Numéro 01 Retrouvez l’actualité du Forum Social Mondial (24-28 Mars 2015) sur www.flammedafrique.org Presse écrite Radio Vidéos Photos Internet Multimédia Les autres voix de l’Afrique Tunisie meurtrie, Tunisie debout Other voices from Africa FORUM SOCIAL MONDIAL 2015 Peuples du monde contre le terrorisme Attentat de Boko Haram au Nigeria… … attaque terroriste de lʼEtat islamique à Tunis. … Deux drames un même défi. Voir page 8 e drame est terrible, le choc dévastateur. Les 21 morts de lʼattentat terroriste du Musée du Bardo ont créé stupeur et douleur, mais aussi détermination et résistance face à lʼimmonde terreur aveugle. Si les Tunisiens ont mis un genou à terre, cʼest pour prier. Pas pour se résigner. Un peuple blessé mais debout accueille le Forum social mondial. Il y a quatre ans il cueillait les fleurs du «printemps arabe». Son parfum de jasmin lʼhabite encore et lʼespoir toujours grand dʼun destin de liberté et de justice sociale lui donne sourire et force, dans la quête dʼ«un autre monde possible». Le fait que la Tunisie accueille le Fsm pour la deuxième fois de suite est le signe dʼun Maghreb inscrit dans une nouvelle trajectoire historique. Et les douleurs actuelles ne lʼen écartent pas. Des espoirs ont été aussi trahis, des acquis confisqués, mais les luttes demeurent. Il y a quinze ans, quand les premières mobilisations du mouvement social mondial partaient de Porto Alegre (2001), pour sʼamplifier à Mumbai (2004), avant de retrouver du souffle en Afrique (Nairobi 2007 et Dakar 2011), la présence du mouvement social maghrébin était timide. Voilà maintenant que Tunis devient le cœur fécond de la quête de nouveaux paradigmes, de la construction de nouvelles solidarités et du renforcement des convergences établies pour une humanité faite de dignité et non dʼexploitation et de profit. Ce rendez-vous du mouvement social mondial, dans une ville meurtrie, doit être lʼoccasion dʼune mobilisation plus forte. Lʼévolution rapide du monde montre combien les défis sont changeants et les urgences pressantes. Voir lʼAfrique dans le tourbillon infernal du fondamentalisme et du terrorisme est une image encore improbable il y a une dizaine dʼannées. Mais condamner la militarisation du continent, ainsi que le mouvement social nʼa cessé de le faire, indiquait une claire conscience des dangers. Lʼalerte avait aussi été sonnée face aux crises multiformes (financière, économique, alimentaire,…), de la fin des années 2000, soulignant les dérives pouvant découler de lʼinsoutenable précarité des plus démunis. Mais le néolibéralisme a continué à fabriquer ses exclus et ses fanatiques de tous les extrêmes. La déflagration est ainsi devenue générale. Le contexte actuel donne une responsabilité plus lourde au Forum de ne pas seulement réfléchir sur des dynamiques et des résistances, mais de se penser comme force dʼimpulsion. De peser davantage pour devenir une boussole et un aiguillon pour ces masses qui, de plus en plus, se trouvent avec des repères brouillés et un avenir flou. Au Nord comme au Sud. Les urgences sont globales ; elles sont aussi sectorielles. A la lecture de cette première édition de Flamme dʼAfrique, édité à lʼoccasion du Fsm 2015, on voit que lʼAfrique interpelle sur plusieurs questions fondamentales, à travers les diagnostics posés par des journalistes correspondants de lʼInstitut Panos Afrique de lʼOuest, dans différents pays. Boko Haram au Nigeria, accaparement des terres en Mauritanie, la marginalisation des femmes, lutte contre lʼimpunité et exigence de justice au Mali, etc., tout porte sur des interpellations qui surgiront ici ou là pendant ce Forum, pour mieux éclairer le drame du Musée du Bardo. Mais lʼécho des armes qui ont ensanglanté la Tunisie ne sʼest pas encore estompé que les solidarités du mouvement social affluent (voir page 8). Les populations tunisiennes les vivront au contact de ces dizaines de milliers de personnes qui afflueront de partout dans le monde, mus par le désir de voir se bâtir «un autre monde possible». n Tidiane KASSE L VOS RÉACTIONS NOUS INTÉRESSENT FAITES ENTENDRE VOTRE VOIX ET VOS IDÉES ! Parce que les voix de chacun comptent, nous vous invitons à prendre part aux échanges d’idées en rejoignant les groupes www.flammedafrique.org CMJN de discussions sur le site de Flamme d’Afrique. Postez vos commentaires et réagissez de vive voix aux débats !!! Page 2 à Les autres voix de l’Afrique Other voices from Africa MAURITANIE THIAM Mamadou La préoccupante situation de l’accaparement des terres La problématique de lʼaccaparement en Mauritanie nʼest pas uniquement économique. Elle est sociétale. Les expropriations foncières ne visent que les terres contrôlées, depuis des siècles ans un pays où la souveraineté, voire la sécurité alimentaire, reste encore une chimère, on peut parler dʼun gâchis par rapport à la situation des terres agricoles. Sur un potentiel estimé à 450 000 hectares, près de 200 000 hectare ne sont pas mises en valeur. En dépit de la règlementation des attributions foncières que gère lʼEtat, elles ne font lʼobjet, en général, que de spéculations. Dans les faits, le foncier, en Mauritanie, demeure au centre dʼenjeux multiples depuis les années 1980. «Y convergent tous les impératifs nationaux de respect et de consécration des droits humains, de consolidation de lʼunité nationale, de renforcement de la cohésion sociale, de promotion de la femme, de gouvernance et de libération des énergies, dans un secteur agricole qui fait vivre plus des deux tiers de la population», constate Sarr Mamadou Moctar, secrétaire exécutif du Forum des Organisations des droits humains (Fonadh), principal initiateur des concertations entre le monde rural et les autorités. Cette situation se traduit par un désarroi pour «des centaines de milliers dʼhommes, de femmes et de jeunes, issus de groupes agro-pastoraux, (qui) voient leur subsistance de plus en plus menacée», se désole M. Sarr, selon qui «la gouvernance foncière nʼest pas plus soucieuse de sécuriser les terres indispensables aux petits cultivateurs que les espaces pastoraux pour leurs homologues pastoraux». Secrétaire général de lʼOng Kawtaal nʼgam Yellitaaré, en pointe dans le combat contre la spoliation des terres, Ba Amadou Alpha, y voit même une flagrante injustice sociale qui risque de mener à une situation explosive. Pour lui, la gestion foncière actuelle «ne respecte ni les lois existantes ni lʼintérêt national, encore moins lʼexpérience des tenures traditionnelles, voire surtout, les intérêts des paysans, principaux acteurs économiques en ce domaine. Notre potentiel agricole ne profite quʼà lʼagro-business étranger, via de faux acteurs économiques qui ne travaillent pas la terre, juste objet de spéculations financières pour eux. La facilitation récente de la régularisation des titres fonciers nʼest quʼun leurre. Elle ne vise quʼà accentuer la légitimation des propriétés usurpées aux profits de délinquants en col blanc», déplore M. Ba. La problématique de lʼaccaparement nʼest pas uniquement économique. Elle est sociétale. Les expropriations foncières ne visent que les terres contrôlées, depuis des siècles voire des millénaires, par les Noirs du pays, négro-africains et haratines, D toujours au profit de la couche arabe beydane (maures blancs) du pays. «Une question fondamentale qui risque devenir le principal motif de remise en cause de la construction, toujours en difficulté de gestation, dʼun Etat unitaire», prévient M. Ba. EXTENSION DU MONOPOLE Les terres constituent donc un enjeu majeur. Sarr Mamadou ne pense pas quʼà court terme cette situation de monopole puisse connaître une rupture. Selon lui, elle devrait, au contraire, sʼamplifier, compte tenu du contexte actuel. «Depuis 2010, lʼattribution des terres agricoles (terres de cultures sous pluie et de décrue) sʼest accélérée. Cette année-là, le gouvernement mauritanien avait envisagé dʼattribuer 50 500 hectares à une société saoudienne, Tabouk Eziraiya Errajihii, couvrant diverses parties des communes de Boghé, Dar el Avia, Ould Birome et Dar el Barka. Cette décision fut suspendue, grâce à la mobilisation des populations des communes concernées, soutenues par des organisations de la société civile mauritanienne. Mais, en 2013, 50 000 hectares, au Trarza, et 31 000, au Brakna, dans les communes de Dar el Avia, Ould Birome et Dar el Barka, furent alloués au profit dʼune autre société saoudienne, Al-Rajihi, sous forme de bail emphytéotique. Des études topographiques réalisées par les autorités laissent entrevoir de possibles attributions de terres dans dʼautres départements ». M. Ba juge que «la logique domaniale actuelle et le monopole étatique sont le fait exclusivement dʼun pouvoir despotique. Il faut que les Mauritaniens, dans toute leur diversité ethnique et sociale, comprennent que seule la lutte en commun contre les discriminations, pour la transparence, la justice et la démocratie peuvent sauver ce pays du chaos vers lequel il se dirige inéluctablement, si rien de contraire ne sʼy oppose ». Il pense que les mentalités évoluent, lentement mais sûrement, vers la nécessité du renversement de lʼordre établi. Il reste à évaluer les conséquences désastreuses de lʼaccaparement des terres. Tant sur les relations entre lʼEtat et les populations rurales que sur lʼenvironnement. En Mauritanie, signale Ba, « les terres cultivables ne couvrent pas 0,5% du territoire ». Lʼessentiel des activités agricoles se situe dans la Vallée du fleuve Sénégal où sont concentrées les populations noires. Des communautés villageoises étouffent dans leur espace, au point de ne plus trouver où enterrer leurs morts. Dʼautres sont privées, par des exploitations de Femmes, parias de la terre e mode de propriété en Mauritanie est demeuré de type traditionnel qui ne fait pas de place aux femmes. La loi foncière précisait pourtant que «tout mauritanien, sans discrimination dʼaucune sorte», pouvait accéder à la propriété du sol. Faudrait-il mettre les points sur les i, en précisant «tout Mauritanien ou Mauritanienne» ? Dans les faits, les terres exploitées par les femmes - maraîchage ou autres cultures secondaires - sont mises à leur disposition, sans quʼelles en soient ni deviennent propriétaires, quoiquʼelles puissent introduire des demandes en ce sens auprès des autorités administratives. « Les femmes ont cependant accès à la propriété de parcelles de terre à usage dʼhabitation », précise Kadiata Malick Diallo, députée lors de la législature 2007-2013. En Mauritanie, comme partout ailleurs en Afrique, les femmes sont à lʼorigine de 70% de la production alimentaire. Elles constituent la moitié de la main-dʼœuvre agricole et prennent en charge 80 à 90% L de la transformation, du stockage et du transport des aliments, ainsi que des travaux de sarclage et de désherbage. «Mais elles ne disposent dʼaucuns droits fonciers», regrette Mee Lalla Aicha Cheikhou Ouédraogo, consultante en genre, développement et leadership féminin. Ces droits sont souvent détenus par des hommes ou des familles contrôlées par des hommes, et les