C-2013-3923-1s Bélanger - Déontologie policière

COMITÉ DE DÉONTOLOGIE POLICIÈRE
QUÉBEC
DOSSIER :
C-2013-3923-1 (12-1551-1)
LE 19 MARS 2015
SOUS LA PRÉSIDENCE DE Me MARIE-ESTHER GAUDREAULT
LE COMMISSAIRE À LA DÉONTOLOGIE POLICIÈRE
Plaignant
c.
L’agent GUY BÉLANGER, matricule 13048
Membre de la Sûreté du Québec – MRC de La Rivière-du-Nord
Intimé
DÉCISION SUR SANCTION
LA CITATION
[1]
Le 28 juin 2013, le Commissaire à la déontologie policière (Commissaire) dépose
au Comité de déontologie policière (Comité), la citation suivante :
«
Le Commissaire à la déontologie policière cite devant le Comité de
déontologie policière l’agent Guy Bélanger, matricule 13048, membre de la
Sûreté du Québec :
1. Lequel, à Prévost, le ou vers le 14 juillet 2012, alors qu’il était dans
l’exercice de ses fonctions, n’a pas utilisé son véhicule de patrouille
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avec prudence et discernement, commettant ainsi un acte
dérogatoire prévu à l’article 11 du Code de déontologie des
policiers du Québec (chapitre P-13.1, r.1);
2. Lequel, à Prévost, le ou vers le 14 juillet 2012, alors qu’il était dans
l’exercice de ses fonctions, a abusé de son autorité en signifiant
sciemment des constats d’infraction sans justification à
monsieur Pierre Ratelle, commettant ainsi un acte dérogatoire
prévu à l’article 6 (3o) du Code de déontologie des policiers du
Québec (chapitre P-13.1, r.1);
3. Lequel, à Prévost, le ou vers le 14 juillet 2012, alors qu’il était dans
l’exercice de ses fonctions, n’a pas agi avec probité en présentant,
à l’égard de monsieur Pierre Ratelle, un rapport qu’il savait faux ou
inexact (complément de constat d’infraction no 100391 8003872
664 et 665), commettant ainsi un acte dérogatoire prévu à
l’article 8 du Code de déontologie des policiers du Québec
(chapitre P-13.1, r.1). »
[2]
Le 14 juillet 2014, le Comité rend une décision sur le fond (Commissaire à la
déontologie policière c. Bélanger, 2014 QCCDP 36) :
« […
[175]
POUR CES MOTIFS, le Comité :
Chef 1
[176] DÉCLARE QUE l’agent GUY BÉLANGER, matricule 13048, membre
de la Sûreté du Québec, a enfreint les dispositions de l’article 11 du
Code de déontologie des policiers du Québec;
Chef 2
[177] DÉCLARE QUE l’agent GUY BÉLANGER, matricule 13048, membre
de la Sûreté du Québec, a enfreint les dispositions de l’alinéa 3 de
l’article 6 du Code de déontologie des policiers du Québec;
Chef 3
[178] DÉCLARE QUE l’agent GUY BÉLANGER, matricule 13048, membre
de la Sûreté du Québec, a enfreint les dispositions de l’article 8 du
Code de déontologie des policiers du Québec. »
[3]
L’audience pour déterminer les sanctions à être imposées à l’intimé au regard
des chefs 1, 2 et 3 de cette citation est tenue le 10 février 2015.
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[4]
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Les parties n’offrent aucune nouvelle preuve.
RAPPEL DES FAITS ET DE LA DÉCISION DU COMITÉ
[5]
M. Pierre Ratelle est un policier retraité de la Sûreté du Québec.
[6]
Le matin du 14 juillet 2012, M. Ratelle supervise les patrouilleurs de la piste de
vélo de l’entreprise touristique Le P’tit Train du Nord.
[7]
Au volant de son propre véhicule, il circule sur la route 117 et croise des cyclistes
qui roulent en peloton en bordure de la ligne de chaussée.
[8]
M. Ratelle décide de créer un « corridor de sécurité » en roulant à gauche du
peloton de cyclistes.
[9]
Soudain, le véhicule de patrouille conduit par l’intimé passe entre les cyclistes et
M. Ratelle à toute allure, sans gyrophares et sans sirène. M. Ratelle évalue sa vitesse à
près de 110 km/h.
[10] M. Ratelle poursuit sa route. Au feu rouge suivant, il se range près du véhicule
de l’intimé et tente de lui parler pour lui signaler son imprudence, sans succès.
[11] M. Ratelle communique avec le poste de police et dénonce la conduite de
l’intimé, croyant s’adresser au supérieur de celui-ci. L’officière qui lui répond est en
compagnie de l’intimé et celui-ci entend la conversation.
[12] Peu après, l’intimé se rend à la résidence de M. Ratelle et remet à la fille de
celui-ci deux constats d’infraction pour son père.
[13] L’un des constats reproche à M. Ratelle d’avoir omis de circuler dans la voie de
droite et l’autre d’avoir utilisé un cellulaire au volant.
[14] Le Comité retient contre l’intimé l’infraction du premier chef et conclut qu’il a
conduit le véhicule de patrouille sans prudence ni discernement, au surcroît au cours
d’une intervention qui ne présentait aucun caractère urgent.
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[15] Le Comité retient contre l’intimé le deuxième chef et conclut que l’intimé a abusé
de son autorité en signifiant deux constats d’infraction sans aucun fondement, animé
par un sentiment de vengeance.
[16] Le Comité retient contre l’intimé le troisième chef, et conclut que l’intimé a rédigé
un faux rapport où il a volontairement tronqué les faits.
ARGUMENTATION DES PARTIES
Le Commissaire
[17] Le Commissaire suggère au Comité d’imposer à l’intimé Bélanger les sanctions
suivantes :
-
pour le chef 1 : une période de suspension de quinze jours;
-
pour le chef 2 : une période de suspension de trente-cinq jours, à purger
consécutivement à celle imposée au regard du chef 1;
-
pour le chef 3 : une période suspension de cinq jours, à purger
concurremment à celle imposée au regard du chef 2.
