19 mai 1956, de l’amphi au maquis Le 24 avril 1958, le jeune Taleb Abderrahmane est guillotiné à la prison de Serkadji. Quelques minutes avant son exécution, il lance à l’adresse de ses bourreaux : "Pour ma patrie, pour mon idéal et pour mon peuple, périr n’est qu’un sublime sacrifice auquel je suis résigné… Je saurai mourir. L’Algérie sera libre envers et contre tout". Ces étudiants qui changeront le cours de l’histoire Neuf mois après le déclenchement de la guerre de libération nationale, naît, le 8 juillet 1955, l’Union Générale des Etudiants Musulmans Algériens (UGEMA), Ahmed Taleb Ibrahimi qui devenait le président de l’UGEMA; il venait de terminer sa dernière année de médecine. Yaker Layachi, Vice-Président, Mouloud Belaouane Secrétaire Général et directeur de la publication "L’Etudiant Algérien". Ahmed Taleb EL IBRAHIMI (1erprésident de l´UGEMA) Lors du congrès constitutif organisé à la salle de la Mutualité, Mouloud Belaouane est désigné président du comité exécutif de la commission permanente chargée de préparer le congrès constitutif, puis secrétaire général du premier comité exécutif en juillet 1955. Pour cet étudiant en médecine, né à Collo, le 26 juillet 1928, la mission qui lui est assignée revêt toute son importance. La révolution vient de se déclencher et le rôle que doit jouer cette organisation estudiantine n’est pas des moindres. L’UGEMA mène un combat sans discontinuer pour le recouvrement de l’indépendance de l’Algérie. Mouloud Belaouane est élu président de l’UGEMA, en avril 1956, un mois plus tard, le 19 mai 1956, il lance un appel aux étudiants pour le boycott des cours et des examens. Mouloud BELAOUANE (1928-2009) Dans ce Comité exécutif il y avait Layachi Yaker, Abderrahmane Cheriet et bien sûr les membres fondateurs en l’occurrence: Belaïd Abdesselam, Mouloud Belaouane, Abdelmalek Benhabylès, Mohamed Seddik Benyahia, Lamine Khène, Rédha Malek, Messaoud Aït Chaâlal, Ali Abdella, Aoufi Mahfoud, Belarbi Abdelkader, Mokhtar Bouabdellah, Tahar Boutamjit, Lakhdar Brahimi, Nordine Brahimi, Tahar Hamdi, Djamel Houhou, Mohamed Kellou Messaoud, Mohamed Khemisti, Lakhdar Ali, Mansour Benali, Mohamed Mokrane, Bachir Ould Rouis, Mohamed Raffas, Mohamed Rezoug, Taleb Chouieb, Sid Ali Tiar, Zeghouche Derradji. Abderrahmane KHENE dit Lamine Lakhdar BRAHIMI Belaïd ABDESSELAM Rédha MALEK Abdelmalek BENHABYLES Mohamed KHEMISTI L’UGEMA est devenue un partenaire crédible dans les milieux estudiantins internationaux dans les diverses organisations d’étudiants et de jeunesse. L'UGEMA organise une conférence de presse, 1956 Bureau de l'UGEMA, le 12 Février 1956 Appel de l'UGEMA à la grève des étudiants et lycéens à rejoindre l'armée de libération nationale "Étudiants Algériens ! Après l’assassinat de notre frère Zeddour Belkacem par la police française, Belkacem ZEDDOUR (1923-1956) Le premier étudiant martyr après le meurtre de notre frère aîné le docteur Benaouda Benzerdjeb, Docteur Benaouda BENZERDJEB (1921-1956) Premier martyr médecin de la révolution algérienne après la tragique fin de notre jeune frère Brahimi du collège de Bougie, brûlé vif dans sa mechta (hameau) incendiée par l’armée française pendant les vacances de Pâques, après l’exécution sommaire dans un groupe d’otages de notre éminent écrivain Ahmed Réda Houhou, secrétaire de l’institut Ibn Badis de Constantine, Ahmed Réda HOUHOU (1911- 1956) après les odieuses tortures qu’on a fait subir aux docteurs Haddam de Constantine, Baba Ahmed et Tobbal de Tlemcen, après l’arrestation de nos camarades, Amara, Lounis, Saber et Touati aujourd’hui arrachés aux geôles de l’administration française, celle de nos camarades Ferrouki et Mahidi, après la déportation de notre camarade Mihi, après les campagnes d’intimidation contre L’UGEMA, voici que la police nous arrache des mains, un matin à la première heure, notre frère