femmes nʼy ont généralement accès que par lʼintermédiaire dʼun parent de sexe masculin. Elles ne peuvent décider de lʼusage de ces terres. Cʼest cette dépendance à lʼégard des hommes qui place de nombreuses femmes en situation de vulnérabilité. Des voix militantes commencent à se lever et tentent dʼintroduire ou de proposer des lois qui garantissent les droits fonciers des femmes, combattant les normes et pratiques sociales iniques. A cet égard, lʼexemple vécu par les femmes qui exploitent les périmètres autour de la plaine rizicole de Boghé est édifiant. «Chaque année elles perdent une part importante de leur production de légumes, explique Lalla Aïcha, juste parce que lʼunité de gestion de cette plaine, dirigée par des hommes, a décidé de fermer les vannes de la motopompe qui lʼirriguait, faisant fi des cultures saisonnières poursuivies par ces maraichères. Cʼest pourtant cette production de légumes qui approvisionne le marché local, alimentant les familles de ces dirigeants masculins». Lʼexclusion des femmes de la propriété foncière agricole résulte, selon Sarr Mamadou Moctar, secrétaire exécutif du Forum des organisations des droits humains (Fonadh), «en premier lieu, de traditions coutumières qui vivent dans la tête des gens et non pas dans des textes règlementaires. Victimes dʼun droit foncier ancestral, les femmes cherchent à obtenir et sécuriser leur accès à la propriété terrienne. Cela nécessite un vaste travail de sensibilisation et une discrimination positive en leur faveur», comprise et mise en œuvre par les communautés elles-mêmes. n THIAM M. voire des millénaires, par les Noirs du pays, négro-africains et haratines, toujours au profit de la couche arabe beydane (maures blancs) du pays. type latifundiaire, des couloirs de transhumance et des pâturages sur les terres quʼelles réservaient à cette fin, selon une répartition experte et fonctionnelle des zones rurales. Dʼaprès Ba, lʼEtat nʼa même pas la bonne âme de respecter un espace vital, si petit soit-il. Dans plusieurs localités, il exproprie jusquʼaux pâturages des animaux, au mépris du droit le plus élémentaire. Cʼest par exemple le cas dans les environs de Dar El Barka où le bétail, privé de pâture, pénètrera, forcément, dans les zones protégées. Encore faudrait-il que ces dernières existent encore. Tout comme les cimetières, elles sont le plus souvent également attribuées aux spéculateurs. Une mise sous coupe réglée qui empêche tout développement de lʼagriculture et lʼélevage vivriers, sources exclusives de revenus dans ces zones. A Diatar, les populations ne disposent plus, autour de leur village, que dʼune bande de quarante mètres dʼespace vital. A Donnaye, on part enterrer les morts au Sénégal. Dans la plaine de Boghé, on a bloqué, à dessein, lʼirrigation naturelle des terres cultivables quʼon a vendu à des Marocains. En réalité, on se moque de la nature et même de la nature humaine. «Cʼest une politique, non seulement, de spoliation inacceptable, mais aussi sauvage de gestion insensée de lʼespace qui ne tient aucun compte des besoins élémentaires de la nature et de lʼhomme», fulmine encore M. Ba. Pour avoir dénoncé cette situation, en novembre 2014, lors dʼune caravane menée dans le sud mauritanien, destinée à sensibiliser les populations sur les questions foncières et la législation rurale en rapport avec lʼesclavage, Biram Dah Abeïd, président dʼIra-Mauritanie, son vice-président Brahim Bilal Ramdhane et Djiby Sow, président de Kawtal Nʼgam Yellitaaré, ont été condamnés, le 15 janvier, à deux ans de prison ferme, au seul motif de «désobéissance à lʼautorité». Celle-ci ne pouvait pas mieux avouer son implication dans lʼexploitation éhontée du terroir et des populations en Mauritanie... n Paysans du sud mauritanien. ACCAPAREMENT DES TERRES Une loi floue qui couvre tous les abus ujourdʼhui, comme nombre de pays africains, la Mauritanie disposede terres vierges pas encore mises en valeur. Le grand défi, cʼest le manque de transparence dans la gouvernance foncière. Au regard de lʼarticle premier de lʼordonnance 83.127 du 5 juin 1983, «la terre appartient à la nation. Tout Mauritanien, sans discrimination dʼaucune sorte, peut, en se conformant à la loi, en devenir propriétaire, pour partie ». On trouve là un flou ouvrant à tous les abus, notamment dans la distribution des terres et les différents décrets dʼapplication lʼont entériné. La nation cʼest, a priori, lʼensemble des populations mauritaniennes qui étaient, depuis des siècles, les propriétaires légitimes de ces terres. Mais ce qui est suggéré, ici, cʼest que ces populations nʼen gèrent plus directement la propriété. Une « loi » évidemment celle de lʼEtat dont on ne prononce pas le nom - est appelé à en distribuer «une partie» à «tout Mauritanien, sans discrimination dʼaucune sorte», qui en ferait la demande. On a ainsi fait appel au contrat social des sociétés modernes occidentales, qui lie lʼEtat et lʼindividu pour réduire, à néant, le contrôle direct quʼavaient les populations locales sur leur territoire. Le seul A moyen de le reprendre, cʼest de se mobiliser contre lʼaccaparement et dʼengager un dialogue inclusif, pour trouver une issue honorable, juste et durable, aux différentes violations des droits fonciers des populations rurales mauritaniennes.Mais pas seulement mauritaniennes. Ba Amadou Alpha, secrétaire général de lʼOngKawtaalnʼgamYellitaaré, préconise le respect du droit coutumier afin de rendre aux populations rurales mauritaniennes le contrôle sur les ressources de leur territoire. «On ne peut pas, comme le fait la Mauritanie, exiger des documents de propriété à des gens qui nʼont connu, pour seule écriture, que lʼécriture religieuse». Face à une population majoritairement analphabète, il appartient à lʼEtat et à ses soutiens de la société civile et des bailleurs de fonds dʼimpulser une dynamique économique, centrée sur lʼéducation de base et affermie par un soutien financier et technique conséquent. «Si lʼEtat mauritaniens avait réellement mis, depuis 1960, les centaines de milliards dépensés, officiellement, dans lʼagriculture, à la disposition des paysans, plutôt que de privilégier les spéculateurs fonciers, il ne resterait sûrement pas aujourdʼhui un mètre carré cultivable en jachère dans le pays. Mais on a préféré soutenir une politique raciste et discriminatoire de dépossession des noirs de tous les rouages de lʼéconomie nationale. Il faut y mettre fin et développer une véritable planification du secteur agricole par la base, qui mettrait le paysan au centre de tout, privilégiant leur organisation communautaire, la formation technique et gestionnaire des projets agricoles, et, surtout, le contrôle effectif, par les paysans eux-mêmes, des ressources mises à leur disposition par les pouvoir publics et les bailleurs de fonds, sous lʼégide dʼun projet global de développement participatif. Dans cette optique, cʼest aux paysans eux-mêmes quʼil reviendrait de répondre, par exemple, à la question suivante : à qui et pourquoi attribuer un montant du Crédit agricole ? » Et M. Ba de donner des chiffres :«En juin 2014, à la veille de lʼélection présidentielle, le gouvernement décida dʼéponger plus de onze milliards dʼouguiyas de dettes au Crédit agricole. Mais les petits paysans nʼétaient concernés quʼà hauteur dʼun peu plus de 900 millions, soit moins de 10% du total. Tout le reste est parti dans les poches de spéculateurs déguisés en agriculteurs, avec la complicité honteuse du pouvoir en place ! ». n THIAM M. Page 3 à Les autres voix de l’Afrique Other voices from Africa MAURITANIE Le long et difficile chemin vers la parité Les avancées sont importantes dans la représentation des femmes en Mauritanie, mais les ambitions plus grandes encore. Aujourdʼhui, les yeux sont rivés sur lʼinstauration dʼune parité intégrale et les difficultés ne manquent pas dans cette quête. Les avancées sont importantes, mais les ambitions plus grandes encore. Aujourdʼhui, les yeux sont rivés sur lʼinstauration dʼune parité intégrale. «On voit que le Sénégal nous dépasse de très loin, puisque la parité y est banale», note Mme Diallo. Mais déjà, au-delà des acquis politiques, les fonctions administratives connaissent aussi une évolution notable. Ainsi la représentation des femmes a été rehaussée au gouvernement, où elles sont sept femmes sur vingt-huit ministres. Par contre, lʼadministration territoriale, qui met en contact direct avec les communautés, demeure un bastion presque inexpugnable. On ne note aucune femme gouverneur, comme, par ailleurs, et de la diplomatie qui ne compte que deux ambassadrices. Le groupe de Plaidoyer des Femmes reçu par le président du parti Tawassoul. l y a comme une révolution qui se dessine en Mauritanie, en matière de représentation féminine dans les espaces de décision. On ne peut encore parler de rupture par rapport à lʼordre social, mais des pas importants ont été franchis. Dans les années 1980-90, le taux de femmes ministres ne dépassait guère 4%. Il atteint, aujourdʼhui, 25%. Les mêmes tendances se dessinent dans dʼautres sphères de gouvernance. On peut parler de 2006 comme année charnière, avec lʼordonnance qui accorda un quota de 20% aux femmes dans les postes électifs. Résultat : plus de 35% de représentativité féminine dans les con- I seils municipaux, 21%, à lʼAssemblée nationale et 16%, au Sénat. «Ce fut une grande avancée, parce que la représentation antérieure des femmes ne dépassait pas 3%, toutes fonctions confondues. La loi sur le quota accordée aux femmes a été modifiée en 2011, sans quʼun objectif chiffré ne soit défini. Et lors des élections de 2013, le quota de 20% a été dépassé, même si le mécanisme ne le garantissait pas. Ce résultat a été obtenu parce que des partis ont volontairement placé des femmes en tête de liste», souligne Mme Kadiata Malick Diallo, députée à lʼAssemblée nationale, lors de la législature 2007-2013. LOIN DE LA PARITE Consultante en genre, développement et leadership féminin, Lalla Aïcha Cheikhou Ouédraogo salue les avancées. «Certes, les progrès enregistrés sont loin de la parité et même en deçà des engagements internationaux et nationaux pris par lʼEtat, via la Convention sur lʼélimination de toutes les formes de discriminations envers les femmes, les Objectifs du millénaire pour le développement, le Code du statut personnel et la Constitution mauritanienne. Cependant ils méritent dʼêtre encouragés et valorisés. Car hisser la femme dans les plus hautes sphères de prises de décision contribue à lutter contre son exclusion et sa marginalisation, lui permettant de sʼassocier à lʼœuvre de construction nationale et à lʼancrage de la culture démocratique dans le pays», confie-t-elle. Mais ces satisfactions cachent mal un biais que Lalla Aïcha nʼocculte guère. Car, malgré cette visibilité accrue dans lʼespace publique et les centres de décision, «la femme rurale reste sous-représentée. Cʼest criant au parlement, suite au recul enregistré après le dernier dialogue qui conduisit à la révision de diverses lois, dont celle de 2006 sur le quota des femmes