ENTREVUE PHILIPPE COUILLARD, PREMIER MINISTRE DU QUÉBEC Répond aux questions de 49e Parallèle Quelques semaines après avoir mis en route la relance du Plan Nord, le premier ministre Philippe Couillard a répondu aux questions de 49e Parallèle. Nous avons évoqué avec lui la vision et les grandes orientations données au Plan Nord tel qu’il l’envisage. 49e //. Votre discours du 30 septembre dernier au salon Plan Nord se voulait clairement à la fois rassurant et volontaire dans le but de convaincre les investisseurs que le Plan Nord est prometteur. Quels sont les premiers retours qui vous reviennent à la fois des investisseurs québécois et étrangers ? Philippe Couillard. Mon gouvernement a un plan pour relancer l’économie du Québec, et le Plan Nord en est un des piliers. C’est le discours que nous tenons avec nos partenaires, de même qu’avec les investisseurs potentiels du Québec et de l’étranger. Chaque fois que je présente ce projet de société emballant, je peux vous assurer que les gens se montrent fortement réceptifs. 49e //. Vous avez voyagé et allez beaucoup voyager ( New-York, Chine, Islande…) pour vendre ce Plan Nord aux investisseurs et décideurs étrangers. Que leur dites-vous pour les convaincre ? Quels arguments mettez-vous en avant ? P. C. Lors de ces missions, mon message est clair : le Québec, et particulièrement le territoire concerné par le Plan Nord, est une contrée accueillante et facilitante pour ceux qui veulent contribuer à l’essor de son activité économique. Le Plan Nord reposera sur un cadre clair et 8 ∙ 49e // Vol. 3 Nº 1 ∙ Hiver 2014 prévisible, notamment grâce à la Société du Plan Nord, au bureau de commercialisation et aux investissements stratégiques en infrastructures. En effet, comme nous souhaitons mettre en valeur l’immense potentiel du Nord québécois, nous allons encourager la réalisation d’investissements stratégiques qui favoriseront le développement et l’accès au territoire, tant pour les communautés locales que pour les investisseurs, mais également pour l’ensemble des Québécoises et des Québécois. Pensons ici aux réseaux routier, ferroviaire et portuaire. D’importants investissements en matière de télécommunications et une grande accessibilité aux différentes sources d’énergie ( hydroélectricité, gaz naturel liquéfié ou toute autre solution énergétique innovante) sont également des aspects sur lesquels nous travaillons donc en priorité et qui sont attirants pour les promoteurs. 49e //. Quel est le montant total d’investissements que la province va injecter dans le Plan Nord ? Pour quelles retombées espérées ? P. C. La mise en œuvre du Plan Nord est soutenue financièrement par le Fonds du Plan Nord, un fonds qui disposera d’environ 2 milliards de dollars d’ici 2035. Et d’ici là, nous prévoyons que ce projet générera des investissements totaux de l’ordre de 50 milliards de dollars. 49e //. Quel est le montant d’investissements étrangers que vous comptez attirer ? P. C. Il est encore tôt pour établir un montant précis à ce stadeci du redéploiement du Plan Nord, mais il est clair qu’une part significative des 50 milliards de dollars projetés proviendra d’investissements étrangers. 49e //. Vous avez évoqué la nécessité d’une mise en valeur du territoire nordique de façon « intégrée et planifiée ». Cela implique un périmètre très large d’intervention, des investissements importants et une feuille de route claire, pour la Société du Plan Nord notamment. Quels sont les principaux jalons de cette feuille de route ? Et quels en seront les pôles de développement prioritaires ? P. C. La vision, les orientations et les interventions prioritaires du Plan Nord s’inscrivent dans une approche qui intègre systématiquement les dimensions économique, sociale et environnementale. Les plans d’action du Plan Nord et les plans stratégiques de la Société du Plan Nord s’articuleront autour de ces trois axes. Au cours des cinq prochaines années, les pôles de développement prioritaires seront : sur le plan économique, le déploiement des >>infrastructures en matière de transport, d’énergie et de Photo : Gouvernement du Québec 49e //. Vous évoquez l’horizon 2035 et planifiez clairement ce Plan Nord à long terme. Mais un mandat dure quatre