synthèse et routage des protéines chez les eucaryotes

SYNTHÈSE ET ROUTAGE DES PROTÉINES CHEZ LES EUCARYOTES
I) Problématique du routage
1.1. Conséquence de la compartimentation et de la polarité cellulaire
Chez les bactéries le nombre de compartiments distincts et très limité :
- le hyaloplasme
- la membrane plasmique
- la paroi
La survie des bactéries ne semble pas nécessiter la mise en place d’un système élaboré de
distribution de protéines.
Les cellules eucaryotiques sont constituées d’un grand nombre de compartiments
spécialisés. Ces compartiments sont constitués de protéines et délimités par au moins une
membrane. À cette compartimentalisation s’ajoute la polarisation de cellules, ex : cellules
exocrines pancréatique / terminaison synaptique.
Où s’effectue la synthèse des protéines ? Comment va s’effectuer le routage des protéines ?
1.2. Lieu de synthèse protéique chez les eucaryotes
Les cellules peuvent avoir 3 types de génomes différents :
- l’ADN nucléaire
- l’ADN mitochondrial
- l’ADN chloroplastique
 3 types de ribosomes et 3 lieux de synthèse différents
Le hyaloplasme est le lieu de l’expression des gènes nucléaires. Pour les deux autres types
d’ADN, l’expression s’effectue dans les organites. La petite taille de l’ADN mitochondriale et
chloroplastique ne permet pas de coder pour l’ensemble des protéines nécessaires au bon
fonctionnement de ces organites.
Il y a besoin d’un apport de protéines issues de l’ADN nucléaire. La majorité des protéines
produites dans ces organites servent essentiellement à leur propre élaboration. Le problème de
routage concerne exclusivement les protéines issues de la traduction des gènes nucléaires :
hyaloplasme → les différents organites.
1.3. Différents modes de transfert des protéines d’un compartiment à un autre
Passage à travers les pores : mitochondries et noyau
Franchissement direct de membranes : besoin de protéines spécialisées et déjà
localisées dans la membrane, on distingue transport co-traductionnel et transport posttraductionnel (protéines chaperonnes).
Mise en jeu de la vésicule : bourgeonnement et fusion des membranes
 transfert du contenu et du contenant
 problème de spécificité et de recyclage
1.4. Principales méthodes expérimentales mises en œuvre dans l’analyse du
routage
1.4.1. Expérience de pulse chase associé à l’autoradiographie
Des cellules vont être mises en présence d’acides aminés radioactifs, au bout de 10 minutes
on lave pour éliminer l’excès d’acides aminés non incorporés, puis on met les cellules en
exposition en autoradiographie.
Après 5 minutes, on aura un marquage localisé essentiellement au niveau du RE, ce qui
permet de localiser le lieu de synthèse.
Dans les temps supérieurs, on aura ensuite la localisation de Golgi puis les vésicules
contenant le matériel radioactif avant que celui-ci soit sécrété, on peut ainsi suivre le trajet.
1.4.2. Méthode de fractionnement cellulaire associé à des techniques
biochimiques : chromatographie, électrophorèse
1.4.3. Immunocytochimie
Elle nécessite la présence d’Ac couplés à des particules fluorescentes. Si l’Ac est dirigé
contre la protéine étudiée, il suffit juste de le faire rentrer à l’intérieur de la cellule. On
observe la localisation de la fluorescence pour en déduire la localisation de la protéine
d’intérêt.
1.4.4. Génie génétique
On emploie les protéines GFP (Green fluorescent protein), on n’a pas d’Ac à disposition.
On fait une fusion au niveau de l’ADN entre l’ADNc et la GFP, ce qui va permettre à la
protéine synthétisée d’être fluorescente. La construction ADNc-GFP va être incluse dans un
plasmide et l’on va pouvoir suivre le trajet de la protéine synthétisée sans tuer la cellule, par
vidéomicroscopie.