et du mécanisme qui lʼaccompagnait. Du coup, les intérêts et besoins des femmes en milieu rural sont rarement pris en compte, alors que leur contribution à lʼéconomie et au développement du pays est indéniable», note-t-elle. ECARTS IMPORTANTS ET MESURES PRATIQUES TIMIDES Officiellement, il existe depuis 1995 une Stratégie de la promotion de la femme, réactualisée en 2008. «Mais, regrette Mme Diallo, il nʼy a eu, comme mesures concrètes garantissant une implication réelle des femmes dans les centres de décision, que la loi sur la représentation dans les mandats électoraux et les fonctions électives. Il nʼexiste donc aucune contrainte pour le gouvernement, dʼaccorder une bonne représentation des femmes dans les fonctions administratives, alors que ce serait la chose la plus facile. Il faut noter que la Promotion de la femme, depuis le coup dʼEtat de 2008, est réduite à une simple Direction, noyée dans le ministère des Affaires sociales, de la Famille et de lʼEnfance, et lʼon ne perçoit aucune approche genre dans les autres départements ministériels», se désole-t-elle. Question de volonté politique, lʼancienne députée rappelle, par ailleurs, que «la convention des Nations unies sur lʼélimination de toutes les formes de discrimi- nations à lʼégard des femmes, a été ratifiée, dans un premier temps, avec une réserve générale sur tout ce qui pourrait être contraire à la Charia». Il aura fallu beaucoup de combats de femmes mauritaniennes et de pressions internationales, avant que la Mauritanie ne précise sur quels points portait sa réserve. A savoir certains aspects du mariage et de lʼhéritage. Les voix continuent à demander la levée de ces réserves, arguant de ce que divers autres pays musulmans sʼen sont abstenus. A cela sʼajoute le fait que le Code de la famille, élaboré sans la participation de beaucoup de segments de la société. Dʼautres droits, non-politiques, des femmes - droits socio-économiques et culturels, intégrité physique et morale - sont négligés et la Mauritanie accuse encore du retard, voir des écarts, importants, en ces domaines. La pauvreté, lʼanalphabétisme, la persistance dʼus et coutumes rétrogrades, voire néfastes, forment, trop largement encore, le lot quotidien des femmes surtout celles issues de couches défavorisées et discriminées (esclaves ou castées,…). «Il y a plus grave, relate Lalla Aïcha, avec la recrudescence inouïe des violences dirigées contre les femmes. Adultes, adolescentes et fillettes sont régulièrement victimes de kidnapping, traite humaine, violences conjugales, harcèlement dans les lieux de travail, viols et autres agressions sexuelles... Ces actes devenus quotidiens brisent toutes nos valeurs socioculturelles et nos bonnes mœurs islamiques. Ils sont contre nature et contraires à notre sainte religion qui donne, aux femmes, une place privilégiée dans notre société». n Mamadou THIAM POLITIQUES MIGRATOIRES Durcissement des lois et difficile pari de l’intégration Ayant quitté la Cedeao, la Mauritanie a signé des conventions facilitant lʼétablissement et la circulation des personnes avec certains de ses voisins immédiats, notamment le Sénégal, le Mali ou la Gambie. Mais depuis 2012 on ne compte plus les Subsahariens raflés et reconduits à la frontière. a migration rapproche les hommes. Dans la sous-région ouest-africaine, elle nʼa jamais été vécue comme un problème par les peuples de cet espace qui partagent des liens séculaires, voire millénaires. Cʼest la thèse que défend El Hadj Amadou Mbow, secrétaire général de lʼAssociation mauritanienne des Droits de lʼhomme (Amdh). Pour lui, «la migration est un facteur dʼintégration par excellence. Car elle permet les échanges socioculturels et économiques et favorise les brassages». Dès sa fondation, rappelle M. Mbow, la Cedeao a inscrit lʼintégration régionale en objectif principal. Pour lʼatteindre, elle a mis en place divers outils comme le protocole sur la libre circulation des personnes et des biens, bientôt complété par de nombreux autres textes additionnels. Et, de fait, «le meilleur moyen pour développer lʼintégration régionale reste bel et bien la libre circulation des personnes comme lʼattestent les espaces ainsi organisé, à lʼinstar de celui de Schengen». Cependant, lʼintégration régionale est aujourdʼhui marquée par de multiples problèmes liés à la migration, que celle-ci soit pendulaire, saisonnière, transitoire ou à durée indéterminée. Aussi doit-elle être «impulsée par dʼautres facteurs sociaux et, pourquoi pas, économiques», recommande Ibou Badiane, secrétaire de la Fédération des associations de migrants de lʼAfrique de lʼOuest en Mauritanie (Famam). Et de poursuivre : «Prenons lʼexemple des relations entre le Sénégal et la Mauritanie, ou la Mauritanie et la Côte dʼIvoire. Malgré les difficultés que rencontrent les ressortissants de ces pays, dans lʼamélioration de leurs conditions de séjour et dʼexercice professionnel, dʼautres facteurs sont entrés en jeu et ces pays ne peuvent se passer lʼun de lʼautre. Ainsi le Sénégal a besoin de la Mauritanie qui va lui fournir de lʼénergie à partir du gaz. Il y a aussi les ressources halieutiques qui ont, depuis belle lurette, contribué à sceller davantage les relations entre les deux pays, jadis directement unis L par lʼhistoire mais aussi, toujours aujourdʼhui, la géographie, la religion et la culture. Le Sénégal est également grand pourvoyeur de pâturages pour le bétail mauritanien. En ce qui concerne la Côte dʼIvoire, lʼimportante communauté mauritanienne qui y réside – des commerçants, pour la plupart – enrichissent autant leur propre pays que celui qui les accueille. Voilà pourquoi, et quels que soient les problèmes migratoires, lʼintégration régionale ne doit pas souffrir. Le facteur économique renforce le droit, international, de libre circulation des personnes et des biens, quʼaucun pays dʼorigine, de transit ou dʼaccueil ne saurait méconnaître ». La circulation dans lʼespace Cedeao est fluide, malgré les tracasseries quʼon peut éprouver à toutes les frontières où le racket est devenu monnaie courante. Cʼest partout vrai, pas seulement aux frontières mauritaniennes quʼil suffit de franchir pour constater la réalité. «La généralisation de la carte séjour a permis aux autorités de refouler des étrangers tant aux frontières quʼà lʼintérieur du pays, ainsi quʼon peut le constater à Nouakchott ou Nouadhibou». Car de pays de transit, la Mauritanie est devenue, ces dernières années, un pays dʼétablissement, pour migrants échoués sur le chemin de lʼEurope. Suite au retrait du pays de la Cedeao, en 1999, et le durcissement progressif de la législation mauritanienne, culminant, en 2012, avec lʼétablissement dʼune carte de séjour pour tous les étrangers, afin de contrôler les flux migratoires, le statut de migrant en Mauritanie est synonyme dʼun quotidien de plus en plus difficile. Les luttes contre le terrorisme et les trafics en tous genres contribuent également à amoindrir la libre circulation des personnes et des biens. PRÉFÉRENCE NATIONALE Certes, la Mauritanie avait signé, naguère, des conventions facilitant lʼétablissement et la circulation des personnes avec certains de ses voisins im- Bouchon sur un des axes routiers de Mauritanie. médiats, notamment le Sénégal, le Mali ou la Gambie, mais depuis 2012 on ne compte plus les Subsahariens raflés et reconduits à la frontière, faute dʼune carte de séjour dont le montant de 75 euros est jugé exorbitant. «Des agissements répréhensibles, marqués par des délits de faciès qui heurtent», relate Awa Seydou, blogueuse. Ibou Badiane fait remarquer que «les expulsions sont encore de mises, quoiquʼà un rythme ralenti grâce à lʼaction de certains ambassadeurs qui ont attiré lʼattention des autorités mauritaniennes sur la façon dʼinterpeller et dʼexpulser les ressortissants ouest-africains, principales victimes de cette rigueur. Toutefois, ajoute-t-il, ces faits liés à la nécessité dʼune régularisation quʼon retrouve dans dʼautres pays ne doivent pas constituer un frein à lʼintégration régionale. Il faut, à cette fin, que les Etats se concertent périodiquement, continuent de tenir des commissions mixtes, de revisiter les conventions qui les lient, les dépoussiérer et les adapter au contexte de lʼheure. Sinon, lʼimage de la Mauritanie sʼen trouvera écornée ». La préférence nationale apparaît nettement dans le domaine des transports. La Mauritanie y a particulièrement durci sa législation, en interdisant, sur son territoire, la circulation de camionneurs et de conducteurs de véhicules de transport en commun, notamment sénégalais et maliens, et instaurant, en 2013, lʼobligation du « Permis vert ». Ce document, délivré uniquement aux nationaux, est désormais exigé pour la conduite des véhicules de transport en commun en Mauritanie. Cette mesure suscita une véritable levée de boucliers au sein des communautés de migrants, et constitua un point de désaccord tenace avec le Mali et le Sénégal dont beaucoup de ressortissants occupaient la profession de taximen en Mauritanie. Avocate et présidente dʼhonneur de la Fédération Internationale des Droits de lʼhomme, Me Fatimata MʼBaye demande une « clarification de cette situation ». Elle plaide pour une harmonisation des pratiques, afin de palier à une «forme dʼescroquerie dont sont victimes certains migrants voulant se doter dʼune carte de séjour, comme lʼexige leur pays dʼaccueil». A ses débuts, la délivrance de celle-ci était empreinte de lourdeurs, formalités et droits dʼoctroi clientélistes. Un classique, en Mauritanie. Autre classique quʼévoque lʼavocat Me Lo Gourmo, «la Mauritanie est le pays au monde qui compte le plus de poste de contrôle au kilomètre de goudron. Sur lʼaxe Nouakchott-Rosso, on en dénombrait pas moins de douze en décembre dernier, répartis entre la police et la gendarmerie, soit un tous les 17 kilomètres !» Avec les tracasseries subies aux quarante-cinq points dʼentrée sur le territoire, tant les Mauritaniens que les étrangers nʼont pas fini de souffrir de ces entraves de tous ordres qui freine lʼintégration régionale, dans lʼespace Cedeao… augmenté de la Mauritanie. n M. THIAM Page 4 à Les autres voix de l’Afrique Other voices from Africa CAMEROUN Boko Haram in Northern Cameroon and the impact on women’s rights The violent and extremist militant group Boko Harm, intent on creating an Islamic State, has expanded its activities into northern Cameroon, providing a real threat to womenʼs rights. Gender-based violence and gender-based inequalities are increasingly Victoria OKOYE common characteristics of Boko Haramʼs activities, and the groupʼs ideologies and actions aim to severely limit and roll back womenʼs basic political, social and religious rights as part of establishing an extremist and fundamentalist Islamic regime. rom its start in 2002 and escalation to violence in 2011 in Nigeria, Boko Haram forces have crossed into the borders of not only Cameroon, but also Chad and Niger, creating a regional security threat. In each instance, the group has attacked national police and