6| 0123 Samedi 23 mai 2015 | SPORT & FORME | AV I S AU X A M AT E U R S Arcachon, le spot devenu repaire des jeunes surfeurssauveteurs prix « le monde » faisnous rêver Montés sur leurs« rescue boards», les jeunes du Sauvetage côtier du lycée Condorcet apprennent davantage qu’à éviter la noyade des plaisanciers : le dépassement de soi, le respect et l’entraide Les apprentis maîtresnageurssauveteurs en plein exercice sur la plage Pereire, mercredi 15 avril à Arcachon. FRÉDÉRIC DESMESURE/SIGNATURES POUR « LE MONDE » vincent dewitte Arcachon (Gironde), envoyé spécial E n ce mercredi 15 avril, à Arca chon, les maîtresnageurssau veteurs de la plage Pereire sont en vacances, mais les combi naisons, palmes et bouées du poste de secours sont de sortie. Un record de température a été battu la veille, et les 30 °C du jour incitent à la bai gnade. Le regard rivé vers l’île aux Oiseaux et, plus loin, le cap Ferret, Sophie Gallino fixe une quarantaine d’adolescents surex cités. « C’est le retour des beaux jours, c’est chouette ! Mais l’eau est à 12,5 °C seulement, et le risque, aujourd’hui, c’est l’hydrocution. Alors on respecte les règles de sécurité ! » Chaque mercredi, l’association sportive Sauvetage côtier du lycée Condorcet d’Arca chon entraîne dans ses filets physiques et civiques une vingtaine de filles et garçons de trois établissements scolaires du Sud Bassin. Proximité de l’océan oblige, beau coup font du surf – l’option existe même au bac. Mais leur « géniale » professeure d’éducation physique et sportive, Sophie Gallino, a davantage séduit en leur offrant de « s’insérer dans la société en apprenant à sauver les autres, avec un surf ». Le sauvetage côtier sportif est une disci pline née au début du XXe siècle à Manly Beach, en Australie, sous le nom de surf life saving. En apportant cette activité il y a dix ans à Bègles, dans la banlieue bordelaise, cette Landaise, alors exposée aux fortes dif ficultés scolaires et sociales de certains élè ves, a très vite vérifié que « le volet sportif du sauvetage emporte avec lui dépassement de soi, respect, entraide et solidarité ». Cette fille de maîtrenageursauveteur a d’abord ramé seule, avec les moyens du bord. Malgré quelques vents et marées contrai res, l’enseignante du second degré a su con vaincre que « le sauvetage responsabilise et favorise la confiance en soi, tout en dévelop pant l’esprit de coopération plutôt que d’op position ». « La confrontation avec ce milieu hostile apprend aussi l’humilité », explique depuis l’eau glaciale du bassin Pereire l’as sistant d’éducation François Pitard, pre mier partenaire de l’aventure côtière. Aux premières loges de l’enseignement ouvert cet aprèsmidilà à une dizaine de collégiens, Cathy apprécie tout autant. « Je vois certains élèves changer, assure cette professeure d’économiegestion. C’est beaucoup moins individualiste que le surf. Ici, on ne rame pas pour ramer et on ne court pas pour courir. C’est vraiment inté ressant pour le développement de leur per sonnalité. » De l’individuel au collectif, l’association sportive saluée en janvier par l’Agence Les collèges récompensés Il y avait de l’ambiance, mercredi 20 mai, à l’auberge de jeunesse YvesRobert dans le 18e arrondissement de Paris, pour la remise des prix du « Défi collé giens ». Organisée par l’Agence pour l’éducation par le sport (Apels), en parte nariat avec le ministère de l’éducation nationale, l’UNSS et Le Monde, cette deuxième édition a récompensé cinq établissements. Deux grands prix ont été attribués au collège GabrielRosset de Lyon pour son tournoi de basket « La Coupe des 4 maisons » et au collège GeorgesPolitzer de La Courneuve (SeineSaintDenis) pour son projet « Vélocités », qui va emmener une classe de Paris à Bruxelles avec des étapes liées à l’histoire de la première guerre mondiale. Trois prix nationaux ont été décernés au collège Blaised’Auriol, à Castelnaudary (Aude), pour « La rigole ce n’est pas de la rigolade », initiative également à vélo autour de la rigole qui alimente le canal du Midi ; à l’établis sement parisien La GrangeauxBelles pour « Je boxe comme je danse et je danse comme je boxe », spectacle qui mixe la boxe et la danse, les garçons et les filles ; et au collège NelsonMandela, à Elbeuf (SeineMaritime), pour « Faire comme les filles », projet vidéo qui vise à déconstruire les stéréotypes sur la place des filles dans le sport. Le jury, présidé par l’exfootballeur Johan Mi coud, a également récompensé deux établissements allemands, à Gütersloh et à Berlin, en collaboration avec l’Office francoallemand pour la jeunesse. pour l’éducation par le sport (Apels) con centre ses efforts sur la prévention des noyades en milieu naturel. A Arcachon, où un collégien est mort devant ses copains en sautant d’une jetée, en 2009, tous les élèves de seconde bénéficient désormais d’une journée de sensibilisation aux dan gers de la baignade et aux conduites à ris « Le sauvetage responsabilise et favorise la confiance en soi, tout en développant l’esprit de coopération plutôt que d’opposition » sophie gallino professeure d’EPS au lycée Condorcet ques. « C’est bien, mais ce devrait être obli gatoire partout, y compris à l’intérieur des terres. Cela pourrait vraiment permettre de sauver des vies », estime la fondatrice de l’association, qui doit justement former des professeurs de gym de toute la France, à Arcachon, fin mai. Qui dit milieu naturel dit aussi éducation au respect de l’environnement. Le 20 sep tembre 2014, les Arcachonnais ont marqué les esprits en traversant « leur » bassin sur leurs rescue boards, ces longues planches australiennes utilisées pour le sauvetage en milieu aquatique. Le défi était lancé par les rameuses françaises de Cap ou pas cap, qui ont depuis rejoint le cap Horn en paddleboard. Les lycéens au grand cœur l’ont relevé avec la manière, en collectant un maximum de déchets, devant les camé ras et devant les élus. Les plus motivés replongent en club cha que samedi. Un championnat du monde existe depuis 1994. Mais si ces enfants de l’Atlantique se jettent à l’eau été comme hi ver, c’est surtout avec l’espoir de décrocher un bonus au baccalauréat. Un 16 sur 20 mi nimum est par exemple assuré à Rodrigue et Léna, champions de France Union natio nale du sport scolaire (UNSS) 2014 de beach flag, l’une des quatre épreuves du sauve tage côtier. La prime aux meilleurs sportifs revient aux arbitres les plus rigoureux, obligatoires dans chaque équipe. « J’ai es sayé en tant que sauveteur mais je n’avais pas le niveau, confie sans rougir Romain, en terminale. L’avantage c’est qu’ici l’inté gration se fait tout de suite. Et puis c’est inté ressant à mettre sur un CV. » Autre grand intérêt, l’association permet à ces filles et garçons de 15 à 18 ans de pas ser le brevet de surveillant de baignade ou le brevet national de sécurité et sauvetage aquatique, avec, à la clé, d’éventuels em plois. Cet été, cinq jeunes du bassin sur veilleront par exemple le parc Aqualand d’Arcachon. Envié de tous, Charles rejoin dra, lui, le poste de maîtrenageursauve teur de Seignosse Le Penon, spot de surf mythique au nord d’Hossegor. Depuis le pavé de la plage Pereire, un grand gaillard en short et teeshirt ne perd rien de l’entraînement. « Le sauvetage cô tier m’a vraiment aidé à me tourner vers les autres », raconte l’ancien rugbyman de venu éducateur. Après deux ans de prati que, Loïs, 22 ans, a monté un projet de sau vetage adapté à des résidents handicapés mentaux. « Je ne l’oublierai jamais, se rémé moretil. Dans ce projet, c’était nous, vali des, qui étions les victimes, et eux, handica pés, qui venaient nous sauver. C’est ça, l’es prit sauveteur ; c’est l’autre avant tout. » Pour ajouter un peu de piment, l’impul sion associative, aujourd’hui bien ancrée à Arcachon, brille depuis l’an passé dans un championnat de France UNSS. Pour la pre mière édition, à Hossegor (Landes), les jeu nes Arcachonnais s’étaient inclinés devant des Bayonnais. Ils viennent de prendre leur revanche régionale, le 6 mai à Hen daye (PyrénéesAtlantiques). Et tous parti ront « ultramotivés » pour les finales natio nales des 27, 28 et 29 mai, à Dinard, en Ille etVilaine. « En matière de sauvetage, on ne parle pas de compétition mais de rencontre, précise Sophie Gallino. Cela n’a l’air de rien, mais ça change tout… » Cette initiative concourt au prix « Le Monde » Faisnous rêver, qui vise à récompenser un projet d’éducation par le sport. Pour en savoir plus : Apels.org
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