Chapitre II – La guerre d’Algérie (1954 – 1962) PBQ : Comment expliquer l'enlisement de la France dans une guerre de 8 ans en Algérie ? A) La situation de l’Algérie en 1954 : une place à part dans l'empire colonial français L'Algérie occupe une place à part dans l'empire colonial français : – c'est une colonie ancienne (conquise en 1830) – c'est une colonie assimilée au territoire français (divisée en 3 départements) – c'est une colonie de peuplement : sur environ 10 millions d'habitants, 1 M sont européens = les « pieds-noirs ». – C'est une colonie riche en ressources agricoles (blé, vignes, agrumes) et, depuis 1954, la France y exploite des gisements de gaz et de pétrole. => Tout cela explique que la France se soit particulièrement « accrochée » à cette colonie. Pour la plupart des décideurs politiques, « l'Algérie c'est la France ». B) 1er novembre 1954 : l’Algérie se soulève contre la métropole (correction de l'étude de documents) 1 – Comment les inégalités coloniales s'expriment-elles sur la photographie ? Les inégalités sociales sont criantes entre les Algériens (Arabes et Kabyles) et les Européens d'Algérie : alors que ces derniers bénéficient d'un relatif confort dans les quartiers « occidentaux » des villes, des places de fonctionnaires, des meilleures terres, la majorité des Algériens survit sur de petites exploitations ou comme ouvriers agricoles sur les grandes exploitations des colons. Une partie d'entre eux émigre vers les villes et grossit les bidonvilles d'Alger et de Constantine. La scolarisation des Algériens atteint seulement 15 %, contre 100% pour les Européens. De plus, au niveau politique, l'égalité n'est qu'apparente : – depuis 1946 les Algériens sont citoyens français et ont le droit de vote à l’Assemblée Nationale. – mais il n'y a pas d’égalité réelle. Les Algériens et les pieds-noirs votent au sein de 2 collèges électoraux distincts, qui désignent chacun le même nombre de députés ! (Donc 9 M d'Algériens = 15 députés, 1 M de pieds-noirs = 15 députés) 2 – Qu'est-ce que le FLN ? Quelles sont ses principales revendications en 1954 ? Le Front de Libération Nationale = mouvement nationaliste sous la direction de Ben Bella, qui demande le retrait français d'Algérie et l'indépendance. Il possède une branche paramilitaire pour la lutte armée, l'Armée de Libération Nationale (ALN). L’Armée de Libération Nationale = L'ALN est le bras armé du FLN. Composé de petits groupes sommairement armés, elle mène des actions terroristes (sabotages, attentats) et de guérilla contre l'armée française. Ahmed Ben Bella (1918 – 2012) – Ancien membre de l’armée française, il fait ensuite le choix d'une lutte armée pour l’indépendance de l'Algérie et participe à la création du FLN. Il est arrêté en 1956 par les services secrets français (voir encadré ci-dessous) et libéré en 1962 au moment des négociations pour les accords d'Évian. Il devient alors Président de la République algérienne. Il est renversé en 1965 par un coup d'État. Le FLN lance l'insurrection à la Toussaint 1954 : le 1er novembre, des sabotages et attentats à la bombe éclatent en divers points du territoire algérien ( = la « Toussaint Rouge » 7 morts) . Ces attentats doivent marquer le début du grand mouvement de libération nationale. C'est le début de la guerre. 3 – Dans quel contexte Pierre Mendès France prononce-t-il ce discours ? Quelle est sa position vis-àvis de l'Algérie ? Doc : Un gouvernement intransigeant « Vous pouvez être certains, en tout cas, qu'il n'y aura, de la part du Gouvernement, ni hésitation, ni atermoiement, ni demimesure dans les dispositions qu'il prendra pour assurer la sécurité et le respect de la loi. Il n'y aura aucun ménagement contre la sédition, aucun compromis avec elle, chacun ici et là-bas doit le savoir. On ne transige pas lorsqu'il s'agit de défendre la paix intérieure de la nation, l'unité, l'intégrité de la République. Les départements d'Algérie constituent une partie de la République française. Ils sont français depuis longtemps et d'une manière irrévocable. Leurs populations qui jouissent de la citoyenneté française et sont représentées au Parlement, ont d'ailleurs donné, dans la paix comme autrefois dans la guerre, sans distinction d'origine ou de religion, assez de preuves de leur attachement à la France pour que la France à son tour ne laisse pas mettre en cause cette unité. Entre elles et la métropole il n'y a pas de sécession concevable. » Discours de Pierre Mendès France, président du Conseil, devant la Chambre des Députés, 12 novembre 1954. Pierre Mendès France est président du Conseil (=premier ministre). Il a conduit le retrait des armées françaises d'Indochine, a donné l'autonomie à la Tunisie et au Maroc. Mais sa réponse aux attentats du FLN est intransigeante : pour l’Algérie, « il n'y a pas de sécession concevable ». 