Restauration d’un revolver Lefaucheux en calibre 7 mm anvier 1971. Je suis chez un camarade de classe de terminale et de club d’arts martiaux, Judo et Aïkido. Il fait froid et humide dans cette ville agréable de Montceau-les-Mines, en Bourgogne du sud, entre le Morvan et le Charolais. Cela fait un peu moins de deux ans que je suis arrivé de Guadeloupe. J’ai travaillé un mois comme ouvrier agricole en job d’étudiant l’été dernier et j’ai acheté une réplique Uberti du revolver ancien venant de Virginie que m’a offert mon oncle « Ti’Cam » avant que je quitte la Guadeloupe. J’ai dix-neuf ans, je ne suis pas majeur et l’armurier m’a déclaré : « On dira que votre frère était avec vous », avant d’encaisser mes 340 Francs en liquide. Les Armes Stéphanoises, près de la Maison Carrée et du square Antonin, en haut du Boulevard Victor Hugo à Nîmes. L’été passé, avec un autre copain de classe, nous avons passé plusieurs journées dans la résidence secondaire du père libraire de mon camarade de classe et d’arts martiaux. Résistant pendant la dernière guerre, le libraire avait conservé quelques armes de guerre américaines dont un 11,43 et une Carabine USM2 qui tire coup par coup et par rafale une munition anémique mais plus puissante de nos 22 LR. Nous avons aussi enfumé le grand pré entouré de bouchures, ces haies épaisses de denses buissons d’aubépine qui confinent hors des pâtures les sangliers voyous et à l’intérieur les énormes taureaux bourguignons dits Charolais. Le troisième larron est en effet l’heureux possesseur d’un Remington Euroarms et lui et moi nous nous affrontons en tir sur boîtes de conserve que nous faisons partir de dix pas de nous vers le bout du champ. Il s’agit d’envoyer chacun sa boîte le plus loin et le plus vite possible avec les six coups de nos barillets respectifs. Comme il n’y a que deux revolvers à percussion, celui de nous trois qui ne tire pas fait l’arbitre chronométreur. Comme déjà je possédais de l’outillage et que je savais déjà m’en servir, j’avais réparé un certain nombre des armes anciennes que collectionnait le fils du libraire. Et surtout, j’avais fait des cartouches à poudre noire pour des revolvers du genre British Bulldog copies belges que l’on trouvait en quantité pour pas cher chez les brocanteurs de la région. C’est en remerciement de ces divers travaux que mon camarade fils de libraire m’a offert ce jour de janvier 1871 un « Lefaucheux » belge. Un petit, en 7 mm, qui n’avait pas de ressort de détente. Curieux comme panne non ? Peu tenté à l’époque par la préparation de cartouches à broche, j’ai laissé ce revolver dans mon fourre-tout CPTS (Ça peut toujours servir). Trente-quatre ans plus tard, parce que j’ai réparé un Lefaucheux belge en calibre 12 mm, j’ai décidé de refaire tirer ce petit Lefaucheux belge que m’avait offert mon camarade de sport, d’arts martiaux, de tir, de classe et de dégustations de marc de Bourgogne. Si j’avais sursis à cette remise en état pendant tant d’années, c’est que j’avais peu de temps à lui consacrer, pris qu’était mon rare temps de loisir par ma vie de famille et le tir sportif que je pratiquais en plus des concours de tir sportif militaire. Et mes activités armurières collatérales, entretien des armes et rechargement de divers calibres d’armes longues et de poing. En outre, dois-je l’avouer, le canon de ce revolver qui avait été rayé, l’avait été très faiblement et ne m’inspirait pas confiance. Vers les années 2000, je parcourais sans idée de manœuvre les foires à la brocante et les salons du livre. Dans les premières j’achetais parfois des « vieilles roupilles » qui rejoignaient mon cpts ou que je remettais en état. Un jour où j’étais à Aix en Provence pour une signature de livres qui se tenait en même temps qu’une foire aux « militaria » lors d’une pause dans la vente de mes livres je me suis rendu au stand d’un brocanteur, proche du mien. J’y ai admiré un Volcanic en état correct mais qui coûtait plus cher que l’Austin de mon épouse et qui ne valait pas celui de la Plantation de mon Oncle, mais surtout j’ai acheté un bloc canon de Lefaucheux Belge. Parole, je n’avais même pas pensé à m’en servir pour re-canonner celui que m’avait gentiment offert mon condisciple et