K Kaléidoscope Le développement collectif dans tous ses états DOSSIER Développement collectif : L’élan brisé? TOUTE UNE HISTOIRE Les Québécois et les oléoducs TERRITOIRES NUMÉRIQUES Le sociofinancement: porte de sortie temporaire ? MOT DE LA RÉDACTION - 1 KALÉIDOSCOPE - VOL. 2 NUMÉRO 3 - HIVER 2015 Le chaudron au bout de l’arc-en-ciel Gabrielle Brassard-Lecours Cette citation d’un ancien journaliste et romanPrésente à l’assemblée générale extraordinaire, suite cier des années 1970 me semble plus que jamais à cette triste annonce avant les fêtes, j’ai assisté à d’actualité. une journée sous le signe de l’espoir, où la soixanNous avons plusieurs raisons aujourd’hui de penser taine de personnes présentes à Trois-Rivières disque l’avenir n’est pas rose. Compressions dans pracutaient des façons de sauver l’organisme, de se le tiquement tous les domaines (santé, éducation, réapproprier et de travailler à le reconstruire avec développement local et régional) disparition totale une autre structure. De nouvelles avenues sont posd’organismes… le pessimisme a lieu d’être. Mais à sibles. Il s’agit d’y croire, d’étudier d’autres modèles travers toute cette noirceur, et comme Fournier le de financement ou d’organisation. À travers le madit si bien, il y a des éclaircies. C’est souvent en rasme, s’unir, discuter, agir ensemble est estemps de crise que des initiasentiel aujourd’hui, plus que tives de solidarité, des projets jamais. C’est dans une période L’avenir, lorsqu’on créateurs et des idées innovantes comme celle-ci que le terme y songe, voient le jour. «développement collectif» prend est toujours noir. Plusieurs organismes dont la tout son sens. contribution majeure au déveMalgré les vents contraires, Mais il y a des loppement collectif est indéKaléidoscope maintient le cap, éclaircies niable, tels les Corporations de déterminé à poursuivre sa misGuy-Marc Fournier, développement économique comsion d’être à l’écoute des acteurs L’Autre Pays munautaire (CDEC), les Centres du développement collectif parlocaux de développement (CLD), tout à travers le Québec et de les les Conférences régionales des interpeler. Par une grande camélus (CRÉ), et Solidarité rurale du Québec, pour n’en pagne de d’adhésion qui s’ébranle, un virage multinommer qu’eux, voient leur avenir menacé, voire média et la sortie de ce numéro thématique, Kaléianéanti par les mesures gouvernementales. En tant doscope veut s’inscrire comme le véritable média que média dédié à ce secteur d’intervention, nous indépendant entièrement dédié au développement voulons braquer les projecteurs sur lui, non seulecollectif. ment en proposant un état des réflexions et des inEn somme, malgré la période austère que nous quiétudes, mais en essayant de dégager certaines traversons, le développement collectif continue sa pistes de solution et possibilités d’avenir. Car il y marche. C’est à travers la solidarité, la concertation en a. Même Solidarité rurale du Québec, qui s’est vu et l’innovation qu’il faut nous tourner résolument. forcée de mettre à pied la totalité de ses employés Après la pluie vient le beau temps. Accrochons-nous à l’automne, semble ne pas vouloir disparaître. pendant que les vents soufflent fort ! / SOMMAIRE KALÉIDOSCOPE - VOL. 2 NUMÉRO 3 - HIVER 2015 Dans ce numéro nous sommes alles à: Trois pistoles, Lebel-surQuévillon, Lac-Mégantic, Trois-Rivières, Saint-Siméon de Bonaventure, East Angus, Nord du Québec, AbitibiTemiscamingue, Sherbrooke, Attawapiskat, Montréal, Québec, Rimouski, Valleyfield et à d’autres endroits encore. COUVERTURE : Photo: Charles Briand. Denis Sirois (DG) et quelques collegues de la CDEC-Centre-Nord de Montréal. RUBRIQUES 01. MOT DE LA RÉDACTION Le chaudron au bout de l’arc-en-ciel Par Gabrielle Brassard-Lecours 03. POLITIQUES PUBLIQUES Retrouvez-nous sur mediakaleidoscope.org L’indispensable dialogue entre acteurs locaux et chercheurs! Par Geneviève Huot et Vincent van Schendel, en collaboration avec Lynn O’Cain 05. PRATIQUES CITOYENNES DOSSIER INTRODUCTION Quand une protestation donne naissance à un festival Par Gabrielle Brassard-Lecours 07. TERRITOIRES NUMÉRIQUES Le sociofinancement ; porte de sortie temporaire ? 15. Développement collectif: L’élan brisé? Par Ariane Émond et Marcelo Solervicens HAUT PARLEUR Par Daphnée Hacker-Bousquet. 10. INTERNATIONAL Le modèle français de l’économie sociale et solidaire, inspirant ? Par Sophie Clerc 24. La fin de la concertation régionale au Québec? Par Mickaël Bergeron 17. Lettre de solidarité aux acteurs du développement 27. Des impacts régionaux de la fermeture des CRÉ collectif québécois Par Louis-André Lussier 28. L’héritage saccagé des CLD Par Jacques Fiset et André Fortin 18. Sur le terrain, l’impact de l’austérité 30. Dans le rétroviseur REGARDS CROISÉS Bonne année 2015 Texte de Martin Léon 36. TOUTE UNE HISTOIRE Les Québécois et les oléoducs : quelle place pour l’environnement? Par Yanic Viau Par Sophie Mangado, Marcelo Solervicens 39. ÉTUDES DE K 20. Manifeste de DYNAMO 43. RADAR CULTUREL 21. Genèse d’une rigueur annoncée Par Gérald Lemoyne, Karine Dubé et Widia Larivière Par Geneviève Huot, Vincent van Schendel et Lynn O’Cain, du TIESS 31. Et si le développement collectif rebondissait? Par Alexandra Viau Par Anabel Cossette Civitella DIRECTEUR GÉNÉRAL ET COORDONNATEUR Marcelo Solervicens RÉDACTION Mickaël Bergeron, Gabrielle Brassard-Lecours, Mãdãlina Burtan, Sophie Clerc, Anabel Cossette-Civitella, Karine Dubé, Jacques Fiset, Ariane Émond, André Fortin, Geneviève Giasson, Daphné Hacker-Bousquet, Widia Larivière, Geneviève Huot, Gérald Lemoyne, Martin Léon, Georges Letarte, LouisAndré Lussier, Lynn O’Caïn, Marcelo Solervicens, Alexandra Viau, Yanic Viau, Vincent van Schendel. RESPONSABLE DE LA RÉDACTION Gabrielle Brassard-Lecours PHOTO DE COUVERTURE Charles Briand COMITÉ DE LECTURE Alain Ambrosi, Mélanie Loisel, Dominique Payette, Ariane Émond, Georges Letarte, Marcelo Solervicens. DESIGN ET MISE EN PAGE SCommunications Seul média indépendant destiné aux publics spécialisés et aux citoyens intéressés par le développement collectif, Kaléidoscope a pour mission de les informer, de les interpeler et de soutenir l’innovation. K, le développement collectif dans tous ses états est le lieu où les différents acteurs peuvent partager et enrichir leurs expériences et leur réflexion. Par Georges Letarte Par Geneviève Giasson 34. SOCIALE FICTION Par Madalina Burtan 23. Points de repères RÉVISION LINGUISTIQUE Lili-Marion Gauvin Fiset. IMPRIMEUR JB Deschamps DÈPÔT LÉGAL: Bibliothèque nationale du Québec, Bibliothèque nationale du Canada ISSN 1929-6878 (imprimé) ISSN 1929-6886 (en ligne) KALÉIDOSCOPE 190, boulevard Crémazie Est, Montréal (Québec) H2P 1E2 514 8641600 [email protected] /mediaK.ca CONSEIL D’ADMINISTRATION Ariane Émond, présidente, journaliste indépendante et animatrice Jacques Fiset, secrétaire-trésorier, formateur en développement collectif Geneviève Giasson, viceprésidente, coordonnatrice générale Communagir Georges Letarte, consultant en développement collectif Louise Rondeau, ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) Denis Sirois, directeur général CDEC-Centre-Nord Louis-André Lussier, conseiller CRÉ Vallée-du-Haut-St-Laurent Réal Morin, Directeur, Développement des individus et des communautés INSPQ Kaléidoscope s’inspire du Guide de déontologie des journalistes du Québec et du Conseil de presse du Québec pour prendre ses décisions en matière d’éthique et de déontologie. Les textes publiés sont sous la responsabilité de leur signataire et n’engagent aucunement les partenaires de K. Les textes publiés dans K peuvent être reproduits, à condition d’en citer la source. / POLITIQUES PUBLIQUES - 3 KALÉIDOSCOPE - VOL. 2 NUMÉRO 3 - HIVER 2015 L’indispensable dialogue entre acteurs locaux et chercheurs! Depuis des décennies, le Québec a connu une véritable mobilisation territoriale qui a donné des résultats tangibles en termes de développement. Celle-ci a des racines profondes qui ne demandent qu’à donner naissance à de nouveaux projets et à s’élargir, mais les récents changements dans les politiques publiques du gouvernement l’ont fragilisée. Par Geneviève Huot et Vincent van Schendel, en collaboration avec Lynn O’Cain Il apparaît alors essentiel de préserver les apprentissages réalisés, notamment en ce qui concerne l’importance de la participation de la société civile au développement. Pour y arriver un véritable dialogue entre le terrain et la recherche est nécessaire. Des craintes liées aux transformations en cours concernent, au premier chef, l’abolition d’un modèle de concertation impliquant les acteurs socioéconomiques locaux et les élus municipaux, et faisant participer la société civile aux décisions concernant la planification et le développement territorial. Ces échanges entre les communautés et les élus permettaient des apprentissages collectifs. Les changements imposés par le gouvernement font aussi craindre la perte d’une expertise en accompagnement des promoteurs (notamment pour les projets d’entreprises collectives), l’effritement d’une culture d’innovation découlant de la concertation entre acteurs de milieux diversifiés, la disparition de fonds pouvant soutenir les projets d’entreprises locales et, finalement, l’impossibilité de mettre sur pied des projets reposant sur une vision régionale du développement et réunissant divers acteurs régionaux. Depuis une trentaine d’années, le Québec a connu de nombreuses expériences de développement territorial, comme les Opérations Dignité visant à empêcher les fermetures de villages dans l’Est du Québec ou encore les initiatives communautaires des quartiers centraux de Montréal. Ces expériences, qui ont été appuyées par des politiques publiques (voir encart à la page 30), ont souvent été mises sur pied par des communautés qui ont Le transfert des connaissances fait le choix de prendre en charge collectivement leur développement. Des entreprises collectives (coopératives et des expériences ou OBNL) ou de petites entreprises privées ont alors vu le jour, mobilisant ainsi les citoyens. Fruits de l’initiative Plusieurs études montrent que les organismes de déved’acteurs de la société civile, ces expériences avaient des loppement et de concertation, comme ceux touchés par caractéristiques communes : la les décisions gouvernemenvolonté de freiner le déclin, de tales, permettent aux acteurs Les changements imposés stimuler la vitalité, de construire d’origines diverses d’entrer en par le gouvernement un avenir, de bénéficier collecrelation et éventuellement de font craindre l’effritement d’une collaborer. Ils ont leur importivement des retombées du développement et de travailler en tance, car la concertation doit culture d’innovation partenariat, le tout en collaboraêtre un processus organisé : il tion avec les élus municipaux et faut identifier les forces de chacun les pouvoirs publics. et les capacités à mettre en commun, puis établir un cliAu-delà de la disparition des organismes de développemat de confiance qui favorise les apprentissages collecment et de concertation (CRÉ, CLD, etc.) et des pertes tifs, l’amélioration, l’innovation, mais aussi la création de d’emplois qui y sont rattachées, les récents changements synergies entre les parties prenantes. dans les politiques publiques du gouvernement Couillard Cette façon d’envisager la concertation, qui a fait ses font naître des inquiétudes importantes. Ces inquiétudes preuves par le passé, doit être préservée. C’est un enjeu 4 - POLITIQUES PUBLIQUES KALÉIDOSCOPE - VOL. 2 NUMÉRO 3 - HIVER 2015. qui dépasse celui des structures : il faut demeurer en mesure de tirer des apprentissages des expériences de développement territorial si l’on veut que d’autres initiatives porteuses et inclusives puissent voir le jour, et des connaissances théoriques, qui se complètent et s’enrichissent mutuellement. Pour évoluer, il faut cette rencontre de deux univers, souvent séparés par des murs et des façons de dire. Les apprentissages les plus Photo : Territoires innovants en économie sociale et solidaire (TIESS) constructifs et les innovations les surtout dans un contexte soumis à plus porteuses émergent lorsqu’on d’importants changements. fait tomber ces murs pour que chaConcrètement, pour tirer profit des cun apprenne de l’autre. apprentissages passés au sujet du Ce dialogue existe déjà. En effet, développement collectif, pour que en 2013, l’organisme de liaison et de nouvelles connaissances soient de transfert Territoires innovants en construites et transférées, il faut économie sociale et solidaire (TIESS) d’abord identifier les façons de faire a justement été mis sur pied pour éprouvées et les innovations sociales repérer, inventorier, éclairer et sysmises en place dans diverses régions, tématiser les par des entreprises Pour évoluer, il faut cette ren- innovations ou des organisations particulières. contre de deux univers souvent e x p é r i m e n tées par les Ensuite, on peut séparés par des murs et des entreprises généraliser les éléfaçons de dire. et les orgaments susceptibles nisations de d’être adaptés à l’économie sociale afin d’en favoriser d’autres initiatives locales, à d’autres la diffusion et l’appropriation. Recontextes régionaux. Mais cela ne groupant des acteurs de l’économie peut se faire que par des échanges sociale et solidaire et du développeentre les acteurs locaux et les cherment territorial ainsi que des cencheurs en développement territorial. tres de recherches, des universités Autrement dit, les avancées, les et des collèges, réalise un transvéritables apprentissages collectifs fert de connaissances pratiques et ne proviendront ni simplement du théoriques résultant des échanges terrain, où germent des initiatives, ni entre les acteurs sur le terrain et les simplement des recherches universichercheurs. À ce jour, son travail a taires, mais de la mise en dialogue des permis de documenter et d’analyser connaissances issues de la pratique plusieurs expériences réelles, qui ont ainsi pu inspirer d’autres initiatives. Il a aussi permis de tirer des leçons plus générales sur les façons de travailler ensemble et de réussir le développement en incluant les différentes formes d’économie, dont l’économie sociale, pour contribuer à la vitalité des territoires. Récemment, par exemple, le TIESS a mis sur pied une grille d’analyse et d’évaluation d’expériences de développement (disponible au www. tiess.ca). S’appuyant en fait sur la synthèse de douze expériences innovantes de partenariats entre des entreprises d’économie sociale et des municipalités, la grille aura permis d’identifier des « ingrédients de succès », c’est-à-dire des éléments favorisant le développement d’alliances d’affaires solidaires entre les municipalités et les entreprises, qui produisent des bénéfices certains pour les communautés. Cet outil permet ainsi aux partenaires d’une initiative de ce genre de maximiser leurs chances de succès en établissant un diagnostic des forces et des faiblesses du projet qu’ils envisagent, en identifiant les ressources d’aide ou de soutien existantes ainsi que les moyens disponibles pour combler leurs lacunes. En somme, à l’heure actuelle, il est essentiel de mettre à profit les connaissances des chercheurs et des acteurs de terrain afin de préserver le rôle de la société civile dans le développement, mais également d’appuyer les élus dans leurs nouvelles responsabilités. / Geneviève Huot, est coordonnatrice liaison et transfert au TIESS. Vincent van Schendel est directeur général au TIESS. Le texte a été produit en collaboration avec Lynn O’Cain, conseillère en transfert au TIESS. PRATIQUES CITOYENNES - 5 KALÉIDOSCOPE - VOL. 2 NUMÉRO 3 - HIVER 2015 Quand une protestation donne naissance à un festival D’une mobilisation citoyenne opposée à l’installation d’un barrage hydroélectrique sur la rivière Trois-Pistoles a émergé… un festival. Échofête, premier festival environnemental au Québec, existe depuis maintenant 14 ans, grâce aux citoyens et citoyennes de la région. Par Gabrielle Brassard-Lecours En 2002, alors que le Parti québécois est au pouvoir et qu’André Boisclair est ministre de l’Environnement, une trentaine de projets de barrages hydroélectriques, qui visent des rivières partout dans la province, sont lancés. Sébastien Rioux, alors jeune étudiant de 21 ans, et quelques-uns de ses amis jugent nocif le projet de la rivière Trois-Pistoles, qui détruira la faune et la flore du cours d’eau. Sans attendre, un petit groupe de citoyens décide de leur emboiter le pas et de s’opposer à la construction du barrage. Pendant 36 jours, ces derniers occupent le territoire où se fera le projet. Dormir dans un tipi, faire du bruit, organiser des manifestations et des concerts improvisés de musique; tout est mis en œuvre pour que le groupe se fasse entendre. « Pendant 36 jours, il y a eu beaucoup d’effervescence autour de la mobilisation. Le chanteur Richard Desjardins est venu, la fondation Rivière s’est créée, des artistes de partout sont venus. En fin de compte, les 36 projets de barrage sont