Cannes sans dormir Notre film du jour Le Fils de Saul

DAILY 16
SAM
CANNES
Cannes sans dormir
JOUR 3 Par Philippe AZOURY
PHOTOS : DR ; JULIEN MIGNOT
I
l soufflait, hier, un vent à déperruquer un retraité.
C’était marrant à voir, tous ces gens sur la Croisette
essayant d’avancer à contresens du sirocco. Les
plus faibles, des fêtards en retour d’after, avaient du
mal à faire trois pas, trop cramés pour lutter. Face
à eux, l’affront : des filles gaulées comme des amazo­
nes, fendant la foule en mode running. C’est le nou­
veau choc des civilisations : ceux qui sont allés trop
loin dans la fête, ont atteint le point de non-retour,
ceux que l’âge ne calme pas, qui ne se voient pas envi­
sager la vie autrement que comme une longue nuit.
Et cette nouvelle hygiène magistrale, cet impératif de
la performance, ces corps bioniques, en leggings de
bon matin, équipés de machins orange calculant en
termes abscons cette évidence : faire la Croisette à pas
de course, chaussée de tennis, prend sept minutes ; la
faire en Louboutin de 12, avec une robe de soirée
trop serrée, prend une heure. La remonter à contrecourant du vent en sortant de club ? Compter deux
heures, entre les arrêts au café (« Ah non, pas à trois
dans les toilettes ! »), et l’instant embarrassant où les
filles ont décidé, mais si c’est super, viens, d’aller se
baigner en enjambant la barrière d’une plage privée,
ou en faisant l’œil doux à un vigile conciliant. On a
quand même planté là tout ce petit monde joyeux
mais fatiguant. C’est qu’il nous fallait courir pour être
à l’heure pour petit-déjeuner avec Arnaud Desple­
chin. Goûter le plaisir d’entendre enfin un cinéaste
parler de cinéma. La cerise sur le gâteau, ou comme
dirait Xavier Dolan, le caramel sur le Sundae, fut de
voir surgir Gilles Jacob, 85 ans, venu faire la surprise
à Desplechin d’un salut immensément respectueux (sous-entendre : « Aux yeux de Jajacobbi (1), ce film
devait être en compétition ») et nous demander, une
seconde, de garder sa canne pour qu’il puisse faire
une photo du cinéaste sur son portable et, aussitôt, la
tweeter. Remember : « Monsieur vous n’avez rien
contre la jeunesse ? Si, j’aime bien les vieux. »
(1) Jajacobbi est son nom de twittos (21 750 followers au moins).
Notre film du jour
Le Fils de Saul
Première réalisation
secouante du Hongrois
László Nemes, immergé
dans l’enfer d’Auschwitz.
Filmer enfin l’infilmable.
Par Luc CHESSEL et Gérard LEFORT
Il y en aura pour crier à l’irrepré­
sentable, ranimer le débat des images
malgré tout. Peine perdue, Le Fils
de Saul éclaircit ce point dès le pre­
mier plan. Le vert d’une forêt floue,
le visage d’un homme entre à grands
Rencontre
15 minutes
de jeunesse
avec Arnaud
Desplechin
page 3
pas dans la zone de netteté, pour
ne plus la quitter. C’est la figure qui
fait le point. Tout le film se tiendra
à cette distance, réglant en force la
question de l’infilmable, en ne regar­
dant, mais avec quelle intensité, que
ce qui entre dans son étroit champ
de visibilité. Saul Ausländer, l’hom­
me de ce visage, fait partie des Son­
derkommandos d’Auschwitz, dépor­
tés juifs chargés d’un processus que
le film suit étape par étape dans les
mouvements de son personnage :
la destruction par le gaz et le feu
des Juifs d’Europe.
Il n’y a rien ici que du recadrage, et
le travelling n’a que faire de la
morale, il traque les gestes, les regards,
les bribes d’une endurance
inimagina­ble. Ou jusqu’ici inaudible,
tant on a l’impression d’entendre,
pour la première fois, le son d’un
camp dont on ne peut oublier les
images. Rien ne nous parvient qui
ne soit à portée de voix, à portée
de main, à portée d’œil myope.
