Cinétique chimique – Chapitre 3 : Contrôle cinétique et contrôle

A. Guillerand – BCPST 1 A
Document de cours
Lycée Hoche – Versailles – 2014/2015
Cinétique chimique – Chapitre 3 : Contrôle cinétique et contrôle thermodynamique des réactions
Plan du chapitre :
I. Contrôle cinétique et contrôle thermodynamique
1. Réactions parallèles non renversables : contrôle cinétique
2. Réactions opposées : contrôle thermodynamique
II. Cas où les deux contrôles peuvent se concurrencer
1. Réactions parallèles renversables
2. Simulations
3. Conclusion sur le contrôle qui s’impose
III. Cas du contrôle cinétique : le postulat de Hammond
1. Principe de la détermination du produit majoritaire lors du contrôle
cinétique
2. Enoncé du postulat de Hammond
3. Applications aux étapes endothermiques
4. Applications aux étapes exothermiques
Notions
Capacités exigibles
Extrait du programme de BCPST 1
Contrôle thermodynamique et contrôle Expliciter les conséquences du contrôle en
cinétique.
synthèse
Postulat de Hammond
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I.
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Contrôle cinétique et contrôle thermodynamique
1. Réactions parallèles non renversables : contrôle cinétique
Pour deux réactions jumelles, non renversables et ayant les mêmes ordres partiels, la
réaction la plus avancée est toujours celle qui est la plus rapide. On remarque qu’à
chaque instant :
Rappelons l’étude des réactions jumelles toutes d’ordre 1 :
Notion de contrôle cinétique
La composition du mélange réactionnel est sous contrôle cinétique, c’est-à-dire
qu’elle est indépendante de la stabilité relative des produits formés : le produit le plus
abondant est celui qui se forme le plus rapidement.
A
:
,
En effet, deux cas peuvent se présenter en termes de chemin réactionnel :
A chaque instant on a :
Une simulation pour
les graphes suivants :
,
,
, permet d’obtenir
Figure 2
Cas 1 :
Le composé est celui qui se forme le plus vite (énergie d’activation la plus faible),
c’est donc le composé qui sera majoritaire et c’est aussi le plus stable.
Cas 2 :
Le composé est celui qui se forme le plus vite (énergie d’activation la plus faible),
c’est donc le composé qui sera majoritaire mais ce n’est pas le composé le plus stable.
Figure 1 : Simulation dans le cas de réactions jumelles d’ordre 1
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Lorsqu’un système est le siège de deux réactions opposées, on observe, quelque soit
l’ordre des réactions, que les réactifs et les produits coexistent dans le milieu
réactionnel, à la fin de la réaction. Le système est donc le siège d’un équilibre
chimique et les concentrations des différentes espèces satisfont à la loi de Guldberg et
Waage :
2. Réactions opposées : contrôle thermodynamique
Rappelons l’étude des réactions opposées toutes deux d’ordre 1 :
A
:
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,
A chaque instant on a :
Soit ici :
Un équilibre chimique est un équilibre dynamique : le système est toujours le siège
des deux réactions opposées, mais les espèces fournies par l’une sont consommées par
l’autre de manière à ce que la composition du système ne varie pas au cours du temps :
Une simulation pour
,
,, permet d’obtenir les graphes suivants :
,
Et :
Notion de contrôle thermodynamique :
La composition du mélange est sous contrôle thermodynamique elle traduit la
stabilité relative des espèces présentes dans le milieu.
Figure 3 : Simulation dans le cas de réactions opposées d’ordre 1
Figure 3
est l’espèce la plus stable mais c’est aussi celle qui se forme le plus vite : l’énergie
d’activation de la réaction ( ) est plus faible que celle de la réaction ( ).
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Ces équations sont valables pour un temps suffisamment long, afin que l’équilibre
puisse s’instaurer.
II. Cas où les deux réactions peuvent se concurrencer
1. Réactions parallèles renversables
On considère une réaction en solution où le réactif
peut conduire de manière
renversable à la formation de deux produits différents
et , tous les constituants
physicochimiques étant dissous. Chacune des équations est caractérisée par sa
constante standard d’équilibre
et
. Les constantes de vitesses correspondantes
,
et
sont répertoriées sur la figure 5.
Il faut maintenant s’intéresser à l’établissement de cet équilibre et à l’évolution des
concentrations des espèces chimiques. Pour cela nous allons étudier des simulations
pour différentes constantes spécifiques de vitesse.