arrêtés. Pas juste à Trois-Pistoles, mais partout. Nous n’étions pas les seuls, c’était vraiment pancanadien, mais Trois-Pistoles a surement eu un gros impact dans cette bataille. Nous avons semé une petite étincelle qui a allumé un grand feu, et pas juste un feu de paille », se souvient Sébastien Rioux, alors responsable des communications et des relations publiques pendant cette période. Comment ont-ils réussi? « Notre tactique principale, c’était les coups d’éclat médiatiques et la désobéissance civile. On occupait le territoire illégalement et on était partout. Nathalie Petrowski, de la Presse, a fait un article intitulé “Le Sauveur de la rivière Trois-Pistoles” et ç’a créé un “buzz”. Nous nous sommes emparés des médias », explique M. Rioux. Grâce à la mobilisation sur le terrain combinée à l’offensive médiatique, le gouvernement a finalement reculé, fin 2002, sur l’ensemble des projets de barrage annoncés. « Sans dire que nous sommes les instigateurs des batailles contre les barrages, c’est quand même beaucoup à Trois-Pistoles que ç’a commencé », confie l’un des cofondateurs du festival Échofête. De la lutte à la fête « L’idée du festival est venue pendant la bataille. Nous avons eu l’envie, le soir autour du tipi avec notre tisane, de créer quelque chose. On voulait proposer des alternatives plutôt que juste dire non à 6 - PRATIQUES CITOYENNES KALÉIDOSCOPE - VOL. 2 NUMÉRO 3 - HIVER 2015 quelque chose. On a donc décidé du festival Échofête élabore : gens nous voyaient comme des d’organiser un festival », raconte «Nous avons ouvert des espaces anti-développeurs. Depuis 13 M. Rioux. C’est ainsi qu’est né le de discussion, de prise de paans, et encore aujourd’hui, des festival Échofête, premier festirole citoyenne. On ne savait pas gens boycottent le festival », conval environnemental au Québec, trop ce que ça donnerait, mais fie Sébastien Rioux. D’après ce qui fêtera sa 14e année cet été si on s’est rendu compte que les dernier, le retour de jeunes et de tout va bien. « On a eu une très gens avaient envie de s’organiser nouveaux arrivants est cepenbelle visibilité, l’environnement pour agir, et avaient des choses dant notable. Le préfet de la MRC était vraiment à la mode les preà dire. C’est pour ça que dans des Basques, Bertin Denis, dit mières années. Depuis, il faut se les dernières années, en plus du d’ailleurs ouvertement que le réinventer un peu parce que c’est volet culturel, nous avons décidé festival apporte un dynamisme un sujet un peu galcertain à la ré« Selon les organisateurs, le festival rapporte vaudé », poursuit celui gion. «Nous avons annuellement 2,5 millions de dollars (hôtels, qui, depuis 2010, s’est même eu un imrestaurants, etc.); c’est bien plus que ce qu’un retiré de l’organisation pact sur d’autres du festival, mais y est festivals, qui barrage aurait rapporté (50 000 $) » encore actif. ont des consiSébastien Rioux Sur le site dérations envid’Échofête, la description du fesde créer de tels espaces pour reronnementales dans leurs pratival est attrayante : « Présentant donner la parole aux citoyens. » tiques », ajoute M. Rioux. une programmation culturelle à L’événement estival a également « C’était la première bataille l’année, en plus de s’engager en des retombées économiques et citoyenne à laquelle je particimatière de saines habitudes de sociales importantes pour la répais de ma vie, et on l’a gagnée vie, Échofête devient un acteur de gion de Trois-Pistoles. En effet, sur toute la ligne. Ça m’a donc changement pour sa région. D’un selon les organisateurs, le festival toujours montré que “si on veut, jardin communautaire interrapporte annuellement 2,5 milon peut”. Ce n’est pas facile de générationnel à des cours de cuilions de dollars (hôtels, restaus’organiser, mais ça se peut, et sine végétarienne, en passant par rants, etc.); c’est bien plus que ça porte fruit », conclut-il. / l’accès à une scène pour les artistes ce qu’un barrage aurait rapporté locaux, l’organisme prend racine (50 000 $ par année). dans sa communauté et ses ac« Au début, nous n’étions tions ont des portées socialepas très aimés. Nous étions ceux ment significatives. » Le présiqui avaient arrêté le projet de dent du conseil d’administration barrage et créé un festival. Les TERRITOIRES NUMÉRIQUES - 7 KALÉIDOSCOPE - VOL. 2 NUMÉRO 3 - HIVER 2015 Le sociofinancement : porte de sortie temporaire ? Quinze minutes. Cela aura suffi à Gabriel Nadeau-Dubois, de passage à l’émission Tout le monde en parle en novembre, pour convaincre des milliers de Québécois de participer à une campagne de sociofinancement contre les oléoducs. Les histoires à succès ne manquent pas dans l’univers du financement participatif, une méthode 2.0 de collecte de fonds pourvue de grandes forces… mais aussi de faiblesses. Par Daphnée Hacker-Bousquet Grâce à une présence très active dans les médias traUn système encore méconnu ditionnels et sociaux, Gabriel Nadeau-Dubois a permis au mouvement citoyen Coule pas chez nous de récolter le Les plateformes web de sociofinancement sont apparues montant colossal de 385 000 $ en quelques jours. « Nous au début des années 2000 et se sont multipliées vers la sommes complètement ébahis par cette campagne, les fin de la dernière décennie. Ont alors été créés, notaminternautes ont répondu de façon vraiment spontanée à ment, Indiegogo (2008) et Kickstarter (2009) aux Étatsl’appel », confie Jacques Tétreault, porte-parole du collecUnis, et Haricot (2011) au Québec. Pour chaque camtif visant à sensibiliser et mobiliser la population québépagne, on trouve sur ces sites une présentation écrite ou coise aux conséquences environnementales du transport visuelle du projet à financer, un objectif financier à atteindre de pétrole. et une échéance (délai de 30 à Selon M. Tétreault, 90 jours). « Le sociofinancement est « aucun organisateur « Le sociofinancement est un système encore méconnu d’un de souper spaghetti » un système encore méconnu n’aurait pu rêver d’une d’un grand pan de la populagrand pan de la population. Je me pareille récolte. À ses tion. Je me rappelle que nous rappelle que nous avons passé notre yeux, le sociofinancement avons passé notre temps, la temps, la première année de (ou financement participremière année de lancement, patif), qui vise à solliciter à expliquer en quoi ça conlancement, à expliquer en les dons du grand public sistait », raconte Audrey Benoît, quoi ça consistait » via Internet et les médias cofondatrice de Haricot. ConAudrey Benoît sociaux, est un outil révotrairement à plusieurs autres lutionnaire. « L’idée n’est sites qui acceptent tous les pas nouvelle : demander un petit montant d’argent à un projets, Haricot ne retient que les propositions « qui semgrand nombre pour matérialiser un projet ou appuyer blent avoir réellement le potentiel d’atteindre l’objectif », un organisme. Tout est dans la méthode, beaucoup plus explique Mme Benoît. branchée », constate-t-il. Cette plateforme défend un autre principe : le soLe succès du sociofinancement de Coule pas chez nous ciofinancement est un échange, et non un don. Le groupe devrait selon lui inspirer les organismes à but non luqui sollicite un financement doit donc offrir une « récomcratif (OBNL), largement touchés par des coupes de subpense ». Par exemple, le comédien David La Haye, qui a ventions gouvernementales. « Malheureusement, trop lancé une campagne de financement sur Haricot en 2013 de gestionnaires ne comprennent pas comment ça foncpour la réalisation d’un long métrage, promettait aux tionne, tandis que d’autres croient que ce ne sont que les donateurs d’au moins 20$ un DVD du film ainsi que la projets très technologiques qui peuvent vraiment susciter mention de leur nom dans le générique. Mme Benoît menl’engouement des citoyens… Ils se trompent », soupire-ttionne aussi la campagne d’une jeune femme, Alexandra il. Lamontagne, qui visait à sauver un lionceau de la chasse 8 - TERRITOIRES NUMÉRIQUES KALÉIDOSCOPE - VOL. 2 NUMÉRO 3 - HIVER 2015 Grâce à Gabriel Nadeau-Dubois, le mouvement citoyen Coule pas chez nous a récolté 385 000 $ en quelques jours. Photo Anne Marie Berthiaume. en enclos et qui a suscité une grande mobilisation des internautes (près de 10 000 $). Pour plus de 50 $, le donateur recevait une photo géante et une copie du documentaire réalisé sur la démarche. Les ingrédients du succès Sur Indiegogo, la plus grande plateforme de sociofinancement au monde, le principe de « récompense » n’est pas obligatoire, mais fortement recommandé. « Les meilleures campagnes sont clairement celles où une relation d’honneur est établie avec les partisans », explique Steve Tam, responsable du marketing pour Indiegogo Canada. M. Tam souligne par ailleurs l’importance des stratégies de communication : « Il ne suffit pas d’avoir une super idée; il faut bien savoir la mettre en valeur, en établissant rapidement un lien avec le public intéressé, à travers des outils comme Facebook, Twitter ou You Tube ». Le projet de deux diplômés en conception de jeu vidéo de l’Université de Montréal, François Alain et Germain Couët, fournit une excellente illustration : en promouvant bien leur produit, ceux-ci ont amassé plus de 700 000 $ alors que la cible de départ était 80 000 $. « Six mois avant le lancement de notre campagne, nous avons mis en ligne une vidéo présentant le concept de notre jeu, baptisé Castle Story. Puis, à travers un blogue, nous avons établi un contact hebdomadaire avec les intéressés, en les tenant informés de l’évolution du projet », raconte M. Couët.. Loin d’être une « solution magique » Pour le professeur de finances de l’Université de Concordia Denis Schweizer, le sociofinancement est une avenue très intéressante pour une entreprise en démarrage : « Le futur entrepreneur peut recueillir des fonds, tout en validant la pertinence de son produit ». Pour des compagnies ou des OBNL déjà établis, cela peut aussi permettre de « faire un coup de publicité », ou encore de récolter des fonds pour financer un projet particulier. Toutefois, Schweizer rappelle que le financement participatif ne représente pas une source récurrente de revenus, contrairement à une subvention. Les compagnies ou organismes à la recherche d’une solution de rechange aux institutions financières ou gouvernementales devraient plutôt se tourner vers le socio-investissement, fait-il valoir. Cette formule permet à une entreprise d’émettre des actions ou d’effectuer des prêts avec intérêt sur le Web, à des « investisseurs » moins traditionnels. Plusieurs États américains, et plus récemment quelques provinces canadiennes, ont légiféré pour permettre ce nouveau type de financement. «C’est vers cette option qu’il faudra se tourner si on cherche à assurer la longévité financière d’un projet ou d’un organisme. Elle n’existe pas encore au Québec», souligne M. Schweizer. « Le sociofinancement offre des occasions incroyables de collecte de fonds, mais ce n’est pas une solution magique », croit aussi Jérémie Bédard-Wien, un des membres fondateurs de Ricochet, un média indépendant et participa- TERRITOIRES NUMÉRIQUES - 9 KALÉIDOSCOPE - VOL. 2 NUMÉRO 3 - HIVER 2015 78 Nombre de plateformes de financement participatif au Canada, selon le compte effectué par le National Crowdfunding Association of Canada. 1,5 milliard $ US Montant amassé à travers le monde grâce à des plateformes de sociofinancement, selon un rapport publié en 2012 par la firme Massolution Crowdsourcing. 33 % Pourcentage des dons provenant de la famille et des amis, selon les données du site Indiegogo. Un autre tiers proviendrait de collègues ou de connaissances, le dernier, de la communauté Internet. Alexandra Lamontagne et un lionceau qu’elle a sauvé de la mort. Photo : Alexandra Lamontagne. tif. Lancé l’automne dernier grâce à une campagne sur Indiegogo, le projet a collecté plus de 82 000 $, dépassant l’objectif de départ de 75 000 $. Pourtant, quelques mois plus tard, l’équipe de production constate que l’argent amassé ne suffira pas. « Nous savions dès le départ que la campagne permettrait seulement de lancer Ricochet. Maintenant nous cherchons des sources de financement récurrentes… Et c’est difficile», admet M. Bédard-Wien. Le jeune homme croit que les fonds publics restent la meilleure option pour assurer la viabilité à long terme, voire la survie, d’un énorme bassin d’organismes. Cela l’amène à conclure que le sociofinancement est au fond « une béquille qui peut être utile pour pallier un besoin urgent d’argent [et qu’]il faut continuer de dénoncer le sous-financement chronique de la culture, et aussi des centaines d’organismes voués à aider la communauté. ». / 80% Baisse des investissements en capital-risque, qui sont passés de 5,9 milliards $ en 2000 à 1,1 milliard en 2010, selon le quotidien The Globe and Mail. Ces investissements sont une source importante de financement pour les petites et moyennes entreprises du pays. Participez à l’état des lieux en écocitoyenneté en vous joignant aux Conversation impulsées autour de l’écocitoyenneté. Qu’est-ce que l’écocitoyenneté nous amène à être et à faire ? Joignez-vous à des chercheurs, organisation et citoyens pour réfléchir à l’écocitoyenneté : territoire, démocratie, esthétique, urbanisme, verdissement, contexte planétaire Courrez la chance de gagner un prix de présence éthique (OÖM, Due Au Collège de Rosemont Le jeudi 19 mars 2015, de 8h30 à 17h00 Pour vous inscrire : www.cerse.ca 10 - INTERNATIONAL KALÉIDOSCOPE - VOL. 2 NUMÉRO 3 - HIVER 2015 Le modèle français de l’économie sociale et solidaire : inspirant ? En novembre dernier, une dizaine de jeunes professionnels québécois de l’économie sociale et solidaire (ESS) se sont rendus à Paris pour participer aux Premières rencontres professionnelles Québec/Île-de-France de l’ESS. Aperçu des pratiques françaises glissées dans les bagages. Par Sophie Clerc Lundi 24 novembre. 8 h 30. Les yeux cernés par le décalage horaire, café en main, la délégation québécoise débarque à l’Atelier, centre de ressources régional de l’ESS et partenaire de c e t t e p r e m i è r e collaboration franco-québécoise. Si l’accueil est chaleureux, la grisaille économique et sociale, elle, se fait sentir en France : le taux de chômage progresse et touche durement les jeunes (un quart des actifs de moins de 24 ans est sans emploi ), les déficits publics sont énormes et les mesures d’austérité prévalent dans les décisions gouvernementales. Sur fond de morosité, l’économie sociale détone. «C’est un secteur économique à part entière », souligne Julien Bottriaux, responsable des relations publiques à l’Atelier. En dix ans, le secteur a connu un essor spec- taculaire. Le nombre d’emplois dans le domaine a progressé de 21 %, contre 7 % dans l’économie traditionnelle . À cela s’ajoute l’adoption récente de la loi en économie sociale et solidaire qui définit clairement les principes de ce modèle économique alternatif : poursuivre un but social, s’appuyer sur une gouvernance démocratique et participative et avoir une lucrativité encadrée. Surtout, la loi fait la part belle à l’entrepreneuriat social en incluant non seulement les acteurs historiques du secteur (associations, fondations, coopératives, mutuelles), mais aussi des entreprises classiques qui poursuivent un objectif d’utilité sociale. C’est dans ce contexte que les québécois ont visité une dizaine d’entreprises solidaires en Île-de-France afin d’en cerner les spécificités. Entreprendre en collectif Le « speed-dating » des Entrepreneurs du changement. Photo : Sophie Clerc. Couveuses, pépinières, incubateurs, ruches… Nombreux sont les termes imagés qui désignent ces écosystèmes soutenant l’émergence d’entreprises d’économie sociale et solidaire. Qu’il s’agisse de simples espaces de co-working incluant le partage de mobilier, de lieux offrant, outre une aire de travail, un accompagnement, de la formation et un financement pour les projets, ou encore de coopératives regroupant des entrepreneurs salariés de la structure, la philosophie guidant la création de ces espaces est la suivante : une mutualisation du risque d’entreprendre. Parmi les entreprises visitées, la coopérative d’activités et d’emploi Coopaname a tapé dans l’œil de la délégation. Elle accueille des travailleurs autonomes de tout acabit désireux de créer leur emploi salarié au sein d’une entreprise collective. Traductrice expérimentée, journaliste, comptable ou cuistot à domicile s’y côtoient et y font entreprise commune. Pierre-Olivier Lessard, directeur général de la Coopérative de solidarité Actions Multimédia, membre de la délégation, n’a qu’une idée en tête, importer ce modèle coopératif au Québec : « Je INTERNATIONAL - 11 KALÉIDOSCOPE - VOL. 2 NUMÉRO 3 - HIVER 2015 Les membres de la délégation québécoise participants aux Premières rencontres professionnelles Québec/Île-de-France de l’ESS du 24 au 28 novembre à Paris. Photo : Sophie Clerc. nomie sociale et solidaire). « L’offre de formation s’étoffe progressivement au Québec, mais nous n’en sommes clairement pas au même point ». Les étudiants eux-mêmes s’approprient ce secteur