surprise (jusqu’au dernier moment, tout peut arriver, comme par exemple l’émotion d’un père habituellement excessivement contrôlé), de choix (même sur un détail en apparence dérisoire, dont Développement psychologique de l’enfant et de l’adolescent 5 8 le sens est à décrypter pour que sa demande ne soit pas prise pour un caprice ou une révolte incompréhensible et inadéquate). La mort fait perdre ses signes identitaires corporels et psychiques : il faudra alors servir de repères et rappeler les siens propres aux personnes touchées. La mort est considérée de moult façons : moment, force, continuum, rupture, néant,... mais elle est toujours un mystère et une inconnue. Elle évoque des questions d'ordre métaphysique, philosophique, parfois même ésotérique. Des questions qui appellent non à des réponses mais à des échanges avec l'autre (ce qui nous rappelle à la vie). La mort des nourrissons est difficile pour le parent (surtout les morts nés ou post-partum) notamment par une attitude (souvent inconsciente) découlant de la pensée (elle aussi inconsciente) que s'il n'y a pas vie (ex utero, la seule « visible »), il ne peut y avoir de mort. Le deuil de l'enfant imaginaire et idéal est encore plus difficile pour la mère. Le nombre de couples se séparant après le décès d'un enfant est relativement considérable. (Cf. les premiers cours sur le désir d'enfant et la grossesse). La mort du fœtus (volontaire, accidentelle ou pathologique) est une mort et le(s) parent(s) auront à en faire le deuil. L’enfant mort-né peut être déclaré à l'état-civil comme « enfant né sans vie » parfois inscrit dans le livret de famille. La naissance est un antonyme de la mort (en tant que terme), on voit bien comment cela peut être difficilement vécu et surtout que cela n'aide pas à faire son deuil, lorsque la mort précède la naissance. Il est important selon certains professionnels de prénommer et nommer l'enfant même si cela n'est fait que de manière « informelle ». Ainsi, c'est bien quelqu'un et non un enfant imaginaire qui a existé et qui est mort. Également observer le même respect, voire les mêmes rituels si cela est possible, que pour un enfant décédé « légalement » né. Il faudra apprendre à jongler entre silences de soutien et paroles réconfortantes surtout en fonction des attentes de la personne en fin de vie et des proches nouvellement endeuillés ou sur le point de l'être. Petite Bibliographie Bonnet Gérard, Les mots pour guérir Bettheleim, La psychanalyse des contes de fées Deville A, Goy-Kreitmann M, Pesce A, Soler Ch. Comment les enfants ont peint le monde Dolto, F. L’image inconsciente du corps Nasio, le corps et ses images Osterrieth P.-L. : initiation à la psychologie de l'enfant (psychologie du développement). Winnicott, D. Jeu et réalité
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