Québec. ÉDITION SPÉCIALE : JOURNÉE NATIONALE DES PATRIOTES LUNDI, 11 MAI 2015 CANADIEN, UNE IDENTITÉ CONFISQUÉE À l’occasion de cette édition du Journal Le Fleurdelisé de la Journée nationale des patriotes, l’idée nous est venue de reprendre le frontispice d’un grand journal patriote de l’époque, LE CANADIEN, fondé à Québec par Pierre-Stanislas Bédard. À cette époque, les patriotes arboraient fièrement des symboles aujourd’hui confisqués par le Canada anglais. Dès leur arrivée dans la vallée du SaintLaurent, les Français adoptent les attributs naturels de leur nouvelle patrie : le castor, qu’on retrouve en abondance et qui devient vite le symbole de la prospérité de la Nouvelle-France, l’érable, un arbre qui pousse partout et dont la feuille se pare de mille couleurs à l’automne, et les cônes de pin, cette graine qui dut paraître si étrange aux Européens et dont on confectionne vite des couronnes et des centres de table. Quant au mot CANADA, il remonte à Jacques Cartier pour nommer le fleuve Saint-Laurent et ses rives. L’usage s’installe et le nom de Canadiens désigne vite les Français de la vallée du Saint-Laurent, qu’on distingue ainsi des Acadiens, des Louisianais ou des Français de France. Depuis, tout un patrimoine de chansons, de poèmes, de récits et de légendes s’est édifié autour du gentilé de CANADIENS. On a qu’à penser à « Vive la Canadienne », à « Canada, mon pays mes amours » et bien sûr à la fameuse complainte « Un Canadien errant », écrite en hommage aux patriotes exilés en Australie. On pense aussi bien sûr à l’hymne national « Ô Canada », initialement créé pour le Congrès national Saint-Jean-Baptiste de juin 1880, ainsi qu’au club de hockey Canadien, fondé sous ce nom en 1909 parce que l’équipe était alors strictement composée de joueurs francophones… L’usage de se désigner d’abord comme Québécoises et Québécois, en référence au seul État majoritairement français d’Amérique, s’installe au tournant des années 1960. Or, en abandonnant le noble nom de Canadiens aux « Canadians » anglosaxons, c’est tout un héritage culturel qui allait être confisqué et dès lors se charger d’ambiguïté. Notre identité québécoise ne doit donc pas faire oublier qu’un journal patriote comme LE CANADIEN désignait d’abord les francophones du Québec. Il nous revient donc de revendiquer cet héritage, sous peine de voir périr un pan entier de notre identité. Le Fleurdelisé | Édition Patriotes 2015 | p.1_ thématique _ La thématique 2015 : Tissés dans l’étoffe du pays Comment un peuple d’agriculteurs pauvres et largement illettrés, comme l’était le Québec en 1837, a-t-il su se montrer sensible aux revendications démocratiques et républicaines élaborées par les chefs patriotes, au point de se lever d’un seul homme en 1837 pour braver les balles anglaises ? soulèvent quand les élites locales sonnent le sociaux et nationaux et afin de préserver notre modèle québécois. ralliement à la cause patriote. Il faut d’abord rappeler la grande solidarité et le sens inné de la démocratie qui animent les campagnes du Bas-Canada en 1837. Au contact des Autochtones, des épreuves du défrichement, mais aussi des vieilles traditions du terroir français et des idées révolutionnaires issues de la Révolution américaine, se noue au alors un réseau serré d’entraide et de fidélité sacrées fondé sur la famille, la paroisse et le village. Ces farouches habitants n’ont pas encore pris conscience de leur unité nationale, mais sont déjà à même de ressentir le poids de la tutelle coloniale et l’exclusion dont sont victimes leurs compatriotes. Cette année, la Journée nationale des patriotes célèbre donc cette solidarité liant les Québécois de toutes origines, tissés serrés autour de l’attachement au sol, à leur langue et à leurs valeurs, fidèles à leur nature et soudés par une solidarité et par un sens de l’entraide sans lequel aucun mouvement politique collectif ne peut naître ni fleurir. L’étoffe du pays, c’est cette laine chaude et enveloppante qui nous conforte dans nos valeurs et nous rassure sur la justesse de notre combat nationale. Jeunes et vieux, étudiants et entrepreneurs, hommes et femmes sont invités à renouer avec l’idéal des villages d’antan qui, au-delà de leurs différences, demeuraient solidaires en vue de fonder une communauté démocratique proprement québécoise, débarrassée de ses reliquats du colonialisme et du dépendantisme débilitant qui nous rivent encore à la Confédération canadienne. Le dévouement de milliers de Québécois à la cause patriote est admirable mais demeure étonnante. Il faut d’abord reconnaître l’importance à l’époque des réseaux familiaux, des liens communautaires dans la paroisse et du clientélisme dans le régime seigneurial : des fidélités sacrées et des rivalités locales vécues parfois de manière viscérale. À Terrebonne, à Saint-Eustache, Saint-Hyacinthe ou Saint-Charles-surRichelieu, ce sont des villages entiers qui se Ce sera l’immense force du mouvement patriote que d’être parvenu à patiemment intégrer la plupart de ces réseaux locaux de solidarité et à fédérer les diverses sources de mécontentement autour d’une grande lutte nationale visant la réforme des institutions politiques. C’est là un programme tout désignés pour nos Sociétés nationales et Saint-Jean-Baptiste : reconnecter avec les milieux locaux et les réseaux de citoyens en vue de préparer la reconquête de nos droits _p.2 | Le Fleurdelisé | Édition Patriotes 2015 Cet idéal est d’ailleurs rappelé dans le décret de novembre 2002, proclamant la Journée nationale des patriotes : « Nous avons choisi d’honorer de cette manière la mémoire des hommes et des femmes qui, depuis l’implantation des institutions parlementaires en 1791, ont milité pour les droits de la majorité, dont celui du peuple à se gouverner lui-même. » Tout compte fait, l’essentiel n’est peutêtre pas d’avoir milité pour des principes aussi élevés soient-ils, qui regardent tant les droits humains que ceux d’un peuple à son existence collective. Ce qui est d’abord remarquable est qu’un tel programme ait été porté par des Québécoises et des Québécois alors plongés dans la pauvreté, la précarité, la discrimination et l’isolement sur le plan international. Cette capacité à s’élever au-dessus de sa condition au seul nom d’un idéal collectif est assurément la plus belle leçon que nous ont léguée