économique en pleine expansion : les associations étudiantes sensibilisent à l’économie sociale comme secteur de formation, d’emploi ou de consomUne jeunesse outillée mation, et supportent « Je suis tombé en amour avec ce des projets d’utilité soAutre point fort de concept. L’entrepreneur se donne une l’Hexagone : miser sur la ciale. À titre d’exemple, sécurité d’emploi en étant salarié de la l’association nationale formation des jeunes à l’économie sociale et soliAnimafac a mis sur pied coopérative tout en développant daire. Bien qu’ils soient enun incubateur en écoses projets. » core minoritaires dans ce nomie sociale solidaire secteur (19 % des salariés Pierre-Oliver Lessard (l’Arsenal) afin de soutey ont moins de 30 ans ), les nir les initiatives sociales départs à la retraite et le développedes étudiants par une aide finantrise en management des organisations ment croissant vont s’accompagner de l’ESS qui se multiplient », souligne cière, un accompagnement et une d’ouverture de postes attrayants place au sein dudit incubateur. De Emilien Gruet, membre de la délégapour cette frange de la population. quoi inspirer nos associations étution et conseiller en transfert pour le Sera-t-elle outillée pour y prétendre? TIESS (Territoires innovants en écodiantes québécoises. suis tombé en amour avec ce concept. L’entrepreneur se donne une sécurité d’emploi en étant salarié de la coopérative tout en développant ses projets. Cela “déprécarise” les travailleurs autonomes et crée un nouveau type d’organisation efficace économiquement et socialement. » La richesse de l’offre de formation dans ce domaine laisse penser que oui. Il existe plus de 70 formations débouchant sur l’obtention d’un diplôme et abordant l’économie solidaire. « J’ai été impressionné par la richesse de l’offre de formations et de programmes universitaires, notamment les formations de 2e cycle de type maî- 12 - INTERNATIONAL KALÉIDOSCOPE - VOL. 2 NUMÉRO 3 - HIVER 2015 La délégation du Québec à La réserve des Arts. Une association qui récupère des rebuts, les valorise et les revend aux professionnels de la création. Photo : Sophie Clerc. La concertation : carte maîtresse de l’économie sociale et solidaire Soucieuse de combiner activité économique pérenne et prise en compte de la réalité sociale dans laquelle elle s’inscrit, l’économie so- ciale et solidaire, en France comme au Québec, mise sur la coopération dans un contexte économique qui, pourtant, invite au repli sur ses intérêts particuliers. Sur ce point, les Pôles territoriaux de coopération économique (PTCE) ont fait des émules au sein de la délégation. La loi en ESS a défini et assuré le développement des PTCE, mais la coopération territoriale initiée par des entreprises solidaires n’est pas nouvelle. Une centaine d’initiatives de coopération entre des entreprises du secteur et des entreprises commerciales ont vu le jour ces cinq dernières années. Par exemple, la Fontaine ô livres , regroupement associatif d’une cinquantaine de professionnels du livre du Nord-Est parisien INTERNATIONAL - 13 KALÉIDOSCOPE - VOL. 2 NUMÉRO 3 - HIVER 2015 (éditeurs indépendants, libraires, graphistes, correcteurs, etc.) dont il se veut le « trait d’union », a été créé en 2006 et labellisée PTCE en 2012. Dans un secteur sous forte pression concurrentielle, la Fontaine, en s’associant notamment à la Mairie de Paris, à la Compagnie des Chefs de Fabrication de l’Imprimerie ou encore à l’Université Paris 13, par tage son expertise éditoriale et offre à ses membres formations, accompagnement, conseils, réseautage et espaces de travail afin d’assurer leur développement et leur pérennité. La France progresse, et le Québec ? Cette concertation territoriale a interpellé, mais aussi fait sourciller, la délégation québécoise. « En matière K Kaléidoscope Le développement collectif dans tous ses états de concertation et de réseaux de soutien au développement de l’ESS, le modèle québécois était reconnu internationalement avec des structures comme les Centres locaux de développement (CLD) ou encore les Conférences régionales des élus (CRÉ). Finalement, ce pour quoi il a été reconnu est en train d’être démantelé alors qu’en France, un réseau similaire s’institutionnalise et se consolide avec les pôles, mais aussi avec la structuration du réseau des Chambres régionales de l’ESS (CRESS), instances de représentation politique et économique », constate Emilien Gruet. « Il y a eu beaucoup de progrès en ESS tant au Québec qu’en France, notamment avec l’adoption de loiscadres. Toutefois, il y a encore du chemin à parcourir », conclut JeanSébastien Plourde, conseiller en développement coopératif à la Coopérative de développement régional Québec-Appalaches, membre de la cohorte. « Bien que les contextes sociaux et économiques diffèrent, la réduction des financements publics et les mesures d’austérité qui l’accompagnent nous frappent également de plein fouet. L’économie sociale doit encore innover et emprunter des chemins de traverse. En ce sens, se “challenger” mutuellement, Français et Québécois, pour développer des actions porteuses d’alternatives, est essentiel ». La réflexion se poursuivra fin 2015 avec l’accueil d’une cohorte de Français. / Pour en savoir plus : www.lojiq.com et www.atelier-idf.org CAMPAGNE D’ADHÉSION Kaléidoscope a besoin de votre soutien pour continuer! Kaléidoscope n’est pas à l’abri de la conjoncture actuelle. Afin d’assurer sa vitalité et de lui permettre de développer de nouveaux outils pour devenir un lieu d’échanges et de collaboration des acteurs du développement collectif, l’assemblée générale a convenu la pertinence d’une campagne visant rehausser le membership de Kaléidoscope. Devenir membre de Kaléidoscope, c’est : • Recevoir Kaléidoscope, les infolettres et le webzine dédiés exclusivement au développement collectif au Québec; • Participer à nos activités et accéder aux instances de gouvernance de Kaléidoscope; • Contribuer à la réflexion sur les enjeux et orientations du développement collectif au Québec; • Appuyer un média 100 % développement collectif, fait pour et par ses artisans et manifester sa pertinence dans le paysage médiatique; Devenez membre maintenant Cotisation annuelle : 35 $ / Deux ans : 60 $ À l’étranger (un an) : 55 $ Étudiant : 25 $ (sur présentation d’une pièce justificative) Abonnement de soutien : 100 $ (un an) Vous nous aimez mais vous n’êtes pas en conditions de contribuer? Contactez-nous. Comment devenir membre? • Payez en ligne sur le site, à : http://mediakaleidoscope.org/abonnement/ • Poster votre chèque à Kaléidoscope, 190, boul. Crémazie Est, Montréal Qc, H2P 1E2. • Contactez-nous au courriel, au [email protected] 14 - DÉVELOPPEMENT COLLECTIF : L’ÉLAN BRISÉ ? KALÉIDOSCOPE - VOL. 2 NUMÉRO 3 - HIVER 2015 NOTRE DÉFINITION DU DÉVELOPPEMENT COLLECTIF Le développement collectif est un processus visant à soutenir la participation citoyenne, conjointement avec celle des organismes et des institutions. Cela dans le but de renforcer les capacités de développement des communautés et la transformation de leur milieu et de leur territoire, dans une perspective de développement durable. DÉVELOPPEMENT COLLECTIF : L’ÉLAN BRISÉ ? -15 KALÉIDOSCOPE - VOL. 2 NUMÉRO 3 - HIVER 2015 Développement collectif : L’élan brisé? Le thème de notre dossier s’imposait. En effet, la question est sur toutes les lèvres... Le milieu est en crise. Il oscille entre la stupeur et l’envie d’entrer en guerre. Nous sommes conscients que stimuler cette réflexion représente un défi dans le contexte actuel de rigueur et/ou d’austérité budgétaire, qui remet lourdement en question plusieurs acquis du développement collectif depuis 30 ans. Par Ariane Émond et Marcelo Solervicens Comme média indépendant, notre but est d’informer journalisme constructif qui cherche à refléter la résilience et de témoigner de ce qui s’abat actuellement sur les et à médiatiser l’espoir, et cela sans lunettes roses. Si acteurs du développement collectif. les problèmes doivent être exposés, il faut aussi D’abord, nous proposons un peu de recul historique, rendre compte des solutions qui émergent partout sur ce qui permet de mieux déceler ce qui rend spécifique et le territoire. Autrement, on nourrit l’impuissance et distinct le développement collectif d’ici. Cela aide aussi la résignation. Dans ce contexte difficile, nous sommes à mieux évaluer l’impact appréhendé de la disparition plus que jamais convaincus qu’il faut rendre plus visibles d’instances de concertation et de soutien telles que les les expériences de participation, de concertation et CRÉ, les CLD, les Agences de la santé, par exemple, à d’innovation qui portent fruit et contribuent depuis des mesurer aussi les effets de la baisse de l’investissement années, au Québec, à mettre en place des solutions aux de l’État sur les groupes communautaires et citoyens. problèmes de développement économique et social. Le risque de perte d’expertise est réel et choquant. Quelles sont, dans la crise actuelle, les pistes de L’élimination de certains acteurs est annoncée, tout solution existantes pour sauvegarder l’essentiel de comme les défis posés aux instances ciblées – dont les l’appui institutionnel au développement collectif, et pouMunicipalités régionales de comté vons-nous explorer de nouvelles Comme média indépendant, (MRC), les 33 nouveaux CISSS (cenmanières de faire? C’est la question tres intégrés de santé et de services notre but est d’informer et de centrale de ce numéro. sociaux), entre autres –, qui hériteront D’autres questions se posent. Ces témoigner de ce qui s’abat de mandats encore mal définis, sur actuellement sur les acteurs du politiques visent-elles d’abord, comdes territoires élargis, avec moins me plusieurs le craignent, un changedéveloppement collectif. de budget et sans transfert prévu ment de paradigme concernant le rôle d’expertise… Quoi faire maintenant? de l’État, avec lequel nous devrons Pour ne pas trop perdre d’acquis, quelles sont les vivre longtemps? Ou bien, comme d’autres le répètent, stratégies de résilience les plus pertinentes? ne sont-ce que des actions nécessaires et ponctuelles Dans ce dossier, nous tentons modestement de pour remettre les finances publiques sur les rails? Ces systématiser l’information disponible concernant les transformations ne colportent-elles que des menaces ou répercussions potentielles, sur le développement collecbien forcent-elles l’innovation au cœur du développement tif, des politiques liées au déficit zéro. Pour bon nomcollectif? Enfin, où était l’urgence d’agir (ou de sabrer) bre d’acteurs (et nous partageons leur lecture), ces si vite? politiques affichent une méconnaissance énorme de la Les acteurs du développement collectif (acteurs contribution des initiatives citoyennes à la richesse institutionnels, privés, citoyens, communautaires, collective en région comme à Montréal ou à Québec, et culturels) sont appelés plus que jamais à s’approprier de la valeur ajoutée des secteurs communautaire, l’avenir de leur secteur d’intervention. Nos pages veulent coopératif, institutionnel et privé. Il s’agit d’une erreur contribuer à ce débat essentiel, car la chose publique ne à nos yeux, puisque ces expériences devraient être devrait plus, au 21e siècle, ni se réduire aux élections, partie intrinsèque de tout plan de développement ni rester l’apanage des gouvernements. Rappelons-nous durable propre à un État soucieux de lutter contre les que le développement collectif n’a jamais obéi à des ordres. inégalités sociales, économiques et régionales. Et que depuis 40 ans, sans cesse, il a su rebondir. À Kaléidoscope, nous adhérons aux valeurs d’un Bonne lecture! / 16 - HAUT PARLEUR - DOSSIER KALÉIDOSCOPE - VOL. 2 NUMÉRO 3 - HIVER 2015 Lettre de solidarité aux acteurs du développement collectif québécois Par Geneviève Giasson L’automne frappe durement… celles et ceux qui croient que l’avenir des « régions et des localités du Québec passe par la mobilisation des forces, par une vision d’ensemble, partagée, négociée, axée sur le bien commun. Il frappe celles et ceux qui croient que le « développement » est le fruit de ce dialogue entre les différentes parties prenantes d’une société : citoyens, élus, institutions publiques, entreprises privées, organismes communautaires, etc. Il frappe celles et ceux qui croient que le pouvoir n’appartient pas aux seules personnes que nous élisons aux quatre ans, que ce pouvoir leur est prêté par l’ensemble des citoyens que nous sommes et que le débat social est un devoir démocratique. Il frappe celles et ceux, enfin, qui croient que l’État n’est pas un pourvoyeur de services, mais plutôt un mécanisme mis en place pour servir la société, favoriser l’équité sociale et économique, préserver et gérer nos ressources, assurer le développement équitable de l’ensemble de notre territoire, rural comme urbain… que ce n’est pas d’un Équipe de Communagir. Geneviève Giasson est troisième à la première rangée. Photo : communagir HAUT PARLEUR - DOSSIER - 17 KALÉIDOSCOPE - VOL. 2 NUMÉRO 3 - HIVER 2015 État « mince », vidé de sa substance et soumis aux influences, dont nous avons besoin, mais d’un État qui possède la vision, l’expertise et les moyens pour soutenir un développement « collectif ». Nous avons soif de transparence et d’intelligence collective devant les discours de catastrophe, qui sentent la stratégie politique et qui excluent les nuances et la diversité des points de vue. Nous remercions pour leur lucidité et leur courage celles et ceux qui parlent, qui argumentent, qui cherchent la vérité et qui manifestent. Nous saluons le feu qui brille actuellement dans plusieurs régions du Québec, qui résistent et agissent, qui ne veulent pas voir s’étioler leurs acquis, leurs solidarités, leur capacité de travailler ensemble et de bâtir un avenir commun. Nous reconnaissons le rôle essentiel et structurant des acteurs publics et des organisations vouées au développement régional et local dans toutes ses dimensions, souvent animateurs de l’action collective, souvent facilitateurs. Ils contribuent à structurer et à promouvoir un développement intégré de leur territoire. Sans eux, c’est une expertise qui se perd, une capacité d’action qui se disperse, un pouvoir collectif qui se fragilise, un rapport de force État/ régions qui s’affaiblit… et tant de superbes projets qui risquent de disparaître. De par notre rôle auprès des acteurs du développement collectif, nous sommes à même de constater les dégâts. Nous craignons beaucoup pour les efforts mis depuis des années à construire des régions et des collectivités fières et résilientes. Nous craignons aussi pour les gens, ceux qui perdent leur emploi et ceux qui perdent leurs ressources. Devant cela, nous continuerons à agir, veiller, accompagner et outiller, dans le sens des valeurs et des façons de faire qui sont celles du développement collectif et que nous partageons avec vous. En toute solidarité! » Geneviève Giasson est coordonnatrice générale de Communagir Novembre 2014 www.communagir.org #UnisAvecVous 18 - REGARDS CROISÉS - DOSSIER KALÉIDOSCOPE - VOL. 2 NUMÉRO 3 - HIVER 2015 Sur le terrain L’impact de l’austérité Nous leur avons posé cette question : « Quel impact les récentes mesures budgétaires gouvernementales ont-elles sur votre organisation ou sur le développement collectif au Québec? » - Propos recueillis par Sophie Mangado - Martin Zibeau, membre de la coopérative de solidarité Horizons Gaspésiens molissent ce qui s’était construit en terme de partenariat et de collaboration dans les quartiers. / bien avant les mesures prises par le gouvernement libéral. Avec les compressions vient le risque du retour des querelles de clocher. Même si elle n’était pas parfaite, la Conférence régionale des élus (CRÉ) avait permis de mettre fin à cette guerre. C’était un outil de concertation essentiel. L’impact dépasse la perte des emplois inhérente à sa disparition. Mais au lieu de s’effondrer, on se dit qu’il y a cette opportunité à saisir de prendre le contrôle de notre propre destinée. Il y a une volonté partagée de faire preuve de résilience en développant des pratiques locales plus proches de nos besoins. / Jerry Espada, agent rural au Centre local de développement (CLD) du Haut-Saint-François, au centre de l’Estrie. Nous avons vu l’austérité poindre Yves Bellavance, coordonnateur de la Coalition montréalaise des tables de quartier À ce stade-ci, il n’y a pas de menace de financement des tables de quartier en tant que telles. Notre préoccupation concerne davantage le travail de collaboration entre les acteurs. Une table de concertation travaille avec les écoles, la commission scolaire, les services sociaux et de santé, les groupes communautaires... Des entités affectées par les compressions. On sent une déstructuration de ce qui a été mis en place sur plusieurs années. Ces compressions dé- Le développement collectif nécessite de travailler sur la capacité d’entreprendre des différents acteurs, sur la participation citoyenne, sur la mise en place de systèmes organisationnels permettant de