Trimestriel – n°15/102 – 31 mars 2015 MONDE – Scénario macroéconomique 2015-2016 Extension du domaine de la croissance En septembre 2014, nous intitulions cette rubrique « Divergences », et en décembre, « Contraste ». Nous n'osons pas encore « Convergence », mais la reprise, il y a encore quelques mois limitée aux États-Unis et au Royaume-Uni, est bien en train de s'élargir à d'autres pays. Restons raisonnables : le regain de croissance en zone euro et au Japon est de nature différente du rythme de croisière atteint aux États-Unis. Il est d'abord beaucoup plus modeste. Il est aussi plus fragile, car devant beaucoup au recul du prix du pétrole. Or, si nous n'anticipons qu'une remontée graduelle de ce prix (confortés en ce sens par les récentes déclarations du ministre saoudien du Pétrole), ce scénario pourrait être remis en cause par exemple par une poussée des tensions géopolitiques. Mais pour le moment, la faiblesse du cours du pétrole apporte quelques dixièmes de point de croissance supplémentaire en zone euro et au Japon. Un autre facteur de soutien, celui-ci plus lié aux politiques économiques, est la robustesse relative du dollar. Elle atténue un peu l'impact de la baisse du prix du pétrole, mais vient renforcer la compétitivité des exportateurs européens et japonais (la faiblesse de beaucoup de devises de pays émergents réduit cependant la capacité à importer de leurs ménages et de leurs entreprises). La faiblesse de l'euro et du yen est un des premiers effets visibles de politiques monétaires particulièrement accommodantes, et qui devraient le rester. La mise en place du QE en zone euro devrait avoir d’autres effets favorables, mais à plus long terme. Dans les économies développées, le principal moteur de la croissance sera la consommation des ménages. Aux États-Unis, grâce à l'amélioration du marché de l'emploi, au recul du prix de l'énergie, et à quelques effets de richesse (immobilier, bourse). En zone euro, grâce à une stabilisation du chômage et à une amélioration du pouvoir d'achat, souvent modeste mais parfois soutenue par des hausses de salaires (Allemagne, Royaume-Uni ; cet effet est aussi observé au Japon), et peut-être même un léger regain de confiance. Un rebond de l’investissement est Études Économiques Groupe http://etudes-economiques.credit-agricole.com nécessaire pour assurer une reprise solide et durable en zone euro : il devrait être assez modeste en 2015-2016. La croissance des pays émergents sera un peu décevante : même si de très nombreux pays bénéficient aussi du bas prix du pétrole, la lente décrue de la croissance chinoise, les récessions attendues au Brésil (modérée) et en Russie (plus sévère), et le ralentissement des pays exportateurs de matières premières affectent la performance d'ensemble. Sommaire La reprise vient des pays développés .....................................2 Europe : un rebond encore fragile ...........................................2 États-Unis : la croissance accélère .........................................3 Japon : la forte croissance des salaires permet aux Abenomics de prendre de la vitesse .......................................5 Marchés émergents : une reprise sous fortes contraintes .....5 Focus – France : et maintenant ? .............................................7 Banques centrales : résister aux tentations ...........................8 Fed : préparer la normalisation ...............................................8 BCE : pas de remise en question du QE ................................8 Marchés financiers : les divergences de politique monétaire vont continuer à opérer .............................................................9 Le succès du QE de la BCE est susceptible de se traduire par une lente remontée des taux allemands .................................9 L’appréciation de l’USD pourrait marquer une pause au deuxième trimestre, avant de reprendre au troisième ..........10 Prévisions économiques et financières ................................12 Taux d’intérêt .........................................................................12 Taux de change .....................................................................12 Matières premières ................................................................12 Scénario économique du Groupe Crédit Agricole S.A. ........13 Comptes publics.....................................................................14 Zoom vidéo Rééquilibrage Fin 2014, l'économie européenne était, sauf au Royaume-Uni, mais même en Allemagne, clairement en déphasage avec un rebond qui semblait solide aux États-Unis. Le contexte a changé, et il nous permet d'être aujourd'hui un peu plus optimistes, notamment pour la zone euro. La croissance est-elle de retour en Europe ? L'amélioration de la conjoncture n'est donc due qu'à un facteur extérieur ? Et ailleurs ? Monde : Scénario macro-économique 2015-2016 La reprise vient des pays développés La zone euro et le Japon vont continuer à bénéficier du bas niveau du prix du pétrole, du recul de l'euro et du yen, et de politiques économiques (surtout monétaire en Europe, surtout budgétaire au Japon) plus accommodantes. Le relais devra toutefois être pris par la consommation, comme cela continue d'être le cas aux États-Unis. Cela suppose en Europe un regain de confiance des ménages et au Japon des hausses de salaires plus marquées. Les perspectives des pays émergents sont encore contrastées, entre producteurs et importateurs de pétrole, entre pays à balances des paiements équilibrées et les autres, qui vont souffrir de la hausse des taux américains. Europe : un rebond encore fragile Zone euro : une conjonction de facteurs favorables En zone euro, le changement par rapport au scénario qui se dessinait fin 2014 est manifeste. L’amélioration de l’environnement international et les nouvelles orientations de politique économique justifient donc une croissance révisée à la hausse (avec +1,4% pour