II) Synthèse et devenir des protéines produites au niveau du cytoplasme
2.1. Principe du routage post-traductionnel
Cette synthèse protéique s’effectue sur les ribosomes libres.
Ces protéines seront ensuite dirigées vers les compartiments ciblés : routage posttraductionnel.
Quatre destinations majeures :
- hyaloplasme
- noyau
- organites semi-autonome (mitochondries, chloroplastes)
- peroxysome
Les protéines restent dans le hyaloplasme par défaut car elles ne possèdent pas de
séquences d’adressage, ex : les enzymes solubles du métabolisme énergétique, les protéines
du cytosquelette…
Les trois autres destinations utiliseront des systèmes nécessitant la présence :
- d’une séquence signale portée par la protéine à transporter
- d’un récepteur porté par la membrane la plus externe de l’organite
- système de canaux créés par des protéines formant un tunnel membranaire
Ces protéines devront être débobinées grâce à des protéines chaperonnes afin de permettre
leur transfert :
- besoin d’ATP
- système assez rapide : ribosome à organite en 2 à 3 minutes
2.2. Routage des protéines vers le noyau
Très nombreux échanges entre le hyaloplasme et le noyau. Les protéines intervenant dans
les activités nucléaires incluent :
- polymérase (ADN et ARN)
- maturation des transcrits
- structure de la chromatine
- protéines de régulation
L’exportation des particules ribonucléoprotéiques implique :
- ARNm
- ARNt
- sous unité ribosomique
2.2.1. Mise en évidence expérimentale
Modèle : ovocyte d’amphibien (cellule géante)
Protéine étudiée : nucléoplasmine (pentamère/nucléaire)
On a purifié de la nucléoplasmine qui a été marquée radioactivement puis injecté dans
hyaloplasme ou nucléoplasme. Quand elle est injectée dans le hyaloplasme, la protéine se
dirige très rapidement vers le noyau, si elle est injectée dans le noyau, la protéine n’en ressort
plus.
On a réalisé ensuite une digestion partielle de la nucléoplasmine par protéolyse suivie
d’une purification. Quand la tête globulaire est injectée dans le hyaloplasme par
microinjection, elle y reste, quand on y injecte la queue, elle migre dans le noyau.
Ces expériences démontrent que :
- passage de la protéine du hyaloplasme vers le noyau ne se fait pas par diffusion
- présence de complexes pores nucléaires permettant spécificité du passage
- présence de séquences spécifiques d’adressage
Des comparaisons de séquences sur les protéines à localisation nucléaire ont permis de
définir une séquence permettant ce transfert : séquence NLS (Nuclear Localisation Signal) de
5 à 10 aa, en général une proline suivie de 4 à 5 aa basique (argine, lysine), cette séquence
peut être continue ou interrompue.
Exemple de séquence NLS : antigène T du virus SV 40. Il suffit de faire une modification
(au niveau de lysine) pour que la NLS ne puisse plus cibler les complexes pores nucléaires.
La fonction de ces pores est double :
- transfert du nucléoplasme vers hyaloplasme
- transfert du hyaloplasme vers nucléoplasme par la présence de séquences NLS
Ces pores sont entre 2000 et 4000 par noyaux.
2.2.2. Structure du pore nucléaire
Complexe protéique de 120000 kDa composé de plusieurs structures :
- deux anneaux (cytoplasmique et nucléaire)
- un réseau central connectant les anneaux
- 16 filaments, 8 du côté cytoplasmique et 8 du côté nucléaire, ils vont jouer un rôle
de site de fixation des protéines et des ARN à transférer
L’ensemble de ces protéines appartiennent à la famille des nucléoporines (30 membres
connus), elles ont une structure en panier de basket. Les molécules de PM < à 40 kDa peuvent
diffuser librement à travers le pore nucléaire, les molécules de PM > à 40 kDa nécessitent un
transport actif.
Cette structure est très conservée au cours de l’évolution.