army, politicians, schools, religious buildings and public institutions as well as civilians; the group is responsible for the deaths of more than ten thousand people and displacement of an estimated 1.5 million people. According to the Journal for Terrorism Research, genderbased violence is an increasingly common tactic employed F Boko Haram Kidnapped Schoolgirls. by Boko Haram. In northern Nigeria, the kidnapping of more than 2000 schoolgirls from their community, in April 2014, has been well documented. Expanding into northern Cameroon, the group launched a series of attacks on schools and communities, kidnapping women and children in particular, as well as recruiting male fighters. Kidnappings, forced marriage of young girls and women to its militant members, rape, enslavement and indoctrination are some of the human rights abuses commonly perpetrated by the extremist group. Boko Haram aims to establish an Islamic State and create sharian criminal courts based on ex- tremist and fundamentalist Islam, according to research by the Council on Foreign Relations. In fact, the rise of Boko Haram coincided with the adoption of shariah law in 12 states of northern Nigeria, and the form of shariah promoted by Boko Haram employs strict rules on womenʼs dress, sexual conduct, gender roles and education, including enforced segregation of schoolchildren. The group imposes traditional and patriarchal gendered norms that circumscribe emancipatory rights for women. The institution of shariah law would create an Islamic legal system providing Islamic alternatives to existing secular governance, and that typically provides for far fewer rights for women, affecting their marital rights, public and legal rights, with laws on modesty and others that curtail their presence in the public sphere via requirements of male guardianship. Under some forms of shariah law, women and young girlsʼ domestic physical abuse, child marriage, limited inheritance rights, lesser status as witnesses in court are common, as well as strict male guardianship and women and girlsʼ requirements to dress modestly. Strict forms of corporal punishment such as public stoning, flogging and cutting off of hands are also acceptable by law. Boko Haramʼs existence in both Northern Nigeria and northern Cameroon presents not only a political security threat, but a threat to women and young girlsʼ basic human rights. n To address land grabbing, increase women’s representation in decision-making There is strong need to integrate and promote womenʼs land rights and tenure security into national land legislation and agricultural development policies. Addressing womenʼs right to land and tackling gender discrimination in land tenure and use is fundamental to protecting women against land grabbing. cross West Africa, women play a critical role in domestic agriculture, which is a main source of food security for numerous households. However, state governments are increasingly revoking householdsʼ and communitiesʼ land access and rights in favor of business deals with private companies. These “land grabs” - large-scale acquisitions of land by foreign companies, investment funds and governments, as well as by domestic investors, usually for agribusiness purposes - revoke women and communitiesʼ access to land, putting their livelihoods, economic and food security in jeopardy. According to the international advocacy group Action Aid, 17 percent of arable land in Senegal has been acquired by private companies in largescale land transactions, primarily for biofuel cultivation; in Sierra Leone, agribusiness investors have acquired an estimated 20 percent of farmland. Through its research, PIWA has linked land grabbing and its devastating impacts on women to womenʼs limited levels of participation in governance and decision-making. Women face several barriers to securing their land rights. Women, responsible for household food and family care, form A the backbone of the local land economy, but oftentimes it is men who are at the center of the land negotiation processes. Although women may have the rights to use the land, and in some cases may be the primary or an equal laborer of the land, the title of the land is often in the name of their husbands or fathers. The result is that women are not in control of the income obtained in the use of the land or any decision-making regarding the use or sale of the land. Such is the common practice in western Senegal, despite a national law that considers agricultural lands as family lands. The equal right of women to access and control resources is fundamental to womenʼs empowerment. Recognizing the crucial role of women in relation to land, and legislating to ensure their land tenure security, are crucial in defending their rights in the face of land grabbing. But womenʼs rights to land are rarely protected in practice. Womenʼs empowerment in decisionmaking must take place on at least two levels. On one level, empowering women with rights to the land on which they live and work. On a second level, empowering women at the national level to influence gender-sensitive policies that impact all aspects of men and womenʼs lives. There is strong need to integrate and promote womenʼs land rights and tenure security into national land legislation and agricultural development policies. Addressing womenʼs right to land and tackling gender discrimination in land tenure and use is fundamental to protecting women against land grabbing. These changes demand more gender-sensitive decision-makers and policies as well as stronger implementation to ensure policies that are already in place can maximize their positive impacts. For example, in Sierra Leone, the 2007 Devolution of Estate Act not only recognizes womenʼs right to land ownership, it also criminalizes attempts to deprive a woman from inheriting her husbandʼs property after his death. Increasing womenʼs political representation is an important step to support and strengthen womenʼs voice in all areas of society. That said, the majority of West African countries still drag behind the global average of women in office. For more than half a century, a series of global calls for action and policy documents have agitated to increase the space for women in political decisionmaking. The earliest was the 1948 Universal Declaration of Human Rights, which recognized the participation of women in political decision-making as a political right. In 1979 the Convention on the Elimination of Discrimination against Women ratified by nearly all African countries, affirmed the obligation of states to actively accelerate the participation of women in politics and their representation in other public decision-makcing positions. The 1990 ECOSOC Resolution (E/RES/1990/15) recommended a target of 30 percent womenʼs leadership posts by 1995 and 50 percent by 2000. The African Union-adopted Protocol to the African Charter on Human and Peopleʼs Rights on the Rights of Women in Africa (the African Womenʼs Rights Protocol) affirmed the principle of equal participation and the use of affirmative action to ensure equal and effective participation of women in politics. By June 2009, the Protocol was ratified by 27 countries and signed by 45 African countries. According to the Inter-Parliamentary In Sierra Leone and Liberia, women play critical role in fight against ebola In fight against ebola, a greater proportion of healthcare workers have been female, and women professionals have also taken on new roles managing the burials of the outbreakʼs many victims. n response to the devastating ebola outbreak, women have emerged at the front lines as caregivers in their disease-stricken homes and communities. Since the first confirmed case in Guinea on December 26, 2013, the outbreak has spread to six West African countries, with the preponderance of cases in Guinea, Liberia and Sierra Leone. In the midst of the outbreak, women have risen to the challenge in taking on leadership roles in managing, to limit and halt ebolaʼs spread in their communities. The emerging role of women as healthcare professionals caring for sick patients as well as managing the safe and dignified burials of deceased ebola patients highlights womenʼs pivotal role. In Sierra Leone, 11,466 people have been infected and 3,576 have died. A greater proportion of healthcare workers have been female, and women professionals have also taken on new roles managing the burials of the outbreakʼs many victims. Traditional funerals and burial rituals, the ceremonies where mourners have direct contact with the bodies of the deceased person, have I A health worker checks the temperature of a woman entering Mali from Guinea at the border in Kouremale. Unionʼs 2014 global assessment of womenʼs representation at the national decision-making levels, only Senegal, with 43 percent representation, has reached the 30 percent “critical mass” target set by the international platforms for action years ago. Three other countries – Mauritania, Equatorial Guinea and Guinea – have achieved female representation above 20 percent, with 25, 24 and 22 percent, respectively. From East Africa, Rwanda stands out as a progressive continental leader in many ways. In the decision-making realm, 56% women represent in parliament. The Rwandan government also actively works to improve womenʼs land access by integrating womenʼs land rights into national land reforms through gender-sensitive policies. These policies remove formal customary provisions that encourage gender discrimination, and they also take into account the special needs of widows and orphans. n V. OKOYE played a role in ebola virus transmission: As part of pre-burial activities, mourners wash down and dress the bodies, putting them in direct contact with the dead personʼs infected blood, bodily fluids and secretions, and creating a dangerous opportunity for virus transmission. Burial practices are estimated to account for at least a quarter of ebola virus transmissions in Sierra Leone. At home, it is women who are the primary caregivers to their families and neighbors, even at considerable risk to themselves. In Liberia, a group of resourceful and dynamic women public health specialists have coordinated the countryʼs national ebola response on behalf of the Liberian Red Cross Society, overseeing all health activities and supervising the safe and dignified burial teams that operate throughout the country. Community womenʼs groups, parents and teachers associations, women farmers and rural womenʼs associations across the country mobilized to educate their communities about the risks of ebola and protecting their families. Suite at page 5 Page 5 à Les autres voix de l’Afrique Other voices from Africa MALI La Justice transitionnelle au Mali : Etat des lieux Trois ans après le coup dʼEtat militaire, le Mali cherche aujourdʼhui à sortir des crises multidimensionnelles qui lʼont ébranlé jusque dans ses fondements. La réconciliation se trouve au centre de toutes les actions