Edition n∞1:Mise en page 1

Numéro 01
Retrouvez l’actualité du Forum Social Mondial (24-28 Mars 2015) sur www.flammedafrique.org
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Les autres voix de l’Afrique
Tunisie meurtrie,
Tunisie debout
Other voices from Africa
FORUM SOCIAL MONDIAL 2015
Peuples du monde
contre le terrorisme
Attentat de
Boko Haram
au Nigeria…
… attaque
terroriste
de lʼEtat
islamique
à Tunis.
… Deux drames un même défi.
Voir page 8
e drame est terrible, le choc dévastateur. Les 21 morts
de lʼattentat terroriste du Musée du Bardo ont créé stupeur et douleur, mais aussi détermination et résistance
face à lʼimmonde terreur aveugle. Si les Tunisiens ont mis un
genou à terre, cʼest pour prier. Pas pour se résigner.
Un peuple blessé mais debout accueille le Forum social
mondial. Il y a quatre ans il cueillait les fleurs du «printemps
arabe». Son parfum de jasmin lʼhabite encore et lʼespoir toujours grand dʼun destin de liberté et de justice sociale lui donne
sourire et force, dans la quête dʼ«un autre monde possible».
Le fait que la Tunisie accueille le Fsm pour la deuxième fois
de suite est le signe dʼun Maghreb inscrit dans une nouvelle
trajectoire historique. Et les douleurs actuelles ne lʼen écartent
pas. Des espoirs ont été aussi trahis, des acquis confisqués,
mais les luttes demeurent.
Il y a quinze ans, quand les premières mobilisations du mouvement social mondial partaient de Porto Alegre (2001), pour
sʼamplifier à Mumbai (2004), avant de retrouver du souffle en
Afrique (Nairobi 2007 et Dakar 2011), la présence du mouvement social maghrébin était timide. Voilà maintenant que Tunis
devient le cœur fécond de la quête de nouveaux paradigmes,
de la construction de nouvelles solidarités et du renforcement
des convergences établies pour une humanité faite de dignité
et non dʼexploitation et de profit.
Ce rendez-vous du mouvement social mondial, dans une
ville meurtrie, doit être lʼoccasion dʼune mobilisation plus forte.
Lʼévolution rapide du monde montre combien les défis sont
changeants et les urgences pressantes.
Voir lʼAfrique dans le tourbillon infernal du fondamentalisme
et du terrorisme est une image encore improbable il y a une dizaine dʼannées. Mais condamner la militarisation du continent,
ainsi que le mouvement social nʼa cessé de le faire, indiquait
une claire conscience des dangers. Lʼalerte avait aussi été sonnée face aux crises multiformes (financière, économique, alimentaire,…), de la fin des années 2000, soulignant les dérives
pouvant découler de lʼinsoutenable précarité des plus démunis.
Mais le néolibéralisme a continué à fabriquer ses exclus et
ses fanatiques de tous les extrêmes. La déflagration est ainsi
devenue générale.
Le contexte actuel donne une responsabilité plus lourde au
Forum de ne pas seulement réfléchir sur des dynamiques et
des résistances, mais de se penser comme force dʼimpulsion.
De peser davantage pour devenir une boussole et un aiguillon
pour ces masses qui, de plus en plus, se trouvent avec des repères brouillés et un avenir flou. Au Nord comme au Sud.
Les urgences sont globales ; elles sont aussi sectorielles. A
la lecture de cette première édition de Flamme dʼAfrique, édité
à lʼoccasion du Fsm 2015, on voit que lʼAfrique interpelle sur
plusieurs questions fondamentales, à travers les diagnostics
posés par des journalistes correspondants de lʼInstitut Panos
Afrique de lʼOuest, dans différents pays.
Boko Haram au Nigeria, accaparement des terres en Mauritanie, la marginalisation des femmes, lutte contre lʼimpunité et
exigence de justice au Mali, etc., tout porte sur des interpellations qui surgiront ici ou là pendant ce Forum, pour mieux éclairer le drame du Musée du Bardo.
Mais lʼécho des armes qui ont ensanglanté la Tunisie ne sʼest
pas encore estompé que les solidarités du mouvement social
affluent (voir page 8). Les populations tunisiennes les vivront
au contact de ces dizaines de milliers de personnes qui afflueront de partout dans le monde, mus par le désir de voir se bâtir
«un autre monde possible». n
Tidiane KASSE
L
VOS RÉACTIONS NOUS INTÉRESSENT
FAITES ENTENDRE VOTRE VOIX ET VOS IDÉES !
Parce que les voix de chacun comptent, nous vous invitons à prendre part aux échanges d’idées en rejoignant les groupes
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de discussions sur le site de Flamme d’Afrique. Postez vos commentaires et réagissez de vive voix aux débats !!!
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Les autres voix de l’Afrique
Other voices from Africa
MAURITANIE
THIAM Mamadou
La préoccupante situation de l’accaparement des terres
La problématique de lʼaccaparement en Mauritanie nʼest pas uniquement économique. Elle est sociétale. Les expropriations foncières ne visent que les terres contrôlées, depuis des siècles
ans un pays où la souveraineté, voire la
sécurité alimentaire, reste encore une chimère, on peut parler dʼun gâchis par rapport à la situation des terres agricoles. Sur un
potentiel estimé à 450 000 hectares, près de
200 000 hectare ne sont pas mises en valeur.
En dépit de la règlementation des attributions foncières que gère lʼEtat, elles ne font lʼobjet, en général, que de spéculations. Dans les faits, le foncier,
en Mauritanie, demeure au centre dʼenjeux multiples depuis les années 1980. «Y convergent tous
les impératifs nationaux de respect et de consécration des droits humains, de consolidation de lʼunité
nationale, de renforcement de la cohésion sociale,
de promotion de la femme, de gouvernance et de
libération des énergies, dans un secteur agricole
qui fait vivre plus des deux tiers de la population»,
constate Sarr Mamadou Moctar, secrétaire exécutif
du Forum des Organisations des droits humains
(Fonadh), principal initiateur des concertations
entre le monde rural et les autorités.
Cette situation se traduit par un désarroi pour
«des centaines de milliers dʼhommes, de femmes
et de jeunes, issus de groupes agro-pastoraux,
(qui) voient leur subsistance de plus en plus menacée», se désole M. Sarr, selon qui «la gouvernance
foncière nʼest pas plus soucieuse de sécuriser les
terres indispensables aux petits cultivateurs que les
espaces pastoraux pour leurs homologues pastoraux».
Secrétaire général de lʼOng Kawtaal nʼgam Yellitaaré, en pointe dans le combat contre la spoliation
des terres, Ba Amadou Alpha, y voit même une flagrante injustice sociale qui risque de mener à une
situation explosive.
Pour lui, la gestion foncière actuelle «ne respecte
ni les lois existantes ni lʼintérêt national, encore
moins lʼexpérience des tenures traditionnelles, voire
surtout, les intérêts des paysans, principaux acteurs
économiques en ce domaine. Notre potentiel agricole ne profite quʼà lʼagro-business étranger, via de
faux acteurs économiques qui ne travaillent pas la
terre, juste objet de spéculations financières pour
eux. La facilitation récente de la régularisation des
titres fonciers nʼest quʼun leurre. Elle ne vise quʼà
accentuer la légitimation des propriétés usurpées
aux profits de délinquants en col blanc», déplore M.
Ba.
La problématique de lʼaccaparement nʼest pas
uniquement économique. Elle est sociétale. Les expropriations foncières ne visent que les terres
contrôlées, depuis des siècles voire des millénaires,
par les Noirs du pays, négro-africains et haratines,
D
toujours au profit de la couche arabe beydane
(maures blancs) du pays. «Une question fondamentale qui risque devenir le principal motif de remise
en cause de la construction, toujours en difficulté
de gestation, dʼun Etat unitaire», prévient M. Ba.
EXTENSION DU MONOPOLE
Les terres constituent donc un enjeu majeur. Sarr
Mamadou ne pense pas quʼà court terme cette situation de monopole puisse connaître une rupture.
Selon lui, elle devrait, au contraire, sʼamplifier,
compte tenu du contexte actuel. «Depuis 2010, lʼattribution des terres agricoles (terres de cultures
sous pluie et de décrue) sʼest accélérée. Cette
année-là, le gouvernement mauritanien avait envisagé dʼattribuer 50 500 hectares à une société
saoudienne, Tabouk Eziraiya Errajihii, couvrant diverses parties des communes de Boghé, Dar el
Avia, Ould Birome et Dar el Barka. Cette décision
fut suspendue, grâce à la mobilisation des populations des communes concernées, soutenues par
des organisations de la société civile mauritanienne. Mais, en 2013, 50 000 hectares, au Trarza,
et 31 000, au Brakna, dans les communes de Dar
el Avia, Ould Birome et Dar el Barka, furent alloués
au profit dʼune autre société saoudienne, Al-Rajihi,
sous forme de bail emphytéotique. Des études topographiques réalisées par les autorités laissent
entrevoir de possibles attributions de terres dans
dʼautres départements ».
M. Ba juge que «la logique domaniale actuelle et
le monopole étatique sont le fait exclusivement dʼun
pouvoir despotique. Il faut que les Mauritaniens,
dans toute leur diversité ethnique et sociale, comprennent que seule la lutte en commun contre les
discriminations, pour la transparence, la justice et
la démocratie peuvent sauver ce pays du chaos
vers lequel il se dirige inéluctablement, si rien de
contraire ne sʼy oppose ». Il pense que les mentalités évoluent, lentement mais sûrement, vers la nécessité du renversement de lʼordre établi.
Il reste à évaluer les conséquences désastreuses
de lʼaccaparement des terres. Tant sur les relations
entre lʼEtat et les populations rurales que sur lʼenvironnement.
En Mauritanie, signale Ba, « les terres cultivables
ne couvrent pas 0,5% du territoire ». Lʼessentiel des
activités agricoles se situe dans la Vallée du fleuve
Sénégal où sont concentrées les populations
noires. Des communautés villageoises étouffent
dans leur espace, au point de ne plus trouver où enterrer leurs morts.
Dʼautres sont privées, par des exploitations de
Femmes, parias de la terre
e mode de propriété en
Mauritanie est demeuré
de type traditionnel qui
ne fait pas de place aux
femmes. La loi foncière précisait pourtant que «tout mauritanien,
sans
discrimination
dʼaucune sorte», pouvait accéder à la propriété du sol. Faudrait-il mettre les points sur les
i, en précisant «tout Mauritanien ou Mauritanienne» ?
Dans les faits, les terres exploitées par les femmes - maraîchage ou autres cultures
secondaires - sont mises à leur
disposition, sans quʼelles en
soient ni deviennent propriétaires, quoiquʼelles puissent introduire des demandes en ce
sens auprès des autorités administratives. « Les femmes ont
cependant accès à la propriété
de parcelles de terre à usage
dʼhabitation », précise Kadiata
Malick Diallo, députée lors de la
législature 2007-2013.
En Mauritanie, comme partout ailleurs en Afrique, les
femmes sont à lʼorigine de 70%
de la production alimentaire.
Elles constituent la moitié de
la main-dʼœuvre agricole et
prennent en charge 80 à 90%
L
de la transformation, du
stockage et du transport des
aliments, ainsi que des travaux
de sarclage et de désherbage.