le PIB en 2015 et +1,7% en 2016), grâce à une demande intérieure qui s’annonce plus dynamique qu’initialement prévu et à une contribution du commerce extérieur qui reste positive. Pétrole et taux de change 120 moy. mensuelles, janvier 2012 = 100 110 100 90 80 70 60 50 40 2012 2013 2014 2015 2016 EUR/USD JPY/USD Source : Reuters, Crédit Agricole SA baril de Brent UEM : désendettement en cours des ménages 5,0 % RDB 4,5 % RDB 4,0 3,5 3,0 2,5 2,0 1,5 1,0 0,5 0,0 T1 07 T1 08 T1 09 T1 10 T1 11 T1 12 T1 13 T1 14 poids de la dette (dr.) Source : Eurostat, Crédit Agricole S.A. 100 98 Le principal changement de contexte est la baisse du prix du pétrole : nous anticipons une moyenne de 60 USD/bbl (Brent) en 2015, soit un recul de 26% du prix en EUR/bbl par rapport à 2014. L’impact sur la croissance du PIB réel est estimé à 0,3 point en 2015. Il passera par la réaffectation de 1% des dépenses des ménages allouées à l’énergie, par de moindres coûts intermédiaires pour les entreprises et par une baisse du prix des importations. La zone euro va aussi bénéficier de l’accélération de la croissance des économies avancées importatrices de pétrole, ses principaux clients. La deuxième explication de notre révision à la hausse est la dépréciation de l’euro. Nous prévoyons un euro à 1,03 USD en moyenne en 2015, soit -22% par rapport à 2014, mais la dépréciation en termes effectifs réels se limiterait à 10%. L’impact sur la croissance serait toutefois de +0,2 point en 2015. La neutralité budgétaire retrouvée est un autre facteur positif. Mais, si le récent assouplissement de l’interprétation des règles par la Commission européenne permet de ne pas asphyxier la reprise, il n’est pas suffisant pour relancer la croissance : l’impulsion fournie par la politique budgétaire à la croissance est nulle en 2015 et 2016. C’est donc sur une politique monétaire plus accommodante que les espoirs d’une accélération soutenue et persistante de l’activité reposent. 96 94 92 90 88 86 charges d'intérêt La réaction des marchés et l’impact sur les premiers indicateurs conjoncturels disponibles ont été positifs, malgré d’autres facteurs de risque financier et politique. L’amélioration des indicateurs concernant les ménages est la plus accentuée. Leur consommation, tirée par un cycle soutenu de demande en biens durables, s’est redressée dans tous les pays, malgré la remontée du taux d’épargne. Les ménages profitent d’une augmentation du revenu disponible et de son pouvoir d’achat. La progression du revenu facilite aussi la réduction du poids de la dette, qui s’accompagne d’une baisse des charges d’intérêts. En outre, après des années de purge dans les pays de la périphérie, les bourgeons de reprise font renaître espoir et confiance. Enfin, nous attendons un impact positif du QE sur les ménages, via le canal du prix des actifs, notamment financiers. Il devrait faciliter le désendettement en cours, réduisant ainsi l’épargne de précaution, et permettant une réactivation du canal du crédit. Cependant, la correction encore en cours du marché immobilier dans N°15/102 – 31 mars 2015 2 Monde : Scénario macro-économique 2015-2016 plusieurs pays limiterait la croissance de la demande et la transmission des effets richesse à ce secteur. UEM - Sociétés non financières : marges et épargne financière 44 % VA % VA, mm4 43 42 41 4 2 0 40 -2 39 38 -4 37 36 T1 07 T1 08 T1 09 T1 10 T1 11 T1 12 T1 13 T1 14 Taux de marge -6 Bien qu’à des stades différents du cycle, l’Allemagne et l’Espagne profiteront plus que les autres de la reprise de l’investissement productif et enregistreront une croissance supérieure à la moyenne de la zone. Pétrole et taux de change permettront une amélioration des balances courantes dans la plupart des pays. Si le QE marche, la reprise pourrait s’accompagner d’une « reflation » de l’économie allemande, et donc un processus de reconstitution de la compétitivité dans la périphérie moins douloureux car moins déflationniste. Encore faut-il que la BCE résiste à toute demande de normalisation anticipée face à l’embellie conjoncturelle. Ce risque de normalisation trop rapide de la politique monétaire est encore éloigné par les doutes sur la capacité du QE à relancer la croissance de long terme. Le risque lié à la montée des partis extrêmes, notamment en Espagne, est en revanche encore présent et peut fragiliser à la fois la confiance et la cohésion dans la zone euro. Epargne financière (dr.) Source : Eurostat, Crédit Agricole S.A. UEM : ajustement de balance courante rééquilibrant la position extérieure nette 14 par an, % PIB . 12 10 Le climat des affaires ne s’améliore pas autant et présente encore une forte hétérogénéité entre pays. La remontée des cours boursiers n’est pas le reflet d’une hausse équivalente des profits qui se sont stabilisés à leur creux en fin d’année 2014, et l’épargne financière des entreprises continue à augmenter aux dépens de l’investissement. L’accumulation de stock de capital productif s’est arrêtée (en termes de pourcentage du PIB) en 2014 dans la zone euro dans son ensemble. La modeste reprise de l’investissement productif inscrite dans notre scénario s'explique donc par le besoin de remplacement. Elle se fonde sur la fin de la contraction de l’encours de crédit et sur la hausse, signalée par les banques, de la demande de crédit par les sociétés pour motif d’investissement. 8 6 4 2 0 Royaume-Uni : un risque politique -2 -4 Allemagne France Italie Portugal Espagne Source : Eurostat, Stabilisation PEN à niveau de 2013 Crédit Agricole S.A. Réduction PEN à -/+ 25% en 2020 10 Etats-Unis : marché du travail cvs, % 450 cvs, 000' 400 9 Au Royaume-Uni, avec des perspectives de croissance toujours solides (2,5% et 2,4% attendus pour 2015 et 2016), et un risque de hausse anticipée du taux directeur par la BoE contenu par une inflation faible (0,6% prévu en 2015), la principale source d’incertitude est d’ordre politique. Le résultat des élections de mai 2015 est difficile à prévoir. Des doutes persistent quant à la stabilité de tout gouvernement arrivant au pouvoir. Si les travaillistes semblent les probables vainqueurs, leur avance est modeste. En cas de gouvernement dirigé par les conservateurs, le risque de « Brexit » (sortie du Royaume-Uni de l'UE), en baisse au cours des derniers mois, pourrait monter. 