ce groupe d’hommes et de femmes déterminés, tricotés serrés dans l’étoffe du Pays. Du seul fait de cette étonnante abnégation, le rappel de la lutte des patriotes continue à s’inscrire dans les débats actuels comme une invitation permanente lancée au peuple du Québec à reprendre, dès que possible, sa marche vers l’indépendance, brutalement interrompue par l’armée en 1837. dossier _ La Journée nationale des patriotes ET VIVE LA RÉPUBLIQUE ! On commet souvent l’erreur de réduire la lutte patriote à l’obtention du gouvernement responsable; que les ministres soient responsables devant la Chambre élue. Les revendications patriotes allaient en fait beaucoup plus loin et visaient à appliquer ici des institutions républicaines, jugeant : « Que le Bas-Canada doit prendre la forme d’un Gouvernement RÉPUBLICAIN et se déclare maintenant, de fait, RÉPUBLIQUE ». L’idéal républicain est d’ailleurs inscrit au cœur du mot « patriote ». Lors de la Révolution américaine (1776), les Patriots sont ceux qui défendent le sol contre la couronne britannique. Avec la Révolution française (1789), le patriote désigne un citoyen fidèle à son pays et non plus « sujet du roi de France ». Être patriote consiste à prêter allégeance à la patrie populaire et non plus à un roi ou à une reine en titre. À la sujétion, les patriotes substituent la citoyenneté; la souveraineté passant du Roi à la République. Alors qu’on discute de la place de la monarchie au Canada et du rôle accessoire de fonctions honorifiques, comme celle de lieutenant-gouverneur, déjà, il y a deux siècles, les patriotes avaient beaucoup à nous dire sur le principe d’un gouvernement « par et pour le peuple ». Lutte à la corruption, indépendance des élus, séparation des pouvoirs, république, ce n’est là qu’un modeste survol de l’œuvre de quatre générations de patriotes, de 1793 et 1850. Leur contribution ne s’arrête effectivement pas là. C’est en effet aux patriotes qu’on doit une presse libre au Canada (1806), le premier parti démocratique (1827) et le réseau scolaire francophone laïc (1829). On leur doit également une fête nationale et une Société Saint-Jean-Baptiste (1834) et la conquête du gouvernement responsable (1849). En février 1838, Robert Nelson proclame l’indépendance du Bas-Canada, assortie de plusieurs réformes audacieuses pour l’époque, dont certaines ne seront finalement acquises que beaucoup plus tard, comme l’abolition de la tenure seigneuriale (1854), le vote secret (1874), l’éducation obligatoire (1943), le suffrage universel (1960) et l’abolition de la peine de mort (1976). D’autres demandes patriotes n’ont même pas encore été obtenues, telles l’abolition de la monarchie (république) ou l’égalité juridique des autochtones. Pertinente, actuelle et édifiante, l’expérience patriote est riche en leçons. À l’heure où il est beaucoup question d’éthique, de fierté et de respect envers les institutions, la Journée nationale des patriotes est un moment privilégié pour rappeler la ténacité de Québécois d’hier et d’aujourd’hui dans la défense de nos droits nationaux. En 1830, le Parti canadien du Bas-Canada choisit le nom de « patriote » afin d’insister sur la lutte pour la liberté, la justice et les valeurs républicaines. L’exemple vient d’ailleurs de haut. Jusqu’à sa mort, le chef patriote Louis-Joseph Papineau n’aura de cesse de répéter que les rois et les reines n’ont rien à faire dans le Nouveau Monde et qu’« Il est certain qu’avant un temps bien éloigné, toute l’Amérique doit être républicaine. » Le Fleurdelisé 2207, rue Fullum Montréal (Québec) H2K 3P1 Téléphone : (514) 527-9891 Télécopieur : (514) 527-9460 [email protected] mnq.qc.ca Conseil d'administration Présidence : Gilles Laporte (Montréal)_ 1re vice-présidence : Martine Desjardins (Laurentides)_ 2e vice-présidence : Robert Marquette (Richelieu—Yamaska)_ Trésorerie : Benoît Dugré (Mauricie)_ Secrétariat : Yvon Camirand (Centre-du-Québec). Permanence Gilles Grondin_ Directeur général, Myriam D'Arcy_ Responsable de l’animation politique et des événements de fierté, Francis Mailly_ Responsable des communications, Stéphan Dussault_ Responsable de la gestion financière, Sophie Lemelin_ Coordonnatrice de la production, Julie-Anne Richard_ Responsable des activités de la Fête nationale et des partenariats, Lisa Leyba_ Adjointe à l’administration. 2015©Le Fleurdelisé. Le contenu du Fleurdelisé ne peut être reproduit, en tout et en partie, sans le consentement écrit de l’éditeur. Pour tout commentaire ou idée de reportage : [email protected] Le Fleurdelisé | Édition Patriotes 2015 | p.3_ dossier _ La Journée nationale des patriotes LES PATRIOTES À L’ASSAUT DE LA CORRUPTION À l’école et dans les manuels scolaires, la contribution des patriotes est souvent réduite à la défense de vagues principes : démocratie, justice, gouvernement responsable. Pour certains, ils sont de véritables héros, précurseurs de l’idée d’indépendance. Pour la plupart cependant, les patriotes de 1837 n’évoquent rien du tout. Le souvenir de leur lutte est pourtant d’une percutante actualité, riche en leçons et source d’une légitime fierté que la Journée nationale des patriotes nous permet de raviver. Des premiers discours de Pierre-Stanislas Bédard en 1793, à l’adresse des Fils de la liberté en 1837, les patriotes n’auront de cesse de purger l’État de sa clique de coquins afin de redonner le gouvernement au peuple. À l’époque, le parlement élu n’a guère qu’un pouvoir : celui de voter le budget et l’allocation des dépenses. De son côté, le gouvernement colonial anglais exigeait que le revenu des taxes lui soit versé automatiquement pour financer l’administration coloniale et payer les « sinécures », ces bureaucrates vivant aux crochets de la colonie. Les députés patriotes ripostent donc en rendant publics le nom et le salaire de chaque fonctionnaire ainsi que le montant de tous les contrats octroyés aux amis du gouverneur. On révèle ainsi quantité de cas de corruption et de favoritisme. On apprend par exemple que le procureur de la province, l’honorable Jonathan Sewell, cumulait à lui seul quatre emplois à temps plein grassement payés et que chacun de ses trois fils bénéficiait d’une sinécure payée par la population. Louis-Joseph Papineau dénonce alors « Les honoraires exorbitants, illégalement exigés dans divers bureaux publics de