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D E S T I N AT I O N
D E S TIN ATION
Patrimoine exceptionnel
Urgence de la réhab ilitation du Ksar Taghit
Redonner au Ksourien un espace où il exprime toute la beauté de sa vision du monde, créer
les conditions pour que ce patrimoine exceptionnel puisse transmettre ses enseignements et ses
richesses aux populations d’aujourd’hui, telle est la mission que s’est donnée la Fondation des
Espaces Ksouriens. Taghit est une commune de la wilaya de Béchar située à 93 km au sud-est du
chef lieu.
Urbanisme,
fruit
situation privilégiée
Ph DR
Y
ounès Maïza et Tarek
Benmohamed sont architectes.
Ils ont créé la Fondation des
Espaces Ksouriens, ces villages en
terre situés dans les oasis du Sud de
l’Algérie.
Taghit se situe au sud-ouest de
l’Algérie, dans la vallée de la
Saoura. Son espace territorial se
compose de trois ensembles naturels
morphologiquement
différents,
le reg, plateau rocailleux, l’erg
occidental, vaste étendue de dunes de
sable, et une dépression qui traverse
longitudinalement cet ensemble,
séparant l’erg du reg..
Ancien village fortifié, le ksar de
Taghit est bâti sur la pointe de
l’éperon rocheux qui tombe à pic sur
l’oued Zousfana. Les habitations en
architecture de terre y sont groupées
dans un enchevêtrement paraissant
à première vue inextricable, au
milieu duquel la mosquée dresse son
minaret. On pénètre dans le ksar par
une unique porte qui s’ouvre dans sa
partie haute, nous entraînant dans un
dédale de ruelles qui se faufilent entre
les maisons, montant, descendant,
changeant brusquement de direction
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selon les caprices du sol et le génie des
bâtisseurs.
Certains passages sont entièrement
couverts ; il y règne souvent une
obscurité garante de l’intimité des
lieux. Un espace un peu plus large
dénommé Rahba, lieu d’expression,
de fête et de réunion, sert d’élément
régulateur du ksar et du groupement
humain.
Le ksar donne une impression de
densité et d’unité par le regroupement,
confortée par l’existence d’un rempart.
Ph DR
Ph DR
d’une
Ces ksour de la Saoura, jusqu’à ceux
du Touât et du Gourara, produisent une
espèce de fascination, de la séduction
exercée sur le simple touriste à
l’intérêt passionné de l’anthropologue,
de la quête de l’historien à l’enquête
du géographe arpentant les espaces
solitaires de l’erg occidental, des
investigations du sociologue qui
scrute une société pétrie par l’eau et
le sable, à l’architecte perplexe devant
l’harmonie d’un habitat ocre sorti
de terre et tranchant sur le vert de la
palmeraie. Cet urbanisme est le fruit
d’une situation privilégiée. Autrefois,
les oasis de la Saoura, du Gourara et
du Touat étaient situées sur les voies
de communication transsahariennes
qui structuraient le territoire, qu’elles
soient commerciales comme les pistes
caravanières du sel et de l’or vers
l’Afrique, ou bien celles des confréries
religieuses reliant l’Afrique du nord
à la Mecque. L’échange des biens et
des idées a suscité une culture unifiée
sur toutes les oasis sahariennes. Les
techniques d’irrigation et des foggaras,
les techniques de construction, les
langues, l’écriture et les coutumes
témoignent d’un art de bâtir et de
vivre tout en cohérence avec le milieu
oasien. Les signes en sont de nos jours
toujours visibles et vérifiables.
Si la valeur et la nécessité de
sauvegarder ce patrimoine, à la fois
conquête sur le désert, adaptation
remarquable à l’environnement et
foyer culturel et de pouvoir, sont
unanimes, la population locale ne
semble malheureusement pas partager
l’émerveillement
que
suscitent
chez ces témoins les ksour et leurs
palmeraies.
Inconscience de jouir d’un privilège,
évolution des habitudes et des
aspirations ou simple usure du temps ?
Redonner au ksourien un espace
où il exprime toute la beauté de sa
vision du monde, créer les conditions
pour que ce patrimoine exceptionnel
puisse transmettre ses enseignements
et ses richesses aux populations
d’aujourd’hui, telle est la mission que
s’est donnée la Fondation des Espaces
Ksouriens.
Younes Maïza n’est plus !
C’était le 23 septembre 2014. Younes Maïza, l’architectemilitant, a quitté brusquement ce bas monde pour rejoindre
le Grand Miséricordieux.
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L
e défunt, connu pour ses compétences, ses nombreuses
qualités humaines et ses travaux dans le domaine
de l’architecture algérienne, a eu à accompagner le
BNEDER dans plusieurs projets, notamment en matière
d’évaluation de la ressource humaine et de management
des projets, souvent à titre gracieux et amical.
En 2001 Benoît Dargent et Michèle Cotten sont invités
par le directeur de l’Ecole d’Architecture d’Oran à une
semaine d’étude sur la politique de Réhabilitation du
Patrimoine en Algérie.
Ils y rencontrent Younès Maïza et Tarek Benmohamed,
architectes-fondateurs de la Fondation des Espaces
Ksouriens. Depuis, ils partagent une même passion pour
un art de bâtir ajusté à l’homme.
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