Évaluation des réseaux de santé en France

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Mise au point
Évaluation des réseaux de santé
en France
F. Noguès, E. Noguès
Société Metys, Paris
i François Noguès - 52, avenue de la Motte-Picquet - 75015 Paris - E-mail : [email protected]
L
es réseaux de santé ont connu un regain d’intérêt en France il y a une vingtaine d’années dans
le domaine de l’infection par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH). Cette pathologie en effet a
révélé les limites du système de santé en France, en particulier la difficulté, pour les patients, d’accéder à une
prise en charge médicale globale curative, préventive,
éducative et sociale. Dès 1985, les réseaux ont semblé permettre de promouvoir des recommandations de
bonnes pratiques sans cesse évolutives, une prise en
charge pluridisciplinaire intégrant les aspects préventifs et sociaux, une meilleure orientation et surtout une
continuité des soins chez ces patients.
Résumé
Au-delà du VIH, des stratégies en réseau ont été développées dans d’autres situations pour promouvoir la
qualité des soins, pour développer la prévention et
pour mobiliser les ressources sanitaires et sociales
autour des besoins des patients en particulier des
personnes toxicomanes et/ou en situation de précarité [1], puis des personnes âgées [2]. Des réseaux
spécialisés par pathologie ont également été créés
notamment en cancérologie [3-5], pour les soins palliatifs [6] et le diabète [7,8].
La recherche de prise en charge globale du patient
et de coordination entre un système sanitaire, différencié, professionnalisé, fondée sur des droits et
Abstract
L’article L.6321-1 du Code de santé publique énonce que « les
réseaux de santé ont pour objet de favoriser l’accès aux soins, la
coordination, la continuité ou l’interdisciplinarité des prises en
charge sanitaires (…) et assurent une prise en charge adaptée
aux besoins de la personne tant sur le plan de l’éducation à la
santé, de la prévention, du diagnostic que des soins (…) ». Les
réseaux de santé sont majoritairement financés par l’Assurancemaladie et l’État. Leur évaluation réglementaire triennale définie
par une circulaire du 3 mars 2007, se heurte aux objectifs parfois
mal définis ou contradictoires des réseaux, au contexte culturel, à
l’instabilité et la complexité de l’environnement réglementaire, à
la méconnaissance des règles d’évaluation récentes et précipitées
en France, et souvent sans formation, à des décideurs publics non
préparés. Ainsi, les évaluations des réseaux restent souvent incomplètes. Elles devraient porter sur l’amélioration de la qualité de la
prise en charge du patient, c’est-à-dire du service rendu (output).
En pratique, l’évaluation se limite souvent aux ressources disponibles, aux activités et aux pratiques, sans apprécier l’impact en
termes de santé publique. L’évaluation médico-économique est
rare. La pertinence, la viabilité et la reproductibilité des réseaux
ne sont pas évaluées. Différentes raisons pour lesquelles les textes
ne sont pas appliqués sont évoquées : facteurs culturels, mode de
détermination des objectifs, absence de communication, périodes
évaluées, limites de l’évaluation interne, faisabilité de l’évaluation économique, problématique liée à l’indépendance des prestataires. Les aménagements apportés à l’application des textes,
les solutions de remplacement mises en place et la question de
la survie des réseaux dans ce contexte sont également abordés.
Assessment of the health networks in France
Mots-clés : Évaluation – Réseau de Santé.
Keywords: Assessment – Heath Network.
Risques & Qualité • 2009 - Volume VI - N°3
The L.6321-1 article of the French Public Health Code states that “the
purpose of health networks is to promote the access to healthcare,
the coordination, the continuity or interdisciplinarity of healthcare
(…) and provide care adapted to the needs of the person regarding
health education, prevention, diagnosis and healthcare (…)”. The
health networks are mainly financed by the Health Insurance and the
State. Their triennial regulatory assessment defined by the circular of
the 3rd March 2007 comes up against the objectives of the networks
that are some times not very well defined or contradictory, against the
cultural context, the instability and the complexity of the regulatory
environment, the ignorance of the recent and rushed assessment rules
in France, and often with no training, and against public decisionmakers who are not prepared. Therefore the network assessments
are often incomplete. They should be aimed at improving the quality
of patient treatment, that is the service provided (output). In practice, the assessment is often limited to the available resources, the
activities and the practices without estimating the impact in terms of
public health. Medico-economical assessment is rare. The relevance,
the viability and the reproducibility of the networks are not assessed.