l’administration, des juges et d’autres fonctionnaires usurpant les pouvoirs de la législature. » La saine gestion par l’État est le plus constant engagement pris par les patriotes. Ils exigeaient donc inlassablement la tenue d’enquêtes publiques, ce à quoi le gouverneur anglais s’opposait systématiquement. Cette situation n’est pas sans rappeler l’obstination dont a fait preuve le gouvernement libéral de Jean Charest (2003-2012) afin de retarder la tenue d’une enquête sur l’industrie de la construction : Que c’est l’opinion de ce comité qu’un grand nombre de requêtes relatives à l’infinie variété de sujets qui tiennent à l’utilité publique ont été présentées; plusieurs enquêtes importantes ordonnées par elle, dans plusieurs desquelles le gouverneur en chef se trouve personnellement et profondément impliqué; lesquelles enquêtes commencées pour être continuées avec diligence, peuvent et doivent nécessiter la présence de nombre de témoins, la production 18 mai Bonne Journée des patriotes En 1834, les députés patriotes déposent 92 résolutions réclamant qu’on fasse toute la lumière sur les cas de corruption et de favoritisme. Que le refus du gouverneur en chef de commander ces enquêtes, dans la circonstance actuelle, nuit essentiellement à la dépêche des affaires pour lesquelles le parlement a été convoqué, est contraire aux droits et à l’honneur de cette chambre, et est un nouveau grief contre l’administration actuelle de cette province. [92 Résolutions. Résolution 83] En plus de la corruption, les députés patriotes dénoncent la collusion, la claire séparation du pouvoir politique et judiciaire, ainsi que le cumul des emplois au gouvernement. Ils dénoncent ainsi Samuel Gale, à la fois juge et député à l’Assemblée, ou Jonathan Sewell, à la fois juge en chef et président du Conseil législatif. Les patriotes obtiennent ainsi en 1811 l’inéligibilité des juges, une mesure fondamentale qui, depuis ce jour, évite que la partisanerie politique n’entrave l’application d’une justice impartiale. L’étoffe d’un pays se tisse dans l’histoire d’un peuple csn.qc.ca _p.4 | Le Fleurdelisé | Édition Patriotes 2015 de nombre d’écrits, l’emploi de nombre de commissaires, messagers, assistants, impressions, déboursés inévitables et journaliers. [92 Résolutions. Résolution 82] www.fondationlionelgroulx.org LG_Pub-Fleurdelise_01.indd 1 2015-04-30 09:15 dossier _ La Journée nationale des patriotes LES PATRIOTES, PIONNIERS DE L’ACHAT LOCAL L’achat local est aujourd’hui encouragé afin de diminuer notre dépendance aux importations ainsi que l’émission de gaz à effet de serre lors du transport. Cette tendance à la mode est en fait très ancienne au Québec et a toujours consisté à soutenir nos entreprises afin de conserver des emplois ici. Ce sera tout le mérite des patriotes d’avoir lancé la première campagne « d’achat chez nous ». Le chef patriote Louis-Joseph Papineau lui-même en fait une question de salut national : procurer des toiles et des lainages fabriqués dans le pays, et j’espère les avoir d’assez bonne heure pour me dispenser d’en acheter d’importation. J’ai cessé de mettre du vin sur ma table et j’ai dit à mes amis : si vous voulez vous contenter de la poule au pot, d’eau, de bière ou de cidre canadiens, allons, venez et dînons sans un verre de vin. Aux premiers moments, cet éloignement des usages reçus embarrasse, mais j’ai déjà appris en huit jours qu’il n’y a rien à quoi l’on s’habitue si aisément que de faire à sa tête, quand on a la conviction que l’on fait bien. Ibid. MM. Meilleur, DeWitt, Cherrier, Duvernay. M. Viger -- le « beau Viger » -- et M. LaFontaine n’avaient que la veste en étoffe canadienne. M. Jobin avait un complet. Le Dr Côté portait une redingote d’étoffe grise, avec garniture noire, des pantalons et une veste de même étoffe rayée de bleu et de blanc, et un abominable chapeau tellement usé qu’il était impossible de discerner son pays d’origine. Le Populaire, 23 août 1837 Cultivés depuis l’époque de Jean Talon et de la Nouvelle-France, le chanvre et le lin servent surtout à la ferme où seuls les paysans s’en revêtent. Déjà, en ville, on en L’exemple de Papineau est contagieux. Un a que pour les vêtements et les accessoires journal anti-patriote de l’époque s’en amuse importés, plus chics et plus délicats que la grossière étoffe qu’on produit alors au d’ailleurs : Québec. Le 18 août 1837, plusieurs des Les convives aux banquets de la Fête députés papineautistes sont arrivés nationale et les députés patriotes ne sont dans la capitale habillés à la mode pas les seuls à promouvoir les produits patriote. Les curieux eurent beaucoup québécois et l’épouse du patriote Louis d’amusement lorsqu’ils virent H. LaFontaine, Adèle Berthelot, fut descendre du bateau à vapeur les apparemment la première bourgeoise à représentants du district de Montréal. Papineau s’en prend ensuite aux snobs porter les étoffes canadiennes. L’exemple En tête de la phalange patriotique qui se vantent de ne consommer que des fut généralement suivi par le peuple, les se trouvait le grand réformiste, produits importés. Québécois de l’époque, pour une fois l’honorable M. Papineau, habillé en positivement inspirés par leurs élites... étoffe du pays. Pour réformer efficacement ce désordre funeste, nous n’avons pas Le costume de M. Rodier remporta besoin de l’aide des jeunes dandys la palme. Le député de l’Assomption qui se pavanent dans nos villes. Ils portait une redingote, une veste et sont trop souvent des sensualistes qui des « inexpressibles » d’étoffes du tiennent plus à leur luxe qu’au bien de pays, grise avec des raies bleues leur patrie. Dans tous les pays, c’est et blanches, un chapeau de paille le peuple, les classes pauvres, qui de fabrication domestique, des soutiennent la prospérité, et partout souliers de peau de bœuf et des bas ce sont les classes supérieures qui la tricotés. [...] M. Rodier n’avait pas dévorent. Ibid. de chemise, n’ayant pu s’en procurer de contrebande ni s’en faire faire une Le tribun n’en reste pas là et prêche par ici. l’exemple : L’engouement pour les produits québécois, dans la foulée de la campagne de boycottage Le docteur O’Callaghan méritait J’ai de suite renoncé à l’usage du et d’achats locaux en 1837 fut bref, mais eut le second prix : son chapeau, ses sucre raffiné, mais taxé, et acheté notamment pour