qui de toute façon était dans ma résidence secondaire dans une caisse de pièces détachées. Il y a un an, j’ai « déstocké » ce bloc canon, sans baguette d’éjection et comme j’étais inactif momentanément en attendant que mes haricots commencent à donner et que les tomates finissent de mûrir, je me suis dit qu’avec un peu de bricolage je pourrais canonner le bloc au canon lisse avec le canon bien rayé du bloc que j’avais acheté à la brocante. Mais avant toute chose, l’indispensable prise de mesures au calibre électronique pour vérifier entre autres que le calibre du canon est bien compatible avec celui des chambres du barillet. Toutes mesures prises, j’ai eu l’agréable surprise de découvrir que les deux blocs 1 J canon avaient le même calibre et surtout les mêmes entre-axes canon - axe de barillet et axe de barillet - trou de vis d’assemblage, au centième de millimètre. Et le filetage de l’axe de barillet était le même que celui du bloc canon de récupération. En revanche, la baguette d’éjection d’origine était d’un diamètre trop grand pour entrer dans le trou de la chape du canon que je voulais monter. Vérification faite, en limant légèrement le bloc canon de récupération au niveau de la vis d’assemblage canon - bâti pour rattraper un entrefer un peu trop large, je pourrais monter le canon de récupération à la place de celui d’origine trop lisse pour mon gré. Il ne resterait plus qu’à fabriquer une tige d’éjecteur. Et avant toute chose, un ressort de détente. C’est d’ailleurs ce qui m’était le plus difficile jusqu’à ce que j’aie trouvé du ressort à lame et son protocole de trempe. Ayant refait celui de mon Lefaucheux en calibre 12 mm, j’ai décidé de tenter la même opération pour le 7 mm. Ressort plus petit donc plus délicat à réaliser. Assez parlé, venons-en aux images. Ma petite famille Lefaucheux : En haut, le Lefaucheux Belge en calibre 12 mm à broche. Au milieu, le cadeau de mon condisciple. Notez que l’arme a été nickelée et qu’il en reste des traces solidement attachées. En bas le bloc canon acheté à la brocante d’Aix en Provence. Les Travaux : Voyons d’abord ce fameux ressort de détente qu’il a fallu refaire. Le ressort de détente est le point faible de toutes ces armes. J’ai adopté une solution qui diffère de celle adoptée à l’époque : mon ressort a un pli arrondi et non une forme en fourche avec un pli vif entre les deux branches. Par bonheur, le pli arrondi trouve son logement dans ce petit emplacement ce qui n’était pas gagné au départ. 2 État des canons : À gauche, l’âme du canon d’origine. À droite, celle du canon de récupération. Avant nettoyage… Les choix est évidemment vite fait. Seulement, comme je tiens à conserver son état d’origine au canon de l’arme, je décide de n’apporter aucune modification sur le bloc canon. Tout le travail porte donc sur le canon de rechange. Notons le nombre 15 marqué dans le bâti du canon d’origine ( à gauche) que j’ai marqué aussi sur le canon de rechange (à droite). Remarquons aussi que la finition du canon de rechange est plus élaborée que celle du canon d’origine, lequel porte de marques de lime sous la couche de nickel. En ce qui concerne ce nombre 15, on le retrouve sur les pièces du revolver. Et nous allons examiner les rares marquages de cette arme. 3 Les Marquages : Outre le numéro frappé sur le bâti du bloc canon, on trouve aussi ce 15 … …sur la détente, ci-dessus, sur la portière de chargement ci-dessus mais aussi… Sur le barillet ci-contre : Ce ne sont pas les seuls marquages. L’arme porte aussi les poinçons de Liège pour l’épreuve des armes à poudre noire et un autre poinçon que j’avoue ne pas avoir encore identifié, un T surmonté d’une étoile à 5 branches. 4 Examinons, ces poinçons. Voici les poinçons de Liège pour la poudre noire. Ce poinçon est normalement surmonté d’une couronne et la marque sous le L et le G devrait être une étoile à 5 branches comme celle qui surmonte le T… Et ce fameux T étoilé. … porté sur le flanc droit du canon d’origine : Conclusion, cette arme porte les pinçons d’épreuve de Liège pour la poudre noire. À l’examen, elle ne présente pas d’altération des chambres du barillet. Le canon de rechange est sur dimensionné en épaisseur par rapport au canon d’origine. Le bâti ne présente ni déformation ni fissure. L’arme est donc présumée apte au tir et peut subir les tests de tir à la ficelle. Mais avant d’en arriver là, il me faut terminer la restauration en fabriquant les pièces qui ne peuvent pas passer d’un bloc canon à l’autre et aussi évaser un peu le cône de forcement de l’entrée du canon qui est par trop réduit. 