DIAGRAMMES BINAIRES SOLIDE-LIQUIDE 1 DÉFINITIONS / DIAGRAMME SIMPLE À UN SEUL FUSEAU 1.1 Définition / variance Un mélange binaire est un mélange de deux corps A et B présents sous deux phases ϕ1 et ϕ2 . Les équilibres sont uniquement physiques : A(ϕ1) = A(ϕ2 ) et B(ϕ1) = B(ϕ2 ) . Il n’y a donc aucune réaction chimique à prendre en compte. Un exemple de mélange binaire est le mélange eau-éthanol sous phases liquide et vapeur. A et B peuvent donc être des molécules, même si dans ce chapitre, les exemples porteront conformément au programme sur les alliages métalliques : A et B seront ici des éléments métalliques. Dans ce chapitre ne sont traités que les mélanges solide-liquide. On négligera l’influence de la pression puisqu’il n’y a que des phases condensées : on fixera p = p0 = 1 bar . La variance du système est donc donnée par la règle des phases de Gibbs (hors-programme) : v = 1 + N − ϕ − r (1 au lieu de 2 puisque la pression n’intervient pas, N = 2 , r = 0 : pas de réaction chimique), soit v = 3 − ϕ où ϕ est le nombre de phases. On retrouve ce résultat en décomptant : — les paramètres d’état intensifs : la température T et les fractions molaires dans chaque phase : x A s , xBs , x A l , xBl , soit 5 paramètres. — les relations constitutives x A s + xBs = 1 et x A l + xBl = 1 (2 relations) — la relation ∆rG = µi ϕ2 − µ i ϕ1 = 0 pour chaque équilibre physique, soit ici µ A s = µ A l et µBs = µBl , donc 2 relations liant les 5 paramètres d’état intensifs. On a donc pour un mélange binaire sous deux phases v = 5 − 2 − 2 = 1 et de façon générale, pour un mélange binaire solide-liquide : v = 2 s’il y a une seule phase, v = 1 (deux phases) et v = 0 (trois phases). 1.2 Diagramme binaire On choisit de représenter l’état du système dans un diagramme où l’on porte en abscisse la fraction molaire globale x A en A, et en ordonnées la température T. La fraction molaire globale en A est définie ainsi : si nA = nA s + nA l est le nombre de mol total en A (présent dans la phase solide et la phase liquide), et nB = nBs + nBl le nombre de mol total nA en B, on a x A = . On a bien sûr xB = 1 − x A nA + nB Lorsque le système est composé de B pur : x A = 0 , on se ramène à une transition de phase solide-liquide d’un corps pur : B est solide pour T < Tfus0 (B) , liquide pour T > Tfus0 (B) , et sous les deux phases pour T = Tfus0 (B) , température de fusion de B sous p0 = 1 bar (dépend peu de p). On a le même comportement pour A pur : x A = 1, avec une température de fusion Tfus0 ( A ) . Lorsque le système est un mélange ( 0 < x A < 1 ) diphasé, la variance vaut 1 : les fractions molaires sont donc toutes fixées quand la température est fixée : x A s (T ) et x A l (T ) ne dépendent que de la température T. À T fixée, les deux phases ont une composition parfaitement déterminée, et l’état du système est connu dès que l’on connaît le nombre de mol total n s = nA s + nBs que contient la phase solide et celui n l = nA l + nBl que contient la phase liquide. On a alors x A = nA n s + n A l x A sn s + x A l n l = As = : x A est compris entre x A s (si n l = 0 ) et l s l nA + nB n +n n +n x A l (si n s = 0 ). La courbe correspondant à x A = x A s s’appelle solidus ; celle correspondant à x A = x A l s’appelle liquidus. Enfin, lorsque le système est sous une seule phase, par exemple solide, la variance vaut 2 : on peut imposer selon la composition du système que l’on a réalisé la température et la valeur de xA = xA s . Illustrons ces propriétés sur notre premier diagramme binaire : celui du mélange argent / or (dans ce cas, A et B sont deux éléments chimiques, des métaux en l’occurrence, et le mélange solide est un alliage métallique). Influence de la composition. Les points L, M et S se trouvent sur une droite horizontale T = Cte = 1280 K . Les divers points de cette droite correspondent à des préparations différentes. — Si on mélange à cette