conséquence de relancer bottes, ses gants, sa chemise -- il pour l’usage de ma famille du dans plusieurs localités l’industrie de la avait une chemise! -- et ses lunettes sucre d’érable. Je me suis procuré laine et du tissage, en particulier le long du étant seuls de fabrication étrangère. du thé venu en contrebande et je Richelieu et, à la frontière, où on note une M. Perreault avait des pantalons et sais plusieurs qui en ont fait autant. croissance significative du commerce de un gilet d’étoffes du pays, ainsi que J’ai écrit à la campagne pour me contrebande avec les États-Unis. Le revenu que l’on veut nous voler se compose, pour les deux tiers, des taxes que nous payons chaque fois que nous buvons un verre de vin ou de liqueurs spiritueuses, et une tasse de thé au sucre. Nos consommations en objet qui ne sont nullement de nécessité sont plus fortes que celles que nous faisons en fer pour nous bâtir, défricher et cultiver nos terres, en cuir et en étoffes pour nous chausser et nous vêtir. La Minerve, 25 mai, 1837 Le Fleurdelisé | Édition Patriotes 2015 | p.5_ dossier _ La Journée nationale des patriotes LE BOYCOTTAGE : L’ARME ÉCONOMIQUE DES PATRIOTES Dès la création des institutions parlementaires, les députés canadiensfrançais avaient su tirer parti de tous les moyens légaux de faire valoir les droits de la majorité. D’imposantes pétitions sont signées par des dizaines de milliers de citoyens, des délégués sont envoyés en Angleterre et des assemblées sont tenues aux quatre coins du Québec. Au printemps de 1837, l’Angleterre désavoue les revendications patriotes, fouettant d’autant l’ardeur nationaliste. Les patriotes ont alors recours à l’arme économique. Cette annéelà, la Fête nationale sera donc soulignée, mais d’une manière bien particulière. En effet, les patriotes votent à plusieurs endroits des mesures visant le boycottage des produits de luxe, afin de priver le gouvernement colonial du revenu des taxes. Que nous nous abstiendrons, autant qu’il sera en nous, de consommer les articles importés et particulièrement ceux qui paient des droits plus élevés, tels que le thé, le tabac, les vins, le rhum, etc. Que nous consommerons de préférence les produits manufacturés en ce pays; que nous regarderons comme bien méritant de la patrie quiconque établira des manufactures de soie, de draps, de toiles, soit de sucre, de spiritueux, etc. La Minerve, 11 mai 1837 Les aliments visés sont principalement le thé (on n’importe pratiquement pas de café à l’époque), le rhum et la mélasse (importés de Barbade) et les textiles, principalement les chemises de soie, les cotonnades et les laines fines tel le tweed. Durant les banquets de la Saint-Jean, les produits locaux sont donc à l’honneur, les leaders du Parti patriote encourageant le peuple à les imiter. C’est en grand qu’il faut faire la contrebande. Plus de ménagement ni de temporisation. Aux grands maux [sic] les grands remèdes. Il faut tarir la source du revenu. Les coffres se videront, les voleurs n’y trouveront plus rien. Alors l’Angleterre entendra raison. Jamais de lutte n’aura été plus juste. Nous avons retenu les subsides; on nous ôte ce moyen, on nous met dans la nécessité d’en chercher de plus efficaces. (Source : Michel Bibaud, Histoire du Canada et des Canadiens sous la domination anglaise, Montréal, Lovell et Gibson, 1878 : 415). Boycottage ou contrebande, dans les deux cas il s’agit bien de priver l’administration coloniale des revenus générés par les taxes et d’encourager les manufactures locales en consommant de préférence des produits Le journal patriote La Minerve va plus fabriqués au Québec. loin, recommandant même de recourir à la Les patriotes n’ont alors aucun mal à contrebande : proposer des produits de substitution au thé, au sucre et au rhum importés : les tisanes du Les objets que nous ne pouvons pays, le thé des bois, le sucre d’érable et le fabriquer ici, l’ami Jonathan nous gin tiré de nos propres baies de genièvre sont les fournira. Pour cela, donnons la alors abondants. Quant aux textiles anglais, main au contrebandier : désormais le Québec peut aussi bien les remplacer c’est un brave que chacun de nous par une excellente laine, ainsi que par du encouragera. Il faut former à son chanvre et du lin qui, sommairement tissés, métier une vigoureuse jeunesse, donnent la fameuse étoffe du pays. bien organisée et déterminée. nos Sociétés « Lorem ipsum dolor LE RÉSEAU DE LA FIERTÉ QUÉBÉCOISE _p.6 | Le Fleurdelisé | Édition Patriotes 2015 r en mouvement _ Mot du président LE VIRUS DE LA CORRUPTION SÉVIT AU QUÉBEC De tous les facteurs ayant contribué à miner la confiance des Québécoises et des Québécois envers leur État national, les allégations de corruption figurent certainement en tête de liste. Symptomatiquement, ceux qui s’affairent actuellement à détruire le modèle québécois se retrouvent essentiellement dans le même camp que ceux associés aux pires scandales, celui du parti actuellement au pouvoir. Sans trop d’efforts, on constatera ainsi que la corruption est largement la conséquence de la compromission de nos élites au système fédéral canadien qui, depuis des décennies, récompense les pires d’entre nous en échange de leur collaboration docile et vénale. Incapables de nier l’évidence, les « dépendantistes » canadiens font en sorte de jeter le discrédit sur toute la classe politique, alléguant que tous les partis sont pareils, tous pourris! (Comme eux?) L’attachement au bien commun et à la patrie représentent ainsi le meilleur rempart contre la corruption et la collusion, dont le principe moteur demeure l’individualisme rapace découlant de la tutelle fédérale. Le respect envers notre État et la solidarité nationale passent donc par le patriotisme et la valorisation des vertus citoyennes. Ce travail peut être accompli par l’éducation reçue dans la famille et à l’école, mais aussi par les commémorations historiques où l’on célèbre ceux et celles dont les actions les ont rendus dignes de mémoire. On saisit d’ailleurs encore mal au Québec le rôle bien tangible que jouent les commémorations afin d’inculquer des valeurs de respect, d’unité et de solidarité. Il est grand temps que les chantres de l’austérité budgétaire comprennent qu’à ne jamais commémorer nos vertus civiques, on hypothèque gravement chez chaque Québécois le désir de respecter