350 8 300 États-Unis : la croissance accélère 250 Alors que les conditions climatiques difficiles de l’hiver dernier ont probablement fait baisser la croissance à moins de 2% t/t en rythme annuel au premier trimestre, nous tablons sur une croissance moyenne d’environ 2,9% en 2015, un rythme supérieur à la tendance. La croissance sera tirée par la consommation des ménages. L’amélioration du marché du travail va renforcer les revenus salariaux et la confiance des consommateurs. La hausse du patrimoine net des ménages, tirée par la montée des marchés actions, va continuer à générer un effet de richesse positif supplémentaire favorable aux dépenses. 200 7 150 100 6 50 5 0 11 12 13 14 15 Créations nettes d'emplois non agricoles (dr.) Taux de chômage Source : Bureau of Labor Statistics, Haver N°15/102 – 31 mars 2015 3 Monde : Scénario macro-économique 2015-2016 L’amélioration du marché du travail américain s’est poursuivie, avec 3,1 millions d’emplois supplémentaires en 2014. De plus, le taux de chômage poursuit sa baisse : à 5,5% en février, il se rapproche de l’estimation du taux de chômage naturel de la Fed. La progression des salaires reste néanmoins modérée, autour de 2,0% a/a. Etats-Unis : pressions désinflationnistes liées à la hausse du dollar -15,0 a/a, % Dec01=100 -7,5 7,5 5,0 2,5 0,0 Le pouvoir d’achat réel des consommateurs est dopé par les pressions désinflationnistes liées à la baisse des prix de l’énergie et d’autres biens importés. La baisse des prix de l’essence devrait permettre à l’Américain moyen d’économiser plus de 700 USD cette année et les prix du carburant ne devraient progresser qu’assez modérément en 2016. L’impact net de la baisse des prix de l’énergie pourrait contribuer positivement à la croissance américaine à hauteur d’environ 0,5 point cette année. 0,0 7,5 -2,5 a/a, % Jan97=100 15,0 -5,0 22,5 07 08 09 10 Source : Federal Reserve Board, BLS, Haver -7,5 11 12 13 14 15 Taux de change effectif nom. (éch. inv.) Indice des prix à l’importation (hors carburant, ncvs, dr.) Etats-Unis : investissement dans le secteur pétrolier et gazier 180 000 150 000 1 800 cvs, M USD 1 500 120 000 1 200 90 000 900 60 000 600 30 000 300 0 0 90 92 94 96 98 00 02 04 06 08 10 12 14 Source : Baker Hughes Inc., BEA, Haver Analytics, Bloomberg Investissement dans le secteur pétrolier et gazier Nbre de plateformes pétrolières aux USA (dr.) La hausse des dépenses de consommation réelles sera en partie compensée par une forte baisse de l’activité dans le secteur pétrolier et gazier. L’investissement non résidentiel des entreprises devrait accélérer légèrement en 2015, le renforcement de la croissance suggérant une hausse du ratio capital/production optimal. La baisse des prix de l’énergie va conduire un fort recul de l’investissement dans le secteur de l’extraction de pétrole et de gaz, mais elle devrait également stimuler une hausse de la productivité chez les producteurs d’énergie dont les coûts sont élevés. Il est certain que la baisse des prix du pétrole fera le bonheur des uns et le malheur des autres, avec de possibles difficultés financières pour certains producteurs, sans néanmoins faire courir un risque de nature systémique, sans que selon nous cela fasse dérailler les marchés financiers. Nous tablons sur une accélération de l’investissement résidentiel en 2015, avec une hausse de la formation de nouveaux ménages liée à l’amélioration du marché du travail. Les taux hypothécaires restent relativement attractifs, mais les emprunteurs potentiels se heurtent toujours à des difficultés, notamment en raison de conditions de prêt restrictives sans compter le fardeau des prêts étudiants pour les jeunes adultes. Les exportations nettes vont souffrir de la faiblesse des perspectives de croissance à l’étranger et de l'appréciation anticipée du dollar : le commerce extérieur contribuera négativement à la croissance cette année et l’année prochaine, ce qui conduira à un creusement du déficit courant. Cette situation pèsera sur les exportations de biens manufacturiers et limitera la progression de la production manufacturière. La chute des cours du pétrole a provoqué un net ralentissement de l’inflation selon nous temporaire. Une certaine propagation à court terme de l’impulsion désinflationniste liée aux prix de l’énergie et à l’appréciation du dollar (cette dernière provoquant une baisse des prix à l’importation) sur l’inflation sous-jacente est prévisible. Nous tablons sur une remontée de l’inflation à 2% en 2016. La réponse de politique monétaire de la Fed est abordée dans l’article sur les Banques centrales. Le déficit budgétaire du gouvernement fédéral devrait retomber à 2,7% du PIB cette année et à 2,6% en 2016, mais le déficit ne s’inscrit pas sur une trajectoire soutenable à long terme. Cependant, compte tenu des rancœurs partisanes au sein du Congrès, nous ne nous N°15/102 – 31 mars 2015 4 Monde : Scénario macro-économique 2015-2016 attendons pas à des progrès considérables sur la question du budget cette année. Le Trésor américain a atteint le plafond réglementaire de la dette à la mi-mars, mais il devrait être en mesure de payer ses factures jusqu’à l’automne, avant que le Congrès ne relève le plafond de la dette (ce qui pourrait donner lieu à un nouveau psychodrame). Japon : la forte croissance des salaires permet aux Abenomics de prendre de la vitesse Japon : salaire de base moyen dans l’industrie 6 a/a, % 5 4 3 2 1 0 -1 -2 -3 92 94 96 98 00 02 04 06 08 10 12 14 Source : Min. Santé, Travail & Affaires sociales, CA CIB Emergents : exportations