Newsletter 10th Congress of ECCO - FR Barcelona 2015 Transplantation fécale dans la rectocolite ulcéro-hémorragique: l’étude TURN Dr. Nicolas de Suray Résumé de la présentation ‘Rossen et al, Faecal microbiota transplantation in Ulcerative Colitis: A randomised controlled trial, ECCO 2015 OP7’ Compte tenu de la dysbiose décrite chez les patients atteints de MICI, un traitement par transplantation fécale pour modifier cette dysbiose semble être une voie thérapeutique prometteuse. N.Rossen et al ont présenté les résultats de l’étude TURN menée à l’AMC d’Amsterdam aux Pays-Bas. Il s’agissait d’une étude randomisée contrôlée monocentrique ayant pour objectif d’évaluer l’efficacité de la transplantation fécale dans la rectocolite hémorragique modérée. A la semaine 0 et 3, les patients inclus recevaient via une sonde naso-duodénale soit une transplantation fécale préparée avec leur propres selles (groupe « placebo ») soit une transplantation fécale préparée à base de selles de donneurs sains (groupe « donneur »). L’objectif principal était la rémission clinique et la réponse endoscopique à la semaine 12. Les objectifs secondaires étaient la modification de la flore fécale et la sécurité d’administration. Au total, 48 patients furent randomisés (25 dans le groupe « placebo » et 23 dans le groupe « donneurs »). Concernant l’objectif primaire, il n’y avait pas de différence significative entre les 2 groupes (p=0.51 en intention de traiter et p=0.29 en per-protocole). Concernant les objectifs secondaires, la flore fécale des patients répondeurs dans le groupe « donneur » était modifiée avec un pattern recouvrant celui des donneurs sains ce qui n’était pas le cas chez les patients du groupe « placebo ». Cinq patients ont présenté des effets secondaires sévères mais qui n’ont pas été attribués à la transplantation fécale. L’étude a été stoppée prématurément en raison d’un effet thérapeutique inférieur à celui estimé avant l’étude, ce qui aurait nécessité d’inclure plus de 90 patients dans chaque groupe, difficilement réalisable dans une étude monocentrique. En conclusion, cette étude ne permet pas de démontrer l’efficacité de la transplantation fécale dans le traitement de la rectocolite hémorragique. Il existe cependant une modification de la flore fécale chez les répondeurs, ce qui incite à poursuivre les investigations dans ce domaine, notamment en sélectionnant mieux les patients ou en modifiant les modalités d’administration. Dans la maladie de Crohn, la rémission profonde n’exclut pas un risque de rechute après arrêt des anti-TNF Dr. Nicolas de Suray Résumé de la présentation ‘Bortlik et al., Deep remission in Crohn’s Disease does not prevent disease relapse after withdrawal of anti-TNFα therapy, ECCO 2015 OP15’ Il est actuellement difficile de savoir quels sont les patients candidats pour arrêter le traitement par anti-TNFα alors qu’ils sont en rémission prolongée. L’étude STORI du GETAID a montré un risque de rechute de 50% à 1 an en cas d’arrêt de l’infliximab chez des patients porteurs d’une maladie de Crohn en rémission sous bithérapie*. M. Bortlik et al ont présenté les résultats d’une étude dont l’objectif était d’évaluer le taux de rechute après arrêt de l’anti-TNFα (infliximab ou adalimumab) chez 61 patients atteints de maladie de Crohn en rémission clinique et endoscopique complète avant l’arrêt du traitement. Un traitement par azathioprine était poursuivi par 77% des patients. Après 2 ans de suivi, 52,5 % des patients ont présenté une rechute clinique confirmée par l’endoscopie et/ou l’imagerie ou ont développé un nouvel abcès péri-anal. Le taux de rechute était maximal pendant la première année de suivi. En analyse multivariée, seule la localisation de la maladie représentait un facteur de risque de rechute, les patients avec une atteinte colique pure ayant significativement moins de risque de rechute que les patients avec une atteinte iléale ou iléo-colique (OR 0.16, IC95% 0.03-0.72, p=0.02). Le risque de rechute n’était pas influencé par le type d’anti-TNFα, le tabagisme, le phénotype de la maladie, la prise de corticoïdes ou d’azathioprine, les biomarqueurs (CRP et calprotectine) et les taux résiduels d’anti-TNF avant leur arrêt. En conclusion, cette étude confirme un risque de rechute d’au moins 50% après arrêt des anti-TNFα au bout de 2 ans de suivi. La localisation de la maladie au niveau de l’iléon semble être un facteur de risque significatif. Cependant, ceci pourrait être expliqué par le fait que la cicatrisation muqueuse complète au niveau de l’iléon est difficilement évaluable par les techniques d’imagerie et par l’endoscopie. Aucun autre facteur de risque n’a été identifié dans cette étude, ce qui ne leur permettait pas de sélectionner les patients « bons » candidats à un arrêt des anti-TNFα. *Louis E. Gastroenterology. 