[18] Le Commissaire dresse un portrait du dossier déontologique de l’intimé, après
vingt-deux années de service policier.
[19] Le 22 octobre 2013, l’intimé a été déclaré coupable des infractions suivantes
dans l’affaire Commissaire à la déontologie policière c. Bélanger, 2013 QCCDP 45, au
regard d’un événement survenu le 9 août 2011 :
« [83] PAR CES MOTIFS, après avoir entendu les parties, pris connaissance
des pièces déposées et délibéré, le Comité DÉCIDE :
Chef 1
[84]
QUE l’agent GUY BÉLANGER, matricule 13048, membre de la Sûreté
du Québec, le 9 août 2011, à Prévost, a utilisé son arme sans
prudence ni discernement à l’égard de M. Samuel Picotte et qu’en
conséquence sa conduite constitue un acte dérogatoire à
l’article 11 du Code de déontologie des policiers du Québec;
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Chef 2
[85]
QUE l’agent GUY BÉLANGER, matricule 13048, membre de la Sûreté
du Québec, le 9 août 2011, à Prévost, a manqué de respect à
M. Jean-Paul Picotte et Mme Lidia Lessard et qu’en conséquence sa
conduite constitue un acte dérogatoire à l’article 5 du Code de
déontologie des policiers du Québec;
Chef 3
[86]
QUE l’agent GUY BÉLANGER, matricule 13048, membre de la Sûreté
du Québec, le 9 août 2011, à Prévost, ne s’est pas comporté de
manière à préserver la confiance et la considération que requièrent ses
fonctions, lors d’une opération visant à enquêter sur le véhicule de
M. Sédrik Picotte, en manœuvrant son véhicule de façon injustifiée et
qu’en conséquence sa conduite constitue un acte dérogatoire à
l’article 5 du Code de déontologie des policiers du Québec;
[…] »
[20] Le 15 mai 2014, dans cette même affaire, le Comité lui imposait les sanctions
suivantes dans Commissaire c. Bélanger, 2014 QCCDP 24 :
« [34] POUR CES MOTIFS, après avoir pris en considération la gravité de
l’inconduite, la teneur du dossier de déontologie ainsi que l’argumentation des
parties, le Comité IMPOSE à l’agent GUY BÉLANGER, matricule 13048,
membre de la Sûreté du Québec, les sanctions suivantes :
Chef 1
[35]
une suspension sans traitement de quatre jours ouvrables de huit
heures pour avoir dérogé à l’article 11 du Code de déontologie des
policiers du Québec en utilisant son arme sans prudence ni
discernement à l’égard de M. Samuel Picotte;
Chef 2
[36]
un blâme pour avoir dérogé à l’article 5 du Code de déontologie des
policiers du Québec en manquant de respect à M. Jean-Paul Picotte et
Mme Lidia Lessard;
Chef 3
[37]
une suspension sans traitement de deux jours ouvrables de huit
heures pour avoir dérogé à l’article 5 du Code de déontologie des
policiers du Québec en manœuvrant son véhicule de façon injustifiée.
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[38]
[21]
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Les sanctions imposées au regard des chefs 1 et 3 devront être
purgées de façon consécutive. »
Le Commissaire souligne que ces dernières décisions ont été portées en appel.
[22] Le Commissaire soumet que la récente décision G.G. c. Bélanger, 2014
QCCS 236, entache également le dossier de l’intimé. Le tribunal y a conclu que l’intimé
avait fait feu sur le chien d’une citoyenne et pointé son arme sur celle-ci sans
justification.
[23] L’intimé et son employeur y sont condamnés solidairement à payer des
dommages de 15 000 $, des frais d’expertise psychiatriques et les dépens. L’intimé seul
y est également condamné à payer des dommages punitifs de 5 000 $.
[24] Enfin, le Commissaire informe le Comité que l’audition d’une nouvelle citation
déontologique portée contre l’intimé est fixée au mois de juin 2015.
[25]
Voici ce que soutient le Commissaire.
Sur la teneur du dossier déontologique de l’intimé
[26] Le Comité doit tenir compte des décisions antérieures rendues contre l’intimé,
certains actes dérogatoires qui doivent être sanctionnés dans la présente affaire étant
de même nature que les précédents.
[27] Pour la troisième fois, l’intimé fait preuve d’un manque de discernement et
d’imprudence.
[28] Il faut donc imposer les sanctions en conséquence, en se rappelant que le
tribunal d’appel, saisi de la décision précédente du Comité, pourra réduire la sanction
en tenant compte d’un « fait nouveau », aux termes des dispositions de cet article de la
Loi sur la police1 (Loi) :
« 254. Le juge peut réviser ou révoquer toute décision qu’il a rendue
lorsqu’est découvert un fait nouveau qui, s’il avait été connu en temps utile,
aurait pu justifier une décision différente. »
1
RLRQ, c. P-13.1.
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[29] Le Commissaire soumet et commente les décisions Commissaire à la
déontologie policière c. Cloutier, 2014 QCCDP 12, et Commissaire à la déontologie
policière c. Johnson, 2004 CanLII 72779 (QC CDP), qui toutes deux s’écartent, à son
avis, de la règle qui prévaut en droit pénal, à l’égard de l’effet des condamnations
antérieures.
[30]
La décision Cloutier applique la règle de cette façon :
« [82] Bien que l’événement pour lequel l’agent Corriveau a été sanctionné
soit postérieur à celui du présent dossier, il n’en fait pas moins partie de son
dossier déontologique.
[83] Tel que le mentionne le Comité dans l’affaire Després, le test appliqué en
droit criminel voulant que l’antécédent se considère à la date de la commission
de l’infraction n’a pas d’application en droit disciplinaire et déontologique.
[84] Il y a lieu de souligner le caractère sui generis du droit déontologique.