Figure 5 : Système cinétique étudié
Au bout d’un temps suffisamment long le système atteint un état d’équilibre
thermodynamique :
D’un point de vue cinétique :
et
, soit :
et
D’un point de vue thermodynamique :
et
Avec :
et
Notons un point important : on peut calculer le rapport des concentrations des deux
produits obtenus à l’équilibre thermodynamique. En effet,
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2. Simulations
a. Premier exemple : cas où les contrôles coïncident
On étudie dans un premier temps un système dont les constantes cinétiques sont :
On détermine alors :
et
ainsi que
Les graphes des évolutions temporelles sont tracés pour
(figure 7), pour une concentration initiale en réactif
de
(figure 6) et
.
Figure 7 : Temps d’observation de 1000 s
On constate :
 Au bout d’environ 400 s, il n’y a presque plus de réactif R,
 Au bout de ce laps de temps,
et
,
 Après
s, les concentrations ne semblent plus évoluer. On peut donc
proposer :
et
é
é
Ces résultats concordent avec la loi de Guldberg et Waage :
Figure 6 : Temps d’observation de 400 s
donc le produit
est obtenu majoritairement lorsque l’état d’équilibre est atteint.
Ce produit est le plus stable mais c’est aussi celui qui se forme le plus rapidement
est la plus grande des constantes de vitesse. Le contrôle thermodynamique coïncide
donc avec le contrôle cinétique.
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b. Deuxième exemple : cas où les contrôles ne coïncident pas
On étudie dans un second temps un système dont les constantes cinétiques sont :
On détermine alors, exactement comme pour le cas précédent,
et
ainsi que
La thermodynamique des réactions n’est donc pas modifiée par rapport au cas
précédent.
Les graphes des évolutions temporelles sont tracés pour
au bout duquel il ne reste presque plus de réactif.
(figure 8), temps
Figure 9 : Temps d’observation de 200 s
Figure 8 : Temps d’observation de 40 s
On constate alors un résultat bien différent au cas précédent : au bout de
s,
et
, alors que la thermodynamique prévoyait
et
. Il est donc clair que l’évolution
temporelle du système n’est pas terminée : bien qu’il ne reste presque plus de
réactif, l’état d’équilibre thermodynamique n’est pas encore atteint.
Analysons alors le même système mais en laissant la réaction se poursuivre jusqu’à
s (figure 9) puis
s (figure 10)
Figure 10 : temps d’observation de 5000 s
Le graphe 9 permet de constater effectivement que la concentration en , après avoir
été croissante, redevient décroissante, jusqu’à atteindre en définitive
= 0,09
mol.L−1 (figure 10). La concentration en continue lentement sa phase de croissance,
jusqu’à atteindre
. Il a simplement fallu attendre plus longtemps
l’état d’équilibre thermodynamique.
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Autrement dit, le produit
est le moins stable (point de vue thermodynamique), mais
il se forme le plus vite. Le produit
est le plus stable, mais il se forme lentement.
Mais comme le produit peut se re-transformer en par le processus de constante de
vitesse
, il va en définitive permettre de former le in fine le produit (figure 11).
Pour le processus
Si est le produit le
plus stable, et celui
qui se forme le plus
vite
Si est le produit
qui se forme le plus
vite, et est le
produit le plus stable
sera le produit majoritaire
dans tous les cas de figure
1
sera le produit majoritaire
si on arrête « tôt » la réaction
sera le produit majoritaire
si on arrête « tard » la réaction
2
3
Tableau 1 : Contrôle cinétique et contrôle thermodynamique
Figure 11 : Influence de la renversabilité des réactions s
3. Conclusion sur le contrôle qui s’impose
Un des objectifs du chimiste est de récupérer le plus de produit possible. Lorsqu’il est
confronté à une situation comme celle du second cas, le contrôle temporel de la
réaction est important ; s’il désire récupérer beaucoup de produit qui se forme le plus
vite, il doit interrompre la réaction (par exemple par une trempe) au bout d’un certain
temps (ici
s). Si par contre il désire récupérer un maximum de produit le plus
stable, il doit être patient et attendre plus longtemps.
On constate donc, que lorsqu’un réactif peut conduire à deux produits différents, ces
deux produits ne sont pas forcément obtenus dans les mêmes proportions. Ces
proportions vont dépendre de deux facteurs :
 le facteur thermodynamique, c’est-à-dire la stabilité relative des deux produits
obtenus ;
 le facteur cinétique, c’est-à-dire la vitesse relative d’obtention de ces deux
produits.
Si le produit le plus stable est aussi celui qui se forme le plus vite, il n’y a pas de
problème : c’est celui qu’on obtiendra majoritairement dans tous les cas de figure.
Dans le cas contraire, le résultat final va dépendre de l’instant auquel on décide
d’arrêter la réaction, de la traiter et d’isoler les produits. Les résultats sont résumés
dans le tableau 1.
 dans le cas 1, on dira que le contrôle cinétique coïncide avec le contrôle
thermodynamique,
 dans le cas 2, on dira qu’on a interrompu la réaction alors qu’elle est sous
contrôle cinétique,
 dans le cas 3, on dira qu’on a interrompu la réaction alors qu’on a finalement
atteint le contrôle thermodynamique.
