Un tenseur de Maxwell non-linéaire et symétrique

Un tenseur de Maxwell non-lin´eaire et sym´etrique
Alain Bossavit1
1 Laboratoire
´
´
de G´enie Electrique
et Electronique
de Paris, Gif sur Yvette, 91192 CEDEX, France, [email protected]
R´esum´e. On propose une g´en´eralisation du tenseur de
Maxwell qui permet a` la surface d’int´egration de traverser
la mati`ere aimant´ee, y compris dans le cas d’une loi de
comportement non lin´eaire et anisotrope. Le tenseur ainsi
modifi´e se trouve eˆ tre toujours sym´etrique.
I. I NTRODUCTION
La v´eritable Introduction est en fait la Section III, a` cause
de la n´ecessit´e de d´efinir sans ambigu¨ıt´es le sens de certaines notations propres au sujet. Disons seulement ici que
la recherche par certains d’un tenseur de Maxwell sym´etrique
semble motiv´ee par la sym´etrie du tenseur des contraintes en
M´ecanique, motivation discutable, mais qui ne sera pas ici
discut´ee.
II. N OTATIONS
On travaille en 3D avec le produit scalaire X · Y , une base
orthonormale o`u les composantes de X sont X i , et on adopte la
convention d’Einstein sur les indices r´ep´et´es, de sorte que X ·Y
´
peut s’´ecrire X i Y i . Etant
donn´es deux champs de vecteurs
X et Y , on d´efinit X · ∇Y comme le champ de vecteurs de
composantes X j ∂j Y i . Par contre, ∇Y · X d´esigne le champ
de composantes ∂i Y j X j . On v´erifie que
∇Y · X − X · ∇Y = X × rot Y.
(1)
On va avoir affaire a` des “2-tenseurs”, c’est-`a-dire des
applications bilin´eaires T associant un champ scalaire, not´e ici
X · T · Y, a` une paire de champs de vecteurs X et Y. Exemple
typique: le 2-tenseur H ⊗ B, ou ‘produit dyadique’ de deux
champs H et B, caract´eris´e par, en tout point x et pour toute
paire de ‘champs-test’ X et Y ,
X(x) · (H ⊗ B)(x) · Y (x) = (X(x) · H(x))(B(x) · H(x)).
(Sous forme compacte, X · H ⊗ B · Y = X · H B · Y pour tout
X, Y.) Autre exemple: le produit scalaire d´efinit lui-mˆeme un
2-tenseur, appel´e ici δ, tel que X · δ · Y = X · Y pour tout X, Y.
(En composantes, X · δ · Y = X i δ ij Y j , o`u δ ij est le symbole
de Kronecker.)
Par d´efinition, la divergence a` droite d’un 2-tenseur T est le
champ de vecteurs div T tel que v ·div T = div(v ·T ) pour tout
champ-test uniforme v. En composantes, donc, div T = ∂j T ij .
On fait l`a un choix entre deux possibilit´es: La divergence a`
gauche serait ∂i T ij , mais on n’en aura pas l’usage.
Pour formuler la loi B–H avec assez de g´en´eralit´e, on
introduit la densit´e d’´energie magn´etique ψ(x, b), o`u b est un
vecteur 3D, et la co-´energie ϕ(x, h), transform´ees de Fenchel
l’une de l’autre (ce qui signifie qu’elles sont convexes en b et
en h et que ψ(x, b) + ϕ(x, h) ≥ b · h quels que soient b et h).
La loi B–H est alors
ψ(x, B(x)) + ϕ(x, H(x)) = B(x) · H(x)
(2)
en chaque point x. On note ∂x ψ et ∂b ψ les d´eriv´ees partielles
de ψ par rapport a` x et b. (De mˆeme, ∂x ϕ et ∂h ϕ.) On
rappelle que (2) e´ quivaut a` H(x) = ∂b ψ(x, RB(x)), et a` B(x) =
∂h ϕ(x, H(x)).
Enfin, posant Ψ(B) =
ψ(x, B(x)) dx et
R
Φ(H) = ϕ(x, H(x)) dx, o`u les int´egrales portent sur tout
l’espace, la loi B–H s’exprime
d’un coup dans tout l’espace
R
par Ψ(B) + Φ(H) =
B · H. On notera enfin (plus
pour la compatibilit´e avec [1] qu’autre chose) ∇ψ( · , B) le
champ de vecteurs x → ∂x ψ(x, B(x)). Mˆeme convention
pour ∇ϕ( · , H). On peut remarquer que le champ x →
∂b ψ(x, B(x)) n’est autre que le H associ´e a` B par la loi de
comportement. De mˆeme, x → ∂h ϕ(x, H(x)) est le champ B.