Different reasons of why the texts are not applied are presented:
cultural factors, objective determination method, absence of communication, assessed periods, limits of internal assessment, feasibility of
economic assessment, set of issues related to the independence of
the providers. The adjustments made for the application of the texts,
the replacement solutions set up and the question of the survival of
the networks in this context are also mentioned.
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Évaluation des réseaux de santé en France
un système social, local, moins professionnalisé et au
financement précaire n’est pas spécifique à la France
et d’autres pays en Europe ont dû y faire face. Deux
solutions sont envisageables pour y répondre :
•une intégration verticale ou horizontale : tous les
services sont produits par une seule organisation
stable et/ou une autorité décideuse comme dans le
cadre des Health Maintenance Organisation (HMO)
aux États-Unis,
ou
•une coordination de divers services et un travail en
réseau, ce qui a été retenu en France [9].
Mais il faudra attendre 1996 et surtout 2002 pour que
le législateur différencie le terme « Réseau de santé »
de « Réseau de soins », et établisse un cadre juridique
pour l’évaluation.
Les réseaux de santé en France
Historique
Les réseaux ont été créés pour répondre aux difficultés
de la prise en charge coordonnée des patients, entre
soins de ville et à l’hôpital et avec le secteur médicosocial, essentiellement pour trois raisons [10] :
• le décalage entre les pratiques réelles et les recommandations sur l’organisation des soins autour du
patient ;
• l’insuffisance des prises en charge pour certaines
maladies chroniques en termes de prévention, d’éducation thérapeutique et de soutien au malade et à
son entourage ;
• la part importante de l’hospitalisation dans le coût
global des soins, notamment liée aux accueils en
urgence, ou au manque de places pour une prise en
charge effective dans la durée.
Quatre étapes ont marqué l’évolution des réseaux de
santé [11] :
• des réseaux de professionnels ont d’abord été créés
de façon informelle pour certaines pathologies (dont
le VIH) nécessitant une prise en charge aussi bien sanitaire que sociale des patients [12,13] ;
• le financement public de projets de coordination des
soins en ville, à partir du constat d’un manque de collaboration entre les hôpitaux et les médecins libéraux,
a représenté une deuxième étape ;
• la création des réseaux comme structures légales
d’organisation des soins a constitué une avancée :
les articles 29 et 30 de l’ordonnance n° 96-346 du
24 avril 1996 [14] (articles L712-3-2, L712-3-3 et
L712-3-4 du Code de la santé publique) stipulaient
en effet que : « Les établissements de santé peuvent
constituer des réseaux de soins spécifiques à certaines installations et activités de soins… ou à certaines pathologies » ;
• enfin la loi du 4 mars 2002 dite « du droit des
patients » [15] a constitué la dernière étape, notamment le titre III chapitre 5, articles 84 et suivants, qui
définissent les réseaux de santé et leur fonctionnement actuels.
Les réseaux de soins dont les réseaux ville-hôpital évoqués plus haut ont alors été regroupés sous la dénomination de « réseau de santé » et considérés comme
des expérimentations dans le cadre de deux dispositifs
de cofinancement public, gérés au niveau régional :
•le Fonds d’aide à la qualité des soins de ville (FAQSV)
créé pour une durée de cinq ans à compter du 1er janvier 1999 et prolongé jusqu’au 31 décembre 2006 par
la loi de financement pour 2002 [16] ;
• la Dotation régionale de développement des réseaux
(DRDR) créée par un décret du 25 octobre 2002 [17].
En 2002, les pouvoirs publics ont affiché clairement
leur intention de développer les réseaux sur l’ensemble du territoire, en s’appuyant sur l’extension des
« réseaux qui réussissent » : coordination des acteurs
et intégration des outils comme le système d’information ou le dossier médical personnel (DMP), nécessaires aux échanges à l’intérieur des réseaux. Enfin, les
résultats des évaluations médico-économiques étaient
attendus avant une généralisation des réseaux.