5 Cette mesure préparatoire a demandé peu de temps. Calculer la pente du cône en fonction de la vitesse d’entrée dans le tube. Il existe des abaques expérimentales pour cela je n’ai eu qu’à choisir dans les tableaux de mon cours de balistique intérieure en utilisant des données fonction du diamètre du projectile, de la nature de la poudre et de la longueur de partie lisse parcourue (dans la chambre du barillet). Ces abaques sont expérimentaux et il suffit de raisonner dans la même unité de mesure, en l’occurrence le dixième de millimètre, pour obtenir un cosinus et retrouver l’angle dans le tableau de l’abaque qui correspond à la poudre : noire, tubal, T Tbis, Ba etc. C’est primitif, mais ça marche. Le cône de forcement remis comme il devait être, j’ai pu continuer la reconstruction. J’ai monté le bloc canon de rechange et j’ai contrôlé le positionnement de chacune des chambres devant le cône de forcement en éclairant la chambre par l’encoche de passage de la broche en armant en simple action pour chaque chambre. Cinq des six chambres arrivent juste en face. Une est légèrement décalée mais vient exactement en face si on termine le mouvement en faisant tourner le barillet avec un doigt. Pour m’assurer de ce que cela ne présente pas de danger, j’ai bien vérifié qu’en tout cas, même lorsque la chambre n’est pas exactement en face le bord de chambre est encore dans l’évasement du cône de forcement. Il n’empêche, je vais recharger un peu le rochet du barillet avec de la résine aéronautique lorsque j’aurai procédé aux premiers essais au tir. Les pièces fabriquées portent des numéros rouges sur fond jaune. Méplat incliné 1) Le canon de remplacement n’a nécessité qu’un nettoyage et un bronzage. 2) La baguette a été tournée dans un clou de charpentier et comporte un méplat incliné qui n’existe pas ordinairement sur les Lefaucheux. 3) Le ressort d’arrêtoir de baguette, taillé dans une vieille lame de scie à métaux. 4) La vis de fixation du ressort sur le bâti. 5) Le verrou d’arrêtoir de baguette. Le méplat incliné permet de bloquer la baguette comme sur tout Lefaucheux lorsque le verrou poussé par le ressort d’arrêtoir agit dans le fond du méplat. Si l’on veut enlever la baguette, il suffit de la faire pivoter sur elle-même, le méplat repousse le verrou jusqu’au sillon moins profond et il suffit d’un effort minime pour désencliqueter la baguette. Ainsi la baguette ne peut pas partir par accident mais il n’est pas besoin de démonter la lame ressort pour enlever la baguette si l’on a besoin de le faire. Cela évite de perdre le petit verrou, indépendant de la lame ressort. 6 Sur cette vue agrandie on voit mieux le méplat incliné de la baguette. Sur cette vue on peut distinguer : Le cône de forcement d’entrée du barillet qui a été rafraîchi ; Le verrou d’arrêtoir de baguette avant fixation de la lame ressort par une vis qui prend dans ce trou fileté. Le verrou… … sur lequel appuie la lame ressort… …tenue par une vis. Tout ceci assurant le maintien de la baguette. Et maintenant, il ne reste plus qu’à essayer cette arme au tir. Pour ce faire j’ai commandé des cartouches HC collections de calibre 7 mm à broche, rechargeables. 7 Pour finir ce reportage, une vue du Lefaucheux belge réparé et de son correspondant états-unien de l’époque, un Remington Pocket en calibre 31. En bas, juste retour des choses : le bloc canon d’origine conservé précieusement et prêt à tirer aussi mais avec une canon aux rayures pratiquement disparues. Il est à noter que la partie d’origine du « Lefaucheux » est nickelée alors que le bloc canon est bronzé. Et le même contraste se retrouve chez le Remington : bâti et carcasse nickelés. Canon, barillet et bourroir bronzés. On aurait voulu le faire exprès… Il ne reste plus qu’à attendre les cartouches de 7 mm à broche… 8
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