Classe de 1ère S3 SEQUENCE 3 : LA1, incipit de La mort du roi Tsongor, Laurent Gaudé Introduction : - auteur + contexte : Laurent Gaudé, romancier et dramaturge contemporain né en 1972. Après des études de Lettres et deux mémoires sur thème du conflit dans la dramaturgie moderne, il se lance dans l’écriture. Il obtient le Prix Goncourt pour Le Soleil des Scorta en 2004. Deux ans avant, son roman La mort du roi Tsongor était déjà cité pour ce même prix ; il obtint finalement le Goncourt des lycéens (2002). - situation de l’extrait : il s’agit du tout début du roman, l’incipit ; le personnage du roi Tsongor est à peine évoqué et l’on apprend qu’un grand mariage se prépare : celui de Samilia, princesse de Massaba. - annonce de la problématique : en quoi cet incipit plonge-t-il le lecteur dans un univers antique ? (En quoi cet incipit installe-t-il le lecteur dans un décor antique ? Amélie) - annonce du plan : nous verrons tout d’abord comment l’intrigue se met en place pour étudier ensuite l’évocation d’un univers antique. I) La mise en place de l’intrigue / Une journée exceptionnelle a) Un grand événement [Narration : narrateur externe, focalisation omnisciente ; temps : l’imparfait et le plus-queparfait pour les analepses] La présentation du jour qui commence annonce son caractère extraordinaire. Les deux premiers paragraphes s’opposent : « D’ordinaire » (l.1) s’oppose à « ce matin-là » (deux fois l.9) ; « premier à se lever » (l.1) s’oppose à « il n’y avait pas eu de nuit » (l.16-17) ; « les couloirs vides » (l.2) s’oppose à « une agitation fiévreuse régnait dans les couloirs » (l.10) ; « sans croiser personne » (l.5) s’oppose à « des dizaines et des dizaines d’ouvriers et de porteurs » (l. 10-11). Katabolonga évolue d’ordinaire en silence (« était le premier à se lever » l.1 ; « Pas un bruit n’accompagnait sa marche », l.4) ; valeur itérative de l’imparfait ; dans le deuxième paragraphe, le narrateur annonce, par la conjonction « mais », un brusque changement d’habitude. On comprend que le déroulement normal de la journée est bouleversé et qu’un grand événement se prépare. Celui-ci est annoncé à la fin du dernier paragraphe : il s’agit des noces de Samilia, la fille du roi Tsongor » (l.35-36). La ville est décorée : « Chaque fontaine avait été décorée » (l.24-25) ; description hyperbolique des aménagements faits pour l’occasion : « des sacs innombrables de fleurs » (l.26-27) Transition : cet événement est accueilli dans la joie par toute la population. b) Une liesse générale La liesse que suscitent les noces de Samilia s’exprime par le caractère hyperbolique du texte : - pour qualifier l’activité humaine, « une agitation fiévreuse » (l.10), « une activité de fourmis » (l.19), « Des architectes avaient été diligentés » (l.22-23) « cris des enfants » (l.31) ou encore la phrase « Massaba vivait à un rythme qu’elle n’avait jamais connu » (l.2728) avec l’emploi de la négation « ne … jamais » qui rend le moment unique; utilisation d’une comparaison « C’était comme un grand navire de contrebandiers qui déchargeait sa cargaison » (l.13-14) -> contrebandiers -> idée du secret, de ce qui est fait en cachette - pour caractériser la foule qui s’affaire (le verbe « s’affairer » est employé l.16), des groupes nominaux hyperboliques qui traduisent l’importance de l’événement qui touche tout le monde: « des dizaines et des dizaines d’ouvriers » (l.10-11), « des caravanes entières venaient des contrées les plus éloignées pour apporter épices, bétail et tissus » énumération (l.20-22), « des sacs innombrables de fleurs » (l.26-27). -> Nombreuses occurrences d’adjectifs, de participes … -> outils de la description Transition : dans cette agitation, le lecteur peut relever des indices qui ancrent l’action dans un lieu et un passé indéfinissables et familiers à la fois. II) L’évocation d’un univers antique a) Le nom des personnages Par l’onomastique, le lecteur se sent plongé dans un univers à la fois antique et africain : les noms ont en effet une consonance très marquée : « Katabolonga, Massaba, Tsongor, Samilia » -> allitération en [B] et assonance en [A] : des sons qui évoquent l’Afrique. Les personnages sont illustres : un porteur de tabouret d’or, un roi, une fille de roi (princesse). C’est avec Katabolonga que s’ouvre le récit ; d’emblée le registre merveilleux, qui n’est pas présent dans le texte, est néanmoins annoncé : « sa silhouette était celle d’un être vaporeux qui glissait le long des murs » (l.6-7) [indice] Le roi Tsongor, qui donne son nom au roman (éponyme), n’est pas présenté, ce qui crée un effet d’attente. Transition : aux noms propres s’ajoutent d’autres éléments qui apportent à la scène un côté exotique. b) Un univers lointain/ un passé familier L’immersion dans un univers antique se poursuit : - par l’espace qui évoque l’orient mais aussi les contes merveilleux : « des milliers de tentes » (l.28-29) -> hyperbole ; le palais ; « de longues colonnes marchandes » ; le tabouret d’or ; les terres de sel, - par les éléments qui renvoient au désert : les caravanes, les tentes, le sable, les nomades. - le temps : « Depuis plusieurs semaines » (l.18), « Au fil des jours » (l.28) -> les préparatifs, l’organisation s’étirent sur une longue période -> action progressive (valeur durative) - certains éléments peuvent évoquer des références bibliques, notamment « les caravanes » -> arrivée des rois mages, à dos de chameau et chargés d’offrandes ; l’on peut également établir un lien entre Massaba et Jérusalem (cf. prophétie d’Esaïe : ch. 60 V. 1 – 62) Quand viendront jusqu'à toi les trésors de l'étranger les chameaux en caravanes déferleront sur ton sol et les dromadaires de Madian et d'Epha. Les foules viendront de Saba portant Massaba/Saba de l'or et de l'encens en proclamant la louange du Seigneur. Conclusion : - réponse à la problématique : l’action se passe dans une contrée lointaine, une Afrique imaginaire, dans une antiquité qui est familière au lecteur ; - le lecteur est ainsi plongé dans cet univers ancien grâce au décor, aux noms des personnages, aux références antiques ; - ouverture : on peut comparer cet incipit à celui du roman historique Salammbô de Flaubert, publié en 1862 -> description foisonnante, évocation de lieux antiques (comme Carthage), mise en scène d’un grand événement (un festin), présence de nombreux pluriels et d’expressions évoquant de grandes quantités. Les deux auteurs mettent en scène des mondes antiques imaginaires autour de grands événements.
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