Pour consulter le journal des cadres et maitrises - Blog CGT-PSL

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ISSN 0240-4265
Perspectives
syndicales
Le journal des cadres et agents de maîtrise cheminots de la CGT
♦› Dossier • P. 4
la sécurité
ferroviaire :
un bien commun !
Offrir aux cheminots la possibilité de parler de
leur travail, de la sécurité ferroviaire (enquête
sécurité) ne garantit pas un plan d’actions
conforme aux attentes et aux besoins. Pour
l’UFCM-CGT, la réforme doit offrir l’opportunité de
réinterroger l’ensemble du système de sécurité.
♦› Entreprise
© Caroline Blanchot
SNCF Réseau
crée la direction
générale Ile-de-France
page 2
♦› R
evendicatif
Retraites
complémentaires :
les financements
existent !
♦› R
evendicatif
Viséo :
l’impact sur RH
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n°373
avril 2015 - 0,8 e
♦› Entreprise
Une gestion du type RATP
pour l’Ile-de-France ?
La direction a décidé de créer une Direction Générale Ile-de-France (DG IDF) à Réseau pour pallier le déficit
d’entretien des 30 dernières années, mettant ainsi en attente les opérations de province et continuant à offrir,
par la même occasion, un marché juteux au privé. Elle a nommé à sa tête l’ex directeur général adjoint de
la RATP : Yves Ramette. L’Ile-de-France devrait donc « servir de laboratoire grandeur nature à la réforme
ferroviaire regroupant les équipes de RFF, de SNCF Infra et de la DCF Ile-de-France. »
Le secrétaire d’Etat aux Transports Alain Vidalies et les dirigeants de la SNCF ont annoncé
un report (de 2015/2016 à 2017) de 15 à 20
chantiers de réaménagement de gares et d’une
demi-douzaine d’opérations de renforcement
de la signalisation. L’Ile-de-France échapperait
à cette logique puisque de nombreux projets
de développement sont programmés simultanément à l’augmentation du niveau de régénération. La création de l’entité DG IDF a été
annoncée dans le contexte d’une augmentation
des investissements sans précédent. Mais
quels vont être les impacts de ces décisions sur
les organisations et conditions de travail des
cheminots ? La création de la DG IDF se réalise
autour de 4 métiers (accès réseau, circulation,
maintenance travaux et ingénierie). Malgré
un rattachement hiérarchique propre à la DG
IDF, ces 4 métiers conservent toutefois une
dimension fonctionnelle dans la mesure où ils
restent en relation avec les métiers nationaux
existants. La création de cette entité est un pis
aller démontrant clairement que la structuration
géographique de l’entreprise ne répond pas aux
enjeux. Dans ce contexte, sous prétexte de remplir les objectifs, sous-traitance et productivité
sont les solutions annoncées.
Un financement qui
augmente… au service
d’intérêts Privés !
La dotation financière de cette structure est
sans précédent. Selon le Directeur Général
de l’IDF, elle passerait de 300 millions d’euros
à 1,7 milliard par an durant les 5 prochaines
2 - Perspectives syndicales - n° 373 - avril 2015
années. Aujourd’hui, 50 % des lignes d’IDF
ont plus de 35 ans. L’amélioration de la qualité
de service doit passer par une remise en état
du réseau et une modernisation de la signalisation. La région parisienne est ainsi érigée
en priorité nationale. Sur l’année 2014, 800
embauches ont été réalisées sur ce périmètre,
principalement des maîtrises et cadres. Le
directeur de la DG IDF annonce des chiffres
similaires pour 2015. Essentiellement dans les
métiers de l’ingénierie projet et de la maintenance travaux. Pour la CGT, cette augmentation de moyens en IDF est surtout due au sousinvestissement de l’Etat depuis trente ans. A
cet égard, les annonces d’embauches restent
insuffisantes au regard des enjeux des prochaines années pour le réseau Francilien, ce
qui traduit une volonté d’augmenter la soustraitance. De plus, ces choix de concentration
des moyens ne doivent pas ralentir les investissements nécessaires en province.
La RATP n’a pas séparé
le GI de l’EF !
La RATP est un EPIC qui travaille sous certificat
de sécurité de la SNCF sans avoir eu à séparer
GI et EF, si ce n’est d’un point de vue comptable.