[85] À cet égard, l’article 235 de la Loi se lit ainsi :
"235. Dans la détermination d’une sanction, le Comité prend en
considération la gravité de l’inconduite, compte tenu de toutes les
circonstances, ainsi que la teneur de son dossier de déontologie."
[86] Comme le souligne le Comité dans l’affaire Després :
"[26] S’il en avait voulu autrement, le législateur aurait clairement indiqué
à l’article 235 que le Comité devait prendre en considération la teneur du
dossier de déontologie du policier 'à la date de l’événement ayant donné
lieu à la conduite dérogatoire.' Or, tel n’est pas le cas."
[87] Le Comité doit donc prendre en considération la teneur du dossier
déontologique à la date de l’imposition de la sanction.
[88] En conséquence, dans la détermination de la sanction, le Comité tient
compte que le dossier déontologique de l’agent Corriveau contient une
inscription depuis le 1er décembre 2011 portant sur l’usage d’une force
excessive, ce qui ne constitue pas une faute mineure. »
(Références omises)
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[31]
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Et la décision Johnson l’applique ainsi :
« [29] L’article 235 de la Loi sur la police est clair et sans ambiguïté. Dans la
détermination de la sanction, le Comité doit prendre en considération la teneur
du dossier déontologique.
[30] À l’évidence, un policier n’a pas de dossier déontologique s’il n’a pas été
condamné par le Comité.
[31] À l’inverse aussi, un policier a un dossier déontologique dès le moment
où le Comité le condamne.
[…]
[50] Le Comité réitère qu’il n’est pas lié par les règles du droit criminel en
matière de sanction. Cela faisant, il emprunte une démarche qui ne les
contredit pas.
[51] Dans le respect de sa loi constitutive, son devoir est de s’assurer qu’il a
une image complète du policier concerné à un jour donné, en concordance
avec les attentes légitimes d’un public bien informé dont il assure la
protection. » (Référence omise)
[32] Enfin, sans prétendre que la décision du tribunal civil s’ajoute
déontologique de l’intimé, le Commissaire soutient que la décision
l’audience, sur la faute de l’intimé et le préjudice qu’elle a engendré, est un
doit être considéré pour déterminer la juste sanction, au même titre que le
titres honorifiques.
au dossier
produite à
élément qui
seraient les
Sur le chef 1, l’utilisation du véhicule de patrouille sans prudence ni
discernement
[33] Le Commissaire soumet et commente la décision Commissaire à la déontologie
policière c. Gagnon, 2011 CanLII 44837 (QC CDP), qui sanctionne une infraction
semblable par une période de suspension de quinze jours. Le Commissaire invite le
Comité à noter que l’intimé Gagnon avait utilisé son véhicule de façon imprudente dans
une situation d’urgence. Le Comité estimait que sa récidive était improbable, ce qui
n’est pas le cas dans la présente affaire.
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[34] Il commente la décision Commissaire à la déontologie policière c. Mercier, 2013
QCCDP 18, qui sanctionne l’infraction par une période de suspension de six jours,
retenant la recommandation commune des parties. L’intimé Mercier avait agi dans une
situation d’urgence et des mesures disciplinaires avaient déjà été imposées. Le Comité
a jugé que le risque de récidive était nul.
Sur les chefs 2 et 3, la signification de constats sans justification et la rédaction
d’un rapport faux
[35] Le Commissaire rappelle notamment ce commentaire de la décision sur la
culpabilité de l’intimé :
« [158] Contrairement à ce que soutient l’intimé, il ne s’agit pas d’"une question
de perception" mais d’"une question de vérité".
[…]
[164] Le Comité est plutôt convaincu que l’intimé a tronqué les faits et a attribué
à M. Ratelle une infraction qu’il n’a pas commise. »
[36] Le Commissaire souligne que le même geste posé par un citoyen est sanctionné
sévèrement et il cite ces dispositions du Code criminel2 :
« Méfait public
140. (1) Commet un méfait public quiconque, avec l’intention de tromper,
amène un agent de la paix à commencer ou à continuer une enquête :
a) soit en faisant une fausse déclaration qui accuse une autre personne
d’avoir commis une infraction;
b) soit en accomplissant un acte destiné à rendre une autre personne
suspecte d’une infraction qu’elle n’a pas commise, ou pour éloigner de lui les
soupçons;
c) soit en rapportant qu’une infraction a été commise quand elle ne l’a pas été;
d) soit en rapportant, annonçant ou faisant annoncer de quelque autre façon
qu’il est décédé ou qu’une autre personne est décédée alors que cela est
faux.
2
er
L.R.C. (1985), c. C-46, mod par L.R.C. (1985), c. 2 (1 supp.).
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Peine
(2) Quiconque commet un méfait public est coupable :
a) soit d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de
cinq ans;
b) soit d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure
sommaire. »
[37] L’intimé a inventé de toutes pièces cette histoire d’infraction pour d’obscurs
motifs, soumettant M. Ratelle à des procédures pénales qui ont conduit à son
acquittement.
[38] La production d’un rapport faux est l’infraction la plus grave de cette citation et en
présence de malveillance, de vengeance et de ressentiment, les sanctions imposées
sont généralement très sévères.
[39] Le Comité doit prendre en considération la nature des fausses accusations
portées par l’intimé. Les décisions antérieures du Comité et des instances supérieures
sanctionnent sévèrement l’infraction lorsque celles-ci sont graves.
[40] Les chefs 2 et 3 sont intimement liés et les sanctions imposées doivent en
conséquence être purgées concurremment.
[41] Le Commissaire cite et commente les décisions Commissaire à la déontologie
policière c. Brault, 2013 QCCDP 24, et Commissaire à la déontologie policière c.
Bernard, 2002 CanLII 49272 (QC CDP), lesquelles sanctionnent des infractions de
nature semblable par une période de suspension de cinq jours, dans des circonstances
fort différentes.