ans. Alors, comment assurer « un environnement stable et prévisible » aux acteurs économiques et garantir que le Plan Nord ne sera pas abandonné en cas d’alternance politique ? P. C. Pour assurer la mise en œuvre efficace du Plan Nord, nous avons besoin d’une entité indépendante, d’où la création de la Société du Plan Nord. Elle gérera le développement sur cet immense territoire, notamment en assurant l’adéquation entre tous les partenaires, la planification adéquate des interventions et une cohérence constante de l’ensemble des actions réalisées sur le territoire du Plan Nord. Aussi, le succès de cet ambitieux projet et sa pérennité reposent sur l’adhésion et la participation active de l’ensemble des partenaires concernés : les entreprises et investisseurs privés, les différents intervenants dans les domaines économique, social et environnemental et surtout les communautés et les populations nordiques, incluant les Autochtones. Le Plan Nord a été imaginé et conçu en partenariat étroit avec les communautés locales, et nous entendons poursuivre sa réalisation de façon continue avec celles-ci. télécommunications nécessaires à la réalisation des différents projets d’investissement, miniers et autres, sur le territoire du Plan Nord ; sur le plan social, l’amélioration du cadre de vie de >>l’ensemble des communautés du territoire du Plan Nord, l’accompagnement des communautés dans la planification et la prise en charge de leur développement, la formation de la main-d’œuvre, particulièrement la main-d’œuvre autochtone, et le déploiement de mesures appropriées pour assurer la sécurité sur le territoire ; le plan environnemental, le gouvernement entend >>sur protéger l’environnement et conserver la biodiversité distinctive du Nord québécois. Trois objectifs soutiennent cet engagement : >>assurer des processus d’évaluation environnementale efficaces ; >>consacrer, d’ici 2035, 50 % du territoire du Plan Nord à des fins autres qu’industrielles, à la protection de l’environnement et à la sauvegarde de la biodiversité. Cela inclut, d’ici 2020, au moins 20 % de la superficie du territoire du Plan Nord en aires protégées strictes, soit l’équivalent de 240 000 km2. Nous voulons ainsi atteindre l’objectif fixé par les pays ayant ratifié la Convention internationale sur la diversité biologique, c’est-à-dire de constituer 17 % du territoire du Québec en zone terrestre et d’eau douce intérieure d’aires protégées en 2020 ; >>encourager les meilleures pratiques, tant à l’égard de l’implantation, de l’exploitation, du développement, des activités de prélèvement que des divers usages sur le territoire. 49e // Vol. 3 Nº 1 ∙ Hiver 2014 ∙ 9 ENTREVUE 49e //. La Société du Plan Nord ainsi que l’Institut de recherche nordique sont en train de voir le jour. Mais leurs travaux respectifs sont de longue haleine. Quand pensez-vous que le Québec sera capable de faire tourner le Plan Nord « à plein régime » ? P. C. Le Plan Nord est un projet de société dont la réalisation s’étendra minimalement jusqu’en 2035. Sa matérialisation se fera graduellement, au fil de la réalisation des interventions de tous les partenaires, dans le respect de l’encadrement réglementaire en vigueur, en s’assurant de l’acceptabilité sociale des populations concernées et en misant sur le développement de la connaissance du territoire, de son potentiel, de sa fragilité et de ses populations. Par ailleurs, dans la mesure où le projet de loi créant la Société du Plan Nord est adopté d’ici la fin de l’automne 2014, il est prévu que celle-ci devienne pleinement opérationnelle le 1er avril 2015. Quant à la création de l’Institut nordique du Québec, son déploiement devrait se concrétiser graduellement au cours des prochaines années. 