Ferhat Hadjadj, étudiant en propédeutique et maître d’internat au lycée de Ben Aknoun, le torture, le séquestre pendant plus de dix jours. L’avertissement donné par notre magnifique grève du 20 janvier 1956 n’aura-t-il servi à rien ? Effectivement, avec un diplôme en plus, nous ne ferons pas de meilleurs cadavres ! À quoi donc serviraient ces diplômes qu’on continue à nous offrir pendant que notre peuple lutte héroïquement, pendant que nos mères, nos épouses, nos sœurs sont violées, pendant que nos enfants, nos vieillards tombent sous la mitraillette, les bombes, le napalm. Et nous " les cadavres de demain", on nous offre d’encadrer quoi ? D’encadrer ? … les ruines et les morceaux de cadavres sans doute, ceux de Constantine, de Tébessa, de Philippeville (Skikda), de Tlemcen et autres lieux appartenant déjà à l’épopée de notre pays. Notre passivité face à la guerre qu’on mène sous nos yeux nous rend complices des accusations ignobles dont notre vaillante Armée Nationale est l’objet. La fausse quiétude dans laquelle nous sommes installés ne satisfait plus nos consciences. Notre devoir nous appelle à d’autres tâches plus urgentes, plus coopératives, plus catégoriques, plus glorieuses. Notre devoir nous appelle à la souffrance quotidienne aux côtés de ceux qui luttent et meurent libres face à l’ennemi. Nous observons tous la grève immédiate des cours et examens et pour une durée illimitée. Il faut déserter les bancs de l’université pour le maquis. Il faut rejoindre en masse l’Armée de Libération Nationale et son organisme politique le FLN. Étudiants et intellectuels algériens, pour le monde qui nous observe, pour la nation qui nous appelle, pour le destin héroïque de notre pays, serions-nous des renégats ? ". Etudiants Algériens, manifestations du 19 mai 1956 La manifestation des Etudiants Algériens, le 19 mai 1956, violemment réprimée Les universitaires algériens ainsi que les lycéens rejoignent les maquis en masse. La grève des étudiants déclenchée fut largement suivie par les étudiants et un grand nombre parmi eux rejoindra les rangs du FLN/ALN. Il va sans dire que le mouvement des étudiants existait bien avant le déclenchement de la Révolution de Novembre 1954. Dès 1919, l’Association des étudiants musulmans de l’Afrique du Nord (AEMAN) fut créée à Alger et l’Association des Etudiants Musulmans NordAfricains (AEMNA) le fut en 1927 à Paris et regroupait les étudiants maghrébins en France et dont le siège se trouvait au 115 bd Saint-Michel, Paris. D’aucuns estiment que l’afflux des étudiants dans les maquis, à partir de 1956, à la suite de la grève historique lancée par l’Union Générale des Etudiants Musulmans Algériens (UGEMA), affiliée au FLN, a donné un autre visage à l’insurrection armée déclenchée deux ans plus tôt. Cet apport en nombre et en qualité des milliers de lycéens et d’étudiants dans les différentes universités, y compris, en France, formeront l’ossature des nouvelles structures mises en place lors du congrès de la Soummam, du 20 août 1956, et fourniront une constance universaliste au message de Novembre, mais aussi l’élite sur laquelle l’Algérie indépendante va compter pour réussir sa transition dans tous les domaines de gestion. Ces flux d’étudiants qui ont accepté de quitter leurs bancs de l’université et lycée, pour répondre à l’appel de la patrie et rejoindre la lutte armée contre le colonialisme ont été dirigés vers deux directions : les maquis, pour servir de cadres, de secrétaires, d’intendants ou même d’aidessoignants dans les infirmeries des zones de l’ALN, ou les structures de formations des opérateurs radio et des cadres des transmissions et de la communication de l’ALN. Etudiants faisant fonction de cadres des transmissions de l’ALN De gauche à droite : Abane Ramdane, Bazi Safia, Meslem Chafika, Belmihoub Zerdani Meriem, Amara Rachid (Ces étudiantes