[42] Il cite la décision Commissaire à la déontologie policière c. Gauthier, 2011 CanLII
44835 (QC CDP), 2014 QCCQ 3025 et 2015 QCCS 218, où une infraction comparable
est sanctionnée par une suspension de soixante jours. Le Comité y tient ces propos :
« [36] Lorsqu’elle est utilisée avec malveillance, la plume du policier s’avère
un outil aussi redoutable pour les droits fondamentaux d’un citoyen que l’arme
à feu pour son intégrité physique.
[…]
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[39] Le procureur du policier soutient que les gestes reprochés à son client
s’étalent sur à peine vingt minutes. Cet argument ne résiste pas à l’analyse.
S’il est vrai que ce qui s’est déroulé sur le stationnement du bar a été de
courte durée, le rapport a été rédigé plusieurs heures plus tard.
[40] Ce temps de réflexion n’a pas servi à mettre sur papier la vérité, mais au
contraire, à inventer une histoire. Toutes ces heures s’ajoutent aux vingt
minutes de la nuit précédente pour évaluer l’étendue de la faute du policier
quant au faux rapport et aux fausses accusations. »
[43] Cette décision Gauthier a été portée en appel et en révision judiciaire et la
sanction imposée au regard de ce chef a finalement été maintenue3.
[44] Le Commissaire commente de nouveau les décisions Commissaire à la
déontologie policière c. Cloutier, 2012 CanLII 64438 (QC CDP) et 2014 QCCDP 12, où
pareille infraction mérite aux intimés des périodes de suspension de vingt-cinq et
trente-cinq jours, précisant que le rapport rédigé par ces derniers indique que le
plaignant a été arrêté en raison de son état d’ivresse avancé, ce qui est faux.
[45] Le Commissaire conclut en invitant le Comité à imposer à l’intimé les sanctions
suggérées.
L’intimé
[46]
[47]
3
L’intimé suggère au Comité de lui imposer les sanctions suivantes :
-
pour le chef 1 : une période de suspension de trois jours;
-
pour le chef 2 : une période de suspension de deux jours, à purger
consécutivement à celle imposée au regard du chef 1;
-
pour le chef 3 : une période de suspension de trois jours, à purger
concurremment à celle imposée au regard du chef 2.
Voici ce qu’il soutient.
Une requête de permission d’en appeler de la révision judiciaire est pendante.
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Sur la teneur de son dossier déontologique
[48] Les infractions qui doivent être sanctionnées dans la présente affaire ont été
commises alors qu’il n’avait aucun antécédent déontologique. Il n’y a donc pas à tenir
compte des décisions antérieures du Comité à son égard.
[49] Néanmoins, les sanctions qu’il suggère sont fondées sur l’interprétation des
dispositions de l’article 235 de la Loi soumise par le Commissaire et tiennent compte de
ces décisions antérieures.
[50] Quant aux recours de nature civile, ils ne doivent pas avoir d’effet sur le dossier
déontologique, car ils sont soumis à l’organisation policière qui en prend la
responsabilité et qui, souvent, procède à une entente à l’amiable. Il n’y a donc pas à
tenir compte de la décision G.G. c. Bélanger, 2014 QCCS 236.
[51] Enfin, l’intimé rappelle qu’il signifie près de 2 500 constats d’infraction par année
depuis vingt-deux ans et il comparaît devant le Comité pour la deuxième fois.
Sur la consécution des sanctions imposées au regard des infractions du chef 2 et
du chef 3
[52] La règle est celle de la concurrence des sanctions. L’intimé soumet les décisions
Gauthier c. Simard, 2014 QCCQ 3025, où l’on procède à une recension de la
jurisprudence en matière de sanctions consécutives, et Boucher c. Simard, 2014 QCCQ
2707, où l’on rappelle le pouvoir discrétionnaire du décideur :
« [47] Le principe est donc l’imposition de peines concurrentes mais des
peines consécutives peuvent être imposées en présence d’infractions
distinctes dans le temps et quant à leur objet. Il faut rappeler qu’il s’agit là d’un
pouvoir discrétionnaire appartenant au décideur spécialisé. »
[53] L’intimé est d’avis que les sanctions qui seront imposées au regard des
infractions des chefs 2 et 3 devraient être purgées concurremment.
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Sur le chef 1, l’utilisation du véhicule de patrouille sans prudence ni
discernement
[54] La faute de l’intimé n’a causé ni collision ni blessure ni décès ni dommage. Le
Comité devrait ainsi écarter toute comparaison avec la décision Gagnon citée par le
Commissaire, ainsi qu’avec les décisions qu’il identifie et produit4.
[55] L’intimé suggère plutôt de retenir, à titre de sanction, une période de suspension
comparable à celles imposées dans les affaires Commissaire à la déontologie policière
c. Mercier, 2013 QCCDP 18 (six jours), Commissaire à la déontologie policière c.
Bluteau, 8 septembre 1999, AZ-50067794 (trois jours), Commissaire à la déontologie
policière c. Gascon, 28 avril 1998, AZ-50067996 (pas de suspension, mais un
avertissement), Commissaire à la déontologie policière c. Paré, le 17 janvier 1997,
AZ-5006696 (un jour), toutes ces décisions ayant été portées en appel et confirmées.
