Animation Littérature L. Boué

 Animation Pédagogique « Enseigner la littérature », mercredi 1° avril 2015 ENSEIGNER LA LITTERATURE PARTIE 2 : COMMENT ENSEIGNER LA LITTERATURE ? Cette présentation est très largement inspirée des travaux de Catherine TAUVERON1 et de Jocelyne GIASSON2 Avant de commencer, quelques mots rapides sur la place de la littérature dans les projets de nouveaux programmes : -­‐ Dans le projet de socle commun de compétences, de connaissances et de culture (février 2015) La scolarité donne aux élèves la culture commune, fondée sur les connaissances et compétences indispensables, qui leur permettra de s'épanouir personnellement, de développer leur sociabilité, de réussir la suite de leur parcours scolaire quelle que soit la voie choisie (générale, technologique, professionnelle), de s'insérer dans la société où ils vivront et de participer, comme citoyens, à son évolution. Domaine 1 : les langages pour penser et communiquer -­‐ Dans les futurs programmes de l’école Maternelle (Mars 2015) Mobiliser le langage dans toutes ses dimensions (Ecouter de l’écrit et comprendre) L’enjeu est de les habituer à la réception de langage écrit afin d’en comprendre le contenu. L’enseignant prend en charge la lecture, oriente et anime les échanges qui suivent l’écoute. La progressivité réside essentiellement dans le choix de textes de plus en plus longs et éloignés de l’oral ; si la littérature de jeunesse y a une grande place, les textes documentaires ne sont pas négligés. Voir aussi le projet d’Education Morale et Civique 1 Lire la littérature à l’école : Pourquoi et comment conduire cet apprentissage spécifique ? Catherine TAUVERON, HATIER Pédagogie mais aussi de nombreux articles (notamment dans la Revue Repères) 2 Les textes littéraires à l’école, Jocelyne GIASSON, De Boeck mais aussi d’autres ouvrages : La lecture, de la théorie à la pratique -­‐ La compréhension en lecture – La lecture : apprentissage et difficultés Lucie BOUE, CPAIEN AUCH CENTRE ASH Animation Pédagogique « Enseigner la littérature », mercredi 1° avril 2015 QUELLES COMPETENCES DEVELOPPER CHEZ LES ELEVES ? LA LECTURE LITTERAIRE Catherine TAUVERON compare la lecture littéraire à un jeu dans lequel le lecteur endosse différents rôles : -­‐
le détective : rassembler les indices et compléter le texte, -­‐
l’orpailleur : chercher plus loin, -­‐
stratège : anticiper et éviter les leurres, -­‐
l’archéologue : mettre à jour toutes les histoires, fouiller dans sa mémoire, sa culture, -­‐
le vagabond : voyager dans le livre, -­‐
le tisserand : mettre en relation les textes, tisser des liens. Jocelyne GIASSON résume l’expérience littéraire en quatre verbes : -­‐
COMPRENDRE (combler ce que l’auteur a laissé de vide, construire de la signification) -­‐
INTERPRETER (qui sera différent d’un lecteur à l’autre) -­‐
REAGIR (la réaction personnelle du lecteur, l’engagement personnel) -­‐
APPRECIER (juger de la qualité d’une œuvre). Le programme de lecture doit assurer, selon elle, un équilibre entre ces quatre actions. LE CHOIX DES TEXTES3 Il convient de distinguer les albums ou romans choisis pour être lus « gratuitement » des albums et romans choisis comme supports d’apprentissage. Il s’agit de construire des conduites de lectures transférables (réutilisables hors du contexte dans lequel elles ont été construites). Pour apprendre aux élèves que le texte littéraire a pour caractéristique de ne pas se laisser saisir automatiquement et pour développer chez eux des compétences interprétatives, il faut leur présenter, à côté de textes « faciles », des textes résistants, c’est à dire des textes qui posent des problèmes de compréhension et d’interprétation. Parmi les textes résistants, Catherine TAUVERON distingue : -­‐