Le fils du titre est un enfant qui
survit quelques minutes à l’asphyxie
(fait avéré, aucune « liberté » n’est
prise avec la réalité de l’extermina­
tion), et dont Saul recueille le corps
pour lui donner une sépulture et
faire prononcer le kaddish. Il s’en­
Tapis rouge
Charlize
s’inquiète,
mais où est
passé Sean ?
page 7
mai
tête, met les autres en péril, bafoue
la solidarité nécessaire à la survie.
« Quitte les vivants pour les morts »,
comme le lui reproche un autre
déporté. De là vient (plutôt que de
la description de la « solution finale »),
l’insupportable dans le film : l’imbé­
cillité kafkaïenne du personnage,
bouleversante, inexplicable. C’est
le seul pourquoi d’un film qui se
place en-deçà de notre obsession
d’expliquer Auschwitz.
Un pourquoi sans pourquoi, criant
dans un murmure. Comme une bla­
gue juive, de celles qui ne font pas
rire tout le monde. Et comme la
langue du film (hongrois, yiddish
et allemand), si proche de celle des
manuscrits enterrés par des Son­
derkommandos et retrouvés depuis.
Une parole hachée, en survie, un
souffle dans le fracas de la mort
industrielle. Une langue sans images,
pour un film de plans, délesté de la
distance des archives en noir et blanc
comme de l’effet de proximité in­
venté par leur colorisation. Une scène
recrée la prise d’une célèbre pho­
tographie, retrouvée dans la terre
du camp. « On voit rien, il y a trop
de fumée ». On voit, pourtant.
SAUL FIA (LE FILS DE SAUL), de László
Nemes. Avec Géza Röhrig (Compétition).
GRAZIA DAILY CANNES # 3. Gratuit
Retrouvez tous
les numéros du GRAZIA
DAILY CANNES en PDF sur
Notre coverstar #3 : Sienna Miller, look Melina Mercouri 1963, après le film de Naomi Kawase (notre critique page suivante).
SAMEDI 16.05.2015 - 1
3
matiquement à emprunter la voie
la plus consensuelle, mettant souvent son film en danger de ressembler à beaucoup d’autres, le
« portrait de vieux » devenant un
sous-genre relativement fourni du
cinéma asiatique contempo­rain.
Quand parvient tout de même à
s’instaurer une tension cinématographique mieux équilibrée, notamment lorsque s’épaissit le
mys­tère humain tapi derrière Tokue et Sentaro, la cinéaste la
gâche en balançant de nulle part
une musique guimauve franchement indélicate.
MANQUE D’AUDACE
Critique
AN, LE DESSERT DE TROP
Empâté, trop sucré et mainstream,
le nouveau Naomi Kawase se prend
à son propre piège. Par Olivier SÉGURET
« Et alors, tu le trouves comment
le Naomi Kawase ? » A la question presque mécanique de mon
nouveau chef très barbu, je me
suis entendu répondre : « A la fois
cucul et émouvant ». Et je ne vois
pas très bien, depuis, quoi ajouter. J’ai surtout des scrupules à
trancher : insister sur l’aspect
cucul pourrait donner une idée
fausse du projet de An, portrait
serré de l’attachante Tokue,
70 ans, condamnée à un statut de
paria par une lèpre ancienne. Elle
insiste auprès de Sentaro, un
téné­breux cuisinier, pour travailler avec lui et lui transmettre,
peut-être, le secret de la pâte
« An », ingrédient essentiel à la
confection des dorayakis, délicieuses pâtisseries traditionnelles
nippones. Sous le mélo apparent,
concentré, empathique, Kawase
tabasse avec méthode les plus
graves blocages ou périls de la
société japonaise, avec en préoccupation majeure le sort fait aux
vieux de son pays.
PETITE POMME FRIPÉE
Inversement, mettre en valeur la
part émouvante du film attirerait
l’attention sur une évidence qui
n’est pas forcément sa part la
plus réussie. Oui, quelque chose
touche dans la façon qu’a la cinéaste de nous faire approcher
au plus près de Tokue (Kirin
Kiki, merveilleuse petite pomme
fripée). Mais si Naomi Kawase le
fait avec tact, c’est sans grande
originalité : on a au contraire le
sentiment qu’elle cherche systé-
Veste, Chanel
Paris-Salzburg.