2.2.3. Import (vers le noyau)
Les séquences NLS sont reconnues par une protéine adaptatrice, l’importine-α (PM 60
kDa), ce complexe va interagir avec le récepteur importine-β (PM 97 kDa) qui se liera aux
filaments cytoplasmiques du pore par le biais d’une séquence riche en Phe et Gly.
Ce processus permet ensuite le transfert du complexe du cytoplasme vers le nucléoplasme
grâce à la présence de séquences riche en Phe en Gly situées sur la nucléoporine Nup 153
(élastique adoptant une structure étirée ou rétractée).
Le complexe receveur/adaptateur est libéré de sa charge par une protéine liant le GTP : Ran
GTP (PM 24 kDa).
Exemple de la protéine Rétinoblastome :
- localisée dans le noyau et jouant un rôle essentiel dans la régulation de la
prolifération cellulaire
- se fixant à l’ADN en présence d’autres facteurs et rendant ainsi les régions
concernées moins accessibles aux ARN polymérases
- empêchant la transcription de gènes qui préparent à la division cellulaire
- supprimant des cancers.
Remarque :
- il existe des protéines à localisation nucléaires ne nécessitant pas d’interaction à
l’importine-α, de même RAN-GTP n’est pas toujours nécessaire au transfert de
protéine via le pore
- il doit exister un système pour ramener les importines du côté cytoplasmique
2.2.4. Export (vers le cytoplasme)
Ces protéines contiennent une séquence NES (Nuclear Export Signal). Cette séquence est
riche en leucine (aa non polaire).
L’exportation s’effectue selon des principes similaires de ceux de l’importation.
L’exportine-1 reconnaît sa charge en présence de RAN-GTP.
Ce complexe se déplace dans le pore en se fixant à des séquences FXFG présent, par
exemple sur Nup 153 ou Nup 214.
Arrivé dans le cytoplasme, le complexe se fixe à un filament cytoplasmique et à RanGAP.
RanGAP hydrolyse le GTP et ainsi conduit à la libération de la charge dans le cytoplasme.
Exemple de la protéine STAT-1, facteur de transcription localisé dans le cytoplasme
- transduction du signal IFNg/récepteur IFNg
- suite à l’activation ce facteur subit une phosphorylation, se dimérise et rentre dans
le noyau
- à la fin de l’activation, ce facteur subit une déphosphorylation et quitte ensuite le
noyau
Exemple de la voie NF-kappaB
2.2.5. Orientation du transport nucléaire : rôle de Ran
Le transport à travers la membrane nucléaire utilise un récepteur à double affinité :
- fixation de la charge (importine α/Rb ou Exportine-1/Stat-1)
- liaison à un motif riche en Phe et Gly (la séquence FxFG)
Ran lié au GTP : libère la charge du système importine et fixe sa charge à l’exportine.
Ran lié au GDP : libère le système exportine de sa charge.
En fonction de la forme Ran présente dans le hyaloplasme ou le nucléoplasme =>
orientation du passage. NB : importance d’une répartition de ces 2 formes.
Nucléoplasme : RanGEF
(Ran guanosine exchange
factor)
Hyaloplasme : RanGAP
(Ran GTPase activating
protein)
2.2.6. Régulation du trafic
-
-
Le nombre de pores peut être modifié en quelques heures : une cellule en
prolifération active aura besoin d’importer une centaine de protéines histones par
pore et par minute, dans le même temps 6 nouvelles sous-unités ribosomales
sortent par pore et par minute du noyau.
Les séquences NLS/NES peuvent être masquées ou démasquées : phosphorylation,
fixation d’un ligand hormonal (stéroïde, hormone thyroïdienne ou rétinoïde) ou
association avec une protéine masquante (exemple des protéines à localisation
cytoplasmique masquant le site NLS conduisant à la séquestration cytoplasmique
de protéines à localisation nucléaire).