réfléchir et d’agir en concertation. Les outils de mobilisation dont on disposait à cet effet disparaissent. Les régions rurales qui ne s’étaient pas encore dotées de pratiques solides en terme de développement collectif risquent de stagner. Au sein de celles qui étaient plus avancées, on peut craindre une concurrence entre les Municipalités régionales de comté (MRC) dans un contexte où toutes doivent se partager moins de ressources . / Valérie Gilker-Létourneau, responsable des communications de L’R des centres de femmes du Québec Les centres de femmes, particulièrement en région, rapportent une augmentation et une diversification de leur clientèle. Davantage de femmes frappent à leurs portes, parmi lesquelles certaines ont perdu leur emploi à la suite de compressions. Une grande partie des mesures d’austérité concernent les secteurs de l’éducation, de la santé et des services sociaux, dans lesquels les femmes sont surreprésentées. Par ailleurs, la refonte des Centres de santé et de services sociaux (CSSS) risque d’accentuer la tendance des institutions publiques à sous-traiter avec des groupes communautaires ou d’économie sociale, déjà mal financés par l’État, qui devront assumer des services autrefois confiés au public. Le salaire et les conditions de travail des personnes occupant ces emplois, majoritairement des femmes, s’en ressentiront. / Élise-Ariane Cabirol, présidente de la Table de concertation des forums jeunesse régionaux du Québec Parmi les emplois supprimés, nombre de postes influant sur les enjeux de développement collectifs étaient occupés par des jeunes revenus s’installer en région. Nous craignons une perte d’expertise et de dynamisme. Actuellement, on gère l’onde de choc : le développement régional se voit un peu paralysé, des projets qui avançaient bien sont freinés, voire arrêtés, les énergies qu’on aurait pu consacrer à l’innovation sont investies dans le sauvetage des meubles! Avec l’abolition des CRÉ, on s’interroge sur la représentativité REGARDS CROISÉS - DOSSIER- 19 KALÉIDOSCOPE - VOL. 2 NUMÉRO 3 - HIVER 2015 des jeunes au sein des instances décisionnelles. Lise Gervais, coordonnatrice générale de Relais-femmes, Montréal La fermeture des CRÉ coupe l’organisation, au niveau régional, de la politique d’égalité, puisqu’elles étaient responsables de s’assurer de l’implantation de certains engagements gouvernementaux en la matière. Les femmes sont les premières à subir les contrecoups des mesures d’austérité. Traditionnellement, elles assument les rôles d’aide aux personnes. Et elles vont continuer à le faire de toute façon. Alors on coupe impunément. D’autre part, on met en péril tous les choix collectifs de ces dernières années. On renvoie au domaine du privé ce qui avait été socialisé, mutualisé. / Suzanne Roy, présidente de l’Union des municipalités du Québec Comme élus, nous devrons mettre l’épaule à la roue pour as- surer le moins de perte d’expertise possible et le maintien des services rendus aux entrepreneurs en terme de développement économique. Nous allons devoir revoir nos façons de faire. Dans plusieurs régions, des choix sont déjà faits. Par exemple, en intégrant aux MRC les personnes qui offraient des services via des structures abolies. Le défi consiste à maintenir les services avec des ressources financières moindres. On peut y voir une opportunité de se réinventer. / - Propos recueillis par Marcelo Solervicens - Lise Roy, Directrice générale, Centre Saint-Pierre « Le Centre St-Pierre (centre de formation continue et centre d’éducation populaire au service des groupes engagés socialement), se trouve au cœur de la dure réalité imposée par le gouvernement à plusieurs organismes communautaires, entreprises d’économie sociale, syndicats et instances de développement à travers le Québec, car ceux-ci sont nos partenaires, nos participants ou nos clients. Nous craignons à juste titre une sérieuse baisse dans les demandes de formation en plus de voir le partage d’expertise, l’intégration de la relève et la mise en place de groupes de codéveloppement sacrifiés. » / Mario Dion, organisateur communautaire, Gatineau L’impact majeur est un déficit démocratique. Avec la disparition des CA des CSSS, des agences de santé, des CRÉ et des CLD, on concentre de plus en plus le pouvoir dans l’unique champ de la démocratie représentative. Cela discrédite toute structure de démocratie participative, toute structure, locale ou régionale, destinée à aider les préoccupations des milieux à influencer le pouvoir central. La « dictature » de la démocratie représentative risque de démobiliser les communautés et d’affaiblir considérablement la démocratie participative. Un recul majeur! / Christiane Lussier, Réseau québécois de développement social, RQDS Aucune référence n’est faite dans les annonces gouvernementales au développement social. Or, la décision d’abolir les Conférences régionales des élus implique des «dommages collatéraux » portant atteinte à ce développement. Comme les CRÉ étaient les fiduciaires et les partenaires d’ententes régionales, leur disparition prive les autres partenaires du développement social de moyens pour continuer les travaux en cours. Ainsi, selon les régions, on pourra voir la fin des démarches régionales et des ententes régionales liées à l’égalité, l’immigration, les aînés, l’économie sociale, la lutte contre la pauvreté, etc., et, par con- séquent, l’abandon des projets liés à leur financement. Pourtant les besoins demeureront. / Paulette Lalande, présidente, Conférence régionale des élus Outaouais L’abolition des Conférences régionales des élus ne fait pas l’unanimité. D’ailleurs, quatorze régions sont en voie de créer une nouvelle instance régionale de concertation pour prendre leur relève. Les régions ont besoin de ces instances, pour parler d’une voix solidaire. Elles favorisent un réel dialogue entre les représentants des villes et des MRC qui, autrement, seraient isolées. L’implication de la société civile permet par ailleurs une meilleure cohésion entre l’action politique et citoyenne. Ensemble, il de-vient possible d’établir une vision commune du développement d’un territoire, y compris en développement social. Les compressions en santé, éducation, développement régional et d’autres secteurs fragiliseront davantage les MRC rurales, notamment par la perte de nombreux emplois de qualité. » / 20 - REGARDS CROISÉS - DOSSIER KALÉIDOSCOPE - VOL. 2 NUMÉRO 3 - HIVER 2015 Kaléidoscope a cru important de partager avec les acteurs du développement collectif le manifeste de Dynamo. Pour en savoir plus à http://dynamocollectivo.com/ Le manifeste de DYNAMO Suite aux récentes décisions du gouvernement québécois, bon nombre de territoires du Québec vivent depuis plusieurs semaines une onde de choc plus que déstabilisante. Face à ce bouleversement de structures annoncé ou à prévoir, face à l’incertitude, comment réagir : dénoncer, résister, protéger, agir, subir, informer, énoncer, laisser passer, laisser venir... Les actions possibles sont multiples. Chez DYNAMO, nous choisissons d’énoncer, de croire, et - vous nous connaissez un peu - de RÊVER. Et plus encore avec ce vent de changements qui se lève. Parce que nous sommes complices et solidaires des acteurs en développement des collectivités du Québec, voici notre MANIFESTE. Il est nôtre. Nous vous le partageons. Il peut aussi devenir le vôtre. Les possibles collectifs Énoncer d’un souffle profond, qu’un Québec des solidarités ne peut s’ériger qu’en s’appuyant sur un développement inclusif et intégré des collectivités. Un développement intelligent, car dessiné à grands coups de pinceaux inventifs par une diversité d’acteurs : forces vives de chaque territoire. Énoncer avec audace que notre devenir collectif doit comprendre des espaces de dialogue patiemment construits. Des mobilisations apprenantes. Des collaborations qui font une différence. Des visions communes finement ciselées. De l’intelligence collective au rendezvous. Des projets inspirants et porteurs d’avenir. Des alliances déterminantes. Des citoyennetés actives à hauteur d’hommes et de femmes allumés. Et parfois. Des allers. Des retours. Et des peutêtre, des souhaitables, des imaginables, des inavouables et des possibles collectifs. Les nôtres. Énoncer avec conviction q u e même ébranlé, le travail collaboratif au cœur des terri- t o i r e s s e p o u r s u i v r a , s’animera de ses mille feux et passions, s’affirmera avec vigueur et intention. Qu’il n’y aura pas de Québec sans nous. NOUS des villages et des villes. NOUS citoyenNEs, organisations communautaires, éluEs, institutions, entreprises d’économie sociale et privées préoccupés par les trop présentes inégalités sociales et l’insoutenable exclusion. Énoncer avec force l’importance de soutenir les acteurs locaux et régionaux qui inventent chaque jour des coins de pays inclusifs et conviviaux. Et ainsi, être du côté de ceux et celles qui, contre vents et marées, osent, collaborent, créent, rassemblent et cherchent des voies d’avenir. Un travail collaboratif s’appuie sur des talents et un savoirfaire construit à travers les succès et les échecs collectifs. Ce capital humain porte en lui-même une valeur inestimable. Il importe qu’il puisse prendre son envol. Face aux vents contraires. Rêver. Sans cesse. S’inscrire du côté des possibles collectifs et du côté de celles et de ceux qui veu- lent faire bouger les choses en repoussant les limites connues. Avoir la tête dans les étoiles et les deux pieds sur terre. À même notre élan collectif légendaire. Rêver. Ensemble. Pour réinventer des territoires solidaires et faire face aux enjeux complexes, il nous est essentiel d’œuvrer en mode collectif, car aucune organisation ne possède à elle seule la solution. Nous devons sans relâche et avec audace travailler à faire advenir des territoires plus justes, plus inclusifs, plus prospères et solidaires où chacun et chacune peut s’épanouir et participer à la vie de sa collectivité. Et, nommons-le, rien ne peut ébranler cette volonté. La mobilisation locale et régionale fait partie de notre histoire. Nous sommes le Québec que nous souhaitons, que nous créons. Qu’on se le dise. Qu’on se le rappelle. Et ce, même lors de jours de grands vents. / REGARDS CROISÉS - DOSSIER - 21 KALÉIDOSCOPE - VOL. 2 NUMÉRO 3 - HIVER 2015 Genèse d’une rigueur annoncée Quelle est l’origine de cette rigueur budgétaire qui sévit et menace de faire tomber certains piliers du développement communautaire? Un mot : dette. Source d’inquiétude et d’angoisse depuis trente ans, la dette brute du Québec atteignait 197 milliards de dollars en mars 2014, soit 54,3% du Produit intérieur brut (PIB). - Par Anabel Cossette Civitella - L’importance de la dette est-elle une exagération, comme le laisse croire la gauche, ou est-elle plutôt catastrophique, comme le laisse entendre le gouvernement libéral? Mathieu Arès, professeur adjoint en économie à l’Université de Sherbrooke, considère que le Québec ne peut plus continuer à s’endetter de la sorte : « La situation est intenable. Oui, il y a un débat idéologique à faire. Mais il y a aussi la pression des marchés. Et c’est la crédibilité du Québec qui est en jeu. Le gouvernement a dit aux marchés internationaux qu’on avait un plan de redressement. Si on reporte d’une année, puis de deux, c’est comme si on racontait n’importe quoi. » Certains, comme le professeur Arès, plaident pour la création d’emplois afin d’augmenter la croissance de la province. D’autres, d’orientation plus néolibérale et partisans du plan des Libéraux, invoquent le laisser-faire et le désengagement de l’État, en avalisant les coupes dans les programmes sociaux ou encore en se tournant vers le secteur privé. Mais les tergiversations autour de la dette ne datent pas d’hier. Voilà 30 ans que les gouvernements péquistes et libéraux tentent par tous les moyens de réduire son fardeau fiscal. Petite histoire de la dette Nous sommes en 1980. La Révolution tranquille (19601980) s’achève et, avec elle, une période durant laquelle l’influence de l’État était particulièrement importante. La Révolution tranquille a donné naissance, entre autres, à des structures destinées à l’éducation de masse et à un État-providence. Par ailleurs, durant cette période, le nombre de travailleurs a doublé dans la fonction publique, alors que les revenus de l’État se sont multipliés par six. Les années 1970 ont quant à elles été une période d’endettement vouée à l’investissement dans la construction de routes, d’hôpitaux, et dans le développement hydroélectrique, notamment. Ces dépenses d’immobilisation étaient justifiées : elles créaient de la richesse à long terme. Les années 1980 sonnent la fin de la récréation. Le cours des matières premières se met à descendre au moment où les taux d’intérêt montent en flèche, alourdissant le service de la dette de nombreux pays. Au Québec, celle-ci atteint un sommet de 60% du PIB. En GrandeBretagne et aux États-Unis, Margaret Thatcher et Ronald Reagan sévissent. Leurs politiques conservatrices et néolibérales comptent sur les contraintes fiscales et la privatisation. Elles influencent tout l’Occident. Le Québec et le Canada ne sont pas en reste. En effet, alors que peu de temps auparavant, on considérait l’État comme le levier du développement économique au Québec, les années 1980 donnent plutôt le beau rôle au conservatisme et à l’entreprise privée. À partir des années 1980, les politiciens se succèdent donc pour assainir les finances publiques. Dans les années 1990, le gouvernement péquiste de Lucien Bouchard se débarrasse d’entreprises d’État déficitaires en plus de forcer des fonctionnaires à la retraite. Au tournant du millénaire, le premier ministre libéral de Jean Charest coupe dans les dépenses et fait passer la Loi sur la réduction de la dette et institue le Fonds des générations (2006). Le Québec voit ainsi son premier surplus budgétaire lorsqu’arrive la récession de 2008. Durant ces 15 années d’avant crise, la dette diminue. Ce n’est qu’avec la crise financière de 2008 que le rapport dette/PIB augmente, selon les données de l’Institut de recherche et d’informations socio-économique (IRIS). Les stratégies de sortie de crise ramènent alors la dette à ce qu’elle était en 2000. Qu’en est-il aujourd’hui? En 2015, l’augmentation de la dette est une inquiétude bien réelle, mais les moyens pour la réduire manquent leur cible. D’abord, Mathieu Arès rappelle que, tant qu’il n’y aura 22 - REGARDS CROISÉS - DOSSIER KALÉIDOSCOPE - VOL. 2 NUMÉRO 3 - HIVER 2015 pas de croissance, il n’y aura pas tout ça? Qu’est-ce qui justifie les d’équilibre facile. Et pour qu’il y ait coupes du côté des Conférences récroissance, il doit y avoir plus de gens gionales des élus (CRÉ), des Corporaqui travaillent. « Mais on n’est pas du tions de développement économique tout dans ça. La machine gouvernecommunautaire (CDEC), des Cenmentale ne va pas créer des milliers tres locaux de développement (CLD), d’emplois », insiste-t-il. Le gouvernealouette? ment diminue plutôt ses investissePour Mathieu Arès, il ne fait ments en infrastructure (trois milaucun doute que certains secteurs liards de moins d’ici deux ans), ce qui de la société sont plus durement touaffectera bon nomchés que d’autres. bre de travailleurs. « Certains secteurs de la « Les économies Les économistes de société sont plus durement de bouts de chanDesjardins soutiendelle sont beaucoup touchés que d’autres. nent d’ailleurs que Les économies de bouts de plus faciles à faire. les coupes gouverPlutôt que de dire chandelle sont beaucoup qu’on nementales actuelles réorganise plus faciles à faire. contribuent à ralenle ministère pour tir l’économie. Plutôt que de dire qu’on maintenir les subPierre Fortin, réorganise le ministère ventions, on coupe professeur émérite pour maintenir les subven- dans les petits orde l’Université du ganismes. Et reste Québec à Montréal tions, on coupe dans les que, d’un point petits organismes. » (UQAM), évoque mêde vue froidement me, dans son blogue comptable, éconoMathieu Arès économique pour le miser 1$ sur le dos magazine L’Actualité, la possibilité des petits organismes ou 1$ sur le d’une récession au Québec si les ministère, dans le budget, c’est la Libéraux précipitent leurs actions : même chose », rappelle-t-il. «Il faut comprendre que le gouverneAinsi, la présidente de Solidarité ment désire agir vite : il veut en finir rurale du Québec, Claire Bolduc, au plus tôt avec les mauvaises nous’est vue dans l’obligation de mettre velles afin de se présenter de façon à pied l’ensemble de ses employés en plus positive à l’élection provinciale décembre dernier, suite à l’annonce de 2018. Mais en agissant de façon du non-renouvellement d’une entrop rapide, il nous fait courir pluveloppe financière gouvernementale. sieurs risques. » Le directeur de Territoires innovants en Par ailleurs, malgré la promesse du économie sociale et solidaire (TIESS) gouvernement libéral de couper dans Vincent Van Schendel, échappe à les structures de l’État, l’économiste une telle mise à mort, mais il devra