Bague, Chanel
Joaillerie.
Mise en beauté
Chanel.
Un peu trop sûrement bouclé sur
lui-même et ses personnages
prin­cipaux (au point que tous les
rôles secondaires sont négligemment abandonnés à des interprétations caricaturales), An cherche
à raconter une histoire simple en
oubliant de surprendre, sinon
sur le fond, au moins dans la
forme ou l’organisation du récit.
Comme on s’en doute dès l’origine, c’est un peu plus qu’une
recette culinaire que Tokue cher­
che à transmettre…
Pour expliquer l’oscillation déroutante du film qui balance sans
répit de la mièvrerie à la gravité,
l’hypothèse la plus probable est
que Naomi Kawase n’a pas su
trancher elle-même. Une audace
estimable l’a conduite sur la voie
d’un défi bien plus mainstream
que le registre habituel de son cinéma. Elle en a bien le droit, mais
la cinéaste semble aussi avoir
voulu se punir de cette inclination, élimant les ailes de son film
tout en les enveloppant d’une
soie charmante mais irrésolue.
AN, de Naomi Kawase. Avec Masatoshi
Nagase (Un certain regard).
Qui êtes-vous ?
Courtney EATON
A 19 ans, l’actrice australienne, révélation de Mad
Max : Fury Road, a mis la Croisette à ses pieds…
Par Perrine SABBAT Photo Julien MIGNOT
D’où vient-elle ?
De Bundury, petite ville de l’Ouest
australien. Mannequin à 16 ans,
elle est repérée par un directeur de
casting pour Mad Max : Fury Road
en 2011 : « Je n’avais jamais envi­
sagé une carrière d’actrice, et main­
te­nant je vis à Los Angeles ! »
Où est-elle ?
Au casting de la superproduction
de George Miller. « C’est fou de me
retrouver à Cannes, pour mon pre­
mier film, après ce tournage apoca­
lyptique dans le désert namibien, il
y a deux ans. »
Où va-t-elle ?
Démarrer la promo de Gods of
Egypt, son second film, avec Gerard Butler. « J’adorerais tourner
avec Tim Burton et Woody Allen,
mais dans ce milieu, on ne sait
même pas ce qu’on fera la semaine
suivante ! »
2 - SAMEDI 16.05.2015
MAD MAX : FURY
ROAD, de George
Miller. Avec
Critique
Mon royaume
pour un cocard
L’Etage du dessous, du roumain Radu
Muntean, fait d’une dispute domestique
le point de départ d’une confrontation
inquiétante Par Luc CHESSEL
On peut faire un film pour le plaisir de le clore par
une bonne droite dans la gueule. On peut voir un
film pour le plaisir d’attendre une bonne bagarre finale. L’étage du dessous n’est pourtant pas un film
d’action, ni même un film coup-de-poing. Il flotte
tout entier dans cette zone calme, cette tension
d’abord imperceptible qui, lors d’une mauvaise rencontre, précède le cocard, le laisse venir à son
rythme, par paliers. Le genre de conclusion implacablement efficace, et qui ne résout rien, le contraire
d’un dénouement.
Un matin, Patrascu, qui travaille dans une société de
services d’immatriculation de véhicules, promène son
chien. En rentrant chez lui, il entend une violente dispute entre la voisine du premier étage et le voisin du
deuxième, Vali, qu’il croise sur le palier. Le soir
même, elle est retrouvée morte, et Vali commence à se
rapprocher de Patrascu, de sa femme et de son fils.
Patrascu ne dit rien à la police, Vali ne dit rien à Patrascu. Le reste du film sera leur confrontation silencieuse, un palier après l’autre, jusqu’au contraire d’un
dénouement. L’étage du dessous scrute les faits et
gestes de Patrascu, son calme maintenu de force, à
peine trahi par quelques coups d’œil sombre. Rien,
de cette observation sans relâche, ne soulève un quelconque dilemme moral (que dire ?, que faire ?), mais
seulement l’inquiétude du personnage devant une situation d’incertitude : celle d’être ou non en danger.