2012;142:63-70 L’adalimumab en cas de sténose grêle symptomatique dans la maladie de Crohn: résultats de l’étude CREOLE Dr. Nicolas de Suray Résumé de la présentation digitale orale du poster ‘Bouhnik et al, Efficacy of adalimumab in patients with Crohn’s Disease and symptomatic small bowel stricture: A multicentre, prospective, observational cohort study (CREOLE), ECCO 2015 DOP034’ Y. Bouhnik et al ont présenté les résultats de l’étude CREOLE du GETAID dont l’objectif était d’évaluer l’efficacité de l’adalimumab dans le traitement des sténoses symptomatiques de l’intestin grêle, tout en recherchant des facteurs prédictifs de réponse au traitement. Il s’agissait d’une étude prospective multicentrique observationnelle chez des patients atteints de maladie de Crohn avec une sténose du grêle et qui présentaient un score de symptômes occlusifs (CDOS) supérieur ou égal à 3 sur une échelle de 0 à 6. Les patients étaient évalués par entéro-IRM à l’inclusion puis recevaient un traitement par adalimumab selon le schéma classique (160 mg en SC à la semaine 0, 80 mg en SC à la semaine 2 puis 40 mg en SC toutes les 2 semaines). L’objectif primaire était l’efficacité de l’adalimumab à la semaine 24 définie par l’absence de corticoïdes au bout de 8 semaines après l’inclusion, l’absence de dilatation endoscopique, l’absence de nouvelle chirurgie du grêle, l’absence d’effet secondaire sévère et l’absence de sortie d’étude. Au total, 98 patients ont été analysés. A la semaine 24, 61% des patients ont atteint l’objectif primaire. Après 2 ans de suivi médian, 59% des patients répondeurs à la semaine 24 étaient toujours répondeurs au traitement par adalimumab. Les auteurs ont construit un score pronostique clinico-radiologique, basé sur des critères indépendants prédictifs de la réponse à l’adalimumab (traitement par immunosuppresseurs, symptômes obstructifs depuis moins de 5 semaines, score de symptômes occlusifs ≥ 4, rehaussement tardif en séquence T1 à l’entéroIRM, pas de fistule et un diamètre de la rétro-dilatation en amont de la sténose compris entre 18 et 29 mm). La probabilité d’obtenir une réponse à l’adalimumab à la semaine 24 comme définie ci-dessus était de 14% en cas de score de 0 à 2, de 54% pour un score de 3 et de 88% pour un score de 4 à 7. En conclusion, l’efficacité de l’adalimumab atteint 60% en cas de sténose symptomatique de l’intestin grêle dans la maladie de Crohn. Cette efficacité pourrait être prédite par un score clinico-radiologique simple qui devrait cependant être validé sur une cohorte indépendante. Identification de facteurs prédictifs d'une adhérence thérapeutique faible chez les patients atteints d'une maladie inflammatoire de l'intestin Dr. Frank Van de Mierop Résumé du poster ‘Coenen et al, Identifying predictors of low adherence in patients with Inflammatory Bowel Disease, ECCO 2015 P154’ Le traitement médical qui accompagne souvent les MICI présente des inconvénients éventuels: il est parfois difficile à administrer, peut être coûteux et peut provoquer des effets secondaires désagréables. De ce fait, le patient peut ne pas suivre au mieux son traitement, ce qui a des conséquences sur l'évolution de sa maladie. Coenen et al. ont tenté d'identifier les facteurs prédictifs d’une adhérence thérapeutique faible, afin de faciliter l'intervention efficace, d'augmenter l’adhérence du traitement et d'améliorer l'évolution de la MICI. À cet effet, il a été demandé, entre novembre 2013 et mars 2014, à 471 patients ambulatoires atteints de MICI et 99 patients non atteints de MICI de compléter le « Morisky 8-Item medication adherence questionnaire » (MMAS-8) et la « survey containing sociodemographic data » (tabagisme, niveau d'études, état civil et situation professionnelle). Les données de 466 patients ont été collectées parmi le groupe atteint de MICI: 71 % étaient atteints de la maladie de Crohn et 29 % étaient atteints de recto-colite hémorragique. La distribution de l’adhérence thérapeutique parmi les patients atteints d'une MICI était la suivante : 11 % élevée, 53 % moyenne et 36 % faible. Chez les patients non atteints d'une MICI, elle était de 11 % élevée, 40 % moyenne et 49 % faible. À l'examen de la situation professionnelle, l’adhérence thérapeutique faible était principalement observée parmi les étudiants (47,6 %) et les salariés (42 %), moins chez les indépendants (20 %). Les patients possédant un plus haut niveau d'études oublient plus facilement de prendre leurs médicaments [35,2 % contre 17,8 %, OR 