Depuis mi-2007 [18,19] les dispositifs FAQSV et DRDR
ont eux-mêmes été supprimés – et remplacés par un
Fonds d’intervention pour la qualité et la coordination
des soins (FIQCS) géré désormais dans chaque région
par la Mission régionale de santé réunissant l’Agence
régionale de l’hospitalisation (ARH) et l’Union régionale des caisses d’assurance-maladie (URCAM). L’instabilité permanente de l’environnement institutionnel
des réseaux depuis 2002 a eu un impact direct sur leur
fonctionnement.
Qu’est ce qu’un réseau de santé ?
Le réseau de santé est une dénomination introduite
par le Code de la santé publique (CSP) en 2002.
L’article L.6321-1 CSP énonce que « les réseaux de
santé ont pour objet de favoriser l’accès aux soins, la
coordination, la continuité ou l’interdisciplinarité des
prises en charge sanitaires (…) et assurent une prise
en charge adaptée aux besoins de la personne tant
sur le plan de l’éducation à la santé, de la prévention,
du diagnostic que des soins (…) ».
Le réseau de santé n’est ni un réseau de soins, ni
un établissement de soins. Il vise une meilleure coordination de l’offre de soins par la combinaison des
approches verticales (filières de soins) et horizontales
(services de proximité). « Ils répondent à un besoin de
santé identifié, dans une aire géographique définie,
pour une pathologie et/ou des pathologies et/ou une
population déterminée » [20].
Le positionnement des réseaux de santé est ambivalent dès l’origine. Selon les périodes, les réseaux de
santé, créés à l’initiative de médecins ou de professionnels de santé et gérés par eux, ont pu ou non
organiser des soins, ce qui pose des problèmes pour
l’évaluation : la circulaire de 2002 [20] fonde l’action
Risques & Qualité • 2009 - Volume VI - N°3
Évaluation des réseaux de santé en France
des réseaux autour de la coordination administrative
et médicale, impliquant que la vocation des réseaux
de santé n’est pas de produire des soins. Dans le
même temps, les réseaux constituent un cadre habilité à définir, mettre en place et rémunérer des soins
ne figurant pas dans la nomenclature de l’assurancemaladie : « Rémunérations spécifiques » pour les
médecins ou « Prestations dérogatoires » pour les
autres professionnels de santé [21]. Son évaluation
pose nombre de questions, dont celle de pratiquer
des tarifs différents pour des actes de même nature.
De plus, les réseaux peuvent être agréés par la Haute
autorité de santé (HAS) pour évaluer les pratiques
professionnelles des médecins (EPP), cette évaluation
ayant été imposée récemment à tous les médecins
[22]. Le réseau, qui ne doit pas réglementairement
assurer de soins, est ainsi autorisé à élaborer et à
mettre en œuvre ses propres protocoles de soins et à
organiser ses propres formations afin de procéder à
l’évaluation des pratiques.
Financement des réseaux
Les réseaux sont constitués le plus souvent sous forme
d’associations dans lesquelles le bénévolat représente
une partie important des ressources dont la valeur
n’est souvent pas chiffrée. Plus rarement ils sont organisés sous forme de groupement de coopération sanitaire, de groupements d’intérêts publics bien que cela
soit possible depuis 2003 [23].
Les procédures administratives imposées aux réseaux
sont complexes. Les différents dispositifs de financement
sont disparates et cloisonnés ce qui oblige les promoteurs des réseaux à solliciter de multiples sources. Généralement, les financements font l’objet de conventions,
mais chaque financeur impose son propre cahier des
charges au réseau et à son évaluateur.
Ainsi, les réseaux de santé apparaissent comme des
structures récentes, dont l’environnement réglementaire est instable et complexe, bénéficiant de multiples
sources de financement et devant atteindre des objectifs contradictoires.
Évaluation réglementaire
des réseaux de santé en France
Contexte réglementaire
Deux organismes ont principalement défini les modalités d’évaluation externe des réseaux de santé en
France :
• la HAS, responsable de l’évaluation de la qualité des
soins : référentiels, procédures (exemple : certification
des établissements de santé),
• la Direction de l’hospitalisation et de l’organisation
des soins (DHOS).