C’est l’irritation qui monte, et non la peur, l’impatience et non le suspense. Voici donc le contraire d’un
thriller : on attend non pas que les choses tournent
mal, mais qu’elles rentrent dans l’ordre quotidien.
Ainsi le film se déroule à la manière d’une fable sans
signification, d’un apologue sans moralité dernière.
Patrascu n’a pas à choisir d’agir ou pas, à peser le bon
et le mauvais, à se chercher une bonne conduite.
Il n’a qu’à patienter, laisser monter une tension purement physique vers sa délivrance purement physique
(une bonne droite dans la gueule, donc, celle de
Vali). D’où la beauté libérée de ces quelques plans
d’après la lutte : Patrascu rentre chez lui, s’assoit dans
la cuisine, un rayon de soleil vient embraser son visage tuméfié, dans la durée radieuse de ce qui se stabilise, des choses qui reviennent à la normale, de la
fin d’une épreuve sans héroïsme. Mon royaume pour
un cocard.
Parole ! Parole ! Ce « mot de passe » que le fils de Patrascu répète pendant ses crises de somnambulisme,
se débattant dans des rêves de jeux vidéos, ne nous
sera pas donné parce qu’il n’existe pas. L’épreuve est
sans but, l’histoire sans clef. C’est un jeu où l’on passe
d’un niveau à l’autre au gré des réactions du corps,
non au moyen de son contrôle, de ses commandes, de
sa conduite. Une bonne bagarre est efficace parce
qu’elle ne résout rien d’autre qu’elle-même, elle
écrase l’incertitude de la pensée, et projette à terre
l’irrésolution absolue, irritante, de la question du
comment vivre.
Charlize Theron,
Tom Hardy, Zoë
UN ETAJ MAI JOS (L’ÉTAGE DU DESSOUS),
Kravitz. En salles.
de Radu Muntean. Avec Teodor Corban (Un certain regard).
PHOTOS : DR
GR A Z IA DAI LY C A N N E S
15 MINUTES AVEC…
ARNAUD DESPLECHIN
Arnaud Desplechin n’est
pas en compétition.
Pourtant, Trois souvenirs
de ma jeunesse est peutêtre son plus beau film. Le
temps lui donnera raison.
Par Philippe AZOURY Photo Julien MIGNOT
Pourquoi revenir, vingt ans après
Comment je me suis disputé…,
sur la jeunesse de vos
personnages, Paul et Esther ?
C’est drôle, car je ne vois pas ce
film comme un retour. C’est pour
moi, au contraire, un départ vers
quelque chose que je n’avais jamais réussi à faire : filmer la jeunesse. Visiblement, il m’a fallu une
certaine maturité pour pouvoir
dire à de jeunes acteurs : « Vous
pouvez vous appuyer sur moi ».
Leur jeunesse a modifié votre
approche ?
Non, mais elle a ravivé la partie
du travail que je préfère : celle où,
avec un acteur, on se met à inventer des gestes. Je n’ai pas cherché
à ce que mes jeunes comédiens
res­sem­blent à Mathieu Amalric
ou à Emmanuelle Devos. Ils partagent des choses. Lou Roy-Lecollinet, qui joue Esther, a cette
beauté un peu violente sur laquelle l’œil vient buter. Assez
proche de celle d’Emmanuelle.
Vous avez demandé à vos jeunes
acteurs de voir Comment je me
suis disputé… avant de tourner ?
Non. Ni mes autres films. Je voulais plutôt apprendre d’eux,
appren­dre de leur première fois
Ce film se souvient de choses intimes. Pour restituer la violence
ou l’éblouissement d’un premier
BITCHY MARIE
PHOTOS : AUGUSTIN DETIENNE/iTÉLÉ ; DR
L’ascension
du mont Suquet
Comment se mouvoir à Cannes ? C’est une vraie
question qui se pose en ce week-end de l’Ascension,
où il faut désormais compter environ vingt-cinq minutes pour parcourir deux cents mètres à pied. Un
exercice pédestre qui relève déjà de l’épreuve olympique de slalom géant, esquivant là une redoutable
poussette à trois roues, ici la version cannoise d’Agécanonix en équilibre instable sur sa canne, un groupe
compact d’une cinquantaine de touristes chinois se
tenant par la main, voire une jardinière de pensées
à la terrasse d’un restaurant. Ajoutez à cela l’exaspération suscitée par les types qui vous frôlent en sifflotant sur leurs trottinettes ou autres bicyclettes.