Mathieu Arès ne voit pas de comréapprendre à faire fonctionner son pressions significatives. Pour lui, organisme avec un budget grandeon ne fait qu’augmenter les revenus ment diminué. Pour lui, ce sera peuten augmentant la facture des conêtre là l’occasion de créer une mobilitribuables. Par exemple, on n’a sation comme celle qui avait eu lieu pas annoncé la fermeture des gardans les années 1980, lors du grand deries, mais plutôt l’augmentation tournant néolibéral. « Partout, les des tarifs. On refile ainsi la note aux gens ne décolèrent pas. Les coupes Québécois. Même procédé pour les vont faire mal, mais les initiatives commissions scolaires : on envoie vont probablement repartir sous une l’addition aux commissions scolaires autre forme », espère-t-il. / qui, elles, la transmettent aux parents. Le développement collectif : des coupures faciles Et le développement collectif, dans Pour en savoir plus * Économistes canadiens contre l’austérité * Ministère des Finances du Québec. * État de la dette du Québec 2014, l’IRIS. * Les carnets de blogue de Gérald Fillion. Qu’est-ce que la dette? • La dette prend une signification lorsqu’on la compare aux revenus du Québec. On utilise le ratio dette/PIB pour en comprendre l’importance. C’est pourquoi augmenter le PIB d’un pays – augmenter sa croissance économique – a l’effet de faire paraître la dette plus petite. • La dette est plus ou moins grande selon qu’elle est « du secteur public », « brute », « nette » ou « représentant les déficits cumulés ». • On parle d’un déficit budgétaire lorsque les dépenses excèdent les recettes de l’État. Depuis 1997, le déficit concerne uniquement les opérations courantes du gouvernement, pas ses investissements dans les infrastructures. « Ainsi, le gouvernement du Québec peut être en équilibre budgétaire et voir sa dette augmenter chaque année. C’est ce qui s’est d’ailleurs produit au début des années 2000, jusqu’à la crise de 2008 », explique Simon Tremblay-Pepin, chercheur à l’Institut de recherche et d’informations socio-économique (IRIS). • L’objectif gouvernemental est de diminuer le fardeau de la dette de 54,3% à 45% du PIB en 2026. Son principal outil : le Fonds des générations, une sorte de compte d’épargne dans lequel est versée une portion des revenus de l’État (entre autres, les redevances minières et la taxe sur l’alcool). « On fait le pari que les intérêts vont faire grossir la cagnotte de manière plus importante que si on payait le total de la dette », mentionne M. Tremblay-Pepin. Mais comme il le précise, c’est un coup de dé. / REGARDS CROISÉS - DOSSIER - 23 KALÉIDOSCOPE - VOL. 2 NUMÉRO 3 - HIVER 2015 Points de repères Par Georges Letarte Gouvernance actuelle Nouvelle configuration Conférence régionale des élus (CRÉ): • Disparition de la structure officielle de représentation des régions auprès de l’État • Dialogue et concertation entre les élus et autres acteurs du développement (société civile) • Vision globale du développement • Concertation et soutien de projets porteurs à l’échelle régionale • Voix de la région auprès de l’État • Centralisation décisionnelle dans les ministères • Absence de vision commune et de projets porteurs à l’échelle régionale • Valorisation de l’échelle territoriale MRC • Pouvoir décisionnel exclusif des élus locaux et accentuation de la compétition entre les MRC • Capacité des MRC à assumer les mandats de développement (taille et niveau de ressource) Centre local de développement (CLD) et Corporation de développement économique communautaire (CDEC) : • Partage et développement de l’expertise entre les élus et autres acteurs du développement (société civile) • Diversité et soutien aux différents modes de développement économique • Prise en compte d’une vision durable du développement • Modalités variables des nouvelles structures de développement économique selon les MRC et les villes • Pouvoir décisionnel exclusif des élus : hausse du pouvoir d’influence des réseaux politiques locaux et risque de corruption • Réduction potentielle à la seule vision du développement économique traditionnel sans prise en compte de l’économie sociale • Insuffisance d’expertise diversifiée dans l’analyse des projets • Déficit démocratique des MRC : élus délégués et absence quasi totale de préfets élus • Forte diminution des budgets de soutien au développement économique sous contrôle local Établissements de santé et de services sociaux : • Un seul établissement régional assumant la totalité des missions sauf exceptions, de 182 à 33 établissements • Échelle territoriale (CSSS) permettant un certain niveau d’adaptation des services aux réalités et besoins des divers territoires • Complexité et fragilité des processus permettant des partenariats locaux et régionaux • Représentation minimale de la population permettant une vigilance démocratique • Partenariat dans des projets de prévention, de promotion et de développement territorial Georges Letarte est consultant en développement collectif • Pouvoir décisionnel unique du ministre dans la désignation des conseils d’administration et du PDG dans les nouveaux établissements et bureaucratie non imputable auprès de la population • Fragilisation de la promotion, de la prévention et de la santé publique et retour à l’hospitalocentrisme / 24 - REGARDS CROISÉS - DOSSIER KALÉIDOSCOPE - VOL. 2 NUMÉRO 3 - HIVER 2015 La fin de la concertation régionale au Québec? L’impact des mesures d’austérité annoncées l’automne dernier va au-delà de la fermeture de certains organismes et des pertes d’emplois. Il s’agit d’une véritable transformation du développement régional. Dans ce remue-ménage, on trouve plus de questions que de réponses. Rien pour conforter les acteurs économiques. Par Mickaël Bergeron La liste des organismes touchés par ces mesures ner aux régions leurs propres outils de développeest longue : Centres locaux de développement (CLD), ment, dans les années 1990 : notamment les CJE Centres jeunesse-emploi (CJE), Agences de santé, (1995), SRQ (1997) et les CLD (1998). Conférences régionales des élus (CRÉ), Solidarité La présidente de SRQ (instance-conseil du rurale du Québec (SRQ), etc. Et encore, l’onde de gouvernement en développement rural jusqu’en choc ne se limite pas aux premières victimes. « Il décembre dernier), Claire Bolduc, raconte que y a un effet domino dont on ne parle pas, fait reBernard Landry, alors ministre des Finances du marquer la directrice générale de l’Association des Québec, avait mis son groupe au défi de citer un CLD du Québec (ACLDQ), Suzie Loubier. Plusieurs seul village prospère au Québec : « On en a nommé chambres de commerce ou organismes seront touquinze. M. Landry voulait savoir comment en créer chés par la perte des CLD, qui les finançaient ou les une centaine. C’est comme ça qu’est né le budget soutenaient. » de recherche. Pour voir les choses autrement. » Selon Marie-Josée Fortin, professeure au DéparteAujourd’hui, les structures sont ébranlées, dément Sociétés, territoires truites ou modifiées, « C’est un recul majeur sur 40-50 ans et développement et titumais pourquoi? Les d’histoire. C’est une remise en laire de la Chaire de requestions demeurent en cherche du Canada en question des outils et des structures. Ça suspens. Surtout, est-ce développement régional que les villes et les MRC va à l’encontre de ce qui a été bâti. » et territorial à l’Université pourront prendre la Marie-Josée Fortin du Québec à Rimouski, relève efficacement? Les il s’agit d’un « recul hisavis sont mitigés. torique » : « C’est un recul majeur sur 40-50 ans Dans son étude « Villages prospères », SRQ montre d’histoire. C’est un enjeu majeur. C’est une remise que le leadership local et l’ancrage régional sont esen question des outils et des structures. Ça va à sentiels à un véritable essor économique, que la clé l’encontre de ce qui a été bâti. » Elle et son équipe est un développement intégré. « Les élus ne sont pas ont dénoncé la vision du premier ministre Couillard tous des leaders, souligne Mme Bolduc. Nous allons dans une lettre ouverte . « C’est l’une des rares fois avoir des histoires à succès… et de moins bonnes où j’ai sorti ma plume. Les décisions sont incohéhistoires. Ça va dépendre des élus. » Un point de vue rentes », confie-t-elle. partagé par Marie-Josée Fortin : « Ça va dépendre des territoires. » Suzie Loubier ne croit pas non plus qu’il soit Des structures remises en cause avisé de tout remettre entre les mains des élus : «Il ne faut pas que ce soit que les maires qui déPlusieurs organismes touchés par les comprescident du développement économique. Ils devront sions budgétaires sont nés d’une intention de don- REGARDS CROISÉS - DOSSIER - 25 KALÉIDOSCOPE - VOL. 2 NUMÉRO 3 - HIVER 2015 s’entourer d’experts qui, bénévolement, s’impliquent et croient au développement de leur région. » Elle rappelle par ailleurs que si les CLD géraient des fonds gouvernementaux, avaient un financement public, ils demeuraient des organismes sans but lucratif, avec des conseils d’administration composés de gens de tous les milieux. Avant de se dissoudre le 15 février prochain, l’ACLDQ fera d’ailleurs valoir auprès du gouvernement que le développement économique passe par la mobilisation des collectivités et qu’elle craint que les décisions se prennent désormais à « huis clos », entre élus. Selon elle, les gens d’affaires partenaires du CLD ne voulaient pas d’une structure politisée : « Voudront-ils s’impliquer avec des élus, avec une MRC? » La concertation, principale victime Pour l’experte en développement territorial qu’est Marie-Josée Fortin, la plus grande perte risque d’être la concertation, principal moteur de l’essor régional: « Le développement régional se fait souvent par de grandes Celliers de la Vieille entreprises qui convoitent les ressources naturelles. Il faut devant eux un interlocuteur qui a du poids, comme les CRÉ, plutôt qu’une petite MRC, pour créer des ententes et des accords qui maximiseront le territoire. » Elle donne en exemple le développement de l’éolien en Gaspésie. La CRÉ de la Gaspésie a réussi à faire modifier un programme québécois mal adapté à la région, à rendre les communautés partenaires, créant ainsi une forme de nationalisation de l’éolien. Un poids politique que Cap-Chat Garde, Saint-Honoré. Photo: Marie-Ève Lavoie. n’aurait pu avoir seul. Un des avantages des CRÉ était justement la concertation, ajoute la professeure. Les élus, qui « étaient obligés de s’asseoir pour les fonds » et de s’entendre, craignent d’ailleurs un retour des guerres de clochers. La concertation était aussi une des forces des CLD. « Notre rôle était de créer une mobilisation des acteurs socioéconomiques d’un territoire » pour voir apparaître de nouveaux projets des conditions 26 - REGARDS CROISÉS - DOSSIER KALÉIDOSCOPE - VOL. 2 NUMÉRO 3 - HIVER 2015 jeunes professionnels des centres urbains, ne sait plus avec qui il devra collaborer pour continuer son mandat. R. Mathieu Vigneault, directeur général, ne prend pas clairement position sur la tourmente, mais parle de confusion : « On devra faire des contorsions administratives ou organisationnelles. Il y a des CLD où travaillaient nos agents régionaux qui ferment. Est-ce que les MRC prendront la relève? C’est à voir. » Poursuivre l’occupation du territoire malgré tout Si Solidarité rurale du Québec n’a plus de bureau ni d’employés, Brunch-mentorat, Saint-Fulgence. Place aux jeunes en Région. l’organisme «existe toujours», inPhoto : Marie-Ève Lavoie. siste sa présidente. Le regroupement, dont le membership compte propices à l’entrepreneuriat, exchaire de recherche sur la ruralidésormais de plus en plus de ciplique Suzie Loubier. té avec. Il en existe déjà quatre au toyens et moins d’organismes, Québec! Il y a des départements est maintenant en réflexion sur complets qui travaillent déjà làOù s’en va le son futur. dessus. Ça va donner quoi? On gouvernement Couillard? Quant à la direction de Place était un catalyseur. On analysait aux jeunes, elle maintient que et vulgarisait les recherches pour Comment se fera la passation «le service ne sera pas délaissé» les communautés et on revenait des pouvoirs? Quels services et se montre solidaire seront maintenus? de ses partenaires : « Il ne faut pas que ce soit que les maires Difficile de le savoir. «La grande famille du qui décident du développement économique. Les décisions ont été développement régional Ils devront s’entourer d’experts qui, annoncées, mais la est affectée, des solloi 28, loi omnibus bénévolement, s’impliquent dats tombent, déplore regroupant toutes et croient au développement de M. Vigneault. On se les mesures visant concentre sur notre leur région. » l’équilibre budgémission: parler des réSuzie Loubier taire, n’a pas encore gions. Elles ont besoin été votée. plus que jamais d’une vers les universités avec le pouls Tous semblent chercher la tribune. Envers et contre tous, et les projets des citoyens. » Elle ligne directrice du gouverneon maintient le cap. C’est comme s’inquiète : « Les lieux de débats ment. «Il n’a pas étudié l’impact ça qu’on garde le fort. » / sont mis à mal dans les mesures des changements. C’est une dédu gouvernement. SRQ, les CLD cision comptable», lance la diet les CRÉ étaient des lieux de rectrice de l’ACLDQ. Un avis apdébats. La réflexion rurale ne puyé par Marie-Josée Fortin : sera jamais terminée. » «On cherche le raisonnement… Indirectement touché par c’est une stratégie à courte vue.» les compressions, l’organisme Claire Bolduc y voit aussi des erPlace aux jeunes, chargé de prorements : « Notre budget existe mouvoir les régions auprès des toujours. Ils veulent créer une REGARDS CROISÉS - DOSSIER - 27 KALÉIDOSCOPE - VOL. 2 NUMÉRO 3 - HIVER 2015 Sejour exploratoire au Mont-Saint-Joseph. Place aux jeunes en Région. Photo : Geneviève Labillois. Des impacts régionaux de la fermeture des Conférences régionales des élus Par Louis-André Lussier Les Conférences régionales des élus (CRÉ) seront abolies dès l’entrée en vigueur de la loi 28 à l’ouverture législative à Québec. Rappelons que lors de leur création, les CRÉ avaient reçu comme mission, entre autres, de favoriser la concertation des partenaires sur leur territoire et de conclure des ententes spécifiques de régionalisation avec le gouvernement. Tout cela, autour de priorités reconnues régionalement pour mieux assurer le développement socioéconomique de leur territoire respectif. Les enjeux régionaux, urbains, périurbains et ruraux y étaient donc concrètement analysés via des concertations où experts régionaux, conseillers des CRÉ, élus régionaux et leurs nombreux partenaires pouvaient se saisir des dossiers chauds et ainsi prendre des décisions éclairées pour mettre en place des projets viables économiquement et socialement. Tout membre de la société civile intéressé par le développement socioéconomique d’une région y avait donc une voix. De l’entrepreneur visionnaire d’une PME à la directrice d’un Centre de femmes, en passant par des fonctionnaires de tous horizons, tous y trouvaient un espace d’échange, d’écoute et de participation citoyenne. Du choc des idées et des points de vue naissaient des projets concertés et un accès souvent privilégié aux élus des régions. Une plus-value régionale disparaîtra, malgré une période de transition planifiée, ce qui met en péril de multiples avancées en développement régional, tout en soulevant des inquiétudes légitimes sur l’avenir du développement socioéconomique de nombreuses collectivités du Québec. / 28 - REGARDS CROISÉS - DOSSIER KALÉIDOSCOPE - VOL. 2 NUMÉRO 3 - HIVER 2015 L’héritage saccagé des CLD Il y a long à dire et à écrire sur la décision prise en octobre dernier par le gouvernement du Québec de revoir le financement des Centres Locaux de développement (CLD) à travers une révision en profondeur du pacte fiscal le liant aux différentes municipalités du Québec. Par Jacques Fiset et André Fortin Cette décision, comprise dans le mouvement plus large de l’austérité qui prévaut (et que certains préfèrent indûment nommer « rigueur »), supprime l’obligation, pour les municipalités et les MRC, de confier à un CLD une mission de développement local, leur donnant ainsi le choix de maintenir ou non leur CLD. Nous avons décidé de commenter cette décision sous l’angle de la gouvernance, puisque nous avons la conviction qu’il s’agit de l’enjeu principal. En effet, le type de gouvernance promu par ces organismes est l’une de leurs principales innovations, une innovation qui a pourtant régulièrement été remise en question au cours de sa trop brève histoire. De la gouvernance version citoyenne au contrôle par les élus La loi 171, qui a mené à la création des CLD en 1998, entérinait l’idée selon laquelle il est avantageux de confier à la population d’une communauté l’initiative de son développement. Cette idée n’était pas nouvelle : il existait déjà sur le terrain des initiatives citoyennes, souvent soutenues par les pouvoirs politiques locaux, qui permettaient à des collectivités d’innover, de contrer un faible développement par une forte mobilisation, bref, de