Selon les cas, l’évaluation est conçue comme un
moyen de faire progresser les réseaux, (pour la HAS)
ou bien comme un moyen de sanction (pour la
Risques & Qualité • 2009 - Volume VI - N°3
DHOS), une évaluation défavorable se traduisant par
un arrêt du financement.
Les principaux textes sur lesquels s’appuie l’évaluation
externe sont :
•le Guide d’évaluation des réseaux de santé publié
en septembre 2004 par l’Agence nationale pour l’accréditation et l’évaluation en santé (ANAES), devenue
la Haute Autorité de santé (HAS) [24] après deux versions préliminaires [25,26] ;
• le décret n° 2002-1463 du 17 décembre 2002 relatif aux critères de qualité et conditions d’organisation,
de fonctionnement ainsi que d’évaluation des réseaux
de santé [27] ;
• la circulaire du 2 mars 2007 relative aux orientations de la Direction de l’hospitalisation et de l’organisation des soins (DHOS) et de la Caisse nationale
d’assurance-maladie (CNAMTS) en matière de réseaux
de santé et à destination des Agences régionales de
l’hospitalisation (ARH) et des Unions régionales des
caisses d’assurance-maladie (URCAM) [28] ;
• la circulaire du 19 décembre 2002 relative aux
réseaux de santé [20].
Dans le même temps, différents guides méthodologiques ont été publiés afin de guider, de façon
concrète les promoteurs de réseaux [29-32].
Les principaux domaines
de l’évaluation externe
Le choix de l’évaluateur dépend désormais d’un appel
d’offres au niveau régional, afin de garantir son indépendance vis-à-vis de la structure évaluée, ce qui
garantirait la validité de l’évaluation ; l’évaluateur était
précédemment choisi par les réseaux eux-mêmes sous
le contrôle de l’assurance-maladie. Des référentiels
nationaux par pathologies définis comme des cahiers
des charges qui s’imposeront désormais aux réseaux
ont été publiés pour la périnatalité et la gérontologie.
La circulaire du 2 mars 2007 [28] confie la responsabilité de l’évaluation externe à l’assurance-maladie. La
méthodologie générale y est exposée et s’appuie sur
l’évaluation interne ou auto-évaluation effectuée en
principe par le réseau pendant les trois années écoulées, ce qui n’est pratiquement jamais le cas, et a fortiori pour la période antérieure à la parution du décret.
La circulaire précise que l’évaluation externe doit commencer six mois avant la fin de la période de financement, et la remise du rapport d’évaluation doit
intervenir trois mois au plus tard avant la fin de cette
même période. Les périodes de financement étant
généralement calées sur la fin de l’année civile, l’évaluation de tous les réseaux de France devrait intervenir
en juillet, août et septembre de chaque année. « Le
rendu des résultats d’évaluation doit permettre un
temps d’analyse et l’anticipation des décisions financières. » Il y a donc un lien direct entre évaluation et
financement d’où l’importance reconnue désormais
à l’évaluation qui constitue un des critères de renou-
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Évaluation des réseaux de santé en France
vellement de l’enveloppe attribuée au réseau ou de
son ajustement
L’évaluation doit tenir compte de l’environnement des
réseaux, notamment des études, expérimentations,
plans et actions de santé publique en vigueur afin
de les intégrer dans les recommandations proposées
[33,34].
Enfin, un système de cotation doit permettre une
consolidation des résultats au niveau national. Le
cahier des charges national de ce nouveau système
vient d’être publié (Cahier des charges de l’évaluation de la plus-value médico-économique du modèle
organisationnel des réseaux de santé DHOS-CNAMTS
marché n° II/6/2009/MA/115).
Enfin quatre champs d’évaluation sont définis :
•l’organisation et le fonctionnement des réseaux,
•la participation et l’intégration des acteurs,
•la prise en charge des patients et l’impact sur les
pratiques professionnelles,
•la dimension médico-économique [35,36] et la distinction entre efficacité et efficience.
L’évaluation externe ne doit pas faire de recommandations mais adopter plutôt une position d’observation.