4
Commissaire à la déontologie policière c. Ouellet, 2012 CanLII 34645 (QC CDP); Commissaire à la
déontologie policière c. Huard, C.D.P., C-96-1916-1, 19 septembre 1997 (fond) et 6 novembre 1997
(sanction), confirmée par Huard c. Commissaire à la déontologie policière, C.Q. Baie-Comeau,
655-02-001036-976; Commissaire à la déontologie policière c. Craig, 2005 CanLII 59886 (QC CDP)
(fond) et 2005 CanLII 59900 (QC CDP) (sanction); Commissaire à la déontologie policière c. Béliveau,
2001 CanLII 27830 (QC CDP) (fond) et 2001 CanLII 27844 (QC CDP) (sanction), confirmée par Béliveau
c. Commissaire à la déontologie policière, 2001 CanLII 20324 (QCCQ); Commissaire à la déontologie
policière c. Chapados, C.D.P., C-2005-3240-1 à C-2005-3242-1, 24 février 2006, confirmée par
Chapados c. Simard, 2007 QCCQ 2798; Commissaire à la déontologie policière c. Landry, C.D.P.,
C-94-1384-1, 23 septembre 1994 (fond) et 18 novembre 1994 (sanction); Commissaire à la déontologie
policière c. Gagnon, 2011 CanLII 36038 (QC CDP) (fond) et 2011 CanLII 44837 (QC CDP) (sanction),
appel quant au fond rejeté et quant à la sanction accueilli par Gagnon c. Simard, 2012 QCCQ 4421 et
requête en révision judiciaire accueillie par Simard c. Champoux, 2014 QCCS 1202; Commissaire à la
déontologie policière c. Roy, 2013 QCCDP 48; Commissaire à la déontologie policière c. Sasseville, 2009
CanLII 41915 (QC CDP) (fond) et 2010 CanLII 2722 (QC CDP) (sanction), confirmée par Couture c.
Simard, 2012 QCCQ 3043 et requête en révision judiciaire rejetée par Sasseville c. Quenneville, 2013
QCCS 4178; Commissaire à la déontologie policière c. Smith, 2014 QCCDP 62; Commissaire à la
déontologie policière c. Desjardins et al., 2005 CanLII 59862 (QC CDP), confirmée par Desjardins c.
Comité de déontologie policière, 2009 QCCA 470 (autorisation de pourvoi à la Cour suprême du Canada
refusée), Desjardins c. Simard, 2011 QCCQ 8648 (appel sur sanction rejeté), Desjardins c. Shamie, 2012
QCCS 4966 (requête en révision judiciaire rejetée); Commissaire à la déontologie policière c. Turgeon,
2005 CanLII 59878 (QC CDP) (fond) et 2005 CanLII 59884 (QC CDP) (sanction), confirmée par Simard c.
Turgeon, 2006 QCCQ 10928.
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Sur les chefs 2 et 3, la signification de constats sans justification et la rédaction
d’un rapport faux
[56] La faute de l’intimé n’a pas entravé la liberté du plaignant qui n’a été ni arrêté ni
fouillé ou détenu. Le Comité devrait écarter là aussi toute comparaison avec les
décisions ayant emporté des sanctions sévères, telle la décision Commissaire à la
déontologie policière c. Lefebvre, C.D.P., C-97-2170-2, 11 juin 1998, citée dans la
décision Commissaire à la déontologie policière c. Bernard, 2002 CanLII 49272
(QC CDP) :
« [24] Dans le dossier Lefebvre, la Cour du Québec a imposé une suspension
de 20 jours parce que le policier avait rédigé un faux rapport qui avait conduit
à des accusations criminelles. Dans le présent dossier, il s’agissait d’une
poursuite en vertu du Code de procédure pénale. » (Références omises)
[57] Tout comme le Comité dans l’affaire Commissaire à la déontologie policière c.
Brault, 2013 QCCDP 24, il faut considérer la nature de l’infraction indiquée au constat et
au rapport reproché à l’intimé :
« [38] À titre de circonstance atténuante, bien que le Comité ne considère
pas que le fait d’accuser faussement en vertu d’une réglementation
municipale plutôt que du Code criminel puisse être ainsi qualifié au sens usuel
du terme, on peut néanmoins concevoir que l’anxiété ou les problèmes en
résultant furent moindres pour le plaignant que dans les cas où des
accusations d’entrave ou de voies de fait sur les policiers sont injustement
déposées. » (Référence omise)
[58] L’intimé suggère plutôt de retenir, pour sanctionner l’infraction du chef 2, une
période de suspension comparable à celles imposées dans les affaires Commissaire à
la déontologie policière c. Clément, C.D.P., C-93-1232-1, 29 mars 1994 (fond) et
18 mai 1994 (sanction) (deux jours, portée en appel et confirmée), Commissaire à la
déontologie policière c. Asselin, 2014 QCCDP 26 (fond) et 2014 QCCDP 44 (sanction)
(pas de suspension, mais un blâme), Commissaire à la déontologie policière c.
De Santis, 2012 CanLII 49154 (QC CDP) (deux jours et trois jours, à la
recommandation commune des parties), Commissaire à la déontologie policière c.
Mayrand, 2013 QCCDP 35 (fond) et 2014 QCCDP 53 (sanction) (trois jours), et
Commissaire à la déontologie policière c. Villeneuve, 2012 CanLII 84919 (QC CDP)
(fond) et 2013 QCCDP 9 (sanction) (deux jours, portée en appel et confirmée par
Villeneuve c. Simard, 2014 QCCQ 4254).
[59] L’intimé suggère enfin au Comité de s’inspirer, pour sanctionner l’infraction du
chef 3, des mêmes décisions que celles citées au regard du chef 2.
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PAGE : 15
ANALYSE ET DÉCISION
[60] Les dispositions de l’article 194 de la Loi confient au Comité la compétence
exclusive pour disposer des citations déontologiques portée contre les policiers.
[61] Le Comité exerce cette compétence à l’égard d’infractions aux dispositions du
Code de déontologie des policiers du Québec5 (Code).
[62]
Les dispositions de cet article du Code en définissent l’objectif :
« 3. Le présent Code vise à assurer une meilleure protection des citoyens et
citoyennes en développant au sein des services policiers des normes élevées
de services à la population et de conscience professionnelle dans le respect
des droits et libertés de la personne dont ceux inscrits dans la Charte des
droits et libertés de la personne (chapitre C-12). »
[63]
Loi :
Les infractions au Code sont sanctionnées aux termes de ces dispositions de la
« 235. Dans la détermination d’une sanction, le Comité prend en
considération la gravité de l’inconduite, compte tenu de toutes les
circonstances, ainsi que la teneur de son dossier de déontologie. »
[64] Les sanctions imposées doivent tenir compte de la jurisprudence, présenter un
caractère dissuasif et exemplaire et respecter l’objectif du Code, celui d’assurer une
meilleure protection des citoyens.