vers les Etats-Unis Mexique Venezuela Vietnam Pérou Chine Philippines Arabie Saoudite Chili Inde Taiwan Corée du Sud Colombie Brésil Thailande Koweit Hongkong Indonésie Malaisie Afrique du Sud Algérie Singapour Argentine Maroc Source : EIU Notre optimisme sur les perspectives de l’économie japonaise et sur les Abenomics est intact, nous tablons sur une croissance de 1,3% en 2015 et de 1,7% en 2016. La passe difficile qui avait suivi la hausse de la TVA en 2014 a fait place à une reprise soutenue principalement par les exportations (qui bénéficient de la baisse du yen), mais les perspectives s’améliorent également du côté de la demande intérieure. Plus important, les salaires de base du secteur industriel – un élément crucial pour enclencher un « cercle vertueux auto-entretenu dans l’économie » – affichent des signes de plus en plus clairs de progression, qui résultent notamment de tensions croissantes sur le marché du travail. Bien sûr, les inquiétudes sur les perspectives à l’horizon 2017 n’ont pas disparu, une hausse supplémentaire de la TVA étant prévue en avril de cette année. Cependant, nous pensons que la volatilité économique (demande anticipée à l’approche de la hausse de la TVA et contrecoup négatif ensuite) devrait être beaucoup plus limitée en 2017 qu’elle ne l’a été avec la hausse d’avril 2014. De plus, le relèvement sera limité, avec seulement 2 points de hausse (de 8% à 10%) contre 3 points (de 5% à 8%) la fois précédente, ce qui implique que l’impact négatif sur les salaires réels sera moins important. Il existe donc de fortes chances pour que l’économie réussisse à surmonter cet obstacle et continue à se consolider, au moins jusqu’aux Jeux olympiques d’été de Tokyo en 2020. Nous pensons, toutefois, que la BoJ pourrait assouplir davantage sa politique monétaire fin octobre 2015 : en effet, la date visée pour atteindre une inflation de 2% se rapproche, alors même que la chute des prix du pétrole brut fait baisser l’inflation. Marchés émergents : une reprise sous fortes contraintes La reprise dans les marchés émergents se heurte à trois contraintes : la hausse des taux américains, un bilan mitigé en matière de réformes, et des taux d’intérêt réels élevés qui retardent la reprise de l’investissement. Le second semestre 2015 devrait néanmoins être meilleur que le premier. % export. totales, 2013 0 10 20 30 40 50 60 70 80 En premier lieu, les marchés émergents vont devoir absorber la hausse des taux directeurs américains. Les devises des pays à déficit externe devraient être les plus affectées. Cette perspective a déjà contribué à la dépréciation des devises telles que le real brésilien ou la livre turque au cours de ces derniers mois. La hausse effective des taux devrait maintenir de telles devises sur la défensive et rendre plus difficile le financement de la croissance et des déficits dans ces pays. En deuxième lieu, certains pays émergents peinent à entretenir leur croissance. C’est partiellement la conséquence du manque de réformes au cours de la décennie passée : la procrastination a eu pour effet de limiter les gains de productivité. Ainsi par exemple, l’économie russe est restée peu diversifiée et pâtit fortement de la N°15/102 – 31 mars 2015 5 Monde : Scénario macro-économique 2015-2016 baisse brutale des prix du pétrole (et aussi des sanctions). Autre exemple, le Brésil s’enfonce dans la stagflation, du fait d’un manque manifeste d’infrastructures et de l'absence de réforme des finances publiques. En troisième lieu, les taux d’intérêt réels moyens dans les marchés émergents ont augmenté significativement, principalement du fait de la désinflation induite par la baisse des prix du pétrole, ou parce que les taux nominaux ont dû être relevés pour défendre la monnaie. Aujourd’hui, le coût réel du crédit est souvent très élevé, alors même que la faiblesse de l’investissement dans la plupart des pays émergents (hors Chine) nécessiterait des conditions de financement plus accommodantes. Devises émergentes 110 /USD 100 90 80 début de période = 100 70 janv.-14 avr.-14 juil.-14 oct.-14 BRL INR IDR MXN Source : WM/Reuters janv.-15 ZAR TRY Autre facteur positif : la baisse des prix du pétrole. Certains en pâtissent (Russie, Moyen-Orient), mais beaucoup bénéficient ainsi d'un soutien bienvenu au pouvoir d’achat des ménages et aux marges des entreprises. La demande intérieure devrait en bénéficier. Sous l’hypothèse d’une remontée graduelle des prix du pétrole, la tendance désinflationniste devrait s’inverser dans nombre de pays émergents au cours de second semestre, permettant une baisse des taux d’intérêt réels. Brésil : stagflation 10 a/a, % 8 6 4 2 0 -2 2010 2011 Source : IBGE 2012 inflation 2013 Cela étant, certaines forces de rappel permettent de ne pas verser dans le pessimisme. Certains gouvernements ont commencé à s’atteler aux réformes. C’est le cas notamment du Mexique depuis deux ans. Les récentes élections en Inde et en Indonésie sont porteuses de réformes de modernisation, d'une meilleure gestion des finances publiques et d'un rebond de l’investissement. Leurs impacts se matérialiseront progressivement au cours des prochaines années. Mais un changement de perception dans la communauté financière est d’ores et déjà avéré. 