4 – Comparer les points de vue du FLN et du gouvernement français. Pour le FLN, l'Algérie est une nation opprimée par un occupant. Pour la France, l'Algérie est une partie du territoire français, la patrie des Algériens c'est la France. Mais dans les deux camps des oppositions existent. En France, l'opinion est divisée sur la question algérienne. Et parmi les Algériens, certains sont favorables a la présence française, parmi lesquels les « harkis ». Harkis = Algériens qui s’enrôlent dans l’armée française à partir de 1957, dans des sections spéciales, et luttent donc contre le FLN. Ils son soumis à des représailles après 1962. Un acte de guerre : la France organise le premier détournement d'avion de l'Histoire ! Le 22 octobre 1956, les chefs du FLN se rendent à un congrès à Tunis. Les services secrets français organisent le détournement de leur avion. Ils sont emprisonnés jusqu'à la négociation des accords de paix de 1962. Cet événement, fortement décrié par la communauté internationale, accroît la popularité du FLN. A gauche, Ahmed ben Bella. C) Comment la violence de la guerre se manifeste-t-elle en Algérie et en métropole ? (correction de l'étude de documents) La guerre d'Algérie n'a jamais été reconnue comme telle par la France pendant le conflit : on parle « d’événements d'Algérie » pour en minimiser la gravité. Pourtant, la France s'enfonce bien dans une guerre longue et extrêmement meurtrière. D'abord, la France s'enlise dans le conflit en envoyant toujours plus de soldats (120 000 en 1956). En 1956, les appelés du contingent (= les jeunes en âge de faire leur service militaire) sont envoyés en renfort. Ils participent aux « opérations de maintien de l'ordre » (euphémisme!). Pourquoi l'armée française est-elle en difficulté ? La guerre d'Algérie est une guerre de guérilla : son territoire est difficile d'accès, l'ALN opère à partir de « maquis montagnards » (le djebel : Atlas et Aurès) et obtient l'aide d'une partie de la population rurale, qui cache les armes et les combattants dans les villages. Le pouvoir décide alors de laisser carte blanche à l'armée pour décider des stratégies à adopter. Dès lors, l'escalade de la violence est inévitable. 1 – A quels événements l'historien Henri-Irénée Marrou fait-il référence pour évoquer la politique menée par la France en Algérie ? Il fait un parallèle entre les pratiques des nazis sous l'occupation et les pratiques des français dans la guerre d’Algérie. En effet, le contrôle du territoire est difficile. Il convient d'obtenir un maximum de renseignements permettant d'identifier les opposants et les lieux où ils se cachent. Pour cela, toutes les méthodes sont employées, y compris le recours à la torture. D'abord ponctuelle, celle-ci devient générale et est organisée méthodiquement par l'État-major. En 1957, c'est la bataille d'Alger : les parachutistes du général Massu opèrent des interrogatoires systématiques de tous les Algériens, fouillent les femmes voilées, pratiquent massivement la torture pour démanteler le réseau FLN à Alger. 40 % des hommes seraient passés entre les mains de l'armée ! Texte : Un soldat du contingent évoque l'engrenage dans lequel se trouvent pris les " appelés " servant en Algérie. « La guerre d'Algérie, du côté arabe, est une guerre de partisans. Ce sont donc eux qui choisissent le jour et l'heure du harcèlement ou de l'embuscade (...). Pourchassés, ils disparaissent d'un secteur, pour réapparaître longtemps après. Et un soir, à la surprise générale, des quatre coins du poste à la fois, ils tirent sur les sentinelles (...). Des " suspects " sont arrêtés. Un spécialiste s'attaque aux suspects : quelques coups de poings, deux ou trois gifles, des menaces. Ses méthodes soulèvent la nausée et la protestation de ceux qui ont vu. " Nous ne sommes pas des assassins ", disent les appelés. " Mais vous savez de quoi les rebelles sont capables ? " leur répond-on. Ils ont exécuté trois amis de la France, la compagnie voisine a eu deux tués dans une embuscade. Le saviez-vous ? Non, nul ne le savait. Alors, on parle d'efficacité, de sauver des vies humaines, la vôtre peut-être. Ceux qui protestent sont déjà moins nombreux. Tous s'imaginent la gorge ouverte. (...) Le capitaine dit : " On vous a confiés à moi, je veux que vous reveniez entiers. Pour cela, nous devons prendre les fellouzes. Vous savez ce que les rebelles font aux types qui leur tombent entre les pattes ?" Un geste du tranchant de la main à la hauteur de la gorge. Message reçu. » Les patrouilles se multiplient. La fatigue et la peur commencent à agir. Alors quelques-uns bousculent un peu un Arabe. Un salaud, il est de mèche avec les rebelles. Bicots ou bougnoules apparaissent dans le vocabulaire du poste. J.P. Vittori, Nous, les appelés d'Algérie, Stock éd., 1977, p. 241 « Fellouze » = mot d'argot désignant les « fellagas », les combattants pour l’indépendance de l’Algérie. 