Mais pourquoi s’imposer ce chemin de croix quotidien quand il y a tant d’autres possibilités formida­
bles, et qui vous donneront en plus la satisfaction de
rabat­tre le caquet de tous les agaceurs susnommés ?
Mais chérie, nous cette année, on ne se meut qu’en
hélico, c’est génial, il y a UberCopter à Cannes.
Ah oui, ça coûte combien ? Une misère : 15 000 pour
quatre. Hyper intéressant. L’autre solution à laquelle
on ne pense jamais assez, c’est le yacht. Oui mais lequel ? On peut tenter quelque chose d’indigne, à la
Marilyn, et mettre la main sur cet enfant de 9 ans
signa­lé par Nice Matin qui s’est offert non pas un,
mais deux yachts (à 750 000 la pièce). Moi perso, je
suis très Jetovator – l’effet Fury Road sans doute –,
la moto volant sur l’eau. L’idée c’est que tu pars en
trombe et tu montes à 10 mètres. Il faudrait que j’affine mes atterrissages. Par Marie COLMANT
baiser, d’une première blessure,
d’un premier voyage épique, il
me fallait des acteurs qui aient
une pudeur extrême face aux
événements. Si mon film porte en
lui un sentiment de première fois,
je pense que c’est multiplié par la
jeunesse même de mes acteurs.
Ce long-métrage, à fleur de peau
est plus proche de Truffaut que
de celui qui a toujours été votre
maître : Alain Resnais.
Oui, mais c’est pourtant à l’enterrement de Resnais que j’ai
deman­dé à Mathieu Amalric s’il
ne voulait pas jouer dans ce film
que j’étais en train d’écrire. Pendant que j’écrivais le scénario, j’ai
revu Outsiders, de Coppola : je
me suis intéressé à la manière
dont les jeunes fichent les adul­tes
à la porte.
Trois souvenirs était attendu
en compétition. Il est finalement
à la Quinzaine…
On a su le mardi que le film ne
serait pas en sélection officielle. Ce
fut une surprise. Mais peu avant,
on avait reçu une belle lettre
d’Edouard Waintrop (délégué de
la Quinzai­ne, ndlr), écrite après
avoir vu le film. Cela m’a touché.
Alors, on s’est tourné vers la Quinzaine et non vers Un certain regard. Il est possible que Thierry
Frémaux ait envie d’une année où
les films français répondent à des
préoccupations liées à l’actualité
récente et tragique. Mais j’ai toujours en tête la phrase de Serge
Daney : « Le cinéma promet le
mon­de, pas la société. »
TROIS SOUVENIRS DE MA JEUNESSE,
d’Arnaud Desplechin (Quinzaine
des réalisateurs).
ENTENDU
« Comment se fait-il que les invités
ne soient pas tous en Chopard ?
C’est une honte ! »
La critique
UN INVITÉ, outré, à la sortie de la suite du joaillier suisse, au
dernier étage du Martinez.
ET AUSSI…
Olivier Assayas a révélé
vendredi soir son prochain
projet, tourné à Paris en
langue anglaise : Personal Shopper sera
un film de fantômes dans le milieu de
la mode. Et il aura pour actrice principale
rien moins que… KRISTEN STEWART
qui avait déjà partagé l’affiche du
précédent Assayas : Sils Maria.
GRETA GERWIG, Elle
Fanning et Annette Bening : c’est la magnifique
affiche d’un prochain film de Mike
Mills : 2Oth Century Women, dont
l’action est censée se situer à l’été
1979 et que Mills envisage comme
une ode à toutes les femmes
qui l’ont élevé.
STÉPHANE BRIZÉ, qui
est en compétition avec
La Loi du marché, annonce
déjà un nouveau projet : l’adaptation
d’Une vie, le texte de Maupassant, avec
au casting : Judith Chemla, Jalil Lespert,
Jean-Pierre Darroussin et Yolande
Moreau. Les ventes seront
accompagnées par MK2.