2,513 (1,638-3,855), p < 0,001] et arrêtent de les prendre plus rapidement lorsqu'ils se sentent bien [20,9 % contre 12,6 %, OR 1,836 (1,116-3,020), p = 0,016]. Suivre son traitement s'avère plus difficile pour les patients qui se sentent plus mal [39,1 % contre 19,5 %, OR 2,652 (1,092-6,437), p = 0,026], parmi lesquels certains n'en parlent pas à leur médecin [21,7 % contre 8,7 %, OR 2,911 (0,996-8,507), p = 0,042], et pour les étudiants [35,9 % contre 21,5 %, OR 2,047 (1,030-4,067), p = 0,037]. La mésalamine était le seul traitement associé à une adhérence thérapeutique faible [1,572 (1,032-2,395), p = 0,035]. Selon les conclusions, l’adhérence thérapeutique était faible chez environ un tiers des patients observés. Les facteurs prédictifs d'une adhérence thérapeutique faible sont un âge inférieur à 40 ans, un niveau d'études plus élevé, le célibat et la prise de mésalazine. L'exercice d'une activité professionnelle indépendante s'est révélé être un facteur protecteur. Algorithme pour la prise en charge de la douleur abdominale Dr. Frank Van de Mierop Résumé de la présentation ‘Andreas Sturm, Algorithm for abdominal pain management, ECCO 2015 Inv. Pres.’ La douleur n'est pas rare chez les patients atteints de MICI. La perception de la douleur est personnelle et dépend du seuil individuel de sensibilité et de tolérance à la douleur. La douleur nociceptive viscérale est la plus fréquente chez les patients atteints de MICI, tandis que la douleur neuropathique l'est moins. La douleur est influencée, souvent dans un cercle vicieux, par la réduction du sommeil, l'impact sur l'humeur et la diminution du niveau d'activité et d'énergie. 84 % des patients atteints de MICI se plaignent de douleurs. Parmi ceux-ci, seuls 17 % éprouvent une douleur due à des poussées de la maladie. 68 % souffrent de douleurs chroniques et 52 % atteignent un niveau de douleur de plus de quatre sur six. Étant donné qu'elle est chronique, la douleur dure parfois plusieurs jours. Ces douleurs sont en grande partie liées aux repas, mais ne sont pas toujours imputables à une poussée de la maladie (SCI, excroissances,...). La douleur est généralement localisée dans l'abdomen inférieur, l'abdomen supérieur et le squelette axial. La méthode Socrates peut nous aider à évaluer la douleur : S(ite), O(nset), C(haracter), R(adiation), A(ssociations), T(iming), E(xacerbations/relieving factors), S(everity-scales). Une fois que la douleur a été constatée, il convient de déterminer si une investigation est nécessaire. En cas de douleur péri-anale, une investigation est généralement nécessaire, car cette douleur indique le plus souvent la présence d'un abcès péri-anal ou d'une fissure, d'une fistule, etc. Si un abcès est suspecté, il doit être drainé au plus vite. Pour ce faire, il n'est pas nécessaire d'attendre la réalisation d'une IRM, sauf si cet examen peut être pratiqué immédiatement. Si nous décidons de traiter le patient, nous devons tenir compte du type de douleur, de sa durée (aiguë ou chronique) et de sa cause. Pour le traitement de la douleur, l’orateur donne le conseil suivant: - Dans un contexte aigu, nous pouvons utiliser, comme analgésique, du plus léger au plus fort, du Buscopan, du spasmomen, du paracétamol, des AINS sélectifs, des opioïdes faibles tels que le Tramadol et des opioïdes forts. - Les inhibiteurs sélectifs de la COX 2 semblent sûrs en cas d'arthralgie dans une MICI en rémission, au lieu du MTX ou de la salazopyrine. - En cas de douleur chronique, le seuil doit être abaissé afin de prescrire un patch de fentanyl ainsi que des antidépresseurs. Une humeur dépressive n'est pas rare dans ce contexte de douleur chronique. - Différentes thérapies alternatives peuvent être envisagées : thérapie somato-émotionnelle, acupuncture, yoga, chiropratique et massages relaxants, hypnose, régime afin d'atténuer la douleur, compléments alimentaires, phytothérapie... Questions sans réponse sur les médicaments biosimilaires dans les MICI Dr. Frank Van de Mierop Résumé de la présentation ‘Stefan Schreiber, Unanswered questions on biosimilars in IBD, ECCO 2015 Inv. Pres.’ Dans sa présentation, le professeur Stefan Schreiber aborde différents domaines où des questions demeurent ouvertes ou sans réponse, concernant non seulement les médicaments biosimilaires mais aussi tous les médicaments biologiques. Il commence par attirer l'attention sur la sécurité des médicaments biologiques, dont les résultats négatifs tels que l'apparition d'une malignité sont à attribuer à l'immunosuppresseur associé plutôt qu'au médicament biologique*. Il souligne qu'en ce qui concerne les médicaments biosimilaires, le processus d'agrément ne repose qu'en partie sur des études cliniques (qui montrent l'efficacité) et est surtout basé sur des études d'équivalence pharmacocinétique et d'immunogénicité similaire. La situation est donc très différente de celle des médicaments génériques, où la copie est identique à l'original, le mode d'action et la dose sont connus, la population parmi laquelle ils sont actifs est bien définie et l'efficacité reste stable au fil du temps. Les remarques qu'il formule ensuite concernent à la fois les médicaments biosimilaires et les médicaments biologiques originaux. 