les textes réticents qui posent des problèmes de compréhension délibérés 3 Lire la littérature à l’école, Catherine TAUVERON, HATIER, 2002 Lucie BOUE, CPAIEN AUCH CENTRE ASH Animation Pédagogique « Enseigner la littérature », mercredi 1° avril 2015 -­‐
les textes proliférants qui posent des problèmes d’interprétation (parce qu’ils sont polysémiques). Par exemple, Ami Ami de Rascal ou plus généralement les albums de Rascal. La difficulté choisie doit néanmoins être vivable : les élèves doivent pouvoir construire dans un délai raisonnable les moyens de la surmonter. Les critères de qualité développés par Jocelyne GIASSON : -­‐
La diversité des niveaux de lecture -­‐
L’intensité : le livre doit susciter des émotions chez le lecteur -­‐
L’honnêteté : Elle dit « un bon livre ne prêche pas » -­‐
Qualité de l’illustration, du vocabulaire… Elle propose un petit questionnaire : Est-­‐ce un livre que je voudrais relire ? Est-­‐ce que je peux s’identifier avec le personnage principal ? Est-­‐ce que je me préoccupe de ce qui peut lui arriver ? Ce livre a-­‐t-­‐il suscité chez moi des réactions particulières (peur, tristesse, joie..) ? Qu’ai-­‐je aimé dans l’écriture et dans les illustrations ? Ai-­‐je le goût d’aller cher un autre livre du même auteur, du même illustrateur ? LA LECTURE EXPERTE Le travail préparatoire du maître réside dans des lectures multiples : la lecture experte4 afin de dégager les points de résistance (la manière dont la compréhension va se construire) mais aussi les éléments de savoir mis en œuvre (les connaissances littéraires que l’élève va pouvoir structurer). D’après Agnès PERRIN5, la difficulté réside dans le fait que chaque œuvre est unique ; elle pense donc qu’aucune grille ne pourrait constituer un outil pertinent et transférable à toute lecture experte. 4 Voir collection des Lectures Expertes sur le site de L’AFL (disponibles à la médiathèque commune) / voir aussi « Qu’est-­‐ce qu’une lecture experte » sur le site de l’AFL 5 Quelle place pour la littérature à l’école ? Agnès PERRIN, RETZ, 2010 Lucie BOUE, CPAIEN AUCH CENTRE ASH Animation Pédagogique « Enseigner la littérature », mercredi 1° avril 2015 Quelques ressources pour choisir les livres et se familiariser avec la littérature jeunesse : -­‐
listes de référence pour les trois cycles sur EUDSCOL mises à jour régulièrement -­‐
collection des Lectures Expertes de l’AFL et autres ouvrages de l’AFL -­‐
les ouvrages de Sophie Van Der Linden -­‐
les catalogues des éditeurs et les brochures éditées par l’Ecole des loisirs -­‐
des revues spécialisées : Citrouille, Hors cadres, La revue des livres pour enfant (disponibles à la médiathèque commune) -­‐
des sites internet : Le blog des libraires du réseau Citrouille, la joie par les livres… Où trouver les livres ? : Médiathèque commune, médiathèque municipale, ADPL (ouvrages en série) LES ELEMENTS LITTERAIRES A ENSEIGNER D’après Catherine TAUVERON •
Des connaissances sur le fonctionnement éditorial (notion de collection, série, recueil, paratexte, adaptation) : le livre met en scène le texte (l’objet-­‐livre). -­‐
Pour rendre les élèves conscients qu’un texte s’inscrit dans un espace : la couverture, le format, la page, l’illustration, la typographie -­‐
Pour rendre les élèves conscients que le texte s’inscrit matériellement dans un ensemble d’autres textes : le texte dans le livre (ce qui relève de la responsabilité de l’auteur, de l’illustrateur de l’éditeur), le texte dans un ensemble (recueil, collection…) •
Des connaissances sur l’acte d’écrire et le processus de fictionnalisation -­‐
Le concept d’auteur -­‐
L’acte d’écrire : Ecrire c’est toujours réécrire, un texte s’inscrit toujours dans d’autres textes (transtextualité). On distingue : l’architextualité (inscription d’un texte dans un genre) ; l’intertextualité (présence d’un texte dans un autre par citation ou illusion) ; l’hypertextualité (reformulation d’un texte source, réécriture, parodie, pastiche, adaptation, transposition, variantes, variations) •