Harvey Weinstein, le
mogul le plus puissant
d’Hollywood, est prêt à
prendre les paris : JAKE GYLLENHAAL
est son poulain pour une prochaine
nomination aux Oscars pour son rôle de
boxeur dans La Rage au ventre (Southpaw), d’Antoine Fuqua, qui sortira cet été.
Egalement au casting : Rachel McAdams.
en anglais
cannois de
Irrationnal
Man
(L’Homme
irrationnel)
Par Poly GLOTTE
I love Joaquin Phoenix but this is
not a good reason to love the last
Woody Allen movie, Irrational
Man, and that would not be very
rational, d’ailleurs. Phoenix plays
a philo teacher with a proeminent
belly (he is 41 now and not very
sportif). He loves Sartre, Beauvoir
and fucks with a student, the very
agaçante Emma Stone. Bad idea :
she does not care about existentialism and will let him fall like an old
shit at the first problem (a small
one : he kills a judge). Oh, and the
most important : this is not a very
funny Woody Allen movie…
SAMEDI 16.05.2015 - 3
GR A Z I A DAI LY C A N N E S
Illustration Iris HATZFELD
3
GR A Z IA DAI LY C A N N E S
Trop pas
La chronique de Gérard LEFORT
LA GRANDE
MOUETTE
Certains matins à Cannes, on se
sent, comment dire ? Toute
mouette (« kamone », comme dirait en VO la Japonaise Naomi
Kawase). C’est-à-dire rieuse et planant au gré des courants aériens,
à la bonne distance, très haut
dans le ciel bleu (l’azur ! l’azur !).
Whoaou, trop pur.
Voix off s’échappant des hauts
parleurs de la télésurveillance :
« You-hou chéri chou, tu vis comme
tu veux mais deux points d’info :
primo, tu as un peu trop tendance
à confondre le sucre en poudre et la
réserve de cocaïne. Deuzio : laisse
tomber la mouette et cultive-nous
plutôt ton devenir goéland. » Soit.
D’autant que, juste après la
mouette, nous est venue la vision
hallucinogène d’un vrai goéland
se goinfrant d’un reste de müesli
bio sur la table du petit-déjeuner
d’un palace de la Croisette. « Oh
my god ! », hurlait une riche
cliente californienne, incarnation
idoine de ce sens de la mesure
qu’expriment physiquement nos
amis américains dès lors qu’une
forte émotion (accident d’acide
botulique, effondrement du Nasdaq) les étreint. Par ailleurs, l’ami
goéland nous tend ses grandes
ailes de la métaphore en miroir :
tel Zouzou le goéland, serionsnous nous aussi prêts à tout pour
dévorer les reliefs du festin cannois ? Début de réponse à la fiesta
d’ouverture de la Quinzaine des
réalisateurs sur une plage privatisée répondant au doux nom de
plage Boa-Boa (ou un truc
comme ça).
LUNETTES BLANCHES
POUR NUITS NOIRES
Quoi qu’il en soit, il y avait bien
sur place un effet constricteur, tenant moins à la forte affluence
à l’open bar, qu’à la découverte
serre-kiki de ce qui fait office de
produit dérivé pour le film de Philippe Garrel L’ombre des fem­mes :
une paire de lunettes noi­res, et
pourquoi pas, puisqu’il est bien
connu qu’à Cannes (mais pas
3
que), les lunettes noires la nuit, ça
va à tout le monde, surtout dans
cette version protection UV400,
ce qui, à deux heures du mat’, fait
du bien. Mais le petit plus cannois,
« kiss-kiss cht’adore », c’est que ces
lunettes sont à monture blanche,
conférant à n’importe qui (oui,
même à toi, le cageot à roulettes
qui ne m’a pas lâché la grappe de
toute la soirée), une allure de
Zaza Napoli is back in town. Trop
trop. A condition cependant de
penser à retirer la protection en
plastique sur les verres au risque,
sinon, de faire dire à un type vraiment pas cool : « On t’a vomi sur
la tronche ou quoi ? »
Ce qui est bien dans ce genre de
fiesta accorte, c’est le lâché de
vannes plutôt vulgaires (love !) qui
sort de la bouche du moindre des
collègues et néanmoins ami(e)s.