faisant fonction d’infirmières au maquis) Il faut dire que l’appel de l’UGEMA était déjà un manifeste pour la défense de la mémoire des intellectuels algériens lâchement assassinés par les forces coloniales, qui étaient autant d’arguments convaincants pour justifier cette décision qui a été saluée unanimement par les étudiants et lycéens et les libérer de la "fausse quiétude" dans laquelle ils étaient installés. L’apport des étudiants dans la révolution se fera néanmoins plus concret au sein du GPRA, dans les négociations pour l’Indépendance avec le gouvernement français, qui ont vu l’émergence de jeunes négociateurs ayant fraîchement déserté les bancs de l’université pour rejoindre la révolution. Pour ne citer que les plus illustres, il y avait MohamedSeddik Benyahia, ancien président de l’UGEMA, Mohamed Seddik BENYAHIA (1932 -1982) Mohamed Seddik BENYAHIA en Grèce ou encore Rédha MALEK. La présence des étudiants était encore plus visible dans le département des renseignements et des communications, conduit par le colonel Abdelhafid BOUSSOUF. Recrutés à la suite de cette grève du 19 mai 1956, dans les transmissions radio, ces jeunes étudiants, dont certains étaient venus de France, vont briller dans la mise en place d’un système de communication efficace qui a servi pendant la révolution et aussi lors du passage à l’indépendante. Ces jeunes cadres presque autoformés alimenteront, à l’Indépendance, l’essentiel des cadres des transmissions affectées dans les différentes institutions du pays, à commencer par les secteurs stratégiques comme la Radiotélévision. En évoquant le rôle des étudiants dans la révolution du 1erNovembre, il faut leur rendre hommage pour les sacrifies incommensurables qu’ils ont consentis pour faire triompher leur idéal de liberté et d’indépendance. Beaucoup d’entre eux sont tombés au champ d’honneur, les armes à la main. Il est difficile de nommer, aujourd'hui, toutes les étudiantes et tous les étudiants, qu'ils soient universitaires, lycéens ou collégiens, dont les noms s'inscrivent dans le long martyrologe attaché à leur lutte de libération nationale. On peut citer les noms de ceux qui se sont distingués par leur rôle dans le déploiement du mouvement étudiant et qui se sont illustrés par leur conduite au sein de l'ALN ou par leur attitude face à la répression de l'oppresseur colonial. Mohamed-Rachid Amara, l’un des premiers militants étudiants du FLN à Alger, mort au combat dans la Wilaya 4, en compagnie d’un autre militant étudiant de la première heure, Mohamed Lounis. Mohamed Rachid AMARA (1934-1956) Allaoua Benbatouche, pionnier du mouvement étudiant, viceprésident de l’AEMAN (Association des Etudiants Musulmans Nord-Africains) et membre du comité directeur de l’UGEMA. Après avoir rejoint l’ALN en 1957, il fut affecté dans la Wilaya 2, où il fut promu au grade de commandant. Parti en mission à Tunis, il périt sur le barrage électrifié de l’Est, au moment où il réintégrait l’intérieur de sa Wilaya. Mohamed-Larbi Madi, originaire de Souk-Ahras et l’un des premiers étudiants membres actifs du FLN en France, arrêté et interné dans un camp en Algérie. II fut enlevé par la police française puis disparut sans que le lieu de son inhumation soit connu. II fut l’un des promoteurs les plus engagés de l’UGEMA. Mohamed Larbi MADI (Lâchement assassiné à Souk Ahras en 1958) Ahmed Taouti, natif de Laghouat, plus connu sous le nom de Si Chaâbane, commandant à la Wilaya 5, mort au combat. Ahmed TAOUTI (1931-1958) Abdelhamid Lamrani, l’un des proches collaborateurs de Mostefa Ben Boulaïd, perdit la vie à la suite de l’explosion de la bombe qui emporta l’organisateur des opérations du 1er novembre 1954. Mekki Hihi, pionnier de l’Association de la Jeunesse Estudiantine Musulmane (AJEM) de Constantine et l’un des cadres les plus en vue de la Wilaya I, mort au cours d’un