2014 2015 croissance Les exportateurs devraient enfin bénéficier de l’accélération de la croissance aux États-Unis dans un contexte de baisse de leur monnaie par rapport au dollar. Le QE de la Banque centrale européenne devait également bénéficier aux pays de la zone Europe – Moyen-Orient – Afrique (EMEA). Au total, nous prévoyons une croissance émergente en légère baisse, de 4,4% en 2014 à 4,3% en 2015. L’essentiel de cette baisse est néanmoins imputable à la légère décélération de la Chine (7,4% à 7,1%), et à l'entrée en récession du Brésil et de la Russie (faible dans le premier cas, plus sévère dans le second). La grande majorité des autres pays devraient accélérer légèrement, notamment en fin d’année. D’un point de vue régional, l’Asie devrait mieux tirer son épingle du jeu que la zone EMEA ou l’Amérique latine. L’Asie bénéficie davantage de la baisse des prix du pétrole que les autres régions. En outre, ses exportations manufacturières lui octroient un positionnement favorable dans le contexte d‘une croissance mondiale tirée par les pays développés. À l’inverse, l’Amérique latine pâtit à la fois des prix plus bas des matières premières et d’une normalisation de la croissance dans une Chine jadis soutien essentiel de la demande pour ces produits. N°15/102 – 31 mars 2015 6 Monde : Scénario macro-économique 2015-2016 Focus – France : et maintenant ? La croissance française est la même depuis 2012 : +0,4% en moyenne annuelle. Mais si le chiffre est identique, l’image qu’il renvoie de l’économie est à l’inverse très différente. Prenons l’exemple des deux dernières années. En 2013, la croissance en zone euro reculait de 0,4%. L’activité française apparaissait alors comme résistante, réussissant à croître en dépit d’un environnement morose, grâce à la consommation des ménages, véritable pilier du modèle de croissance. En 2014, la croissance se redresse en zone euro (+0,9%)… sans effet sur la progression du PIB en France, qui apparaît alors comme désespérément à la traîne du reste de l’Europe. En cause : son modèle de croissance, bien trop dépendant (cette fois-ci) de la consommation des ménages, contrainte par un taux de chômage élevé et l’ajustement budgétaire en cours. France : contributions à la croissance 3 a/a, % Prévisions 2 1 0 -1 -2 -3 -4 05 Contrib. %, a/a 06 07 08 09 10 11 12 13 14 15 Consommation Investissement Variation des stocks Solde extérieur PIB Source : Insee, Crédit Agricole S.A. France : RDB des ménages et ses composantes 2,5 Prévisions 1,5 0,5 -0,5 -1,5 -2,5 2012 2013 2014 2015 Rev. d'activité Rev. du patrimoine Prest. soc. en espèces Impôts cour. et cot. soc. RDB Source : Insee, Crédit Agricole S.A. L’évaluation qui est faite du modèle français est finalement très dépendante de sa capacité à dégager ou non une croissance supérieure à celle de la zone euro. Avec cette grille de lecture, qu’attendre pour l’année 2015 ? La France part avec des handicaps certains. D’une part, l’acquis laissé fin 2014 y est inférieur (+0,2 %, contre +0,4 % en zone euro). D’autre part, l’impulsion budgétaire y est plus négative (-0,3% du PIB, contre une impulsion neutre en zone euro), indiquant une politique plus restrictive que celle connue en moyenne par ses voisins européens. En dépit de ces points négatifs, le PIB réel devrait progresser plus fortement en France en 2015 que les années précédentes (+1,1% attendu en moyenne annuelle) et l’écart entre les rythmes de croissance connus en France et en zone euro (+1,4%) devrait même légèrement se réduire. Ce redressement de la croissance, qui, en relatif, est un peu plus marqué en France qu’en zone euro, ne s’explique pas fondamentalement par un impact plus significatif sur l’économie française de la faiblesse des taux d’intérêt, de la baisse du prix du pétrole ou de la dépréciation de l’euro. L’impact de cette dernière serait certes un peu plus fort en France, compte tenu du niveau de gamme des produits commercialisés, mais le déficit structurel de compétitivité empêche la France d’en tirer pleinement parti. La différence est ailleurs. Elle a trait à la consommation des ménages, qui affichera la plus forte contribution à la croissance. Les mesures structurelles, qui monteront en puissance ou seront mises en œuvre en 2015, apporteront un soutien supplémentaire au pouvoir d’achat des ménages, déjà soutenu par la faiblesse de l’inflation. Le ciblage des salaires retenu pour le calcul du crédit d’impôt compétitivité emploi ou sur lesquels sont opérés les allègements de charges de la première tranche du pacte de responsabilité, suggère en effet un impact positif sur l’emploi marchand, plus sensible au coût du travail sur les bas salaires. Les revenus d’activité en profiteront. La contribution négative des impôts versés sera également moins forte, compte tenu du pacte de solidarité, qui rappelonsle, contient une révision du barème de l’impôt sur le revenu pour les ménages modestes. La consommation des ménages restera donc le moteur de la croissance française. Son accélération plus forte relativement à celle observée en zone euro explique en grande partie le rattrapage opéré par la France en 2015 (également justifié par un investissement en zone euro toujours plombé par les ajustements connus dans les pays de la périphérie). À moyen terme, ce moteur risque toutefois de caler, compte tenu notamment de la trajectoire attendue du taux de chômage et de l’ajustement budgétaire nécessaire. Un moteur bien utile donc à court terme, mais sur lequel de nombreux doutes subsistent. N°15/102 – 31 mars 2015 7 Monde : Scénario macro-économique 2015-2016 Banques centrales : résister aux tentations Nous pensons que la Fed commencera à normaliser sa politique dès septembre tandis que, pour le moment, la BCE continuera à mettre intégralement en œuvre son QE, en dépit d’une évolution probable de la balance des risques dans les mois qui viennent. Fed : préparer la normalisation Fed : non-respect de son mandat sur l’inflation 11 cvs, a/a, % 2009=100 cvs, % 10 9 3 2 8 7 1 Objectif d'inflation de 2% de la Fed 6 5 4 0 07 08 Source : BLS, BEA, Haver 09 10 11 12 13 14 15 Taux de chômage Prix à la conso. hors alim. & énergie (dr.) Avec l’abandon du terme « patient » dans son guidage des anticipations, le FOMC semble prêt à amorcer la normalisation de ses taux directeurs en septembre. Nous pensons que le chômage atteindra le « taux naturel » estimé par la Fed au second semestre 2015. Le FOMC apparaît relativement confiant quant à l’objectif d’inflation sous-jacente de la Fed de 2% à moyen-terme. Les perspectives d’inflation du FOMC dépendront des données économiques et