Par exemple, celle-là qui trouve
qu’Isabelle (Isabeeeeelle !) a repris du cassoulet ou cette autre,
tout aussi vilaine, qui estime,
pour­­tant fine plume d’un immense support français, que la
presse écrite, tu vois, c’est, tu
vois, archi-über fini, tu vois. Euh,
non, même après une cinquième
vodka-gin, on ne voit pas.
A la sortie, deux très jeunes gens
philosophaient : « A Cannes, ce
qu’on voit ne nous regarde pas. »
Perso, depuis l’aphorisme 347 du
Gai savoir, je n’ai pas entendu
quelque chose d’aussi lol.
DEMANDEZ
LE PROGRAMME
Samedi 16
Compétition
Mia Madre de Nanni Moretti
(8 h 30 + 14 h 30 + 18 h.
Grand Théâtre Lumière).
The Sea of Trees (La Forêt des
songes) de Gus Van Sant (11 h 30
+ 21 h . Grand Théâtre Lumière).
Hors compétition
A Tale of Love and Darkness
(Une Histoire d’amour et de
ténèbres) de Natalie Portman
(18 h 30. Salle Bunuel).
Un certain regard
Nahid d’Ida Panahandeh
(11 h 00 + 16 h 30. Salle Debussy).
Maryland d’Alice Winocour
(14 h 00 + 21 h 30. Salle Debussy).
Quinzaine
A Perfect Day de Fernando León de
Aranoa (9 h 00 + 20 h 30. JW Marriot).
As mil e uma noites - Volume 2,
o desolado de Miguel Gomes
(11 h 45 + 17 h 30. JW Marriot).
Trois souvenirs de ma jeunesse
d’Arnaud Desplechin
(14 h 45. JW Marriot).
Semaine de la critique
Paulina (La Patota) de Santiago
Mitre (8 h 30. Miramar).
Coin Locker Girl de Han Jun-hee
(8 h 30. Buñuel+ 19 h 30. Miramar).
Ni le ciel, ni la terre
de Clément Cogitore
(11 h 30 + 17 h + 22 h. Miramar).
Programme Courts 1 (14 h. Miramar).
Acid
De l’ombre il y a
de Nathan Nicholovitch
(11 h. Studio 13 + 20 h. Arcades).
UP
JOLIS CULS
« Colin Farrell a un joli
petit cul (tout neuf ?). »
Impression à chaud
d’une Grazia girl en
émoi au photocall de
The Lobster, le très
attendu film grec de
Yorgos Lanthimos.
CHASSE AUX MÉGOTS
180 €. C’est le montant,
désormais, de l’amende
qui frappera au cœur
et au portefeuille toute
personne qui jette son
mégot sur la Croisette.
Et même si Catherine
jette ses divines Vogue
d’un air détaché ?
DANS LE VENT
Cannes pris dans un
impressionnant déluge
de tramontane. Plages
impraticables, parasols
en folie, accréditations
qui s’envolent, festivaliers
faisant de l’ULM avec leur
Grazia Daily Cannes du
jour. Tout ça ressemble
à une superproduction
hollywoodienne. On peut
couper les ventilos, là ?
DOWN
Duel sur red carpet
ZOË KRAVITZ VS LIYA KEBEDE Par Perrine SABBAT
Par Olivier SÉGURET
Robe,
Valentino
Haute Couture.
6 - SAMEDI 16.05.2015
Robe,
Proenza
Schouler.
Le sentiment d’extraterritorialité
qui se développe si vite et presque
naturellement chez le festivalier
ordinaire tient à la qualité de la
bulle cannoise, son étanchéité,
son hypnose et ses trompe-l’œil.
Lors­qu’on est ici, ce qui est ailleurs paraît lointain non seulement dans l’espace, mais aussi
dans le temps.
Depuis toujours, cette sphère de
cristal (Swarovski) sous laquelle
Cannes se protège du monde a
été associée à un sabbat frivole,
un tourbillon de risible éphémère, parfois un temple du vice,
voire du vide. Mais l’air du temps
dépose sur ce tableau un teint
neuf et étrange.