Des connaissances sur la « préhistoire » de l’histoire en cours de lecture Lucie BOUE, CPAIEN AUCH CENTRE ASH Animation Pédagogique « Enseigner la littérature », mercredi 1° avril 2015 -­‐
Connaissances des caractéristiques du genre dans lequel s’inscrit le texte choisi : elle joue comme un horizon d’attente. -­‐
Connaissance de l’intertexte ou du texte-­‐source : elle réclame la participation active du lecteur. La culture littéraire n’est plus alors un signe de distinction mais la condition de la connivence. -­‐
Connaissance de l’univers de l’auteur •
Des connaissances sur les stéréotypes culturels •
Des connaissances sur les mythes et les symboles. Les mythes et les symboles font aussi partie de ces références culturelles communes qui facilitent la compréhension et l’échange intersubjectif. Le maître a ici comme ailleurs un devoir d’acculturation (la configuration imaginaire, le mythe, le symbole, le motif). •
Des connaissances sur les techniques narratives (effet de point de vue, polyphonie, asynchronie, ellipses, relais de narration, construction du personnage : -­‐
La narration et le point de vue : narration à la 1° ou à la 3°P / 2 points de vue possibles : celui du narrateur et celui d’un personnage / degré de savoir du narrateur et le degré de pénétration des consciences des autres personnages qu’il autorise. Relais de narration (ex : L’Enfant océan) / variation de point de vue (ex : Histoire à 4 voix) -­‐
La construction du personnage : le personnage est un objet complexe composé d’ingrédients potentiels (un environnement, un être, un dire, un faire). Comprendre un récit c’est être en mesure de reconstituer la cohérence du personnage, de synthétiser les informations sur le personnage, d’identifier le but du personnage et sa logique comportementale). D’après GIASSON « La connaissance des éléments constituant ces textes facilite le processus d’appréciation ; toutefois, elle ne doit pas prendre pas le pas sur le plaisir de lire » (p128) •
la structure de l’histoire : Comment l’auteur s’y prend-­‐il pour créer la tension dans son histoire ? à les événements / les indices et les sous-­‐entendus (inférences) … Lucie BOUE, CPAIEN AUCH CENTRE ASH Animation Pédagogique « Enseigner la littérature », mercredi 1° avril 2015 •
les personnages : « Comment l’auteur arrive-­‐t-­‐il à présenter un portrait vivant du personnage ? » à Personnage principal / personnage secondaire (adjuvant et opposant) / personnage accessoire, stéréotype de personnages. •
le point de vue ou l’énonciation : L’auteur adopte un point de vue par rapport au monde imaginaire qu’il construit, et ce point de vue détermine comment l’histoire sera racontée. On peut distinguer deux catégories de points de vue : le point de vue à la première personne et le point de vue à la troisième personne. 1°P à narrateur témoin / narrateur personnage 3°P ànarrateur omniscient / narrateur extérieur / narrateur adopte le point du vue d’un personnage (voir projet de l’ADPL sur le point de vue) •
le temps et le lieu : Le temps se rapporte à l’époque, la saison, le moment de la journée mais aussi à la durée des événements. Saisir l’endroit où se déroule l’action permet au lecteur de se placer dans l’atmosphère de l’histoire. Les élèves doivent apprendre à réaliser de quelle manière le temps et le lieu ont un effet sur les comportements des personnages. •
la séquence : L’auteur choisit d’organiser les événements selon une certaine séquence. La séquence la plus courante dans les histoires pour enfants est l’ordre chronologique. •