Contrairement aux revendications de la CGT, la
direction de la SNCF nous a toujours opposé
une fin de non-recevoir sur le sujet, se retranchant derrière des contraintes liées à Bruxelles,
alors que cela relève clairement d’une volonté
délibérée de démembrement de l’entreprise
publique. L’éclatement en trois EPIC distincts va
à l’évidence complexifier le système au sein du
nouveau GPF. En IDF, cette perspective a fortement inquiété le STIF. Pourtant, la création de la
DG IDF ne va pas régler les dysfonctionnements
quotidiens des EIC parisiens (sous-effectifs,
nombreuses demandes de mutations, vétusté
des postes, charges travaux en augmentation
permanente…). Elle ne règlera pas non plus les
problématiques liées au sous dimensionnement
des Infrapôles/Infralog et des Pôles Régionaux
Ingénierie poussés à une externalisation sans
précédent et sans vision.
La création de la DGIDF et la nomination
d’Yves Ramette (ex RATP) orientent la gestion de la circulation en zone dense IDF
vers une gestion par lignes dédiées Transilien. Pour lui, les CCR à venir doivent
être de vrais PCC (type RATP), il souhaite
aussi plus d’interopérabilité et de travail
en commun entre la RATP et la SNCF (DCF
et Transilien). Les conditions de travail
des agents de la RATP du CCU de Denfert-Rochereau ne sont pas rassurantes.
Une partie du financement des travaux en
IDF risque de se faire au détriment ou au
report de travaux prévus en Régions.
Mathieu Vilela
© Caroline Blanchot
Financement :
tout pour l’Ile-de-France !
♦› Editorial
♦› AGENDA
La formule « j’aime l’entreprise » de Manuel Valls
devant le MEDEF, en août dernier, n’est pas passée
inaperçue. Dans son essai, (L’erreur de calcul, Ed. du
© Pascale Lalys
Cerf), Régis DEBRAY note que « la relation du Chef du
gouvernement aux Chefs d’entreprises privées n’est
plus d’utilisation mais de fascination ». Il ajoute que
ce qu’il a vu, « c’est un enfant du siècle transi par
sa grande illusion, l’erreur de calcul qui nous bouche la vue et s’en prend
♦› J ournée de mobilisation
interprofessionnelle
Les organisations syndicales CGT,
FO et Solidaires s’engagent dans un
processus de mobilisation pour une
journée de grève interprofessionnelle
et de manifestation le 9 avril 2015
pour l’emploi, les services publics, les
salaires/retraites/minima sociaux.
à nos vies ». Cette idée se confirme après le vote de la loi Macron, dont
la première mouture osait l’interdiction de communiquer toute information
relevant du « secret des affaires ». Sans l’intervention de l’Ugict-CGT, toute
malversation, corruption ou prévarication liée à la « vie des affaires »
aurait été sanctuarisée. A l’ombre de cette omerta institutionnalisée, des
scandales comme celui d’HSBC auraient été étouffés et la puissance
publique, le fisc, n’auraient pas récupéré 1,1 milliard de caution. De plus, le
♦› C
olloque Ugict CGT
Dans le cadre des 120 ans de la CGT,
l’Ugict CGT organise le 6 mai à la
confédération a Montreuil, un colloque
intitulé : évolution du salariat, des
qualifications, du travail : quelle CGT,
pour quel avenir ?
citoyen/la citoyenne à l’origine de l’information aurait encouru une peine de
5 ans de prison et une amende de 375 000 € ! Nos directions ne se gênent
déjà pas pour sanctionner ou écarter des collègues qui contestent un projet
de réorganisation, dont ils pointent les incohérences et encore plus s’ils
en exposent clairement les dangers. Régis DEBRAY, toujours dans le même
essai, estime que la France « est devenue une grande entreprise », il est
♦› C
onseil National de la Fédération
CGT des Cheminots
La Fédération CGT des Cheminots
tient son conseil national les 12 et 13
mai à Montreuil.
vrai qu’avec la tendance à la marchandisation de l’ensemble des activités
humaines, il ne restera bientôt plus que l’air qui sera gratuit… Mais le
sujet du secret des affaires risque de revenir puisque l’Union Européenne
concocte une directive sur le sujet. L’Ugict CGT, Eurocadres et de nombreux
partenaires lancent un appel contre cette directive. Pour la démocratie et
♦› S
tage national UFCM-CGT
L’UFCM-CGT organise son stage
national à Courcelle la semaine du 8
au 12 juin 2015 (quelques places sont
encore disponibles).
contre la mafia des « affaires », l’oligarchie et son petit personnel politique
à la manœuvre, développons la vigilance et la surveillance citoyenne et
syndicale !