nationales et internationales actuellement menées. Elle constitue aussi une préoccupation générale et Moussa CAMARA un idéal pour les Maliens. Mais le processus appelle des changements dans les attitudes, les émotions, les sentiments, les aspirations et aussi les croyances. Tout comme il est clair que la réconciliation nʼexclut pas la justice. e 22 mars 2012, la mutinerie qui a éclaté dans le camp Soundiata de Kati sʼétait achevée dans un coup dʼEtat. Résultat : un pays disloqué. Le Mali en était arrivé là quelques mois après une montée en puissance de la rébellion armée du Mouvement national de libération de lʼAzawad (Mnla), suivie de lʼoccupation des trois régions du nord du pays - Tombouctou, Gao et Kidal - par les soldats de cette idéologie littéraliste, le terrorisme, que sont Al-Qaeda au Maghreb islamique (Aqmi), le Mouvement pour lʼunicité et le djihad en Afrique de lʼOuest (Mujao) et Ansar Dine. La rébellion nʼest pas un phénomène nouveau au Mali : depuis lʼindépendance, le pays en a connu quatre. Ce qui lʼest en revanche, cʼest lʼoccupation opérée par lees jihadistes et narco-trafiquants du Mujao, dʼAqmi et dʼAnsar Dine, qui ont semé la terreur dans les villes, commis des atrocités et des exactions à lʼencontre des populations. Le fanatisme religieux, qui a ruiné lʼAfghanistan, embrasé lʼAlgérie, muselé lʼIran et qui fait que la charia défie la loi fédérale au Nigéria, sʼétait installée dans la partie nord du Mali. Des mausolées ont été détruits, des couples qualifiés dʼadultèrins ont été fouettés, ceux qui ont été accusés de vol ont eu la main coupée… Les dommages corporels et le traumatisme subis par les populations ont été immenses : viols de personne, crimes de guerre… En outre, la rébellion a réveillé les vieux démons de la division. Au lieu du régionalisme, on sʼest retrouvé dans la tribu, signe incontestable dʼun Etat perdu par sa faiblesse A Bamako, le coup dʼEtat militaire a aussi été suivi de crimes commis contre les militaires restés fidèles au président déchu ; ce quʼon appelle lʼaffaire dite «des bérets rouges disparus». Ensuite est venue lʼaffaire de la mutinerie de Kati, le 30 septembre 2013, au cours de laquelle des militaires ont disparu, avec comme source de leurs contestations le non respect des promesses de promotion et dʼaugmentation de salaire faites par Amadou Haya Sanogo qui venait dʼêtre bombardé général. Le 16 juin 2013, au colloque sur la justice transitionnelle tenu à Bamako, Malick Coulibaly, alors ministre de la Justice et Garde des Sceaux, déclarait alors : «Les mois écoulés, le Mali a connu la page la plus sombre de son histoire consécutive à la crise. Cette page sombre a été marquée par les pires violations des droits humains dans le Nord du pays (...) Nous nous interdisons dʼoublier les graves violations des droits humains commises dans le sud du pays. Il L faut, aujourdʼhui comme hier, reconnaître quʼà la faveur des convulsions sociopolitiques nombreuses et graves ont été perpétrées des violations du droit à la vie, du droit à la sécurité de la personne et du droit à la propriété.». Mais en matière de droits humains, des bornes infranchissables sont posées. Depuis le procès de Nuremberg (1946-1947), des tribunaux ont été établis dans le dessein de juger ceux qui se sont rendus coupables de crimes contre lʼhumanité, et cela en vue de permettre la réconciliation nécessaire pour «recoller les morceaux». Le processus démocratique a repris au Mali, cette quête de justice demeure fondamentale. RÉCONCILIATION, DÉVELOPPEMENT, MAIS AUSSI JUSTICE En septembre 2013, Ibrahim Boubacar Keïta, candidat du Rassemblement pour le Mali (Rpm), a remporté la présidentielle avec 77,62% des suffrages exprimés ; un raz-de-marée électoral qui a tourné la page dʼune période de transition et placé le pays dans la voie conduisant à remonter la pente des profondes crises institutionnelle et sécuritaires creusées par la rébellion et lʼoccupation du nord par des terroristes. Ibrahim Boubacar Keïta a été élu pour construire un Etat de droit. Il a une tache immense dont les principaux chapitres sont la reforme de lʼarmée, la réconciliation nationale, la lutte contre la corruption et lʼéducation. Parmi tous ces chantiers, le plus délicat reste la réconciliation nationale, processus politique aux implications profondes, néessaire dans toute société sortant dʼun conflit comme ce fut le cas dans nombre de pays dʼAfrique tels le Rwanda ou lʼAfrique du Sud. Après les viols, les exactions, la torture, les pillages, les enrôlements dʼenfants soldats, le souhait le plus partagé au Mali est la réconciliation, le pardon. Mais, il ne fait aucun doute que tout cela a un prix : la vérité, la justice. Sous la transition, Dioncounda Traoré avait créé une commission dite « Dialogue et Réconciliation». A peine élu, Ibrahim Boubacar Keïta a recadré le projet en ajoutant le mot «Vérité», comme lʼavait recommandé le colloque national sur la justice transitionnelle au Mali, tenu en 2013, avant de lʼenvoyer à lʼAssemblée nationale. Editorialiste au journal Le Républicain, Adam Thiam notait que ceci «nʼenlève rien à la vision méritoire du gouvernement pour lequel la vérité doit aller audelà des crises répétées de ces dernières décennies pour affronter le In Sierra Leone and Liberia, women play critical role in fight against ebola Suite to page 4 - Womenʼs groups organized door-to-door public health campaigns, informing their neighbors in local communities, speaking on radio programs and providing proper handwashing demonstrations in markets and town centers. The result: as of early March, the spread of ebola had slowed to a trickle, with recorded new cases of ebola patients in the single digits. Likewise, women have also played a catalytic role in Sierra Leoneʼs ebola response. In August 2014, Sierra Leoneʼs Emergency Operations Center established a toll-free, nation-wide ebola call center to encourage public reporting of possible ebola cases and deaths to public health officials, and to provide public education. The call centerʼs dispatchers alert dis- trict-level response teams to respond to possible ebola cases and deaths, to transport infected persons and provide safe and dignified medical burials. Equipped with protective suits, gloves and goggles, these burial response teams handle the burial rites, rather than the families themselves. In December 2014, the International Federation of Red Cross and Red Crescent Societies (IFRC) reported that it had integrated four women into its ten burial teams working across Freetownʼs Western Area district, and these woman play a critical role in bringing health knowledge and weaving through social practices to fight the virus. Red Cross beneficiary communicator David Don explained the importance of women to aiding their effort at that time: “When families see a female team A Konna, une des villes du Nord Mali reprise aux islamistes. mal à sa racine. Ainsi donc, les exactions, atrocités commises par lʼEtat et les rébellions depuis 1963 seront concernées. Cʼest dire que les autorités ont pris en compte lʼimpératif de devoir de mémoire que réclamaient des cadres de la rébellion, notamment Kel Tamasheq et ce en relation avec la manière dont la révolte de Kidal a été réprimée en 1963 ainsi que les représailles exercées par lʼarmée contre des populations civiles nomades au cours des rébellions ultérieures. Le côté surréaliste de la concession est que le travail de mémoire essentiel au retour durable de la paix et de la confiance ouvre le procès dʼune époque et dʼune pratique. Il sʼagira - et ce nʼest pas la chose la plus simple - de gérer alors lʼopinion dominante qui est celle du sud. Acceptera t-elle de voir dans son héros Dibi Silas Diarra lʼéventreur ou le dynamiteur en série de sim- ples bergers ou dʼépouses de bergers, comme tendent à lʼaccréditer les versions du «Nord» ?». La remise à plus tard de la mise en place de la Commission, par le gouvernement, nʼest pas vue dʼun bon œil par ceux qui estiment quʼelle aurait dû être mise en place bien avant les pourparlers, pour participer aux négociations en proposant une politique de réconciliation nationale aux différentes parties et sur la base de laquelle les responsabilités des uns et des autres allaient être fixées. Cela aurait facilité la divulgation de la vérité, la cicatrisation et la réparation à défaut dʼune justice équitable pour tous. La Commission aurait pu, compte tenu des missions qui lui sont assignées, porter le processus de réconciliation et amener lʼopinion nationale à se lʼapproprier. Car elle consistera, quelle que soit la gravité des crimes commis, à «socia- biliser la justice». Au ministère de la Justice, Sylvestre Kamissoko, chargé de Communication, affirme quʼils sont «en train de mettre en place des groupes mobiles qui vont permettre aux victimes de mieux sʼexprimer, en dénonçant ce qui leur est arrivé. Ces groupes vont faire remonter les informations à une autre structure qui va les traiter». A la question de savoir si les victimes dʼexactions au nord seront autant prises en compte, il rétorque que «Le gouvernement est en train de prendre des mesures et de voir comment les indemniser. Actuellement aucun juge ne peut aller au Nord ; tout le monde sʼarrête à Gao. Dès quʼil y aura la paix, les juges seront redéployés et pourront rendre justice. Tant quʼil nʼy a pas la paix, on ne peut rien faire. Après la paix, il y aura la justice, lʼindemnisation.» n MOCTAR MARIKO - PRESIDENT DE LʼASSOCIATION MALIENNE DES DROITS DE LʼHOMME «Il y a un manque de volonté politique vis-à-vis des victimes» n quoi la justice transitionnelle peut-elle être utile au Mali ? Moctar Mariko : Notre pays a connudes exactions depuis la première République(Ndlr sous le régime de Modibo Kéita). Beaucoupde politiciens ont été emprisonnés non pas pour des infractions commises,mais en raison de leur opposition aux dirigeants de lʼépoque. Avec lʼavènement de la 2ème République, après le coup dʼEtat de Moussa Traoré en 1968, cʼétait encorepire. Il ya eu des exactions etdes déportations entre militaires. Avec la crise de 2012, on a constaté, pour la première fois dans les E member, they feel a lot more comfortable with this form of burial. I have noticed less reluctance since we had a woman join our team... Having her dress a female body helps to give the family more dignity,” he said. One of these women is Fatmata Sowa a 28year-old mother of two, who said: “All around me, people are dying everybody because of ebola. Safe burials help to stop this.” As of early March, the Centers for Disease control has counted 23,934 total confirmed cases of ebola in the three hardest-hit countries, with 9,792 total deaths. At the same time, across these countries, women have been at the center of the effective public health response to the outbreak. Women continue to step up to address health, social and their communities concerns, ensuring that ebola is on its way out. n V. OKOYE rébellions cycliques au Mali, beaucoup de violences sexuelles. Des femmes ont été violées. Même des