l’atmosphère et le style : L’auteur crée une atmosphère qui nous fait réagir et éprouver des émotions. Le rôle de l’atmosphère est d’amener les élèves au-­‐delà ce de ce qui est écrit dans le texte. Le climat d’un récit est intimement lié au style de l’auteur à sa façon personnelle d’agencer les mots pour raconter une histoire. Les outils dont se sert l’auteur pour créer l’atmosphère du récit : imagerie / le langage figuratif / la connotation / l’hyperbole / les jeux de mots. L’allusion littéraire / le rythme interne •
le thème : Le thème est le message du livre. Le thème porte sur la signification de ces événements. •
l’illustration : l’illustration soutient et enrichit le texte / l’illustration contraste le texte / l’illustration raconte une histoire parallèle. Lucie BOUE, CPAIEN AUCH CENTRE ASH Animation Pédagogique « Enseigner la littérature », mercredi 1° avril 2015 •
Les procédés littéraires : la rime / l’allitération / l’assonance / l’onomatopée / la répétition / l’inversion / la comparaison / la métaphore. Agnès FLORIN détaille encore un peu plus comment structurer les connaissances sur le personnage : les identifier, comprendre leur statut et le système qui les unit, comprendre leur fonction, leurs intentions, leur manière d’agir, dégager les stéréotypes, construire la notion d’actants (les adjuvants, les opposants …) La compréhension du personnage est primordiale dans la compréhension d’un texte Lucie BOUE, CPAIEN AUCH CENTRE ASH Animation Pédagogique « Enseigner la littérature », mercredi 1° avril 2015 QUELS DISPOSITIFS METTRE EN PLACE DANS LES CLASSES POUR NOURRIR LA CULTURE LITTERAIRE DES ELEVES ? LA LECTURE EN RESEAU Chaque histoire s'inscrit potentiellement dans une toile aux ramifications sans limites. Définition 6 Le réseau littéraire est compris comme un ensemble ouvert de textes que l’on peut rapprocher, comparer selon un angle de lecture qui souligne les analogies, les parentés, les emprunts, les variations, les oppositions, les écarts. L’objectif de la mise en réseaux est de faciliter la compréhension, l’interprétation, l’appréciation du sens, du fonctionnement, des effets des textes d’un corpus. La mise en réseau concertée de textes est un moyen privilégié de construire une culture littéraire. Un livre ne peut prendre racine qu'à partir d'une mémoire culturelle spécifique à chaque enfant. D'où l'intérêt de construire une culture commune dans la classe, afin d'échanger à partir de cette mémoire culturelle commune. L'enfant met en réseaux en ce sens qu'il exprime une relation perçue entre tel livre présenté et d'autres livres précédemment rencontrés. Il compare les éléments du récit : présence d'un même personnage, similitude de la structure narrative (répétitive notamment), thème récurrent… Il fait partager sa propre démarche de pensée en réseaux. Cette manière de penser est au cœur de tout apprentissage. Elle consiste à repérer les analogies et les différences. Sur les textes, la mise en réseaux procède des mêmes principes, elle ne peut être que le fait de l'enfant. L'objectif de ces mises en réseaux est de mieux comprendre les textes et les récits littéraires. Deux types de réseau Catherine Tauveron propose de distinguer deux types de réseaux7 : Des réseaux pour faire découvrir ou structurer le socle des références culturelles communes : 6 TAUVERON Université d'automne « La lecture et la culture littéraire au cycle des approfondissements »
7 Madeleine Couet-­‐Butlen (site EDUSCOL) d’après Catherine Tauveron Lucie BOUE, CPAIEN AUCH CENTRE ASH Animation Pédagogique « Enseigner la littérature », mercredi 1° avril 2015 •
Autour des genres littéraires : mise en résonance du texte lu avec d'autres textes appartenant à la même lignée, pour saisir les normes, les variantes du genre, le degré de conformité ou d'originalité du texte lu (policiers, contes, romans autobiographiques, romans d'aventure, romans historiques… ). •
Autour des symboles particulièrement vivaces dans notre imaginaire collectif (eau, feu, mur, couleurs, saisons…) et présents dans la littérature. •