III. ‘L E ’ TENSEUR DE M AXWELL
Avec ces notations, on reconnaˆıt en H ⊗ B − 1/2 (H ·B)δ,
not´e dor´enavant M T , le tenseur de Maxwell classique, dont
la repr´esentation en composantes est H i B j − 1/2 H k B k δ ij .
Comme on sait, ce 2-tenseur permet de calculer la force
magn´etique totale sur un corps entour´e par une surface ferm´ee
S, a` condition que cette surface soit enti`erement contenue dans
une r´egion o`u B = µH, avec une perm´eabilit´e µ qui peut
d´ependre de la position, mais doit eˆ tre scalaire. Ceci se fait en
int´egrant sur S la quantit´e scalaire v·(H⊗B−1/2 (H·B)δ)·n, o`u
v est un champ-test uniforme et n le champ sortant de normales
unitaires sur S. Cette int´egrale s’interpr`ete comme le travail
virtuel des forces magn´etiques sur la mati`ere contenue dans S
pour un d´eplacement virtuel (rigide) v. Laissant v de cˆot´e, on
obtient donc la force totale sur le domaine entour´e par S en
int´egrant sur S le champ de vecteurs (H ⊗B − 1/2 (H·B) δ)·n.
La justification de cette proc´edure tient a` la remarque
suivante, d’ordre purement math´ematique: Si B = µH et divB
= 0, la divergence du champ v · (H ⊗ B − 1/2 (H·B)δ), pour v
uniforme, se trouve eˆ tre v ·((rotH)×B + 1/2 |B|2 ∇ν), o`u ν est
la r´eluctivit´e 1/µ. La divergence a` droite du tenseur M T est
donc (rotH) × B + 1/2 |B|2 ∇ν, dont on sait qu’il s’agit de la
force magn´etique dans des circonstances bien pr´ecises, a` savoir
ν scalaire et insensible a` la d´eformation locale du mat´eriau
(autrement dit, pas de magn´etostriction au sens strict). On le
sait grˆace a` une d´emarche ant´erieure, l’application du principe
des travaux virtuels (PTV), qui n’a nul besoin de M T . On
ne d´erive donc pas les forces de la connaissance du tenseur
de Maxwell, au contraire: On construit M T de sorte que sa
divergence soit le champ de forces.
C’est suffisant pour faire de M T un outil int´eressant, mais
plusieurs choses laissent perplexe: Faut-il que ce soit H ⊗ B
plutˆot que B ⊗ H, par exemple? Apr`es tout, ces termes sont
e´ gaux (et donc M T est sym´etrique) lorsque ν dans H = νB
est scalaire. Et il y a cette vieille question, est-il permis de
choisir une surface S traversant une r´egion o`u la loi B–H est
non-lin´eaire? Ou mˆeme, seulement, lin´eaire anisotrope?
On va montrer qu’il existe, en l’absence de magn´etostriction
au sens strict, un 2-tenseur sym´etrique SM T , dont la forme
d´epend de la loi B–H, donc e´ ventuellement fonction non
lin´eaire des champs B et H, tel que div(SM T ) soit la force.
IV. U N AUTRE TENSEUR DE M AXWELL
On rappelle que, pour deux champs de vecteurs H et B qui
ne sont pas forc´ement les champs physiques,
(rot H) × B = B · ∇H − ∇H · B,
(3)
et on remarque que
div(H ⊗ B) = H divB + B · ∇H,
(4)
div[H ⊗ B − B ⊗ H] = rot(H × B).
(5)
Enfin, la divergence du 2-tenseur δ est 0, et l’on a, si g est un
champ scalaire,
div(g δ) = ∇g.
(6)
Soient maintenant H et B les champs
physiques, li´es par
R
la loi constitutive Ψ(B) + Φ(H) = B · H, avec div B =
0. (On dira dans ce qui suit que B et H forment une ‘paire
magn´etique’ si ces relations sont satisfaites.) On note que, pour
ce qui est de la densit´e de co-´energie ϕ(x, H(x)), qui forme un
champ scalaire qu’on va d´enoter par ϕ(H),
b
on a, en d´erivant
en chaˆıne,
Soustrayant de (9), membre a` membre, la moiti´e de (5), on a
(8), comme annonc´e. Lorsque B et H sont parall`eles, comme c’est le cas si la loi
B–H est isotrope, lin´eaire ou non, rot(H ×B) = 0 et H ⊗B =
B ⊗ H, de sorte qu’il n’y a pas de diff´erence entre (8) and (9).
On peut donc (comme dans [2], [3]) consid´erer le 2-tenseur
H ⊗ B − ϕ(H)
b
δ (disons N M T , avec N pour non-lin´eaire)
comme une g´en´eralisation du tenseur de Maxwell adapt´ee au
cas des lois B–H isotropes non lin´eaires. C’est d´ej`a bien. Mais
le domaine d’application de SM T est beaucoup plus vaste. (Et
il est int´eressant que cette extension apporte la sym´etrie du
tenseur par dessus le march´e.)