les lois et de continuer à agir en « bon et honnête citoyen ». Durant l’essentiel de son histoire, le mouvement national québécois a d’ailleurs su assumer cette direction morale et éthique, au cœur des vertus patriotiques. Dès 1830, les patriotes voient bien que l’administration coloniale est corrompue et inefficace. Toute sa vie, Louis-Joseph Papineau dénoncera l’immoralité du régime colonial, l’inefficacité du système politique, la corruption des bureaucrates et l’iniquité envers la majorité française. Pour toute une génération, Papineau fut d’abord l’incorruptible : celui qui refuse un siège au conseil législatif, un poste de ministre même et cela tant que l’État ne sera pas véritablement mis au service du peuple et de la majorité française. Au Québec comme ailleurs, le seul vaccin crédible au virus de la corruption demeure que chacun se sente solidaire de sa communauté et qu’il ait minimalement à cœur le bien commun. La Journée nationale des patriotes est l’occasion de rappeler la lutte de ceux et celles qui ont tout sacrifié à la conquête de nos libertés et de nos droits. Rendons-nous dignes de leur exemple et prouvons, plus que jamais, que nous sommes bien tissés dans la même étoffe du pays que les patriotes de 1837-1838. Gilles Laporte dossier _ par Myriam D’Arcy SE RÉAPPROPRIER NOTRE CULTURE TRADITIONNELLE Depuis plusieurs années, le Mouvement national des Québécoises et Québécois (MNQ) et ses Sociétés membres s’investissent dans la promotion et l’organisation d’activités de commémorations nationales telles que la Fête nationale et la Journée nationale des patriotes. Ces manifestations empruntent souvent au folklore québécois des éléments tels que les contes et légendes, les grandes tablées, le chant et les danses traditionnelles. Nous nous rappelons avec bonheur cette magnifique affiche de l’édition 2011 de la Fête nationale évoquant la Chasse-galerie et son canot volant stylisé au goût du jour. Cette année, nous célébrons la mémoire de nos patriotes et des Rébellions de 18371838 sous le thème Tissés dans l’étoffe du pays où la ceinture fléchée a été mise à l’honneur. Le choix de cette thématique nous a amené à réfléchir au rapport que les Québécois entretiennent avec leur culture traditionnelle et son patrimoine vivant, de même que sur la place que le folklore occupe dans la culture populaire d’aujourd’hui. Voilà des questions importantes auxquelles nous pouvons réfléchir à quelques jours de la Journée nationale des patriotes, d’autant plus que la promotion de l’identité québécoise, la culture et le patrimoine se trouvent au cœur de la mission du MNQ. Il est donc tout naturel de s’intéresser de plus près aux éléments qui constituent notre patrimoine vivant et notre culture traditionnelle, de même que la place qu’ils occupent dans les Le Fleurdelisé | Édition Patriotes 2015 | p.7_ dossier _ Se réapproprier notre culture traditionnelle (SUITE) habitudes de consommation culturelles des Québécois. Nous pourrons aussi réfléchir au rôle que le MNQ et ses Sociétés membres peuvent jouer pour faire rayonner ce patrimoine et quels liens peuvent être tissés avec les principaux artisans et organismes promoteurs dans les régions du Québec. D’abord, de quel patrimoine parle-t-on? La Loi sur le patrimoine culturel du Québec (2011) définit le patrimoine immatériel ou vivant comme suit : « les savoir-faire, les connaissances, les expressions, les pratiques et les représentations transmis de génération en génération et recréés en permanence en conjonction, le cas échéant, avec les objets et les espaces culturels qui leur sont associés, qu’une communauté ou un groupe reconnaît comme faisant partie de son patrimoine culturel et dont la connaissance, la sauvegarde, la transmission ou la mise en valeur présente un intérêt public ». Ainsi, la gastronomie, la danse, la musique, le conte, l’artisanat font partie de ces pratiques propres à la culture québécoise, transmises d’une génération à l’autre. traditionnelle est riche d’enseignements sur notre passé. Pensons notamment aux traditions culinaires, façonnées par les familles nombreuses et la rigueur de l’hiver. Pensons aussi aux contes et légendes qui permettaient à un peuple jadis majoritairement illettré de faire vivre de magnifiques histoires qui ont enrichi notre imaginaire collectif. Finalement, au chant et à la danse traditionnelle, influencés par la gigue irlandaise et la musique à répondre française qui ont fait les beaux jours de nos veillées canadiennes. Cette vaste culture mérite donc d’être revalorisée pour en assurer la préservation. À l’heure où le rouleau compresseur de la culture populaire anglo-saxonne n’épargne personne ni aucun secteur, la question de la diversité culturelle se pose avec acuité. À l’époque de la dématérialisation des produits culturels qui abolit les frontières, il importe de préserver les cultures nationales d’une culture mondialisée qui aplanit les particularités et l’histoire de chacune. Voilà pourquoi il importe de notamment protéger notre patrimoine vivant, qui témoigne de l’existence de notre peuple dans la grande aventure humaine. se sont mis de la partie et proposent une cuisine où les produits et plats québécois sont à l’honneur. Ces habitudes sont d’ailleurs encouragées par plusieurs chefs médiatisés tels Martin Picard, Daniel Pinard et Ian Perreau, qui réhabilitent notre patrimoine culinaire en actualisant au goût du jour moult recettes traditionnelles québécoises. À telle enseigne que récemment, une véritable polémique a éclaté sur les ondes de la radio d’État autour de la paternité contestée d’une recette de pouding chômeur! Dans le domaine de la chanson, le succès à long terme de groupes comme La Bottine Souriante, Les Charbonniers de l’enfer et plus récemment, celui fulgurant de Mes Aïeux, montrent aussi un certain intérêt du public québécois. Par contre, aucune place n’est faite à la chanson traditionnelle dans les médias et les émissions culturelles, ce qui réduit considérablement son rayonnement et sa diffusion. Finalement, le succès hors norme du conteur Fred Pellerin, véritable enfant chéri des Québécois, qui rallie les Québécois de toutes les classes et origines, prouve bien Revalorisation du patrimoine : des que les traditions orales peuvent encore toucher l’imaginaire et le cœur des gens. exemples de réussites