température de l’or et de l’argent avec un fraction molaire globale en or inférieure à 28%, le mélange sera liquide. — Pour une composition 0,28 < x Au < 0,61, le mélange est diphasé, mais la composition du liquide est toujours la même (28% d’or) ainsi que celle du solide (61% d’or). Simplement quand on se déplace de L vers S la proportion du solide augmente, ce que l’on peut quantifier en réécrivant x A = xA = xA s ns l n ns n moments. l + xA l +1 s l xA n s + xA n l ns + nl ⇔ ns n l = (ici A = Au ) sous la forme : x A − x Al xA − xA s = LM , relation connue sous le nom : théorème des MS n s 0,50 − 0,28 Dans notre exemple, au point M, on lit x Au = 0,50 et on en déduit l = = 2,0 : on a 0,61 − 0,50 n 2 fois plus de mol de solide que de liquide en M. — Si on mélange de l’or et de l’argent avec une fraction molaire globale en or supérieure à 61%, le mélange sera solide. Influence de la température. Les points M1 , M et M2 se trouvent sur une même droite verticale x Au = Cte = 0,50 . C’est par exemple le cas d’une transformation d’un système fermé (il contiendra toujours le même nombre de mol de A et de B puisqu’il n’y a pas de réaction chimique). — Si la température est inférieure à 1268 K, le système est solide. — Entre 1268 K et 1303 K, le système est sous deux phases, solide et liquide. À une température donnée, la composition de ces phases se lit respectivement sur la courbe de solidus et de liquidus. Par exemple, à 1280 K, la composition en or du solide est de 61%, celle du liquide de 28% : le liquide s’enrichit en argent (ce qui est logique puisque sa température de fusion est inférieure à celle de l’or) et le solide en or. On voit donc ici une application : on peut purifier un mélange en séparant la phase solide de la phase liquide qui n’ont plus la même composition que celle de départ. À 1268 K apparaît (ou disparaît si on diminue T) la première (dernière) goutte de liquide. À 1303 K disparaît (ou apparaît si on diminue T) le dernier (premier) cristal de solide. — Au dessus de 1303 K, le système est liquide, et on retrouve la composition initiale. 1.3 Analyse thermique Il s’agit d’une méthode expérimentale simple permettant d’étudier les systèmes binaires solideliquide. On chauffe le système jusqu’à ce qu’il soit entièrement sous phase liquide, puis on le laisse se refroidir et on enregistre l’évolution temporelle de la température. Reprenons le cas du binaire argent / or. Si le système est pur (uniquement le corps A : ce n’est pas un binaire...) la variance vaut 1 s’il est monophasé, et 0 s’il est diphasé (rappelons que l’influence de la pression est négligeable). La température est donc fixée et vaut Tfus0 ( A ) lors de la transition de phase et la courbe T(t) présente un palier. Ce n’est plus le cas pour un mélange binaire où la variance passe de 2 pour un système monophasé à 1 lorsqu’il est diphasé. La courbe T(t) présente simplement une rupture de pente lors de l’apparition du premier cristal de solide et lors de la disparition de la dernière goutte de liquide. Les courbes ci-contre correspondent au mélange argent / or. On retrouve dans le cas x Au = 0,50 les deux températures 1303 K et 1268 K pour lesquelles il y a rupture de pente. Remarque : hormis les paliers, les courbes ne sont assimilables à des droites que si l’étude se fait sur des durées très inférieures devant les temps caractéristiques des échanges thermiques. On ne s’intéresse de toutes façons qu’aux ruptures de pente. D’autre part, les liquides ayant en général une plus grande capacité thermique massique que les solides (plus d’inertie), leur température varie moins vite que pour les solides, dont la courbe T(t) présente en conséquence une pente plus grande. 