faire du développement local. Allant de la création de petites entreprises privées ou communautaires à la revitalisation d’écoles désaffectées, en passant par la valorisation du patrimoine, ces initiatives couvraient des domaines diversifiés (production manufacturière, culture, habitation, services collectifs) et mettaient à contribution une pluralité de parties prenantes. La loi 171 s’inscrivait donc dans cette approche sur le plan de la gouvernance : les CLD auraient des conseils d’administration diversifiés, pluralistes, où aucune partie prenante ne serait majoritaire et où les milieux eux-mêmes désigneraient leurs représentants. Le gouvernement prenait alors clairement acte que la société, tout comme l’économie, est plurielle. Si l’idée n’est pas neuve, l’institutionnalisation et la généralisation de ce modèle de gouvernance constituent par ailleurs, à l’époque, une avancée importante, notamment en termes de décentralisation. Au départ, cette avancée ne se fait pas sans heurts : aux yeux du milieu des affaires, le CLD est d’abord perçu comme « plus communautaire qu’économique» alors que le milieu communautaire lui reproche son côté trop «affaires». Mais le CLD réussit à rapprocher ces milieux aux perceptions divergentes, à établir une collaboration. En 2004, le gouvernement libéral casse cependant ce modèle efficace : il permet aux élus municipaux d’être majoritaires sur le conseil d’administration et donne aux MRC le pouvoir de nommer les membres du conseil, retranchant des pouvoirs à la société civile. Si certaines villes, comme Québec, décident alors de maintenir une pluralité non hiérarchique au sein de la gouvernance, près de 50 % des CLD sont désormais « contrôlés » par les élus municipaux. Et cette mainmise des élus vient tout juste d’être renforcée par le « Pacte fiscal transitoire concernant les transferts financiers aux municipalités pour 2015 et une nouvelle gouvernance régionale» REGARDS CROISÉS - DOSSIER - 29 KALÉIDOSCOPE - VOL. 2 NUMÉRO 3 - HIVER 2015 départ, comme nous l’avons dit, Premier constat : l’addition de du gouvernement Couillard. des perceptions assez biaisées ces démocraties fonctionne bien. Dorénavant, ce sont les MRC qui de leurs actions respectives. Ce Elle a en effet permis de prense chargeront du développement dre de bonnes décisions, de géfaisant, elle a contribué à rendre local, puisque le gouvernement nérer du développement collectif le développement plus démocraleur transfère le financement des et de soutenir la croissance de tique. CLD. l’économie sociale. Le développement local ne peut Si les maires de Québec et de Second constat (le plus imporêtre réduit au soutien aux entreMontréal se sont empressés de prises et encore moins à l’octroi tant à nos yeux) : l’addition de ces signer cette entente, plusieurs de fonds. Toutes les analyses démocraties permet à différents municipalités la décrient. Parqui établissent la relation enmouvements (le mouvement syntout au Québec, elle se traduit tre de tels éléments par un recul de la Selon SUCO, « permettre aux collectivités de et le coût de foncparticipation de la société civile aux dé- s’approprier le processus de développement c’est tionnement des CLD déjà se développer ». Les récentes décisions poli- confirment la méconcisions de développetiques nient ce principe, qui a inspiré pendant naissance de la nament économique et plusieurs années l’action des CLD. ture du développepar des abolitions ment local dont font d’emplois. Les dés preuve ceux qui véhiculent cette dical, le patronat, les jeunes, le sont jetés sur l’avenir des CLD. À idée réductrice. Il s’agit d’un tramilieu institutionnel, le milieu Québec, le jour même du dévoilevail soutenu de mobilisation des politique et autres) de se renment du pacte fiscal, le maire milieux, de conseil aux entrecontrer, d’échanger, de délibérer annonce la fermeture du CLD de prises, certes, mais également de dans le respect des capacités et Québec et s’en réjouit. complicité avec ceux et celles qui de la légitimité de chacun. Elle a se soucient la relation complexe notamment permis à l’économie Deux démocraties entre l’économique et le social sociale d’apprendre à être plus ainsi que de la recherche d’une entrepreneuriale et à l’économie Selon Gilles L. Bourque et plus grande égalité. libérale d’être plus sociale, plusieurs autres, le modèle Selon SUCO, « permettre aux établissant un dialogue entre québécois de développement se collectivités de s’approprier le des personnes qui avaient au caractérise précisément par la capacité à faire reposer les décisions de développement sur deux jambes : celle de la démocratie représentative — qui renvoie aux représentants élus par suffrage universel — et celle d’une démocratie sociale ou participative – qui renvoie à la société civile, constituée de différents mouvements sociaux dont l’action est déterminante sur les collectivités. Le modèle de gouvernance instauré en 1998 mettait de l’avant l’interaction entre ces deux démocraties ; celui qui vient d’être imposé occulte totalement la seconde. Notre expérience en développement local nous a permis de faire deux constats qui nous poussent à voir ce changement comme une régression. 30 - REGARDS CROISÉS - DOSSIER KALÉIDOSCOPE - VOL. 2 NUMÉRO 3 - HIVER 2015 processus de développement c’est déjà se développer». Les récentes décisions politiques nient ce principe, qui a inspiré pendant plusieurs années l’action des CLD. Cela dit, il est trop tôt pour mesurer l’impact réel de tout ceci sur le soutien aux entreprises, sur le déve-loppement local et social. Les décisions quant au maintien des CLD dans plusieurs régions ne sont pas prises et, surtout, la nature du mandat transféré aux municipalités ou MRC reste à déterminer et s’avèrera évidemment variable. Quoi qu’il en soit, nous croyons que tous ceux qui se sont mobilisés de plusieurs façons au sein des CLD doivent aujourd’hui demeurer actifs, continuer de militer au sein des différentes organisations épargnées, interpeller les élus municipaux sur la question du développement local, bref, refuser d’abandonner. / Jacques Fiset est consultant en développement local et ex-directeur général du CLD de Québec André Fortin est chargé de cours à l’École de service social de l’Université Laval et ex-analyste de projets au CLD de Québec. Dans le rétroviseur Par Geneviève Huot et Vincent van Schendel, en collaboration avec Lynn O’Cain Au Québec, les citoyens se sont regroupés depuis des décennies pour créer des outils et des organisations afin de soutenir les initiatives de développement territorial. L’État a mis sur pied des politiques publiques qui ont appuyé ces démarches. Pour ce faire, des Corporations de développement économique communautaires (CDEC), des Centres locaux de développement (CLD), des Coopératives de développement régional (CDR), etc., ont alors vu le jour. Des mécanismes de concertation sont apparus dans les quartiers, les villes, les Municipalités régionales de comté (MRC) et les régions, pour trouver collectivement des solutions aux problèmes vécus et mettre en œuvre des projets répondant aux besoins et aux aspirations des populations. La création des Conseils régionaux de développement (CRD) se situait notamment dans cette perspective. En 2003, les Conférences régionales des élus (CRÉ) leur ont succédé. Réunissant des élus et des acteurs de la société civile, les CRE laissaient cependant moins de place à ces derniers. Par ailleurs, en 1991, les acteurs ruraux créent Solidarité rurale du Québec pour réfléchir ensemble au développement des milieux ruraux. Le mouvement communautaire se réorganise alors sur une base territoriale à travers le réseau des CDC. À compter de 1996, l’économie sociale s’organise également davantage, notamment par le biais des pôles régionaux d’économie sociale et du Chantier de l’économie sociale qui œuvrent depuis à la concertation des partenaires et à la promotion de cette forme d’entrepreneuriat. Ils assurent aussi la présence d’outils et de politiques permettant aux entreprises collectives de se développer. À l’automne 2014, le contexte change. Le gouvernement du Québec abolit les conférences régionales des élus (CRÉ). Il conclut également un pacte fiscal avec les unions municipales consacrant le transfert des responsabilités en matière de développement territorial aux municipalités et MRC. Du même souffle, il réduit de moitié les budgets de développement local, tout en laissant le choix aux MRC de maintenir ou non leur centre local de développement (CLD). Suit également la fin de la reconnaissance de Solidarité rurale du Québec comme instance conseil du gouvernement en matière de ruralité. / REGARDS CROISÉS - DOSSIER - 31 KALÉIDOSCOPE - VOL. 2 NUMÉRO 3 - HIVER 2015 Et si le développement collectif rebondissait? Le monde du développement collectif traverse une crise existentielle. Malgré les éclaircies offertes par des manifestations et des appels à la solidarité sur les réseaux sociaux, le défi de la mobilisation demeure entier, et toutes les générations sont concernées. Et si le milieu misait sur sa crédibilité pour non seulement survivre, mais aussi grandir en beauté avec de nouveaux joueurs? Par Alexandra Viau inquiet des coupes budgétaires Lorsque Carole Boucher et Sa collègue et co-porte-parole, Émilien Larochelle ont appris «idéologiques» opérées par le gouCarole Boucher, est fière du que leur Conférence régionale vernement libéral. Comme lui, déroulement de la rencontre : des élus (CRÉ) serait abolie avec plusieurs craignent que les ré« Elle nous a permis non seuled’autres instances de développegions ne soient pas égales devant ment d’envoyer un message fort ment local, ils en ont eu ras le les compressions budgétaires qui aux élus, mais aussi de créer une bol. En novembre dernier, la traaffectent les Centres locaux de vague de mobilisation et un sentivailleuse et le retraité ont créé développement (CLD), les CRÉ ment d’appartenance à la région. avec des comparses une cellule et l’organisme Solidarité rurale C’est inconcevable pour nous de d’urgence et une douzaine de du Québec, car les municipaline pas avoir une instance de conjours plus tard, plus de 300 cités n’auront pas toutes la même certation ». toyens, décideurs, étudiants volonté ni les mêmes reset artistes se réunissaient « Il faut être stratégiques dans nos sources pour poursuivre dans un sous-sol d’église leurs actions. mobilisations, pour forcer le de Rouyn-Noranda pour « Ces coupes affectent ceux gouvernement à faire des donner naissance au maniqui ont le plus besoin de compromis ». feste « Être l’Abitibi-Témissoutien et d’accompagnement, Denis Bourque camingue ». c’est-à-dire les entrepreLe manifeste, signé par neurs sociaux et les petits plus de 2 400 personnes à la Ce sont des actions de ce genre entrepreneurs », dénonce Luc mi-janvier, réitère les valeurs loqui permettront aux artisans Audebrand, professeur adjoint cales de coopération et le désir du développement collectif de à la Faculté des sciences de d’avoir un lieu de rassemblement conserver un poids, selon Denis l’administration de l’Université et d’échanges, comme l’était la Bourque, titulaire de la Chaire Laval et titulaire de la Chaire de CRÉ. « Je fais cela pour défendre de recherche du Canada en orgaleadership en enseignement en ma région. Nous avons la répucréation et gestion de coopéranisation communautaire : « Il faut tation d’être résilients, mais ça tives et d’entreprises collectives. être stratégiques dans nos mobisuffit, je ne veux pas que l’on plie Face à la tempête, il ne faut lisations, pour forcer le gouverl’échine », dit Émilien Larochelle, pas seulement sauver les meunement à faire des compromis ». bles, pense Denis Bourque, co-porte-parole du comité de momais profiter de la secousse bilisation régionale en AbitibiNaufrage ou nouveau cap? pour améliorer la participaTémiscamingue, membre de la tion citoyenne, qu’aucun poucoalition « Touche pas à mes réM. Bourque, aussi professeur voir ne peut empêcher : «Le dévegions », résolument en faveur du en travail social à l’Université loppement collectif s’appuie sur développement rural. du Québec en Outaouais, se dit 32 - REGARDS CROISÉS - DOSSIER KALÉIDOSCOPE - VOL. 2 NUMÉRO 3 - HIVER 2015 Le 25 novembre dernier, plus de 300 personnes se sont réunies à Rouyn-Noranda pour discuter de l’avenir de leur région. Photo : Alexandra Viau. et liberté d’action) ou encore des la volonté de transformer des propositions viables et réalistes sur le long terme ». L’infatigable acteurs qui sont moins actifs problèmes en réponses collecqu’ils le pourraient. Il pense aux défenseuse de l’économie sociale tives. Ce type de développement organisations philanthropiques propose à ses pairs de miser sur existait à l’époque de Maurice que sont la Fondation Lucie et la crédibilité acquise au fil des Duplessis (NDLR: Premier minisAndré Chagnon et Centraide, années et de donner l’exemple au tre du Québec de 1936 à 1939 et ainsi qu’au mouvement syndical, gouvernement en cessant de trade 1944 à 1959), même s’il ne le qu’il souhaite voir se réengager. vailler en silo. supportait pas ». Si, en plus de cela, le milieu Denis Bourque partage cette C’est pourquoi le naufrage se serre les coudes, fait preuve volonté de mobilisation positive n’aura pas lieu, croit la présidende courage et donne l’exemple, et invite le milieu à davantage te-directrice générale du Chanl’avenir commence à être tier de l’économie sociale, Et si la principale embûche, pour le plus radieux aux yeux de Nancy Neamtan, qui refuse de baisser les bras milieu, n’était pas son manque de res- Luc Audebrand : « Ce qui et invite ses collègues à sources financières, mais l’ignorance nous manque, c’est un sens aigu de l’intercoopération. avoir une vision histode la population à son égard? Nous ne pouvons pas rique et non hystérique : uniquement demander au « Je ne suis pas d’accord gouvernement d’avoir une polid’indépendance : « Il faut réfléchir avec ceux qui disent que nous tique d’achat en économie soà la diversification des modes de sommes en train de reculer de 30 ciale; il faut aussi que les enfinancement, [afin d’]à être moins ans! L’action collective ne dépend treprises d’économie sociale en pas de l’État, mais des citoyens. » à la merci d’une décision polidéveloppent une entre elles! ». tique. Le financement public est Il y a donc des opportunités à absolument nécessaire, mais il Des idées pour demain saisir dans l’actuelle crise: «Les est problématique, car il crée une idées et les valeurs sont plus vulnérabilité lorsqu’il est omniLes citoyens devront ainsi se importantes que les structures. présent. » mobiliser pour quelque chose Nous serons donc amenés à Parmi ses idées, il y a celle de et non simplement verser dans passer par de nouveaux rémettre à contribution de noul’opposition, pense Nancy Neamtan: seaux pour développer de nouveaux acteurs (notamment les « Il faut aller au-delà du front sovelles alliances. Des gens qui ne retraités du milieu communaucial contre l’austérité et proposer se parlaient pas vont peut-être taire, qui ont temps, compétences un front économique en faveur de REGARDS CROISÉS - DOSSIER - 33 KALÉIDOSCOPE - VOL. 2 NUMÉRO 3 - HIVER 2015 commencer à le faire, sans intermédiaires et dans un cadre moins formel », croit Valérie Demers, responsable de recherche au Centre d’étude en responsabilité sociale et écocitoyenneté au Collège de Rosemont, qui aide depuis 2010 les entreprises à faire du développement durable et social. L’importance de l’éducation Et si la principale embûche, pour le milieu, n’était pas son manque de ressources financières, mais l’ignorance de la population à son égard? Luc Audebrand rappelle que pour choisir l’économie sociale, encore faut-il savoir qu’elle existe : « Il faut en parler davantage dans les universités. Il faut que les entreprises d’économie sociale aillent voir les étudiants en sciences de la gestion, pas seulement ceux en sciences sociales puisqu’un faible pourcentage de diplômés en gestion connaissent ce qu’est une coopérative. » L’éducation auprès des citoyens pourrait quant à elle sauver des lieux de concertation et de développement régional, selon Émilien Larochelle, un retraité de l’enseignement, qui reconnaît que « c’est difficile de faire comprendre aux citoyens ce qu’ils vont perdre, parce que les impacts des compressions sont répartis sur une longue durée ». Mais il s’engage à « travailler fort pour bien leur communiquer [le] message [du développement collectif] ». Finalement, l’avenir sera certainement plus radieux quand les Touche pas à ma région! AbitibiTémiscamingue. Photographies : Alexandra Viau. jeunes prendront leur place sur l’échiquier de l’action collective au Québec. Ils sont l’une des sources de l’optimisme de Nancy Neamtan et de la chercheuse Valérie Demers. Cette dernière, qui développe des projets conjointement avec des étudiants du cégep, a constaté que « les jeunes ont une meilleure estime que nous de leur pouvoir d’agir. Pour eux, cela va de soi qu’ils sont capables de changer les choses ». Prétention? Excès d’enthousiasme? Pour changer les choses, il faut d’abord y croire. / 34 - SOCIALE FICTION KALÉIDOSCOPE - VOL. 2 NUMÉRO 3 - HIVER 2015 Bonne année 2015 ! 