«Mais elles ne disposent dʼaucuns droits fonciers», regrette
Mee Lalla Aicha Cheikhou Ouédraogo, consultante en genre,
développement et leadership
féminin. Ces droits sont souvent détenus par des hommes
ou des familles contrôlées par
des hommes, et les femmes nʼy
ont généralement accès que
par lʼintermédiaire dʼun parent
de sexe masculin. Elles ne peuvent décider de lʼusage de ces
terres. Cʼest cette dépendance
à lʼégard des hommes qui place
de nombreuses femmes en situation de vulnérabilité.
Des voix militantes commencent à se lever et tentent dʼintroduire ou de proposer des lois
qui garantissent les droits fonciers des femmes, combattant
les normes et pratiques sociales iniques.
A cet égard, lʼexemple vécu
par les femmes qui exploitent
les périmètres autour de la
plaine rizicole de Boghé est édifiant. «Chaque année elles perdent une part importante de
leur production de légumes, explique Lalla Aïcha, juste parce
que lʼunité de gestion de cette
plaine,
dirigée
par
des
hommes, a décidé de fermer
les vannes de la motopompe
qui lʼirriguait, faisant fi des cultures saisonnières poursuivies
par ces maraichères. Cʼest
pourtant cette production de légumes qui approvisionne le
marché local, alimentant les familles de ces dirigeants masculins».
Lʼexclusion des femmes de la
propriété foncière agricole résulte, selon Sarr Mamadou
Moctar, secrétaire exécutif du
Forum des organisations des
droits humains (Fonadh), «en
premier lieu, de traditions coutumières qui vivent dans la tête
des gens et non pas dans des
textes règlementaires. Victimes
dʼun droit foncier ancestral, les
femmes cherchent à obtenir et
sécuriser leur accès à la propriété terrienne. Cela nécessite
un vaste travail de sensibilisation et une discrimination positive en leur faveur», comprise
et mise en œuvre par les communautés elles-mêmes. n
THIAM M.
voire des millénaires, par les Noirs du pays, négro-africains et haratines, toujours au profit de la couche arabe beydane (maures
blancs) du pays.
type latifundiaire, des couloirs de transhumance et
des pâturages sur les terres quʼelles réservaient à
cette fin, selon une répartition experte et fonctionnelle des zones rurales.
Dʼaprès Ba, lʼEtat nʼa même pas la bonne âme de
respecter un espace vital, si petit soit-il. Dans plusieurs localités, il exproprie jusquʼaux pâturages
des animaux, au mépris du droit le plus élémentaire. Cʼest par exemple le cas dans les environs de
Dar El Barka où le bétail, privé de pâture, pénètrera,
forcément, dans les zones protégées. Encore faudrait-il que ces dernières existent encore. Tout
comme les cimetières, elles sont le plus souvent
également attribuées aux spéculateurs. Une mise
sous coupe réglée qui empêche tout développement de lʼagriculture et lʼélevage vivriers, sources
exclusives de revenus dans ces zones.
A Diatar, les populations ne disposent plus, autour de leur village, que dʼune bande de quarante
mètres dʼespace vital. A Donnaye, on part enterrer
les morts au Sénégal. Dans la plaine de Boghé, on
a bloqué, à dessein, lʼirrigation naturelle des terres
cultivables quʼon a vendu à des Marocains. En réalité, on se moque de la nature et même de la nature
humaine. «Cʼest une politique, non seulement, de
spoliation inacceptable, mais aussi sauvage de
gestion insensée de lʼespace qui ne tient aucun
compte des besoins élémentaires de la nature et de
lʼhomme», fulmine encore M. Ba.
Pour avoir dénoncé cette situation, en novembre
2014, lors dʼune caravane menée dans le sud mauritanien, destinée à sensibiliser les populations sur
les questions foncières et la législation rurale en
rapport avec lʼesclavage, Biram Dah Abeïd, président dʼIra-Mauritanie, son vice-président Brahim
Bilal Ramdhane et Djiby Sow, président de Kawtal
Nʼgam Yellitaaré, ont été condamnés, le 15 janvier,
à deux ans de prison ferme, au seul motif de «désobéissance à lʼautorité». Celle-ci ne pouvait pas
mieux avouer son implication dans lʼexploitation
éhontée du terroir et des populations en Mauritanie... n
Paysans du sud mauritanien.
ACCAPAREMENT DES TERRES
Une loi floue qui couvre tous les abus
ujourdʼhui,
comme
nombre de pays africains, la Mauritanie disposede terres vierges pas encore
mises en valeur. Le grand défi,
cʼest le manque de transparence
dans la gouvernance foncière. Au
regard de lʼarticle premier de lʼordonnance 83.127 du 5 juin 1983,
«la terre appartient à la nation.
Tout Mauritanien, sans discrimination dʼaucune sorte, peut, en
se conformant à la loi, en devenir
propriétaire, pour partie ». On
trouve là un flou ouvrant à tous
les abus, notamment dans la distribution des terres et les différents décrets dʼapplication lʼont
entériné.
La nation cʼest, a priori, lʼensemble des populations mauritaniennes qui étaient, depuis des
siècles, les propriétaires légitimes de ces terres. Mais ce qui
est suggéré, ici, cʼest que ces populations nʼen gèrent plus directement la propriété. Une « loi » évidemment celle de lʼEtat dont
on ne prononce pas le nom - est
appelé à en distribuer «une partie» à «tout Mauritanien, sans
discrimination dʼaucune sorte»,
qui en ferait la demande. On a
ainsi fait appel au contrat social
des sociétés modernes occidentales, qui lie lʼEtat et lʼindividu
pour réduire, à néant, le contrôle
direct quʼavaient les populations
locales sur leur territoire. Le seul
A
moyen de le reprendre, cʼest de
se mobiliser contre lʼaccaparement et dʼengager un dialogue inclusif, pour trouver une issue
honorable, juste et durable, aux
différentes violations des droits
fonciers des populations rurales
mauritaniennes.Mais pas seulement mauritaniennes.
Ba Amadou Alpha, secrétaire
général de lʼOngKawtaalnʼgamYellitaaré, préconise le respect
du droit coutumier afin de rendre
aux populations rurales mauritaniennes le contrôle sur les ressources de leur territoire. «On ne
peut pas, comme le fait la Mauritanie, exiger des documents de
propriété à des gens qui nʼont
connu, pour seule écriture, que
lʼécriture religieuse». Face à une
population majoritairement analphabète, il appartient à lʼEtat et à
ses soutiens de la société civile
et des bailleurs de fonds dʼimpulser une dynamique économique,
centrée sur lʼéducation de base
et affermie par un soutien financier et technique conséquent. «Si
lʼEtat mauritaniens avait réellement mis, depuis 1960, les centaines de milliards dépensés,
officiellement, dans lʼagriculture,
à la disposition des paysans, plutôt que de privilégier les spéculateurs fonciers, il ne resterait
sûrement pas aujourdʼhui un
mètre carré cultivable en jachère
dans le pays. Mais on a préféré
soutenir une politique raciste et
discriminatoire de dépossession
des noirs de tous les rouages de
lʼéconomie nationale. Il faut y
mettre fin et développer une véritable planification du secteur
agricole par la base, qui mettrait
le paysan au centre de tout, privilégiant leur organisation communautaire,
la
formation
technique et gestionnaire des
projets agricoles, et, surtout, le
contrôle effectif, par les paysans
eux-mêmes, des ressources
mises à leur disposition par les
pouvoir publics et les bailleurs de
fonds, sous lʼégide dʼun projet
global de développement participatif. Dans cette optique, cʼest
aux paysans eux-mêmes quʼil reviendrait de répondre, par exemple, à la question suivante : à qui
et pourquoi attribuer un montant
du Crédit agricole ? »
Et M. Ba de donner des chiffres :«En juin 2014, à la veille de
lʼélection présidentielle, le gouvernement décida dʼéponger plus
de onze milliards dʼouguiyas de
dettes au Crédit agricole. Mais
les petits paysans nʼétaient
concernés quʼà hauteur dʼun peu
plus de 900 millions, soit moins
de 10% du total. Tout le reste est
parti dans les poches de spéculateurs déguisés en agriculteurs,
avec la complicité honteuse du
pouvoir en place ! ». n
THIAM M.
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Les autres voix de l’Afrique
Other voices from Africa
MAURITANIE
Le long et difficile chemin vers la parité
Les avancées sont importantes dans la représentation des femmes en Mauritanie, mais
les ambitions plus grandes encore. Aujourdʼhui, les yeux sont rivés sur lʼinstauration
dʼune parité intégrale et les difficultés ne manquent pas dans cette quête.
Les avancées sont importantes, mais
les ambitions plus grandes encore. Aujourdʼhui, les yeux sont rivés sur lʼinstauration dʼune parité intégrale. «On voit que
le Sénégal nous dépasse de très loin,
puisque la parité y est banale», note Mme
Diallo. Mais déjà, au-delà des acquis politiques, les fonctions administratives connaissent aussi une évolution notable.
Ainsi la représentation des femmes a été
rehaussée au gouvernement, où elles
sont sept femmes sur vingt-huit ministres.
Par contre, lʼadministration territoriale, qui
met en contact direct avec les communautés, demeure un bastion presque
inexpugnable. On ne note aucune femme
gouverneur, comme, par ailleurs, et de la
diplomatie qui ne compte que deux ambassadrices.
Le groupe de Plaidoyer des Femmes reçu par le président du parti Tawassoul.
l y a comme une révolution qui se
dessine en Mauritanie, en matière de
représentation féminine dans les espaces de décision. On ne peut encore
parler de rupture par rapport à lʼordre social, mais des pas importants ont été franchis. Dans les années 1980-90, le taux de
femmes ministres ne dépassait guère
4%. Il atteint, aujourdʼhui, 25%. Les mêmes tendances se dessinent dans dʼautres sphères de gouvernance.
On peut parler de 2006 comme année
charnière, avec lʼordonnance qui accorda
un quota de 20% aux femmes dans les
postes électifs. Résultat : plus de 35% de
représentativité féminine dans les con-
I
seils municipaux, 21%, à lʼAssemblée nationale et 16%, au Sénat. «Ce fut une
grande avancée, parce que la représentation antérieure des femmes ne dépassait pas 3%, toutes fonctions confondues.
La loi sur le quota accordée aux femmes
a été modifiée en 2011, sans quʼun objectif chiffré ne soit défini. Et lors des élections de 2013, le quota de 20% a été
dépassé, même si le mécanisme ne le
garantissait pas. Ce résultat a été obtenu
parce que des partis ont volontairement
placé des femmes en tête de liste», souligne Mme Kadiata Malick Diallo, députée
à lʼAssemblée nationale, lors de la législature 2007-2013.
LOIN DE LA PARITE
Consultante en genre, développement
et leadership féminin, Lalla Aïcha Cheikhou Ouédraogo salue les avancées.