49e //. Quand vous expliquez le Plan Nord, vous insistez beaucoup sur la nécessité pour ce développement nordique d’être durable et respectueux de l’environnement. Comment faire pour résoudre le problème d’accès à l’énergie dans le respect de l’environnement ? Cela passe-t-il par une politique énergétique tournée vers les énergies renouvelables ? P. C. Selon les besoins en énergie, la rentabilité et la possibilité de développer des projets ayant des impacts mesurés sur l’environnement, Hydro-Québec pourra, d’ici 2035, développer de nouveaux projets hydroélectriques sur le territoire du Plan Nord, une énergie, rappelonsle, renouvelable. De plus, mon gouvernement est très intéressé à voir se développer, sur le territoire du Plan Nord, des solutions permettant de produire de l’énergie renouvelable pour les communautés 10 ∙ 49e // Vol. 3 Nº 1 ∙ Hiver 2014 hors du réseau d’Hydro-Québec et pour les projets miniers isolés. Cela permettra de réduire sensiblement l’émission de gaz à effet de serre des centrales alimentées actuellement au mazout ou au diesel, tout en réduisant les coûts de production d’énergie. De telles initiatives sont rentables économiquement et pour l’environnement. 49e //. L’un des problèmes du développement économique du Nord est l’ultraspécialisation. Quelle est votre stratégie pour réussir à diversifier l’activité économique des communautés nordiques ? P. C. La responsabilité de diversifier leur économie locale appartient d’abord à chacune des communautés du territoire du Plan Nord. La Société du Plan Nord, en collaboration avec les ministères et organismes concernés ainsi que le bureau de commercialisation et Investissement Québec, accompagnera et soutiendra les communautés dans leurs démarches de diversification économique. Le Fonds du Plan Nord pourra également être mis à contribution. 49e //. Faire du Québec un « modèle mondial du développement nordique durable » nécessitera un effort particulier de soutien à la recherche et à l’innovation. Quels secteurs de l’industrie québécoise sont, selon vous, les plus prometteurs et les plus enclins à contribuer au développement technique et technologique du Plan Nord ? P. C. Le Plan Nord permettra au Québec d’être reconnu comme un chef de file mondial en développement nordique durable. Des efforts considérables seront consacrés au développement de la connaissance et de la recherche, que ce soit en ce qui a trait aux aspects économiques, sociaux ou environnementaux. En ce sens, j’ai d’ailleurs récemment annoncé la création de l’Institut nordique du Québec. Cette organisation regroupera des expertises en sciences naturelles, sociales et de la santé, ainsi qu’en génie. Elle contribuera à fournir aux décideurs du gouvernement et du secteur privé toutes les connaissances scientifiques et le savoir-faire technique nécessaires au développement durable du Nord québécois. Tous les acteurs économiques ayant des activités sur le territoire du Plan Nord seront invités à participer activement à faire de ce vaste projet de développement nordique durable un modèle exemplaire. C’est d’ailleurs déjà le cas. Pensons par exemple à la mine Raglan, de la compagnie minière Glencore, et à la mine Renard, de la compagnie minière Stornoway, qui cherchent à réduire l’émission de gaz à effet de serre générée par leurs opérations, et qui développent des ententes de partenariat avec les communautés locales à proximité de leurs infrastructures. Hydro-Québec est un autre bel exemple, avec les efforts considérables déployés tant sur le plan environnemental que dans ses rapports avec les communautés voisines de ses installations. L’aménagement écosystémique des forêts mis de l’avant dans le cadre de la mise en œuvre du nouveau régime forestier et l’implication des communautés dans la planification des opérations forestières, particulièrement sur le territoire du Plan Nord, vont également dans le même sens. 49e //. Le tourisme nordique est un secteur sur lequel vous insistez beaucoup. Mais, malgré des atouts exceptionnels, il peine à se développer en raison, notamment, des coûts prohibitifs du transport et d’une offre qui manque de diversification. Comment aider les acteurs du tourisme nordique à attirer les visiteurs québécois ou étrangers ? P. C. Nous avons relancé la stratégie de développement touristique, un investissement de 3,2 millions de dollars. Cette stratégie, élaborée et mise en œuvre par le ministère du Tourisme, en collaboration avec l’ensemble des intervenants touristiques du territoire du Plan Nord, vise spécifiquement à faire du territoire du Plan Nord une destination touristique de calibre mondial. // 49e // Vol. 3 Nº 1 ∙ Hiver 2014 ∙ 11
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