hommes voulant sʼopposer à la charia ont étéhabillés en femme pour être violés à Gao et Tombouctou. Il faut appelerlesMaliens àévoquer ce passé en vue debâtir ensuite lʼavenir. Dʼoù lʼidée du mécanismedejustice transitionnelle qui nous permettra de purger le passé,faire ressortir les crimes imprescriptibles. Pensez-vous que la prise en charge des cas de crimes et autres violations des droits de lʼhomme se fait comme il se doit par les autorités ? Les autorités ont permis lʼadoption, par lʼAssemblée nationale, dʼune loi sur lʼindemnisation des victimes en 2012. Mais jusquʼà présent cette loi nʼa pas de décret dʼapplication. Nous avons aussi constaté que les politiques sont en train de reléguer les victimes au second rang, parce que ce qui se fait se passe à leur insu. LʼEtat nʼa pas mis les moyens nécessaires pour travailler à lʼindentification des victimes. Par exemple, les critères nʼont pas été définis pour savoir qui est victime ou ne lʻest pas. Or vous ne pouvez pas parler de loi dʼindemnisation sans direqui doivent être indemnisés. Cʼest un manque de volonté politique de la part de lʼEtat. Que pensez-vous de lʼopérationnalisation de la Commission Vérité, justice et réconciliation prévue par le projet dʼaccord signé le 1er mars à Alger entre le gouvernement du Mali et certains groupes armés ? Cʼest une bonne chose quʼon ait pris en compte la justice transitionnelle par lʼopérationnalisation de la Commission. Cʼétait lʼun de nos combats. Le mécanisme va certainement prendre en compte beaucoup dʼaspirations des victimes et les restaurer dans leur dignité. Cependant je pense quʼil doit y avoir un débat pour définir les critères de choix des animateurs de la commission. Libre ensuite au gouvernement de choisir. Mais pour lʼinstant jʼai des appréhensions au sujet de cette commission qui pourrait être instrumentalisée par les hommes politiques. n Propos recueillis par V. OKOYE Page 6 Les autres voix de l’Afrique Other voices from Africa à «LES FEMMES ET LA GOUVERNANCE» BENIN Ces citadelles imprenables pour les Béninoises Flore NOBIME Signataire de toutes les conventions en faveur de la promotion des droits de la femme, le Bénin peine à traduire en actes concrets tous ces engagements. Les avancées sont timides et le constat est unanime autour de la sous-représentation des femmes dans les instances de prise de décision à tous les niveaux. lles font 51,2% de la population béninoise. Mais si plus dʼun Béninois, sur les dix millions dʼhabitants que compte ce pays est une Béninoise, ainsi que lʼindique le dernier recensement national de 2013, elles disparaissent au fur E et à mesure quʼon sʼapproche des grandes instances de décisions. Les avancées juridiques en matière dʼégalité entre les sexes sont dans les textes, dans la réalité les faits sont autres. Le gouvernement, le parlement, les conseils com- Vicentia Bocco, Présiente de l'INPF lors de la réunion de plaidoyer avec les partis politiques pour le bon positionnement des femmes sur les lis. munaux, les sociétés ou offices, en dehors de quelques «trompe-œil», se dressent comme des citadelles imprenables. Quand des acquis se dessinent, cʼest pour sʼévanouir au plus vite. Au cours des cinq dernières années, le taux de femmes au gouvernement a baissé de 30,70% à 14,81%, alors que le chef de lʼEtat béninois déclarait, en 2014, lors du sommet du Nepad, sʼinscrire dans cette tendance à la parité pour une représentativité à 50%. Au parlement, la présence féminine nʼa jamais dépassé les 10% depuis 1990, quand lʼespace démocratique a commencé à sʼélargir avec les conférences nationales. Pour la législature finissante, les huit femmes quʼon comptait sur 83 députés (9,63%), au début en 2011, elles sont passées à six (7,22%). Quant aux 77 mairies du pays, une seule compte une femme à sa tête et leur représentativité dans les conseils communaux nʼa jamais dépassé les 5% depuis 2002. Dans les autres instances, le tableau est tout aussi sombre. Les hommes dictent leur surnombre là où on nʼenregistre quʼune femme sur six préfets de départements, deux femmes sur sept membres à la Cour constitutionnelle, deux sur treize à la Haute cour de justice et trois sur trente au Conseil économique et social. Cet état des lieux sur la faible représentativité tant à la base quʼau sommet limite la participation et le rôle des femmes en tant quʼactrices du développement. Complexe dʼinfériorité, manque de confiance en soi, amateurisme en politique, préjugés et pesanteurs socioculturelles, lʼéventail dʼexplications est large pour tenter de cerner les raisons dʼune telle minorisation pour ce que représente une majorité démographique. Expert en gouvernance démocratique, Gilles Badet nʼhésite pas à soulever les responsabilités de lʼEtat. «Cʼest une violation des droits des femmes, une injustice et une discrimination à leur égard. Tout citoyen a des droits politiques, notamment le droit de participer à la gestion des affaires publiques de la cité. La passivité de lʼEtat dans ce déficit de représentation fé- minine est une faute, un manquement à ses obligations nationales et internationales de la part de lʼEtat», soutient-il. La création de lʼInstitut national pour la promotion de la femme (Inpf), placé sous la tutelle du président de la République, nʼa pas apporté le déclic attendu. Dans son impuissance à remplir sa mission, il ne lui reste que les critiques et les dénonciations devant la non prise en compte de ses recommandations découlant des études et enquêtes dont elle est lʼinitiatrice. A la tête de lʼIfpf, Mme Vicentia Bocco constatait dans lʼédition du 15 février 2015 du quotidien Lʼévénement précis : «Nous nous sommes rendus compte que le gouvernement, lʼAssemblée et tous ceux qui devraient se saisir de nos résultats ne sont pas enclin à le faire facilement.» Là se trouve le facteur de blocage fondamental. Car si les populations ne comprennent pas encore lʼenjeu dʼune plus forte implication des femmes, les politiques et les porteurs de décision semblent se confondre dans un manque de volonté et dʼinitiative. n LEONTINE IDOHOU - RIFONGA BENIN ACCES A L’EAU POTABLE «L’argent est le facteur d’exclusion des femmes politiques» Le supplice des femmes rurales à Zagnanado Les prochaines législatives ne verront pas les femmes passer de lʼombre à la lumière. Encore une fois, leur présence reste infime sur les listes électorales. Présidente de la section béninoise du Réseau pour lʼintégration des femmes des Ong et associations africaines (Rifonga/Bénin), Léontine Konou Idohou se désole dʼune telle situation. uelle lecture faites-vous de la place des femmes dans les listes de candidature pour les législatives dʼavril 2015 ? Léontine K. Idohou : Je suis perplexe et triste. Avec tout ce que nous avons fait comme travail au niveau de la société civile, nous ne devrions plus en être là. Des femmes ont été remplacées par des hommes à cause de lʼargent. Certaines femmes mʼont dit quʼon veut bien les positionner, mais il faut quʼelle dépose leur part de financement pour la campagne électorale. Ce quʼelles nʼont pas. Alors, on les a remplacées par des hommes Q Dovi, un village à une centaine de kilomètres au nord de Cotonou. La corvée dʼeau continue de peser sur les femmes, alors que les robinets sont là, prêts à fournir le liquide précieux. Le reste est une incroyable histoire où tout le monde se rejette la balle. e 1er mars 2015, à une semaine de la Journée internationale de la femme, lʼeffervescence des préparatifs sʼempare des organisations féminines à Cotonou. Pour les tenues à porter, les divergences se heurtent pour le choix des stylistes pour la confection des pagnes griffés « JIF ». On débat aussi de la qualité des services traiteurs, du nombre dʼinvités ou encore la solennité des manifestations. Pendant ce temps, à Dovi, à une centaine de kilomètres au nord, les femmes ont la tête ailleurs. Plus précisément sous des récipients en équilibre sur leur tête, engagées dans la quête quotidienne dʼeau potable. En groupe, elles dévalent la grande pente dʼenviron 20% qui mène à la source. Dans lʼeau, elles avancent prudemment par peur de la troubler et faire remonter la vase qui polluerait leur eau. Les pagnes retroussés à mi-cuisses et de grosses bassines sur la tête, elles se frayent un chemin vers lʼamont de la source, passent au milieu dʼun groupe dʼenfants qui se baignent et dʼautres femmes qui lavent leur linge, pour se diriger vers un tronc dʼarbre qui sépare les deux périmètres, avec lʼespace où puiser de lʼautre côté. Lʼexercice suppose de la dextérité. Une main pour tenir la bassine sur la tête, position fléchie, on puise avec un petit bol de lʼautre, pour remplir C le récipient. Mais plus dur est la remontée de la pente, avec la lourde bassine sur la tête. Ainsi va la vie des femmes de Dovi, un des six arrondissements de Zagnanado. «Nous nʼavons pas le choix», se résigne Madeleine, la voix hachée par lʼeffort, sous le poids de la grosse bassine dʼeau dont elle tient de sa main les rebords sur sa tête. La trentaine, les cheveux grossièrement nattés, baignée par lʼeau qui déborde et lui coule sur le corps, elle remonte avec peine le sentier menant au village. «Nos enfants sont tout le temps malades. Ce que nous puisons provient des eaux de ruissellement qui drainent toutes les saletés vers la source durant la saison des pluies. On traite lʼeau pour lʼassainir avant la consommation, mais cela ne suffit pas pour nous épargner des maladies. En dehors de rares ménages qui disposent dʼun puits, tout le monde vit cette situation», confie le chef du village. Et de se désoler : «Imaginez le calvaire de nos femmes qui parcourent ces longues distances, plusieurs fois par jour, à la quête dʼune eau qui, finalement, est impropre». Quand il tourne les yeux, cʼest pour les poser sur une borne fontaine dʼoù lʼeau attend toujours de couler. Lʼarrondissement de Dovi dispose dʼun château dʼeau et de quinze bornes fontaines. Toutes fermées. Quand on Comment peut-on lever les blocages de la sorte et dʼautres à la présence des femmes sur les listes ? Je pense quʼil faut que nous appliquions les textes que nous votons et les conventions que nous ratifions. Il faut que tout ce qui est en faveur des femmes puisse être respecté et quʼil y ait une application effective. Le développement ne peut être sans la participation de tous. Cʼest un défi inclusif. Malheureusement, au Bénin, cʼest un reflexe primaire dʼexclure femmes. Jʼattends les élections locales, communales, et municipales pour voir sʼil y aura un changement. Que faire au niveau des partis politiques où le jeu est aussi faussé à la base ? Effectivement, certains partis ont promis de présenter 50% de femmes. Mais les promesses électorales et la réalité sont deux mondes opposés. La solution, cʼest de fixer un minimum, soit quʼau moins le tiers des listes soit attribué aux femmes, à défaut dʼaller à 50%. Note démocratie bat de lʼaile, alors que nous sommes présentés comme un exemple en Afrique. Des pays comme le Sénégal, le Niger ou le Burkina-Faso nous ont dépassé. La Sénégal a sa loi sur