Etude du comportement d`alliages de titane à haute température en

Etude du comportement d’alliages de titane à haute température
en atmosphères complexes. Applications aéronautiques
Directeur de thèse : Sébastien Chevalier, co-directrice de thèse : Ioana Popa
Laboratoire ICB, équipe M4OxE
Ce sujet de thèse traite des phénomènes de corrosion des alliages de titane dans le contexte des
développements actuels dans l’industrie aéronautique. Il vise la compréhension des mécanismes de
réaction en atmosphères complexes afin d’identifier les facteurs les plus dégradants et de
proposer des solutions technologiques afin d’augmenter la durée de vie en utilisation de ces
matériaux. A notre connaissance, l’étude des phénomènes de corrosion à haute température en
atmosphères complexes de ces nuances n’a jamais été abordée auparavant et constitue une vraie
originalité du travail proposé.
Les alliages de titane sont très utilisés dans l’aéronautique, en raison de leur densité relativement
faible, de leur résistance mécanique élevée et de leur bonne résistance envers la corrosion en milieux
agressifs. Cependant, les développements récents dans le domaine de l’aviation poussent ces
matériaux au-delà de leurs limites initiales, notamment en termes de sollicitations thermiques,
dévoilant des incertitudes quant à leur comportement à haute température (au-delà de 400°C).
Un autre paramètre pouvant influencer notablement le comportement du matériau est l’atmosphère à
laquelle il est exposé. En effet, selon les conditions d’utilisation (géographie, saison, altitude, ...), le
matériau peut se trouver exposé à des taux d’humidité très variables et peut même dans certains cas, se
trouver en contact avec des espèces solides comme de la silice ou du sel marin (lorsque l’avion survole
des déserts ou respectivement des océans et des mers). Dans le cas de la condensation de cristaux de
sel sur le matériau, l’effet peut être désastreux si la température de fonctionnement est élevée. En effet,
les quelques études effectués à ce sujet ont montré que la cinétique d’oxydation est augmentée d’un
facteur 100, en présence combinée de NaCl et de vapeur d’eau [1].
Des travaux récents, réalisés dans le cadre d’un stage de master 2 effectué en 2014, ont confirmé un
effet catastrophique du NaCl sur l’oxydation des alliages de titane, que ça soit sur des alliages
« modèle » de type TA6V ou sur des nuances industrielles spécialement développées par l’industrie
aéronautique pour des applications à haute température (figures 1 et 2). En effet, que ce soit sous air
ou sous air enrichi en vapeur d’eau, la couche d’oxyde formée en présence de NaCl est extrêmement
épaisse, peu adhérente, affectée de fissures et porosités. Dans le cas du TA6V, elle est 10 et 30 fois
plus épaisse que celle observée après traitement sous air seul (figure 1) [2]. La présence simultanée
d’H2O et NaCl dans l’environnement direct de l’alliage semble par conséquent engendrer un effet
synergique sur le phénomène de corrosion de ce dernier.
3 µm
30 µm
90 µm
Figure 1. Microstructure en coupe transverse des couches d’oxydes formées sur l’alliage TA6V
après exposition pendant 600 heures à 560°C sous : (a) air, (b) air + NaCl, (c) air + H2O + NaCl
1 P. Dumas, C. St. John, Oxidation of Metals, 10-12 (1976)
2 C. Czisak, I. Popa, S. Chevalier, D. Monceau, soumise pour publication à Corrosion Science
Dans les cas des nuances industrielles, l’effet néfaste du NaCl apparaît renforcé (figure 2), avec
des couches d’oxyde bien plus épaisses que celles observées dans les mêmes conditions pour le
TA6V (figure 2), d’environ 80 µm sous dépôt de NaCl et d’environ 150 µm sous dépôt de NaCl et air
enrichi en vapeur d’eau, alors qu’elles ne dépassaient pas 100 nm sous air seul [3]. Ces nuances
industrielles, qui ne s’oxydent que très peu sous air, deviennent extrêmement réactives en présence de
NaCl. Les nombreuses fissures qui affectent ces couches d’oxyde de grande épaisseur conduiront à
leur écaillage successif et, en conséquence, à une consommation extrêmement rapide du matériau,
en directe relation avec une durée de vie largement diminuée des pièces qui en sont fabriquées.
100 nm
60 µm
100 µm
Figure 2. Microstructure en coupe transverse des couches d’oxydes formées sur la nuance industrielle 6242
après exposition pendant 600 heures à 560°C sous : (a) air, (b) air + NaCl, (c) air + H2O + NaCl
Il est évident que l’utilisation des alliages de titane à haute température en atmosphères complexes est
conditionnée par l’étude des réactions chimiques se produisant dans ces nouvelles conditions très
particulières. Une approche permettant de relier cinétique, propriétés microstructurales et propriétés
mécaniques est essentielle afin de trouver des solutions technologiques permettant de mieux contrôler
les processus d’oxydation.
L’objectif scientifique de la thèse proposée par l’équipe M4OxE du Laboratoire Interdisciplinaire
Carnot de Bourgogne (UMR 6303 CNRS) est de comprendre les phénomènes de corrosion des
alliages de titane en présence de sel marin sous air et en présence de vapeur d’eau à haute
température (560°C). Le travail se focalisera sur différentes nuances industrielles (alliages 6242,
β21S ou 108), afin de prendre en compte l’influence de la microstructure de départ et/ou des éléments
d’addition. Ces nuances ont été développées afin d’améliorer le comportement mécanique de ces
alliages lors de leur application dans le secteur aéronautique. Cependant, les nouvelles conditions
d’utilisation correspondent à une augmentation de la température de fonctionnement, ce qui nécessite
de mieux comprendre leur comportement dans des conditions sévères en vue d’en garantir la durabilité
et la sécurité.