Heureusement, tout n’est pas sombre. Dans le domaine culinaire, un véritable engouement pour les produits du terroir et le patrimoine gastronomique québécois s’observent. La cuisine s’inscrit aujourd’hui comme art de vivre et cause une rupture nette avec les pratiques culinaires adoptées durant la période de l’après-guerre où le four à micro-ondes et les plats préparés en usine étaient rois. Désormais, par souci de préserver l’environnement et La culture traditionnelle : témoin de d’encourager les producteurs de chez nous, les consommateurs cherchent des produits notre passé Nous croyons que cette culture frais et locaux. Plusieurs chefs bien connus Dans les pages qui suivent, nous vous invitions à lire un texte fort intéressant signé par l’artiste visuel Simon Beaudry, dont l’œuvre est inspirée par les symboles de la culture traditionnelle québécoise. Avec originalité et talent, il actualise des éléments phare de notre culture traditionnelle en leur donnant un second souffle, une nouvelle vie. À tous, bonne Journée nationale des patriotes! Fier partenaire du Mouvement national des Québécoises et Québécois, parce qu’il est essentiel de se souvenir des moments marquants de notre histoire. _p.8 | Le Fleurdelisé | Édition Patriotes 2015 dossier _ Simon Beaudry QUAND L’ART PARLE AU NOM DU PAYS les assimile, leur donne un sens nouveau, celui d’une œuvre qu’il bâtit en fonction du nouvel univers qu’il voudrait voir s’établir ici. » — Victor-Lévy Beaulieu, écrivain québécois (Le Devoir, 13 janvier 1973) Bien qu’elle date d’avant ma naissance, cette citation de l’un des plus grands créateurs littéraires québécois est devenue le porteétendard de ma démarche artistique. À elle seule, elle résume ce que j’ai été, ce que je suis et ce vers quoi je me dirige en tant qu’artiste. la mienne, de manière à ce que nous nous émancipions au même rythme, de même que pour lier celui que je suis à ceux que nous sommes et devenons. C’est en 2007, au moment de la mise sur pied du collectif Identité québécoise, que l’identité, cette représentation que nous avons de nous-mêmes, m’est apparue comme étant le ciment pouvant servir à réunir tout ce qui existe en y ajoutant de nouveaux éléments pour notre suite du monde. La pérennité de notre culture est selon moi la seule vraie raison de vouloir un pays québécois officiel, indépendant et libre du carcan canadien, car elle structure l’âme et la pensée. Pour ma part, l’art, plutôt que le militantisme politique, m’est apparu comme le meilleur champ d’action, celui avec lequel je suis le plus efficace et pertinent. Il représente aussi le meilleur véhicule pour porter un discours sur ce Québec libre, se rassemblant de son passé, son présent et son futur, et y ajouter de l’envergure, de la démesure. Et par la mythologie que je suis en train de créer à chacune de mes nouvelles œuvres, inventer une civilisation québécoise. Définir la frontière Mon travail évoque une vision personnelle de la nation québécoise, et à travers elle, de moi-même. La réflexion qui accompagne cette démarche me pousse © Alain Desjean, 2012, portrait de Simon Beaudry à (me) réinventer, à (me) transformer et à Simon Beaudry : Artiste multidisciplinaire en arts visuels critiquer ce qui caractérise cette identité. et étudiant à la maîtrise en arts visuels et médiatiques De ce processus sont nées des œuvres qui de l’UQAM. (Remerciements spéciaux à Catherine reflètent une certaine vision du Québec, que Martellini) j’ai tenté et tente toujours de propulser vers l’avant, souvent en utilisant des éléments « Le [créateur] québécois actuel a deux traditionnels modernisés. choix : ou il tourne carrément le dos au passé et s’invente totalement un présent, Ma démarche artistique s’inscrit dans une donc un futur, ou il croit suffisamment aux volonté de participer à la libération et à la choses qu’il y a derrière lui, s’y plonge, transformation culturelle du Québec et à Jusqu’à tout récemment, mes œuvres étaient Le Fleurdelisé | Édition Patriotes 2015 | p.9_ dossier _ Simon Beaudry constituées de photos et d’objets (readymade, sculptures), production à laquelle j’ai intégré graduellement des éléments vidéo. Somme toute, ces œuvres se composaient d’objets, d’artefacts culturels du Québec d’avant, présentés sous une forme actualisée, réinventée. Traverser la frontière Mais pour réinventer cette nation, ce présent qui se transformera en futur, je devais traverser le carrefour qui lie ma production artistique à ma vie (citoyenne). Abattre les frontières pour les transcender. Me rapailler. J’ai donc décidé d’ajouter un aspect à ma pratique en produisant des œuvres à même l’espace politique, au sens du polis, du vivre ensemble. Et par ce procédé, me créer une nouvelle agora en réunissant l’atelier, la vie et le lieu d’exposition, au milieu de ceux qui s’y trouvent, sans que ceux-ci puissent s’attendre à recevoir une œuvre et son discours. Ma pratique est donc devenue plus hétéroclite et imprévisible, mélangeant la photo, l’objet, la vidéo, l’installation, la performance et l’action « guérilla » d’art. Une première bribe de cet art guérilla avait été l’œuvre Printemps québécois – carré fléché rouge – que j’ai non seulement offerte à un coût très bas en galerie pour refléter un discours contre l’augmentation des frais de scolarité, mais que j’ai aussi reproduite en autocollants. Ceux-ci ont servi à tracer mon parcours lors des manifestations auxquelles je prenais part durant le désormais célèbre soulèvement étudiant. Puis, j’ai voulu pousser plus loin. Défoncer des portes. Littéralement. Mon œuvreperformance La charge de l’orignal épormyable donne aux paroles de Victor Lévy Beaulieu tout leur sens : j’y intègre des morceaux d’œuvres québécoises du passé que je colle à une œuvre pour mieux me propulser vers l’avenir. Moi, vêtu d’une armure fabriquée de pièces d’équipement de hockey, je prends mon élan et défonce une porte. Cet éclatement symbolise la libération de mon peuple, mais aussi celui de mes freins personnels qui m’empêchent de me positionner complètement comme artiste professionnel. Tout comme le personnage de Mycroft Mixeudeim de la pièce de Claude Gauvreau, ostracisé par des psychiatres et enfermé dans un institut dont il tente de se sortir en défonçant des portes avec sa tête, mon œuvre reprend cette charge dans le contexte