Autour des mythes et légendes fondateurs de notre société et présents en filigrane dans la littérature de jeunesse (Icare, Ulysse, Jonas…) •
Autour de personnages types, traités dans notre littérature comme des figures, et de l'imagerie qui les accompagne (le loup, la sorcière, le héros invincible.., le vilain pas beau) Des réseaux pour faire identifier des singularités : •
Singularité d'un procédé d'écriture : permet d'aborder avec de jeunes enfants la notion de point de vue, la figure du silence, la place et le rôle du narrateur, le désordre chronologique, le schéma narratif en alternance, la structure répétitive… •
Singularité d'un auteur pour peu que cet auteur ait un univers singulier, permettant de regrouper dans sa production, les œuvres qui s'éclairent mutuellement (en ce qui concerne les albums, Boujon, Solotareff, Corentin, Browne, Ponti… et bien d'autres). La connaissance de l'œuvre d'un auteur permet d'affiner la compréhension, l'interprétation de chacune de ses productions. Les histoires entendues s'inscrivent dans la mémoire ; et deviennent des références. Les enfants s'imprègnent de l'univers langagier de l'auteur, tissent une relation de connivence avec lui, comprennent son intention d'écriture, et par là même, construisent peu à peu la notion d'auteur, si difficile à mettre en place, en repérant les thèmes, les personnages les procédés familiers comme les innovations et les écarts. •
Singularité d'une reformulation (réseaux hypertextuels) qui conduit à regrouper dans le réseau le texte et son intertexte (citations explicites ou allusions, adaptations, réécritures, plagiats, parodies, détournements..). Il s'agit de mieux saisir les clins d'œil adressés au texte source, les variations, les recréations (Le petit chaperon rouge, Les trois petits cochons, Le vilain petit canard…). Lucie BOUE, CPAIEN AUCH CENTRE ASH Animation Pédagogique « Enseigner la littérature », mercredi 1° avril 2015 LES PARCOURS DE LECTURE La mise en réseau des œuvres est l’activité par excellence par laquelle se constitue une culture littéraire. Mais Pierre SEVE8 va plus loin et dit qu’il serait souhaitable de penser davantage cette lecture en réseau en termes de parcours et d’imaginer, sur l’ensemble de la scolarité, la mise en lecture d’une constellation de textes qui se font écho, une sorte d’itinéraire intellectuel autour de la littérature et d’un certain nombre de phénomènes qui relèvent de la littérature. En effet, pour lui, les dispositifs de mise en réseau proposent un corpus de textes tous présentés quasi dans le même temps alors que concevoir d’authentiques parcours sur un temps assez long permettrait au travail de « l’oublieuse mémoire » de s’exercer. De même, pour Jacques CRINON9, les enseignants doivent être attentifs à provoquer des rapprochements avec les lectures antérieures, donner l’habitude aux élèves d’opérer de tels rapprochements, susciter l’envie de lectures personnelles pour prolonger la lecture actuelle et doivent organiser les lectures de l’année en parcours ordonnés. La lecture en réseaux n’est donc pas suffisante, il faut vraiment réfléchir en terme de parcours, de tissage, de programmation (voir fiche parcours littéraire). Il faut passer d’une logique cumulative à une logique associative10. UNE PROPOSITION DE DEMARCHE Répétitions et variations11 Les choix des textes et des œuvres littéraires sont sous-­‐tendus par deux grands principes toujours en tension : répétitions et variations. Par répétitions, on entend qu’il faut donner des repères de travail car c’est par la rencontre répétée avec les mythes, les figures littéraires que l’on peut aider les enfants à se construire des références, mais aussi installer des routines en répétant les mêmes formes de travail. Par variations, on entend qu’il faut diversifier les expériences de lecture car cela représente un moyen d’intéresser chacun. Il faut donc essayer d’appuyer sa démarche pédagogique sur des éléments constants et des 8 SEVE Pierre, Itinéraire intellectuel autour de la littérature, in Animation et Education n°227 9 Enseigner la littérature au cycle 3, Jacques CRINON, NATHAN 10 Voir travaux d’Annie ROUXEL, site EDUCSCOL 11 Voir Jacques CRINON