2.2.7. Transport de l’ARN
Le transport de l’ARN est un processus actif, il faut que toutes les maturations de l’ARN
soient effectuées :
- épissage avec hnRNP et hnRNA, donne introns et exons
- ajout d’une coiffe de nucléotides spécifiques en 5’
- addition d’une queue polyA en 3’
Ce transfert nécessite la présence d’un hétérodimère Tap-p15 qui se fixe à l’ADN et au
région FxFG présent dans le nucléopore. Ce transport ne nécessite pas la présence de GTPase
RAN.
Le virus du SIDA a un génome en ARN monocaténaire, quand il infecte une cellule son
ARN n’est pas épissé, le virus synthétise donc une protéine Rev qui possède une séquence
NES permettant transport du noyau vers cytosol et reconnaît certaines séquences de l’ARN
monocaténaire viral, ce qui permet le transfert de cet ARN non épissé à travers le pore.
2.3. Routage des protéines vers la mitochondrie
Les mitochondries sont des organites particuliers : ils possèdent leur matériel génétique,
leur propre machinerie de synthèse protéique. Il semble ne pas y avoir d’échange de
membrane avec les autres structures membranaires de la cellule. La majorité des protéines
constituant les mitochondries est souvent d’origine nucléaire. Au cours du cycle cellulaire, les
mitochondries seront multipliées par 2 afin d’éviter la dilution de ces organelles et
l’apparition de cellules sans mitochondries.
2 problèmes : routage et assemblage.
2.3.1. Mise en évidence de l’importation
On prend une cellule dont on isole les mitochondries, on incube ces mitochondries en
présence d’ARNm + extraits acellulaires + acides aminés radioactifs. Au bout de 3-4 minutes,
on peut voir que la radioactivité se trouve à l’intérieur de la mitochondrie.
On va enlever les protéines radioactives pour les mettre en présence de nouvelles
mitochondries, pas de résultats.
On en déduit que seules les protéines en cours de synthèse peuvent être dirigées vers les
mitochondries.
 Présence de séquence signal
Cette importation est assez rapide : 2 à 3 minutes et nécessite de l’énergie.
En comparant les protéines présentes dans la matrice mitochondriale avec leur précurseur,
on définit une séquence minimum de 12 acides aminés localisée en N-terminale de la
protéine.
Les protéines qui portent ces séquences sont prises en charge par des protéines chaperonnes
dès la sortie du ribosome. Ces protéines chaperonnes ont pour fonction de maintenir les
protéines dans un état déplié.
Cette structure (protéine dépliée, protéines chaperonnes) est reconnue au niveau de la
séquence signal par un récepteur localisé dans la membrane externe. Suite à cette interaction,
ce complexe rejoint des régions (sites de contact) où les deux membranes (interne et externe)
interagissent. Au niveau de ces régions, il va se créer un tunnel permettant le passage de la
protéine.
Les translocateurs : TOM et TIM
Ce sont des complexes protéiques :
- Translocator of the Outer Membrane (TOM)
- Translocator of the Inner Membrane (TIM) : TIM 23 et TIM 22
- Deux composants : récepteur pour les protéines mitochondriales précurseur et
canal translocateur
Deux énergies : l’ATP permettant dissociation des chaperonnes et de la protéine, et les
forces électriques permettant de faire rentrer la protéine dans la matrice, où la protéine va
s’associer à des chaperonnes mitochondriales qui vont l’amener à se conformer. Une
peptidase va la transformer en protéine mitochondriale mature.
2.3.2. Insertion des protéines dans la membrane interne des mitochondries
Il y a nécessité de deux séquences signales, on va assister au clivage du peptide signal dans
la matrice.
 Apparition d’un peptide hydrophobe qui est reconnu par un récepteur dont le rôle
est l’insertion de protéines membranaires synthétisées à partir du génome
mitochondrial
2 séquences signal, pas de passage pour l’ARN matriciel.
Séquence STOP va permettre dissociation de TOM et TIM puis dissociation du complexe,
ce qui va permettre à la protéine d’entrer progressivement dans la matrice.