Voici les cas usuels de contrôles :
 En chimie organique : la plupart des réactions en chimie organique seront
effectuées sous contrôle cinétique car il faudrait attendre beaucoup trop
longtemps pour espérer atteindre le contrôle thermodynamique. Autrement dit, en
général, en chimie organique, on obtiendra majoritairement les produits qui
se forment le plus vite ! Si ce sont aussi les plus stables, alors le contrôle
cinétique coïncide avec le contrôle thermodynamique (rare), sinon, on n’obtient
pas (ou peu) les produits les plus stables. Il y a quelques exceptions notables, dont
les plus marquantes sont les réactions d’estérification et d’acétalisation qui seront
développées dans le cours de chimie organique.

En chimie des solutions aqueuses : (réactions acide-base, de précipitation et de
complexation), on atteint presque toujours le contrôle thermodynamique, car
les réactions sont très rapides. Il est à noter que certaines réactions
d’oxydoréductions sont rapides, d’autres lentes : le choix du contrôle se fera donc
au cas par cas.
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III. Cas du contrôle cinétique : le postulat de Hammond
1. Principe de la détermination du produit majoritaire lors du contrôle
cinétique
Principe :
Le produit majoritaire sous contrôle cinétique est donc celui pour lequel le chemin
réactionnel possède l’énergie d’activation la plus petite, c’est-à-dire celle qui passe
par l’état de transition le plus stable. Il faut donc comparer la stabilité relative des
états de transition.
Remarque importante : Lors de réactions composées de plusieurs actes élémentaires,
il faut raisonner sur l’étape qui impose sa vitesse à la réaction : l’étape cinétiquement
déterminante.
2. Enoncé du postulat de Hammond
Il est impossible de déterminer la structure d’un état de transition, puisqu’il n’est pas
isolable, donc pour en avoir une idée on fait appel au postulat de Hammond.
Figure 12 : Cas des états de transition tardifs
Ainsi, le postulat de Hammond dans ce cas exclut la situation de croisement des
chemins réactionnels (figure 13), car cela signifierait que l’état de transition 1, étant
plus proche en énergie de l’intermédiaire 2, ressemblerait structurellement plus à
l’intermédiaire 2, donc il n’est pas logique qu’il conduise à l’intermédiaire 1.
Postulat de Hammond
Si deux états apparaissent successivement au cours d’un processus réactionnel et
possèdent une énergie proche, leur interconversion ne requiert qu’une faible
réorganisation de la structure moléculaire. (Les deux états ont une structure
moléculaire proche).
3. Applications aux étapes endothermiques
Dans le cas des étapes endothermiques, on parle d’état de transition tardif, c’est le cas
le plus fréquent quand l’étape considéré permet de former un intermédiaire réactionnel
peu stable. Les niveaux d’énergie des états de transition sont proches des niveaux
d’énergie des intermédiaires réactionnels auxquels ils conduisent (figure 12).
Corollaire du postulat de Hammond dans le cas d’état de transition
précoce :
Le niveau d’énergie de l’état de transition est proche du niveau de l’intermédiaire
réactionnel auquel il conduit donc la structure de l’état de transition est proche de
celle de l’intermédiaire réactionnel.
Figure 13 : Hypothèse de non croisement des chemins réactionnels
Conséquence sur l’analyse des produits majoritaires :
Pour comparer deux chemins réactionnels différents il faut comparer les structures
des intermédiaires réactionnels pour déterminer leur stabilité relative et en déduire la
stabilité relative des états de transition correspondant.
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4. Applications aux étapes exothermiques
Dans le cas des étapes exothermiques, on parle d’état de transition précoce. Les
niveaux d’énergie des états de transition sont proches des niveaux d’énergie des
réactifs (figures 13 et 14). En général ces étapes n’aboutissent pas à des intermédiaires
réactionnels mais aux produits.
Corollaire du postulat de Hammond dans le cas d’état de transition
précoce :
Le niveau d’énergie de l’état de transition est proche du niveau des réactifs donc la
structure de l’état de transition est proche de celle des réactifs.
Figure 14 : Croisement des chemins possibles
Conséquence sur l’analyse des produits majoritaires :
Pour déterminer le produit majoritaire il faudra analyser l’approche des réactifs
permettant de former et celle permettant de former . Le raisonnement ne dépend
pas de la stabilité relative des produits obtenus à l’état final.
Figure 13 : Cas des états de transition précoces
Le postulat de Hammond dans ce cas n’exclut pas la situation de croisement des
chemins réactionnels (figure 14). Le croisement correspond à un cas où le contrôle
thermodynamique et le contrôle cinétique n’aboutit pas au même résultat.
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