prendront en compte les pressions désinflationnistes liées (a) à la baisse des prix du pétrole, (b) à la faiblesse de l’inflation mondiale et (c) au niveau élevé du dollar, qui provoque une baisse des prix à l’importation et limite la capacité des entreprises domestiques à fixer les prix en raison de la concurrence des importations. Tant que les anticipations d’inflation restent bien ancrées, ces pressions désinflationnistes ne devraient être que passagères. Une certaine volatilité est à attendre sur les marchés financiers pendant la période de hausse des taux directeurs, ce qui laisse penser que les membres de la Fed adopteront une approche prudente. Ces derniers s’attendent à un processus de durcissement graduel et à une stabilisation du taux des Fed funds à un niveau inférieur à la normale historique. Nous prévoyons un taux des Fed funds à 0,50%-0,75% fin 2015 et à 2,00% fin 2016. BCE : pas de remise en question du QE BCE : prévisions optimistes du staff 2,25 2,00 1,75 2,1 1,9 % 1,8 1,5 1,5 1,50 1,25 1,00 0,75 0,50 0,25 0 0,00 -0,25 2015 2016 2017 2015 Croissance PIB Source : BCE Sep.14 2016 2017 Inflation Dec.14 Suite au lancement historique du programme élargi de rachats d'actifs en janvier (EAPP - Expanded Asset Purchase Programme), Mario Draghi a enfin adopté un discours plus optimiste, soulignant que « le QE fonctionne déjà » et qu’« une reprise soutenue est en train de prendre forme ». Les prévisions du staff de la BCE ont été révisées à la hausse, prenant en compte l’assouplissement monétaire déjà observé mais aussi les autres effets anticipés du QE, notamment sur la confiance et la diversification des portefeuilles des investisseurs. Cela suggère que la BCE va poursuivre ses rachats d'actifs au rythme prévu (60 Mds EUR par mois) dans les mois qui viennent en s'abstenant de sur-réagir à l’amélioration des données économiques. Mar. 15 En effet, la BCE ne devrait pas envisager sérieusement de réduire la taille du QE pour l’instant. Si la reprise économique se poursuit et que l’inflation rebondit d'ici la fin de l’année à la faveur d’une remontée des cours du pétrole et d’effets de base, le marché pourrait toutefois commencer à anticiper une forme de « tapering » du QE à l'européenne. Selon nous, le scénario d’une réduction graduelle des rachats d'actifs ne pourrait gagner en crédibilité dans le courant de l’année prochaine que si les bonnes surprises économiques se traduisent par une réévaluation durable des perspectives de croissance et d’inflation à moyen terme et si le contexte politique et institutionnel s’améliore dans l’intervalle – pas seulement pour la Grèce, mais, de manière plus générale, sur le plan de l’intégration budgétaire et politique appelée de ses vœux par M. Draghi. N°15/102 – 31 mars 2015 8 Monde : Scénario macro-économique 2015-2016 Marchés financiers : les divergences de politique monétaire vont continuer à opérer La réaction des actifs risqués à une prochaine hausse des taux de la Fed reste le premier facteur de volatilité pour la deuxième partie de l’année sur les marchés financiers. Côté européen, l’amélioration des fondamentaux qui s’amorce pourrait graduellement atténuer les pressions baissières qu’exercent sur les taux longs les achats d’actifs de la BCE. L’EUR/USD pourrait ainsi regagner du terrain à court terme. La divergence des politiques monétaires entre une BCE accommodante et une Fed plus hawkish devrait toutefois maintenir les risques baissiers à long terme sur l’EUR/USD. À plus court terme, les élections générales du 7 mai au Royaume-Uni commenceront à influencer le GBP/USD, mais l’évolution de l’EUR/GBP pourrait rester principalement dictée par les problèmes qui agitent la zone euro. Les récentes décisions politiques de la Suède devraient maintenir la SEK sous pression, tandis qu’à en juger par l’évolution des réserves de change de la BNS, la recherche de valeurs refuges bénéficie à nouveau au CHF. Le succès du QE de la BCE est susceptible de se traduire par une lente remontée des taux allemands Réaction des taux de swap aux 24 annonces de QE 50 pdb 40 30 20 10 0 -10 -14 0 14 28 42 56 70 84 Nbre de jours après l’annonce Swap 2 ans USD Swap 5 ans USD Swap 10 ans USD Swap 30 ans USD Source : Bloomberg, Fed, BIS, BoE, CA CIB Anticipations du Libor 3m USD 4 % Les taux américains sont restés sans tendance depuis le début de l’année 2015. Les données sur l’emploi ont été particulièrement bonnes, mais la plupart des autres données se sont affaiblies. Ceci peut être attribué en partie aux mauvaises conditions météorologiques dans le nord-est du pays, mais les marchés de taux s’inquiètent également de l’impact de l’appréciation du dollar sur l’inflation et la croissance cette année. Compte tenu de toutes ces incertitudes, la Fed a semblé dovish et les marchés dérivés estiment désormais que la date la plus probable de la première hausse des taux directeurs est septembre. Nous pensons que le taux de chômage américain atteindra bientôt son « taux naturel », que le déflateur sous-jacent terminera l’année 2015 à un niveau proche de l’objectif de 2% de la Fed et que cette dernière procédera à deux hausses de taux de 25 pdb cette année. La partie courte de la courbe de taux n’anticipe qu’une seule hausse de taux et n’est pas correctement préparée à deux hausses. Nous tablons par ailleurs sur une hausse graduelle des taux allemands, le marché s’habituant progressivement aux achats de la BCE. Compte tenu de ces différents facteurs, nous tablons sur une remontée des taux obligataires américains. 3 2 1 0 déc.-14 juil.-15 janv.-16 août-16 mars-17 sept.-17 avr.