«Certes, les progrès enregistrés sont loin
de la parité et même en deçà des engagements internationaux et nationaux pris
par lʼEtat, via la Convention sur lʼélimination de toutes les formes de discriminations envers les femmes, les Objectifs du
millénaire pour le développement, le
Code du statut personnel et la Constitution mauritanienne. Cependant ils méritent dʼêtre encouragés et valorisés. Car
hisser la femme dans les plus hautes
sphères de prises de décision contribue
à lutter contre son exclusion et sa marginalisation, lui permettant de sʼassocier à
lʼœuvre de construction nationale et à
lʼancrage de la culture démocratique dans
le pays», confie-t-elle.
Mais ces satisfactions cachent mal un
biais que Lalla Aïcha nʼocculte guère. Car,
malgré cette visibilité accrue dans lʼespace publique et les centres de décision,
«la femme rurale reste sous-représentée.
Cʼest criant au parlement, suite au recul
enregistré après le dernier dialogue qui
conduisit à la révision de diverses lois,
dont celle de 2006 sur le quota des
femmes et du mécanisme qui lʼaccompagnait. Du coup, les intérêts et besoins des
femmes en milieu rural sont rarement pris
en compte, alors que leur contribution à
lʼéconomie et au développement du pays
est indéniable», note-t-elle.
ECARTS IMPORTANTS ET
MESURES PRATIQUES TIMIDES
Officiellement, il existe depuis 1995 une
Stratégie de la promotion de la femme,
réactualisée en 2008. «Mais, regrette
Mme Diallo, il nʼy a eu, comme mesures
concrètes garantissant une implication
réelle des femmes dans les centres de
décision, que la loi sur la représentation
dans les mandats électoraux et les fonctions électives. Il nʼexiste donc aucune
contrainte pour le gouvernement, dʼaccorder une bonne représentation des femmes dans les fonctions administratives,
alors que ce serait la chose la plus facile.
Il faut noter que la Promotion de la
femme, depuis le coup dʼEtat de 2008,
est réduite à une simple Direction, noyée
dans le ministère des Affaires sociales, de
la Famille et de lʼEnfance, et lʼon ne perçoit aucune approche genre dans les autres départements ministériels», se
désole-t-elle.
Question de volonté politique, lʼancienne députée rappelle, par ailleurs, que
«la convention des Nations unies sur lʼélimination de toutes les formes de discrimi-
nations à lʼégard des femmes, a été ratifiée, dans un premier temps, avec une réserve générale sur tout ce qui pourrait
être contraire à la Charia». Il aura fallu
beaucoup de combats de femmes mauritaniennes et de pressions internationales, avant que la Mauritanie ne précise
sur quels points portait sa réserve. A savoir certains aspects du mariage et de
lʼhéritage. Les voix continuent à demander la levée de ces réserves, arguant de
ce que divers autres pays musulmans
sʼen sont abstenus.
A cela sʼajoute le fait que le Code de la
famille, élaboré sans la participation de
beaucoup de segments de la société.
Dʼautres droits, non-politiques, des femmes - droits socio-économiques et culturels, intégrité physique et morale - sont
négligés et la Mauritanie accuse encore
du retard, voir des écarts, importants, en
ces domaines.
La pauvreté, lʼanalphabétisme, la persistance dʼus et coutumes rétrogrades,
voire néfastes, forment, trop largement
encore, le lot quotidien des femmes surtout celles issues de couches défavorisées et discriminées (esclaves ou
castées,…).
«Il y a plus grave, relate Lalla Aïcha, avec la recrudescence inouïe des
violences dirigées contre les femmes.
Adultes, adolescentes et fillettes sont régulièrement victimes de kidnapping, traite
humaine, violences conjugales, harcèlement dans les lieux de travail, viols et autres agressions sexuelles... Ces actes
devenus quotidiens brisent toutes nos valeurs socioculturelles et nos bonnes
mœurs islamiques. Ils sont contre nature
et contraires à notre sainte religion qui
donne, aux femmes, une place privilégiée
dans notre société». n
Mamadou THIAM
POLITIQUES MIGRATOIRES
Durcissement des lois et difficile pari de l’intégration
Ayant quitté la Cedeao, la Mauritanie a signé des conventions facilitant lʼétablissement
et la circulation des personnes avec certains de ses voisins immédiats, notamment le
Sénégal, le Mali ou la Gambie. Mais depuis 2012 on ne compte plus les Subsahariens raflés et reconduits à la frontière.
a migration rapproche les hommes. Dans la
sous-région ouest-africaine, elle nʼa jamais
été vécue comme un problème par les peuples de cet espace qui partagent des liens séculaires, voire millénaires. Cʼest la thèse que défend
El Hadj Amadou Mbow, secrétaire général de lʼAssociation mauritanienne des Droits de lʼhomme
(Amdh). Pour lui, «la migration est un facteur dʼintégration par excellence. Car elle permet les
échanges socioculturels et économiques et favorise
les brassages».
Dès sa fondation, rappelle M. Mbow, la Cedeao a
inscrit lʼintégration régionale en objectif principal.
Pour lʼatteindre, elle a mis en place divers outils
comme le protocole sur la libre circulation des personnes et des biens, bientôt complété par de nombreux autres textes additionnels. Et, de fait, «le
meilleur moyen pour développer lʼintégration régionale reste bel et bien la libre circulation des personnes comme lʼattestent les espaces ainsi
organisé, à lʼinstar de celui de Schengen».
Cependant, lʼintégration régionale est aujourdʼhui
marquée par de multiples problèmes liés à la migration, que celle-ci soit pendulaire, saisonnière,
transitoire ou à durée indéterminée. Aussi doit-elle
être «impulsée par dʼautres facteurs sociaux et,
pourquoi pas, économiques», recommande Ibou
Badiane, secrétaire de la Fédération des associations de migrants de lʼAfrique de lʼOuest en Mauritanie (Famam). Et de poursuivre : «Prenons
lʼexemple des relations entre le Sénégal et la Mauritanie, ou la Mauritanie et la Côte dʼIvoire. Malgré
les difficultés que rencontrent les ressortissants de
ces pays, dans lʼamélioration de leurs conditions de
séjour et dʼexercice professionnel, dʼautres facteurs
sont entrés en jeu et ces pays ne peuvent se passer
lʼun de lʼautre. Ainsi le Sénégal a besoin de la Mauritanie qui va lui fournir de lʼénergie à partir du gaz.
Il y a aussi les ressources halieutiques qui ont, depuis belle lurette, contribué à sceller davantage les
relations entre les deux pays, jadis directement unis
L
par lʼhistoire mais aussi, toujours aujourdʼhui, la
géographie, la religion et la culture. Le Sénégal est
également grand pourvoyeur de pâturages pour le
bétail mauritanien. En ce qui concerne la Côte
dʼIvoire, lʼimportante communauté mauritanienne
qui y réside – des commerçants, pour la plupart –
enrichissent autant leur propre pays que celui qui
les accueille. Voilà pourquoi, et quels que soient les
problèmes migratoires, lʼintégration régionale ne
doit pas souffrir. Le facteur économique renforce le
droit, international, de libre circulation des personnes et des biens, quʼaucun pays dʼorigine, de
transit ou dʼaccueil ne saurait méconnaître ».
La circulation dans lʼespace Cedeao est fluide,
malgré les tracasseries quʼon peut éprouver à
toutes les frontières où le racket est devenu monnaie courante. Cʼest partout vrai, pas seulement
aux frontières mauritaniennes quʼil suffit de franchir
pour constater la réalité. «La généralisation de la
carte séjour a permis aux autorités de refouler des
étrangers tant aux frontières quʼà lʼintérieur du pays,
ainsi quʼon peut le constater à Nouakchott ou Nouadhibou». Car de pays de transit, la Mauritanie est
devenue, ces dernières années, un pays dʼétablissement, pour migrants échoués sur le chemin de
lʼEurope.
Suite au retrait du pays de la Cedeao, en 1999,
et le durcissement progressif de la législation mauritanienne, culminant, en 2012, avec lʼétablissement
dʼune carte de séjour pour tous les étrangers, afin
de contrôler les flux migratoires, le statut de migrant
en Mauritanie est synonyme dʼun quotidien de plus
en plus difficile. Les luttes contre le terrorisme et les
trafics en tous genres contribuent également à
amoindrir la libre circulation des personnes et des
biens.
PRÉFÉRENCE NATIONALE
Certes, la Mauritanie avait signé, naguère, des
conventions facilitant lʼétablissement et la circulation des personnes avec certains de ses voisins im-
Bouchon sur un des axes routiers de Mauritanie.
médiats, notamment le Sénégal, le Mali ou la Gambie, mais depuis 2012 on ne compte plus les Subsahariens raflés et reconduits à la frontière, faute
dʼune carte de séjour dont le montant de 75 euros
est jugé exorbitant. «Des agissements répréhensibles, marqués par des délits de faciès qui heurtent», relate Awa Seydou, blogueuse. Ibou Badiane
fait remarquer que «les expulsions sont encore de
mises, quoiquʼà un rythme ralenti grâce à lʼaction
de certains ambassadeurs qui ont attiré lʼattention
des autorités mauritaniennes sur la façon dʼinterpeller et dʼexpulser les ressortissants ouest-africains, principales victimes de cette rigueur.
Toutefois, ajoute-t-il, ces faits liés à la nécessité
dʼune régularisation quʼon retrouve dans dʼautres
pays ne doivent pas constituer un frein à lʼintégration régionale. Il faut, à cette fin, que les Etats se
concertent périodiquement, continuent de tenir des
commissions mixtes, de revisiter les conventions
qui les lient, les dépoussiérer et les adapter au
contexte de lʼheure. Sinon, lʼimage de la Mauritanie
sʼen trouvera écornée ».
La préférence nationale apparaît nettement dans
le domaine des transports. La Mauritanie y a particulièrement durci sa législation, en interdisant, sur
son territoire, la circulation de camionneurs et de
conducteurs de véhicules de transport en commun,
notamment sénégalais et maliens, et instaurant, en
2013, lʼobligation du « Permis vert ». Ce document,
délivré uniquement aux nationaux, est désormais
exigé pour la conduite des véhicules de transport
en commun en Mauritanie. Cette mesure suscita
une véritable levée de boucliers au sein des communautés de migrants, et constitua un point de désaccord tenace avec le Mali et le Sénégal dont
beaucoup de ressortissants occupaient la profession de taximen en Mauritanie.
Avocate et présidente dʼhonneur de la Fédération
Internationale des Droits de lʼhomme, Me Fatimata
MʼBaye demande une « clarification de cette situation ». Elle plaide pour une harmonisation des pratiques, afin de palier à une «forme dʼescroquerie
dont sont victimes certains migrants voulant se
doter dʼune carte de séjour, comme lʼexige leur
pays dʼaccueil». A ses débuts, la délivrance de
celle-ci était empreinte de lourdeurs, formalités et
droits dʼoctroi clientélistes. Un classique, en Mauritanie.
Autre classique quʼévoque lʼavocat Me Lo
Gourmo, «la Mauritanie est le pays au monde qui
compte le plus de poste de contrôle au kilomètre de
goudron. Sur lʼaxe Nouakchott-Rosso, on en dénombrait pas moins de douze en décembre dernier,
répartis entre la police et la gendarmerie, soit un
tous les 17 kilomètres !»