Hervé Pagès
Publication mensuelle de l’Union Fédérale des Cadres et agents de Maîtrise CGT
cheminots - Case 546 - 93515 MONTREUIL CEDEX
Tél. 01 55 82 84 40 - Fax 01 48 57 95 65 - e-mail : [email protected]
♦› R
assemblement Ugict-CGT
L’Ugict-CGT organise à la Défense
un rassemblement des Ingénieurs,
Cadres, Techniciens et Agents de
Maîtrise le 17 juin prochain.
♦› C
onseil National de l’UFCM-CGT
L’UFCM-CGT tient son conseil national
les 23 et 24 juin à Montreuil.
Directeur de la publication : C. Blanchot
Tirage : 6 500 exemplaires
Numéro commission paritaire 1011 S 05854
Dépôt légal 2ème trimestre 2015
Imprimerie : VOLUPRINT, AUXERRE - 03 86 18 06 00
Perspectives syndicales - n° 373 - avril 2015 - 3
© Caroline Blanchot
♦› Dossier
Sécurité, une enquête,
une convention … 3 petits
tours et puis s’en vont ?
L’accident de Brétigny et ceux qui ont suivi ont causé un traumatisme dans la corporation. Il est d’autant plus
profond dans les catégories encadrantes que derrière la communication d’indicateurs de « performance »
plutôt satisfaisants, le ressenti général en matière de sécurité montrait une inquiétude grandissante.
La convention nationale sécurité du 3 février 2015 est loin d’avoir rassuré.
Une situation fragilisée…
S’il est un domaine où il faut savoir rester
humble, c’est bien celui de la sécurité ferroviaire car rien n’est jamais définitivement
acquis. Les accidents, incidents, quasi incidents et autres ESR (évènements sécurité remarquables) nous le rappellent tous les jours
et quelquefois – trop souvent – de manière
tragique. Pourtant, il convient de noter que le
rapport sur la sécurité présenté tous les ans
au CCE ainsi que les audits sécurité réalisés
régulièrement, alertent depuis des années sur
des points faibles récurrents, particulièrement
dans les établissements du matériel et de la
maintenance de l’Infrastructure (documentation sécurité en discordance, non-respect
des procédures, volume et qualité de la soustraitance…) et plus récemment dans les établissements Fret.
…dont les causes sont
connues
L’impasse financière dans laquelle est maintenu le système ferroviaire depuis des décen-
4 - Perspectives syndicales - n° 373 - avril 2015
nies a entraîné une politique de sous-investissement et des économies drastiques (à ne pas
confondre avec la productivité) sur la maintenance du réseau, des installations et du matériel roulant. L’entreprise renonçant même à
effectuer certaines tâches pourtant reconnues
nécessaires : le retard pris dans le débroussaillage des abords l’illustre à la perfection.
Certes, les évolutions techniques ont permis
à la fois une augmentation de la productivité
et une réelle diminution de la pénibilité, mais
elles ont surtout servi à diminuer les effectifs :
20 000 emplois ont disparu en 10 ans. Cette
période est marquée par les restructurations
incessantes, la baisse des formations, le
« turn-over » des dirigeants, des parcours et
cursus de carrière en rupture avec la culture
traditionnelle de l’entreprise et l’augmentation des responsabilités et charges de travail individuelles. C’est sur cet ensemble de
causes que l’UFCM souhaite agir. En premier
lieu, par l’assainissement de la situation
financière afin de définir une politique
d’investissements et de maintenance qui
s’appuie sur les technologies nouvelles
au service de l’homme. En second lieu, sur
l’amélioration des conditions de travail
et des parcours professionnels, le retour
et la stabilisation d’organisations à taille
humaine, le volume et le contenu de la
formation, la reconnaissance des qualifications… car c’est toujours sur l’homme que
la sécurité repose en dernier recours.