[65] Enfin, le Comité doit considérer le dossier déontologique d’un intimé lorsqu’il
détermine la sanction qui lui sera imposée.
Sur la teneur du dossier déontologique de l’intimé
[66] Le 8 juin 2012, le Commissaire portait contre l’intimé une citation déontologique
(C-2012-3833-1) alléguant des infractions commises le 9 août 2011.
5
RLRQ, c. P-13.1, r. 1.
C-2013-3923-1
PAGE : 16
[67] Le 22 octobre 2013, le Comité déclarait l’intimé coupable d’une infraction aux
dispositions de l’article 11 (en utilisant son arme sans prudence), de deux infractions à
l’article 5 (en manquant de respect envers un citoyen et en manœuvrant son véhicule
de façon injustifiée).
[68] Le 15 mai 2014, le Comité sanctionnait les infractions de l’intimé, lui imposant
des périodes de suspension totalisant six jours.
[69] Les infractions de l’intimé qui doivent être sanctionnées ont été commises le
14 juillet 2012, alors qu’aucune déclaration de culpabilité n’était inscrite au dossier
déontologique de l’intimé, mais que le processus déontologique au regard de la citation
précédente était pendant.
[70] Au moment de déterminer et d’imposer la sanction juste et appropriée aux
infractions retenues contre l’intimé, cette déclaration de culpabilité entache donc son
dossier déontologique.
[71] Le Commissaire a soumis quelques décisions du Comité qui tiennent compte,
aux fins de l’application des dispositions de l’article 235 de la Loi, de la teneur du
dossier déontologique au moment de l’imposition de la sanction.
[72] Le Commissaire a soutenu que ces décisions s’écartent de la règle appliquée à
la détermination de la peine dans les instances pénales.
[73] En matière pénale, tout comme en matière disciplinaire et déontologique, la
condamnation antérieure est prise en compte au chapitre des facteurs considérés au
regard de la sanction, parmi les circonstances de la perpétration de l’infraction.
[74] La condamnation antérieure constitue alors un facteur aggravant car elle sème le
doute sur la réhabilitation.
[75] Cependant, seule la condamnation antérieure existante au moment de la
perpétration de l’infraction peut être considérée et les causes pendantes doivent être
ignorées, sauf aux fins d’évaluer la situation du délinquant, son caractère et sa
réputation.
[76] Dans ce dernier cas, le tribunal peut admettre une telle preuve et la considérer,
dans la mesure où il ne prive pas le délinquant d’une audition équitable.
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[77] Il va sans dire que lorsque la déclaration de culpabilité est déjà prononcée,
comme c’est le cas dans la présente affaire, l’intimé ne peut invoquer qu’il sera ainsi
privé d’une audition équitable du seul fait de la considération de cette déclaration. Si
l’affaire était pendante, elle ne l’est plus.
[78] Quelques décisions commentent l’application de la règle en matière de discipline
et de déontologie professionnelle.
[79] Ainsi, le tribunal d’appel, dans l’affaire Dentistes c. Dupont, 2005 QCTP 7, tient
ces premiers commentaires au regard de la considération de la condamnation
disciplinaire antérieure :
« [50] En dépit de l’inquiétude déclarée que suscite la conduite de l’intimé, la
gravité, la pluralité et les conséquences des gestes posés, le Comité paraît
faire indûment prévaloir l’inexistence d’antécédent disciplinaire.
[51] À cet égard, et avec raison, il conclut que la plainte de 2001 qui aboutit à
une ordonnance de radiation provisoire en avril 2003, ne peut constituer un
antécédent disciplinaire selon l’acception légale de l’expression.
[52] Néanmoins, dans l’évaluation des facteurs subjectifs devant être prise en
compte dans la détermination de la sanction, le Comité mésestime cette
dimension du dossier et confond possiblement l’antécédent disciplinaire, en
terme de condamnation, inscrite comme telle au dossier du professionnel, et
la conduite du professionnel, vue comme un aspect important de l’évaluation
du risque de récidive, et par voie de conséquence, de la détermination de la
sanction juste et appropriée. » (Référence omise)
[80] Le même tribunal, dans l’affaire Genest c. Médecins, 2007 QCTP 105, estime
qu’il est également juste de tenir compte d’éléments extérieurs au dossier disciplinaire :
« [70] Une instance disciplinaire peut certainement considérer le
comportement global d’un professionnel lorsqu’il s’agit de lui imposer une
sanction juste et appropriée. »
[81]
Et le tribunal ajoute, plus tard, dans Genest c. Médecins, 2008 QCTP 198 :
« [241] En accord avec l’intimé, le Tribunal croit que les démêlés de
l’appelante avec le Centre hospitalier Laurentien font partie du bagage
professionnel de l’appelante. […] »
[82] Ainsi, lorsqu’il recherche la sanction juste et appropriée, le Comité doit
idéalement disposer de toutes les informations pertinentes au regard de l’intimé.
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PAGE : 18
[83] Le Comité estime que la condamnation déontologique antérieure de l’intimé
constitue l’une de ces informations pertinentes.
[84] Il en est de même de la condamnation antérieure de l’intimé par un tribunal civil à
des dommages liés à sa faute dans l’exercice de sa fonction de policier. Elle constitue
tout autant une information pertinente.
[85] Ces deux éléments permettent d’apprécier le caractère de l’intimé et d’évaluer le
risque de récidive.
[86] Le Comité prendra donc en compte, dans les circonstances particulières de cette
affaire, la déclaration de culpabilité de l’intimé au regard de la citation portée le
8 juin 2012, ainsi que la condamnation à la réparation du préjudice et aux dommages
punitifs prononcée contre lui le 22 janvier 2014.