Avec les tracasseries subies aux quarante-cinq
points dʼentrée sur le territoire, tant les Mauritaniens
que les étrangers nʼont pas fini de souffrir de ces
entraves de tous ordres qui freine lʼintégration régionale, dans lʼespace Cedeao… augmenté de la
Mauritanie. n
M. THIAM
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à
Les autres voix de l’Afrique
Other voices from Africa
CAMEROUN
Boko Haram in Northern Cameroon and the impact on women’s rights
The violent and extremist militant group Boko Harm, intent on creating an Islamic State, has expanded its activities into northern
Cameroon, providing a real threat to womenʼs rights. Gender-based violence and gender-based inequalities are increasingly
Victoria OKOYE
common characteristics of Boko Haramʼs activities, and the groupʼs ideologies and actions aim to severely limit and roll back
womenʼs basic political, social and religious rights as part of establishing an extremist and fundamentalist Islamic regime.
rom its start in 2002 and
escalation to violence in
2011 in Nigeria, Boko
Haram forces have crossed into
the borders of not only Cameroon, but also Chad and Niger,
creating a regional security
threat. In each instance, the
group has attacked national police and army, politicians,
schools, religious buildings and
public institutions as well as civilians; the group is responsible for
the deaths of more than ten
thousand people and displacement of an estimated 1.5 million
people.
According to the Journal for
Terrorism Research, genderbased violence is an increasingly common tactic employed
F
Boko Haram Kidnapped Schoolgirls.
by Boko Haram. In northern
Nigeria, the kidnapping of more
than 2000 schoolgirls from their
community, in April 2014, has
been well documented.
Expanding into northern Cameroon, the group launched a
series of attacks on schools and
communities, kidnapping women and children in particular,
as well as recruiting male fighters. Kidnappings, forced marriage of young girls and women
to its militant members, rape, enslavement and indoctrination are
some of the human rights abuses commonly perpetrated by
the extremist group.
Boko Haram aims to establish
an Islamic State and create sharian criminal courts based on ex-
tremist and fundamentalist
Islam, according to research by
the Council on Foreign Relations. In fact, the rise of Boko
Haram coincided with the adoption of shariah law in 12 states of
northern Nigeria, and the form of
shariah promoted by Boko Haram employs strict rules on
womenʼs dress, sexual conduct,
gender roles and education, including enforced segregation of
schoolchildren.
The group imposes traditional
and patriarchal gendered norms
that circumscribe emancipatory
rights for women. The institution
of shariah law would create an
Islamic legal system providing
Islamic alternatives to existing
secular governance, and that
typically provides for far fewer
rights for women, affecting their
marital rights, public and legal
rights, with laws on modesty and
others that curtail their presence
in the public sphere via requirements of male guardianship.
Under some forms of shariah
law, women and young girlsʼ domestic physical abuse, child
marriage, limited inheritance
rights, lesser status as witnesses in court are common, as
well as strict male guardianship
and women and girlsʼ requirements to dress modestly. Strict
forms of corporal punishment
such as public stoning, flogging
and cutting off of hands are also
acceptable by law.
Boko Haramʼs existence in
both Northern Nigeria and northern Cameroon presents not only
a political security threat, but a
threat to women and young girlsʼ
basic human rights. n
To address land grabbing, increase women’s representation in decision-making
There is strong need to integrate and promote womenʼs land rights and tenure security into national land
legislation and agricultural development policies. Addressing womenʼs right to land and tackling gender
discrimination in land tenure and use is fundamental to protecting women against land grabbing.
cross West Africa, women play
a critical role in domestic agriculture, which is a main source
of food security for numerous households. However, state governments are
increasingly revoking householdsʼ and
communitiesʼ land access and rights in
favor of business deals with private companies. These “land grabs” - large-scale
acquisitions of land by foreign companies, investment funds and governments, as well as by domestic investors,
usually for agribusiness purposes - revoke women and communitiesʼ access
to land, putting their livelihoods, economic and food security in jeopardy.
According to the international advocacy group Action Aid, 17 percent of
arable land in Senegal has been acquired by private companies in largescale land transactions, primarily for
biofuel cultivation; in Sierra Leone,
agribusiness investors have acquired an
estimated 20 percent of farmland.
Through its research, PIWA has linked
land grabbing and its devastating impacts on women to womenʼs limited levels of participation in governance and
decision-making.
Women face several barriers to securing their land rights. Women, responsible
for household food and family care, form
A
the backbone of the local land economy,
but oftentimes it is men who are at the
center of the land negotiation processes.
Although women may have the rights to
use the land, and in some cases may be
the primary or an equal laborer of the
land, the title of the land is often in the
name of their husbands or fathers. The
result is that women are not in control of
the income obtained in the use of the
land or any decision-making regarding
the use or sale of the land. Such is the
common practice in western Senegal,
despite a national law that considers
agricultural lands as family lands.
The equal right of women to access
and control resources is fundamental to
womenʼs empowerment. Recognizing
the crucial role of women in relation to
land, and legislating to ensure their land
tenure security, are crucial in defending
their rights in the face of land grabbing.
But womenʼs rights to land are rarely
protected in practice.
Womenʼs empowerment in decisionmaking must take place on at least two
levels. On one level, empowering
women with rights to the land on which
they live and work. On a second level,
empowering women at the national level
to influence gender-sensitive policies
that impact all aspects of men and
womenʼs lives.
There is strong need to integrate and
promote womenʼs land rights and tenure
security into national land legislation and
agricultural development policies. Addressing womenʼs right to land and tackling gender discrimination in land tenure
and use is fundamental to protecting
women against land grabbing. These
changes demand more gender-sensitive
decision-makers and policies as well as
stronger implementation to ensure policies that are already in place can maximize their positive impacts. For example,
in Sierra Leone, the 2007 Devolution of
Estate Act not only recognizes womenʼs
right to land ownership, it also criminalizes attempts to deprive a woman from
inheriting her husbandʼs property after
his death.
Increasing womenʼs political representation is an important step to support and
strengthen womenʼs voice in all areas of
society. That said, the majority of West
African countries still drag behind the
global average of women in office. For
more than half a century, a series of
global calls for action and policy documents have agitated to increase the
space for women in political decisionmaking. The earliest was the 1948 Universal Declaration of Human Rights,
which recognized the participation of
women in political decision-making as a
political right.
In 1979 the Convention on the Elimination of Discrimination against Women
ratified by nearly all African countries, affirmed the obligation of states to actively
accelerate the participation of women in
politics and their representation in other
public decision-makcing positions.
The 1990 ECOSOC Resolution
(E/RES/1990/15) recommended a target
of 30 percent womenʼs leadership posts
by 1995 and 50 percent by 2000.
The African Union-adopted Protocol to
the African Charter on Human and Peopleʼs Rights on the Rights of Women in
Africa (the African Womenʼs Rights Protocol) affirmed the principle of equal participation and the use of affirmative
action to ensure equal and effective participation of women in politics. By June
2009, the Protocol was ratified by 27
countries and signed by 45 African countries.
According to the Inter-Parliamentary
In Sierra Leone and Liberia, women
play critical role in fight against ebola
In fight against ebola, a greater proportion of healthcare workers
have been female, and women professionals have also taken on new
roles managing the burials of the outbreakʼs many victims.
n response to the devastating ebola
outbreak, women have emerged at
the front lines as caregivers in their
disease-stricken homes and communities. Since the first confirmed case in
Guinea on December 26, 2013, the outbreak has spread to six West African
countries, with the preponderance of
cases in Guinea, Liberia and Sierra
Leone.
In the midst of the outbreak, women
have risen to the challenge in taking on
leadership roles in managing, to limit and
halt ebolaʼs spread in their communities.
The emerging role of women as healthcare professionals caring for sick patients as well as managing the safe and
dignified burials of deceased ebola patients highlights womenʼs pivotal role.
In Sierra Leone, 11,466 people have
been infected and 3,576 have died. A
greater proportion of healthcare workers
have been female, and women professionals have also taken on new roles
managing the burials of the outbreakʼs
many victims. Traditional funerals and
burial rituals, the ceremonies where
mourners have direct contact with the
bodies of the deceased person, have
I
A health worker checks the temperature of a woman entering Mali from Guinea at the border in Kouremale.
Unionʼs 2014 global assessment of
womenʼs representation at the national
decision-making levels, only Senegal,
with 43 percent representation, has
reached the 30 percent “critical mass”
target set by the international platforms
for action years ago. Three other countries – Mauritania, Equatorial Guinea and
Guinea – have achieved female representation above 20 percent, with 25, 24
and 22 percent, respectively.
From East Africa, Rwanda stands out
as a progressive continental leader in
many ways. In the decision-making
realm, 56% women represent in parliament.
The Rwandan government also actively works to improve womenʼs land access by integrating womenʼs land rights
into national land reforms through gender-sensitive policies. These policies remove formal customary provisions that
encourage gender discrimination, and
they also take into account the special
needs of widows and orphans. n
V. OKOYE
played a role in ebola virus transmission:
As part of pre-burial activities, mourners
wash down and dress the bodies, putting
them in direct contact with the dead personʼs infected blood, bodily fluids and
secretions, and creating a dangerous
opportunity for virus transmission. Burial
practices are estimated to account for at
least a quarter of ebola virus transmissions in Sierra Leone.
At home, it is women who are the primary caregivers to their families and
neighbors, even at considerable risk to
themselves. In Liberia, a group of resourceful and dynamic women public
health specialists have coordinated the
countryʼs national ebola response on behalf of the Liberian Red Cross Society,
overseeing all health activities and supervising the safe and dignified burial
teams that operate throughout the country. Community womenʼs groups, parents and teachers associations, women
farmers and rural womenʼs associations
across the country mobilized to educate
their communities about the risks of
ebola and protecting their families.
Suite at page 5
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à
Les autres voix de l’Afrique
Other voices from Africa
MALI
La Justice transitionnelle au Mali : Etat des lieux
Trois ans après le coup dʼEtat militaire, le Mali cherche aujourdʼhui à sortir des crises multidimensionnelles qui lʼont ébranlé jusque dans ses fondements. La
réconciliation
se trouve au centre de toutes les actions nationales et internationales actuellement menées. Elle constitue aussi une préoccupation générale et
Moussa CAMARA
un idéal pour les Maliens. Mais le processus appelle des changements dans les attitudes, les émotions, les sentiments, les aspirations et aussi les croyances.
Tout comme il est clair que la réconciliation nʼexclut pas la justice.
e 22 mars 2012, la mutinerie qui
a éclaté dans le camp Soundiata
de Kati sʼétait achevée dans un
coup dʼEtat. Résultat : un pays disloqué.
Le Mali en était arrivé là quelques mois
après une montée en puissance de la rébellion armée du Mouvement national de
libération de lʼAzawad (Mnla), suivie de
lʼoccupation des trois régions du nord du
pays - Tombouctou, Gao et Kidal - par
les soldats de cette idéologie littéraliste,
le terrorisme, que sont Al-Qaeda au Maghreb islamique (Aqmi), le Mouvement
pour lʼunicité et le djihad en Afrique de
lʼOuest (Mujao) et Ansar Dine.
La rébellion nʼest pas un phénomène
nouveau au Mali : depuis lʼindépendance, le pays en a connu quatre. Ce qui
lʼest en revanche, cʼest lʼoccupation opérée par lees jihadistes et narco-trafiquants du Mujao, dʼAqmi et dʼAnsar
Dine, qui ont semé la terreur dans les
villes, commis des atrocités et des exactions à lʼencontre des populations.