1. L'efficacité diminue au fil du temps. Cependant, la cicatrisation de la muqueuse est un élément important qu'il convient de viser, car ça résulte dans une efficacité à long terme et réduction du nombre d'hospitalisations et d'interventions chirurgicales. 2. Savons-nous quelle dose précise de médicaments biologiques/biosimilaires nous devons administrer? Des preuves cliniques montrent que les patients reçoivent souvent une dose trop faible. La question essentielle est de savoir si les adaptations individuelles de la dose permettent d'obtenir de meilleurs résultats. Le Serene trial en CU (adalimumab) tente d'apporter une réponse à cette question, à savoir est-il préférable pour le patient d'adapter la dose en fonction des ‘trough levels’ et les critères d'évaluation seront-ils davantage atteints? Le benchmarking de doses standard lors d'études de bioéquivalence peut être remis en question d'un point de vue éthique et l'introduction de médicaments biosimilaires ne nous a pas fait progresser dans la compréhension de la manière dont nous pouvons traiter au mieux nos patients. Chaque nouvelle étude devrait améliorer nos connaissances de la meilleure façon de traiter les patients et ces connaissances devraient être intégrées dans le programme des médicaments biosimilaires. 3. L'immunogénicité a également été abordée. Les données présentées soulignent l'importance de concentrations médicamenteuses suffisantes en présence d'anticorps. Plus les anticorps sont nombreux, plus la quantité de médicaments nécessaire est élevée. Un schéma comparable se retrouve dans l'AR, où les ‘drug trough levels’ sont inférieures chez les non-répondeurs. Des études observationnelles montrent que la présence d'agents immunosuppresseurs joue un rôle décisif dans la protection des patients contre la formation d'anticorps. Une question intéressante se dégage cependant de deux études portant sur des médicaments biosimilaires de l'infliximab. Dans une étude, des patients atteints d'AR ont reçu de l'infliximab (dose faible de 3 mg/kg) en association avec du méthotrexate. Dans l'autre étude, des patients atteints de SA ont reçu de l'infliximab (5 mg/kg). Dans l'étude portant sur l'AR, les patients présentaient deux fois plus d'anticorps que les patients de l'étude portant sur la SA. La différence entre l'AR et la SA pourrait constituer la différence des études cliniques, mais cela suggère-til que nous devons revoir notre conception du test des anticorps? Le professeur Schreiber déclare que nous devons tester de manière prospective la meilleure manière dont nous pouvons éviter l'immunogénicité. 4. Selon, notamment, l'étude top-down, le moment de la mise en place d'un traitement anti-TNF est aussi très probablement important (cf. données dans l'AR). Ici également, de nouvelles données doivent impérativement être obtenues. 5. En parlant des populations, il se demande ce que nous savons des populations des études. Est-il raisonnable de sélectionner 300 patients, parmi une population de 80000, dans un hôpital donné et de dire que cet échantillon est représentatif? Il est conseillé d'examiner différents modèles, par exemple ‘cluster randomization’ (utilisée lors de l'étude REACT), qui se penchent sur les stratégies thérapeutiques et les moyens d'améliorer le traitement pour le patient. Conclusion: Le professeur Stefan Schreiber a ramené la discussion à la recherche, la contribution innovante et l'intérêt du patient. Il conclut que nous avons davantage besoin de réponses à des questions urgentes plutôt que de reductions de prix et espère que la compétition relancée par l'apparition des médicaments biosimilaires encouragera l'appel à obtenir plus de données. À long terme, son choix de traitement sera déterminé par la version de l'anti-TNF offrant le meilleur service au patient, ce qui pour lui est synonyme de données. *RCP Humira, Remicade, Simponi: ‘Au vu des connaissances actuelles, on ne peut exclure le risque de développer des lymphomes, une leucémie ou d’autres tumeurs malignes chez des patients traités par anti-TNF.’ ABBVIE SA/NV – BEGEN150210a MAY 2015
© Copyright 2024