-18 Contrats futures (Eurodollars) Niveaux déduits du graphique ʺà pointsʺ Niveaux déduits de l’enquête auprès des intervenants Source : Bloomberg, Fed NY , Federal Reserve Le principal risque sur ce scénario est lié à la difficulté, pour la Fed, de relever ses taux sans déclencher un mouvement brutal de correction sur les actifs risqués. Conscients de cette difficulté, les marchés anticipent une évolution du taux des Fed funds qui intègre une probabilité d'échec non négligeable. La période difficile sera celle des deux premières hausses, après quoi la Fed aura une marge de manœuvre pour répondre à d’éventuels chocs, ce qui calmera quelque peu les inquiétudes des marchés. Les marchés de taux vont rester volatils au second semestre 2015, mais nous tablons sur une mise en œuvre réussie de la première hausse de taux. Après le choc initial créé par les achats de la BCE début mars, le marché obligataire de la zone euro semble parvenir à un équilibre. En arrière-plan, les données économiques de la zone euro s’améliorent : celles-ci sont susceptibles, à terme, d’atténuer la baisse qu’exercent les achats d’actifs de la BCE sur les taux à long terme. C’est précisément la réaction qui a pu être observée lors N°15/102 – 31 mars 2015 9 Monde : Scénario macro-économique 2015-2016 de la mise en œuvre des autres programmes d’assouplissement quantitatif. EUR/USD : tendance baissière intacte 1,53 150 1,48 100 1,43 50 1,38 1,33 0 1,28 -50 1,23 1,18 -100 1,13 -150 1,08 1,03 -200 avr.-10 avr.-11 avr.-12 avr.-13 avr.-14 EUR/USD Écart entre indices de surprise économique ZE-US (dr.) Source : Bloomberg, CA CIB 540 BNS : réserves de change reparties à la hausse en février Mds CHF 520 Suppression du plancher par la BNS 500 480 460 440 420 400 déc.-13 avr.-14 août-14 Sources: Bloomberg, CA CIB déc.-14 avr.-15 Réserves totales De plus, la combinaison des programmes d’assouplissement monétaire mis en œuvre dans d’autres pays européens, de la baisse des cours du pétrole et de la faiblesse de l’euro ne peut que conduire à une amélioration, au moins ponctuelle, des données macroéconomiques. L’embellie conjoncturelle, les taux négatifs sur les marchés monétaires et les achats d’actifs de la BCE soutiendront les marchés des pays proches du centre de la zone euro et de la périphérie. Les corrélations entre les marchés de dette publique de la zone euro vont augmenter progressivement, réduisant ainsi les segments de marché privilégiés par les investisseurs et permettant à l’impact des achats de dette allemande par la BCE de se propager plus facilement vers les autres marchés. Les pays périphériques devraient profiter de ce mouvement avec une baisse des primes de risque sur fond de hausse du taux sans risque allemand. L’appréciation de l’USD pourrait marquer une pause au deuxième trimestre, avant de reprendre au troisième Après une hausse de plus de 35% depuis ses points bas de 2011, le dollar pourrait marquer une pause au deuxième trimestre. La Fed a abandonné le terme « patience » dans son communiqué du mois de mars, mais elle a révisé à la baisse ses perspectives de croissance et d’inflation, tout en indiquant une moindre probabilité de durcissement monétaire agressif cette année et l’année prochaine. Nous continuons à tabler sur une première hausse des taux au troisième trimestre et sur une poursuite des hausses à un rythme mesuré par la suite. L’appréciation du dollar, qui pourrait s’étaler sur plusieurs années, devrait reprendre à l’approche de la première hausse de taux de la Fed. À court terme, nous ne pouvons cependant pas exclure de nouvelles liquidations de positions longues d’USD, d’autant plus que les membres de la Fed semblent vouloir réintroduire le caractère symétrique du risque sur l’USD (avec un risque à la baisse et pas seulement à la hausse) et que les positions acheteuses d’USD commencent à paraître excessives. L’EUR/USD pourrait se renforcer davantage à court terme, en raison du dénouement de positions acheteuses sur l’USD et d’une amélioration des perspectives économiques de la zone euro (en particulier par rapport à celles des États-Unis, comme le montre cidessus l’écart entre les indices de surprise économique de la zone euro et des États-Unis). Les données récentes de balance des paiements indiquent également un regain de flux de portefeuilles vers les marchés actions de la zone euro. En dépit de l’amélioration des fondamentaux, les risques de long terme sur l’EUR/USD devraient rester baissiers. Nous prévoyons que la paire atteindra la parité au troisième trimestre. La divergence des politiques monétaires entre une BCE accommodante et une Fed plus hawkish persiste et devrait continuer à peser sur l’EUR/USD à long terme. Au-delà du centre de la zone euro, l’attention des investisseurs européens se tournera à nouveau vers les élections générales du 7 mai au Royaume-Uni. Au cours du trimestre écoulé, les inquiétudes sur la politique britannique ont été reléguées au second plan en raison des problèmes, perçus comme plus importants, qui agitaient la zone euro. L’issue éventuelle de ces élections devrait cependant repasser au premier plan à l’approche du jour du vote : le marché des changes réagit en effet de plus en plus nettement aux N°15/102 – 31 mars 2015 10 Monde : Scénario macro-économique 2015-2016 résultats des sondages hebdomadaires lorsqu’ils sont publiés. De plus, compte tenu de la probabilité croissante d’un gouvernement minoritaire (ou même d’une grande coalition), toute indication donnée par les partis de second plan sur leurs possibles allégeances aura également davantage d’influence sur la GBP dans les semaines qui viennent. Cependant, en dépit du regain d’attention qui sera accordé aux élections britanniques, les problèmes de la zone euro sont plus importants et pourraient rapidement reléguer la situation du Royaume-Uni au second plan. Dans les pays périphériques du G10, les réponses de politique monétaire anticipées en réaction à l’impact du QE de la BCE devraient rester le facteur dominant au deuxième trimestre. En Europe, la décision de la Suède d’agir de manière décisive (et peut-être prématurée) devrait conduire à un nouvel affaiblissement de la SEK, bien qu’à un rythme différent de celui du début de l’année. En Suisse, alors que les