[87] Le Comité retient particulièrement ces commentaires de la décision sur la
culpabilité de l’intimé au regard de la citation du 8 juin 2012 (Commissaire à la
déontologie policière c. Bélanger, 2013 QCCDP 45) :
« [63] Tout comme dans l’affaire Lapointe, l’agent Bélanger a choisi une
méthode d’intervention inadéquate et il a posé un geste irréfléchi et imprudent
en utilisant son arme en pareilles circonstances.
[64] Pour ces motifs, le Comité conclut que l’agent Bélanger a utilisé son
arme sans prudence ni discernement à l’endroit de M. Samuel Picotte et a
ainsi enfreint les dispositions de l’article 11 du Code.
[…]
[70] Tous reconnaissent la manœuvre rapide, voire brusque, du véhicule de
patrouille pour s’insérer derrière le véhicule de M. Sédrik Picotte, suivie d’une
conduite imprudente de l’agent Bélanger. Cette manœuvre avait été précédée
de l’usage des gyrophares et d’un dépassement en zone interdite.
[…]
[72] L’agent Bélanger reconnaît que M. Picotte n’avait commis aucune faute
et qu’il n’avait aucune intention d’intercepter celui-ci. Le policier voulait
simplement noter le numéro de la plaque d’immatriculation pour un usage
ultérieur et pour cela, il devait s’approcher de son véhicule.
[…]
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[74] Cette façon d’agir de l’agent Bélanger était non seulement inutile et
injustifiée, mais les manœuvres de conduite utilisées étaient dangereuses à
l’égard des autres conducteurs de véhicules.
[75] En conséquence, le Comité conclut que l’agent Bélanger ne s’est pas
comporté de manière à préserver la confiance et la considération que requiert
sa fonction et a dérogé à l’article 5 du Code. » (Référence omise)
[88] Le Comité retient également ces commentaires de la Cour supérieure du Québec
dans l’affaire G.G. c. Bélanger, 2014 QCCS 236 :
« [63] Il faut conclure qu’en faisant feu sur le chien de madame G..., le
policier Bélanger démontre un manque de maîtrise de la situation,
contrairement à ce qui serait attendu d’un policier prudent et diligent placé
dans les mêmes circonstances.
[64] La même conclusion s’impose concernant le fait de pointer son arme sur
madame G....
[65] Monsieur Bélanger dit avoir mis les chiens en joue car il voulait assurer
sa sécurité et celle des voisins.
[66] Il pointe d’abord son arme sur madame G... et son chien (Jack) alors
qu’elle traîne ce dernier par le collier et qu’il est blessé d’un projectile qui l’a
atteint à la tête.
[67] On voit mal comment, dans ce contexte, la sécurité de monsieur
Bélanger ou celle de quelqu’un d’autre puisse être en danger et le justifier de
braquer son arme comme il le fait.
[…]
[71] La force utilisée par monsieur Bélanger est disproportionnée. Il faut
s’attendre à plus de mesure et de jugement de la part d’un policier appelé à
intervenir en pareil cas.
[72] Le Tribunal estime donc que le policier Bélanger n’était pas justifié d’agir
comme il l’a fait. Il s’est écarté du comportement d’un policier diligent et
prudent placé dans des circonstances semblables et il a engagé sa
responsabilité et celle de la Régie.
[…]
[117] Le Tribunal doit tenter de procurer à madame G..., dans ces
circonstances, une indemnité raisonnable pour pallier les inconvénients subis
en raison des incidents du 2 février 2008 où le policier Bélanger braque son
arme sur elle.
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[…]
[127] Monsieur Bélanger a agi ici "en toute connaissance des conséquences,
immédiates et naturelles ou au moins extrêmement probables" de sa
conduite. »
Sur le chef 1, l’utilisation du véhicule de patrouille sans prudence ni
discernement
[89] Le Comité retient la suggestion du Commissaire et impose à l’intimé une
suspension de quinze jours.
[90] Une fois de plus, l’intimé fait preuve d’une conduite imprudente et utilise les
instruments mis au service des policiers, sans aucun discernement.
[91] Au surplus,
invraisemblable.
il
justifie
son
inconduite
en
fournissant
une
explication
[92] La sanction retenue est celle imposée à l’intimé dans la décision Gagnon citée
par le Commissaire, bien qu’aucune situation d’urgence ne puisse être invoquée par
l’intimé, dans la présente affaire.
[93]
Une période de suspension plus longue serait justifiée.
[94] Cependant, le Comité tient compte de la globalité des sanctions qui lui seront
imposées.
Sur les chefs 2 et 3, la signification de constats sans justification et la rédaction
d’un rapport faux
[95] Le Comité constate que les décisions citées par les parties font état d’un large
spectre de sanction, qui va du blâme à la suspension pour une période de
soixante jours.
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PAGE : 21
[96] Ainsi, dans l’affaire Commissaire à la déontologie policière c. Asselin, 2014
QCCDP 26 et 2014 QCCDP 44, le Comité impose un blâme retenant que :
« [73] Enfin, l’infraction du chef 5 sera sanctionnée par un blâme car le
Comité reconnaît que les policiers ont "constaté" et n’ont pas "inventé"
l’infraction de M. Descary.
[74] Ils ont cependant tous deux manqué de discernement et n’ont pas
exercé correctement leur discrétion. »
[97] Tel n’est pas le cas dans la présente affaire. L’intimé a inventé de toutes pièces
les infractions inscrites aux constats qu’il a signifiés à M. Ratelle.
[98] La décision Commissaire à la déontologie policière c. Villeneuve, 2012 CanLII
84919 (QC CDP) et 2013 QCCDP 9 (deux jours, portée en appel et confirmée par
Villeneuve c. Simard, 2014 QCCQ 4254), constitue une autre illustration de la sanction
de l’infraction.
[99] Le Comité y a imposé à l’intimé Villeneuve une période de suspension de deux
jours dans des circonstances bien particulières rapportées par cet extrait :
« [35] Ceci étant, il y a lieu de tenir compte de toutes les circonstances.