Lucie BOUE, CPAIEN AUCH CENTRE ASH Animation Pédagogique « Enseigner la littérature », mercredi 1° avril 2015 variables pour d’une part donner des repères de travail et d’autre part diversifier les expériences en lecture : · les constantes : la démarche d’exploitation des livres, la mise en réseau, les outils utilisés… · les variables : les ouvrages choisis (varier genres, formes, auteurs, thèmes...), les entrées dans les parcours, les modalités de présentation et de lecture des livres, les finalités et les productions… Créer une communauté de lecteurs12 Un des rôles de l’enseignant est d’amener ses élèves (tous différents) à former une communauté de lecteurs qui seront intéressés par la littérature. C’est au fil de l’année que la classe se forgera une histoire, une culture, des références communes et que le groupe deviendra une communauté. Il n’existe pas une façon unique de créer un climat qui suscitera chez les élèves ce goût. Cependant ce climat n’est pas le fruit du hasard mais bien la conséquence d’une planification de la part de l’enseignant. Les composantes qui favorisent la création de la communauté de lecture : -­‐ La motivation de l’enseignant -­‐ L’accès aux livres (de qualité) : la bibliothèque municipale, la bibliothèque de l’école (BCD), la bibliothèque de classe -­‐ La lecture à haute-­‐voix aux élèves : J. GIASSON propose des principes dans son ouvrage La lecture, de la théorie à la pratique : bien choisir le livre, présenter le livre, manipuler l’album de façon à laisser voir les illustrations, créer une atmosphère, ajouter des accessoires, varier les lecteurs. -­‐ La lecture personnelle : laisser du temps aux élèves pour lire -­‐ Les discussions en grand groupe et en petits groupes : coin regroupement, tables regroupées…. (mais aussi débats littéraires) -­‐ les réactions écrites -­‐ Les projets de prolongement : rencontres avec des auteurs, productions diverses (avec notamment l’aide des TIC). 12 Voir, les textes littéraires à l’école, Jocelyne GIASSON, chapitre 3 Lucie BOUE, CPAIEN AUCH CENTRE ASH Animation Pédagogique « Enseigner la littérature », mercredi 1° avril 2015 Démarche pédagogique •
Les représentations initiales Dans un premier temps, si cela est possible, on peut demander aux élèves leurs représentations sur le sujet, c’est-­‐à-­‐dire ce qu’ils pensent savoir (par exemple, au début d’un parcours sur un genre, sur un personnage ou sur une thématique). Ces représentations peuvent être recueillies en demandant aux élèves de faire un dessin, de répondre à un questionnaire, ou à l’oral. On peut alors élaborer des tableaux, des listes, une grille de lecture à partir du relevé de leurs représentations : on prend des notes. La grille de lecture sera complétée au fur et à mesure des lectures. Il faut évidemment y revenir tout au long du parcours. Chaque parcours s’appuie sur un livre-­‐pivot qui fait l’objet d’une étude plus approfondie. •
L’horizon d’attente et la première présentation du texte Par la suite, il s’agit de mobiliser les connaissances antérieures des élèves afin de créer un horizon d’attente du texte (informations activées dès la rencontre de l’œuvre et facilitant la découverte de nouvelles informations). Plusieurs modalités peuvent être utilisées pour créer cet horizon d’attente : -­‐
à partir de l’observation des couvertures (première et quatrième) -­‐
d’un extrait (incipit ou excipit par exemple) lu à haute-­‐voix pour les plus petits, -­‐
des illustrations -­‐