Limites de l’évaluation externe prévue par les textes
La circulaire est une première tentative pour introduire en France l’évaluation des résultats par rapport
aux attentes initiales, dans la continuité de la loi de
finance du 1er août 2001 [37] qui organise la réforme
de l’état, et est généralisée à toute l’administration
en 2006.
L’évaluation de la performance d’une organisation
porte sur :
• l’efficacité : rapport entre les résultats obtenus et les
objectifs prédéterminés. Ainsi, organisation est efficace si elle permet de réaliser entièrement l’objectif
initial ;
• l’efficience : rapport entre les résultats obtenus et
les ressources utilisées pour les atteindre ;
• l’impact sur l’état de santé de la population mesure
si les services reçus par les patients ont eu un effet
plus large sur d’autres personnes dans le secteur, la
région ou le pays ;
• la pertinence : Le réseau répond-il aux difficultés identifiées dans la prise en charge des patients
concernés ?
• la viabilité (ou pérennité) : les résultats positifs du
projet sont-ils susceptibles de perdurer au-delà des
financements externes ?
• la reproductibilité vise à apprécier la possibilité
d’étendre le dispositif à d’autres sites et d’autres
acteurs pour d’autres patients.
Un réseau de santé reçoit des ressources financières
et bénéficie de contributions en nature (mise à disposition de personnels, de locaux), recrute des professionnels et met en place des procédures internes
pour former des professionnels de santé et coordonner leurs interventions (services rendus) afin d’assurer
une prise en charge globale du patient et améliorer
la qualité des pratiques professionnelles (objectif).
Le résultat à atteindre est une amélioration de l’état
de santé des patients (efficacité), à un coût constant
voire moindre, comparativement à des interventions
alternatives (efficience), de telle sorte que si l’expérience perdure et se diffuse, le système de soins sera
plus efficace et moins coûteux pour la collectivité (à
long terme).
Cependant d’après la circulaire de mars 2007 [28]
certains critères n’ont pas à être évalués, et d’autres
critères pourtant requis d’après le cahier des charges
ne sont pas évalués :
• la pertinence des réseaux est difficile à apprécier,
parce que les objectifs de santé publique sont peu formalisés ou non hiérarchisés. De plus, chaque réseau
de santé a mis en œuvre des actions spécifiques, ce
qui rend impossible leur évaluation consolidée au
niveau régional et interdit la comparaison avec des
prises en charge alternatives des patients ;
• les réseaux peinent à trouver des financements
externes et restent dépendants de l’assurance-maladie, elle-même en difficulté financière. La viabilité est
donc nécessairement aléatoire ;
• la reproductibilité des actions des réseaux qui « réussissaient » est également problématique, parce que
les évaluations sont partielles, et ne couvrent pas tous
les critères, et que les réseaux sont récents, pour la
plupart gérés par leurs promoteurs qui n’ont pas
pensé à l’avenir de leurs actions ;
• enfin, les évaluations médico-économiques ne sont
pratiquement jamais réalisées bien que requises dans
la circulaire, et sont dans bien des cas hors de portée.
Ainsi l’évaluation de l’impact et de la pertinence des
réseaux est supposée intervenir dans le renouvellement des financements alors que ces critères ne sont
pas ou peu évalués.
Mutation dans l’approche de l’évaluation
réglementaire
Limites de l’évaluation réglementaire
Plusieurs facteurs font obstacle à l’évaluation externe
des réseaux :
Le facteur culturel
En France, les relations entre les acteurs ont une
connotation affective, ce qui rend difficile d’évaluer
de façon rigoureuse un réseau. De même quand le
réseau est lié à une institution connue, nationale ou
régionale, avec laquelle le financeur entretient des
relations régulières, une évaluation négative n’est pas
acceptée car potentiellement conflictuelle.
Le mode de détermination et le niveau
des objectifs sont eux aussi source de
difficultés
•Les objectifs du réseau sont souvent imposés par
le financeur, pour des raisons réglementaires, d’op-
Risques & Qualité • 2009 - Volume VI - N°3
Évaluation des réseaux de santé en France
portunité ou administratives. Les signataires de la
convention de financement ne croient pas en fait à
la possibilité de les atteindre. Ainsi par exemple, l’utilisation d’un dossier informatisé est obligatoire, mais
peu de réseaux en disposent ou l’utilisent dans les
conditions requises. De fait, tout ou partie des activités du réseau est exclu du champ de l’évaluation,
fussent-elles essentielles.