Comme le souligne avec justesse le procureur du policier, le présent dossier
est particulier en ce que le policier n’a pas agi pour des motifs inavouables,
mais plutôt dans le but d’"avantager" le citoyen, même si ce fut
maladroitement. »
[100] Tel n’est pas non plus le cas dans la présente affaire.
[101] À l’autre extrémité du spectre, la décision Commissaire à la déontologie policière
c. Gauthier, 2011 CanLII 44835 (QC CDP), 2014 QCCQ 3025 et 2015 QCCS 218, où
une infraction comparable est sanctionnée par une suspension de soixante jours.
[102] Les passages soulignés par le Commissaire au regard de l’intention malveillante
du policier, du temps dont il a disposé entre l’événement et la rédaction du rapport,
utilisé à « inventer une histoire », interpellent le Comité.
[103] Les circonstances de l’infraction de l’intimé Gauthier présentent une similitude
importante avec celles de l’intimé dans la présente affaire, hormis la nature et la gravité
de la fausse accusation portée.
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PAGE : 22
[104] L’intimé Bélanger possède cependant une expérience beaucoup plus longue du
service policier et son « bagage professionnel » alourdit ses fautes.
[105] D’autres illustrations de la sanction de pareille infraction ont été soumises par les
parties.
[106] Le Comité a considéré toutes les circonstances de l’infraction de l’intimé, tous les
éléments mis en preuve, la globalité des sanctions qui doivent être imposées, les
décisions antérieures et les autorités soumises.
[107] Au regard du chef 2, le Comité impose à l’intimé une période de suspension de
vingt-cinq jours.
[108] Au regard du chef 3, il impose à l’intimé une période de suspension de cinq jours.
[109] Les infractions des chefs 2 et 3 sont distinctes de celle du premier chef « dans le
temps et quant à leur objet » et rencontrent ainsi les critères fixés par la Cour d’appel
dans l’affaire Tan c. Lebel, 2010 QCCA 667, repris récemment dans la décision
Boucher c. Simard, 2014 QCCQ 2707 :
« LES PEINES CONSÉCUTIVES
[46] La Cour d'appel a rendu, en 2010, l’arrêt de principe concernant la
concurrence des peines en matière disciplinaire dans l'affaire Tan c. Lebel.
Les passages suivants valent d'être reproduits :
[26] En matière pénale, les peines sont généralement concurrentes lorsque
les infractions sont intimement reliées et découlent du même incident. Ce
principe doit tout autant prévaloir en matière de sanctions disciplinaires.
[27] Les deux accusations du premier chef portent sur le fait d’avoir imité la
signature de son client, dans un cas, sur le contrat de courtage et, dans
l’autre, sur le formulaire de modifications. Le Comité de discipline a imposé
deux suspensions concurrentes de six mois, ce qui respecte le principe
énoncé au paragraphe précédent.
[28] L’appelante a été déclarée coupable des deux accusations du
deuxième chef, pour avoir faussement représenté à certaines personnes,
et ce, à deux dates différentes, mais rapprochées, détenir un contrat de
courtage. Le Comité de discipline a infligé, sur le deuxième chef
d’accusation, une suspension consécutive de six mois à celle imposée sur
le premier chef.
[29] Le Comité de discipline n’explique pas pourquoi il impose des
sanctions consécutives pour les condamnations sur les accusations
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PAGE : 23
portées en vertu des deux premiers chefs. L’infraction consistant à avoir
imité la signature de son client pour faire croire au renouvellement du
contrat de courtage et du formulaire de modifications et celle d’avoir, au
cours de la même période de sept jours, faussement représenté détenir un
contrat de courtage présentent un lien étroit, au point où, en l’absence
d’autres raisons, que ne fait pas voir la décision, les suspensions auraient
dû être concurrentes pour les deux premiers chefs d’accusations. Elles
découlent également des mêmes incidents. La décision sur la sanction est,
à cet égard, déraisonnable. Il y a donc lieu d’intervenir pour rendre
les sanctions de six mois sur chacun des deux premiers chefs
concurrentes. […]
[30] Il en va, toutefois, autrement de la suspension consécutive de six mois
imposée sur le troisième chef d’accusation concernant les fausses
déclarations de l’appelante au syndic durant son enquête. Cette infraction
est totalement distincte, à la fois dans le temps comme dans son objet, des
autres infractions. La décision du Comité de discipline d’imposer une
suspension consécutive pour l’infraction dont l’appelante a été trouvée
coupable sur le troisième chef trouve justification ici.
[emphase ajoutée]
[47] Le principe est donc l’imposition de peines concurrentes mais des peines
consécutives peuvent être imposées en présence d’infractions distinctes dans
le temps et quant à leur objet. Il faut rappeler qu’il s’agit là d’un pouvoir
discrétionnaire appartenant au décideur spécialisé. » (Références omises)
[110] Les périodes de suspension imposées au regard des chefs 2 et 3 seront en
conséquence purgées de façon concurrente entre elles, consécutivement à celle
imposée au regard du premier chef.
[111] Ces périodes de suspension du service policier de l’intimé assureront le
caractère exemplaire et dissuasif de la sanction.
[112] POUR CES MOTIFS, le Comité :
Sur le chef 1
[113] IMPOSE à l’agent GUY BÉLANGER une période de suspension sans traitement
de quinze jours;
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Sur le chef 2
[114] IMPOSE à l’agent GUY BÉLANGER une période de suspension sans traitement
de vingt-cinq jours, à purger consécutivement à celle imposée au chef 1;
Sur le chef 3
[115] IMPOSE à l’agent GUY BÉLANGER une période de suspension sans traitement
de cinq jours, à purger concurremment à celle imposée au chef 2.
Marie-Esther Gaudreault, avocate
Membre du Comité de déontologie
policière
Me Isabelle St-Jean
Procureure du Commissaire
Me André Fiset, assisté de Me Laurence
Léonard-Lehoux
Procureur de la partie policière
Lieu de l’audience : Montréal
Date de l’audience : 10 février 2015