Après les accidents,
un plan d’actions
Il faut toujours rester prudent sur les causes
des accidents, pour celui de Brétigny les
enquêtes sont d’ailleurs toujours en cours
puisque les juges en charge de celles-ci ont ordonné un complément d’expertise ferroviaire
et métallurgique le 26 février dernier. Il n’en
demeure pas moins que très rapidement, la
direction annonçait un plan d’actions baptisé
« Vigirail », celui-ci comprenait trois volets :
• Des actions immédiates de vérification des
aiguillages de même type. Une campagne a
été effectuée entre le 14 et le 29 juillet, elle
a été complétée par des observations complémentaires portant sur le comportement
des programmes d’actions de VIGIRAIL, la
publication des résultats sur le ton du satisfecit n’est pas acceptable pour les cheminots
dont la sécurité est à la fois la 1ère valeur et un
motif de fierté. Sans faire de catastrophisme
mais pour être constructifs, nous pensons que
la direction aurait dû faire preuve d’humilité
dans ses présentations des conclusions : tout
ce qui n’atteint pas les 100 % est pour nous un
sujet d’alerte, par exemple :
© Caroline Blanchot
• 3 8 % (40 % chez les managers) des agents
ayant répondu à l’enquête pensent que la
sécurité régresse. Plus de 40 % (dont 1 DET
sur 3) estiment que l’entreprise ne se donne
pas les moyens de ses ambitions en termes
de sécurité. Ainsi, la question de la stratégie et des moyens est clairement posée.
des assemblages complexes que constitue le
type d’appareil incriminé : les « traversées ».
• La création d’un réseau d’experts internationaux avec des experts ferroviaires étrangers suisses et allemands ainsi que d’autres
secteurs industriels susceptibles d’être
concernés par des problématiques en partie
similaires. Par ailleurs, la mise en place d’un
observatoire social « Sécurité et Maintenance » pour associer les organisations syndicales aux différents enseignements tirés
de la catastrophe de Brétigny, ainsi que des
mesures qui seront prises.
• Le plan VIGIRAIL 2014/2017 avec 6 programmes d’actions :
- Poursuivre l’accélération du programme
de renouvellement des appareils de voies,
- Equiper les personnels de maintenance
d’outils de type « tablettes digitales »,
- Déployer des modes innovants de surveillance,
- Renforcer la prévention sur les règles de
surveillance des aiguillages et des éclissages,
- Réinventer les formations avec de nouvelles technologies,
-
Création de la plateforme « Alerte
Express ».
Ils partirent 52 000…
Plus de 52 000 agents, soit 34.5 %, ont répondu
à l’enquête sécurité réalisée du 8 septembre
au 17 octobre 2014. Comme pour l’annonce
• 1 /3 des DU et/ou DPX se sentent mal à l’aise
pour contrôler les agents dont ils ont la responsabilité pour diverses raisons, cela doit
interpeller et appelle des actes concrets en
leur direction en termes de moyens, de formation initiale, de prise de poste…
• L a défiance de toutes les catégories de personnels vis-à-vis de la sous-traitance atteint
un niveau tel qu’il ne peut s’expliquer par un
simple réflexe corporatiste. Cela mériterait
pour le moins que les projets d’entreprise
« Excellence 2020 » et « Réseau 2020 »
soient revus dans leur ambition annoncée
de développer cette sous-traitance.
• La dictature de la ponctualité conduit souvent à une non application stricte des procédures. Le niveau reconnu pose la question de l’efficience du contrôle interne. La
simplification ou l’allègement ne peuvent
être la seule réponse à des problèmes
d’organisation, de manque de moyens et
d’économies de compétences.
Perspectives syndicales - n° 373 - avril 2015 - 5
♦› Dossier
…ils arrivèrent 600 au spectacle
Le 3 février 2015, 600 managers étaient réunis
pour assister au show de présentation du programme « excellence sécurité ». A grand renfort de vidéos et de jingles agressifs, les trois
animateurs Frédéric Saint-Geours, Guillaume
Pépy et Jacques Rapoport ont orchestré la
prestation des 6 candidats au radio-crochet du
verre déformant par lequel sera désormais vue
la sécurité. Le programme prend donc la forme
d’un engagement personnel des deux présidents. Six dirigeants sont responsables d’une
facette du plan « PRISME » présenté dans le
« Temps Réel » du 4 février.
Mme Dalibard est responsable de « Développons un comportement Proactif », M. Krakovitch de « Installons un système d’analyse
par les Risques », M. Solard de « Maîtrisons
les Interfaces entre les entités jusqu’aux établissements », M. Larieu de « Simplifions les
procédures et la documentation », Mme Tilloy
de « Créons les conditions Managériales pour
que chacun s’implique » et M. Longequeue de
« Dotons-nous des outils et des Équipements
à la pointe ».
