21 mars 2015 article suivant Même s'il a changé, le... Le système politique chinois estil au bord de l'implosion ? L e système politique chinois est-il au bord de l'implosion ? La question, qui peut paraître incongrue à un moment où la puissance chinoise semble plus sûre d'elle que jamais, agite les milieux des China Watchers, les sinologues et autres observateurs de la Chine à l'étranger, depuis la publication, vendredi 6 mars, par le Wall Street Journal, d'une tribune de David Shambaugh, professeur de sciences politiques et d'affaires internationales à l'université George-Washington. David Shambaugh argue que, " malgré les apparences, le système politique chinois est très mal en point, et personne ne le sait mieux que le Parti communiste luimême ". Xi Jinping est déterminé à ne pas devenir le " Gorbatchev chinois ". " Le vrai “rêve chinois” - du président - est d'éviter le cauchemar soviétique ", écrit le professeur de sciences politiques et d'affaires internationales – le président chinois a placé tous ses espoirs dans une guerre contre la corruption et contre les dissidents. Mais " son despotisme a créé des tensions intenses au sein du système et de la société – et les a rapprochés du point de rupture ". Le numéro un chinois peut même risquer " d'être déposé lors d'une lutte de pouvoir ou un coup d'Etat ", poursuit-il. M. Shambaugh identifie cinq " signes de vulnérabilité ", dont l'exode des élites, les failles cachées et " systémiques " de l'économie chinoise, ainsi que le climat de répression tous azimuts instauré par l'ultime représentant d'une aristocratie rouge " largement vilipendée par le peuple ". A la suite de la publication de cette tribune, le sinologue s'est attiré les foudres d'une partie de ses confrères. En Chine, où il faisait partie des experts " bien vus " du gouvernement chinois, le quotidien nationaliste Global Times lui a promis " une tragédie pour sa fin de carrière ", s'il rejoint " l'avantgarde des agitateurs de la théorie de l'effondrement de la Chine ". LES MUTATIONS DU LÉVIATHAN Son essai suscite d'infinies discussions. Sur le forum Chinapol de l'université de Californie, les sinologues débattent de la réalité des inclinations pro-occidentales de l'ex-président Jiang Zemin et de son éminence grise, Zeng Qinghong, vice-président jusqu'en 2008 (remplacé par Xi Jinping). M. Shambaugh a décrit ces deux dirigeants comme les architectes d'un parti " ouvert et proactif dans la gestion du changement politique " jusqu'au basculement autoritaire de 2009. Car l'expert américain a une certaine légitimité à proposer un tel pronostic sur l'avenir du Parti communiste chinois (PCC) : David Shambaugh a consacré un ouvrage entier, China's Communist Party : Atrophy and Adaptation (" Le Parti communiste chinois : atrophie et adaptation ", University of California Press, 2008), à explorer la fascinante capacité d'adaptation d'un PCC qui a su tirer les leçons du fiasco soviétique, tout en s'inspirant du modèle singapourien – une conclusion qui, lui ont rappelé certains de ses (nouveaux) détracteurs, resterait toujours valable aujourd'hui. Le changement de pied de M. Shambaugh, et la flambée de spéculations qu'a suscitée son jugement sur le sombre avenir du dernier grand régime communiste, reflète un désarroi croissant des chercheurs face aux mutations du Léviathan chinois sous le président Xi Jinping. Celui-ci, qui se pose en sauveur de l'héritage menacé de la famille élargie des révolutionnaires rouges, a bousculé les lignes. En créant au-dessus des instances existantes une Commission nationale de sécurité, Xi Jinping a signalé qu'il y avait péril en la demeure, en l'occurrence au sein même de l'appareil sécuritaire, exécuteur des basses œuvres de la dictature communiste et son grand organe érectile (" le pouvoir est au bout du fusil ", disait Mao). Celui-ci a été l'instrument et l'enjeu de luttes intestines d'une violence rare – comme l'attestent l'affaire Bo Xilai et ses répliques, c'est-à-dire l'arrestation, en 2014, du tsar de la sécurité, Zhou Yongkang, et d'au moins une demi-douzaine d'hauts responsables de la police, de l'espionnage et de l'armée. C'est ce même appareil de sécurité qui s'acharne sur les représentants de la société civile chinoise, tous enfants d'une Chine ouverte et globalisée, dans un cynique théâtre de l'absurde qui prétend sanctifier " la gouvernance par la loi ". La machine policière s'est-elle emballée au point de " fabriquer " des troubles, d'alimenter le régime en rapports alarmistes et de lui faire peur ? Ou les ordres viennent-ils d'en haut ? Les valeurs universelles, comme la démocratie et les droits de l'homme, sont allègrement stigmatisées comme des instruments de subversion par l'Occident, et elles sont niées en tant que référent. Une telle situation ouvre un peu plus la porte au type d'abus dont Chen Guangcheng, " l'avocat aux pieds nus ", a fait l'expérience durant une décennie de persécutions avant sa rocambolesque cavale à l'ambassade américaine à Pékin en mai 2012 : des dizaines de gardes-chiourme l'empêchaient de sortir de sa maison ou de recevoir quiconque, et coupaient toute communication. L'autobiographie de M. Chen, publiée aux Etats-Unis où il vit, raconte la croisade obstinée de ce non-voyant qui ne cesse de demander au pouvoir communiste et à tous ses exécuteurs qu'ils respectent les lois et les règles du pays – lui valant les pires brimades. Dans son livre, M. Chen écrit que les plaintes qu'il recueille en tant qu'avocat " confirment sa conviction que la Révolution culturelle n'a jamais cessé – elle a simplement métastasé ". Une autre manière de douter des capacités de survie du système actuel. Brice Pedroletti © Le Monde article précédent Valls, la solitude du guerrier article suivant Même s'il a changé, le...
© Copyright 2024