des marottes (pour évoquer des questionnements sur les personnages, leurs rôles) -­‐
du nuage de mots13 -­‐
du dictionnaire du texte… 13 voir site wordle : http://www.wordle.net Pour se procurer des textes déjà tapés : http://echo.des.lots.pagesperso-­‐
orange.fr/Litterature_jeunesse/Lots_de_livre/liste_textes_tapes.htm Lucie BOUE, CPAIEN AUCH CENTRE ASH Animation Pédagogique « Enseigner la littérature », mercredi 1° avril 2015 On peut proposer plusieurs entrées à des groupes différents et mesurer ainsi l’écart (on donne par exemple à un groupe les illustrations, à un autre le dictionnaire du texte ou le nuage de mots ; on compare les horizons d’attente) Le texte est ensuite découvert pour la première fois. Catherine TAUVERON propose différents dispositifs comme : -­‐
la lecture linéaire -­‐
la lecture par dévoilement progressif : le texte est découpé en plusieurs fragments. Le découpage correspond aux moments des erreurs d’interprétation sont possibles, à chaque arrêt les élèves émettent des hypothèses et se questionnent sur la suite du récit -­‐
la lecture dans un désordre concerté (par exemple si on veut occulter les données premières) -­‐
la lecture-­‐puzzle (avec les illustrations en maternelle) -­‐
la lecture avec ou sans images (penser parfois à lire des histoires sans montrer les illustrations pour aider les élèves à se faire des images mentales). Maryse BRUMONT quant à elle présente onze modalités de lecture et, parmi elles, certaines semblent davantage convenir à la première présentation du texte : -­‐
la lecture honnête (où il s’agit de restituer une lecture en étant le plus fidèle possible au sens du texte) -­‐
la lecture lexicale (où il s’agit de se servir du classement lexical d’un texte pour confronter sa lecture à celle des autres) -­‐
la lecture à construire (où il s’agit de reconstruire un texte dont chaque élève n’a qu’une partie). Il faut alterner ces modalités afin, comme le développe Maryse BRUMONT, de croiser des capacités de lecture différentes pour construire la compétence de lecteur efficient. En maternelle, on pourra jouer les scènes avec marottes ou marionnettes, lire l’histoire avec un kamishibaï, écouter l’histoire lue par quelqu’un d’autre … Une fois encore, l’enseignant prend des notes, enregistre, filme… Lucie BOUE, CPAIEN AUCH CENTRE ASH Animation Pédagogique « Enseigner la littérature », mercredi 1° avril 2015 •
L’exploration et le questionnement du texte Une fois que le texte est connu des élèves, il s’agit de s’y intéresser plus en détail, d’étudier dans quel genre il s’inscrit, de chercher à comprendre comment il fonctionne et quels moyens l’auteur a utilisés pour aborder son sujet : le ton, les personnages, la structure de l’histoire, le point du vue, le temps et le lieu, le thème, les procédés d’écriture… Ces points ne pouvant être tous abordés lors de chaque texte, on peut choisir une question de recherche spécifique au parcours. De nombreuses modalités peuvent être proposées. Parmi les modalités développées par Maryse BRUMONT, on pourra alors utiliser : -­‐
les niveaux de lecture (où il s’agit de passer du texte lu à la compréhension, puis à l’interprétation) -­‐
la lecture par inférences ou le « Comment se fait-­‐il que ? » (où il s’agit de faire des inférences pour lever les implicites du texte) -­‐
la lecture des blancs du texte (où il s’agit de trouver dans un texte des espaces d’écriture laissés par l’auteur) -­‐