En conclusion, M. Pépy saupoudrait quelques
moyens et recommandations tels la dotation
de 15 M€ supplémentaires pour débroussailler et entretenir les pistes, l’obligation de
commencer toutes les réunions par un point
« 5 minutes » sur la sécurité, l’utilisation des
méthodes d’excellence opérationnelle pour
la sécurité et la dotation de 100K€ à chaque
directeur d’établissement pour traiter les irritants. Enfin, les postes de pôle sécurité, dans
les branches, dans les activités, dans les
métiers seront obligatoirement des postes à
temps plein.
La réforme offre l’opportunité
de réinterroger l’ensemble
du système de sécurité
Le transport ferroviaire est un mode techniquement complexe et intégré dont la sécurité
est maîtrisable à condition que les rôles et les
responsabilités de chaque acteur intervenant
dans la chaîne soient clairement identifiés.
Au regard des évolutions intervenues ces
dernières années, la démarche engagée par
la direction et la période de mise en œuvre
de la réforme constituent un espace d’intervention syndicale inédit dont nous devons
nous emparer. Jusqu’en 1997, la SNCF, sous
tutelle de l’Etat, était l’acteur central de la
sécurité du système ferroviaire. La question
de la cohérence a commencé à se poser avec
la création de RFF en 1997, et encore davantage depuis quelques années avec l’apparition
de nouveaux acteurs. La réforme, qui se met
en œuvre, traite une partie des dysfonctionnements en réunifiant la gestion de l’infrastructure. Mais d’autres changements méritent un
retour d’expérience pour mesurer l’impact sur
le management du système de sécurité :
• La multiplication des espaces d’intervention
de la puissance publique : si l’État demeure
au centre, les niveaux européen et régional ont acquis une place structurante, soit
comme initiateurs de profondes transformations du paysage ferroviaire français,
soit comme autorités organisatrices.
• L ’émergence d’organismes publics indépendants chargés de la régulation du secteur
(ARAF) ou de la sécurité ferroviaire (EPSF).
• L es évolutions de la SNCF organisée par
branches responsables de la sécurité de
leurs outils de production.
• L ’affirmation de l’indépendance de la DCF
et l’intervention sur le réseau de nouveaux
acteurs (concessionnaires partenaires privés des PPP, OFP sur des lignes fret à faible
trafic…)
• L ’apparition de nouvelles entreprises ferroviaires (29 à fin 2014).
• L a multiplication par deux des travaux
d’infrastructure, faisant intervenir de nombreuses entreprises et introduisant des
contraintes d’accès au réseau.
• L a modification de l’esprit de la réglementation technique européenne, limitée désormais aux objectifs et non aux moyens, à
travers notamment les spécifications techniques d’interopérabilité.
• …
Tout cela ne peut pas être sans effet sur la
gestion des systèmes de sécurité d’autant
plus que les situations de « co-activité » et les
interfaces se sont multipliées. La réforme en
cours confirme la complexité du système et la
présence de nombreux acteurs.
Il faut aussi souligner qu’en donnant davantage
d’indépendance aux activités et encore plus
dans le cadre de séparation en EPIC différents
dont les objectifs sont avant tout financiers, on
crée de nouveaux risques. Par exemple, on peut
avoir tendance à cacher encore plus la vérité, au
vu des conséquences financières potentielles et
donc au détriment de la sécurité.
Dans ce contexte, concevoir la sécurité
ferroviaire comme un bien commun auquel
tous les acteurs doivent concourir est une
nécessité, c’est dans ce sens que l’UFCMCGT entend se saisir de ce moment historique pour intervenir dans la nécessaire
reconfiguration du système de sécurité.
Les directions nous refusent tout débat
sur l’organisation de la production, et ce
qui a trait à la sécurité tout autant que le
reste. Nous pouvons saisir la période pour
aborder ces questions avec nos collègues,
poser des questions concrètes, en particulier sur toutes les carences qu’on laisse
régler par les acteurs locaux.
Alain Prouvenq
6 - Perspectives syndicales - n° 373 - avril 2015
♦› Revendicatif
AGIRC et ARRCO :
les financements existent !