la parité, le Niger a instauré un système de quota. Et nous ? Sur le plan démocratique ça ne fait pas sérieux. Nous voulons être là où on décide de notre sort. n Propos recueillis par Flore NOBIME cherche à comprendre les raisons dʼune telle situation, le casse-tête devient démentiel. Chef de lʼarrondissement, Irénée Zodékon, dénonce la mauvaise gouvernance du maire qui «prive» sa population dʼeau potable. «Il suffit de recruter un fermier pour permettre lʼexploitation des points dʼeau», lance-til. Joint au téléphone, le maire rejette les torts sur la Direction départementale de lʼeau. «Les agents sont partis avec les clés. Je leur mets la pression, mais ils ne réagissent pas», se défend Symphorien Misségbétché. «Faux», rétorquent les responsables de la Direction départementale de lʼeau. «La mairie est seule responsable du calvaire des populations. La mairie nʼa pas voulu respecter le processus en vigueur pour la mise en affermage des adductions dʼeau villageoise (Aev) en vue de garantir lʼapprovisionnement sécurisé en eau potable des populations», explique le chef du Service eau. Lʼimbroglio a fini par être levé (voir encadré), mais lʼaffermage des Aev constitue souvent un enjeu majeur entre les maires, les conseils communaux et les services de lʼeau. En raison des intérêts économiques (souvent personnels) mais aussi politiques, des conflits naissent. Des insuffisances auxquelles la loi nʼa pas encore trouvé une solution. Dans cette guerre dʼintérêts, les populations paient le prix fort, comme celles de Dovi et dʼautres arrondissements de la commune de Zagnanado. Notamment les femmes. n F. NOBIME Acte électoraliste ? rois jours après lʼentrevue téléphonique avec le maire de Zagnanado, on a été informé que lʼordre a été donné dʼouvrir les bornes fontaines à lʼexploitation des populations. Une telle décision intervient aussi à quelques semaines des élections législatives dʼavril 2015. Les conseillers communaux, dont les maires, remettront en jeu leurs mandats à la fin du mois de mai prochain. Pour cette élection, le maire de Zagnanado est dans la course pour le renouvellement de son mandat. n F. NOBIME T Un tronc d'arbre sépare l'espace dédié à la vaisselle et à la baignade, de l'eau destinée à la consommation où s'approvisionnent les femmes pour remplir les bassines. Page 7 Les autres voix de l’Afrique Other voices from Africa à LUTTE CONTRE EBOLA GUINEE Une première ligne mortelle pour les femmes Fatoumata KANTE Lʼengagement des Guinéennes à affronter lʼépidémie ne surprend point. Ebola a juste été un révélateur de plus de la pugnacité des femmes à monter au créneau et de leur rôle central dans la prise en charge des défis de toutes sortes quʼaffronte la communauté. ʼest un lourd tribut que les femmes ont payé à lʼépidémie à virus Ebola en Guinée. Et si elles ont été tant exposées et infectées, avec un fort taux de mortalité, cʼest parce que, entre autres, elles se trouvaient sur le front de la lutte et la prise en charge des victimes. Selon des statistiques fournies par les Ong intervenant en Guinée, environ 60% des victimes du mal sont des femmes. Au Liberia et en Sierra Leone voisins, Onu-Femmes parle respectivement de 75% et 59% de décès dans la population féminine. Lʼengagement des Guinéennes à affronter lʼépidémie ne surprend point. Ebola a juste été un révélateur de plus de la pugnacité des femmes à monter au créneau et de leur rôle central dans la prise en charge des défis de toutes sortes quʼaffronte la communauté. La Coalition des femmes leaders de Guinée (Cofel) sʼest démultipliée pour lancer des activités de sensibilisation à lʼintérieur du pays, notamment à Forécariah, ville frontière avec la Sierra Leone, dans lʼune des zones les plus touchées par lʼépidémie. Entre causeries communautaires dans les villages et distribution des kits de protection, lʼaction des femmes a contribué à réduire les foyers de résistance dans cette partie de la Basse Guinée considérée comme lʼun des épicentres de la maladie, mais où les populations se sont souvent montrées hostiles aux mesures de précaution et de prévention contre un mal dont la responsabilité incombait aux «autres». Des drames ont même eu lieu, comme à Womè, dans le sud du pays, à environ 1 000 km de Conakry, où huit membres dʼune délégation officielle en campagne de sensibilisa- C Fatou Baldé présidente de la COFEL en similation de lavage des mains à la RTG de Boulbinet. Ebola renforce la solidarité avec la diaspora Prise de température d'un chauffeur revenant de la Sierra Leone. tion ont été assassinés par des populations en furie. La ville de Forécariah, à 100 km de la capitale, a aussi connu des heures de violence aveugle à lʼendroit des équipes médicales dont les véhicules ont été calcinés avant le déferlement des populations sur les agents de la Croix-Rouge qui ont été violentées. Des délégations gouvernementales ont été aussi prises à partie. La «touche féminine» a aidé à apaiser les peurs et les tensions. Présidente de la Cofel, Fatou Baldé, confie : «On a travaillé avec les ménages, mais aussi dans les lieux publics, notamment les mosquées, les gares routières et les hôpitaux de la capitale. On lʼa également fait dans plus de quinze villages de la Basse Guinée où des fontaines de lavage de main et autres kits de protection ont été distribués dans le but de rompre les chaînes de propagation de lʼépidémie», indique t-elle. Les comités de veille qui ont été installés poursuivent le travail. «Les femmes savent parler et sensibiliser les familles des malades ou de Sanaba Kaba, ministre de l'Action sociale, de la Promotion féminine et de l'Enfance. u lendemain de la fermeture de certaines frontières avec la Guinée à cause de lʼépidémie à virus Ebola, des millions de Guinéens vivant à lʼétranger ont été coupés de leurs familles. Mais les barrières nʼont pas étéétanches pour empêcher lʼexpression de solidarité entre les populations de la diaspora et leurs proches condamnés à se lancer dans une bataille difficile contre lʼépidémie. Dʼun peu partout les soutiens se sont exprimés. Sous différentes formes. Et on a senti lʼapport des femmes dans cette solidarité. Lʻassociation des Guinéennes de Washingtona été lʼune des premières organisations à appuyer les Ongengagées dans la riposte à Ebola grâce à dʼimportants dons de kits de protection, composés de gants, de chlore et de matériels médicaux de protection des médecins lors de leurs interventions. Plusieurs anciennes Miss Guinée établis en Amérique y ont également mis du leur. TelleAry Sidibé, porteuse de la couronne 2009-2010, qui sʼest déplacée pour convoyé du matériel de soin à Conakry. Ou encore Fatoumata Sy, Miss Guinée North America 2014-2015, qui a organiséun concert dénommé «Concert for Ebola relief», dont les recettes ont été offerts àMédecins sans frontières etàInternational Medical Corps, ainsi quʼàdʼautres institutions évoluant dans la lutte contre Ebola en Afrique de lʼOuest. Ces multiples actions de soutien ont permis de renforcer la collaboration entre les Guinéennes de la diaspora et les associations évoluant dans le pays sur dʼautres perspectives, notamment la préparation de lʼaprès Ebola. Plusieurs organisationsévoluant à lʼextérieur du pays ont déjà commencéà réfléchir sur un éventuel appui aux activités économiques des femmes après la déclaration de la fin de lʼépidémie dans le pays. Un terrible mal donc, pour du bien. n F. KANTE A Les femmes de la coopérative des commerçantes de Kankan au marché hebdomadaire de Dibida. celles suspectées dʼêtre atteintes du virus. Les réticences commencent à diminuer», souligne une des responsables de ces structures, Mme Mariama Soumah. Avec une efficacité qui, pour elle tient à une réalité : «La présence des hommes est synonyme de lʼusage de la force. Souvent, quand ils débarquent, les populations pensent quʼils sont payés pour aller pulvériser les habitations ou alors traîner de force les personnes suspectes ou malades vers les centres de traitement dʼEbola. Par contre, les femmes profitent du respect dont elles bénéficient pour véhiculer les messages en vue de se faire comprendre.» Evoquant lʼexemple dʼune famille dont le père avait été infecté par le virus Ebola, Mme Soumah confie avoir eu à faire face à des résistance dans son quartier. Mais, «avec tact», elle est parvenue à convaincre lʼentourage pour que le malade soit mis à la disposition de la Croix-Rouge, ainsi que les personnes suspectes. «Cette intervention a permis de sauver cinq personnes sur sept cas qui avaient été confirmés dans cette famille. Depuis ce jour, cʼest moi qui suis à la tête de toutes nos missions. Je constate que je suis bien écoutée et respectée», se réjouit-elle. Mais ces interventions nʼont pas toujours réussi et lʼexpansion de lʼépidémie a souvent été fatale aux femmes au sein de la communauté. Et au-delà dʼune forte mortalité qui les a affectées, elles vivent aussi cette maladie comme un désastre économique. Evoluant le plus souvent dans lʼinformel, elles ont vu leurs chiffres dʼaffaires chuter. Non seulement le secteur du commerce avait été perturbé par la psychose et les restrictions apportées à la circulation des biens et des personnes, mais nombre de femmes ont dû déserter les marchés pour sʼoccuper des malades au foyer. Mais on a vu combien «la formation et la sensibilisation des femmes sur lʼexistence de cette épidémie a facilité le contrôle et la riposte efficace pour limiter la propagation du virus», confie Fatou Baldé. Et encore, la Cofel a pu organiser un téléthon pour mobiliser 25 millions de francs guinéens (environ 3 600 dollars) destinés à la CroixRouge. Dʼautres structures comme la fondation Binta Hann pour les enfants (Fonbale) nʼont pas été en reste, sʼactivant dans les gares routières pour sensibiliser les voyageurs, mais aussi les transporteurs qui sʼactivent souvent dans le transports des dépouilles. A Kankan, ville située à plus de 600 km de Conakry, les commerçantes ont mis en place une unité de saponification et, avec lʼappui du Programme des nations unies pour le développement, procèdent à des distributions de savon à lʼoccasion des marchés hebdomadaires qui sont devenus des espaces par excellence pour diffuser des messages de sensibilisation. n Page 8 Les autres voix de l’Afrique Other voices from Africa à ACCAPAREMENT DES TERRES SENEGAL Les paysans victimes des convoitises sur leur sol et le sous-sol Jamais la terre nʼa été aussi convoitée que durant cette dernière décennie au Sénégal. Les acteurs sont divers, leurs appétits voraces et les paysans voient leurs espaces de vie et de subsistance disparaître de manière dramatique. Birame FAYE Les peuples du monde contre le terrorisme Le comité dʼorganisation du Fsm (…), après avoir pris connaissance des nombreux messages et communiqués de soutien avec la Tunisie, provenant des différents acteurs sociaux et civils du monde entier, qui ont renouvelé leur totale adhésion au déroulement du Fsm du Tunis (et) fait savoir leur participation dans ce moment exceptionnel de mobilisation populaire en Tunisie, dans la