2- Qui mène la répression et contre qui lors de la manifestation du 17 octobre 1961 ? La guerre d'Algérie a des répercussions en métropole. Pendant la guerre, les Français d'origine algérienne sont soumis à un couvre feu. A Paris, ils organisent des défilés nocturnes pacifiques pour protester contre ces mesures discriminatoires. Le 17 octobre 1961, ces manifestations dégénèrent : la police réprime dans le sang les manifestations : bastonnades, noyades (des manifestants sont jetés dans la Seine). Le bilan est de 150 à 200 morts. 3 – Comment De Gaulle présente-t-il la situation en France en 1958 ? Quel rôle se donne-t-il alors ? De Gaulle se présente comme un homme providentiel qui va à nouveau tirer la France du chaos. La guerre d'Algérie a en effet de lourdes répercussions sur la vie politique française : le 13 mai 1958, des manifestations de pieds-noirs ont lieu à Alger. Les manifestants jugent le gouvernement incapable et trop « mou » face au FLN. Ils prennent d'assaut le siège du gouvernement général d'Alger et demandent le retour du général de Gaulle. Ces manifestations sont soutenues par certains cadres de l'armée française, on craint un coup d'Etat militaire ! Le président René Coty plie devant l’émeute. Il décide de nommer le Général de Gaulle président du Conseil (Premier Ministre). Celui-ci pose en condition de sa prise de fonction, le 1 er juin 1958, le changement de constitution et de régime. C'est le début de la Ve République. => La guerre d'Algérie a donc fait chuter la IV e République. D) Comment l’indépendance a-t-elle marqué les deux rives de la Méditerranée ? Dès sa prise de fonctions, De Gaulle se rend en Algérie pour apaiser les pieds-noirs en colère. Il prononce le 4 juin à Alger la phrase célèbre « je vous ai compris ! » devant une foule en liesse. Mais il oriente rapidement sa politique vers la négociation avec le FLN, et en septembre 1959 il se prononce en faveur de l'autodétermination. Les pieds-noirs considèrent ce revirement comme une trahison. Doc 1 - Affiche de l'Organisation de l'Armée Secrète OAS = Organisation de l'Armée secrète. Elle est créée en 1961 par les plus radicaux des pieds-noirs et des militaires pour empêcher par tous les moyens, y compris le terrorisme, l'indépendance. L'OAS a perpétré plusieurs assassinats de hauts fonctionnaires, et un attentat contre de Gaulle. Doc. 2 - Fac-similé de la dernière page des accords d'Evian (18 mars 1962). Réunis à Evian-les-Bains, en Haute-Savoie, le FLN et l'Etat français signent, le 18 mars 1962, les accords dits d’Evian qui se traduisent par un cessez-le-feu applicable dès le lendemain sur tout le territoire algérien. Soumis à référendum le 8 avril en France métropolitaine, ils sont approuvés par 90% des votants. Les accords prévoient « l'amnistie et la protection contre toute discrimination en raison des actes commis à l'occasion des événements d'Algérie avant le cessez-le-feu ». Doc. 3 - Le rapatriement des pieds-noirs en France Après les accords d'Evian, les pieds-noirs et les harkis sont victimes d'une vague de représailles de la part de membres du FLN. Près d'un million de personnes gagnent une métropole que beaucoup ne connaissent pas. Cette population exilée, et rejetée finalement des deux côtés de la Méditerranée, connaît des difficultés pour s'intégrer en France métropolitaine. On estime à 60 000 le nombre de harkis sacrifiés avant que la France n'organise l'évacuation d'une partie d'entre-eux. Questions : 1 – Doc1. Décrire les différents éléments de l'affiche et expliquer le message de celle-ci. Le FLN est représenté comme un loup hypocrite se faisant passer pour une victime. L'OAS se présente sous la forme d'un soldat, qui prendrait le relais de l'armée légitime pour continuer la lutte que la France a abandonnée. 2 – Doc. 2- 3. En quoi peut-on dire que les accords d'Evian ont été violés ? Les violences contre les Harkis et les pieds-noirs qui interviennent après l'indépendance (on leur propose « la valise on le cercueil ») sont contraires aux dispositions des accords d'Evian (18 mars 1962). Ceux-ci prévoyaient l'amnistie, « l'oubli » des fautes passées. 3 – Doc. 3 – Montrer que la guerre d'Algérie a marqué durablement les deux pays engagés. La guerre d'Algérie continue d’empoisonner les relations franco-algériennes : – les actions de torture menées par l'armée française n'ont été reconnues que sous la présidence de J. Chirac – l'Algérie n'a pas encore reconnu les violences du FLN – les harkis ont été plus ou moins abandonnés à leurs sort (60 000 morts) – pb d'intégration des pieds-noirs et des harkis rapatriés en métropole. La blessure de cette guerre n’est pas encore cicatrisée de part et d’autre de la Méditerranée. ■
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