Le travail de thèse sera organisé en plusieurs volets.
Un premier axe du travail de thèse vise l’étude de la dégradation d’alliages de titane considérés en
présence de NaCl sous air et sous air enrichi en vapeur d’eau. Les caractéristiques
microstructurales de la couche d’oxyde et de l’interface métal – oxyde seront analysées après
différentes durées d’exposition à haute température. En parallèle, une attention particulière sera portée
à la dissolution d’oxygène dans le substrat métallique. En effet, dans le cas des alliages de titane,
cette dissolution conduit à la formation d’une couche fragile présentant de faibles propriétés
mécaniques. La combinaison de différentes techniques de laboratoire (la diffraction des rayons X, la
microscopie électronique à balayage et en transmission, la spectroscopie de photoélectrons ou d’ions
secondaires, mesures de dureté et de traction, détermination de contraintes résiduelles,…) permettra de
quantifier l’effet du NaCl. L’influence de la quantité de NaCl sur la cinétique d’oxydation sera
3 C. Czisak, S. Chevalier, I. Popa, D. Monceau, en préparation pour soumission à Acta Materialia
étudiée en parallèle. Des expériences de très longues durées (3000, 5000 et 10000 h) seront
également réalisées afin de tester les limites d’utilisation des différentes nuances.
Dans un deuxième temps, l’influence de la vapeur d’eau sur la réactivité des alliages considérés
sera étudiée. En effet, l’ajout de vapeur d’eau à l’atmosphère d’exposition peut influencer fortement la
cinétique d’oxydation. La présence de NaCl est un facteur supplémentaire qui doit être pris en compte.
Les mécanismes de réaction seront identifiés à partir d’expériences de marquage isotopique sous
H218O suivies de cartographies par SIMS. Ces expériences, très originales, sont caractéristiques des
compétences développées au sein de l’équipe M4Oxe et sont quasiment uniques au monde.
Dans un troisième volet de la thèse, des tests en conditions représentatives d’utilisation seront
réalisés. Des vieillissements de longues durées seront effectués en conditions de cyclage thermiques
et comparées aux expériences réalisées en conditions isothermes.
Tout au long de la thèse, la validation des mécanismes réactionnels se fera également par
l’intermédiaire d’une approche thermodynamique (en collaboration avec l’Institut Jean Lamour à
Nancy). En effet, le grand nombre de phases composant les couches d’oxydes suggère des mécanismes
complexes, avec des interfaces réactionnelles multiples, qui devront également prendre en compte des
phases volatiles (chlorures).
Ce travail se réalisera en utilisant les équipements spécifiques disponibles dans l’équipe M4OxE :
fours sous atmosphères spécifiques, four pour cyclage thermique, thermobalances sous atmosphères
contrôlées. En parallèle, il fera largement appel à différentes techniques de caractérisation
disponibles au laboratoire, dans le cadre du Département Technique d’ Analyse et Instrumentation :
DRX, MEB, MET, XPS, SIMS.
Par ailleurs, tout au long de la thèse, une collaboration sera réalisée avec le Centre
Interuniversitaire de Recherche et d’Ingénierie des Matériaux (CIRIMAT, UMR 5085 CNRS) à
Toulouse, qui a une large expérience concernant le comportement mécanique (traction, fatigue,
cyclage thermique) des alliages de titane sous air. La mise en commun des résultats permettra une
meilleure compréhension du sujet dans sa globalité.
Le sujet de thèse proposé s’inscrit dans la thématique « corrosion haute température » et est en
parfaite adéquation avec les thématiques de recherche de l’équipe M4OxE et du département IRM de
l’ICB. Il est également en connexion avec les développements actuels dans le domaine de
l’industrie aéronautique, en créant ainsi plusieurs débauchés professionnels au doctorant. En
parallèle, du point de vue de l’équipe M4OxE, ce travail de thèse débouchera sur le dépôt d’un projet
ANR en associant l’ICB, le CIRIMAT, l’IJL, Turbomeca et Airbus sur des thématiques réactivité et
propriétés mécaniques des alliages de Ti pour des applications aéronautiques dans des conditions
sévères.
Le travail de thèse, organisé selon les trois volets décrits ci-dessus, fera l’objet de réunions de travail
systématiques, organisées avec une fréquence d’environ 1 mois. Outre les deux encadrants de thèse,
l’étudiant sera aidé par l’assistante ingénieur de l’équipe afin de se former à l’utilisation des outils
expérimentaux de l’équipe M4Oxe (thermobalance, banc de cyclage thermique, fours à haute
température). Les résultats obtenus dans chacun de volets envisagés feront l’objet d’une publication,
un total de minimum trois publications est envisagé sur la durée de la thèse. L’étudiant aura
l’occasion de présenter ses résultats à des congrès nationaux (Journée d’Etudes de la Cinétique
Hétérogène) ou internationaux (comme par exemple, International Symposium on High-Temperature
Corrosion and Protection of Materials qui aura lieu en Mai 2016 aux Embiez, France).
L’étudiant choisi pour ce travail de thèse devra avoir de bonnes connaissances en physico-chimie
des matériaux métalliques, une appréhension des mécanismes mis en jeu lors de la réactivité des
alliages métalliques en milieux corrosifs à haute température, ainsi que des notions d’utilisation de
divers outils de caractérisation. Il devra également avoir la capacité à rédiger une synthèse
bibliographique exhaustive, ainsi que celle de travailler en autonomie et en équipe.