d’aujourd’hui. Dans cette performance, je me représente en tant qu’artiste et en tant que Québécois, cherchant à repousser toutes mes limites. espace libre, m’y engage et y agit. Ce travail se fait de façon libre (sans commande) et autonome (je n’agis pas au nom d’un groupe, d’une entreprise ou d’un parti politique). Est-ce que, quelque part, le rôle de l’artiste, le genre que je cherche à être, ne pourrait pas être contributeur, une fois conscient de sa double position d’artiste et de citoyen (obligatoirement politique et liée aux autres, qu’il le veuille ou non)? Ne pourraitil pas proposer, plutôt qu’imposer comme le suggérait la vision moderne de l’engagement en art, une nouvelle forme de démocratie, celle où le spectateur pourrait vouloir se joindre à ce qu’il voit (mon œuvre), au mieux? Au pire, il restera une proposition personnelle, libre et autonome, toujours sur le point de se révéler au monde par son rapport incessant à un espace artistique et politique et qui pourrait l’interpeller comme un double miroir. Celui d’un artiste devant lui-même et son peuple qu’il imagine et mythologise. Transcender la frontière En septembre dernier, l’Écosse se prononçait sur son indépendance et c’est dans ce contexte que ma volonté de mélanger l’art et la vie a trouvé tout son sens. Ce voyage est venu marquer ma position d’artiste engagé, ainsi que le désir d’ancrer mes œuvres dans le réel, sans port d’attache à des lieux d’exposition. Un film réalisé par Félix Rose et Éric Piccoli (Productions Babel) à paraître a d’ailleurs immortalisé ce voyage et cette quête. Embrassant une forme cinématographique nouvelle qui mélange le cinéma direct, le documentaire, le vidéoclip et la fiction, ce film présente une Écosse en pleine ébullition. Pendant quelques semaines, j’ai sillonné le territoire écossais pour y déployer des œuvres à ciel ouvert qui amalgamaient l’histoire et l’identité écossaises avec celle du Québec. Ces œuvres ont été archivées par le film ou par la photographie et constitueront les mythologise. artefacts de demain. À la manière d’un citoyen au sein de sa société, ma démarche artistique participe à l’évolution de l’identité québécoise. Je construis en quelque sorte le Pays par l’art à défaut, à défaut de le faire politiquement. J’y projette mes aspirations, mes craintes, ce que j’aime et n’aime pas. J’utilise cet _p.10 | Le Fleurdelisé | Édition Patriotes 2015 Simon Beaudry, artiste visuel www.simonbeaudry.quebec www.identitequebecoise.org www.facebook.com/simonbeaudry dossier _ Simon Beaudry QUELQUES OEUVRES DE L’ARTSTE SIMON BEAUDRY Le Fleurdelisé | Édition Patriotes 2015 | p.11_ Fête nationale _ La Fête nationale et les Patriotes LES PATRIOTES FONDENT LA FÊTE NATIONALE Le Québec célèbre cette année sa 181e édition de la Fête nationale. Bien que la Saint-Jean soit aussi soulignée en Europe depuis le Moyen Âge et, depuis toujours, par les Autochtones à l’occasion du solstice d’été, c’est en juin 1834 qu’on associe pour la première fois celui qui baptisa le Christ et « apporta la lumière » à ce peuple d’évangélisateurs qui, chaque année, avait coutume ce jour-là de faire un grand feu pour illuminer la plus courte nuit de l’année. Célébrer un événement par un banquet est alors fort répandu dans la pure tradition chrétienne (pensons à la Cène). Des banquets sont notamment organisés par la franc-maçonnerie et les corporations de métiers afin de célébrer l’un des leurs. Les tables champêtres qu’on tient à l’époque des patriotes à l’occasion de la Saint-Jean se distinguent cependant sur certains points. D’abord, elles se déroulent en plein jour et à l’extérieur, généralement dans un jardin, et non pas le soir dans une salle de réception d’un hôtel par exemple. En outre, dès le départ, elles sont ouvertes à tous, hommes, femmes et enfants, peu importe leur origine, tandis que les banquets alors tenus par les sociétés nationales d’Anglais, de Gallois, d’Écossais, d’Allemands ou d’Irlandais Montréal. Se développe alors l’habitude étaient strictement réservés aux hommes de couvrir la table de branches d’érable fraîchement coupées, un vieux symbole provenant de leur communauté. national, symbole aussi de notre vitalité. Le 24 juin 1834, environ soixante convives s’assemblent dans les jardins de l’avocat La Saint-Jean-Baptiste de 1836 est marquée John McDonnell, à Montréal, afin de célébrer par les premières dissensions puisque la Saint-Jean-Baptiste. Les participants, deux banquets concurrents sont tenus tant britanniques que canadiens, sont à Montréal : l’un, au Rasco, réunit une issus du mouvement patriote : Edmund centaine de papineauistes, Denis-Benjamin B. O’Callaghan, Charles-Ovide Perrault, Viger, Larocque, Dunn et Brown et 112 Thomas-Storrow Brown, Rodier, Louis- invités, l’autre, organisé par Pierre-Clément Hippolyte Lafontaine et George-Étienne Sabrevois de Bleury, réunit « plusieurs Cartier, sous la présidence du premier maire patriotes, qui ne sont point de la nuance des de Montréal, Jacques Viger. On chante, on amateurs de La Minerve [un journal proversifie et surtout on porte des toasts en Papineau] ». En juin 1837, deux banquets hommage aux « Canadiennes », « au peuple se disputent à nouveau les convives autour irlandais », « aux députés patriotes » et à d’un motif tout bête : devrions-nous boire « nos amis du Haut-Canada ». C’est un de l’alcool? En effet, un mois auparavant, véritable succès et les journaux patriotes les patriotes avaient voté à Saint-Ours une lancent aussitôt l’invitation à toutes les série de résolutions visant à boycotter les paroisses de tenir de pareils banquets dès produits importés afin de priver l’Angleterre du revenu des taxes, y compris les vins et l’année suivante. spiritueux, dont on faisait grand usage lors En 1835, 1836 et 1837, les banquets de des banquets de la Saint-Jean-Baptiste. la Fête nationale se multiplient au BasCanada. Les événements se tiennent à Par solidarité avec les résolutions de Saint-Charles, à Saint-Denis, à Verchères, à Saint-Ours et en appui au Parti patriote, Varennes, à Saint-Benoît, à Saint-Eustache, on ne retrouve donc sur les tables des à Terrebonne, à Berthier et bien sûr à banquets patriotiques que des produits Le Fleurdelisé | Édition Patriotes 2015 | p.13_ Fête nationale _ La Fête nationale et les Patriotes (suite) issus du terroir