V. N E PAS VOULOIR TROP
La sym´etrie du 2-tenseur est une chose, mais il semble
qu’une autre sorte de sym´etrie, celle entre B et H, ou entre
e´ nergie et co-´energie, ait e´ t´e recherch´ee (cf., par exemple,
[4]). Restreignons-nous a` la magn´etostatique, o`u le terme
(rot H) × B (qui ne supporterait pas la permutation de H
et de B, de toute fac¸on) s’annule, et au cas isotrope. Alors,
div(H ⊗ B − ϕ(H)
b
δ) = −∇ϕ( · , H),
(10)
que l’on peut consid´erer comme partial envers H. Puisque B
b
et H sont li´es par ϕ(H)
b
+ ψ(B)
= H · B, on a −∇ϕ( · , H)
= ∇ψ( · , B). Essayons donc
b
div(B ⊗ H + ψ(B)
δ) ∗= ∇ψ( · , B),
(11)
o`u l’ast´erisque met en garde, selon le mod`ele offert par les
linguistes, quant a` la validit´e de cette assertion. Effectivement,
cela ne marche pas dans le cas lin´eaire. Fausse e´ galement
l’´egalit´e
b
div(B ⊗ H − ψ(B)
δ) ∗= ∇ψ( · , B),
(12)
a` cause d’une opposition de signes, et en d´epit du fait que la
fusion de (10) et (12) donnerait
(7)
div(1/2 [H⊗B+B⊗H−B·H δ]) ∗= ∇ψ( · , B) ≡ −∇ϕ( · , H)
(Attention, ϕ(H),
b
la densit´e de co´energie du vecteur H, est
une fonction de x seulement, le H n’´etant qu’une e´ tiquette.
b
Mˆeme remarque pour ψ(B).)
On peut maintenant e´ noncer la
Proposition 1. Dans ce contexte (divB = 0 et loi B–H en
vigueur) on a
que l’on sait eˆ tre vraie (en statique) dans le cas d’une loi B–H
lin´eaire, comme corollaire de la Prop. 1, mais ne peut pas eˆ tre
consid´er´ee comme e´ tablie en g´en´eral si (12) ne l’est pas.
En d´epit de ces e´ checs, l’intuition selon laquelle une telle
sym´etrie doit exister n’est pas totalement trompeuse, comme
on le verra dans la version longue de cette communication. La
formule ‘orient´ee vers B’ est
b
div((v × B) × H + ψ(B)v)
= v · ∇ψ( · , B),
(13)
∇ϕ(H)
b
= ∇ϕ( · , H) + ∇H · B.
div[1/2 (H ⊗ B + B ⊗ H) − ϕ(H)
b
δ] =
(8)
1
(rot H) × B − ∇ϕ( · , H) − /2 rot(H × B).
Le second membre est l’expression de la densit´e de force
obtenue dans [1] dans le cas sans magn´etostriction au sens
strict. Le terme de gauche entre crochets est ainsi un 2-tenseur
sym´etrique dont la divergence est la densit´e de force. Il se
r´eduit au tenseur de Maxwell classique lorsque la loi B = µH
est en vigueur. (On notera SM T cette g´en´eralisation of M T .)
Preuve de (8): Grˆace a` (3), (rot H)×B −∇ϕ( · , H) = B ·∇H
− (∇ϕ( · , H) + ∇H · B) = B · ∇H − ∇ϕ(H),
b
compte tenu
de (7). Mais ceci est div(H ⊗ B − ϕ(H)
b
δ), grˆace a` (4) et (6).
On a donc
div(H ⊗ B − ϕ(H)
b
δ) = (rot H) × B − ∇ϕ( · , H).
(9)
avec v uniforme, et doit se comparer a` (10), mais ce n’est que
dans le langage des formes diff´erentielles que la sym´etrie se
manifeste.
R EFERENCES
[1] A. Bossavit: “On forces in magnetized matter”, IEEE Trans., MAG-50, 2
t(2014), pp. 229-32.
[2] F. Henrotte, K. Hameyer: “A Theory for Electromagnetic Force Formulas
in Continuous Media”, IEEE Trans., MAG-43, 4 (2007), pp. 553-6.
[3] R. Sanchez-Grandia, R. Vives-Fos, V. Aucejo-Galindo: “Magnetostatic
Maxwell’s tensors in magnetic media applying virtual works method from
either energy or co-energy”, Eur. Phys. J., AP 35, 1 (2006), pp. 61-8.
[4] R. S´anchez Grand´ıa, V. Aucejo Galindo, A. Usieto Galve, R. Vives
Fos: “General Formulation For Magnetic Forces in Linear Materials and
Permanent Magnets”, IEEE Trans., MAG-44, 9 (2008), pp. 2134-40.