31 décembre. Montréal. Fin d’après-midi. Deux voisins en train de pelleter leur entrée individuelle. Rick (55 ans), Gabriel (24 ans). Texte de Martin Léon RICK Heille Gab, y a que’que chose qui m’trotte dans’ tête depuis un boutte… GABRIEL Vas-y donc. RICK J’t’ai vu aller, là, toute l’année… avec tes pancartes « allez donc voter » pis « engagez-vous socialement » pis ci, pis ça… Gabriel cesse de pelleter et regarde Rick. RICK Le monde, i’ changera jamais, mon homme. (Un temps). Pis que j’aille voter ou pas, ça va rien changer dans le fait qu’i’ va toujours y avoir un paquet de corrompus au pouvoir. Parce que la corruption c’est DANS l’être humain, ça, mon homme. Ça changera jamais! GABRIEL Rick. Ça existe, du monde qui pense autrement, non ? Nelson Mandela, par exemple, David Suzuki, Aung San Suu Kyi, Hubert Reeves, Malala Yousafzai. (Un temps). Y a des centaines de milliers de citoyens en ce moment qui travaillent dans l’espoir de faire évoluer la « conscience collective » : des jeunes, des femmes, des gens d’affaires, toutes sortes de citoyens. Pis pas juste dans le but d’améliorer leur petit sort individuel ou dans l’espoir de devenir populaires. Prends le président Mujica par exemple, en Uruguay, il vient juste d’aménager une place dans le palais présidentiel pour pouvoir accueillir les sans-abris. Pense à Mandela. L’histoire le démontre : ça existe pour vrai, des gens de pouvoir qui ont le goût de contribuer à améliorer le monde dans lequel on vit ; ça aussi, ça existe pour vrai DANS l’être humain, Rick, pis ça changera jamais. RICK Oui, mais y en a pas des politiciens de même chez nous, câlice… On entend un camion à ordures; il fait beaucoup de bruit. Rick doit donc parler un peu plus fort pour se faire entendre. RICK Moé, j’écoute leurs discours aux politiciens pis j’trouve qu’y a rien de collectif làdedans. On dirait des osties de discours de comptables. Aucune présence de valeurs familiales, artistiques, humanistes ou scientifiques dans leur discours. Rien. Juste des chiffres. Des projets de développement. Pis des chiffres. Comment veux-tu rassembler des vrais bâtisseurs autour de toi si ton seul thème c’est l’argent ? Les politiciens sonttu inconscients ou juste pus capables de parler avec leur cœur, câlice ? (Un temps). En tout cas, moé, j’me sens pas « inclus » pantoute dans leur discours, au contraire : à chaque fois que j’en écoute un parler, j’me sens encore plus tout seul dans’ vie… Un temps passe. Gabriel regarde Rick. Les deux hommes se remettent à pelleter. GABRIEL C’est justement une des raisons qui fait que j’ai l’goût de m’engager socialement, Rick: ça me fait rencontrer du monde allumé pis ça me fait SOCIALE FICTION - 35 KALÉIDOSCOPE - VOL. 2 NUMÉRO 3 - HIVER 2015 sentir moins tout seul dans’ vie… La pelle de Rick s’est prise dans un tas de glace. Rick tente de la dégager. RICK Voyons câlice… GABRIEL (continue) Pendant que nos politiciens s’obstinent pour savoir qui va tenir le râteau, personne s’occupe du jardin. Moi, quand je participe à des projets collectifs dans le quartier, ça me donne au moins un peu l’impression de m’occuper du jardin, justement. L’impression que je fais ma part individuelle pour que ça marche mieux collectivement. RICK (force et casse le manche de sa pelle) Câlice, mon homme… GABRIEL Ça me rend fier de moi… pis en plus, c’est l’fun. Gabriel sourit en regardant Rick. Rick examine les deux bouts du manche de sa pelle cassée... RICK Pis Mandela, lui, y aurait fait quoi avec une pelle cassée ? Une petite neige recommence à tomber. GABRIEL (Un temps). Mandela a reçu le prix « Ambassadeur de la conscience » en 2006. RICK Harper a dû l’envier... GABRIEL Aung San Suu Kyi l’a reçu en 2009 ; Malala Yousafzai, en 2013. Les gens d’influence ou en position de pouvoir devraient toujours avoir un niveau de conscience élevé. Et chercher à en faire bénéficier les autres. Ils deviendraient des inspirations positives ; ils seraient aimés ; on voudrait leur ressembler. (Un temps). Mais c’est tout un travail, la conscience… (Gabriel se remet à pelleter). La conscience : il faut s’en occuper, l’entretenir, lui donner une formation comme si on était pour en faire un métier. Les discours politiques au Québec, la qualité des conversations à l’assemblée nationale, les combats d’ego qui font qu’on en oublie les enjeux, les interventions policières dégradantes, tout ça démontre un besoin urgent de ressources au sein du pouvoir. Un besoin urgent de formations supplémentaires autres qu’en comptabilité, en marketing ou en auto-défense. Genre : psychologie, travail social, yoga, aide humanitaire, je sais pas… Gabriel réfléchit. Il regarde Rick. Rick est silencieux. GABRIEL C’est pas vrai que la seule chose qui intéresse le monde entier, c’est l’argent, Rick. C’est des milliardaires qui disent ça à des gens de pou- voir qui à leur tour disent ça à des citoyens. Mais on est libre d’adhérer à ça ou pas. C’est pas vrai que c’est juste par l’argent que l’être humain se définit ou entre en relation avec ce qui l’entoure ou évalue sa réussite. Il faut «contribuer» plus que ça, être en paix plus que ça, non ? J’te l’dit : y a des milliers de gens, des millions, qui travaillent en ce moment à faire évoluer une nouvelle « conscience collective ». Pis moi, je veux faire partie de la vague. (Un temps). Pis le «chacun pour soi » me lève le cœur, anyway. RICK Moi aussi. GABRIEL Ça coûte trop cher pis ça marche pas. RICK Exact. Gabriel a terminé de pelleter son entrée. Rick ne peut pas vraiment poursuivre le travail avec sa pelle cassée. Les deux hommes se sourient. Gabriel donne sa pelle à Rick. GABRIEL Bonne année, Rick. RICK Peace, bro. / Martin Léon est homme de musique et de chanson, de voyage. Et amoureaux des mots. 36 - TOUTE UNE HISTOIRE KALÉIDOSCOPE - VOL. 2 NUMÉRO 3 - HIVER 2015 Les Québécois et les oléoducs : quelle place pour l’environnement? Lors de la construction de l’oléoduc Montréal-Sarnia dans les années 1970, les préoccupations environnementales ont été reléguées au second plan avec le soutien tacite du gouvernement fédéral, sans qu’il y ait de mobilisation publique pour dénoncer les risques environnementaux. Des initiatives comme l’actuelle campagne Coule pas chez nous changeront-elles la donne ou l’histoire est-elle condamnée à se répéter? Par Yanic Viau montréalaises de la Imperial Oil en pétrole brut Dans le film Panique, de Jean-Claude Lord extrait des sables bitumineux albertains. Depuis (1977), une usine de pâtes et papiers appartenant 1940, plusieurs oléoducs avaient été construits vers à une multinationale américaine est responsable les États-Unis ou la côte pacifique, mais pour la prede l’intoxication d’une agglomération urbaine. Une mière fois, un oléoduc traverserait sur une distance employée (interprétée par Paule Baillargeon) se de 830 km le corridor Québec-Windsor, la zone la révolte contre ses patrons qui cherchent, grâce à plus densément peuplée du Canada. la collusion avec les politiciens, des moyens de conLe gouvernement fédéral de l’époque, dirigé par tourner les normes environnementales et d’étouffer Pierre Eliott Trudeau (PLC), souhaitait à tout prix le scandale : elle prend le contrôle d’une émission réduire la dépendance de télévision où est invité le du Canada envers le pépremier ministre du Québec, Comment expliquer qu’aucun trole étranger. Aucune afin d’attirer l’attention du débat public d’envergure n’ait eu lieu obligation d’évaluer les public sur la catastrophe. On sur les risques environnementaux risques environnemenaimerait voir dans ce «thriller» lors de la construction de l’oléoduc taux reliés à la conenvironnemental le reflet d’une struction et au foncdécennie (les années soixanteMontréal-Sarnia? tionnement de l’oléoduc dix) marquée par le militann’a donc été imposée à tisme, mais le film révèle au l’entreprise. C’est ce que confiait Owen Linton, responcontraire la difficulté de mobiliser l’opinion pusable du projet pour l’Interprovincial Pipe Line, lors blique, à l’époque, sur des enjeux environnemend’audiences de l’Office national de l’énergie en 1974: taux. l’échéancier imposé par le gouvernement fédéral «pourrait forcer à rejeter [disregard] certains des Oléoduc Sarnia-Montréal (1976) : avis formulés par les consultants en environnement l’environnement au second plan » (librement traduit du Ottawa Citizen du 16 mai 1974). Il avouait par ailleurs qu’aucune étude enQuelques mois avant la sortie de Panique, le 16 vironnementale n’avait été réalisée par l’entreprise mai 1976, l’entreprise Interprovincial Pipe Line Ltd, avant l’établissement du tracé et que des études aujourd’hui Enbridge Inc., inaugurait l’oléoduc supplémentaires seraient nécessaires pour évaluer Sarnia-Montréal (ou canalisation 9). Celui-ci proles impacts écologiques. À un représentant du goulongeait l’oléoduc reliant Edmonton à Sarnia (1954), vernement du Québec préoccupé par le passage une ville ontarienne située à l’extrême sud du Lac du pipeline sous le lac des Deux-Montagnes, Supérieur, afin d’approvisionner les raffineries TOUTE UNE HISTOIRE - 37 KALÉIDOSCOPE - VOL. 2 NUMÉRO 3 - HIVER 2015 approvisionnant Montréal en eau potable, Linton répétait qu’il n’y avait aucune étude « permettant de choisir entre le tracé retenu et des tracés alternatifs ». L’oléoduc passera finalement sous la rivière des Outaouais… à quelques kilomètres du lac des Deux-Montagnes! Lors de l’inauguration de l’oléoduc en 1976, les préoccupations environnementales avaient complètement disparu. Une dépêche de la Presse canadienne (La Presse, 16 juin 1976) rapportait simplement que « le gouvernement fédéral en a[vait] retardé la mise en opération afin d’y faire des expériences » [sic] dont la nature n’est pas précisée. Les risques les plus immédiats sur la population et l’environnement ayant été relégués au second plan, il aurait été bien surprenant que les risques à long terme (le réchauffement climatique, la dépendance économique envers le pétrole, ressource non renouvelable incompatible avec les exigences de la croissance continue) soient pris en compte. Même les avertissements lancés en 1972 par le Club de Rome dans son célèbre rapport The Limits to Growth (Halte à la croissance) et la hausse massive des prix du pétrole causée par le premier « choc pétrolier » en 1973 n’ont apparemment entrainé aucun changement en matière de politiques énergétiques. La nécessité d’investir pour devenir une société post-pétrole et de limiter le développement de l’industrie pétrolière n’est d’ailleurs toujours pas reconnue au Québec et au Canada aujourd’hui. Un mouvement écologiste à ses balbutiements Comment expliquer qu’aucun débat public d’envergure n’ait eu 38 - TOUTE UNE HISTOIRE KALÉIDOSCOPE - VOL. 2 NUMÉRO 3 - HIVER 2015 deux projets sont destinés à lieu sur les risques environnementelles que la Société pour vaincre acheminer à travers le Québec taux lors de la construction de la pollution ou le Conseil québéle pétrole bitumineux albertain l’oléoduc Montréal-Sarnia? Bien cois de l’environnement (1970). vers l’Atlantique, principalement que le film Panique n’ait auLe choc pétrolier de 1973 a par cune prétention documentaire, à des fins d’exportation, avec ailleurs favorisé la naissance d’un il révèle la mentalité des années l’appui des gouvernements féécologisme politique (ex. Amis soixante-dix et peut aider à saisir déral et provincial. de la Terre, 1974), qui remettait la réaction de l’opinion publique. L’avenir nous dira si la réacen question la logique producOn y trouve par exemple tion impressionnante L’avenir nous dira si la réaction l’idée selon laquelle les du public (385 000$ impressionnante du public (385 000$ normes environnementaen dons recueillis en les sont strictes et les caquelques jours) est recueillis en quelques jours) est tastrophes écologiques, l’expression d’une l’expression d’une prise de conscience causées par une négliprise de conscience nouvelle qui se traduira par une gence criminelle et non collective nouvelle mobilisation durable, inexistante lors politique. Le drame de qui se traduira par de la construction de l’oléoduc Lac-Mégantic en 2012 a une mobilisation dupourtant rappelé comrable, inexistante lors Montréal-Sarnia. bien une règlementade la construction tion peut être déficiente ou mal de l’oléoduc Montréal-Sarnia. tiviste de l’économie, considérée appliquée à cause de la comSi tel est le cas, l’explication de comme la source des problèmes plaisance ou de l’ignorance des cette évolution sera sans doute à écologiques. Mais le mouvement autorités. Et l’indifférence de la chercher dans l’accès plus facile écologiste était alors surtout tout classe politique face aux enjeux à l’information sur les projets péconstitué d’organisations de peenvironnementaux était particutroliers, mais également dans la tite taille, dotées de peu de molièrement grande dans les années tolérance plus faible au risque, yens et souvent éphémères ou 1970, sauf exception. On aurait résultat des 35 fuites le long de mobilisées autour d’une seule pu croire que les choses allaient l’oléoduc Montréal-Sarnia. Les cause ou d’un enjeu local. Une changer lorsque les politiciens arguments pour s’opposer aux réussite est toutefois à souont commencé à se draper dans deux projets sont nombreux, ligner : en 1977, la concertala promotion du « développement mais un travail important de tion des groupes écologiques a durable » dans les années 1980, sensibilisation reste à faire pour mené à l’annulation du projet mais l’expression a été a tellele collectif Coule pas chez nous de centrale nucléaire Gentilly III, ment été galvaudée qu’on peut au Québec et les regroupements ce que le sociologue Jean-Guy aujourd’hui lui faire dire tout et ontariens. Pensons par exemple à Vaillancourt considère comme le son contraire. la mobilisation des Montréalais, « grand redémarrage du mouveLa jeunesse et la faible capaciqui ne se sentent pas directement écologique québécois ». ment menacés par les travaux té de mobilisation des organisad’arpentage ou et d’installation tions écologistes dans les années Inverser la tendance du pipeline Énergie-Est dans les soixante-dix expliquent peuten 2015? régions. Les dons sauront-ils être être aussi pourquoi l’héroïne de suivis d’actions de la part des ciPanique décide de procéder à un En novembre 2014, le militant toyens? / coup d’éclat en solitaire. Si des Gabriel Nadeau-Dubois lançait organisations naturalistes ont vu un appel public en appui à la Yanic Viau est professeur d’histoire le jour au Québec tout au long campagne Coule pas chez nous au Cégep du Vieux Montréal. Penau XXe siècle, la naissance du contre une nouvelle inversion de dant près d’une décennie, il a été conmouvement écologiste québécois l’oléoduc Montréal-Sarnia (une seiller au ministère de l’Emploi et de comme force de revendication est première inversion ayant eu lieu la Solidarité sociale (MESS), où il s’est généralement située au début des en 1998), et contre le mégapronotamment consacré à la gestion de années soixante-dix, avec la fonjet d’oléoduc Énergie-Est de la projets-pilotes d’insertion socioprofesdation d’organisations pionnières compagnie TransCanada. Ces sionnelle des jeunes. ÉTUDES DE K - 39 KALÉIDOSCOPE - VOL. 2 NUMÉRO 3 - HIVER 2015 ÉTUDES DE K Lebel-sur-Quévillon L’art de la résilience Par Gérald Lemoyne C’est avec la construction d’une usine de pâte de papier par la compagnie Domtar, en 1966, que Lebel-sur-Quévillon a été créée. On a d’abord construit une route carrossable pour se rendre au site où était l’usine, puis la ville, sur une presqu’île voisinant avec le magnifique lac Quévillon, en plein cœur de la forêt. Dans le milieu des années 1990, des investissements de plus de 200 millions de dollars sont faits pour moderniser l’usine de pâte de papier. Dans les années 2000, le revenu par famille est l’un des plus élevés au Québec ; c’est pratiquement le plein emploi à Lebelsur-Quévillon. Tout semble bien aller malgré la crise forestière qui sévit à cette époque. Mais lors d’une réunion en novembre 2005 à Québec, alors que je suis maire de Lebel-sur-Quévillon, un viceprésident de Domtar m’appelle pour m’annoncer la fermeture de l’usine de pâte pour une période indéterminée. Je lui demande à partir de quelle date cette décision sera effective. Il me répond: « C’est déjà fait depuis cinq minutes ». Il m’informe que tous les employés syndiqués ont reçu l’ordre de sortir du site. Je comprends que cette fermeture n’est pas faite selon la procédure habituelle et qu’elle n’augure rien de bon. Au cours de la même période, la mine, l’usine de sciage de Domtar et celle de la compagnie Résolu cessent leurs opérations. Les travailleurs forestiers subissent le même sort que celui de l’usine Domtar. Plus de 1000 emplois directs dans l’industrie primaire sont perdus, dans une ville de 3200 personnes. De retour à Lebel-sur-Quévillon, mon administration et moi décidons d’organiser une rencontre du