membres de la BNS semblent être parvenus à interrompre l'arrivée de flux provoquée par l’attrait du CHF comme valeur refuge après la suppression du plancher à 1,20 sur l’EUR/CHF le 15 janvier, il n’y a aucune garantie que la demande de CHF ne réapparaîtra pas au cours du deuxième trimestre. Ce type de risques est clairement apparu dans le dernier rapport sur les réserves de change de la BNS, qui affiche des ventes de CHF plus importantes que prévu en février. En dehors d’Europe, en Asie et sur le continent américain, les perspectives de change semblent plus encourageantes. De nombreuses Banques centrales et fonds souverains cherchent en effet toujours à diversifier leur exposition de change à l’étranger, les devises périphériques à rendement élevé pourraient donc constituer un investissement attractif dans les mois qui viennent. N°15/102 – 31 mars 2015 11 Monde : Scénario macro-économique 2015-2016 Prévisions économiques et financières Taux d’intérêt USA 31-Mar Mar-15 Sep-15 Dec-15 Dec-16 Fed funds 0,25 0,25 0,50 0,75 2,00 10Y 1,95 2,40 2,65 2,80 3-3,5 Repo 0,05 0,05 0,05 0,05 0,05 10Y (Ger.) 0,21 0,40 0,50 0,60 0,7-1,1 30 30 30 30 30 108 95 80 75 75 Eurozone Spread 10a c/ EUR France Italy Taux de change Taux de change USD Pays industrialisés 31-m ars sept.-15 déc.-15 déc.-16 Euro EUR/USD 1,08 1,01 1,00 1,07 Japon USD/JPY 120 126 130 138 Royaum e-Uni GBP/USD 1,48 1,58 1,57 1,57 Suisse USD/CHF 0,97 1,09 1,10 1,03 Chine USD/CNY 6,20 6,27 6,16 6,05 Hong Kong USD/HKD 7,75 7,77 7,77 7,77 Inde USD/INR 62,60 64,20 65,00 67,00 Corée du Sud USD/KRW 1 110 1 125 1 130 1 110 Brésil USD/BRL 3,23 3,25 3,30 3,30 Mexique USD/MXN 15,29 15,15 15,00 14,20 Pologne USD/PLN 3,79 4,13 4,15 3,74 Russie USD/RUB 57,72 57,00 55,00 53,00 Turquie USD/TRY 2,61 2,70 2,58 2,60 Asie Am érique latine Europe - ém ergents Matières premières Métaux précieux Or USD/oz 31-mars 1 181 2015 2016 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4 1 375 1 325 1 250 1 170 1 150 1 100 1 030 2015 2016 Prix fin de trimestre 31-mars T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4 Brent 57 60 65 70 74 77 80 $/BBL 56 N°15/102 – 31 mars 2015 12 Monde : Scénario macro-économique 2015-2016 Scénario économique du Groupe Crédit Agricole S.A. PIB (a/a, %) Inflation (a/a, %) Balance courante (% du PIB) 2014 2015 2016 2014 2015 2016 2014 2015 2016 Etats-Unis 2.4 2.9 2.8 1.6 0.1 2.1 -2.4 -2.6 -2.6 Japon 0.0 1.3 1.7 2.6 0.7 1.1 0.5 2.4 2.4 Zone euro 0.9 1.4 1.7 0.4 -0.1 1.1 2.5 2.4 2.4 Allem agne 1.6 1.7 1.8 0.8 0.1 1.5 7.1 7.1 7.3 France 0.4 1.1 1.3 0.6 0.2 1.0 -1.2 -1.5 -1.6 Italie -0.4 0.7 1.1 0.2 -0.2 0.9 1.9 1.9 2.0 Espagne 1.4 2.1 2.3 -0.2 -0.6 0.9 -0.5 0.7 0.6 Royaum e-Uni 2.6 2.5 2.4 1.5 0.6 1.9 -6.5 -4.8 -5.3 Suisse 1.3 1.6 2.0 0.1 0.2 0.6 13.2 13.3 12.7 Canada 2.4 1.9 2.1 1.9 0.9 2.2 -2.2 -3.0 -2.3 6.5 6.5 6.5 3.3 2.6 3.4 2.5 2.6 1.8 Chine 7.4 7.1 6.9 2.0 1.3 2.6 2.1 2.2 1.4 Inde 7.4 7.5 7.6 6.5 5.5 5.7 -1.3 -1.5 -2.2 Corée du Sud 3.3 3.3 3.4 1.3 1.2 2.0 6.2 7.1 6.1 Am érique latine 0.6 0.9 2.7 12.4 12.6 9.6 -2.6 -2.8 -2.6 Brésil 0.0 -0.8 1.5 6.4 7.2 5.5 -4.2 -4.7 -4.8 Mexique 2.1 2.8 3.6 3.8 3.3 3.5 -2.1 -2.9 -2.3 1.5 -0.6 2.4 6.5 9.8 5.6 0.1 0.6 0.0 Pologne 3.3 3.4 3.2 0.0 -0.3 1.4 -1.3 -1.7 -2.7 Russie 0.6 -5.0 1.5 7.8 16.5 7.0 2.3 4.8 3.7 Turquie 3.1 3.5 3.8 8.9 7.2 8.0 -5.7 -5.0 -5.6 3.0 3.3 4.0 7.2 7.4 7.3 6.0 -0.7 0.3 Egypte 2.2 4.0 4.2 10.1 9.5 8.7 -1.2 -1.3 -2.1 Maroc 2.4 4.0 4.0 0.4 0.9 1.3 -8.0 -7.0 -4.3 Arabie Saoudite 3.6 2.3 3.5 2.7 2.6 3.3 12.2 -5.0 0.2 Em irats Arabes Unis 4.6 3.3 3.4 2.3 2.1 2.5 11.4 0.7 0.6 Total 3.3 3.4 3.9 3.9 3.5 3.7 0.5 0.2 0.0 Pays industrialisés 1.7 2.2 2.3 1.4 0.3 1.7 -0.4 -0.6 -0.6 Pays ém ergents 4.4 4.3 5.1 5.6 5.7 5.1 1.7 1.1 0.8 Autres pays développés Asie Europe ém ergente Afrique, Moyen-Orient N°15/102 – 31 mars 2015 13 Monde : Scénario macro-économique 2015-2016 Comptes publics Solde budgétaire Dette publique 2014 2015 2016 2014 2015 2016 Etats-Unis -2,8 -2,7 -2,6 73,3 73,7 73,3 Japon -8,3 -6,4 -6,0 211,1 213,5 216,1 Zone euro -2,7 -2,4 -2,0 94,1 94,4 93,6 Allemagne 0,0 0,0 0,0 76,0 72,5 70,0 France -4,0 -3,8 -3,4 95,1 97,0 98,1 Italie -3,0 -2,8 -2,3 132,1 134,2 134,0 Espagne -5,6 -4,7 -3,9 98,2 103,1 104,8 Pays-Bas -3,0 -2,5 -1,8 69,9 70,2 68,1 Belgique -3,2 -2,6 -2,2 106,0 106,8 105,7 Grèce -2,8 -1,5 -0,3 178,0 176,0 168,0 Irlande -3,7 -2,9 -3,0 110,5 109,4 106,0 Portugal -4,9 -3,3 -2,8 127,7 125,1 123,7 Royaum e-Uni -5,4 -4,6 -3,6 88,7 90,7 90,5 Vous pouvez consulter nos prévisions économiques et financières sur notre site Internet. Achevé de rédiger le 31 mars 2015 Crédit Agricole S.A. — Études Économiques Groupe 12, place des États-Unis — 92127 Montrouge Cedex Directeur de la publication : Isabelle JOB-BAZILLE Rédacteurs en chef : Jean-Louis MARTIN – Jean François PAREN Comité de rédaction : Pays développés : Brittany BAUMANN – [email protected] / Mike CAREY – [email protected] Nina DELHOMME – [email protected] / Frederik DUCROZET – [email protected] Olivier ELUERE – [email protected] / Axelle LACAN – [email protected] Catherine LEBOUGRE – [email protected] Paola MONPERRUS-VERONI – [email protected] Slavena NAZAROVA [email protected] / Philippe VILAS-BOAS –[email protected] / Kazuhiko OGATA – [email protected] / Yoshiro SATO – [email protected] Pays émergents : Sébastien BARBE – [email protected] / Jean-Louis MARTIN – [email protected] Marchés financiers : Orlando GREEN – [email protected] / David KEEBLE – [email protected] Valentin MARINOV – [email protected] / Marc McCORMICK –[email protected] Adam MYERS – [email protected] / Manuel OLIVERI – [email protected] Documentation : Dominique Petit – Statistiques : Robin Mourier Réalisation & Secrétariat de rédaction : Fabienne PESTY Contact : [email protected] Cette publication reflète l’opinion de Crédit Agricole S.A. à la date de sa publication, sauf mention contraire (contributeur s extérieurs). 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