Le fanatisme religieux, qui a ruiné lʼAfghanistan, embrasé lʼAlgérie, muselé
lʼIran et qui fait que la charia défie la loi
fédérale au Nigéria, sʼétait installée dans
la partie nord du Mali. Des mausolées
ont été détruits, des couples qualifiés
dʼadultèrins ont été fouettés, ceux qui
ont été accusés de vol ont eu la main
coupée…
Les dommages corporels et le traumatisme subis par les populations ont été
immenses : viols de personne, crimes de
guerre… En outre, la rébellion a réveillé
les vieux démons de la division. Au lieu
du régionalisme, on sʼest retrouvé dans
la tribu, signe incontestable dʼun Etat
perdu par sa faiblesse
A Bamako, le coup dʼEtat militaire a
aussi été suivi de crimes commis contre
les militaires restés fidèles au président
déchu ; ce quʼon appelle lʼaffaire dite
«des bérets rouges disparus».
Ensuite est venue lʼaffaire de la mutinerie de Kati, le 30 septembre 2013, au
cours de laquelle des militaires ont disparu, avec comme source de leurs
contestations le non respect des promesses de promotion et dʼaugmentation
de salaire faites par Amadou Haya Sanogo qui venait dʼêtre bombardé général. Le 16 juin 2013, au colloque sur la
justice transitionnelle tenu à Bamako,
Malick Coulibaly, alors ministre de la
Justice et Garde des Sceaux, déclarait
alors : «Les mois écoulés, le Mali a
connu la page la plus sombre de son histoire consécutive à la crise. Cette page
sombre a été marquée par les pires violations des droits humains dans le Nord
du pays (...) Nous nous interdisons dʼoublier les graves violations des droits humains commises dans le sud du pays. Il
L
faut, aujourdʼhui comme hier, reconnaître quʼà la faveur des convulsions sociopolitiques nombreuses et graves ont été
perpétrées des violations du droit à la
vie, du droit à la sécurité de la personne
et du droit à la propriété.».
Mais en matière de droits humains,
des bornes infranchissables sont posées. Depuis le procès de Nuremberg
(1946-1947), des tribunaux ont été établis dans le dessein de juger ceux qui se
sont rendus coupables de crimes contre
lʼhumanité, et cela en vue de permettre
la réconciliation nécessaire pour «recoller les morceaux». Le processus démocratique a repris au Mali, cette quête de
justice demeure fondamentale.
RÉCONCILIATION,
DÉVELOPPEMENT, MAIS
AUSSI JUSTICE
En septembre 2013, Ibrahim Boubacar Keïta, candidat du Rassemblement
pour le Mali (Rpm), a remporté la présidentielle avec 77,62% des suffrages exprimés ; un raz-de-marée électoral qui a
tourné la page dʼune période de transition et placé le pays dans la voie conduisant à remonter la pente des profondes
crises institutionnelle et sécuritaires
creusées par la rébellion et lʼoccupation
du nord par des terroristes.
Ibrahim Boubacar Keïta a été élu pour
construire un Etat de droit. Il a une tache
immense dont les principaux chapitres
sont la reforme de lʼarmée, la réconciliation nationale, la lutte contre la corruption et lʼéducation. Parmi tous ces
chantiers, le plus délicat reste la réconciliation nationale, processus politique
aux implications profondes, néessaire
dans toute société sortant dʼun conflit
comme ce fut le cas dans nombre de
pays dʼAfrique tels le Rwanda ou
lʼAfrique du Sud.
Après les viols, les exactions, la torture, les pillages, les enrôlements dʼenfants soldats, le souhait le plus partagé
au Mali est la réconciliation, le pardon.
Mais, il ne fait aucun doute que tout cela
a un prix : la vérité, la justice. Sous la
transition, Dioncounda Traoré avait créé
une commission dite « Dialogue et Réconciliation». A peine élu, Ibrahim Boubacar Keïta a recadré le projet en
ajoutant le mot «Vérité», comme lʼavait
recommandé le colloque national sur la
justice transitionnelle au Mali, tenu en
2013, avant de lʼenvoyer à lʼAssemblée
nationale.
Editorialiste au journal Le Républicain,
Adam Thiam notait que ceci «nʼenlève
rien à la vision méritoire du gouvernement pour lequel la vérité doit aller audelà des crises répétées de ces
dernières décennies pour affronter le
In Sierra Leone and Liberia, women play critical role in fight against ebola
Suite to page 4 - Womenʼs groups
organized door-to-door public health
campaigns, informing their neighbors in
local communities, speaking on radio
programs and providing proper handwashing demonstrations in markets and
town centers. The result: as of early
March, the spread of ebola had slowed
to a trickle, with recorded new cases of
ebola patients in the single digits. Likewise, women have also played a catalytic role in Sierra Leoneʼs ebola
response. In August 2014, Sierra
Leoneʼs Emergency Operations Center
established a toll-free, nation-wide
ebola call center to encourage public reporting of possible ebola cases and
deaths to public health officials, and to
provide public education.
The call centerʼs dispatchers alert dis-
trict-level response teams to respond to
possible ebola cases and deaths, to
transport infected persons and provide
safe and dignified medical burials.
Equipped with protective suits, gloves
and goggles, these burial response
teams handle the burial rites, rather
than the families themselves.
In December 2014, the International
Federation of Red Cross and Red Crescent Societies (IFRC) reported that it
had integrated four women into its ten
burial teams working across Freetownʼs
Western Area district, and these woman
play a critical role in bringing health
knowledge and weaving through social
practices to fight the virus.
Red Cross beneficiary communicator
David Don explained the importance of
women to aiding their effort at that time:
“When families see a female team
A Konna, une des villes du Nord Mali reprise aux islamistes.
mal à sa racine. Ainsi donc, les exactions, atrocités commises par lʼEtat et les
rébellions depuis 1963 seront concernées. Cʼest dire que les autorités ont pris
en compte lʼimpératif de devoir de mémoire que réclamaient des cadres de la
rébellion, notamment Kel Tamasheq et
ce en relation avec la manière dont la révolte de Kidal a été réprimée en 1963
ainsi que les représailles exercées par
lʼarmée contre des populations civiles
nomades au cours des rébellions ultérieures. Le côté surréaliste de la concession est que le travail de mémoire
essentiel au retour durable de la paix et
de la confiance ouvre le procès dʼune
époque et dʼune pratique. Il sʼagira - et
ce nʼest pas la chose la plus simple - de
gérer alors lʼopinion dominante qui est
celle du sud. Acceptera t-elle de voir
dans son héros Dibi Silas Diarra lʼéventreur ou le dynamiteur en série de sim-
ples bergers ou dʼépouses de bergers,
comme tendent à lʼaccréditer les versions du «Nord» ?».
La remise à plus tard de la mise en
place de la Commission, par le gouvernement, nʼest pas vue dʼun bon œil par
ceux qui estiment quʼelle aurait dû être
mise en place bien avant les pourparlers, pour participer aux négociations en
proposant une politique de réconciliation
nationale aux différentes parties et sur la
base de laquelle les responsabilités des
uns et des autres allaient être fixées.
Cela aurait facilité la divulgation de la vérité, la cicatrisation et la réparation à défaut dʼune justice équitable pour tous.
La Commission aurait pu, compte tenu
des missions qui lui sont assignées, porter le processus de réconciliation et
amener lʼopinion nationale à se lʼapproprier. Car elle consistera, quelle que soit
la gravité des crimes commis, à «socia-
biliser la justice».
Au ministère de la Justice, Sylvestre
Kamissoko, chargé de Communication,
affirme quʼils sont «en train de mettre en
place des groupes mobiles qui vont permettre aux victimes de mieux sʼexprimer,
en dénonçant ce qui leur est arrivé. Ces
groupes vont faire remonter les informations à une autre structure qui va les traiter».
A la question de savoir si les victimes
dʼexactions au nord seront autant prises
en compte, il rétorque que «Le gouvernement est en train de prendre des mesures et de voir comment les indemniser.
Actuellement aucun juge ne peut aller au
Nord ; tout le monde sʼarrête à Gao. Dès
quʼil y aura la paix, les juges seront redéployés et pourront rendre justice. Tant
quʼil nʼy a pas la paix, on ne peut rien
faire. Après la paix, il y aura la justice,
lʼindemnisation.» n
MOCTAR MARIKO - PRESIDENT DE LʼASSOCIATION MALIENNE DES DROITS DE LʼHOMME
«Il y a un manque de volonté politique vis-à-vis des victimes»
n quoi la justice transitionnelle
peut-elle être utile au Mali ?
Moctar Mariko : Notre pays a
connudes exactions depuis la première
République(Ndlr sous le régime de Modibo Kéita). Beaucoupde politiciens ont
été emprisonnés non pas pour des infractions commises,mais en raison de leur
opposition aux dirigeants de lʼépoque.
Avec lʼavènement de la 2ème République, après le coup dʼEtat de Moussa
Traoré en 1968, cʼétait encorepire. Il ya eu
des exactions etdes déportations entre
militaires. Avec la crise de 2012, on a
constaté, pour la première fois dans les
E
member, they feel a lot more comfortable with this form of burial. I have noticed less reluctance since we had a
woman join our team... Having her
dress a female body helps to give the
family more dignity,” he said. One of
these women is Fatmata Sowa a 28year-old mother of two, who said: “All
around me, people are dying everybody
because of ebola. Safe burials help to
stop this.”
As of early March, the Centers for Disease control has counted 23,934 total
confirmed cases of ebola in the three
hardest-hit countries, with 9,792 total
deaths. At the same time, across these
countries, women have been at the center of the effective public health response to the outbreak. Women
continue to step up to address health,
social and their communities concerns,
ensuring that ebola is on its way out. n
V. OKOYE
rébellions cycliques au Mali, beaucoup de
violences sexuelles. Des femmes ont été
violées. Même des hommes voulant sʼopposer à la charia ont étéhabillés en
femme pour être violés à Gao et Tombouctou.
Il faut appelerlesMaliens àévoquer ce
passé en vue debâtir ensuite lʼavenir. Dʼoù
lʼidée du mécanismedejustice transitionnelle qui nous permettra de purger le
passé,faire ressortir les crimes imprescriptibles.
Pensez-vous que la prise en charge
des cas de crimes et autres violations
des droits de lʼhomme se fait comme il
se doit par les autorités ?
Les autorités ont permis lʼadoption, par
lʼAssemblée nationale, dʼune loi sur lʼindemnisation des victimes en 2012. Mais
jusquʼà présent cette loi nʼa pas de décret
dʼapplication. Nous avons aussi constaté
que les politiques sont en train de reléguer
les victimes au second rang, parce que ce
qui se fait se passe à leur insu. LʼEtat nʼa
pas mis les moyens nécessaires pour travailler à lʼindentification des victimes.
Par exemple, les critères nʼont pas été
définis pour savoir qui est victime ou ne
lʻest pas. Or vous ne pouvez pas parler de
loi dʼindemnisation sans direqui doivent
être indemnisés. Cʼest un manque de volonté politique de la part de lʼEtat.