conseil municipal, puis une autre avec toute la population, pour recueillir les commentaires, informer et rassurer les citoyens sur l’avenir de notre ville, de notre milieu de vie. Nous décidons de mettre en place un groupe de travail avec l’aide de l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT). Nous sollicitons l’aide des organismes communautaires pour l’organisation d’activités et le soutien aux personnes. Les gens du milieu de la santé et de l’éducation jouent un grand rôle dans le support aux citoyens et y sont très actifs, en organisant entre autres de la formation pour permettre aux travailleurs de se spécialiser ou de se réorienter. Finalement, nous remettons en place un « comité de survie » qui avait permis aux employés de 40 - ÉTUDES DE K KALÉIDOSCOPE - VOL. 2 NUMÉRO 3 - HIVER 2015 l’usine de pâte de devenir actionnaires de leur usine au milieu des années 1990. Au moment où des annonces de fermeture d’usines dans le milieu forestier s’accumulent, Lebel-sur-Quévillon travaille à faire repartir une usine. Peu de gens y croient, alors. Mais après des années de rencontres avec différents acteurs, le premier ministre de l’époque annonce finalement la relance de l’usine, en janvier 2012, devant plus de 600 citoyens de Lebel-sur-Quévillon. Les gens réalisent alors que tous ensemble, lorsqu’on est solidaires, il est possible de traverser des périodes difficiles et d’accomplir des choses qui paraissaient irréalisables. Toute une communauté s’est donc mobilisée pour conserver le milieu de vie qu’elle avait choisi. C’est cette implication, cette mobilisation, qui nous a permis de nous en sortir tout en maintenant la qualité de vie dans notre communauté. Et la communauté continue, dans son souci de l’avenir, à s’assurer du bien-être des personnes, en faisant jouer un rôle à chaque organisme et à chaque personne en faisant partie. Un autre enjeu pour le futur, plus économique, consiste à faire redémarrer le complexe forestier Domtar, grâce au travail du « comité de survie ». La situation de Lebel-surQuévillon s’est améliorée depuis ces années sombres, mais beaucoup reste à faire. Alors on garde en tête qu’ensemble, on peut faire de grandes choses. / Gerald Lemoyne est l’ex-maire de Lebel-sur-Quévillon, ex-président du comité de survie, ex-maire de la municipalité de la Baie-James, ex-président de la CRÉ Baie-James, mais pour toujours citoyen de Lebel-surQuévillon. Reinventer Lac-Mégantic, ensemble Par Karine Dubé Le 6 juillet 2013, la Ville de Lac-Mégantic est frappée de plein fouet par le déraillement d’un train transportant du pétrole au cœur du centre-ville. L’accident provoque une explosion et un incendie majeur, détruisant près de 30 résidences ou commerces et tuant 47 personnes. Le pétrole brut léger, libéré des wagons, s’écoule jusqu’au lac Mégantic, à la rivière Chaudière et aux infrastructures municipales, contaminant une très grande superficie. Des initiatives sociales, culturelles et économiques sont organisées aux quatre coins du Québec et du Canada pour venir en aide aux citoyens sinistrés. Des millions de dollars sont amassés afin de soutenir la communauté. La générosité et la solidarité dépassent toutes les frontières. Tous deviennent, pour un temps, des Méganticois. Mais par-delà cette solidarité et ces initiatives, comment s’y prend-on pour reconstruire le cœur d’une ville et son tissu social après un événement aussi traumatisant? Par quoi commence-ton? Les élus municipaux de la Ville de Lac-Mégantic ont choisi de mobiliser les citoyens afin de reconstruire le centre-ville selon leur vision et leurs idées. En mars 2014, la Ville de LacMégantic a lancé une grande démarche de participation citoyenne, dans le but de concev- oir le plan de reconstruction de la zone sinistrée. Cette zone est toujours désignée comme le cœur du centre-ville de Lac-Mégantic. Dans le cadre de cet exercice, les citoyens de la ville et de la région ont été invités à partager leurs idées et leur vision. Le conseil municipal a choisi de nommer cette démarche « Réinventer la ville », car les élus croient qu’il s’agit d’une bonne occasion d’insuffler une énergie nouvelle à l’ensemble de la ville et de la région. L’intention est de susciter une réflexion et, ensuite, de poser des actions susceptibles de transformer la tragédie en une occasion de ralliement derrière un grand projet collectif. ÉTUDES DE K - 41 KALÉIDOSCOPE - VOL. 2 NUMÉRO 3 - HIVER 2015 Dans les derniers mois, la démarche de participation citoyenne a connu un grand succès, sur plusieurs plans. D’abord, un succès de participation, des centaines de citoyens s’étant mobilisés et impliqués. Ensuite, un succès en terme de résultat : menée efficacement, la démarche a permis d’établir des consensus majeurs et de réaliser un plan préliminaire d’aménagement qui reflète les propositions de la majorité des Méganticois. Finalement, la démarche elle-même a permis de réunir les citoyens, de contribuer à leur guérison dans un climat constructif, marqué par l’entraide et la solidarité. La Ville a établi deux balises pour encadrer les discussions : respecter un devoir de mémoire des victimes et adopter une approche de développement du- rable. C’est à la suite de rencontres publiques et de deux séries d’ateliers communautaires tenues au printemps 2014 que le plan préliminaire de reconstruc- tion a été présenté. Il définit les grandes fonctions et usages du territoire. Depuis janvier 2015, des groupes thématiques composés de citoyens ont pour mandat d’identifier les projets qui seront prioritaires lorsque la reconstruction du centre-ville se met- tra en branle. Les fruits de ces réflexions seront présentés en mars 2015 aux états généraux de « Réinventer la ville », états généraux dont les conclusions serviront ensuite à l’élaboration du plan stratégique de la Ville 20152020. Les Méganticois doivent créer un nouveau modèle afin de réinventer Lac-Mégantic. Chacun doit regarder vers l’avant en agissant au mieux de ses connaissances, dans une situation jamais vécue et sans point de référence. Ensemble, ils doivent littéralement réinventer Lac-Mégantic. / Pour en savoir plus: www.reinventerlaville.ca Karine Dubé est conseillère en communication à la Ville de LacMégantic. 42 - ÉTUDES DE K KALÉIDOSCOPE - VOL. 2 NUMÉRO 3 - HIVER 2015 Idle no more (Jamais plus l’inaction) : Le réveil du peuple autochtone Par Widia Larivière Le mouvement Idle No More est né à l’automne 2012, en Saskatchewan, à l’instigation de quatre femmes autochtones et allochtones indignées devant les projets de loi « mammouths » du gouvernement Harper (C45 et C-38). Ces quatre femmes ont voulu sensibiliser la population aux impacts de ces projets de loi qui mettent en danger la démocratie, l’environnement et les droits ancestraux des peuples autochtones. La mobilisation a vite pris de l’ampleur : dès décembre 2012, des manifestations simultanées ont eu lieu à travers le Canada. La chef de la communauté ontarienne d’Attawapiskat, Theresa Spence, s’est greffée au mouvement et a entamé une grève de la faim pour dénoncer les conditions de vie déplorables dans les communautés autochtones. L’action de cette dernière a été particulièrement importante au sein du mouvement, puisque sa médiatisation a donné une visibi-lité sans précédent à celui-ci. Diverses actions ont été menées : manifestations, blocus de routes, « flashmob » de danse traditionnelle autochtone, «teach-in », etc. Idle No More est rapidement devenu la manifestation d’un ras-le-bol collectif des peuples autochtones du Canada, usés par une longue histoire d’oppression et de colonisation et par la dégradation de leurs relations avec le gouvernement. Les projets de loi «mam- mouths» dénoncés par le mouvement n’ont été que la goutte qui a fait déborder le vase. Deux ans plus tard, malgré l’entêtement du gouvernement fédéral conservateur, le mouvement reste actif et organisé. Et il a de nombreuses répercussions positives. D’abord, il a ravivé la fierté identitaire de la jeunesse ainsi que la solidarité entre les différentes luttes autochtones au pays. Ensuite, il a redonné une place aux femmes autochtones, puisqu’un aspect singulier du mouvement Idle No More demeure qu’il est principalement mené par des femmes. Non seulement parce qu’elles n’ont plus rien à perdre, étant souvent marginalisées et discriminées, mais aussi parce qu’elles tentent de reprendre la voix qu’elles ont perdue au sein des structures politiques coloniales depuis que la colonisation et les tactiques d’assimilation du gouvernement ont institué le patriarcat. L’organisation politique actuelle dans les communautés autochtones a en effet été créée et imposée par le gouvernement fédéral, alors qu’avant la colonisation, les peuples autochtones avaient leurs propres systèmes politiques dans lesquels les femmes jouaient un rôle décisionnel tout aussi important que les hommes. Ce qui est également ressorti de ce mouvement, c’est l’importance et l’urgence d’établir un dialogue entre Autochtones et Allochtones et de favoriser la collaboration entre ceux-ci. Les enjeux soulevés par Idle No More touchent effectivement toute la population, et non seulement les peuples autochtones : démocratie, environnement, droits de la personne, droits des femmes, etc. Cela explique pourquoi le mouvement est né d’une collaboration entre des femmes autochtones et allochtones. Depuis ses débuts, les militants du mouvement se sont alliés avec divers groupes afin de faire converger les luttes. Les questions autochtones ont été remises à l’ordre du jour dans différents milieux, notamment militants, communautaires, féministes et universitaires. La mobilisation qui persiste et les liens plus forts qui se tissent entre Autochtones et Allochtones, autour de la protection du territoire et de la justice sociale, font germer l’espoir. Nous vous invitons à vous joindre aussi à cet élan de solidarité. / Pour en savoir plus : www.idlenomore.ca RADAR CULTUREL - 43 KALÉIDOSCOPE - VOL. 2 NUMÉRO 3 - HIVER 2015 Radar culturel Impératif transition, remède contre le cynisme Livre Nous sommes (2009), un film de Kevin Papatie Court métrage disponible en ligne Changements climatiques, raréfaction des réserves pétrolières, économie casino : en ce début de XXIe siècle, maintenir le statu quo est une option dangereuse susceptible de mener l’espèce humaine à sa perte. Prendrons-nous le risque d’un effondrement total en poursuivant dans la même voie? Ou aurons-nous la sagesse et le courage de changer radicalement de paradigme pour nous assurer un avenir commun? Kevin Papatie est originaire de Kitcisakik, une communauté algonquine située en Abitibi. Il compte parmi les premiers participants du Wapikoni mobile, au sein duquel il s’est illustré en tant que réalisateur, caméraman, preneur de son, musicien et coordonnateur. Il a réalisé une douzaine de courts métrages dans le cadre du projet. Le livre Impératif Transition, de Michael Lewis et Pat Conaty (Écosociété, 2015, 420 pages) nous invite à opérer un profond changement social, écologique et économique pour effectuer ce passage d’une économie fondée sur le dogme de la croissance infinie, carburant aux énergies fossiles, à des économies diversifiées, locales, résilientes et faibles en carbone. Source : http://ecosociete.org/livres/la-necessaire-resilience 1950, Le Québec de la photojournaliste américaine Lida Moser Exposition photo 1950 : la jeune photographe new-yorkaise Lida Moser découvre le Québec. Elle réalise alors deux reportages pour les célèbres magazines étatsuniens Vogue et Look, parcourant la province, de Montréal à Québec, de Charlevoix à la Gaspésie, de la Côte-du-Sud à la Montérégie. Paysages urbains et ruraux se succèdent tout comme les habitants – enfants, sculpteurs, conteurs, acteurs, amoureux… – qu’elle saisit avec tendresse et fascination à la fois. Avec quelque 190 photographies, cette exposition offre un splendide témoignage visuel de la vie socioculturelle et des mutations profondes que connaît le Québec dans ces années de l’après-guerre. Du 19 février au 10 mai 2015, au Musée national des beaux-arts du Québec. Source : http://www.mnbaq.org/exposition/19501225#sthash.w8wvXjO1.dpuf Kevin Papatie continue aujourd’hui à mettre ses compétences au service du Wapikoni mobile. Ses films sont poétiques, engagés, militants et concis. Le cinéma est devenu son activité principale et il participe à plusieurs événements et festivals locaux et internationaux en tant que réalisateur et ambassadeur du Wapikoni mobile. Il a été invité à participer à la Carte Blanche du Festival du nouveau cinéma en 2012, ce qui lui a permis de réaliser Sakitakwin - Liberté. Il vient tout juste de terminer le tournage de son dernier court métrage, Kokom, réalisé dans le cadre de l’atelier 2014 du Wapikoni à Kitcisakik. Source : http://www.lafabriqueculturelle.tv/ capsules/1222/nous-sommes-un-film-de-kevinpapatie 21 jours : Vivre dans la peau des autres Série télévisée Pour comprendre la vie d’autrui, il paraît nécessaire de chausser ses souliers, de se mettre dans sa peau, d’en faire soi-même l’expérience. Voilà ce que propose 21 jours. Chaque épisode se présente comme un laboratoire consistant en l’immersion totale d’un sujet dans une de ces réalités dont on sait tous qu’elles existent (itinérance, cécité, autisme, etc.), mais qui n’en demeurent pas moins mystérieuses, marginales ou intrigantes… Nos cobayes, Eza Paventi, Myriam Fehmiu et Hugo Meunier, dotés d’une expérience journalistique et d’une curiosité anthropologique avérée, mettront temporairement leur propre vie de côté pour se lancer dans cette aventure hors du commun. Source : http://tv5.ca/21-jours/ 44 - À SURVEILLER KALÉIDOSCOPE - VOL. 2 NUMÉRO 3 - HIVER 2015 Soyez à l’affût des activités à venir dans le secteur du développement collectif LANCEMENT DU LIVRE DÉPOSSESSION DÉFI SPORTIF ALTERGO Du 27 avril au 3 mai prochains se tiendra le 32e Défi AlterGo, véritable levier pour l’accessibilité universelle (accès à tout garanti à tous, même aux personnes ayant des limitations fonctionnelles). Événement international, ce défi rassemble des athlètes d’élite et de la relève, de toutes les déficiences. Plus de 5000 d’entre eux se donnent rendez-vous pour une semaine de compétition à Montréal, Longueuil et Boucherville. Au total, 90 écoles de 12 régions du Québec y participeront. Belle occasion de positionner Montréal comme un haut lieu du sport adapté, accessible aux personnes handicapées. POUR PLUS D’INFORMATIONS : Marina Le Chêne, agente de communication, 514 933-2739, poste 236. [email protected], www.defisportif.com L’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS) et Lux éditeur invitent le public au lancement de Dépossession, tome 1 : Les ressources. L’événement se déroulera le 6 mars prochain au Café du Monument national, à Montréal. C’est dans le cadre des festivités du 15e anniversaire de l’IRIS qu’est publié cet ouvrage collectif, dirigé par Simon Tremblay-Pépin. À qui profitent les ressources du Québec? Qui contrôle nos forêts, nos mines et les produits de nos terres agricoles? Qui choisit la voie qu’empruntera notre développement hydroélectrique? Qui décide du sort de nos réserves d’eau potable? Cet ouvrage met à nu les racines du malaise profond qui perdure depuis plus de 40 ans au sujet de nos ressources naturelles. Il sera suivi d’un deuxième tome sur les services publics. POUR PLUS D’INFORMATIONS : http://iris-recherche.qc.ca/ evenements FEMMES EN MARCHE POUR L’ÉGALITÉ Le Collectif du 8 mars invite tous les Québécois à se mobiliser pour la Journée internationale des femmes, le 8 mars prochain, sous le thème « Femmes en marche pour l’égalité / Solidaires contre l’austérité! » Quand l’égalité entre les femmes et les hommes est menacée, c’est la force du nombre et la solidarité qui permettent de faire des gains et de maintenir les acquis. POUR PLUS D’INFORMATIONS femmes--8-mars?langue=fr : http://www.femmes.ftq.qc.ca/pages/6/Journee-internationale-des- FORMATION : EXPLORER LA PÉRENNITÉ POUR DES CHANGEMENTS DURABLES (QUÉBEC) Comment assurer la durabilité des changements que vous souhaitez réaliser collectivement? Qu’estce que vous souhaitez pérenniser? Depuis quelques années, les opportunités de financement pour développer des actions collectives de transformation sociale basées sur une stratégie de mobilisation des collectivités se sont multipliées au Québec. Elles soulèvent toutefois un enjeu fondamental, celui de la durabilité des changements. En effet, les fonds et programmes actuellement en place ont des durées de vie limitées, alors que les transformations souhaitées se profilent à long terme. La formation se tiendra à Québec, les 22 et 23 avril 2015. 20 places disponibles. Pour plus d’informations : [email protected] I 514 742-7457. LA CSN SALue l’engagement de celles et ceux qui œuvrent au quotidien pour leur communauté ADRESSÉ À: refusons.org ADRESSE DE L’EXPEDITEUR: KALÉIDOSCOPE 190, boul. Crémazie Est Montréal (Québec) Canada H2P 1E2 11,95 $ PUBLICATION CANADIENNE : 42748021 csn.qc.ca
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