•Les résultats de l’action d’un réseau dépendent
de facteurs exogènes ou sur lesquels il n’a pas d’influence : certains réseaux se voient attribuer des
objectifs cliniques concernant les patients qu’ils prennent en charge, alors même que les médecins et les
établissements qui les soignent déclarent ces objectifs
hors d’atteinte.
Les moyens alloués ne sont pas affectés, ou
affectés tardivement, ou encore réduits en
cours d’année sans préavis.
Dans la pratique, la plupart des éléments de la négociation budgétaire des réseaux leur échappent. Ainsi
la période de financement en principe de trois ans est
en fait mise en œuvre sur des durées bien inférieures.
Certains réseaux sont financés par des acomptes,
dans l’attente d’une décision sur leur budget.
De façon générale, les financeurs ont des contraintes
d’enveloppe, d’où l’attribution de budgets forfaitaires
sans lien direct avec les objectifs à atteindre par le
réseau. En pratique, les décisions conduisent à des
crédits « fléchés » ligne à ligne, pour des périodes
courtes. Il est difficile de réaménager les postes budgétaires en fonction des réalités, sans autorisation du
financeur. Dans ces conditions que va-t-on évaluer :
la demande du réseau ou la décision du financeur ?
De la même façon, des mesures de réduction budgétaire sont souvent prises en cours d’exercice, sans que
les conséquences en soient mesurées, et sans que le
réseau ne soit consulté. Les résultats sont cependant
fortement influencés par ces mesures qui entraînent,
par exemple, le départ de certains professionnels de
santé, voire la suppression de leur poste.
L’absence de transparence et de publicité
Si les appels d’offres sont publiés, il est difficile de
savoir qui les a gagnés et dans quelles conditions. De
la même façon, les rapports d’évaluation sont peu
ou pas diffusés.
Une application des textes aménagée
La moitié des régions a lancé des appels d’offres, sur
des bases différentes, alors que les autres sont en
position d’attente. La solution pour l’instant est de
reprendre l’ancien système, mais piloté par le financeur, donc de conduire une évaluation réseau par
réseau (ou par petits groupes) pour ceux qui arrivent
à l’échéance triennale. Un cahier des charges s’inspirant de la circulaire, mais appliqué à un ou deux
réseaux sert de base à un appel d’offres. En fonction
du budget prédéfini et des réponses des prestataires,
Risques & Qualité • 2009 - Volume VI - N°3
une négociation vise un contenu et une méthodologie « sur mesure » :
• sur des périodes déterminées allant d’un an à trois
ans ;
• sur des critères déterminés : soit en retenant la configuration de la circulaire (une équipe pluridisciplinaire
d’évaluation pour tous les critères), soit en retenant
plusieurs prestataires pour le même réseau (un pour
l’évaluation médicale, un autre pour l’évaluation économique etc.) ;
• avec ou sans évaluation économique : les cahiers
des charges vont d’une simple analyse des coûts du
réseau à une évaluation complète telle que demandée
dans la circulaire.
Sur ces bases, la région Ile-de-France a organisé une
audition de quelques prestataires présélectionnés et
de représentants de réseaux de santé pour prendre en
compte leur point de vue, avant de rédiger les cahiers
des charges de l’évaluation. Elle n’a, à ce jour, procédé
à aucune évaluation.
Conclusion
Ces limites dans l’évaluation externe des réseaux de
santé présentent de nombreux inconvénients pour
les réseaux, car leurs échéances de financement sont
courtes et tant que le nouveau système n’est pas en
place, des systèmes substitutifs sont utilisés :
• audition du réseau par le financeur : à la date de
renouvellement, une sorte « d’examen de passage »
est organisée par la Mission régionale de santé (MRS).