région et le reste du monde contre la le terrorisme (…) informe lʼopinion publique mondiale de ce qui suit : - Toutes les délégations ont bien confirmé leur participation aux activités programmées, et ce, sans aucun changement ou modification ; ceci reflète lʼimpact de la solidarité effective des militants-es altermondialiste avec la Tunisie et son peuple ainsi que les familles des victimes de différentes nationalités. Cela démontre leur attachement aux principes de pais, de solidarité entres les peuples, de démocratie et de liberté. - Lʼorganisation dʼune manifestation à lʼoccasion des cérémonies dʼouverture le mercredi 24 mars 2015 a 16 heures, qui partira de la place Bab Saadoun en direction du musée du Bardo sous le mot dʼordre : ʻʼLes peuples du monde contre le terrorismeʻʼ - La création dʼune commission au sein du conseil international pour la rédaction de la charte internationale altermondialiste du Bardo de lutte contre le terrorisme. Le comité appelle à un rassemblement le 26 mars 2015 au campus de Farhat Hached à partir de midi. Le comité de Fsm réitère son appel à intensifier la mobilisation la mobilisation de toutes les forces sociales, civiles, altermondialistes et pacifiques, eu égard à lʼimportance du rôle quʼelle jouent , pour sʼopposer au terrorisme en faisant du Fsm de Tunis un jalon qualitatif dans lʼétablissement dʼun rapport de forces au profit de la paix de la démocratie , de la justice sociale dans la région et dans le monde. n Comité préparatoire du Forum Social Mondial Abderrahman Hethili 19 mars 2015, Tunis Le Fsm condamne l’attaque terroriste du Musée Bardo Notre terre. Notre vie. NON NON Manifestation des populations de Ndiael à Ross Béhio. es géomètres sénégalais nʼont point chômé depuis près dʼune décennie. Les lotissements en zone urbaine et périurbaine se sont multipliés pour charger leurs portefeuilles, mais il y a aussi ces Etats, ces multinationales et autres grosses fortunes lancées dans lʼagrobusiness qui ont fondu sur les terres, soutenus par les pouvoirs publics. La ruée vers le foncier a ainsi pris des dimensions jamais connues au Sénégal Selon une étude réalisée en 2013 par la Coalition pour la protection du patrimoine génétique Afrique, Inter Pares et le Réseau dʼétudes des dynamiques transnationales et de lʼélection collective, le cumul des acquisitions agraires à grande échelle tourne autour de 844 976 ha. A savoir plus du 1 /4 du potentiel de terres arables dont dispose le Sénégal. Ce phénomène dʼaccaparement foncier a trouvé un coup dʼaccélérateur en 2008 avec la mise en œuvre du programme dénommé Grande offensive pour lʼagriculture et lʼabondance (Goana). Dans son message à la nation du 31 décembre 2008, lʼex-président Abdoulaye Wade recommandait alors la culture de biocarburants dans les communautés rurales du Sénégal (actuelles communes), pour une superficie minimale de 1000 ha. L RUÉE VERS LE NORD La volonté politique ainsi exprimée a suscité une ruée vers le nord du pays, les terres du delta du Fleuve Sénégal aiguisant alors les appétits de plusieurs acteurs et aspirant à lʼagro-business. Dans la communauté rurale de Mbane, 230 000 ha ont été ainsi affectés à des agro-industriels et à des personnalités politiques qui occupent des stations de pouvoir. Dans la même localité, Dangote Group sʼest vu refuser 15 000 ha et la Compagnie sucrière sénégalaise 4531 ha, mais à quelques dizaines de kilomètres de là la ré- serve de faune de Ndiael a été délestée de 20 000 ha attribués à la compagnie Senhuile, pour la production de biocarburant. Quelques mois plus tôt, en 2011, cette affectation lui avait été refusée à Fanaye (département de Podor), où les populations sʼétaient violemment opposées à tout accaparement de leurs terres. Les incidents avaient fait deux morts. Cette convoitise sur les terres fertiles risque dʼêtre exacerbée par la mise en œuvre du Programme de développement intégré de lʼagrobusiness au Sénégal (Pdidas) et du Programme dʼaccélération de la cadence de lʼagriculture (Pracas). Une tendance dans laquelle les grandes confréries religieuses pourraient largement contribuer. Engagées dans les grandes exploitations agricoles, leurs chefs sont souvent servis à volonté. En 2009, 20 000 ha de la forêt classée de Pout (70 km de Dakar) avaient été cédés à certains dʼentre eux. LʼEXPLOITATION MINIÈRE Ces grandes attributions, quelle que soit leur nature, nʼont pas mis en avant les intérêts des producteurs locaux. Au nord du Sénégal, ce sont des zones de pâturage qui ont été perdues par les éleveurs. Durant la saison sèche, Ndiael où Senhuile se retrouve avec 20 000 ha, constituait en effet lʼune des réserves de pâturage qui attirent les nomades et leurs troupeaux. Sans compter lʼagriculture familiale qui y contribuait à faire vivre les populations. Sʼy ajoute une autre dimension de lʼaccaparement des terres, liée aux industries extractives. Dans la région de Thiès (70 km de Dakar), par exemple, lʼEtat a attribué des permis de recherche et dʼexploitation du zircon sur 44 500 ha. A Kédougou (700 Km de Dakar), de vastes périmètres ont été cédés aux sociétés minières lancées principalement dans lʼexploitation de lʼor. Un peu partout, si ce nʼest pas le pouvoir central, ce sont des élus locaux et parfois les populations elles-mêmes qui se livrent à la spéculation foncière. Le plus souvent en violant la Loi sur le Domaine national qui rend les terres invendables. Ce phénomène ne cesse de prendre de lʼampleur. Il crée des richesses aux origines illicites et installe la corruption et la mal gouvernance dans des terroirs ou la gestion communautaire traditionnelle était faite de transparence. n STATISTIQUES FONCIERES Géographie des terres accaparées e Saint-Louis à Matam, deux régions au nord du Sénégal ; le cumul des affections de terres connues et destinées à lʼagrobusiness est de 367 422 ha. Des promoteurs nationaux et étrangers ont bénéficié de douze décisions dʼaffectation pour, disent-ils, investir dans la riziculture et les biocarburants. Dans la zone maraîchère Dakar - Thiès - Saint-Louis, les populations locales ont assisté à la distribution de 202 550 ha de leur terre. Entre Kaolack, Fatick, Dioubel, trois affectations additionnées font 2800 ha. Elles lʼont été au profit dʼune agriculture commerciale orientée vers les biocarburants. Si le sud du pays est relativement épargné, les régions de Tambacounda et Kédougou (est) ont été témoins de treize délibérations portant sur 272 204 ha en 2013, au profit des sociétés minières, touristiques. n Source : Copagen et associés, 2013 D Suite à la lâche attaque terroriste survenue aujourdʼhui à midi (mercredi 18 mars 2015), au musée du Bardo jouxtant le siège de lʼAssemblée des représentants du peuple, le comité dʼorganisation du Fsm Tunis 2015 déclare que le Forum et lʼensemble de ses activités sont maintenus. Par cette attaque, les groupes terroristes extrémistes visent à mettre à mal lʼexpérience de la transition démocratique en Tunisie et dans la région ainsi quʼà créer un climat de peur au sein des citoyens qui aspirent à la liberté, la démocratie et à la participation pacifique à la construction démocratique. La rapide riposte du mouvement social, civil et des acteurs politiques en Tunisie opposés au terrorisme et appelant à lʼunité pour le combattre prouve, sʼil en était besoin, lʼattachement des tunisiens à leur nouvelle expérience démocratique. Le mouvement social et civil en Tunisie et dans la région compte plus que jamais sur le soutien des forces démocratiques dans le monde entier pour sʼopposer à la violence et au terrorisme. Plus que jamais, la large participation au Fsm 2015 (Tunis 24-28 mars 2015) sera la réponse appropriée de toutes les forces de paix et de démocratie qui militent au sein du mouvement altermondialiste pour un monde meilleur, de justice, de liberté et de coexistence pacifique. Le comité dʼorganisation du FSM appelle toutes les composantes du forum social mondial à intensifier leurs efforts en vue de la mobilisation pour le succès de la prochaine session du FSM afin dʼassurer la victoire de la lutte civile et pacifique contre le terrorisme et le fanatisme religieux qui menacent la démocratie, la liberté, la tolérance et le vivre ensemble. n Pour le comité dʼorganisation du FSM Tunis 2015 Le coordinateur du Comité dʼAbderrahmane Hedhili Les solidarités du mouvement social n Salete Valesan : Amigos e amigas da Tunisia e do CO do FSM 2015. Toda solidariedade da Flasco e do Clacso para que tudo saia bem com todas as pessoas e com o Fsm. Estremos chegando dia 23/3. Abraços n Gina Vargas : Dear Hamouda and all our friends in Tunesia, thanks for your letter and your message. Recieve all our solidarity. I will be arriving on the 23th. Sara Longwe : Comrades, I regret with you the uncalled for violence to intimidate people by terrorists. Collectivity and solidarity is our motto for attaining a just world for all, hence ʻAnother World is Possibleʼ! Iʼm not going to be at the Tunis WSF, but I wish you a progressive process. Aluta continua! n Francine Mestrum - Global Social Justice : Cher Hamouda, chers amis tunisiens, en ces moments difficiles, toute notre solidarité. Nous venons à Tunis, bien entendu, pour défendre la justice, la démocratie, la paix et la solidarité. n Norma Fernandez : Allí estaremos, en solidaridad activa n Shenjing Lin : Cher Hamouda, la délégation de Taiwan, Hong Kong et la Chine continentale viendra à Tunis, pour être parmi vous, exprimant notre solidarité avec le peuple tunisien. n Antonio Pacor - Collettivo Focuspuller : Dear camerades, we express our solidarity with the victims of the cowardly terrorist attack, and to the Tunisian people who will be vigilant and defend democracy. n Roberto Savio : We will be there to show that a world different from terrorism is possible… n María Cecilia Fernández : International Council for Adult Education General Secretariat Queridos amigos y amigas en Túnez, en nombre del ICAE toda nuestra solidaridad y fuerza en este momento tan importante! Gracias al comité organizador del Foro en Túnez por este claro y rápido comunicado convocando a continuar luchando en forma conjunta por otro mundo posible! Paz, dignidad y justicia para todos y todas n Pedro Ivo Batista : Camaradas. Toda nossa solidariedade ao Forum Social Mundial na Tunísia. Alternativa Terrazul/Forum Brasileiro de Ongs e Movimentos Sociais pelo Meio Ambiente e Desenvolvimento. n Mwadhini myanza : Dear Abderrahmane Hedhili, Thank you for this encouraging statement. It is true, the terrorism will never interfear the WSF plans. We stand together to say «Stop Terrorism, Respect Humanity and Right to Live». It is pitty that Irteco will not attend the WSF due to resource limitations. n Editeur : Institut Panos Afrique de lʼOuest Editorialiste : Tidiane KASSE Rédaction : SENEGAL : Birame FAYE - CAMEROUN : Victoria OKOYE GUINEE : Fatoumata KANTE - MALI : Moussa CAMARA MAURITANIE : THIAM Mamadou Maquette-Mise en page : Alioune KASSE - Réalisation : UEMM-IPAO
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