Que pensez-vous de lʼopérationnalisation de la Commission Vérité, justice
et réconciliation prévue par le projet
dʼaccord signé le 1er mars à Alger
entre le gouvernement du Mali et certains groupes armés ?
Cʼest une bonne chose quʼon ait pris en
compte la justice transitionnelle par lʼopérationnalisation de la Commission. Cʼétait
lʼun de nos combats. Le mécanisme va
certainement prendre en compte beaucoup dʼaspirations des victimes et les restaurer dans leur dignité. Cependant je
pense quʼil doit y avoir un débat pour définir les critères de choix des animateurs
de la commission. Libre ensuite au gouvernement de choisir. Mais pour lʼinstant
jʼai des appréhensions au sujet de cette
commission qui pourrait être instrumentalisée par les hommes politiques. n
Propos recueillis par V. OKOYE
Page 6
Les autres voix de l’Afrique
Other voices from Africa
à
«LES FEMMES ET LA GOUVERNANCE»
BENIN
Ces citadelles imprenables pour les Béninoises
Flore NOBIME
Signataire de toutes les conventions en faveur de la promotion des droits de la femme, le Bénin peine à traduire en actes concrets tous ces engagements. Les
avancées sont timides et le constat est unanime autour de la sous-représentation des femmes dans les instances de prise de décision à tous les niveaux.
lles font 51,2% de la population béninoise. Mais si plus dʼun Béninois,
sur les dix millions dʼhabitants que
compte ce pays est une Béninoise, ainsi
que lʼindique le dernier recensement national de 2013, elles disparaissent au fur
E
et à mesure quʼon sʼapproche des
grandes instances de décisions. Les
avancées juridiques en matière dʼégalité
entre les sexes sont dans les textes, dans
la réalité les faits sont autres. Le gouvernement, le parlement, les conseils com-
Vicentia Bocco, Présiente de l'INPF lors de la réunion de plaidoyer avec les
partis politiques pour le bon positionnement des femmes sur les lis.
munaux, les sociétés ou offices, en dehors de quelques «trompe-œil», se dressent comme des citadelles imprenables.
Quand des acquis se dessinent, cʼest
pour sʼévanouir au plus vite.
Au cours des cinq dernières années, le
taux de femmes au gouvernement a
baissé de 30,70% à 14,81%, alors que le
chef de lʼEtat béninois déclarait, en 2014,
lors du sommet du Nepad, sʼinscrire dans
cette tendance à la parité pour une représentativité à 50%. Au parlement, la présence féminine nʼa jamais dépassé les
10% depuis 1990, quand lʼespace démocratique a commencé à sʼélargir avec les
conférences nationales. Pour la législature finissante, les huit femmes quʼon
comptait sur 83 députés (9,63%), au
début en 2011, elles sont passées à six
(7,22%). Quant aux 77 mairies du pays,
une seule compte une femme à sa tête et
leur représentativité dans les conseils
communaux nʼa jamais dépassé les 5%
depuis 2002.
Dans les autres instances, le tableau est
tout aussi sombre. Les hommes dictent
leur surnombre là où on nʼenregistre
quʼune femme sur six préfets de départements, deux femmes sur sept membres
à la Cour constitutionnelle, deux sur treize
à la Haute cour de justice et trois sur
trente au Conseil économique et social.
Cet état des lieux sur la faible représentativité tant à la base quʼau sommet limite la
participation et le rôle des femmes en tant
quʼactrices du développement.
Complexe dʼinfériorité, manque de
confiance en soi, amateurisme en politique, préjugés et pesanteurs socioculturelles, lʼéventail dʼexplications est large
pour tenter de cerner les raisons dʼune
telle minorisation pour ce que représente
une majorité démographique.
Expert en gouvernance démocratique,
Gilles Badet nʼhésite pas à soulever les
responsabilités de lʼEtat. «Cʼest une violation des droits des femmes, une injustice
et une discrimination à leur égard. Tout citoyen a des droits politiques, notamment
le droit de participer à la gestion des affaires publiques de la cité. La passivité de
lʼEtat dans ce déficit de représentation fé-
minine est une faute, un manquement à
ses obligations nationales et internationales de la part de lʼEtat», soutient-il. La
création de lʼInstitut national pour la promotion de la femme (Inpf), placé sous la
tutelle du président de la République, nʼa
pas apporté le déclic attendu. Dans son
impuissance à remplir sa mission, il ne lui
reste que les critiques et les dénonciations
devant la non prise en compte de ses recommandations découlant des études et
enquêtes dont elle est lʼinitiatrice.
A la tête de lʼIfpf, Mme Vicentia Bocco
constatait dans lʼédition du 15 février 2015
du quotidien Lʼévénement précis : «Nous
nous sommes rendus compte que le gouvernement, lʼAssemblée et tous ceux qui
devraient se saisir de nos résultats ne
sont pas enclin à le faire facilement.» Là
se trouve le facteur de blocage fondamental. Car si les populations ne comprennent
pas encore lʼenjeu dʼune plus forte implication des femmes, les politiques et les
porteurs de décision semblent se confondre dans un manque de volonté et dʼinitiative. n
LEONTINE IDOHOU - RIFONGA BENIN
ACCES A L’EAU POTABLE
«L’argent est le facteur d’exclusion
des femmes politiques»
Le supplice des femmes rurales à Zagnanado
Les prochaines législatives ne verront pas les femmes
passer de lʼombre à la lumière. Encore une fois, leur
présence reste infime sur les listes électorales. Présidente de la section béninoise du Réseau pour lʼintégration des femmes des Ong et associations
africaines (Rifonga/Bénin), Léontine Konou Idohou se
désole dʼune telle situation.
uelle lecture faites-vous de la place des femmes
dans les listes de candidature pour les législatives
dʼavril 2015 ?
Léontine K. Idohou : Je suis perplexe et triste. Avec tout ce
que nous avons fait comme travail au niveau de la société civile,
nous ne devrions plus en être là. Des femmes ont été remplacées
par des hommes à cause de lʼargent. Certaines femmes mʼont
dit quʼon veut bien les positionner, mais il faut quʼelle dépose leur
part de financement pour la campagne électorale. Ce quʼelles
nʼont pas. Alors, on les a remplacées par des hommes
Q
Dovi, un village à une centaine de kilomètres au nord de Cotonou. La corvée dʼeau continue de
peser sur les femmes, alors que les robinets sont là, prêts à fournir le liquide précieux. Le reste
est une incroyable histoire où tout le monde se rejette la balle.
e 1er mars 2015, à une semaine
de la Journée internationale de la
femme, lʼeffervescence des préparatifs sʼempare des organisations féminines à
Cotonou. Pour les tenues à porter, les divergences se heurtent pour le choix des stylistes
pour la confection des pagnes griffés « JIF ».
On débat aussi de la qualité des services traiteurs, du nombre dʼinvités ou encore la solennité des manifestations. Pendant ce temps, à
Dovi, à une centaine de kilomètres au nord,
les femmes ont la tête ailleurs. Plus précisément sous des récipients en équilibre sur leur
tête, engagées dans la quête quotidienne
dʼeau potable.
En groupe, elles dévalent la grande pente
dʼenviron 20% qui mène à la source. Dans
lʼeau, elles avancent prudemment par peur
de la troubler et faire remonter la vase qui
polluerait leur eau. Les pagnes retroussés à
mi-cuisses et de grosses bassines sur la tête,
elles se frayent un chemin vers lʼamont de la
source, passent au milieu dʼun groupe dʼenfants qui se baignent et dʼautres femmes qui
lavent leur linge, pour se diriger vers un tronc
dʼarbre qui sépare les deux périmètres, avec
lʼespace où puiser de lʼautre côté. Lʼexercice
suppose de la dextérité. Une main pour tenir
la bassine sur la tête, position fléchie, on
puise avec un petit bol de lʼautre, pour remplir
C
le récipient. Mais plus dur est la remontée de
la pente, avec la lourde bassine sur la tête.
Ainsi va la vie des femmes de Dovi, un des
six arrondissements de Zagnanado. «Nous
nʼavons pas le choix», se résigne Madeleine,
la voix hachée par lʼeffort, sous le poids de
la grosse bassine dʼeau dont elle tient de sa
main les rebords sur sa tête. La trentaine, les
cheveux grossièrement nattés, baignée par
lʼeau qui déborde et lui coule sur le corps, elle
remonte avec peine le sentier menant au village. «Nos enfants sont tout le temps malades. Ce que nous puisons provient des
eaux de ruissellement qui drainent toutes les
saletés vers la source durant la saison des
pluies. On traite lʼeau pour lʼassainir avant la
consommation, mais cela ne suffit pas pour
nous épargner des maladies. En dehors de
rares ménages qui disposent dʼun puits, tout
le monde vit cette situation», confie le chef du
village. Et de se désoler : «Imaginez le calvaire de nos femmes qui parcourent ces
longues distances, plusieurs fois par jour, à
la quête dʼune eau qui, finalement, est impropre».
Quand il tourne les yeux, cʼest pour les
poser sur une borne fontaine dʼoù lʼeau attend toujours de couler. Lʼarrondissement de
Dovi dispose dʼun château dʼeau et de quinze
bornes fontaines. Toutes fermées. Quand on
Comment peut-on lever les blocages de la sorte et dʼautres
à la présence des femmes sur les listes ?
Je pense quʼil faut que nous appliquions les textes que nous
votons et les conventions que nous ratifions. Il faut que tout ce
qui est en faveur des femmes puisse être respecté et quʼil y ait
une application effective. Le développement ne peut être sans la
participation de tous. Cʼest un défi inclusif. Malheureusement, au
Bénin, cʼest un reflexe primaire dʼexclure femmes. Jʼattends les
élections locales, communales, et municipales pour voir sʼil y aura
un changement.
Que faire au niveau des partis politiques où le jeu est aussi
faussé à la base ?
Effectivement, certains partis ont promis de présenter 50% de
femmes. Mais les promesses électorales et la réalité sont deux
mondes opposés. La solution, cʼest de fixer un minimum, soit
quʼau moins le tiers des listes soit attribué aux femmes, à défaut
dʼaller à 50%. Note démocratie bat de lʼaile, alors que nous
sommes présentés comme un exemple en Afrique. Des pays
comme le Sénégal, le Niger ou le Burkina-Faso nous ont dépassé. La Sénégal a sa loi sur la parité, le Niger a instauré un
système de quota. Et nous ? Sur le plan démocratique ça ne fait
pas sérieux. Nous voulons être là où on décide de notre sort. n
Propos recueillis par Flore NOBIME
cherche à comprendre les raisons dʼune telle
situation, le casse-tête devient démentiel.
Chef de lʼarrondissement, Irénée Zodékon,
dénonce la mauvaise gouvernance du maire
qui «prive» sa population dʼeau potable. «Il
suffit de recruter un fermier pour permettre
lʼexploitation des points dʼeau», lance-til. Joint au téléphone, le maire rejette les torts
sur la Direction départementale de lʼeau.
«Les agents sont partis avec les clés. Je leur
mets la pression, mais ils ne réagissent pas»,
se défend Symphorien Misségbétché.