canadien, et de l’eau en guise de rafraîchissement. À Montréal, 200 personnes célèbrent ainsi la Saint-Jean à l’hôtel Nelson. Cependant, un autre banquet réunit d’autres convives, moins contraints par les mesures de boycottage. Le journal L’Ami du peuple, de l’ordre et des lois [anti-patriote] écrit, ironique : La Saint-Jean-Baptiste doit être en deux volumes, cette année, à Montréal. L’un se composera des ultras patriotes ou parti Papineau. L’autre de la portion plus calme des Canadiens. Les derniers qui craignent moins l’excitation se permettront de boire du vin... Dès le départ, les activités de la SaintJean-Baptiste furent ouvertes à toutes les communautés nationales, misant d’abord sur des valeurs universelles de justice, de démocratie et invoquant le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Les premiers banquets Saint-Jean-Baptiste ne furent cependant pas exempts de tiraillements, et cela dès les premières éditions. Décidément, le passé est bien garant de l’avenir. De telles tensions sont sans doute inévitables chez une nation qui n’a pu accéder à l’indépendance, entre ceux qui souhaitent que la fête puisse porter l’espoir du pays désiré et ceux qui n’y voient qu’une célébration de la solidarité nationale. sur une base ethnique, les premières célébrations de la Saint-Jean-Baptiste sont, au contraire et dès le départ, ouvertes aux représentants de toutes les communautés, prémices à ce qui allait devenir la Fête nationale des Québécois-es. Les sociétés nationales qui se forment spontanément au Québec à l’époque des patriotes sont à la base destinées à venir en aide à leurs ressortissants les plus démunis et à leur assurer des services religieux et médicaux. Elles jouent aussi le rôle de club privé pour leur élite économique respective. Dès leur fondation aussi, ces sociétés sont engagées en politique, généralement pour faire obstacle au projet patriote et écraser le nationalisme canadien-français. Reprenant le nom de leur saint patron, les Anglais s’organisent les premiers au sein de la St-George’s Society en décembre 1834. La charte de la société dit bien qu’elle est strictement réservée aux ressortissants anglais ou gallois. Les Écossais s’unissent à leur tour, le 6 février suivant, dans la St-Andrew’s Society. Encore là, la StAndrew s’adresse exclusivement aux sujets britanniques d’origine écossaise, dont plusieurs membres de l’élite économique tels Peter McGill, président fondateur, John Fleming, John Boston, James Leslie, ou des journalistes influents comme Robert Armour de The Gazette et Adam Thom du Herald. Les Allemands s’organisent le 31 mars suivant : « une assemblée nombreuse La fête de tous les Québécois Tandis qu’Anglais, Écossais, Irlandais et respectable réunit à l’hôtel Nelson des et Allemands du Bas-Canada s’étaient Allemands et des Hollandais au sein de la initialement organisés en sociétés nationales German Society of Montreal [...] ». Louis _p.14 | Le Fleurdelisé | Édition Patriotes 2015 Gugy en est élu président, assisté d’un conseil de sept membres. Du côté des Irlandais, les choses sont plus compliquées, cette communauté s’avérant un enjeu de taille dans la joute politique qui oppose alors patriotes et tories. La Hibernian Benevolent Society est d’abord formée en 1834 et aurait compté jusqu’à une centaine de membres. Son association au Parti patriote est alors évidente. C’est donc en réaction qu’est créée, en mars 1835, la St-Patrick’s Society, manifestement alignée sur le parti tory. Ses principaux membres sont d’ailleurs tous aussi impliqués dans la Constitutional Association of Montreal, un club politique particulièrement hostile aux patriotes. Alors que les associations anglophones lancent à tous venants des appels aux « True Britons of all origins », le credo patriote veut plutôt que leurs revendications transcendent les origines et s’adressent à tous les habitants du Bas-Canada, épris de justice et de liberté. Les fondateurs de la Saint-Jean-Baptiste sont d’ailleurs fort désireux d’attirer dans leurs rangs des Britanniques susceptibles de joindre leur coalition « arc-en-ciel ». La communauté irlandaise est particulièrement courtisée, les patriotes multipliant les représentations auprès de ses membres influents, comme Edmund O’Callaghan ou Daniel Tracey, en soutenant les journaux anglophones propatriotes, The Spectator, The Vindicator et The Liberal et en conviant les Irlandais aux banquets de la Saint-Jean-Baptiste. Dévoilement de la programmation des activités de la Journée nationale des patriotes Le président du Mouvement national des Québécoises et Québécois, Monsieur Gilles Laporte vous convie à un cocktail dînatoire à l’occasion de la prochaine édition de la Journée nationale des patriotes LE JEUDI 14 MAI, 17 h À la chapelle de la Maison Gisèle-Auprix-St-Germain 150, rue Grant, Vieux-Longueuil Un vin d’honneur et un léger goûter seront servis Sous le thème « Tissés dans l’étoffe du pays », vous seront offerts : L’interprétation de l’Hymne au Québec par l’Octuor lyrique de Québec Un atelier de tissage de ceintures fléchées Une exposition d’œuvres choisies de l’artiste Simon Beaudry Une exposition de costumes traditionnels québécois RSVP auprès de Myriam D’Arcy [email protected] 514-527-9891 poste 307 Entrée libre Invitation _ Les Sociétés nationales et Saint-Jean-Baptiste de la Montérégie _ La Journée nationale des Patriotes à Saint-Denis LA FOIRE PATRIOTE DE SAINT-DENIS SAMEDI, LE 16 MAI 2015 Parc des Patriotes à Saint-Denis-sur-Richelieu Bordé par les rues Saint-Thomas, Saint-Hubert, Nelson et chemin des Patriotes ACTIVITÉS EN CONTINU GRATUITES POUR TOUS ! MMRencontre d’auteurs. MMDémonstration de métiers anciens. MMVisite du camp patriote de Saint-Denis. MMVous y ferez l’étonnante rencontre de Patriotes et de soldats de sa Majesté! MMPièce de théâtre sur l’histoire des Patriotes par l’extraordinaire troupe de théâtre Exaltemps. MM« Des objets qui parlent... » Présentation et manipulation d’artefacts patriotes. Présentée par la responsable des Collections de la Maison nationale des Patriotes. MMVisite guidée du village de Saint-Denis-sur-Richelieu et de la Maison nationale des patriotes (payante) Pour informations : 1 888 773-8535 Courriel : [email protected] _p.16 | Le Fleurdelisé | Édition Patriotes 2015
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