2 DIAGRAMMES PLUS COMPLEXES 2.1 Diagramme à deux fuseaux / point indifférent Le système argent / or étudié précédemment peut être considéré comme parfait : les deux éléments se trouvent dans la même colonne de la classification périodique sur deux cases voisines ; les interactions Au-Au, Ag-Ag et Ag-Au sont quasiment identiques et les températures de fusion de Au et Ag très proches. Néanmoins, ce cas est rare. Le diagramme binaire du mélange cuivre / or présenté ci-dessous montre que bien que ces éléments se trouvent dans la même colonne et ayant des températures de fusion très proches, le système n’est pas parfait. Le diagramme présente un minimum en un point appelé point indifférent I. Si on procède à une analyse thermique d’un système possédant la composition du point indifférent, on observera un pallier pour T = TI comme ce serait le cas pour un corps pur. Le diagramme se lit sans difficulté particulière. Par exemple, le système est diphasé au point M et la composition du solide se lit en S, celle du liquide en L. Remarque : la composition du système est souvent caractérisée par la fraction massique mA m nA globale w A = = A au lieu de la fraction molaire globale x A = . On passe m A + mB m nA + nB facilement de l’une à l’autre si l’on connaît les masses molaires M A et MB . Par exemple : mA mA mA wA nA MA MA mM A MA xA = = = = = mA m − mA mA m − mA nA + nB mA + mB 1 1 1 + + + w A − M A MB MA MB mM A mMB M M A B MB Au point indifférent du système Cu / Au on a w Au = 0,80 . Comme M Au = 197 g ⋅ mol-1 et MCu = 63,5 g ⋅ mol-1 on en déduit x Au = 0,56 . 2.2 Miscibilité partielle à l’état solide / eutectique Nous avons jusque là supposé qu’il n’y avait qu’une phase solide et qu’une phase liquide. Nous étudierons le cas fréquent où A et B sont miscibles à l’état liquide mais pas à l’état solide. Dans le cas où la miscibilité est nulle, le solide est composé de cristaux ne contenant que A et de cristaux ne contenant que B. Il y a donc 2 phases solides distinctes et 3 phases en tout lorsque le liquide apparaît. La variance du système triphasé vaut v = 3 − ϕ = 0 : la température est fixée et vaut TE . Le diagramme ci-dessous est très souvent rencontré. Au point E appelé eutectique, le liquide est en équilibre avec un solide de même composition, et dont la structure microscopique s’explique par le fait que A cristallise dans une zone en rejetant B qui cristallise dans une zone voisine, etc. soit une cristallisation alternée. Pour une composition différente, les cristaux de E sont plus ou moins dilués dans des cristaux de A pur ou de B pur. En réalité, les solides sont toujours un peu miscibles. C’est le cas pour le mélange argent / cuivre dont on donne le diagramme page suivante. Il suffit de remplacer les solides A et B purs par deux phases solides α très riche en A et β très riche en B. Sur les courbes d’analyse thermique : — On reconnaît le cas des corps purs (un palier de température, pas d’autres ruptures de pente). — Le mélange eutectique ( x = xE ) se comporte comme un corps pur puisque l’on passe directement à TE du liquide au mélange eutectique de solides. — Pour x ≠ xE , on obtient en refroidissant le liquide une première rupture de pente lorsque apparaît le premier cristal (de α si x < xE ou de β si x > xE ), puis le palier à TE lorsque la deuxième phase solide apparaît. 2.3 Composés définis Nous examinerons un dernier cas fréquent sur l’exemple du mélange magnésium / zinc : celui où pour une certaine stœchiométrie bien précise, les phases solides pourtant non miscibles le deviennent et forment un composé défini. Ici, ce composé correspond à xZn = 2 / 3 soit 2 mol de Zn pour 1 mol de Mg : composé MgZn2 . Ce composé défini fond à 863 K (on parle de composé défini à point de fusion congruent ; il existe d’autres cas...) selon la réaction : MgZn2 (s ) = Mg( l) + 2Zn( l ) , la phase liquide étant homogène. Le composé défini se comporte donc comme un corps pur et sa courbe d’analyse thermique fait intervenir un palier sans autre rupture de pente.
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