«Faux», rétorquent les responsables de la Direction départementale de lʼeau. «La mairie
est seule responsable du calvaire des populations. La mairie nʼa pas voulu respecter le
processus en vigueur pour la mise en affermage des adductions dʼeau villageoise (Aev)
en vue de garantir lʼapprovisionnement sécurisé en eau potable des populations», explique le chef du Service eau.
Lʼimbroglio a fini par être levé (voir encadré), mais lʼaffermage des Aev constitue souvent un enjeu majeur entre les maires, les
conseils communaux et les services de lʼeau.
En raison des intérêts économiques (souvent
personnels) mais aussi politiques, des conflits
naissent. Des insuffisances auxquelles la loi
nʼa pas encore trouvé une solution. Dans
cette guerre dʼintérêts, les populations paient
le prix fort, comme celles de Dovi et dʼautres
arrondissements de la commune de Zagnanado. Notamment les femmes. n
F. NOBIME
Acte électoraliste ?
rois jours après lʼentrevue téléphonique avec le maire de Zagnanado, on a été informé que
lʼordre a été donné dʼouvrir les bornes
fontaines à lʼexploitation des populations. Une telle décision intervient aussi
à quelques semaines des élections législatives dʼavril 2015. Les conseillers
communaux, dont les maires, remettront en jeu leurs mandats à la fin du
mois de mai prochain. Pour cette élection, le maire de Zagnanado est dans la
course pour le renouvellement de son
mandat. n
F. NOBIME
T
Un tronc d'arbre sépare l'espace dédié à la vaisselle et à la baignade, de l'eau destinée à la
consommation où s'approvisionnent les femmes pour remplir les bassines.
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Les autres voix de l’Afrique
Other voices from Africa
à
LUTTE CONTRE EBOLA
GUINEE
Une première ligne mortelle pour les femmes
Fatoumata KANTE
Lʼengagement des Guinéennes à affronter lʼépidémie ne surprend point.
Ebola a juste été un révélateur de
plus de la pugnacité des femmes à
monter au créneau et de leur rôle central dans la prise en charge des défis
de toutes sortes quʼaffronte la communauté.
ʼest un lourd tribut que les femmes
ont payé à lʼépidémie à virus Ebola
en Guinée. Et si elles ont été tant exposées et infectées, avec un fort taux de mortalité, cʼest parce que, entre autres, elles se
trouvaient sur le front de la lutte et la prise en
charge des victimes. Selon des statistiques
fournies par les Ong intervenant en Guinée,
environ 60% des victimes du mal sont des
femmes. Au Liberia et en Sierra Leone voisins, Onu-Femmes parle respectivement de
75% et 59% de décès dans la population féminine.
Lʼengagement des Guinéennes à affronter
lʼépidémie ne surprend point. Ebola a juste
été un révélateur de plus de la pugnacité des
femmes à monter au créneau et de leur rôle
central dans la prise en charge des défis de
toutes sortes quʼaffronte la communauté. La
Coalition des femmes leaders de Guinée
(Cofel) sʼest démultipliée pour lancer des activités de sensibilisation à lʼintérieur du pays,
notamment à Forécariah, ville frontière avec
la Sierra Leone, dans lʼune des zones les plus
touchées par lʼépidémie.
Entre causeries communautaires dans les
villages et distribution des kits de protection,
lʼaction des femmes a contribué à réduire les
foyers de résistance dans cette partie de la
Basse Guinée considérée comme lʼun des
épicentres de la maladie, mais où les populations se sont souvent montrées hostiles aux
mesures de précaution et de prévention
contre un mal dont la responsabilité incombait
aux «autres».
Des drames ont même eu lieu, comme à
Womè, dans le sud du pays, à environ 1 000
km de Conakry, où huit membres dʼune délégation officielle en campagne de sensibilisa-
C
Fatou Baldé présidente de la COFEL en similation de lavage
des mains à la RTG de Boulbinet.
Ebola renforce la solidarité
avec la diaspora
Prise de température d'un chauffeur revenant de la Sierra Leone.
tion ont été assassinés par des populations
en furie. La ville de Forécariah, à 100 km de
la capitale, a aussi connu des heures de violence aveugle à lʼendroit des équipes médicales dont les véhicules ont été calcinés avant
le déferlement des populations sur les agents
de la Croix-Rouge qui ont été violentées. Des
délégations gouvernementales ont été aussi
prises à partie.
La «touche féminine» a aidé à apaiser les
peurs et les tensions. Présidente de la Cofel,
Fatou Baldé, confie : «On a travaillé avec les
ménages, mais aussi dans les lieux publics,
notamment les mosquées, les gares routières
et les hôpitaux de la capitale. On lʼa également fait dans plus de quinze villages de la
Basse Guinée où des fontaines de lavage de
main et autres kits de protection ont été distribués dans le but de rompre les chaînes de
propagation de lʼépidémie», indique t-elle. Les
comités de veille qui ont été installés poursuivent le travail. «Les femmes savent parler et
sensibiliser les familles des malades ou de
Sanaba Kaba, ministre de l'Action sociale, de la
Promotion féminine et de l'Enfance.
u lendemain de la fermeture de certaines frontières
avec la Guinée à cause de lʼépidémie à virus Ebola,
des millions de Guinéens vivant à lʼétranger ont été
coupés de leurs familles. Mais les barrières nʼont pas étéétanches pour empêcher lʼexpression de solidarité entre les populations de la diaspora et leurs proches condamnés à se lancer
dans une bataille difficile contre lʼépidémie. Dʼun peu partout les
soutiens se sont exprimés. Sous différentes formes. Et on a senti
lʼapport des femmes dans cette solidarité.
Lʻassociation des Guinéennes de Washingtona été lʼune des
premières organisations à appuyer les Ongengagées dans la riposte à Ebola grâce à dʼimportants dons de kits de protection,
composés de gants, de chlore et de matériels médicaux de protection des médecins lors de leurs interventions.
Plusieurs anciennes Miss Guinée établis en Amérique y ont
également mis du leur. TelleAry Sidibé, porteuse de la couronne
2009-2010, qui sʼest déplacée pour convoyé du matériel de soin
à Conakry. Ou encore Fatoumata Sy, Miss Guinée North America
2014-2015, qui a organiséun concert dénommé «Concert for
Ebola relief», dont les recettes ont été offerts àMédecins sans
frontières etàInternational Medical Corps, ainsi quʼàdʼautres institutions évoluant dans la lutte contre Ebola en Afrique de lʼOuest.
Ces multiples actions de soutien ont permis de renforcer la collaboration entre les Guinéennes de la diaspora et les associations évoluant dans le pays sur dʼautres perspectives,
notamment la préparation de lʼaprès Ebola. Plusieurs organisationsévoluant à lʼextérieur du pays ont déjà commencéà réfléchir
sur un éventuel appui aux activités économiques des femmes
après la déclaration de la fin de lʼépidémie dans le pays. Un terrible mal donc, pour du bien. n
F. KANTE
A
Les femmes de la coopérative des commerçantes de Kankan au
marché hebdomadaire de Dibida.
celles suspectées dʼêtre atteintes du virus.
Les réticences commencent à diminuer», souligne une des responsables de ces structures,
Mme Mariama Soumah. Avec une efficacité
qui, pour elle tient à une réalité : «La présence
des hommes est synonyme de lʼusage de la
force. Souvent, quand ils débarquent, les populations pensent quʼils sont payés pour aller
pulvériser les habitations ou alors traîner de
force les personnes suspectes ou malades
vers les centres de traitement dʼEbola. Par
contre, les femmes profitent du respect dont
elles bénéficient pour véhiculer les messages
en vue de se faire comprendre.»
Evoquant lʼexemple dʼune famille dont le
père avait été infecté par le virus Ebola, Mme
Soumah confie avoir eu à faire face à des résistance dans son quartier. Mais, «avec tact»,
elle est parvenue à convaincre lʼentourage
pour que le malade soit mis à la disposition de
la Croix-Rouge, ainsi que les personnes suspectes. «Cette intervention a permis de sauver cinq personnes sur sept cas qui avaient
été confirmés dans cette famille. Depuis ce
jour, cʼest moi qui suis à la tête de toutes nos
missions. Je constate que je suis bien écoutée et respectée», se réjouit-elle. Mais ces interventions nʼont pas toujours
réussi et lʼexpansion de lʼépidémie a souvent
été fatale aux femmes au sein de la communauté.
Et au-delà dʼune forte mortalité qui les a affectées, elles vivent aussi cette maladie
comme un désastre économique. Evoluant le
plus souvent dans lʼinformel, elles ont vu leurs
chiffres dʼaffaires chuter.
Non seulement le secteur du commerce
avait été perturbé par la psychose et les restrictions apportées à la circulation des biens
et des personnes, mais nombre de femmes
ont dû déserter les marchés pour sʼoccuper
des malades au foyer. Mais on a vu combien
«la formation et la sensibilisation des femmes
sur lʼexistence de cette épidémie a facilité le
contrôle et la riposte efficace pour limiter la
propagation du virus», confie Fatou Baldé. Et
encore, la Cofel a pu organiser un téléthon
pour mobiliser 25 millions de francs guinéens
(environ 3 600 dollars) destinés à la CroixRouge.
Dʼautres structures comme la fondation
Binta Hann pour les enfants (Fonbale) nʼont
pas été en reste, sʼactivant dans les gares
routières pour sensibiliser les voyageurs, mais
aussi les transporteurs qui sʼactivent souvent
dans le transports des dépouilles.
A Kankan, ville située à plus de 600 km de
Conakry, les commerçantes ont mis en place
une unité de saponification et, avec lʼappui du
Programme des nations unies pour le développement, procèdent à des distributions de
savon à lʼoccasion des marchés hebdomadaires qui sont devenus des espaces par excellence pour diffuser des messages de
sensibilisation. n
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Les autres voix de l’Afrique
Other voices from Africa
à
ACCAPAREMENT DES TERRES
SENEGAL
Les paysans victimes des
convoitises sur leur sol et le sous-sol
Jamais la terre nʼa été aussi convoitée que durant cette dernière décennie au Sénégal.
Les acteurs sont divers, leurs appétits voraces et les paysans voient leurs espaces de
vie et de subsistance disparaître de manière dramatique.
Birame FAYE
Les peuples du monde contre le terrorisme
Le comité dʼorganisation du
Fsm (…), après avoir pris
connaissance des nombreux
messages et communiqués de
soutien avec la Tunisie, provenant des différents acteurs sociaux et civils du monde entier,
qui ont renouvelé leur totale
adhésion au déroulement du
Fsm du Tunis (et) fait savoir leur
participation dans ce moment exceptionnel de mobilisation populaire en Tunisie, dans la région et
le reste du monde contre la le terrorisme (…) informe lʼopinion publique mondiale de ce qui suit :
- Toutes les délégations
ont bien confirmé leur participation aux activités programmées,
et ce, sans aucun changement
ou modification ; ceci reflète lʼimpact de la solidarité effective des
militants-es altermondialiste avec
la Tunisie et son peuple ainsi que
les familles des victimes de différentes nationalités. Cela démontre leur attachement aux
principes de pais, de solidarité
entres les peuples, de démocratie et de liberté.