le cercle de lecture (où il s’agit de donner du sens à un texte lu en jouant un rôle bien défini dans le cadre d’un travail de groupe autonome). Il existe une multitude de modalités, il est donc difficile de faire un inventaire. La modalité va être sélectionnée en fonction de la spécificité du texte, du parcours… Ces modalités doivent cependant faire intervenir à la fois l’oral et l’écrit. Catherine TAUVERON propose d’ailleurs de varier les canaux, en utilisant les échanges oraux pour parler des textes, faire parler les textes et se parler sur les textes, le dessin pour exprimer une interprétation (avec les élèves les plus jeunes), les écrits de travail transitoires (des prélèvements, des schémas, des mises en tableau) pour permettre l’élaboration de la pensée et de l’échange des opinions. Il s’agit aussi de mettre en représentation les textes afin d’aider les élèves à mieux les comprendre (voir exemples dans le diaporama). Lucie BOUE, CPAIEN AUCH CENTRE ASH Animation Pédagogique « Enseigner la littérature », mercredi 1° avril 2015 Quelques exemples : •
des activités centrées sur le schéma du récit : « schéma narratif », chaine des événements, la figure de l’histoire, le fil de l’histoire, la carte géographie (peut se faire avec les illustrations en maternelle ou en dictée à l’adulte) … •
des activités centrées sur le personnage : carte de personnage, marottes, sociogramme, carte postale (pour les liens entre les personnages)… •
des activités pour réagir sur les œuvres : les dés, les cocottes … A cette étape également, on prend des notes (sous forme de listes, tableaux, photos, dessins, schémas …etc …). Avec les plus petits, on favorise les tris et des classements. Quand la l’étude de l’histoire est achevée, on reprend toutes les notes et on essaie de faire le point sur ce que l’on a appris grâce à l’étude de ce livre, on essaie de « théoriser », de répondre à la question de départ, de revenir aux hypothèses de départ … On refait la même chose, on s’entraîne... Tous ces éléments servent à mieux comprendre cette œuvre mais aussi les autres histoires et peuvent servir à une production d’écrits, à un projet de prolongement … •
La production finale, les projets de prolongements Elle prend souvent la forme d’une production écrite (réalisée de manière collective ou individuelle) : projet d’écriture (à la manière de), lettre à l’auteur … Cela peut-­‐être aussi une production plastique. On peut aussi « mettre en scène » en faisant intervenir « le corps » : mise en scène de l’album, défilé haute-­‐lecture… On peut réaliser un jeu de société. On peut rencontrer l’auteur. Les TIC peuvent aussi être utilisées pour faire une carte mentale, réaliser un booktrailer, réaliser un film d’animation … Lucie BOUE, CPAIEN AUCH CENTRE ASH •
Animation Pédagogique « Enseigner la littérature », mercredi 1° avril 2015 L’acculturation, la mise en réseaux L’acculturation peut se faire tout au long de la séquence de littérature. La mise en réseau doit être multiple (par exemple à partir du livre Une histoire à quatre voix, plusieurs fils peuvent-­‐
être tirés : des livres du même auteur, des livres qui jouent aussi avec les points de vue, des livres auxquels l’auteur fait référence, des livres d’art). (voir exemple des cerceaux ou de la « toile d’araignée ») Il n’est pas possible de lire entièrement tous les livres, c’est pourquoi il faut impulser les lectures personnelles des élèves. Les réseaux intègrent donc également les lectures personnelles des élèves mais aussi les autres langages (musique, arts visuels …etc…) LES OUTILS Pour tenir à jour une mémoire des œuvres lues : -­‐
Affichages divers (penser à afficher les couvertures, faire des affichages par auteur, par thèmes …) -­‐
Le fil des lectures -­‐
Cahiers (journaux de lecteurs, cahiers de littérature), -­‐
Anneaux de lecture -­‐
Cahiers de lexique en maternelle -­‐
Boites à histoires et boites à raconter -­‐
Collections : pour les plus grands, on collectionne les débuts, les fins, les descriptions de personnages, les descriptions de lieux, les passages que l’on aime bien ; pour les plus petits, on collectionne, les personnages, les lieux, les titres, les couvertures…. Toutes ces collections peuvent être utiles à la production d’écrit. Lucie BOUE, CPAIEN AUCH CENTRE ASH