Au cours du printemps 2015, se tiendra une négociation importante autour de la situation
financière de l’AGIRC et de l’ARRCO et par voie de conséquence du financement des
retraites complémentaires. L’enjeu est de taille puisque l’AGIRC compte pour l’essentiel
de la retraite complémentaire des cadres et assimilés et qu’il s’agit de rétablir des équilibres financiers de l’AGIRC et de l’ARRCO particulièrement menacés. Cette négociation
concerne tous les salariés. Et les cheminots au Statut le seront également très vite dans
la mesure où le gouvernement ne cache pas son intention d’étendre aux régimes spéciaux les mesures que les organisations syndicales, patronales et salariales adopteront.
Une négociation pour trouver
un équilibre financier
Les négociations de 2015 ont pour objectif de
rétablir les équilibres financiers de l’AGIRC et
de l’ARRCO, ébranlés par le chômage, l’austérité salariale et le refus de mettre les revenus
financiers à contribution. À ceci s’ajoute le refus
persistant du MEDEF d’accroître les ressources
des régimes à hauteur des besoins. Dans cette
négociation, le débat se polarise autour de
deux possibilités. Abaissement des droits à la
retraite comme le veut le MEDEF ou augmentation des ressources pour financer des retraites
de qualité comme le proposent les syndicats,
notamment la CGT.
Le MEDEF veut réduire
les droits à retraite
1. Reculer l’âge effectif de départ en
retraite : le droit à une retraite à 62 ans
deviendrait fictif parce que les salariés devraient différer leur départ en retraite dans
les régimes ARRCO et AGIRC.
2. Réduire le niveau des pensions. À cet
effet, le MEDEF propose de :
- supprimer la Garantie Minimale de Points
(GMP) accordée à tout cotisant à l’AGIRC,
soit, pour les cadres concernés, une perte
annuelle de pension de l’ordre de 2 089 €
pour 40 années cotisées ;
- remplacer l’ARRCO et l’AGIRC par un régime unique fonctionnant « à cotisations définies ». Le taux de cotisation est fixé « une
fois pour toutes », ce sont les prestations qui
s’ajustent automatiquement à la baisse. Ce
système a conduit en Suède à une baisse de
10 % en 4 ans du montant des retraites.
3. Baisser les futures pensions de réversion qui représentent aujourd’hui 60 % de
la pension du conjoint décédé. Celles-ci permettent pourtant de réduire de 35 % l’écart
de pension entre les femmes et les hommes.
La CGT et son UGICT
proposent d’augmenter
les ressources pour financer
un bon niveau de retraite
Les reculs voulus par le Medef n’ont rien d’inéluctable. Augmenter les salaires, faire baisser
le chômage ou mettre les revenus financiers à
contribution permettraient de financer des retraites de haut niveau. Dans le cadre des négociations, la CGT et son Ugict font 3 propositions
immédiatement applicables qui permettent de
résorber les déficits et de préserver le niveau
des pensions. Nous avons demandé aux services de l’AGIRC et de l’ARRCO de les chiffrer :
1. L’égalité salariale entre les femmes et
les hommes : progressivement réalisée, elle
permettrait un accroissement des cotisations
tel que tout déficit serait effacé à l’ARRCO.
Quant au déficit de l’AGIRC, il serait réduit
d’ici 2040 de 46 %.
2. L’alignement des taux de cotisation
appliqués pour la retraite au-dessus du plafond de la Sécurité sociale sur ceux pratiqués
en-dessous : soit une augmentation de 0,93
point de la part salariale des cotisations
AGIRC pour rétablir l’équilibre financier. Par
exemple, cela représenterait pour un salaire
Bon à savoir
Pour se constituer leur retraite, les cadres
et assimilés cotisent, sur la partie de leur
salaire inférieure ou égale au plafond de la
Sécurité sociale, à un régime de base ainsi
qu’à l’ARRCO, le régime complémentaire de
l’ensemble des salariés du privé. Au-dessus de ce seuil, ils cotisent exclusivement
à l’AGIRC, le régime complémentaire des
cadres. Les cheminots au Statut donc au régime spécial ne sont pas affiliés aux retraites
complémentaires.
mensuel de 4 000 € brut, 7, 72 € de plus
cotisés chaque mois. Cette mesure suffirait à
rétablir l’équilibre financier de l’AGIRC.
3. L’instauration d’une cotisation strictement patronale, au taux de 10 %, sur
les éléments de rémunération non soumis à
cotisation dans les régimes complémentaires
(intéressement, participation, épargne salariale, etc.) : d’ici 2040, les déficits de l’AGIRC
seraient réduits de 24 % et de 74 % pour
l’ARRCO.