Par un effet de contraste, sans
dou­te, avec le monde tel qu’il
tour­ne mal, s’enflamme, se dérè­
gle, se disrupte, Cannes apparaît
chaque année davantage comme
un bloc immuable, un repère solide et pérenne. Certes, le contenu de la scène cannoise reste hystérique, tapageur, écervelé et
largement défiguré par un argent
obscène, mais le contenant luimême, cette aura protectrice qui
tient le monde à distance, frappe
d’autant plus par sa solidité que
ce monde, lui, ne semble cesser
de s’affaiblir.
The Dome
Le mystère reste entier sur l’allia­
ge exact avec lequel est fabriquée
cette cloison transparente. Doiton cette persistance de Cannes,
sa pertinence avérée dans le paysage, à la qualité des films qui
continuent d’y affluer ? Aux statuts très particuliers du Festival ?
Au talent de ses machinistes ?
Et si on ne le devait qu’à nousmêmes ? Le vrai génie du Festival, celui sans lequel il ne se serait jamais rien passé, c’est lui : le
festivalier.
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Par Perrine SABBAT
Photos Julien MIGNOT
L’Oréal Paris ne
s’est pas trompé :
Naomi Watts
maîtrise décidément
la pose de l’égérie.
CANNES
SEXY ARTY
George Clooney ?
Non, Vincent Cassel,
venu défendre
incognito (ou presque)
Tale of Tales, de
Matteo Garrone.
Deuxième jour seulement,
et déjà l’embarras du choix
la nuit venue. Un show sexy
de Miranda Kerr sur la plage
Magnum ? Un happening arty
chez L’Oréal Paris avec
uniFrance ? Un dîner
somptueux au Carlton
donné par Swarovski et
The Hollywood Reporter,
où Sienna Miller, invitée
d’honneur, a à peine
remarqué Harvey Weinstein ?
Et dire qu’il reste dix jours.
Attention aux accidents
en lisant votre
Grazia Daily Cannes…
Au nom de l’art, et pour célébrer
la relève du cinéma français chez
L’Oréal Paris, la chanteuse Petite
Miller a fait un show olé olé (mais
a quand même gardé sa culotte).
Liya Kebede songe
sérieusement à se
reconvertir en Djette.
« Mais où est mon mec ? »,
semble dire Charlize
Theron, qui a perdu Sean
Penn sur le red carpet
(pourtant pas si long).
Sienna Miller a faussé
compagnie au jury le
temps du dîner Swarovski
x The Hollywood Reporter.
… Meanwhile au Grand Journal
Cette nuit à cannes
En s’offrant une danse avec le top australien
Miranda Kerr, Thomas Thouroude a fait de très
nombreux jaloux. C’est certain : l’égérie Magnum
en a fait fondre plus d’un hier, sur la Croisette.
1
Yael Naim et Camélia Jordana de 19 h à 21 h 30
à la Chambre Noire by Belvedere, au JW Marriot.
2 Soirée du film Maryland (avec Diane Kruger,
Matthias Schoenaerts, Paul Hamy et la réalisatrice
Alice Winocour) aux Marches.
3 Soirée Arte x Télérama de 22 h à 1 h sur le
Bateau Arte, jetée Albert-Edouard, Port de Cannes.
4
Le meilleur
accessoire de
Julianne Moore ?
Son sourire. Parfois,
s’habiller est
vraiment simple.
Soirée du film Mia Madre, de Nanni Moretti
(avec le sémillant John Turturro),
à partir de 20 h, sur la plage Magnum.
5 Soirée du film The Sea of Trees (La Forêt des
songes) (avec Naomi Watts et Matthew McConaughey)
à partir de 23 h. Lieu encore tenu secret.
6 Soirée du film A Tale of Love and Darkness
(Une histoire d’amour et de ténèbres), premier film
réalisé par Natalie Portman. Lieu encore tenu secret.
SAMEDI 16.05.2015 - 7
CHANEL.COM
*J'AIME COCO
LE NOUVEAU ROUGE
ILOVECOCO
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