accrochage avec l’armée ennemie. Abdelkader Belarbi, originaire de la région de Mostaganem, membre dirigeant de l’AEMAN et du comité directeur de l’UGEMA. De retour de Paris où il poursuivait ses études tout en assumant des responsabilités au sein de l’UGEMA, il avait rejoint l’ALN dans la Wilaya 5, puis la Wilaya 4 où il devint un proche collaborateur du colonel Si M’hamed ; il mourut en martyr au cours d’une bataille opposant l’ALN à l’armée française. Abdelkader BELARBI (1930-1959) Brahim Tirichine, originaire de Ghardaïa, membre actif de l’AEMAN et de l’UGEMA à Alger ; il disparut au cours d’opérations opposant l’ALN à l’armée française dans la Wilaya 4. Hassiba Benbouali, lycéenne d’Alger, perdit la vie héroïquement lors du dynamitage par les parachutistes français de la cache des fidaïs de la Zone Autonome d’Alger. Hassiba BEN BOUALI (1938-1957) Akli Aissiou, étudiant en médecine à Bruxelles, membre de l’UGEMA et militant du FLN, assassiné le 9 mars 1960 dans la capitale belge par la DST, agissant sous le couvert de ce que l’on appelait à l’époque "la Main rouge". Mohamed Tahar Ben M’hidi, frère de Si Larbi Ben M’hidi, "l’un des fondateurs du FLN et de l’ALN et l’un des responsables du déclenchement de la lutte armée". Mohamed Tahar Ben M’hidi, 2ème à partir de la gauche avec des responsables de la Wilaya II Les frères Belhocine, tombés dans la Wilaya 3 Abderrahmane Taleb, le chimiste de l’ALN, perdit la vie sous le couperet de la guillotine. Abderrahmane TALEB (1930-1958) Mamoun Mekkioui, de Mascara, moudjahid de la Wilaya 5, connu sous le nom de Si Abderrahmane, autre pionnier du mouvement estudiantin, mourut au cours d’un combat contre l’armée ennemie. Mamoun MEKKIOUI (1919- 1958) Sid Ahmed Inal, alors étudiant à Paris, décida de prendre part à la lutte de libération, puis perdit la vie au combat. Il décroche un certificat propédeutique à Paris Sorbonne en 1952 et prépare deux travaux: Histoire moderne et contemporaine (Paris, 1953) et Histoire de la colonisation (Paris, 1955). En France, Ahmed a une activité inlassable dans le monde estudiantin. Il y prône partout la lutte armée comme solution au problème algérien. Sid Ahmed INAL (1931 – 1956) Le jeune étudiant Abdelhak Kouissem, promu officier de l’ALN, tombé en martyr en Wilaya II au cours d’un accrochage avec une unité de l’armée ennemie le 16 mars 1962, trois jours avant l’entrée en vigueur du cessez-le-feu, le 19 mars. Abdelhak KOUISSEM (1931-1962) Congrès national de l'UGEMA 1960 Des membres de l’UGEMA aux USA Le 19 mai 1956, une date historique au cours de laquelle les étudiants algériens avaient décidé de déserter les lycées et les universités pour rejoindre les maquis afin de libérer leur pays du joug colonial. L’Algérie indépendante a de quoi se réjouir de ce que les étudiants martyrs et ceux toujours en vie ont accompli en sa faveur dans le but de recouvrer sa légitimité et son autodétermination. Tout autant que les étudiants algériens d’aujourd’hui, qui peuvent être fiers de l’œuvre de L’UGEMA et de ses membres. Qu’ils soient universitaires, lycéens ou collégiens, hommes ou femmes, leurs noms s’inscrivent en lettres de sang sur le livre d’histoire de la lutte de libération nationale. Sources : www.memoria.dz/avr-2013/dossier/texte-int-gral-l-appel-l-union-g-n-rale-des-tudiantsmusulmans-d-alg-rie-ugema www.memoria.dz/avr-2013/dossier/mouloud-belaouane-une-figure-marquante-mouvement www.memoria.dz/avr-2013/dossier/entre-sacrifice-supr-me-militantisme-politique www.memoria.dz/jan-2014/dossier/ces-tudiants-qui-changeront-le-cours-l-histoire www.liberte-algerie.com/actualite/taleb-abderrahmane-lalgerie-sera-libre-envers-etcontre-tout- Notes : Propédeutique : Première année d’études dans les facultés des lettres et sciences de 1948 à 1966 Mechta : hameau
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