La CGT et son Ugict proposent de débattre de
ces propositions avec les autres organisations
syndicales et les salariés. Faisons-nous entendre pour que cette négociation débouche sur
un accord qui garantisse et conforte nos droits
à retraite !
Retrouvez tout le dossier sur : ugict.cgt.fr/agirc
Suivez les négociations en direct sur Twitter
avec #NegoRetraites
Caroline Blanchot
Perspectives syndicales - n° 373 - avril 2015 - 7
♦› Revendicatif
Viséo met RH
sur la touche
et la SNCF hors la loi !
Avec son objectif de « renforcer l’efficacité et le dialogue entre collaborateurs, managers et acteurs RH », Viséo traduit l’obsession de rationalisation de tous les aspects de la vie de l’entreprise et débouche sur un mode de gestion
déshumanisée des salariés. Il tient d’une vision du management qui fait du salarié un produit amené à se « vendre »
sur le marché de l’emploi interne. Cette conception inverse la responsabilité de l’employeur. Il n’a plus à fournir
une activité au salarié qu’il a embauché mais c’est à celui ci de prouver qu’il a une utilité.
Des conceptions arbitraires
des évaluations
« Etre acteur de son projet professionnel, valoriser ses compétences », autant d’expressions
qui traduisaient déjà un effacement de la
responsabilité de la DRH dans la gestion des
compétences des personnels. Viséo franchit
une nouvelle étape dans la « libéralisation »
du marché du travail interne, raccourcit les
circuits de mise en relation de « l’offre et de
la demande » avec pour effet, une déshumanisation des relations professionnelles et une
dérégulation des modes de fonctionnement.
Nul doute que ce nouvel outil trouve sa finalité
dans la recherche d’une réduction de coûts qui
tient lieu de pensée unique dans notre entreprise. Tous ceux qui sont soumis à l’épreuve
de l’EIA ont été informés de la mise en place
de Viséo. Les managers ont découvert que cet
outil allait nourrir les comités de Carrière. Un
reporting de plus pour eux ! La note de présentation aux managers contient de véritables
perles dénotant une conception autoritaire de
l’évaluation des cadres. L’on y découvre ainsi
la nécessité pour un cadre d’« incarner les
valeurs de la SNCF ». Le verbe « incarner » est
très fort et renvoie à un registre de l’engagement qui rappelle des conceptions religieuses.
Quelques lignes plus bas sur la même page,
le document présente les « compétences clés
d’un cadre ». La 7ème retient l’attention : l’adhé-
8 - Perspectives syndicales - n° 373 - avril 2015
concernant l’utilisation de mots lourds de
sens, inscrits sur un document national, servant de référence à l’évaluation de plusieurs
dizaines de milliers de salariés ! Rappelons
que la présence de tels items a fort heureusement été prohibée par des arrêts de la cour de
cassation. Aussi, nous invitions d’ores et déjà
les managers à la prudence, et, a minima, à
se refuser à évaluer un « niveau d’adhésion ».
Avec Viséo, les dirigeants mettent en
œuvre un outil de recrutement déshumanisé, sans surveillance RH, qui va
« classer » les candidats sur la base
d’évaluations arbitraires. Il nous incombe
de mettre en garde nos collègues contre
des orientations malsaines et des évaluations dangereuses, contraires à l’éthique
et illicites.
sion aux orientations de l’entreprise… Ainsi,
non seulement les cadres doivent, dans le
cadre d’activités professionnelles « incarner »
des valeurs, mais ils se voient de surcroit
enjoindre d’« adhérer » aux orientations. Outre
l’incroyable suffisance de cette exigence, qui
amène le malheureux cadre à répondre aux
injonctions à la fois d’une religion et à celles
d’un parti, qui a sérieusement réfléchi à la
manière dont cet enthousiasme de commande
se mesurerait et à l’aide de quels moyens
et méthodes ? Ces expressions cachent (au
mieux) un manque ahurissant de discernement
Marie-Laure Barbu
Hervé Pagès
EIM : les grands oubliés
La mise en place de cet outil va également
affecter ceux qui dirigent les EIM et ceux
qui en relèvent. En effet, la DRH se trouvant
de fait, reléguée au rang des accessoires,
les EIM n’auront plus d’accès privilégié aux
offres de postes, ce qui rendra encore plus
difficile la réalisation de leurs missions de
placement.