- Lʼorganisation dʼune manifestation à lʼoccasion des cérémonies dʼouverture le mercredi 24
mars 2015 a 16 heures, qui partira de la place Bab Saadoun en
direction
du
musée
du
Bardo sous le mot dʼordre : ʻʼLes
peuples du monde contre le
terrorismeʻʼ
- La création dʼune commission au sein du conseil international pour la rédaction de la charte
internationale altermondialiste
du Bardo de lutte contre le terrorisme.
Le comité appelle à un rassemblement le 26 mars 2015 au
campus de Farhat Hached à partir de midi.
Le comité de Fsm réitère son
appel à intensifier la mobilisation
la mobilisation de toutes les
forces sociales, civiles, altermondialistes et pacifiques, eu égard
à lʼimportance du rôle quʼelle
jouent , pour sʼopposer au terrorisme en faisant du Fsm de Tunis
un jalon qualitatif dans lʼétablissement dʼun rapport de forces au
profit de la paix de la démocratie
, de la justice sociale dans la région et dans le monde. n
Comité préparatoire du
Forum Social Mondial
Abderrahman Hethili
19 mars 2015, Tunis
Le Fsm condamne l’attaque terroriste du Musée Bardo
Notre terre. Notre vie. NON NON
Manifestation des populations de Ndiael à Ross Béhio.
es géomètres sénégalais nʼont point
chômé depuis près dʼune décennie.
Les lotissements en zone urbaine et
périurbaine se sont multipliés pour charger
leurs portefeuilles, mais il y a aussi ces Etats,
ces multinationales et autres grosses fortunes lancées dans lʼagrobusiness qui ont
fondu sur les terres, soutenus par les pouvoirs publics. La ruée vers le foncier a ainsi
pris des dimensions jamais connues au Sénégal
Selon une étude réalisée en 2013 par la
Coalition pour la protection du patrimoine génétique Afrique, Inter Pares et le Réseau
dʼétudes des dynamiques transnationales et
de lʼélection collective, le cumul des acquisitions agraires à grande échelle tourne autour
de 844 976 ha. A savoir plus du 1 /4 du potentiel de terres arables dont dispose le Sénégal.
Ce phénomène dʼaccaparement foncier a
trouvé un coup dʼaccélérateur en 2008 avec
la mise en œuvre du programme dénommé
Grande offensive pour lʼagriculture et lʼabondance (Goana). Dans son message à la nation du 31 décembre 2008, lʼex-président
Abdoulaye Wade recommandait alors la culture de biocarburants dans les communautés
rurales du Sénégal (actuelles communes),
pour une superficie minimale de 1000 ha.
L
RUÉE VERS LE NORD
La volonté politique ainsi exprimée a suscité une ruée vers le nord du pays, les terres
du delta du Fleuve Sénégal aiguisant alors
les appétits de plusieurs acteurs et aspirant
à lʼagro-business.
Dans la communauté rurale de Mbane, 230
000 ha ont été ainsi affectés à des agro-industriels et à des personnalités politiques qui
occupent des stations de pouvoir.
Dans la même localité, Dangote Group
sʼest vu refuser 15 000 ha et la Compagnie
sucrière sénégalaise 4531 ha, mais à
quelques dizaines de kilomètres de là la ré-
serve de faune de Ndiael a été délestée de
20 000 ha attribués à la compagnie Senhuile,
pour la production de biocarburant. Quelques
mois plus tôt, en 2011, cette affectation lui
avait été refusée à Fanaye (département de
Podor), où les populations sʼétaient violemment opposées à tout accaparement de leurs
terres. Les incidents avaient fait deux morts.
Cette convoitise sur les terres fertiles
risque dʼêtre exacerbée par la mise en œuvre
du Programme de développement intégré de
lʼagrobusiness au Sénégal (Pdidas) et du
Programme dʼaccélération de la cadence de
lʼagriculture (Pracas). Une tendance dans laquelle les grandes confréries religieuses
pourraient largement contribuer. Engagées
dans les grandes exploitations agricoles,
leurs chefs sont souvent servis à volonté. En
2009, 20 000 ha de la forêt classée de Pout
(70 km de Dakar) avaient été cédés à certains dʼentre eux.
LʼEXPLOITATION MINIÈRE
Ces grandes attributions, quelle que soit
leur nature, nʼont pas mis en avant les intérêts des producteurs locaux. Au nord du Sénégal, ce sont des zones de pâturage qui ont
été perdues par les éleveurs. Durant la saison sèche, Ndiael où Senhuile se retrouve
avec 20 000 ha, constituait en effet lʼune des
réserves de pâturage qui attirent les nomades et leurs troupeaux. Sans compter
lʼagriculture familiale qui y contribuait à faire
vivre les populations.
Sʼy ajoute une autre dimension de lʼaccaparement des terres, liée aux industries extractives. Dans la région de Thiès (70 km de
Dakar), par exemple, lʼEtat a attribué des permis de recherche et dʼexploitation du zircon
sur 44 500 ha.
A Kédougou (700 Km de Dakar), de vastes
périmètres ont été cédés aux sociétés minières lancées principalement dans lʼexploitation de lʼor.
Un peu partout, si ce nʼest pas le pouvoir
central, ce sont des élus locaux et parfois les
populations elles-mêmes qui se livrent à la
spéculation foncière. Le plus souvent en violant la Loi sur le Domaine national qui rend
les terres invendables.
Ce phénomène ne cesse de prendre de
lʼampleur. Il crée des richesses aux origines
illicites et installe la corruption et la mal gouvernance dans des terroirs ou la gestion communautaire traditionnelle était faite de
transparence. n
STATISTIQUES FONCIERES
Géographie des
terres accaparées
e Saint-Louis à Matam, deux régions au nord du Sénégal ; le
cumul des affections de terres
connues et destinées à lʼagrobusiness
est de 367 422 ha. Des promoteurs nationaux et étrangers ont bénéficié de
douze décisions dʼaffectation pour, disent-ils, investir dans la riziculture et les
biocarburants. Dans la zone maraîchère
Dakar - Thiès - Saint-Louis, les populations locales ont assisté à la distribution
de 202 550 ha de leur terre.
Entre Kaolack, Fatick, Dioubel, trois
affectations additionnées font 2800 ha.
Elles lʼont été au profit dʼune agriculture
commerciale orientée vers les biocarburants.
Si le sud du pays est relativement
épargné, les régions de Tambacounda et
Kédougou (est) ont été témoins de treize
délibérations portant sur 272 204 ha en
2013, au profit des sociétés minières,
touristiques. n
Source : Copagen
et associés, 2013
D
Suite à la lâche attaque terroriste survenue aujourdʼhui à midi
(mercredi 18 mars 2015), au
musée du Bardo jouxtant le siège
de lʼAssemblée des représentants
du peuple, le comité dʼorganisation
du Fsm Tunis 2015 déclare que le
Forum et lʼensemble de ses activités sont maintenus.
Par cette attaque, les groupes
terroristes extrémistes visent à
mettre à mal lʼexpérience de la
transition démocratique en Tunisie
et dans la région ainsi quʼà créer
un climat de peur au sein des citoyens qui aspirent à la liberté, la
démocratie et à la participation pacifique à la construction démocratique.
La rapide riposte du mouvement social, civil et des acteurs
politiques en Tunisie opposés au
terrorisme et appelant à lʼunité
pour le combattre prouve, sʼil en
était besoin, lʼattachement des tunisiens à leur nouvelle expérience
démocratique. Le mouvement social et civil en Tunisie et dans la région compte plus que jamais sur le
soutien des forces démocratiques
dans le monde entier pour sʼopposer à la violence et au terrorisme.
Plus que jamais, la large participation au Fsm 2015 (Tunis 24-28
mars 2015) sera la réponse appropriée de toutes les forces de paix
et de démocratie qui militent au
sein du mouvement altermondialiste pour un monde meilleur, de
justice, de liberté et de coexistence pacifique.
Le comité dʼorganisation du
FSM appelle toutes les composantes du forum social mondial à
intensifier leurs efforts en vue de
la mobilisation pour le succès de
la prochaine session du FSM afin
dʼassurer la victoire de la lutte civile et pacifique contre le terrorisme et le fanatisme religieux qui
menacent la démocratie, la liberté, la tolérance et le vivre ensemble. n
Pour le comité
dʼorganisation
du FSM Tunis 2015
Le coordinateur du Comité
dʼAbderrahmane Hedhili
Les solidarités du mouvement social
n Salete Valesan : Amigos e
amigas da Tunisia e do CO do
FSM 2015. Toda solidariedade
da Flasco e do Clacso para que
tudo saia bem com todas as pessoas e com o Fsm. Estremos
chegando dia 23/3. Abraços
n Gina Vargas : Dear Hamouda and all our friends in Tunesia, thanks for your letter and
your message. Recieve all our
solidarity. I will be arriving on the
23th.
Sara Longwe : Comrades, I
regret with you the uncalled for
violence to intimidate people by
terrorists. Collectivity and solidarity is our motto for attaining a just
world for all, hence ʻAnother
World is Possibleʼ! Iʼm not going
to be at the Tunis WSF, but I wish
you a progressive process. Aluta
continua!
n Francine Mestrum - Global
Social Justice : Cher Hamouda,
chers amis tunisiens, en ces moments difficiles, toute notre solidarité. Nous venons à Tunis, bien
entendu, pour défendre la justice,
la démocratie, la paix et la solidarité.
n Norma Fernandez : Allí estaremos, en solidaridad activa
n Shenjing Lin : Cher Hamouda, la délégation de Taiwan,
Hong Kong et la Chine continentale viendra à Tunis, pour être
parmi vous, exprimant notre solidarité avec le peuple tunisien.
n Antonio Pacor - Collettivo
Focuspuller : Dear camerades,
we express our solidarity with the
victims of the cowardly terrorist
attack, and to the Tunisian people who will be vigilant and defend democracy.
n Roberto Savio : We will be
there to show that a world different from terrorism is possible…
n María Cecilia Fernández :
International Council for Adult
Education General Secretariat
Queridos amigos y amigas en
Túnez, en nombre del ICAE toda
nuestra solidaridad y fuerza en
este momento tan importante!
Gracias al comité organizador
del Foro en Túnez por este claro
y rápido comunicado convocando a continuar luchando en
forma conjunta por otro mundo
posible! Paz, dignidad y justicia
para todos y todas
n Pedro Ivo Batista : Camaradas. Toda nossa solidariedade
ao Forum Social Mundial na Tunísia. Alternativa Terrazul/Forum
Brasileiro de Ongs e Movimentos
Sociais pelo Meio Ambiente e
Desenvolvimento.
n Mwadhini myanza : Dear
Abderrahmane Hedhili, Thank
you for this encouraging statement. It is true, the terrorism will
never interfear the WSF plans.
We stand together to say «Stop
Terrorism, Respect Humanity
and Right to Live». It is pitty that
Irteco will not attend the WSF
due to resource limitations. n
Editeur : Institut Panos Afrique de lʼOuest
Editorialiste : Tidiane KASSE
Rédaction : SENEGAL : Birame FAYE - CAMEROUN : Victoria OKOYE
GUINEE : Fatoumata KANTE - MALI : Moussa CAMARA
MAURITANIE : THIAM Mamadou
Maquette-Mise en page : Alioune KASSE - Réalisation : UEMM-IPAO