Le réseau présente un rapport d’activité détaillé et
doit répondre immédiatement aux questions qu’on
lui pose. La décision de financement est prise ensuite
sur cette base ;
• organisation d’un « audit » du réseau : la MRS délègue une ou deux personnes de son choix (sans critères
connus) pour réaliser un audit sur une ou deux journées. Le rapport synthétique recommande ou non la
poursuite du financement. Les décideurs ne sont pas
tenus de suivre l’avis des auditeurs.
On est loin de l’évaluation comme mesure de l’impact des politiques publiques, et l’indépendance des
conclusions peut être discutée.
Dans cette situation transitoire, certains réseaux présentent un rapport d’évaluation externe. À ce jour il
est difficile de dire quel sera le poids de ces rapports,
si l’audition ou l’audit aboutit à des conclusions différentes. Certains réseaux ont d’ailleurs été dispensés
d’évaluation, dans l’attente de décisions, ce qui peut
poser problème en cas de désaccord avec le financeur
sur telle ou telle partie de l’évaluation. Ceux qui bénéficient d’un accompagnement peuvent documenter
leur dossier, mettre en évidence des faits, mais également montrer qu’ils ont su adapter le réseau à ces
constats. Il serait important de développer la formation des réseaux à l’évaluation interne, en termes de
procédures et de moyens.
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Évaluation des réseaux de santé en France
Remerciements
Isabelle Plu, Juliette Gueguen, Christian Hervé, laboratoire d’éthique médicale et de médecine légale, faculté de
médecine des saints-Pères, 45 rue des saints-Pères, 75015 Paris
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d’intervention pour la qualité et la coordination des soins.
20- Circulaire DHOS/03/DSS/CNAMTS n° 2002-610 du 19
décembre 2002 relative aux réseaux de santé, en application de l’article L. 6321-1 du code de la santé publique et
des articles L. 162-43 à L. 162-46 du code de la sécurité
sociale et des décrets n° 2002-1298 du 25 octobre 2002
relatif au financement des réseaux et n° 2002-1463 du 17
décembre 2002 relatif aux critères de qualité et conditions
d’organisation, de fonctionnement et d’évaluation des
réseaux de santé.
21- Rapport d’enquête URCAM/DSM/CNAMTS: Réflexion
sur les prestations dérogatoires dans le cadre de la Dotation
Nationale de Développement des Réseaux, février 2005.
22- Décret n°2005-346 du 14 avril 2005 relatif à l’évaluation des pratiques professionnelles.
23- Ordonnance n° 2003-850 du 4 septembre 2003 portant simplification de l’organisation et du fonctionnement
du système de santé ainsi que des procédures de création
d’établissements ou de services sociaux ou médico-sociaux
soumis à autorisation.
24- ANAES. Réseaux de santé, guide d’évaluation. Paris;
septembre 2004.
25- ANAES. Evaluation des réseaux de soins, bilan de l’existant et cadre méthodologique. Paris; octobre 2001.
26.ANAES. Principes d’évaluation des réseaux de santé.
Paris; août 1999.
27- Décret n° 2002-1463 du 17 décembre 2002 relatif aux
critères de qualité et conditions d’organisation, de fonctionnement ainsi que d’évaluation des réseaux de santé
et portant application de l’article L. 6321-1 du code de la
santé publique.
28- Circulaire DHOS/O3/CNAM n° 2007-88 du 2 mars
2007 relative aux orientations de la DHOS et de la CNAMTS
en matière de réseaux de santé et à destination des ARH
et des URCAM.
29- CREDES, Groupe IMAGE (ENSP), Bourgueil Y, Brémond
M, Develay A, Grignon M, et al. L’évaluation des réseaux
de soins, enjeux et recommandations. CREDES, ENSP, ed.
Paris; 2001.
30- Boyer L, Fortanier C, Antoniotti S, Tonnaire G, Giusiano
B, Horte C, et al. Une grille d’évaluation des réseaux de
santé. Journal d’Economie Médicale 2005; 23(7-8): 425-437.
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32-Schweyer F, Levasseur G, Pawlikowska T. Créer et piloter
un réseau de santé : un outil de travail pour les équipes. 2nd
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37- Loi organique n°2001-692 du 1er août 2001 relative
aux lois de finances.
Risques & Qualité • 2009 - Volume VI - N°3